vendredi 31 août 2012

La conjuration des imbéciles John Kennedy TOOLE ( Roman Etats Unis )


couverture
                                                 La Conjuration des Imbéciles

   
            Parmi quelques livres au destin improbable " La Conjurations des imbéciles ". A ne pas manquer
            La Nouvelle-Orléans " ... elle ressemble à Gênes ou à Marseille... " Ignatus J. Reilly gros homme "... lèvres pleines, boudeuses... " ne quitte pas sa casquette verte observe. Critique. L'intelligence la lucidité ne font pas bon ménage avec l'originalité. L'auteur Kennedy Toole ne convainquit aucun éditeur de son vivant. Son héros Gargantuesque, maniaque, admirateur de Boèce, vit avec sa mère à trente ans dépassés dans une toute petite maison. Lorsqu'il ne sort pas, enfermé dans sa chambre couverte de détritus il note " ... Schiller avait besoin pour écrire de l'odeur des pommes qu'il mettait à pourrir dans son bureau... " . Certains jours le moindre évènement tourne au drame "...  Une déesse aveugle nous tient ficelés à une roue et notre chance est donc cyclique... " Ignatus est un " anachronisme. " Il refuse de travailler après un essai malheureux dans l'enseignement, nourri par sa mère de douzaine de gâteaux, elle le pousse à trouver un emploi. Couple improbable, elle souffre d'arthrite au coude il est victime de son anneau pylorique bloqué à la moindre contrariété. Il travaille un temps dans une usine de pantalons. Charmant et odieux, hautement fantaisiste un imbroglio de situations amène le patron à finalement régler ses comptes avec son père. Puis notre héros vendra des hot-dogs poussant une saucisse remplie du matériel qui le nourrit confortablement, parcourant le quartier français et quelques rues où il s'égare parfois, repose ses pieds douloureux assis au bord de trottoirs et s'emmêle dans de nouvelles aventures où une hôtesse  "... Folles Nuits a des lèvres coralines " veut devenir chanteuse accompagnée de son perroquet. Et l'on découvre que le chef de la police pousse ses employés à augmenter le nombre des arrestations pour cela l'un d'eux Mancuso sous différents déguisements suit Ignatus persuadé de bientôt découvrir ses activités louches. Peut-être. Sournois et candide Ignatus. Jaloux des nouveaux amis de sa mère l'un d'eux voit des " communisses " partout. Lui-même n'a qu'une amie Myrna jeune newyorkaise, libre et aventureuse, il lui écrit  " ... mon attitude fermement restrictive à l'égard de la sexualité... ". Mais Ignatus se dit "... soldat des idées... " aime viscéralement le cinéma, ne rate aucun film tout en savourant du pop-corn, il donne haut et fort son opinion "... Saleté... comment a-t-elle l'audace de se faire passer pour vierge... Puis vint une scène d'amour... Il sentit l'hystérie monter en lui...La scène est tournée à travers plusieurs épaisseurs de toile à beurre.... Qui pourrait imaginer à quel point ces deux-là doivent être ridés et répugnants... " Tant de tribulations énervent sa mère et conseillée par ses nouveaux amis " ... tu crois pas qu'tu s'rais p'tête heureux si t'allais prendre un peu d'repos à l'hôpital de la Charité ?... - Ils essaieraient aussitôt de faire de moi un crétin, amateur de télévision, de voitures neuves... La psychiatrie c'est pire que le communisme... " La farce tourne en dérision la société, les personnages sont attachants. La " paralysie névrotique et ...  désir de paix... au milieu des hostilités... " Un regret, que l'auteur n'ait pu écrire une suite à cette époustouflante satire, Pullitzer. John Kennedy Toole s'est suicidé à trente et un ans, désespéré par les refus des éditeurs.







jeudi 30 août 2012

Kol - Nidre Moshe-Leib Halpern ( Poèmes Anthologie de la poésie Yiddish





                                                   Kol - Nidre

                                    Le vieux clown de Karach-Hamba, par habitude
                                    Coupait dans son café quelques oignons.
                                    Je me sens triste, alors je me conte une fable
                                    Avec le chant de Kol - Nidre dans l'ombre.

                                    Ses yeux rouges, bizarrement,
                                    Clignaient longtemps sur la tasse d'argile ;
                                    Avec une simple cuiller de bois
                                    Il mangeait ses oignons en buvant son café.
                  
                                    Sept jours de pluie d'automne à la fenêtre
                                    Ne sauraient autant évoquer la mort
                                    Que la pauvreté qui se lamentait,
                                    Qui s'échappait, sanglot, de son potage.

                                    Je m'en irai où mes aïeux s'en furent
                                    Disait la bouche ouverte à la cuiller,
                                    Ma femme Baleike déjà s'y trouve,
                                    Je m'en irai où mes aïeux s'en furent.

                                    Et les morceaux d'oignons sur la cuiller
                                    Avaient l'air de perles brisées,
                                    Ils rappelaient aussi le tabac jaune
                                    Et les doigts maigres sur les cordes.

                                    Dans sa robe d'au moins sept aunes
                                    Dansait Baleike face à son fiancé,
                                    Que crois-tu donc clown de Karach-Hamba,
                                    C'est seulement mon chant de Kol - Nidre.

                                    La tasse de café est chaude encore
                                    Comme mon coeur, aveugle de naissance,
                                    L'oignon que l'on coupa est aussi dur
                                    Que ma mélancolie dans l'ombre.


                                                                                          Moshe - Leib Halpern
                                                                               ( 1886 Zloczow Galice - 1932 NewYork )
                                                                           Peintre d'enseigne à Zloczow il connut une vie précaire
                                                                                                    à NewYork et au Canada puis écrivit dans divers journaux.

dimanche 26 août 2012

Lettres à Madeleine 44 Apollinaire





       Guillaume Apollinaire
                                                Lettre à Madeleine

                                            Le 17 novembre 1915 Apollinaire écrit une courte lettre à Madeleine, lui
                              signale l'envoi du dernier numéro du Mercure et " ... Je suis content que les alliances
                              aient parcouru victorieusement les mers et que nous portions l'un et l'autre nos alliances..
                              ... Je suis inquiet car je ne vois pas bien les choses d'ici et je me demande comment on a
                              assuré la défense des ports comme Oran... "


                                                                                                      18 novembre 1915

            Mon amour, nous sommes maintenant définitivement en position. C'est sans regret que nous avons laissé l'échelon horrible car on y gelait ou y dormait dans l'eau. En effet, lors de l'attaque ( de Tahure, note de l'éditeur ), s'étant avancé trop vite et aussi parce qu'on pensait aller bien au-delà, l'échelon avait abandonné tout ce qui n'était pas réglementaire et depuis ça été le diable de trouver des matériaux. Puis figure-toi la pluie et la neige sur tout les pauvres soldats n'ayant que leur toile de tente. Moi j'ai été dans un vieux gourbi qui avait l'air d'une crèche comme on en fait dans les églises pour la Noël.
            Finalement hier on a filé dans la nuit dans la neige, trous d'obus, puis les tranchées boches le paysage changeant soudain, enfin de grands arbres décharnés et souvent brisés c'est vrai mais de grands arbres puis le lieu célèbre, défoncé montueux plein de sapes, la position de nos pièces et à 200 m. de nos pièces nos abris fabriqués par les Boches, voici mon nouveau gourbi ( un de mes hommes couche à notre cuisine ) . Cet abri est très bien et je l'aime bien, pour moi c'est le plus agréable que j'ai trouvé jusqu'ici.J'ai
trouvé tout fait. Sauf naturellement le banc et la table. Il y en a une grande, mais pour être à part je me suis
 fabriqué une banquette table. Je me mets à cheval et j'écris très bien comme ça et
ce n'est pas embarrassant.
            Autour de nos abris, s'étend un grand cimetière allemand dont presque toutes les tombes datent de février, j'en relèverai les inscriptions. Il y a tout un art singulier des tombes, des plaques de marbre, que sais-je, on dirait un décor pour Hamlet. A côté un petit cimetière français d'artilleurs car ça pleut dru par ici. En septembre on a saisi ici toute une organisation boches et les soldats y surprirent un colonel allemand qui était dans la cagnât où est notre poste téléphonique, il refusa de se rendre et ils le tuèrent et qui était avec lui quand ils entrèrent, la lutte achevée, le colonel était boche et deux jolies femmes qui étaient là avec lui.
            Voilà amour à peu près tout ce que je peux te dire aujourd'hui de ce pays singulier et pittoresque on dirait des Vosges. Beaucoup de fusils encore et des tas de débris.
            Dans mon lit seul au coin je suis bien et me fais une alcôve séparée au moyen d'une toile de tente. J'y pense à toi infiniment, mon amour tant chéri. Je crains qu'on ne nous laisse pas longtemps ici. C'est cependant embêtant de se déplacer tout le temps en hiver ou presque hiver.

                                                                Chevaux de Frise

            Pendant le blanc et nocturne novembre
            Alors que les arbres déchiquetés par l'artillerie
            Vieillissaient encore sous la neige
            Et semblaient à peine des chevaux de frise
            Entourés de vagues de fils de fer
            Mon coeur renaissait comme un arbre au printemps
            Un arbre fruitier sur lequel s'épanouissentl  les fleurs de l'Amour

            Pendant le blanc et nocturne novembre
            Tandis  que  chantaient épouvantablement les obus
            Et que les fleurs mortes de la terre exhalaient leurs mortelles odeurs
            Moi je décrivais tous les jours mon amour à Madeleine

            La neige met de pâles fleurs sur les arbres
                           Et toisonne d'hermine les chevaux de frise
                                     Que l'on voit partout
                                               Abandonnés et sinistres chevaux muets
            Non chevaux barbes mais barbelés
                                     Et je les anime tout soudain
                                              En troupeau de jolis chevaux pie
            Et ils vont vers toi comme de blanches vagues
                                              Sur la Méditerranée
                                     
                                   Et t'apportent mon amour

            Roselys et panthère ô colombes étoile bleue
                                        Ô Madeleine
            Je t'aime avec délices
            Si je songe à tes yeux je songe aux sources fraîches
            Si je pense à ta bouche les rose m'apparaissent
            Si je songe à tes seins le Paraclet descend
                                     Ô double colombes de ta poitrine
            Et vient délier ma langue de poète
                           Pour te redire : je t'aime

            Ton visage est un bouquet de fleurs
                              Aujourd'hui je te vois non Panthère
                                      Mais Toutefleur
            Et je te respire Ô Ma Toutefleur
            Tous les lys montent en toi comme des cantiques d'amour et d'allégresse
            Et ces chants qui s'envolent vers toi
                              M'emportent à ton côté
            Dans ton bel Orient où les lys
            Se changent en palmiers qui de leurs belles mains
            Me font signe de venir
            La fusée s'épanouit fleur nocturne quand il fait noir
                             Et elle retombe comme une pluie de larmes amoureuses
           De larmes heureuses que la joie fait couler
                                     Et je t'aime comme tu m'aimes
                                     Madeleine

            Mon petit amour chéri je t'adore, et je voudrais te le prouver charnellement, dans ma petite alcôve. Je voudrais avoir sur moi ton joli poids de pétales parfumés de roses. Je voudrais t'aimer aujourd'hui toute vêtue comme sur la photo envoyée par Anne, te piller, te trousser pour dire le mot et t'aimer aussi comme un cavalier pressé que le bouteselle empêche de s'attarder et t'aimer en pleine nature debout. Je t'enlace amoureusement et tandis que je cherche d'un doigt inquiet le parvis, tu prends toi-même la belle fleur et l'abaisse comme tu peux vers la porte et puis nous nous tordons debout et enlacés comme une colonne torse. Ma Toutefleur, je prends ta bouche.

                         
                                                                                                           Gui
                     
                                                                                                                                                                                                                                                            
                                                                                                                                                
                                  



           

vendredi 24 août 2012

Poème Apollinaire adressé à Cocteau ( Poésie France )



                                         
                                      Apollinaire se marie le 2 mai 1918. Cocteau rencontré en 1917 avec qui depuis il
                             entretient une correspondance envoie à cette occasion à sa femme une statuette
                             égyptienne se référant à un poème extrait du Bestiaire d'Apollinaire

                                                        Le Chat

                                            Je souhaite dans ma maison :
                                            Une femme ayant sa raison,
                                            Un chat passant parmi les livres,
                                            Des amis en toute saison
                                            Sans lesquels je ne peux pas vivre.


                                        Au cadeau Apollinaire affecté au Bureau de la Presse du Ministère des
                              Colonies depuis le 21 avril 1918 répond à Jean Cocteau par un poème

                                                     

                                            L'égyptiaque petit dieu
                                            Qu'à sa femme vous envoyâtes
                                            Se dresse à présent au milieu
                                            Des dieux nègres et leurs cantates

                                            Muettes s'élèvent en choeur
                                            Je les entends j'ai fine oreille
                                            Ce choeur des dieux touche mon coeur
                                            Je veux le transcrire à merveille

                                            Mon cher Cocteau venez me voir
                                            C'est maintenant aux colonies
                                            J'y suis le matin et le soir
                                            Protégé par les dieux de mes Mauritanies

                                            Et que vous dirais-je de plus
                                            Vous me lirez l'hiéroglyphe
                                            Et les deux A que j'ai bien lus
                                            Dont les épaules il s'attife

                                            Nous parlerons de vos projets
                                            De l'Egypte ou bien de l'Asie
                                            Et de tous les dieux nos sujets
                                            A nous rois de la poésie.


                                                                                         Apollinaire
                                                         ( correspondance Cocteau Guillaume Apollinaire )
                               

jeudi 2 août 2012

Lettres à Madeleine 43 Appolinaire



picasso apollinaire et leurs amies   marie laurencin
                                                                  Lettre à Madeleine

                                         Le 13 novembre Apollinaire " très inquiet de tous ces transports coulés en Maditerranée. Ces sacrés boches font donc ce qu'ils veulent dans  notre mer. " Il poursuit sa lettre par
des considérations amoureuses " ... Je te dévore et te redévore. Tu es mon adorable amour bleu. J'adore
tes dents et aussi tes yeux pers de petite Minerve ferme et sage et forte, tes yeux glauques, tes yeux qui sont
un pré ensoleillé. Et j'adore tes gencives très rouges. J'adore ton rire et ton sourire qui découvrent tes gencives. J'entends tes morsures à mon oreille... Pour en revenir aux Sadia Lévy, je le connais bien, nous avons longtemps été confrères dans des petites revues, mais nous n'avons jamais été intimes. D'autre part, je t'avertis pour éviter les commérages, qu'ils connaissent Marie L...qu'ils ont vue souvent avec moi et plus souvent que moi aussi, car ils allaient à son jour où je n'allais jamais. Elle a fait le portrait des trois. Père mère et fillette, sur une même toile, je crois même que ce tableau a été acheté par un Boche. Au demeurant je ne crois pas qu'ils fassent beaucoup de commérages. Mme Sadia Lévy m'a toujours paru une très bonne femme, un peu sourde. C'était un bon ménage. Mais lui est trop exclusivement sacerdotal. Il est fait pour vivre en lévite et ne comprend à mon sens pas grand-chose à l'univers qui l'entoure. Il est littérateur loin de la vie et très limité. Ses goûts artistiques sont périmés. Mais c'est je crois un brave homme. Cette guerre m'a l'air de se dérouler mal, mon amour. Cependant le ministère actuel est mieux et le ministère de la guerre est enfin quelqu'un. Je souhaite qu'il soit temps encore pour qu'il montre son génie, car il en a à mon avis et d'après ce que j'en sais. La description de ton lit me plaît m'amour. Il est très bien. J'adore comme toi les très grands lits... " Le texte s'achève sur " Le 10è Poème Secret
                                                               
                                                                     
             Ecrit le 14 novembre pour partir le 15 --

            C'est ton jour de naissance aujourd'hui mon amour et c'est aussi le premier jour de neige ici. Tout ce qui n'était pas blanc et Dieu sait s'il  y a du blanc dans ce pays de craie terriblement remué par plus d'un an de guerre, a blanchi tout à coup et tout est blanc comme ton corps exquis maintenant. Je baise ton front chéri, tes cheveux noirs et tout toi qui es adorable. J'ai fait le calcul du temps qu'il faudra pour que j'aille en permission : 4 mois encore environ, un peu moins, peut-être même la chose se fera-t-elle plus vite, mais ce n'est pas sûr étant donné la parcimonie des permissions dans notre régieon. Il y a des régions où les soldats partent déjà en permission pour la 2è fois. L'hiver est là , assez dur avec des gendarmes qui empêchent de couper du bois. C'est bizarre cette guerre administrative, réglée comme du papier à musique. Cependant il semble que vaguement un tout petit espoir de paix commence à se dessiner dans les limbes des destins d'Etats. Cette paix je commence à la souhaiter de toute l'aspiration de ma poitrine. Cependant ton amour me tient lieu de tout et me console de tout. Je t'aime en bleu presque blanc mon amour, je t'aime en hiver je voudrais être avec toi dans un lit bien chaud et sentir contre moi tout ton corps souple de grande fille adorable. Je réchauffe mes mains dans tes fourrures merveilleuses et ton haleine m'entourerait d'une chaleur que j'adore. J'ai regardé aujourd'hui tes photos. La dernière qui me plaisait tant, s'est entièrement effacée. Les petits ne doivent pas savoir virer leurs photos. C'était arrivé déjà pour la toute première photo. Mon amour je t'aime en bleu infiniment je caresse Ta Blancheur, je cueille tes roses avec ardeur et j'aspire l'odeur de tes jambes ces lys de mon désir.
            Je te dévore avec tendresse ce soir et tant de douceur finit par éveiller ma gourmandise et j'aurais bien envie de dévorer pour de bon toi qui est à moi.
            Ma grande, mon petit Madelon chéri je t'aime mignonement. Parle-moi de tes ongles amour, de ton cou et de tes narines et aussi de tes oreilles et parle-moi aussi du petit ermite dont tu ignorais l'existence et aussi de ta langue dont tu ne m'as pas parlé, ta langue adorable dont j'espère mille caresses et que je sens divinement.
            Je t'adore mon Madelon chéri et prends ta bouche avec une fougue incroyable et en pressant tout ton corps exquis et consentant contre le mien. Je sens la flexibilité adorable de ta taille et nos bouches jouent divinement l'une de l'autre comme deux trompettes qui sonneraient à l'amour.


                                                                                             Gui