lundi 1 juillet 2024

Lettres à Reynaldo Hahn Marcel Proust extraits 2 ( Correspondance France )

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                       ( Lettre 27 )

                                      novembre 1895

            Dîner hier chez les Daudet avec mon petit genstil, M. de Goncourt, Coppée, Mr Philips, Mr Vacquer. Constaté avec tristesse
1° l'affreux matérialisme, si extraordinaire chez des gens " d'esprit ". On rend compte du caractère,  du génie par les habitudes physiques de la race. Différences entre Musset, Baudelaire, Verlaine expliquées par la qualité des alcools qu'ils buvaient, caractère de telle personne par sa race ( antisémitisme ). Pus étonnant encire chez Daudet pur esprit brillant encore à travers les ténèbres et les houles de ses nerfs, petite étoile sur la mer. Tt cela est bien peu intelligent. C'est la conception la plus bornée de l'esprit ( car tt est conception de l'esprit  que celle où il n'a pas encore assez  conscience de lui et se croit dérivé du corps?
2° aucun d'eux ( je mets tt le temps en dehors Reynaldo dans l'esprit duquel je ne cesse d'admirer toutes les nuances de la vérité, assez exactement et aussi subitement que ttes les nuances du ciel dans la mer ) n'entend rien aux vers. Une comparaison de Daudet entre Musset et Baudelaire est vraie à peu près comme si on disait à qq'un qui ne connaîtrait ni Madame Sraus ni ma concierge : Madame Straus a des cheveux noirs, des yeux noirs, le nez un peu gros, les lèvres rouges, la taille assez belle - et de ma concierge la même chose  et qui dirait - mais elles sont pareilles. En effet un grand essoufflement de la rhétorique peut faire rapprocher Musset au pt de vue de la composition de Musset de celle de Baudelaire quoiqu'ils aient à peu près autant de rapport que Bossuet et Murger. Quelqu'un qui n'aurait jamais vu la mer et à qui on raconterait ses impressions pourrait supposer que c'est la même chose que des montagnes russes. Qqun qui ne sent pas la poésie, et qui n'est pas touché par la vérité n' jamais lu Baudelaire. D'où ces assertions que Coppée et Goncourt ont soutenues.
3° Phrase de Daudet ( dans le jardin du directeur ) extrêmement Daudet, esprit d'observation et qui pourtant sent le renfermé, un peu vulgaire et trop prétentieux malgré une extrême finesse. C'est la Céline Chaumont du roman.                                                                          lesamisdelamusiquefranaise-dkc.com/         
4° Madame Daudet charmante, mais combien bourgeoise. Un malheureux jeune homme arrive, ne connaissant que son fils qui n'était pas là. Ella a tout fais, malgré elle sans doute, pour le glacer, au bout de 5 minutes il était " l'intrus ", et de temps en temps elle disait, je ne connais pas Mr je le vois pr la 1re fois. A moi déjà la 1ère fois qu'allant la voir je la remerciais de m'y avoir autorisé elle me répondait :
" M. Hahn me l'avait demandé " mot énorme ! L'aristocratie qui a bien ses défauts aussi reprend ici sa vraie supériorité, où la science de la politesse et l'aisance dans l'amabilité peuvent jouer cinq minutes le charme le plus exquis, feindre une heure la sympathie, la fraternité. Et les juifs aussi ( détestés là au nom de quel principe, puisque celui qu'ils ont crucifié y est également banni, et du mariage du fils etc. ) ont aussi cela, par un autre bout, une sorte de charité de l'amour propre,  de cordialité sans fierté qui a son grand prix. Que Madame de Brantes ou Madame Lyon que j'unis ici bien sincèrement font paraître pitoyable l'attitude de Madame Daudet vis à vis du pauvre M. Philipe. Au pt de vue de l'art être si peu maître de soi, savoir si peu jouer est affreux, accru par la vue de cette taille courte. Grâces détestables de Don Juan avec M. Dimanche, grâces niaises de M. de Florian, ou grâces antipathiques de X. on vs regrette presque. Mais toute l'intelligence et la sensibilité ( un peu trop agaçante et à faux parfois ) est ici en plus et bien intéressante. En somme personne charmante. Daudet est délicieux, le fils d'un roi Maure qui aurait épousé une princesse d'Avignon, mais trop simpliste d'intelligence. Il croit que Mallarmé mystifie. Il faut toujours supposer que les pactes sont faits entre l'intelligence du poète et sa sensibilité et qu'il les ignore lui-même, ou qu'il en est le jouet. C'est plus intéressant et c'est plus profond. Paresse ou étroitesse d'esprit à expliquer par un pacte matériel ( avec intention charlatanesque avec ses disciples. Si c'était cela cela ne ns intéresserait plus. Et cela ne peut pas être cela.

                    Lettre sans signature   
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                      ( Lettre 38 )

                                       ( Eté 1896 )

            Notre amitié n'a plus le droit de rien dire ici, elle n'est pas assez forte pour cela maintenant. Mais son passé me crée le devoir de ne pas vous laisser commettre des actes aussi stupides aussi méchants et aussi lâches sans tâcher de réveiller votre conscience et de vous le faire sinon avouer - puisque votre orgueil vous le défend - au moins sentir, ce qui pour votre bien est l'utile. Quand vous m'avez dit que vous restiez à souper ce n'est pas la première preuve d'indifférence que vous me donniez. Mais quand deux heures après, après nous être parlé gentiment, après toute la diversion de vos plaisirs musicaux, sans colère, froidement, vous m'avez dit que vous ne reviendriez pas avec moi, c'est la première preuve de méchanceté que vous m'ayez donné ( !! ). Vous aviez facilement sacrifié, comme bien d'autres fois, le désir de me faire plaisir, à votre plaisir qui était de rester à souper. Mais vous l'avez sacrifié à votre orgueil qui était de ne pas paraître désirer rester à souper. Et comme c'était un dur sacrifice, et que j'en étais la cause, vous avez voulu me le faire chèrement payé. Je dois dire que vous avez pleinement réussi. Mais vous agissez en tout cela comme un insensé. Vous me disiez ce soir que je me repentirais un jour de ce que je vous avais demandé. Je suis loin de vous dire la même chose. Je ne souhaite pas  que vous vous repentiez de rien, parce que je ne souhaite pas que vous ayez de la peine, par moi surtout. Mais si je  ne le souhaite pas, j'en suis presque sûr. Malheureux, vous ne comprenez donc pas ces luttes de tous les jours et de tous les soirs où la seule crainte de vous faire de la peine m'arête. Et vous ne comprenez pas que, malgré moi, quand ce sera l'image d'un Reynaldo qui depuis q.q. temps ne craint plus jamais de me faire de la peine, même le soir, en nous quittant, quand ce sera cette image qui reviendra, je n'aurai plus d'obstacle à opposer à mes désirs et que rien ne pourra plus m'arrêter. Vous ne sentez pas le chemin effrayant que tout cela a fait depuis q.q. temps que je sens combien je suis devenu peu pour vous, non par vengeance, ou rarement, vous pensez que non, n'est-ce pas, et je n'ai pas besoin de vous le dire, mais inconsciemment, parce que ma gde raison d'agir disparaît peu à peu. Tout aux remords de tant de mauvaises pensées, de tant de mauvais et bien lâches projets, je serai bien loin de me dire que je vaux mieux que vous. Mais au moins, au moment même, qd je n'étais pas loin de vous et sous l'empire d'une suggestion quelconque, je n'ai jamais hésité entre ce qui pouvait vous faire de la
peine et le contraire. Et si q.q. chose m'en faisait et était pour vous un plaisir sérieux comme Reviers, je n'ai jamais hésité. Pour le reste je ne regrette rien de ce que j'ai fait. J'en arrive à souhaiter que le désir de me faire plaisir ne fut pour rien;, fut nul en vous. Sans cela pour que pareilles misères auxquelles vous êtes plus attaché que vous ne croyez aient pu si souvent l'emporter il faudrait qu'elles aient sur vous une empire que je ne crois pas. Tout cela ne serait que faiblesse, orgueil et pose pour la force. Aussi je ne crois pas tout cela, je crois seulement que de même que je vous aime beaucoup moins, vous ne m'aimez plus du tout, et de cela mon cher petit Reynaldo je ne peux pas vous en vouloir.
            Rt cela ne change rien pour le moment et e m'empêche pas de vous dire que je vous aime bien tout de même. Votre petit Marcel étonné malgré tout de voir à ce point -                                                   
                                                                                                                                                                                                                                         proustonomics.com  
                   Que peu de temps suffit à changer toutes choses ( nte éd. Olympio Hugo )

et que cela ira de plus en plus vite. Réfléchissez à tout cela mon petit Blaise ( nte de l'édt. il s'agit de Pauvre Blaise de la Ctesse de Ségur ) et si cela nourrit votre pensée de poète et votre génie de musicien, j'aurais du moins la douceur de penser que je ne vous ai pas été inutile.
            Votre petit Poney qui après cette ruade rentre tristement tout seul dans l'écurie dont vous aimiez jadis à vous dire le maître.

                                 Marcel
            






















 

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