picasso apollinaire et leurs amies marie laurencin
Lettre à Madeleine
Le 13 novembre Apollinaire " très inquiet de tous ces transports coulés en Maditerranée. Ces sacrés boches font donc ce qu'ils veulent dans notre mer. " Il poursuit sa lettre par
des considérations amoureuses " ... Je te dévore et te redévore. Tu es mon adorable amour bleu. J'adore
tes dents et aussi tes yeux pers de petite Minerve ferme et sage et forte, tes yeux glauques, tes yeux qui sont
un pré ensoleillé. Et j'adore tes gencives très rouges. J'adore ton rire et ton sourire qui découvrent tes gencives. J'entends tes morsures à mon oreille... Pour en revenir aux Sadia Lévy, je le connais bien, nous avons longtemps été confrères dans des petites revues, mais nous n'avons jamais été intimes. D'autre part, je t'avertis pour éviter les commérages, qu'ils connaissent Marie L...qu'ils ont vue souvent avec moi et plus souvent que moi aussi, car ils allaient à son jour où je n'allais jamais. Elle a fait le portrait des trois. Père mère et fillette, sur une même toile, je crois même que ce tableau a été acheté par un Boche. Au demeurant je ne crois pas qu'ils fassent beaucoup de commérages. Mme Sadia Lévy m'a toujours paru une très bonne femme, un peu sourde. C'était un bon ménage. Mais lui est trop exclusivement sacerdotal. Il est fait pour vivre en lévite et ne comprend à mon sens pas grand-chose à l'univers qui l'entoure. Il est littérateur loin de la vie et très limité. Ses goûts artistiques sont périmés. Mais c'est je crois un brave homme. Cette guerre m'a l'air de se dérouler mal, mon amour. Cependant le ministère actuel est mieux et le ministère de la guerre est enfin quelqu'un. Je souhaite qu'il soit temps encore pour qu'il montre son génie, car il en a à mon avis et d'après ce que j'en sais. La description de ton lit me plaît m'amour. Il est très bien. J'adore comme toi les très grands lits... " Le texte s'achève sur " Le 10è Poème Secret
Ecrit le 14 novembre pour partir le 15 --
C'est ton jour de naissance aujourd'hui mon amour et c'est aussi le premier jour de neige ici. Tout ce qui n'était pas blanc et Dieu sait s'il y a du blanc dans ce pays de craie terriblement remué par plus d'un an de guerre, a blanchi tout à coup et tout est blanc comme ton corps exquis maintenant. Je baise ton front chéri, tes cheveux noirs et tout toi qui es adorable. J'ai fait le calcul du temps qu'il faudra pour que j'aille en permission : 4 mois encore environ, un peu moins, peut-être même la chose se fera-t-elle plus vite, mais ce n'est pas sûr étant donné la parcimonie des permissions dans notre régieon. Il y a des régions où les soldats partent déjà en permission pour la 2è fois. L'hiver est là , assez dur avec des gendarmes qui empêchent de couper du bois. C'est bizarre cette guerre administrative, réglée comme du papier à musique. Cependant il semble que vaguement un tout petit espoir de paix commence à se dessiner dans les limbes des destins d'Etats. Cette paix je commence à la souhaiter de toute l'aspiration de ma poitrine. Cependant ton amour me tient lieu de tout et me console de tout. Je t'aime en bleu presque blanc mon amour, je t'aime en hiver je voudrais être avec toi dans un lit bien chaud et sentir contre moi tout ton corps souple de grande fille adorable. Je réchauffe mes mains dans tes fourrures merveilleuses et ton haleine m'entourerait d'une chaleur que j'adore. J'ai regardé aujourd'hui tes photos. La dernière qui me plaisait tant, s'est entièrement effacée. Les petits ne doivent pas savoir virer leurs photos. C'était arrivé déjà pour la toute première photo. Mon amour je t'aime en bleu infiniment je caresse Ta Blancheur, je cueille tes roses avec ardeur et j'aspire l'odeur de tes jambes ces lys de mon désir.
Je te dévore avec tendresse ce soir et tant de douceur finit par éveiller ma gourmandise et j'aurais bien envie de dévorer pour de bon toi qui est à moi.
Ma grande, mon petit Madelon chéri je t'aime mignonement. Parle-moi de tes ongles amour, de ton cou et de tes narines et aussi de tes oreilles et parle-moi aussi du petit ermite dont tu ignorais l'existence et aussi de ta langue dont tu ne m'as pas parlé, ta langue adorable dont j'espère mille caresses et que je sens divinement.
Je t'adore mon Madelon chéri et prends ta bouche avec une fougue incroyable et en pressant tout ton corps exquis et consentant contre le mien. Je sens la flexibilité adorable de ta taille et nos bouches jouent divinement l'une de l'autre comme deux trompettes qui sonneraient à l'amour.
Gui