lundi 11 novembre 2013

La force du sang Miguel de Cervantes ( suite et fin nouvelle Espagne )

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              
                                                                                                                                                                                                                           
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   
                                                  La force du sang
                                                                                                                                                                                                                                                                                                  
            Elle cependant continuait de vivre chez ses parents, dans la plus grande retraite sans se laisser voir de personne et craignant qu'on ne lut son opprobre sur son front. Mais au bout de quelques mois elle comprit qu'il lui devenait nécessaire de faire par force ce qu'elle n'avait fait jusque-là que de son gré. Il lui convenait de vivre retirée et cachée,  car elle était enceinte. Pour cette occasion les larmes un moment oubliées revinrent à ses yeux. Et les soupirs et les plaintes recommencèrent à frapper les airs sans que la sagesse de sa bonne mère put rien pour la consoler. Le temps vola. Le moment vint de l'accouchement,  et dans un si grand secret qu'on n'osa même se confier à une commère et que la mère en usurpa l'office.
            Léocardia mit à la lumière du monde un des plus beaux enfants qu'il se pût imaginer. Avec la même prudence et le même secret on le mena à un village où il fut élevé pendant quatre ans au bout de quoi sa grand-mère le ramena sous le nom de neveu où il vécut, sinon richement, pour le moins fort vertueusement.
            L'enfant que l'on nomma Louis du nom de son grand-père avait un beau visage, l'esprit fin et le naturel doux et toutes ses actions, à un âge aussi tendre, offrait les marques d'une noble origine. Sa gentillesse, sa grâce, ses qualités diverses charmèrent à ce point ses grands-parents qu'ils en vinrent à tenir pour un bonheur l'infortune de leur fille. Sortait-il dans la rue, des milliers de bénédictions pleuvaient sur lui, les uns louaient sa beauté, d'autres la mère qui l'avait enfanté, ceux-ci le père qui l'avait engendré, ceux-là son excellente éducation. Ainsi applaudi de ceux qui l'approchaient l'enfant atteignit ses sept ans, savait déjà lire le latin et le romance et écrire d'une fort belle écriture, bien formée. L'intention de ses grands-parents était de le faire vertueux et savant puisqu'ils ne pouvaient le faire riche. Comme si la richesse et la vertu n'étaient pas les richesses sur quoi n'ont nulle juridiction les voleurs, ni ce qu'on appelle Destin.                                                                                           
            Un jour l'enfant dut porter une commission de sa grand'mère à une sienne parente. Il eut à passer par une rue où quelques gentilshommes couraient la bague. Il s'arrêta, regarda et pour se mieux placer traversa la rue mais sans pouvoir éviter d'être renversé par un cheval que son maître ne put retenir dans la fureur de sa course. Il lui passa sur le corps et le laissa étendu, la tête ensanglantée.
            A peine cela venait-il d'arriver qu'un vieux gentilhomme qui assistait à la course sauta de son cheval avec une étonnante légèreté, se précipita vers l'enfant et, le prenant des bras de quelqu'un qui le tenait déjà, l'emporta en toute hâte vers sa maison, sans tenir compte de ses cheveux blancs, ni de sa condition, qui était élevée. Il ordonna à ses domestiques de le laisser et d'aller immédiatement quérir un chirurgien. Plusieurs gentilshommes le suivirent émus de la disgrâce d'un si bel enfant, car on se mit à crier que c'était Luisico, le neveu de tel gentilhomme, et l'on nomma son grand-père. La nouvelle courut de bonche en bouche jusqu'aux oreilles de ses grands-parents et de sa mère secrète qui s'étant fait confirmer la chose, sortirent comme des fous à la recherche de leur enfant chéri.
                                                                           lescenobitestranquilles.fr             
            Le gentilhomme qui l'avait ramassé était des plus illustres, les gens qu'ils rencontrèrent leur indiquèrent sa maison où ils arrivèrent à temps, l'enfant étant déjà entre les mains d'un chirurgien. Le gentilhomme et sa femme les prièrent dès qu'ils comprirent qu'ils étaient ses parents, de ne pas pleurer ni élever la voix, car cela ne serirait de rien à l'enfant. Le chirurgien, qui était fameux, donna ses soins avec une délicatesse et une maîtrise infinies et assura que la blessure n'était pas mortelle, ainsi qu'il l'avait craint tout d'abord.                                                                               
            Pendant qu'on le soignait Louis reprit ses esprits et se réjouit en voyant ses oncles qui lui demandèrent en pleurant comment il se sentait. Il répondit qu'il se sentait bien mais que le corps et la tête lui faisaient très mal. Le médecin ordonna de ne lui point parler et de le laisser reposer.
            Ainsi fit-on, et le grand-père remercia le maître de maison de la grande charité dont il avait usée envers son neveu, à quoi le gentilhomme répondit qu'il n'y avait pas à lui en rendre grâces car lorsqu'il avait vu l'enfant tombé sous les pieds des chevaux il lui avait semblé voir le visage d'un sien fils qu'il aimait tendrement  et que cela l'avait poussé à le prendre dans ses bras et à l'emmener chez lui où il demeurerait jusqu'à se gurérison entouré de tous les soins possibles et nécessaires. Sa femme, une noble dame, parla de même avec mille assurances et mille empressements.
hebergeur image            Les grands-parents demeurèrent surpris de sentiments aussi chrétiens, mais la mère fut plus surprise encore car les déclarations du chirurgien ayant un peu calmé l'agitation de son esprit, elle regarda attentivement la chambre où se trouvait son fils et reconnut à des signes évidents que c'était celle où son honneur avait pris fin et où avait commencé son infortune. Elle n'était plus ornée des damas mais Léocadie reconnut sa disposition, vit la fenêtre grillagée fermée à présent à cause du blessé. Elle demanda si cette fenêtre donnait sur quelque jardin. On lui répondit oui. Mais ce qu'elle reconnut avec le plus de certitude ce fut ce lit qui avait été sa sépulture, en outre le bureau sur lequel se trouvait le crucifix qu'elle avait emporté était à la même place. Enfin le nombre de marches qu'elle avait eu l'heureuse idée de compter de la chambre à la rue, mit en lumière ses soupçons. Au moment de rentrer chez elle après avoir quitté son enfant elle les compta de nouveau et retrouva le même nombre. Un signe en confirmant un autre elle put tenir pour entièrement vérifié le mouvement de son imagination. Elle rendit un compte détaillé à sa mère. Celle-ci fort- prudemment s'enquit de savoir si le gentilhomme avait eu ou avait quelque fils. Elle apprit que c'était celui que nous avons appelé Rodolphe et qu'il se trouvait en Italie. Considérant le temps qu'on lui dpit avoir été absent d'Espagne, elle vit que c'était sept ans, l'âge de son petit-fils. Elle avisa de tout cela son mari, et tous trois s'accordèrent pour attendre ce que Dieu voudrait faire du blesse qui, quinze jours plus tard était hors de péril et au bout de trente se levait.
            Pendant tout ce temps il reçut les visites de sa mère et de sa grand-mère et fut chèrement aimé des maîtres de la maison comme s'il eût été leut propre enfant. Parfois dona Stéphanie, la femme du gentilhomme, parlant avec Léocadie lui disait que cet enfant ressemblait tellement à un sien fils qui était en Italie qu'elle ne le regardait jamais sans qu'il lui parût le voir devant elle. Léocadit prit prétexte de ces propos pour lui dire, un jour qu'elles se trouvaient seules, les paroles qu'elle avait, d'accord avec ses parents, déterminé de lui dire et qui furent plus ou moins les suivantes :
            " Le jour, madame, que mes parents eurent entendu dire que leur neveu était en si mauvais état, ils crurent que le Ciel se fermait sur eux et que le monde s'écroulait sur leurs épaules, ils imaginèrent que le lumière de leurs yeux leur manquait déjà et le bâton de leur vieillesse, avec ce petit-neveu qu'ils aiment d'un amour tel qu'il excède de beaucoup celui que d'autres parents ont pour leurs enfants, mais il est d'usage de dire que Dieu quand il donne la plaie donne aussi la médecine, et l'enfant a trouvé la sienne en cette maison et moi le souvenir de certaines choses que je ne pourrai oublier tant que me durera l'existence. Madame je suis noble car mes parents le sont et tous mes aïeux l'ont été, quelques biens leur ont suffi à soutenir heureusement leur honneur en quelque lieu qu'ils aient vécu. "
            Dona Stéphanie était fort étonnée du discours de Léocadie, et ne pouvait croire; bien qu'elle le vît, que tant de prudence et de sagesse pussent être contenues en si peu d'années, car elle lui donnait environ vingt ans. Sans rien répliquer elle écouta tout ce que la jeune femme voulut lui conter : l'étourderie de son fils, le déshonneur à quoi elle avait été réduite, l'enlèvement, comment il lui avait bandé les yeux, l'avait amenée dans cette chambre, les signes auxquels elle avait reconnu que c'était la même. Pour tout confirmer elle tira de son sein le crucifix qu'elle avait emporté et à qui elle adressa ces mots :
            " Toi Seigneur qui fus témoin de la violence qui me fut faite sois juge du dédommagement que l'on me doit. De dessus ce bureau je T'emportai dans le dessein de Te rappeler toujours mon offense, non pour T'en demander vengeance, je n'y prétends point, mais pour te prier de m'accorder quelque consolation et de m'aider à souffrir patiemment ma disgrâce. Cet enfant, madame, envers qui vous avez montré l'extrême de votre charité, est votre véritable petit-fils. C'est par une faveur du Ciel qu'il fut renversé afin que, étant ramené dans votre

thermes romains tolède
 maison, il me permît d'y trouver, sinon le remède qui conviendrait mieux à mon infortune, le moyen du moins de la supporter. "
            Ainsi parlant et tenant embrassé le crucifix elle tomba en faiblesse entre les bras de Dona Stéphanie. Celle-ci était femme et noble, c'est-à-dire que la compassion et la miséricorde lui étaient aussi naturelles qu'à un homme la cruauté. A peine vit-elle l'évanouissement de Léocadie qu'elle joignit son visage au sien, versant sur lui tant de larmes qu'il ne fut pas besoin d'y répandre une autre eau pour que Léocadie revînt à elle.             Toutes deux en étaient là lorsque le gentilhomme, mari de Stéphanie, entra, tenant le petit Louis par la main. Devant les pleurs de Stéphanie et l'évanouissement de Léocadie, il demanda en toute hâte la cause de tout cela. L'enfant embrassait sa mère qu'il croyait sa cousine et sa bienfaitrice qu'il ne savait pas être sa grand'mère et demandait aussi pourquoi elles pleuraient.
            " De grandes choses  monsieur, il y a de grandes cboses à vous dire, répondit Stéphonie. Qu'il vous suffise de savoir que cette évanouie est votre fille et cet enfant votre petit-fils. Voilà la vérité que vient de m'apprendre cette jeune fille et j'en ai la preuve, une preuve aussi en est le visage de cet enfant dans lequel nous avons reconnu tous deux celui de notre fils.
            - Si vous ne vous expliquez pas davantage, madame, je ne vous entendrai point, répondit le gentilhomme.
            Alors Léocadie revint à elle et, tenant toujours sur son sein le crucifix, elle sembla chagée en un océan de pleurs. Tout cela troublait fortement le gentilhomme, enfin sa femme lui fit le récit de Léocadie qu'il crut par une divine faveur du Ciel comme si d'innombrables et véritables le lui euusent prouvé. Il consola et embrassa Léocadie, embrassa son petit-fils et le jour même on dépêcha un courrier à Naples pour aviser son fils qu'il eût à rentrer sur l'heure car on lui avait arrangé un mariage avec une femme belle au-delà de toute expression et faite pour lui. Ils ne consentirent point que Léocadie retournassent chez leurs parents lesquels fort contents du succès de leur fille ne cessèrent d'en rendre grâce à Dieu.
            Le courrier parvint à Naples et Rodolphe fort alléché à l'idée de jouir d'une aussi belle femme, deux jours après qu'il eut reçu la lettre, profita de l'occasion de quatre galères qui levaient l'ancre pour l'Espagne, s'y embarqua avec ses deux camarades qui ne l'avaient toujours pas quitté et, après une heureuse traversée de douze jours débarqua à Barcelone, et de là par la poste arriva en sept jours à Tolède et entra chez son père si magnifiquement vêtu que toutes les merveilles de la galanterie étaient réunies en lui.
            Ses parents se félicitèrent de la santé et de l'heureuse arrivée de leur fils. Léocadie demeura toute saisie qui le regardait d'un endroit caché obéissant ainsi à ce qu'avait ordonné dona Stéphanie.
            Les camarades de Rodolphe voulurent rentrer chez eux; mais dona Stéphanie ne le souffrit point. Elle avait besoin d'eux pour son dessein.
            La nuit était proche lorsque Rodolphe arriva et, tandis qu'on dressait la table, Stéphanie s'étant assurée que les camarades de son fils étaient bien de ceux qui l'accompagnaient le soir de l'enlèvement, les prit à part et les pressa de lui dire s'ils se rappelaient que son fils avait enlevé une femme tel soir, il y avait tant d'années. De cette vérité dépendaient l'honneur et la paix de toute sa maison, enfin elle sut les prier avec des raisons si nombreuses et si vives, et les assurer qu'il ne leur arriverait rien de fâcheux s'ils dénonçaient cette action qu'ils jugèrent bon de confesser, qu'il était vrai qu'un soir d'été tandis qu'ils allaient avec Rodolphe et un autre ami, ils avaient enlevé cette femme et que Rodolphe l'avait emmenée cependant qu'ils arrêtaient les gens de la famille qui la voulaient défendre de leurs cris. Un autre jour Rodolphe leur avait dit qu'il l'avait conduite chez lui. C'est tout ce qu'il pouvait répondre à ce qu'on leur demandait.
            Ces aveux mirent un sceau à tous les doutes qui pouvaient s'offrir à l'esprit de la mère. Elle détermina de poursuivre son dessein. Un peu avant qu'on s'assit à table elle entra dans une chambre, seule avec Rodolphe, et lui mettant un portrait entre les mains lui dit :
            " Je veux mon cher Rodolphe te donner un agréable souper en te montrant d'abord ton épouse, voici son véritable portrait. Mais je veux t'avertir que ce qui lui manque en beauté elle le retrouve au centuple en vertu. Elle est noble et avisée, assez riche, et puisque ton père et moi  te l'avons choisie je t'assure qu'elle est celle qui te convient. "
            Rodolphe considéra attentivement le portrait et dit :
            " Si les peintres qui d'ordinaire sont prodigues de la beauté envers les visages qu'ils peignent, l'ont été aussi envers celui-là, sans doute l'original est-il la laideur même. Certes, ma mère, il est juste et bon que les enfants obéissent à leurs parents en tout ce que ceux-ci disposeront, mais il est meilleur que les parents donnent à leurs enfants l'état qui leur plaira le plus. Le mariage est un noeud que rien ne délie, sinonn la mort, aussi sera-t-il bon que les liens soient égaux et fabriqués des mêmes fils. La vertu, la noblesse, l'esprit et les biens de la fortune peuvent réjouir l'entendement de celui qui a trouvé tous ces dons dans la personne de son épouse. Mais que la laideur fasse la joie des yeux d'un époux cela me paraît impossible.Je suis jeune mais je sais que les justes et légitimes délices dont jouissent les mariés se peuvent ajuster au sacrement du mariage. Si ces plaisirs sont absents le ménage cloche et contredit sinon à la première  du moins à la seconde de ses fins, car penser qu'un visage laid que l'on doit avoir à toute heure devant les yeux, dans la salle, à table et au lit, puisse plaire, je dis encore que je le tiens pour quasi impossible. Sur la vie de votre Grâce, ma mère, donnez-moi une compagne qui m'agrée au lieu de me fâcher, afin que sans nous fourvoyer d'un côté ni d'autre nous portions tous deux également et dans le droit chemin le joug que nous aura imposé le ciel, si cette dame est noble, sage et riche, comme votre Grâce le dit, elle trouvera un époux qui soit d'une humeur différente de la mienne. D'aucuns recherchent la noblesse, d'autres l'esprit, d'autres l'argent et d'autres la beauté. Je suis de ceux-ci. La noblesse, grâce au Ciel et à vous j'en ai reçu en héritage.Pour l'esprit il suffit qu'une femme ne soit niaise ni sotte, qu'elle se garde d'être pointue à force de finesse autant que balourde à toute gaucherie. Quant aux richesses celles de mes parents sont telles que je n'ai pas à craindre d'être jamais pauvre. C'est la beauté que je cherche, la beauté que je veux, accompagnée de la seule dot de l'honnêteté et des bonnes moeurs. Si mon épouse m'apporte cela, je servirai Dieu avec joie et procurerai à mes parents une heureuse vieillesse. "                                      
            La mère demeura ravie de la réponse de son fils car elle y entendit que son dessein réussirait. Elle lui dit qu'elle s'efforcerait de le marier selon ses voeux, qu'il ne se chagrinât point et qu'il était facile de défaire les accords qui avaient été faits pour le marier avec cette dame. Rodolphe l'en remercia et l'heure du dîner étant arrivée, on se mit à table. Le père et la mère, Rodolphe et ses deux camarades y avaient pris place lorsque dona Stéphanie s'écria, feignant un oubli :
            " Pécheresse de moi ! Comme je traite mon hôte. Allez vous, fit-elle à un valet, courez dire à la senora Dona Léocadie qu'elle veuille bien nous obliger et venir honorer cette table, elle n'y trouvera que mes enfants et leurs serviteurs. "
            Tout cela entrait dans sa machination et Léocadie en était avertie. Elle parut bientôt et donna de soi la marque la plus belle et la plus imprévue que pût jamais donner beauté naturelle et composée. Elle était vêtue, on était en hiver, d'une tunique toute de velours noir semée de boutons de perles et d'or, avec une ceinture et un collier de diamants, ses cheveux mêmes qui étaient blonds mais sans excès et fort longs lui servaient d'ornement et de coiffe, leur ajustement de rubans et de boucles et les feux des diamants que la plus heureuse invention y avait mêlés troublaient la lumière de tous les regards. Léocadie était merveilleuse de tournure, de gentillesse et d'éclat. Elle tenait à la main son fils et devant elle venaient deux demoiselles qui l'éclairaient de deux cierges de cire en deux chandeliers d'argent. Tout le monde se leva pour lui faire la révérence comme si c'eût été une chose du Ciel qui fût apparue là miraculeusement. Aucun des assistants qui la regardaient tout ravis, ne fut en état de lui dire un mot. Léocadie, avec une grâce charmante et une parfaite civilité les salua tous humblement. Stéphanie la prit par la main et l'assit à son côté en face de Rodolphe. On plaça l'enfant à côté de son grand-père. Rodolphe qui voyait de plus près l'incomparable beauté de Léocadie, disait à part soi :
            " Si la femme que ma mère m'a choisie pour épouse avait la moitié de tant de beauté, je me tiendrais pour le plus heureux homme du monde. Dieu me pardonne ! Qu'est-ce que je vois ? Serait-ce par fortune quelque ange humain ? "
             Et par ses yeux la belle image de Léocadie entrait prendre possession de son âme. Elle, cependant, à mesure que le repas s'écoulait, voyait de près aussi celui qu'elle aimait déjà celaui qu'elle aimait plus que la lumière de ses yeux et le regardait à la dérobée. Ce qui s'était passé avec lui commença de tourner et retourner dans son imagination, l'espoir qu'on lui avait donné de devenir l'épouse de Rodolphe se prit à faiblir. Elle craignit que les promesses de cette mère ne correspondissent à la brièveté de sa fortune. Elle considérait comme elle était près d'être à jamais heureuse, ou à jamais sans bonheur, et ces pensées furent si intenses et si confuses qu'elles lui serrèrent le coeur en sorte qu'elle se mit à transpirer et à perdre couleur, et un malaise la saisit qui la contraignit à incliner la tête dans les bras de dona Stéphanie. Celle-ci dès qu'elle la vit ainsi s'empressa tout émue de la soutenir. Tout le monde s'agita et, laissant la table, accourut à son secours. Mais celui qui donna les plus vives marques d'émotion fut Rodolphe qui, pour arriver plus vite jusqu'à elle, trébucha et tomba deux fois. On eut beau la dégrafer lui jeter de l'eau au visage elle ne reprenait pas ses sens, qui plus est son sein soulevé et son pouls qu'on ne pouvait trouver donnaient des signes précis de sa mort. Les servantes et les valets moins retenus poussèrent des cris et la proclamèrent morte.
            Ces funestes nouvelles vinrent aux oreilles des parents de Léocadie que pour une plus favorable occasion dona Stéphanie gardait cachés. Brisant son ordre ils se précipitèrent dans la salle, accompagnés du curé de la provinceb qui était avec eux. Le curé s'élança pour voir si elle donnait quelque siigne de se repentir de ses péchés afin de l'en absoudre, mais là où il pensait trouver une malade, il en trouva deux.
            Rodolphe s'était évanoui à son tour, la tête sur le sein de Léocadie. Sa mère donna à entendre que c'était là chose qui lui était ordinaire, mais lorsqu'elle vit qu'il ne reprenait pas ses sens, elle faillit perdre les siens à son tour et l'aurait fait si Rodolphe n'était revenu à soi, honteux qu'on l'ait vu se livrer à de pareilles extrémités, mais sa mère devinant ce qu'éprouvait son fils, lui dit :                             
            " N'aie point de honte, mon fils, de ces mouvements passionnés mais bien plutôt de ceux que tu ne ressentirais point lorsque tu 
apprendras ce que je ne veux point te céler plus longtemps. Mais je pensais le laisser pour une plus heureuse conjoncture. Sache enfant de mon âme que cette évanouie que je tiens dans mes bras est ta véritable épouse. Ton père et moi te l'avons choisie, celle du portrait est fausse. "
            Alors Rodolphe entraîné par son amoureux désir et le nom d'époux lui ôtant tous les obstacles que l'honnêteté et la bienséance du lieu lui pouvaient opposer, se jeta sur le visage de Léocadie et unissant sa bouche à la sienne semblait attendre que son âme en sortit pour l'accueillir en lui. Au moment que les larmes de tous étaient les plus vives et que la douleur faisait croître toutes les clameurs, que le père et la mère de Léocadie s'arrachaient les cheveux et que les cris de l'enfant pénétraient les cieux, Léocadie revint à elle, et l'allégresse et le contentement revinrent dans le coeur des assistants. Léocadie se retrouva entre les bras de Rodolphe. Elle eût voulu avec une honnête vigueur s'en défaire, mais il lui dit :
            " Non madame, il ne doit pas en être ainsi. Il n'est pas bien que vous combattiez pour vous séparer des bras de celui qui vous porte en son âme. "
            A ces mots Léocadie acheva de rentrer en elle-même et Stéphanie ne poussa pas plus avant sa première résolution et pria le curé de marier son fils avec Léocadie. Ce qu'il fit, car cette aventure eut lieu en un temps où la seule volonté des contractants sans les diligences et les précautions justes et saintes dont on use à présent suffisait à permettre le mariage, de sorte qu'aucune difficulté ne vint l'empêcher.
            On laissera à une autre plume et à un génie plus délicat que le mien le soin de conter l'allégresse universelle de tous ceux qui se trouvaient là. Les embrassements que Léocadie firent à Rodolphe, les grâces qu'ils rendirent à ses parents et au Ciel, les serments des parties, l'admiration des camarades de Rodolphe qui, le soir-même de leur arrivée assistaient à d'aussi belles et imprévues épousailles, admiration qui s'accrut lorsqu'ils surent que Léocadie était la jeune fille avait enlevée en leur compagnie. Rodolphe n'en fut pas moins surpris et pour mieux s'assurer de cette vérité il pria Léocadie de lui donner quelque signe par où il viendrait à la connaissance entière de ce dont d'ailleurs il ne doutait pas, car il pensait que ses parents avaient dû le bien vérifier.
            " Quand je revins, répondit-elle, d'un autre saisissement je me trouvai, monsieur, dans vos bras et sans honneur, mais je le tiens aujourd'hui pour bien employé, puisqu'en revenant de celui que je viens d'avoir à présent, je me suis retrouvée dans les mêmes bras, mais avec mon honneur.Si ce signe ne suffit point, voici une image que personne ne put vous dérober, sinon moi. Si vous avez constaté son absence le lendemain et si c'est la-même qu'a                       
madame...                                       rembrandt et saskia
            - C'est vous la dame de mon âme et sa maîtresse, et vous la serez tous les ans que Dieu voudra, cher bien ! "
            Et il l'embrassa encore. Les bénédictions et compliments reprirent.
            Vint le dîner et des musiciens parurent que l'on avait prévenus pour la circonstance. Rodolphe se retrouva dans le miroir de son enfant. Les quatre grands-parents pleurèrent de joie, il ne resta pas de coin dans toute la maison qui ne fut visité par le contentement et l'allégresse. La nuit volait de ses ailes noires et légères, mais il semblait à Rodolphe qu'elle cheminait non sur des ailes mais sur des béquilles. Si grand était son désir de se voir seul avec sa chère épouse. L'heure désirée arriva enfin, car il n'est rien qui n'ait son terme. Tout le monde s'en fut coucher, La maison demeura ensevelie dans le silence où ne restera pas la vérité de ce conte, car les nombreux enfants et l'illustre descendance que laissèrent à Tolède, où elle vit encore, ces deux heureux époux n'y consentirent point. Ils jouirent durant de longues et belles années d'eux-mêmes, de leurs enfants et de leurs petits-enfants, grâce au Ciel et aussi à la force du sang qu'avait vu répandu sur le sol le valeureux illustre et très chrétien aïeul du petit Louis
                                                                                                           
                                             

                                                            FIN

                                                                                                           
                                                                                          Miguel de Cervantes                                                                                                                                                                                                      
                                                                                                                                                                                                                                                         
                                                                                                                 
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         

vendredi 8 novembre 2013

Sauver Mozart Raphaël Jerusalmy ( roman France )

                                                                                                                                                                                                                   
                                                                                                                
Couverture du livre Sauver Mozart
                                                                                                            
                                                    Sauver Mozart
                              
                                         Le journal d'Otto J. Steiner
                                                    
            7 juillet 1939 Otto Steiner note son dégoût du vendredi, du cabillaud ( qu'il lui arrivera de regretter ) et des pommes de terre bouillies. Plus tard il note : " Je suis Autrichien de confession phtisique. Et fier de l'être. " De fait critique musical juif, tuberculeux, hospitalisé à Salzbourg, il cache sa religion alors que commencent rafles et déportations, rend service à Hans pour le choix de musiques qui doivent accueillir Hitler et Mussolini à la gare alors que les deux trains s'arrêteront en exact vis-à-vis, puis plus tard pour l'organisation du Festspiele. Mozart. Il veut sauver Son Musicien de directions lourdes, "... je ne veux pas abandonner Mozart à son triste sort... " L'auteur décrit les sentiments et les raisons de ses craintes, donnent des noms, préférant l'un à un autre chef d'orchestre, Furtzwangler, Karajan protégé de Hitler. Approfondissant ses sentiments, il écrit son journal réfugié dans la chapelle. Écrit à son fils, le livre s'achève le 2 août 1940, après une lettre à son fils, peut-être en Palestine, et un clin d'oeil qu'il a réussi à glisser dans le programme du concert. Court roman, difficile de s'en détacher, rapide et lent, réussi.

samedi 2 novembre 2013

Le Kâmasûtra Marie Pierron et Jane Rioufol ( document France )


              
amazon.fr                   

                                                                                                                                                           
                                                   Le Kâmasûtra
                                                                      cul( te )
                                                                                                                                             
            Comme une boisson effervescente une heure grise, le joyeux document présenté dans la collection Hachette " pratique " coécrit par Marie Pierron pour les dessins et sa fille Jane Rioufol, actualise les 64 positions de l'original traduit pour les Anglais en 1876. Les seniors regretteront le confort de leur appart et leur souplesse perdue devant les performances des jeunes couples, ou plusieurs, accomplies dans kitchenettes
            ( chapitre " Chez soi, tout est escamotable,  tout est compressible ".
            Plus tard " Chez les autres * Celle vite fait * ,
            la belle s'ennuie et contemple le mobilier. " - Celle à la piscine *... les autres sont partis à la barbeuk... Allez hop... -
            Celle en société * ... qui vote à gauche... qui vote à droite... faut pas être sectaire... "
            Dessins et textes moulinés avec le même humour le livre peine un peu à trouver sa fin. Mais drôle et... chut!... "
            Acheter un Kâmasûtra,  que ce soit prémédité ou non est un acte courageux. " 4e de couverture.                                                                          

jeudi 31 octobre 2013

Les Goncourt devant leurs cadets Marcel Proust ( Anecdotes et réflexions d'hier pour aujourd'hui France )



                                     
                                        Les Goncourt devant leurs cadets
                                                                                                                             
                                                                                                                    
            Par le prix de 1919 une parcelle de la fortune de M. de Goncourt m'a été transmise. Je me trouve ainsi être à l'égard de l'auteur de Renée Mauperin dans la position difficile d'un héritier qu'il n'a pas connu, ou du moins pas désigné. Elle m'oblige, non pas à avoir chez moi un buste d'Edmond de Goncourt, comme le pauvre et cher Calmette avait au Figaro, dans ce cabinet de travail que sa mort a sanctifié, un buste de Chauchard, mais à beaucoup de respectueuse précaution quand j'ai à parler de lui.
            A vingt ans j'ai vu souvent M. de Goncourt chez Mme Alphonse Daudet et chez la princesse Mathilde, à Paris et à Saint-Gratien. La radieuse beauté d'Alphonse Daudet n'éclipsait pas celle du vieillard hautain et timide qu'était M. de Goncourt. Je n'ai jamais connu depuis d'exemples pareils, dissemblables entre eux d'ailleurs, d'une telle noblesse physique. C'est sur leur aspect prodigieux que s'est close pour moi l'ère des géants...
            Chez la princesse Mathilde, le méfiant dédain inspiré par la personne de M. de Goncourt était quelque chose d'affligeant. J'ai vu là des femmes, même intelligentes, se livrer à des manèges pour éviter de lui dire leur " jour ".                                                                           
             -  Il écoute, il répète, il fait ses Mémoires sur nous !              
             Cette subordination de tous les devoirs mondains, affectueux, familiaux, au devoir d'être le serviteur du vrai aurait pu faire la grandeur de M. de Goncourt, s'il avait pris le mot de vrai dans un sens plus profond et plus large, s'il avait créé plus d'êtres vivants dans la description desquels le carnet du croquis oublié de la mémoire vous apporte sans qu'on le veuille un trait différent, extensif et complémentaire. Malheureusement, au lieu de cela, il observait, prenait des notes, rédigeait un journal, ce qui n'est pas d'un grand artiste, d'un créateur. Ce journal, malgré tout, si calomnié, reste un livre délicieux et divertissant. Le style plein de trouvailles n'est pas, comme l'a dit selon moi à tort Daniel Halévy, d'un mauvais artisan de la langue française. De ce style j'aurais trop à parler en l'analysant. Par la synthèse j'en ai fait du reste la critique, critique laudative en somme, dans mes Pastiches et Mélanges  et surtout dans un des volumes à paraître de  La Recherche du Temps perdu, où mon héros se retrouvant à Tansonville y lit un pseudo-inédit de Goncourt où les différents personnages de mon roman sont appréciés.
            M. de Goncourt a été incomparable chaque fois qu'il a parlé de ces oeuvres d'art qu'il aimait d'une passion sincère, même des arbustes rares de son jardin, lesquels étaient pour lui de précieux bibelots encore. Au théâtre sa Germinie Lacerteux est, après l'Arlésienne, la pièce où sanglota le plus mon " enfance ", comme il aurait dit. Pour quelle part y était Réjane, je ne sais, mais je sortais les yeux si rouges que des spectateurs sensibles s'approchaient de moi croyant qu'on m'avait battu. L'émotion, les fièvres, les anxiétés de l'auteur n'étaient pas moindres. Et comme il voyait tout en fonction de sa vie d'homme de lettres, il craignait toujours que quelque changement de ministère, ou indisposition d'acteur, nouvelle méchanceté du destin acharné contre lui, ne vinssent détourner l'attention publique ou interrompre les représentations de Germinie. Car ce noble artiste, cet historien de la valeur la plus haute et la plus neuve, ce véritable romancier impressionniste si méconnu était aussi un homme d'une naïveté; d'une crédulité, d'une bonhomie inquiète et délicieuse.
            Malgré tout, la fêlure se fit entre les parties passagères de son oeuvre et les formes d'art qui  suivirent. J'en eus l'impression la plus nette pendant le banquet où M. Poincaré décora M. de Goncourt, auquel l'émotion coupait la voix. Les naturalistes présents ne cessaient de proclamer :
            - C'est un très grand bonhomme, le père Goncourt !
            Et les toasts débutaient tous par les mots : " Maître, cher Maître, illustre Maître ". Vint le tour de M. de Régnier qui devait parler au nom du symbolisme. On sait combien l'infinie délicatesse qui a dirigé toute sa vie s'enveloppe quelquefois, quand il parle, de cristalline frigidité. On peut dire, en effet que cette atmosphère surchauffée où bouillonnaient les ' maître et cher maître ", fut brusquement refroidie quand M. de Régnier debout tourné vers M. de Goncourt commença par ce mot :
            - Monsieur...
            Il dit ensuite au nouveau légionnaire qu'il aurait voulu porter sa santé dans une de ces coupes japonaises aimées du maître d'Auteuil. On devine aisément les phrases ravissantes et parfaites dont M. de Régnier sut décorer cette coupe japonaise. Malgré tout, le glacial " Monsieur " du début donnait dans les phrases mêmes qui suivirent, l'impression moins d'une coupe qu'on tend que d'une coupe qu'on brise. Il me semble que c'était la première fêlure.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  

                                                                                                 Marcel Proust

                                                                                      Prix Goncourt 1919 pour
                                                                             A l'ombre des jeunes filles en fleurs

lundi 28 octobre 2013

Lingerie française XIXè - XXIè Catherine Ornem ( Document France )

                                                                                                                                                                                                         
                                                                                                                                              
 
                                                             Lingerie française              
                                                                                    XIXè - XXIè sc
                                                                                                                                                               
                                                                                        
            Le corset de toutes les époques, dans tous ses états, s'il fut un peu moins présent il est resté l'armature la plus fidèle de la femme. Le soutien-gorge tricoté, puis baleiné, pigeonnant à balconnets, en obus, le soutien-gorge un moment, il y a quelques années à peine, rejeté, est l'une des plus jolies pièces de la lingerie féminine. L'auteur nous conte les différentes étapes de création, environ vingt-cinq manipulations. La précision du travail sur la dentelle pour quelque soit la taille, le centre de la fleur corresponde avec le téton. Il fallut créer de nouvelles machines. Le sur-mesure a longtemps fourni du travail aux corsetières. Le nylon, le lycra évoluèrent en qualité. L'évolution de la mode, guêpière et gorge pigeonnante, aux robes de Courrèges, de très nombreuses planches, plus de quatre cents dans un volume où l'image compense bien le texte qui nous rappelle les grands noms des créateurs,  de nos jours Simone Pérèle, qui connaît Cadolle ou Madame Lebigot corsetières des années trente, la marque Barbara qui vendait ses gaines par correspondance. " Le premier corset sans couture remonterait à 1832 ". La machine à coudre a ouvert le marché " onze millions de corsets se sont vendus en 1867 ", comme le soutien-gorge " le corset est un instrument complexe qui intègre pour plus de la moitié de son poids, des buscs et des ressorts en acier, des baleines, des oeillets, des agrafes ", nous dit Catherine Ornem l'auteur de ce volume qui rappelle que la lingerie française est la plus recherchée.                                                                                               

vendredi 25 octobre 2013

La Confrérie des moines volants Metin Arditi ( roman France )

Metin Arditi - La confrérie des moines volants.                                                                                                                                                                                                  

                                                      La Confrérie des moines volants

                        1937. La Russie sous la coupe des dirigeants bolcheviques ordonne la destruction de toutes les formes religieuses. Les églises sont pillées, ravagées, détruites, de même les monastères. Les religieux, les moines fuient quand ils peuvent, mais sont pour la plupart arrêtés fusillés. Un très petit nombre réchappe au massacre, se cache dans les forêts. Mystiques ils prient portant leurs croix, c'est le cas de Nikodime, homme sombre. Il cherche un endroit où se réfugier, prie en chemin, couché à plat ventre, à peine apaisé il croise un puis deux moines puis ils seront douze. Quelques masures, restes d'un chantier leur servent de réfectoire, dortoir, où chacun pose quelque objet récupéré, des icônes, Mais chacun cache visiblement un secret, douloureux. Nikodime leur chef, prêtre, parcourt un calvaire, un tronc d'arbre monté en croix pour chasser ses désirs. Apprenant que certains lieux de culte ont réchappé aux massacres, l'un d'eux propose de tenter une approche et rapporter les plus précieux objets. " Nous serons des acrobates. - Des anges ailés. - Nous allons voler au secours de notre mère l'Église ! " Il faut être trapéziste pour les atteindre, d'où l'expression " moines volants ". Soldats et KGB sont aux trousses de fuyards. Les trésors doivent être cachés. Nikodime trouve un endroit, mais est surpris par une jeune fille simple Irène. La deuxième partie du livre nous ramène à Paris, notamment rue Daru, en 2000. Et l'énigme se dénouera après quelques tribulations à Léningrad. Le plus intéressant dans ce livre est cette âme russe bien décrite. Polia, journaliste russe dit à Mathias parlant de la Russie " Nous cherchons le drame à tout prix, pour le plaisir de la consolation. Nous voulons connaître cet aigu quel qu'en soit le coût. " L'histoire de Nikodime, une histoire russe.                                                                                                                                 
         

jeudi 24 octobre 2013

La force du sang Cervantes ( nouvelle Espagne )

                                                                                                                                                                                              
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     
                                                                          
                                        La Force du Sang
                                                                                                                      
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                
            Un soir, au plus fort de l'été, à Tolède, un vieil hidalgo revenu de s'être récréé au bord du fleuve, avec sa femme, un petit enfant, une fille de seize ans et une suivante. La soirée était limpide, le chemin solitaire, on était sur les onze heures et le pas de nos gens s'attardait pour ne point payer par de la fatigue la pension qu'exigent en retour les plaisirs qu'on peut prendre à Tolède, au bord du fleuve ou dans la campagne. Plein d'une assurance que garantissaient la justice bien faite et l'aimable naturel des habitants de cette ville, le bon hidalgo allait avec son honnête famille, tous bien éloignés de penser aux accidents qui leur pourraient survenir. Mais la plupart des malheurs viennent sans qu'on y pense, et contre leur pensée il leur en arriva un qui troubla leur divertissement et leur donna à pleurer pour de longues années.
            Il y avait dans cette ville un gentilhomme qui pouvait avoir vingt-deux ans et à qui la richesse, son sang illustre, son mauvais penchant, une excessive liberté et de trop libres fréquentations faisaient commettre des actions et se permettre des audaces qui démentaient en qualité et lui faisaient un renom d'effronterie. Ce gentilhomme ( certaines considérations nous amenant à cacher son nom, nous l'appellerons Rodolphe ), avec quatre autres de ses amis, tous jeunes, tous gais et tous insolents, descendaient la côte que l'hidalgo montait. Les deux escadrons se rencontrèrent, celui des brebis et celui des loups, et avec une hardiesse impudente Rodolphe et ses camarades, les visages couverts, regardèrent ceux de la mère, de la fille et de la suivante. Le vieillard s'émut et leur reprocha la laideur d'une telle impertinence.Ils répondirent par des grimaces et des railleries et sans plus entreprendre passèrent outre. Mais l'extrême beauté du visage qu'avait vu Rodolphe, et qui était celui de Léocadie, c'est ainsi que l'on veut nommer la fille de l'hidalgo, commença de se graver en sa mémoire de telle manière qu'il emporta sa volonté et éveilla en lui un vif désir de la posséder, en dépit de tous les inconvénients qui en pourraient résulter.                                                                            
            Il communiqua aussitôt sa pensée à ses compagnons et ils résolurent tout de suite d'enlever la fille pour faire plaisir à Rodolphe.
            Les riches qui tranchent du libéral trouvent toujours quelqu'un pour canoniser leurs folies et qualifier de bonnes leurs mauvaises intentions. Ainsi fut fait. La naissance du méchant dessein, sa communication, son
approbation et le propos d'enlever Léocadie.
            Ils mirent leurs mouchoirs sur leurs figures et, l'épée au clair, firent demi-tour. Au bout de quelques pas ils atteignirent ceux qui avaient à peine fini de remercier le Ciel de les avoir tirés des mains de ces audacieux. Rodolphe bondit sur Léocadie, la prit dans ses bras et s'enfuit avec la jeune fille sans force. Surprise elle resta sans voix, toute évanouie elle ne sentit ni ne vit qui l'emportait.
            Son père cria, la mère de même, le petit frère pleura, la suivante se déchira la face, mais ni les cris ni les pleurs ne furent entendus, n'émurent personne, La face déchirée de la servante ne fut d'aucun profit. La solitude du lieu recouvrait tout, et la paix muette du soir, et les cruelles entrailles des malfaiteurs. Finalement, joyeux s'en furent les uns, tristes demeurèrent les autres.
            Rodolphe parvint à sa maison sans empêchement aucun, et les parents de Léocadie à la leur blessés, affligés, au comble du désespoir, aveugles sans les yeux de leur fille qui était la lumière des leurs, seuls et privés de leur plus douce et agréable compagnie, incertains, sans savoir s'il serait bon de faire part de leur malheur à la justice et craignant de devenir eux-mêmes l'instrument par quoi leur déshonneur serait public. Ils avaient besoin de crédit, en gentilshommes qu'ils étaient et ne savaient de qui se plaindre, sinon de leur brève fortune.
            Rodolphe, sagace et astucieux, tenait dans son appartement cette Léocadie, ramenée les yeux couverts d'un mouchoir afin qu'elle ne vit point les rues par où il la menait, ni la maison où elle entrait. Il occupait dans l'hôtel de son père, qui vivait encore, une chambre à part dont il avait la clef, il avait même toutes les clefs, singulière négligence des pères qui se piquent de tenir leurs fils dans la retraite. Et là, avant que Léocadie ne fût revenue de sa pâmoison, Rodolphe satisfit son désir.
            Les élans impudiques de la jeunesse n'ont pas coutume de se soucier des commodités et circonstances qui les pourraient rendre plus vifs et plus agréables. L'esprit complètement aveuglé Rodolphe eût voulu aussitôt que Léocadie disparût de ce lieu, et il imagina de la replacer dans la rue, tout évanouie comme elle était. Il allait se mettre à l'oeuvre lorsque Léocadie se sentant revenir à elle murmura :
            - Où suis-je, malheureuse ? Quelle obscurité est-ce là ? Quelles ombres m'entourent ? Suis-je dans les limbes de mon innocence ou dans l'enfer de mes fautes ? Jésus ! Qui me touche ? Moi, au lit ? Moi blessée ? M'écoutes-tu, madame ma mère ? M'entends-tu, père bien-aimé ? Hélas ! Malheureuse de moi ! Je vois bien que mes parents ne m'entendent point et que mes ennemis me touchent. Que je serais heureuse si cette obscurité durait à tout jamais, sans que mes yeux eussent à revoir la lumière du monde, et si ce lieu, quel qu'il fût, servait de sépulcre à mon honneur, car mieux vaut déshonneur ignoré qu'honneur exposé à l'opinion des gens. Ah ! Je me souviens, que ne puis-je ne jamais me souvenir ! je me souviens qu'il y a peu j'allais en compagnie de mes parents et que nous fûmes attaqués. Je vois à présent qu'il n'est pas bien que l'on me voie. O toi, qui que tu sois, qui es là avec moi( là-dessus elle prenait les mains de Rodolphe ), si ton coeur est sensible à la moindre prière, je t'en supplie, puisque tu as triomphé de ma gloire, triomphe aussi de ma vie. Ôte-la moi sur le champ, elle ne la peut garder, qui n'a pu garder son honneur, considère que la rigueur dont tu as cruellement usée pour m'offenser s'adoucira par la pitié que tu mettras à me tuer. Ainsi tu seras tout ensemble cruel et pitoyable.
            Les discours de Léocadie plongèrent Rodolphe dans la confusion. Ce jeune homme de peu d'expérience, ne savait que dire ni que faire, et son silence étonnait Léocadie qui tâchait à l'aide de ses mains  de revenir de l'idée que ce compagnon pouvait être une ombre, un fantôme. Mais elle touchait un corps et se rappelait la violence qui lui avait été faite alors qu'elle suivait ses parents, et elle touchait dans la réalité de son malheur. Alors elle reprit le fil de ses propos que ses sanglots et soupirs avaient interrompu.
            Téméraire jeune homme, car tes actes m'obligent à te juger comme jeune encore, je te pardonne l'offense que tu m'as faite, si seulement tu t'engages, de même que tu l'as couverte de cette obscurité, à la couvrir d'un perpétuel silence, sans jamais en rien dire à personne. Je ne demande aucune récompense d'une aussi grave injure. C'est ici la plus grande que je te saurai demander et que tu voudras m'accorder. Sache que je n'ai jamais vu ton visage ni ne veux le voir car, si je me rappelle mon offense, je ne veux point garder dans la mémoire l'image de mon offenseur. C'est entre moi et le Ciel que s'élèveront mes plaintes, sans que les entende le monde, lequel ne juge pas des choses par leurs circonstances, mais par la façon dont on les présente à son jugement. Je ne sais comment je te parle ainsi de vérités qui, d'ordinaire, se fondent sur une expérience universelle et le cours de nombreuses années, alors que les miennes n'arrivent pas à dix-sept. Mais je conçois que la douleur lie et délie tout de même la langue de l'affligé, lui faisant parfois exagérer son mal pour qu'on le croie, lui faisant d'autres fois le taire de peur qu'on y remédie. En tous cas, que je me taise ou que je parle, je ne t'engagerai ni à me croire, ni à me porter remède. Ne pas me croire serait ignorance et nul remède ne me peut soulager. Je ne veux pas me désespérer car il te coûtera peu de satisfaire mon voeu qui est celui-ci. Écoute, ne retarde plus, n'attends pas que le temps apaise ma juste rage, évite d'accumuler les injures, moins tu jouira de moi, puisque tu l'as déjà fait, moins se renflammeront tes mauvais désirs. Fais ton compte que tu m'as offensée par accident, sans donner lieu à aucune réflexion, moi je me persuaderai que je ne suis pas née au monde, ou que si j'y suis née, ce fut pour être malheureuse. Remets-moi donc dans la rue ou près de la cathédrale, de là je saurai bien revenir à la maison. Mais il te faut jurer de ne pas me suivre ni de connaître où j'habite, ni de t'enquérir du nom de mes parents, ni du mien. S'ils étaient aussi riches que nobles, ils ne seraient pas si malheureux en moi.
            Réponds à tout ceci et si tu crains que je puisse te reconnaître à ta voix, sache que hors mon père et mon confesseur, je n'ai parlé de ma vie à aucun homme, et j'en ai trop peu ouï  d'une façon privée que je puisse les distinguer au son de leurs paroles.
            La réponse que fit Rodolphe à des propos si tristes et si raisonnables ne fut qu'un redoublement d'embrassements passionnés. Il donna des marques de vouloir confirmer le penchant que lui inspirait Léocadie et renouveler son déshonneur. Celle-ci, avec plus de vigueur que n'en eût laissé prévoir la tendresse de son âge, se défendit des pieds, des mains, des dents et aussi de la langue, disant :
            - Je t'avise traître, homme sans âme, ou qui que tu sois, que les dépouilles que tu m'as ravies, sont telles que tu les aurais pu prendre d'un tronc ou d'une colonne privée de sentiment. Cette victoire ne fait qu'accroître ton infamie et ta bassesse, mais celle à quoi tu prétends à présent, tu ne l'obtiendras qu'avec ma mort. Tu m'as foulée et anéantie alors que j'avais perdu le sens, mais j'ai recouvré mes forces. Tu pourras me tuer avant que de me vaincre. Si tout éveillée et sans résistance je m'accordais à ton abominable plaisir tu pourrais imaginer que mon évanouissement n'avait été qu'une feinte alors que tu osas me détruire.
            Enfin Léocadie résista si bravement que les forces et les désirs de Rodolphe s'affaiblirent. Son insolente action n'avait eu d'autre principe qu'un transport lascif de quoi ne naît jamais ce véritable amour qui demeure au lieu de l'élan qui passe. Il ne reste chez lui, sinon le repentir, du moins qu'une tiède envie de seconder. Las et refroidi, sans prononcer un mot, il laissa Léocadie dans son lit et, fermant la porte de son appartement, s'en fut chercher ses camarades pour prendre conseil sur ce qu'il devait faire.
            Léocadie sentit qu'elle demeurait seule et enfermée. Elle se leva, parcourut la pièce, palpa les murailles, afin de voir si elle ne trouvait pas quelque porte par où s'en aller, ou quelque fenêtre par où se jeter. Elle trouva la porte bien fermée, mais rencontra une fenêtre qu'elle put ouvrir et par où entra la splendeur de la lune si claire que Léocadie put distinguer la couleur des damas qui ornaient la chambre. Elle vit que le lit était doré et si richement orné qu'il semblait plutôt le lit d'un prince que d'un simple gentilhomme. Elle compta les chaises et les bureaux, elle examina l'endroit où était la porte et vit, accrochées au mur, quelques peintures, mais n'en put distinguer les sujets.. La fenêtre était grande, défendue par une grosse grille, la vue donnait sur un jardin également fermé de hautes murailles, difficultés qui s'opposèrent à son intention de se jeter dans la rue.
            Tout ce qu'elle vit et observa de la richesse de cette chambre lui donna à entendre que son maître devait être un homme de haute condition et riche, et non d'une façon ordinaire. Sur un cabinet près de la fenêtre elle vit un petit crucifix tout d'argent qu'elle prit et cacha dans sa manche, non par larcin, mais sous l'effet d'un secret dessein. Puis elle referma la fenêtre et retourna à son lit, attendant la fin d'une aventure si funestement commencée.
            Une demi-heure s'était peut-être écoulée quand elle entendit ouvrir la porte et une personne s'approcher qui, sans mot dire, lui banda les yeux, la prit par le bras, l'emmena hors de la chambre et referma la porte. C'était Rodolphe qui, bien qu'il fût allé à la recherche de ses compagnons, ne les avait point voulu trouver, pensant qu'il n'était pas bon de les faire témoins de ce qui s'était passé avec cette jeune fille. Il résolut plutôt de leur dire que, se repentant de sa méchante action et ému par les larmes de Léocadie, il l'avait laissée au milieu du chemin. Là-dessus il l'a mena jusqu'au près de la cathédrale., comme elle le lui avait demandé, avant l'aurore, de peur que le jour ne l'empêchât  de la faire sortir et ne l'obligeât à la garder dans sa chambre jusqu'à la nuit suivante, et il ne voulait point pendant tout ce temps, avoir à user encore de ses forces et offrir une occasion d'être connu. Il la conduisit donc jusqu'à la place qu'on nomme de l'Hôtel de Ville et là, d'une voix déguisée et moitié en portugais moitie en castillan, il lui dit qu'elle pouvait rentrer chez elle en toute sûreté, qu'elle ne serait suivie de personne. Elle n'avait pas eu le temps d'ôter son mouchoir, qu'il s'était mis en tel lieu d'où il ne pouvait être vu.      
            Léocardie reconnut l'endroit où elle se trouvait, regarda de toutes part, ne vit personne, mais craignant qu'on ne la suivît de loin elle s'arrêtait à chaque pas qu'elle faisant dans la direction de sa maison pas très éloignée. Afin de confondre les espions si par aventure il y en avait, elle entra dans une maison qu'elle vit ouverte puis de là s'en fut bientôt à la sienne où elle trouva ses parents si accablés qu'ils ne s'étaient point déshabillés et ne pensaient guère encore prendre le moindre repos. Dès qu'ils la virent ils coururent à elle, les bras ouverts et les larmes dans les yeux.
            Léocadie tout émue et palpitante pria ses parents de se retirer à part avec elle, ce qu'ils firent et en quelques mots leur conta son infortune avec toutes ses circonstances et l'ignorance où elle était du brigand qui lui avait ravi son honneur. Elle leur dit ce qu'elle avait vu dans le théâtre où s'était représentée la lamentable tragédie. La fenêtre, le jardin, la grille, les bureaux, le lit, les damas, enfin elle leur montra le crucifix qu'elle avait emporté. Devant cette image les larmes recommencèrent , on fit mille serments, on jura vengeance, on demanda de miraculeux châtiments. Léocadie alors déclara que bien qu'elle ne désirât pas elle-même connaître le nom de son offenseur, si ses parents étaient d'avis de chercher à le connaître ils le pourraient au moyen de cette image, en donnant charge au sacristain d'annoncer du haut du pupitre de toutes les paroisses de la ville que celui qui avait perdu cette image la pourrait retrouver entre les mains de tel religieux, ainsi, connaissant le propriétaire on saurait sa maison et ils découvriraient la personne de leur ennemi. A quoi le père répliqua :
            - Tout cela serait juste, mon enfant, si la malice ordinaire ne s'opposait à ce sage discours, car il est clair qu'aujourd'hui, à cette heure même, on s'est aperçu dans la maison dont tu parles de la disparition de cette image et que tout possesseur tient pour assuré que c'est la personne avec qui il était qui l'a emportée, et s'il apprend que tel religieux la garde, c'est lui donner à connaître qui la lui a donnée plutôt que nous permettre de découvrir celui qui la perdit. Et il se peut encore que quelqu'un d'autre à qui son possesseur l'aurait décrite la vienne chercher. Auquel cas nous resterions confus plus qu'informés. On peut bien user de cet artifice puisque nous-mêmes l'employons, en confiant le crucifix à un tiers qui serait le religieux. Ce que tu dois faire ma fille, c'est de le garder et de te recommander à lui. S'il fut témoin de ta disgrâce il permettra qu'un juge paraisse pour ta justice. Sache ma fille qu'une once de déshonneur public blesse plus qu'une arrobe d'infamie secrète. Tu peux vivre en public  honorée et avec Dieu. Ne t'afflige point d'être en secret avec toi-même déshonorée. La véritable honte est dans le pêché et l'honneur véritable dans la vertu. C'est par les paroles, intentions et oeuvres, que l'on offense Dieu. Or tu ne l'as offensé ni en paroles, ni en pensées, ni en actions. Tiens-toi donc pour pleine d'honneur, moi je te tiendrai pour telle, sans oublier que je suis ton père.
            Ces bonne paroles consolèrent Léocardie et, l'embrassant encore une fois, sa mère voulut aussi la consoler, elle gémit et pleura de nouveau et se résigna à se couvrir la tête, comme on dit, et à vivre dans le recueillement sous la protection de ses parents et portant des vêtements aussi honnêtes que pauvres.
            Cependant, Rodolphe de retour chez lui s'aperçut de la disparition du crucifix et imagina aisément qui pouvait l'avoir emporté. Mais il ne s'en mit point en peine étant riche, et ses parents ne lui en demandèrent pas compte lorsque, à trois jours de là il partit pour l'Italie et laissa à une chambrière de sa mère l'inventaire de tout ce qui était dans son appartement.
            Il y avait longtemps que Rodolphe avait déterminé de se rendre en Italie, et son père, qui y avait été, l'y poussait affirmant que n'étaient pas gentilshommes ceux qui l'étaient dans leur seule patrie et qu'il était nécessaire de l'être aussi dans les étrangères. Pour ces raisons et d'autres, Rodolphe se disposa à accomplir la volonté de son père, lequel lui fit crédit d'une très grande somme pour Barcelone, Gênes, Rome et Naples.
           Il partit en compagnie de l'un de ses camarades, avide de ce qu'il avait entendu dire à divers soldats de l'abondance des hôtelleries de France et d'Italie et de la liberté des Espagnols dans leurs garnisons. Cela sonnait bien à ses oreilles cet " Ecco li buoni pallastri, piccioni, prescittutto e satciccie, " et autres mots de même farine dont les soldats se souviennent quand ils rentrent de ces contrées et qu'ils retrouvent l'étroitesse et les incommodités des auberges et cabarets d'Espagne. Enfin il s'en fut sans plus se rappeler son aventure avec Léocadie que si elle n'eût jamais eu lieu.
            Elle cependant......
                                                              

                                                                                         à suivre
                                                                  la fin de cette nouvelle parue en 1613 de

                                                                                  Miguel de Cervantes
                                                                                                                                            
                                                                                                                       

                                                                         
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   

samedi 19 octobre 2013

Persécution Stephen Dobyns ( roman policier EtatsUnis )


image 01


                                                            Persécution
                                                                                                                                                                               
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          
            Misty - Jessica danse enroulée autour d'une barre de fer, ses seins encore si menus provoquent les plaisanteries douteuses d'un public d'hommes disséminés dans la salle d'une boîte de Nouvelle Angleterre. Ce soir sera le dernier où elle se produit. Elle emporte quelques cassettes et son ours en peluche borgne.  Dans la salle son beau-père violeur l'a retrouvée, la ramène au logis où sa mère s'enivre sans se soucier de Jessica et Jason son jeune frère que la jeune fille espère soustraire aux actes odieux de l'homme qui vit sur la fortune de sa mère. Elle est conduite dans un collège pour adolescents traumatisés comme elle, ou à demi-abandonnés par des parents séparés ou trop occupés pour s'occuper d'eux. Violents la plupart comme elle révoltés. Bishop's Hill dans le New Hampshire à 30 km de Plymouth et deux heures de Boston. Plusieurs bâtiments, résidences des élèves, des professeurs, bibliothèques, chapelle. C'est l'automne les forêts alentour rougeoient, la neige commencera bientôt à tomber. Ce jour-là dans sa chambre la Révérende lit un livre d'Ellery Queen, dans la piscine flotte le cadavre d'un adolescent un chaton roux affolé se maintient sur son dos. Depuis quelques semaines Frank cuisinier mais aussi tueur à gages, visage étroit, gestes nerveux, toujours agité, travaille à Bishops'Hill, engagé par son cousin, homme honnête, pour l'aider. Frank fait du très bon pain, à l'occasion dans l'un d'eux il ajoute un clou et un chocolat. Un garçon se plaint du clou ? Mais qui s'est plaint du chocolat ? Les finances du collège exsangues, un nouveau proviseur est nommé, Jim Hawthorne. Sa réputation est grande, psychologue connu, il pouvait diriger des écoles bien cotées. Son secret ? L'incendie où périrent sa femme et sa fille, lui brûlé, blessé, reprend un poste un an plus tard, espérant oublier. Il entreprend des réformes, réunit les professeurs, ceux qui acceptent ces réunions, de rendre ce qu'ils empruntaient, oubliaient de rendre, mais la lutte ouverte commence pour l'obliger à  abandonner son poste. Des appels téléphoniques de sa défunte épouse, de la nourriture avariée à sa porte etc... Et la neige tombe, la tempête de neige bloque les routes. 4/4, subaru avancent au pas. Hawthorne tente de maintenir le collège en état de marche et comprend  que sa vie est en danger lorsqu'il apprend que certains avocats, professeurs ont d'autres projets pour ce bel endroit, bien isolé pourtant. Le cuisinier a disparu, trois ans plus tôt une jeune fille est morte, démission de l'ancien proviseur, et Frank marmonne, il ne peut partir, il a une tâche à accomplir. Qui doit-il tuer ? Le professeur actif, Jessica la rebelle, malgré l'interdiction "... Le chaton roux dormait sur une serviette bleue après avoir bu la moitié d'une dose de crème... "? Et Scott ? Atmosphère ! Décembre, vent, neige, et la psychologie. Dans ce lieu clos Jim Hawthorn essaie de comprendre les autres, pourquoi la mise à sac d'un bureau. Inspecteurs commissaires sont sur la piste d'un tueur aux gestes précis, armé d'un pic à glace, qui dit tout le temps des blagues sur les Canadiens : " Pourquoi les Canucks... " Mouton arrivera-t-il à Bishops assez tôt ? Angoissant, intelligent. Rappel " Quel Dommage " du même auteur, compte-rendu dans Nouvelles.                                                                                                                
                                                                                                                                                                                                                                                     
                                                                                                                                                                                                                                            

samedi 12 octobre 2013

Le 4è mur Sorj Chalandon ( roman France )

                                          

Le Quatrième mur - Prix des Lecteurs 2015
           fnac.com


                                                         Le 4è Mur


            Février 1944 création à Paris, au théâtre de l'Atelier, de l'Antigone de Jean Anouilh, alors que sous l'Occupation Paris est occupé.
            Février 1982, Georges accepte de remplacer son ami Sam gravement malade, à la mise en scène de la même Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth alors en guerre " ... Le Liban se bat contre le Liban... " Sam est grec, juif discret, sa famille a été déportée à Aushwitz, metteur en scène. Idéaliste il impose un choix de comédiens improbables. Voulant faire oeuvre de paix alors que la ville s'écroule sous les bombes, que le snippers observent derrière des meurtrières, il a réuni chiites, sunnite palestinienne, Antigone, chrétiens, phalangistes ( kataëb ), druzes. Georges marié, père, termine ses études d'histoire attendant un poste, surveillant. Il connaît la mise en scène, la pièce, mais son séjour dans cette ville où d'une rue à l'autre les ennemis changent, les discussions avec les comédiens qui lui demandent sa religion, l'émeuvent à l'extrême. Et il y a Marwan, taxi, payé pour conduire ce Français porteur d'un projet absurde à ses yeux. C'est l'époque des camps palestiniens, de Chatila. Pour jouer Georges doit convaincre les comédiens et leur famille que le sujet, les attitudes ne vont pas contre le livre de leur religion. Tout cela sombre peu à peu dans la réalité de la guerre au quotidien. Les états d'âme de Georges laissent un peu sceptiques. " Des villages meurent dans les deux camps... - ... Ce sont les régiments katëb qui sont entrés dans Sabra et Chatila... " Sorj Chalandon a décrit l'lrlande et sa guerre dans d'autres livres, le 4è mur, ce mur invisible que les comédiens inventent entre la scène et le public, même guerre sous d'autres cieux.