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1er Septembre 1662
Levé de bonne heure dans mon logement et allai dans mon bureau et au milieu de mes ouvriers. Puis en voiture au palais de St James avec sir William Batten et sir William Penn. C'était la première réunion que nous devions avoir une fois par semaine par ordre du Duc. Mais il partait avec la Duchesse. Il nous dit qu'il s'en allait en compagnie de la reine, à Durdans, paraît-il, pour dîner avec milord Berkley, là où je me suis bien amusé enfant. Nous nous rendîmes donc chez Mr Coventry restâmes un moment dans son cabinet, et j'allai chez milord Sandwich parti présenter ses respects au roi et à la reine. Alors, comme Pr Paget était là, avec Will Howe, lui avons rejoué quelques morceaux de Lucke que nous jouions autrefois en mer. Ce qui nous fit grand plaisir à tous les trois, car c'est la première musique que j'entends depuis bien longtemps, tant mon travail m'a, ces derniers temps, enlevé à mes joies anciennes.
Au bout d'un moment rentrai chez moi par le fleuve et dînai seul. Ensuite, avec les deux ouvriers de mon frère Tom, je retirai toutes mes affaires de chez sir William Batten pour les déposer dans une seule pièce que j'ai, avec bien des difficultés, préparée dans ma maison. Et je suis heureux de n'avoir plus d'autre obligation envers lui. Puis à mon bureau, mais ne trouvant pas la clef que je tenais à la main l'instant d'avant, je fus très fâché et agité, car ne pas faire attention à ses clefs est une chose que je déteste chez lez autres et plus encore chez moi. Je pense que celui qui laisse traîner ses clefs ne mérite pas qu'on lui fasse confiance. Quelque chose encore me contrarie, ma femme m'écrit de la campagne que son petit laquais se conduit mal là-bas et qu'elle en est excédée, elle se plaint aussi de sa suivante Sarah, ce qui me fâche aussi.
Etant d'aussi mauvaise humeur je ne pus faire grand-chose au bureau, mais rentrai, mangeai un peu, puis à mon logement et au lit.
2 septembre
Levé de bonne heure et fait ma toilette seul, puis à mon bureau l'esprit très troublé par ma clef perdue hier. J'allai trouver mes ouvriers et leur donnai des instructions, puis à mon bureau en réunion toute la matinée. Dînai chez sir William Batten avec William Penn, puis retour à mon bureau tout l'après-midi. Dans la soirée écrivis une lettre à Mr Cooke pour le compte de mon frère Tom, à sa maîtresse et c'est la première fois que je joue un rôle dans cette affaire. Si elle est comme Tom la représente ce peut être fort bien pour lui. Puis rentrai, mangeai un peu, puis à mon logement et au lit.
3 Septembre
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Levé de bonne heure, mais comme les jours commencent à raccourcir, je ne me lève plus avant 5 heures au lieu de 4 heures, car il ne fait pas jour avant. A mon bureau et vers 8 heures allai à Rotherhite et à pied à Deptford où Mr Coventry et sir William Penn commencent le versement de la paie. Car j'ai le désir d'être présent aujourd'hui car c'est la première paie de Mr Coventry, et je souhaite passer pour l'un de ses amis, autant que possible. A midi nous avions fini de payer le désarmement du Breda, et dîner à la taverne où j'ai obtenu que nos repas fussent dorénavant moins abondants, ce que je constate avec plaisir. Allai ensuite par le fleuve au bureau. Nous nous retrouvâmes et vendîmes la carcasse du Weymouth, du Success et du Fellowship. Il est amusant de voir comme les gens hésitent à enchérir, mais quand la bougie est sur le point de s'éteindre, comment ils hurlent et se disputent à qui a le premier le plus enchéri.
Je remarquai quelqu'un de plus malin que les autres. Il ne manquait jamais d'être le dernier à enchérir et ainsi de l'emporter et comme je lui en demandais la raison, il m'expliqua qu'à l'instant où la flamme s'éteint la fumée redescend, ce que je n'avais pas remarqué, il connaît ainsi l'instant où faire la dernière enchère, ce qui est fort ingénieux. En causant dans le canot Mr Coventry me dit que ceux des fanatiques et des presbytériens qui voulaient se soulever avaient choisi ce jour comme le plus propice à leur lutte contre la monarchie, puisqu'il a été deux fois fatal à leur roi et que c'est le jour de la mort d'Oliver ( cromwwel ). Mais, Dieu soit loué, tout restera calme, je l'espère.
Après la vente à pied chez mon frère. Rencontrai en chemin le Dr Fairbrother à qui je demandai les nouvelles des affaires ecclésiastiques. Il m'a dit, ce qui a été confirmé depuis, qu'il avait été pleinement décidé par le roi et le Conseil qu'une déclaration d'indulgence serait accordée aux presbytériens, mais que le discours de l'évêque de Londres, dorénavant un des hommes les plus puissants d'Angleterre avec le roi, leur avait fait complètement changer d'avis, et on dit que c'est milord Albemarle qui s'est le plus fortement opposé à lui, mais je pense que ce n'était qu'en apparence. Il me dit aussi que la plupart des ministres presbytériens commencent à regretter de ne pas s'être soumis à la loi, voyant qu'on ne leur accordera pas l'indulgence qu'ils espéraient, et que l'évêque de Londres a soigneusement veillé à ce que les places soient remplies par des hommes très bien et très capables, la seule façon de maintenir le calme.
Je l'emmenai à la taverne à Puddle Dock, mais nous ne bûmes pas la moindre gorgée du vin commandé, nous l'avons laissé, et après avoir causé nous nous séparâmes. Et Mr Towshend absent je fus chez mon frère où j'appris que ses affaires de coeur avancent, ce qui me plaît. Puis par le fleuve à Whitehall au logis de milord où, comme il part demain matin pour Hinchingbrooke, je restai jouer avec Will Howe quelques airs nouveaux, fort agréables, et puis milord est arrivé et nous avons longuement parlé de façon très amène, et puis au lit avec Mr Moore qui était là, seul, après avoir pris congé de milord. Je résolus de partir tôt sans davantage lui parler.
4 septembre
Ce que je fis et fus de bonne heure par le fleuve à la Tour et à la maison. Me changeai devant dîner en ville, et après m'être aussi fait raser, ce qui m'est très rarement arrivé depuis quelque temps, je partis pour le bureau et réunion toute la matinée. A midi à Trinity House où nous avons donné un déjeuner à grands frais aux officiers du bureau de l'artillerie. Il y avait sir William Compton et les autres et le lieutenant de la Tour.
Nous eûmes beaucoup de musique, et de la bonne, ce qui fut mon principal plaisir. J'écoutai avec une grande satisfaction sir William Compton parler de la différence entre la flotte d'aujourd'hui et celle du temps de la reine Elisabeth qui, en 88, n'avait que 36 voiliers, grands et petits, en tout et pour tout. Et de la poudre pour dix salves, c'était là ce qu'on leur octroyait à cette époque pour guerroyer contre les Espagnols. Après le départ des plus distingués je fus excédé par la compagnie des deux sirs William, d'autant plus que milady Batten et sa bande ( une dizaine ) arrivèrent dans la salle. Je crois bien que cela va nous coûter cher, mais il est fort agréable de la voir en cheveux sous son capuchon et comment elle cherche à devenir élégante, peu à peu. Mais Dieu ! la compagnie qu'elle rassemble autour d'elle lui ressemble et la fait connaître pour ce qu'elle est. Tout à fait excédé je les quittai à pas furtifs pour aller à mon bureau où je travaillai jusqu'à 9 heures du soir. Puis à mon logement, et au lit. etsy.com
5 septembre
Levé au point du jour, à 5 heures, par le fleuve à Woolwich. Je vis en chemin le yacht construit par mon " virtuosi ", milord Brouncker et d'autres, avec aussi l'aide du commissaire Pett parti de Greenwich avec le petit bateau hollandais pour faire la course, et avant d'arriver à Woolwich le Hollandais les a battus d'un demi-mille, et j'apprends qu'au retour ce fut plus de trois milles. Nous en sommes tous contents.
Je restai pour faire l'appel du personnel et examiner les magasins, puis j'allai tout seul, à pied, à Greenwich et par le fleuve à Deptford pour inspecter certains magasin et m'occupai un peu de mes propres affaires, pressant le travail que je fais faire, puis à pied à Rotherhite. Passablement fatigué et tout en nage pris un canot pour la Tour, ce qui me causa quelque crainte car la matinée était froide et de grand vent.
Puis à mon logement où je me suis lavé et frotté tout le corps, et été chez Mr Bland le négociant sur invitation, seul de tous les employés du bureau. Je trouve tous les officiers des douanes, de beaux messieurs très graves, que je suis fort heureux de connaître. On parla de sir Jerome Bowes, ambassadeur de la reine Elisabeth auprès de l'empereur de Russie qui, parce que deux nobles de l'endroit voulaient monter l'escalier pour aller chez l'empereur en le précédant, refusa de monter jusqu'à ce l'empereur ordonnât qu'on traînât ces deux hommes au bas de l'escalier, la tête cognant sur toutes les marches, jusqu'à ce qu'ils en perdissent la vie. Et quand il fut monté on exigea de lui qu'il remette son épée avant de le laisser entrer. Il leur dit que si on voulait son épée on aurait aussi ses bottes, et il fit tirer ses bottes et chercher sa robe de chambre, son bonnet de nuit et ses pantoufles, et fit attendre l'empereur jusqu'à ce qu'il fut en vêtement de nuit, puisqu'on ne lui permettait pas d'entrer en soldat. Quand finalement l'empereur ordonna avec dédain et pour montrer son pouvoir ordonna à quelqu'un de sauter par la fenêtre et que cet homme se rompit le cou sous les yeux de notre ambassadeur, celui-ci répliqua que sa maîtresse attachait davantage de prix au cou de ses sujets et en faisait un meilleur usage. Mais il dit que pour montrer ce que ses sujets étaient prêts à faire pour elle, il jetterait, et il jeta en effet, son gant devant l'empereur, pour mettre toute la noblesse de l'endroit au défi de le relever pour défendre l'empereur contre sa reine. Pour ces actions le nom de sir Jerome Bowes est célèbre et honoré là-bas.
Rentrai et apprends que sir John Mennes est arrivé aujourd'hui. J'allai le voir chez sir William Batten. Je fus content de voir combien les deux sirs William se méfient de moi parce que je vais à Woolwich, et fais ce que j'ai à faire désormais, et dîne avec les fermiers des Douanes.
Puis à mon bureau jusqu'à 9 heures du soir, puis coucher à mon logement. J'ai appris aujourd'hui que le roi a fait chevalier Mr Martin Noell, ce qui m'étonne fort. Mais il est certain que c'est un homme très utile.
6 septembre 1662
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Fait la grasse matinée, jusqu'à 6 heures du matin, et plus, pour me lever et guérir en transpirant du rhume que je craignais d'avoir pris hier, mais Dieu merci ! je vais bien. Puis levé et allai à mon bureau. Réunion jusqu'à midi, très affairés. Puis avec sir John Mennes et les deux sirs William à Trinity House où nous dînâmes de deux pâtés de chevreuil. Je mangeai très peu, écoeuré d'avoir mangé cinq pâtés en trois jours. Rentrai et au bureau tout l'après-midi à travailler jusqu'à 9 heures. Et à mon logement et me couchai.
Cet après-midi j'ai fait faire une nouvelle clef et changer la serrure de mon bureau.
7 septembre
Jour du Seigneur
Levé de bonne heure et allai en faisant un détour par les rues au bureau où je me promenai dans le jardin, et allai à mon bureau jusqu'à ce que mon domestique Will se fut levé. Je l'envoyai dire à sir John Mennes que j'irais avec lui à Whitehall. Ce que nous fîmes incontinent dans sa voiture, et nous allâmes à la chapelle où j'entendis un bon sermon du doyen d'Ely sur le retour à l'ancienne pratique et un fort excellent motet entremêlé de symphonies, chanté par le capitaine Cooke. Puis chez Mr Fox et sa femme où je dînai et arriva une nombreuse compagnie. Nous nous préoccupâmes surtout de savoir quels pasteurs sont chassés parmi ceux qui ne veulent pas se conformer, et fîmes remarquer avec quel soin l'évêque de Londres veille à ce que nous soyons ici pourvus d'hommes de bien.
Puis chez milord où il n'y avait personne qu'une femme qui m'a fait entrer et Sarah à l'étage. J'allai la trouver et jouer et causer et, Dieu me pardonne, je l'ai caressée, ce dont j'ai grand honte. mais je n'ai pas été plus loin, bien que j'en eusse tellement envie que je déchargerai dans ma culotte. Au bout d'une ou deux heures je fis une brève visite à Mr Hunt, seul chez lui et je suis rentré à pied. Rencontrai Mr Pearse le chirurgien qui m'emmena à Somerset House et me fit entrer dans la chambre d'audience de la reine mère, notre propre reine assise à sa gauche ( que je n'avais encore jamais vue et bien qu'elle manque un peu de charme elle a une expression de vertu pudique et innocente qui plaît ). J'ai vu également Madame Castlemaine et surtout, ce qui m'a fait plaisir, Mr Crofts, le bâtard du roi, très joli damoiseau d'environ 15 ans. Je vois qu'il admire beaucoup milady Castlemaine et est toujours en sa compagnie. Et j'apprends que les deux reines sont extrêmement attentionnées à son égard. Au bout d'un moment arrivent le roi, et aussitôt le Duc et la Duchesse, de sorte que tous réunis cela faisait un spectacle que je n'aurais jamais pu avoir la chance de voir avec tant de facilité et de loisir. Ils restèrent jusqu'à la nuit tombée et s'en allèrent, le roi, la reine, milady Castlemaine et le jeune Crofts dans un carrosse, et les autres dans d'autres carrosses. Il y avait là abondance de grandes dames, mais bien peu étaient belles.
Le roi et la reine étaient fort gais, et il voulut faire croire à la reine mère que sa femme était grosse d'enfant. Il dit qu'elle le lui avait dit, et la jeune reine lui répondit : " vous mentez ", ce qui est le premier mot d'anglais que je lui ai entendu dire. Ce qui a bien amusé le roi et il aurait voulu lui apprendre à dire en anglais "Avouez et allez vous faire pendre ! "
La compagnie partie je rentrai à pied, aussi content que je puis l'être d'avoir vu ce spectacle des plus rares, mais quelque peu tracassé de l'avoir vu avant le retour de ma femme, puisque je lui avais promis de l'attendre. Mais je ne l'ai pas cherché ni fait exprès, ce n'était que par hasard.
A mon bureau me préparer à me mettre au service du Duc demain avec mes collègues. Puis à mon logement et au lit.
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8 septembre
Levé de bonne heure et allai à mon bureau préparer un rapport pour le Duc sur ce que nous avons fait au bureau ces temps derniers. Vers 7 heures je sortis, pensant y aller avec sir John Mennes et les autres, mais je m'aperçus qu'ils étaient partis, ce qui me contraria. J'allai donc directement à l'ancien Cygne et pris un canot avant eux et allai au logis de sir George Carteret à Whitehall. Bavardai avec lui pendant qu'il terminait sa toilette et nous allâmes à St James où les deux sirs William et sir John Mennes étaient arrivés. Nous montâmes, avec Mr Coventry chez le Duc qui, une fois sorti du lit, nous fit entrer. Et quand il eut tout à fait fini sa toilette il nous emmena dans son cabinet et nous dit qu'il veut rétablir l'ancienne coutume qu'avaient les amiraux de réunir leurs principaux officiers une fois par semaine pour lui rendre compte de ce qu'ils avaient fait cette semaine-là, ce dont je me réjouis. Les autres ont déclaré à Son Altesse Royale que c'était moi qui était le plus à même de faire ce rapport pour le passé, de sorte que je tirai mes notes succinctes et je lui rendis compte de tout ce que nous avions fait ces temps derniers et je lui proposai plusieurs ordres à donner. Il nous les donna et nous congédia. Les autres allèrent à Deptford et moi à l'Echiquier pour trouver Mr Townshend, on me dit là qu'il était allé à la taverne du Soleil. Je l'y trouvai en compagnie de quelques amis, et je déjeunai avec eux. Puis nous avons passé le fleuve ensemble et en marchant je dis les intentions de mariage de mon frère Tom, ce en quoi il est disposé à agir de tout son pouvoir en ma faveur auprès de Mr Young. Nous reprîmes un canot au Faucon et nous séparâmes. Je fus à l'ancien Cygne et puis à la Bourse et rencontrai sir William Warren. Nous entrâmes dans une taverne et parlâmes du prix des mâts et d'autres choses, puis nous partîmes et j'allai à mon bureau pour voir ce qu'il y avait à faire, et nous reprîmes un canot à la Tour.
Puis je passai à Rotherhite où je le laissai dans le canot et allai à pied à Deptford. Je parcourus l'arsenal dans tous les sens, parlant aux gens. Puis sir William Penn sortant de la paierie me prit à part pour me dire le mécontentement de sir John Mennes de ce que j'enlevais le jour à son escalier, ce qui est en effet très fâcheux, et que j'empêchais l'accès aux lieux d'aisance de la terrasse. Ce qui me tracassa et j'allai à la paierie et eus l'occasion de lui parler seul à seul et de le rassurer, de sorte que je suis content et espère avoir mes chambres sur la terrasse sans autres ennuis, car il n'a pas d'objection à ce que j'aie une porte qui donne sur la terrasse à condition que toute la maisonnée n'en fasse pas un passage, ce qui me satisfait.
Puis allai à la paie et rentrai dans la soirée par le canot major, et à mon bureau et, après avoir travaillé à mon logement et au lit.
9 septembre 1662
A mon bureau de bonne heure et avons tenu notre réunion. A midi avec Mr Coventry, sir John Mennes et Mr Pett par le fleuve à Deptford où nous avons retrouvé sir George Carteret, sir William Batten et sir William Penn occupés au paiement de l'équipage d'un navire. Nous dînâmes ensemble d'un excellent cuissot de chevreuil cuit à l'eau, sommes ensuite retournés au bureau où nous avons trouvé, leur ayant donné rendez-vous, plusieurs marchands pour connaître les prix les plus bas qu'ils demandent pour les diverses provisions. Car je suis résolu à m'informer et à ne pas acheter plus cher, afin que si nous payons plus cher ce sera la faute du trésorier et non la nôtre.
Cet après-midi avec sir John Mennes et Mr Coventry au logis de sir John où il nous a montré que j'ai aveuglé toutes ses fenêtres et bloqué sa porte sur le jardin, et il est décidé à m'interdire d'autres choses qu'il nous fait remarquer, ce qui me contrarie tellement que de toute la soirée et de la nuit dans mon lit, grand sot et bien peu maître de mes passions que je suis, je n'ai pas dormi à l'idée de perdre mes droits d'user de la terrasse et d'autres choses qui, en elles-mêmes sont insignifiantes et ne méritent pas que je m'en tracasse un tant soit peu. Je suis d'autant plus sot, et je lutte contre, tant j'ai honte, surtout moi qui autrefois prônais la maxime d'Epictète " ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. "
Resté tard à mon bureau, l'esprit tracassé et au lit, mais presque sans dormir de la nuit.
10 septembre
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Levé et allai dans ma maison, où j'ai trouvé un moyen pour que sir John Mennes ait accès à la terrasse et que je garde quand même une partie de la chambre que j'espérais avoir, et si cela ne lui plaît pas je serais fou de m'en tracasser.A mon bureau puis à ma maison au milieu de mes paresseux d'ouvriers toute la journée. Dans l'après-midi à la Garde-Robe pour parler avec Mr Townshend. Il a parlé avec Mr Young de l'affaire de mon frère Tom et a su qu'il a pris des renseignements sur lui et qu'il en entend tellement de bien qu'il ne doute pas que l'affaire ne marche, moyennant quelques efforts. J'allai alors chez mon frère et trouvant le haut et le bas de la porte ouverts, j'entrai et frappai trois ou quatre fois sans que personne vînt, ce qui me tracassa beaucoup. Enfin arriva Margaret qui se plaignit de Peter, qui arriva au bout d'un moment, et je le tançai vertement.
Je saisis plus tard l'occasion de parler en tête à tête avec Margaret que je vois être femme de bien et d'un très bon jugement et elle me dit que son maître administre sa maison et s'occupe de son métier très bien, mais il a tort de n'avoir point d'autorité sur ses deux domestiques, car ils font ce qui leur chante et ne se soucient pas de ses ordres, en particulier le dimanche ils vont où ils leur plaît et non à l'église, ce qui me contrarie beaucoup et je suis décidé à le réprimander vertement. Cela est si différent de ce que faisait mon père que je ne puis le souffrir, de lui ou de moi.
Puis rentrai à pied, rencontrai mon oncle Wight à la Bourse. Nous allâmes dans une taverne à bière puis nous partîmes et je rentrai. Et à mon bureau jusqu'à 9 heures et au-delà et à mon logement.
J'oublie de dire que hier soir Mr Cooke est venu me voir pour faire la paix après avoir récemment invité mon frère à quitter Londres sans ma permission, mais il me fait un tel portrait de la femme qu'il lui a découverte que je m'en réjouis fort, et j'ai, ce soir, écrit à cette femme une lettre qu'il a jointe à une lettre de sa propre main. J'avoue que je suis très content de ce mariage.
11 septembre
Levé mais pas aussi tôt que ces derniers temps. Les petits tracas et la brièveté des jours me faisant rester au lit un peu plus longtemps qu'auparavant, mais il faut en revanche que je veille plus longtemps le soir. A mon bureau. Mon frère Tom est venu et je l'ai suffisamment grondé pour l'affaire d'hier. Puis réunion toute la matinée. Quelques-uns d'entre nous à Deptford pour payer la solde de l'effectif ordinaire. A midi sir William Penn m'emmena à son logis pour dîner. Retournai ensuite à mon bureau et allai de temps en temps voir comment mes travaux avancent. A mon bureau tard puis à mon logement. A ma musique, à jouer de mon luth, au lit. Ce soir Tom est venu me montrer une lettre fort courtoise que lui a envoyée sa maîtresse. Je suis passablement content de cette affaire.
12 septembre
Levé de bonne heure et à mon bureau. Je montai voir mes ouvriers, tout avance lentement et me tracasse fort, de plus je le serai encore tant que je ne saurai pas comment John Mennes se comportera avec moi à propos de mon logis, car toute ma crainte c'est qu'il prenne ma meilleure chambre, car quant à la terrasse je m'en soucie comme d'une guigne.
A mon bureau toute la matinée. Mr Lewes m'apprit à comprendre la manière de faire les comptes des commissaires de la Marine, ce qui m'est bien nécessaire et bien difficile. Dînai à la maison toute sale et moi las d'être ainsi dérangé. J'espère de toutes mes forces que cela passera, mais à l'heure actuelle je suis tout mélancolique, et depuis longtemps.
Tout l'après-midi, jusqu'à 9 heures du soir à mon bureau, puis à la maison je mangeai un ou deux oeufs, puis à mon logement et au lit.
Aujourd'hui une lettre de mon père m'apprend que le capitaine Ferrer, à la campagne avec milord, s'est rendu à Brampton avec Mr Creed pour le voir, et qu'il y a un ou deux jours poussé à frapper un des valets de pied de milord, ce valet tira son épée et manqua lui trancher les doigts d'une main. Ce que je regrette, mais c'est la vanité qu'engendre le pouvoir de donner des ordres et de frapper.
13 septembre 1662
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Levé de bonne heure et au bureau en réunion toute la matinée. Puis à midi dînai seul à la maison, puis au milieu de mes ouvriers à chercher une façon de m'assurer l'accès à la terrasse. Je crains bien qu'il faudra, en fin de compte, que j'apprenne à me passer. J'en ai quand même l'esprit tracassé. L'après-midi nous avons repris notre réunion pour balancer les comptes entre le roi et les capitaines des navires affrétés pour le transport des provision à Lisbonne. Dans la soirée Mr Moore vint me voir et a dormi avec moi dans mon logement. Sa compagnie et sa conversation sont un grand plaisir pour moi. Nous avons aussi parlé de mon procès dont je dois recommencer à m'occuper, la session des tribunaux approchant rapidement. Et au lit.
14 septembre
Jour du Seigneur
Levé de très bonne heure et comme Mr Moore me disait au revoir le barbier est venu me raser. J'ai recommencé à le faire venir après m'être longtemps servi d'une pierre ponce, non que cela me déplaise quand je ne puis avoir de barbier. Et par le fleuve à Whitehall. En chemin j'apprends que l'évêque de Londres a donné des ordres stricts interdisant aux canots de sortir le dimanche, et au retour dans un autre canot nous fûmes inspectés par les maîtres de la corporation, mais je leur dis qui j'étais. Comme la porte n'était pas ouverte je dus aller à l'appontement de Westminster et j'entrai à la Jambe où je pris une chope de bière et une rôtie, ce que je n'ai pas fait depuis bien des mois, mais aujourd'hui cela a remplacé mes deux verres de vin. De là à St James voir Mr Coventry, restai à causer une heure dans son cabinet des affaires de notre bureau et je le vois admirablement sérieux et appliqué. Je le crois mon plus fidèle ami en tout ce qui est juste. Il me confie librement ce qu'il pense de tout et de tous.
De là à la Chapelle de Whitehall. Le sermon était presque achevé et j'ai entendu la nouvelle musique du capitaine Cooke. C'est le premier jour que des violes et d'autres instruments jouent une symphonie entre chaque verset de l'antienne. La musique a plus d'ampleur que dimanche dernier et est fort belle. Mais je m'aperçus que le capitaine Cooke forçait la note en chantant, je ne m'en étais jamais aperçu. Puis à la chambre d'audience et avons revu la reine comme nous l'avons vue dimanche dernier, et quelques belles dames avec elle, mais, sur ma foi, peu nombreuses.
De là chez sir George Carteret. J'apprends qu'il s'est foulé le pied et qu'il boite, mais qu'il a quand même été à la chapelle et que milady est fort inquiète au sujet d'une de ses filles malade. Je dînai avec eux et une très jolie femme, leur parente. C'est ma joie que j'ai un soutien solide en George et Mr Coventry. Sir George m'a parlé d'une commode donnée à sir William Batten par Hugues le cordier, qu'il a depuis privé de son emploi, et maintenant cet homme réclame son meuble. Rentrai par le fleuve et à l'église. Les deux sirs William et sir John Mennes allèrent au jardin, puis avec sir William Penn parlai de mon logis et de sir John Mennes. Je lui confiai tout ce que j'en pensais et il me dit ce qu'il en savait, et je vois bien que je ne pourrais sans doute pas conserver ma meilleure chambre, ce qui me tracasse. Mais j'ai fait chercher Goodenough, le plâtrier, qui me dit qu'elle a toujours fait partie de mon logis, qu'elle avait été prêtée par Mr Payler au commissaire Smith. Je veux faire mon possible pour ne pas la perdre.
Puis soupai avec eux chez sir William Batten. Je fais semblant d'être content mais j'ai le coeur troublé et offensé par tous ces gens-là. Puis à mon bureau pour préparer mes notes que je dois lire au Duc demain matin, et à mon logement et au lit. Je suis un peu soulagé parce que j'ai décidé de savoir demain nettement à quoi m'en tenir sur mon logis.
Sir William Penn m'a parlé d'un de mes domestiques qui regarda par la fenêtre de la chambre de sir John Mennes quand milady Batten y était couchée, ce qui, je le crains, me fera complètement perdre la terrasse. Une autre chose qu'il m'a dite, c'est que mon James coupa les longues moustaches d'un charpentier et que cet homme en pleura et que sa femme n'a pas voulu l'approcher de longtemps croyant qu'il avait été voir certaines de ses catins. Ce qui me fit rire, bien que je voie qu'ils en parlent comme d'un crime commis par cette femme, ce que je ne comprends pas.
15 septembre
Levé de bonne heure pour voir le plâtrier et le maçon qui ont au début divisé notre logis. Ils me disent tous deux que la chambre en question a toujours fait partie de notre logis, ce qui me rassure bien.
Puis par le fleuve avec sir William Penn à Whitehall, et avec bien de la peine je fus contraint de passer le Pont en marchant sur les piles, tandis que sir William Batten et sir John Mennes étaient échoués contre le Pont et durent attendre longtemps pour passer. A Whitehall on nous dit que le duc d'York est à la chasse aujourd'hui de sorte que nous revînmes, eux chez le duc d'Albermale où je les laissai après avoir remarqué quelques excellents tableaux, puis chez moi j'ai pris la décision de ne plus faire d'efforts pour conserver l'accès à la terrasse, et de bien fermer mes portes, de peur que, si elles étaient ouvertes, ils n'eussent des raisons de désirer ma chambre, ce qui est ma plus grande crainte.
Puis allai à Deptford et emmenai avec moi milady Sandwich et sa fille et Mrs Turner, car elles se rendaient là en passant par le jardin. Puis de mon côté à la paie et vers 3 heures avec sir William Penn dîner, ensuite recommençai les paiements et le soir nous rentrâmes tous ensemble par le canot major. Et à mon logement et au lit, l'esprit plein de tracas à propos de ma maison.
à suivre................
16 septembre 1662
Levé et allai.......