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( Lettre 155 )
Lettre au chien de Reynaldo Hahn
Mon cher Zadig
Je t'aime beaucoup parce que tu as beaucoup de chasgrin et d'amour par même que moi ; et tu ne pouvais pas trouver mieux dans le monde entier. Mais je ne suis pas jaloux qu'il est plus avec toi parce que c'est juste et que tu es plus malheureux et plus aimant. Voici comment je le sais mon genstil chouen. Quand j'étais petit et que j'avais du chagrin, ou pour pour quitter Maman, ou pour partir en voyage, ou pour me coucher, ou pour une jeune fille que j'aimais, j'étais plus malheureux qu'aujourd'hui d'abord parce que comme toi je n'étais pas libre comme je le suis aujourd'hui d'aller distraire mon chagrin et que j'étais renfermé avec lui, mais parce que j'étais attaché aussi dans ma tête où je n'avais aucune idée, aucun souvenir de lecture, aucun projet où m'échapper. Et tu es ainsi Zadig. Tu n'as jamais fait lectures et tu n'as pas idée. Et tu dois être bien malheureux quand tu es triste. Mais sache mon bon petit Zadig ceci, qu'une espèce de petit chouen que je suis dans ton genre, te dit et dit car il a été homme et toi pas. Cette intelligence ne nous sert qu'à remplacer ces impressions qui te font aimer et souffrir par des facsimilés affaiblis qui font moins de chagrin et donnent moins de tendresse. Dans les rares moments où je retrouve toute ma tendresse, toute ma souffrance, c'est que je n'ai plus senti d'après ces fausses idées, mais d'après quelque chose qui est semblable en toi et en moi mon petit chouen. Et cela me semble tellement supérieur au reste qu'il n'y a quand je suis redevenu chien, un pauvre Zadig comme toi que je me mets à écrire et il n'y a que les livres écrits ainsi que j'aime. Celui qui porte ton nom, mon vieux Zadig n'est pas du tout comme cela. C'est une petite dispute entre ton maître qui est aussi le mien et moi. Mais toi tu n'auras pas de querelles avec lui car tu ne penses pas. Cher Zadig nous sommes vieux et souffrants tous deux. Mais j'aimerais bien aller te faire souvent visite pour que tu me rapproches de ton petit maître au lieu de m'en séparer. Je t'embrasse de tout mon cœur et je vais envoyer à ton ami Reynaldo ta petite rançon.
Ton ami
Buncht
( Lettre 168 )
Mon petit Guncht
Puisque tu renonces tellement ta patrie Paris je ne sais comment te saluer, et te prie de ma songer un peu. Regarde cette lettre mon cher ami. Tu verras que j'ai pensé à te faire écrire plutôt par Boltaire et Perlaine. Et c'est parce que Charavay n'avait pas que je t'écris misérablement moi-même quoique tu sois un si dédaigneux militaire qui ne pense plus qu'aux grandeurs et aux servitudes de cet état que j'aurais voulu embrasser. Et je regrette que je ne l'ai pas fait. Car peut'être santé aurait été moins moschante. Je pourrais te démontrer si mieux que je pense que toujours à toi que par la lettre Charavay mais c'est parce qu'elle est là et que je te sens devenir si militaire. Je te salue bien tendrement et t'approuve beaucoup de rester un peu dans la garnison. Comme toi Guncht fit, quand, son service fini, il ne peut se décider à quitter Orléans.
Je te donne mon petit bonsjour.
BUNCHT
( Lettre 169 )
Mi-juillet 1912
Mon cher Genstil
J'ai pris froid et je tousse un peu et ai une espèce de petit rhumatisme. Ce n'est rien mais je n'ose pas me lever et c'est une cruelle souffrance morale pour moi de ne pas aller vous voir aujourd'hui ; mais j'ai mis beaucoup de tricots pour avoir chaud et je pense être bien demain et aller chez vous.
Votre petit
Birnuls Marcel
Mon cher Genstil je voudrais bien que vous veniez demeurer chez moi. Je ferais arranger ma
salle à manger qui est très grande, sans que vous vous en rendiez compte, en chambre à coucher pour vous. Je ferais mettre double porte au petit salon qui serait votre salon et où vous feriez musique aussi fort que vous voudriez. Vous auriez salle de bains et cabinet de toilette, Céline vous ferait la cuisine et ainsi vous n'auriez pas l'ennui d'avoir à faire des comptes, du ménage etc. Et si meson vous déplaît je déménagerais et irons où vous voudrez. Qu'en pensez-vous ?
salle à manger qui est très grande, sans que vous vous en rendiez compte, en chambre à coucher pour vous. Je ferais mettre double porte au petit salon qui serait votre salon et où vous feriez musique aussi fort que vous voudriez. Vous auriez salle de bains et cabinet de toilette, Céline vous ferait la cuisine et ainsi vous n'auriez pas l'ennui d'avoir à faire des comptes, du ménage etc. Et si meson vous déplaît je déménagerais et irons où vous voudrez. Qu'en pensez-vous ?
( Lettre 179 )
Fin janvier 1913
Mon cher petit Binibuls
Je t'envoie encor un nouveau bonsjour et je te salue bien. Hambourg a l'air très joli. J'avais voulu t'envoyer un article de Bidou mais il était trop entvieux. Mais ce qui eût pu peut'être balancé un peu l'ennui de l'article eût été sa méchanceté pour l'auteur quand tu sauras que ce dernier " n'est autre " que Lucie Besnard. Au reste le public ne m'a pas paru d'un autre avis. La Folle Enchère ne me semble pas avoir été un succès fou. Quant à Fervaal je ne sais ce qui s'est passé mais le jour où on devait la donner on a joué à sa place Salomé ou... Aïda, une autre fois Faust, puis Le Sortilège, et enfin on annonce le départ en congé de Muratore ( " superbe Fervaal " ). A moins d'être Bréval, on peut accepter de chanter un opéra de d'Indy sans crainte d'être surmené ! - Quant à La Folle Enchère dont le Figaro a publié une scène " capitale " ( comme une exécution ) ( mais faible comme exécutive ), il est étonnant qu'on médite sans cesse Novalis, Shakespeare, Kuno Fisher et Jean-Paul Richter pour rendre des points, quand on écrit, à Lauzanne ( non pas même Stéphane mais Duvert etc ). Ainsi Saussine compare anxieusement Wagner, Bach et Chausson dans sa tête, mais au piano semble n'avoir jamais lu que Poise. Tels sont ô Reynaldo les étonnements de ton pauvre Ali. J'ai lu dans Le Figaro une lettre de Loti sur les constructeurs d'hôtels qui dépasse en violence celle sur les égorgements de turcs. Mais il les appelle des cuistres. Je ne croyais pas que ce fût le sens de ce mot. Je te bonjoure.
Brülez ma lettre vite.
P.-S.- Quel est le comble du snobisme pour Mme Blumenthal : chercher dans le Gotha Viollet le Duc et le Roy d'Etiolles. - Ou bien celui-ci : ne supporter que trois artistes ou lyriques : Baron, Duc, et Prince, et à Offenbach préférer... Comte - Offenbach. Excuse ces jeux innocents. T.S.V.P. Etes-vous curieux de savoir comment mon porte-cigarettes ( 350 f ) a été accueilli par Calmette. Je le lui ai porté, dans sa boîte, je lui ai dit : " Je voulais venir la veille du jour de l'an avec le petit porte-cigarettes aussi simple que possible " et je l'ai posé ( dans la boîte à côté de lui ). Il a haussé les épaules d'un air affectueux sans rien dire, j'ai regardé la boîte sans rien dire, j'ai regardé la boîte comme pour dire : "ouvrez ", il a regardé la boîte d'un air vague, n'a pas ouvert. Il m'a dit : " J'espère bien que Poincaré sera élu ", m'a reconduit jusqu'à la porte en me disant d'une voix chaude et modulée " Ce sera peut'être Deschanel ". J'ai jeté à mon porte-cigarettes caché dans sa boîte un regard : " Aimez ce que jamais on ne verra deux fois ." Je suis parti, Poincaré a été nommé, mais Calmette ne m'a jamais écrit.
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