Lettre 39
Juillet 1896
Mon bon petit Reynaldo
Je vous ai télégraphié ma réponse. Je serai heureux que sans avoir les fatigues d'un nouveau voyage vous puissiez profiter un peu de suite de votre ' bonne Allemagne " comme dit la Reine dans Ruy Blas. Je ne suis pas comme les Lemaire hostile à tous les endroits où nous ne pouvons pas être ensemble. Et ravi de vous savoir au calme je souhaite que vous y restiez le plus longtemps possible. Je vous jure que si les rares instants où j'ai envie de prendre le train pour vous voir tout de suite se rapprochaient et devenaient intolérables je vous demanderais de venir ou que vous reveniez. Mais cette hypothèse est tout à fait invraisemblable. Restez là-bas tant que vous y serez bien. Et je suis content - sans abnégation - que vous restiez. Seulement je serai bien content aussi, ah ! mon cher petit, bien bien content quand je pourrai vous embrasser, vous vraiment la personne qu'avec Maman j'aime le mieux au monde. Pour en finir sur les projets et très vite ( car je m'attache à ne rien vous écrire qui puisse vous agacer ou vous ennuyer ) si vous revenez je serai sans doute à Paris ou plutôt à Versailles avec Maman, c'est à dire tt près de votre petit St Cloud. Puis à la fin d'août j'irais avec Maman passer un mois ou un peu plus à la mer, près de votre Villers, Cabourg par exemple. Si vous aimez mieux Bex, j'irai à Bex avec Maman, ou peut-être sans elle, mais alors je crois qu'il faudra tt de même que j'aille avec elle à la mer qui je crois lui fera du bien. Mais peut'être beaucoup d'air élevé pourra-t-il le lui remplacer.
D'ailleurs elle ne veut passer qu'un mois avec moi voulant que le reste du temps que je me " distraie ". Seulement préférez-vous Bex à un autre endroit de Suisse. Si oui c'est convenu sinon on me dit que c'est si chaud, si brûlant. Et puis si nous ne pouvons pas nous voir du tout nous penserons l'un à l'autre. Pour les Lemaire je crois qu'elles partiront sous peu pour Dieppa. Puis Mme Lemaire compte louer qqe chose vers Versailles ( mais tout ceci est excessivement vague et " si vous voulez que je vous dise " je
crois qu'elle ira à Réveillon ) ( où Melle Suzette qui ne peut pas laisser seule sa " vieille tante " est
décidée à aller de ttes façon ) ( ici noter que Mme Lemaire qui se porte mal à Réveillon et ne peut y travailler hésite terriblement de peur d'ennuyer sa fille, tandis que sa fille n'a même pas songé une minute à abandonner Réveillon. Je le remarque seulement et il ne faut pas conclure que je trouve la mère meilleure que la fille, car elles sont bonnes ttes deux et la fille est malgré tout plus tendre ). Mais elles sont parfaitement résignées à ne pas nous voir cet été. Seulement je crois que cela leur ferait plaisir si en octobre nous allions soit à Réveillon soit à la propriété de Mme Lemaire. Tu te serais tordu si tu avais assisté hier au retour de Clairin ( très changé de mine le pauvre homme ) ( et à qui comme un petit menteur j'ai dit que tu m'avais demandé de ses nouvelles dans ta dernière lettre ). Notre Edouard ayant blagué Clairin à Mme Lemaire elle le prend en pitié et le pauvre homme était déçu à voir tous ses souvenirs de flamme sur l'Egypte aller s'éteindre un à un au bord de Mme Lemaire immobile comme un lac souriant et perfide. Malgré cela ai bout de q.q. temps elle s'est mise à écouter avec cet air de sérieux profond que donne une profonde distraction, ses récits d'art. Ou plutôt je crois bien qu'elle écoutait et cela donnait à peu près ceci
D'ailleurs elle ne veut passer qu'un mois avec moi voulant que le reste du temps que je me " distraie ". Seulement préférez-vous Bex à un autre endroit de Suisse. Si oui c'est convenu sinon on me dit que c'est si chaud, si brûlant. Et puis si nous ne pouvons pas nous voir du tout nous penserons l'un à l'autre. Pour les Lemaire je crois qu'elles partiront sous peu pour Dieppa. Puis Mme Lemaire compte louer qqe chose vers Versailles ( mais tout ceci est excessivement vague et " si vous voulez que je vous dise " je
crois qu'elle ira à Réveillon ) ( où Melle Suzette qui ne peut pas laisser seule sa " vieille tante " est
décidée à aller de ttes façon ) ( ici noter que Mme Lemaire qui se porte mal à Réveillon et ne peut y travailler hésite terriblement de peur d'ennuyer sa fille, tandis que sa fille n'a même pas songé une minute à abandonner Réveillon. Je le remarque seulement et il ne faut pas conclure que je trouve la mère meilleure que la fille, car elles sont bonnes ttes deux et la fille est malgré tout plus tendre ). Mais elles sont parfaitement résignées à ne pas nous voir cet été. Seulement je crois que cela leur ferait plaisir si en octobre nous allions soit à Réveillon soit à la propriété de Mme Lemaire. Tu te serais tordu si tu avais assisté hier au retour de Clairin ( très changé de mine le pauvre homme ) ( et à qui comme un petit menteur j'ai dit que tu m'avais demandé de ses nouvelles dans ta dernière lettre ). Notre Edouard ayant blagué Clairin à Mme Lemaire elle le prend en pitié et le pauvre homme était déçu à voir tous ses souvenirs de flamme sur l'Egypte aller s'éteindre un à un au bord de Mme Lemaire immobile comme un lac souriant et perfide. Malgré cela ai bout de q.q. temps elle s'est mise à écouter avec cet air de sérieux profond que donne une profonde distraction, ses récits d'art. Ou plutôt je crois bien qu'elle écoutait et cela donnait à peu près ceci
Clairin : " Car vous savez les Grecs, leur ont tout pris, je parle des Grecs d'Ionie.
Mme Lemaire : " Oui, oui. "
Clairin : " Et alors on sort des têtes qui ressemblent toutes à ces têtes trop minces de la 4è dynastie qui sont au musée de Sienne. "
Mme Lemaire : " Oh ! ç,a oui, ça doit être curieux. "
Clairin : " Et leur Sphinx qu'ils appellent le Père de la Terreur. "
Mmr Lemaire : " Oui, oui. "
Clairin : " Il est bien nommé et ils se rendent si bien compte de cette impression qu'on a sous ce ciel d'Egypte. "
Mme Lemaire, interrompt au nom d'Egypte : " Oui. Oui. "
Clairin, reprenant : " Sous ce ciel d'Egypte, de nuits d'Egypte, où il semble que les étoiles vont tomber, que dans leurs peintures ils peignent leurs étoiles suspendues à une ficelle. "
Mme Lemaore : " Oui ça doit être curieux ça, ça doit même être ( appuyant ) très curieux... ( Silence, en souriant )... notre Jotte... riant plus etc., etc
Mme Lemaire a été ravie de la fête des Castellane. Au fond je ne sais pas trop bien ce que ça a dû être. Mme Lemaire m'a dit : " C'était tout à fait comme ai grand siècle, vous savez, du pur Louis XIV; " Mme de Framboisie m'a dit : " On se serait cru à Athènes " et notre Tur dit dans Le Gaulois "On se serait cru au temps de Lohengrin ". Vous comprenez que je n'ai pas des idées trop exactes sur l'époque que le " le jeune Comte " a reconstitué. Le Gaulois a été à ce propos plein de perles. Par exemple vous savez que pour dire que l'armée doit céder aux loi à la magistrature, les latins disaient " " la toga étant le vêtement des hommes occupant des fonctions de ce genre, Meyer raconte que dans le ballet dansé à la fête Castellane, des guerriers terribles paraissent, mais bientôt de belles jeunes femmes se joignent à eux, les désarment et notre Tur s'écrie : Cedant arma togae ! Je n'ai pas la place de tout vous dire je n'ajoute que ceci. Vous savez qu'à cette fête il y avait 3 000 personnes Le Figaro ajoute solennellement : " Tout le grand monde parisien était là. Nous ne donnerons aucun nom. Car si le grand monde était là tout entier c'était incognito à cause de la mort de Mgr le duc de Nemours. " Comme ils ne portaient pas de masque, je me demande en quoi consistait l'incognito. Et c'est un bon truc pour aller dans le monde en étant en deuil. J'aurais mille autres choses à vous dire mais il se fait tard et je vous embrasse de tout mon cœur en vous priant d'embrasser votre sœur Maria.
familiscope.fr Marcel
Maman n'est pas trop mal. Elle me paraît prendre le dessus de son immense chagrin avec plus de force que je n'espérais. ( mort de son père )
. Lettre 42
Août-Septembre 1896
Mon cher petit Reynaldo
Pardonnez-moi de ne pas vous écrire. Mais je me promène beaucoup et à la suite de ce traitement et de ce rhume pris là je suis si fatigué que je n'ai pas beaucoup le courage d'écrire. Hier j'ai fait la pagination des 90 premières pages de mon roman ( Jean Santeuil ). J'ai fait venir de chez mon libraire La belle Gabrielle ( de Marquet collaborateur de Dumas nte de l'éd. ) mais outre l'ennui d'échanger Dumas contre Marquet, j'ai cru voir sans couper les pages que les personnages laissés en plan dans les 45è , Ermanton de Carminger, Rémy de Hardouin, Diane de Méridor, Henri III n'y figurent pas. Si ce n'est une suite qu'en ce sens que cela vient après dans " l'ordre des temps " j'aime mieux lire La Reine Margot ( y a-t-il Bussy, St Luc, Chico etc ) ou des Dumas d'une autre époque ( et ici reconseillez-moi ) ( j'aime mieux ceux où il n'y a pas d'amour, ni de passions sombres, surtout des coups d'épée, de la police à la Chico, de la royauté, de la bonne humeur et la victoire des Innocents ). J'ai fini La Cousine Bette. Il y a vraiment des choses étonnantes. Mais il y a à la fin du 1er volume de Pt Royal de Ste Beuve ( appendice ) un éreintement de Balzac ( celui de La Cousine Bette ) par Ste Beuve, c'est plus amusant que l'article Lemaitre sur Ohnet. J'ai été avt hier au Louvre. ( Aimez-vous Quentin Marsys l'homme qui a devt lui des pièces d'or, une petite glace bombée qui représente ce qui se présente dans la rue, des perles etc et à côté de lui sa femme ) et au Jardin des Plantes avec Mme Arman ( nte de l'éd. Belle sœur de Dumas ). Mais la ménagerie était fermée. Nous avons pourtant vu les ours. Ces fauves, les lions etc., ce sont vraiment eux Les Rois en Exil. Et leurs jungles etc etc ce sont bien les Paradis Perdus. Tout ce jardin si exotique et si parisien est d'une tristesse qu'augmentent encore les ravages du dernier ouragan. En revenant nous avons aperçu Mr France qui marchait le long des quais. Nous avons fait arrêter la voiture et Mme Arman lui a dit d'un air de félicitation ironique ; pinterest.fr
" - Hé bien , on va seul, comme cela, à ses petites affaires... C'est du joli... "
Avant ils s'étaient disputés à propos d'un libraire ou je ne sais quoi. Et M. France disait :
" -Non n'est-ce pas Madame vous voulez à la fois n'est-ce pas ne pas payer ce que vous devez, avoir la satisfaction de votre conscience et forcer l'estime de vos amis. Hé bien ( en riant beaucoup ) non, tout de même c'est trop, n'est-ce pas oui, enfin tout de même, vous ne paierez pas, vs aurez même la satisfaction de votre conscience, car elle n'est pas exigeante oh non, mais l'estime de vos amis, non tout de même, ça c'est impossible. "
Et Mme Arman un peu triste aivt dit :
"- Monsieur, vous êtes trop désagréable, fichez moi la paix. "
Qd elle a été partie M. France m'a fait son éloge et m'a dit :
" - Elle a tout de même un joli tour d'esprit pour une femme si bonne, car elle est très bonne Made Arman. "
C'est vrai qu'elle est charmante. Mon petit écrivez-moi tt de suite si maintenant que vous réaimez la mer, vous y resterez avec moi non à Villers mais tt près au-delà du 15 etc. Détaillez, aimez-moi, ( votre " sur le sable couchées " était aussi un merveilleux trait de style )
Je vous embrasse
Marcel
Egayez-vous à cette vieille dépêche de Cazalis reçue Mt Dore pour laquelle ns avons dû payer près de 3 fs et qui a exaspéré chez Maman les instincts, également lésés, de la concision et de l'économie. Vous ai-je écrit que dernièrement Coco Madrazo rencontré à l'heure du dîner est monté dîner chez moi ? Je crois que oui mais je ne sais plus
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