vendredi 25 décembre 2015

Sa Majesté le Roi Rudyard Kipling ( nouvelle Angleterre )

illustration d'aquarelle représentant un portrait d'un bel enfant Banque d'images - 16881605
123rf.com

                                                 Sa Majesté le Roi

            - Oui ! Et Chimo a dodo aupé du lit,et p'is le livé 'e 'ose à imazes, et p'is le pain pa'ce que z'au'ai faim la nuit. Et p'is c'est tout, Miss Biddums. Et p'is maintenant emb'assez-moi et ze vais faire dodo... Co'ça!
Bouzez pas ! Aoh ! Le liv' 'ose à imazes, il a guissé sous l'o'eiller, et le pain i' fait des m'ettes ! Miss Biddums
! Miss Bdi-dums ! Ça me zène tellement ! Venez me lever, Miss Biddums !
            Il s'agissait du coucher de Sa Majesté le Roi ; et la pauvre, patiente Miss Biddums, qui s'était humblement proposée dans les annonce pour " une jeune personne européenne, habituée aux soins des petits enfants ", était forcée de se plier à ses royaux caprices. Le coucher était toujours une assez longue cérémonie, parce que Sa Majesté avait un chic tout particulier pour oublier en faveur duquel de ses nombreux amis, du fils du mehter à la fille du Commissioner il avait prié et, de peur que la Divinité n'en prenne offense avait continué de repasser mot à mot ses petites prières, en toute révérence, cinq fois dans une soirée. Sa Majesté le Roi croyait en l'efficacité de la prière comme dévotement il croyait en Chimo, le patient épagneul, ou en Miss Biddums qui pouvait lui atteindre son fusil ( avec des capsules à percussion ), des v'aies, sur la planche du haut de la grande armoire de la nursery.
            A la porte de la nursery son autorité s'arrêtait. Au-delà s'étendait l'empire de son père et de sa mère, deux terribles personnages qui n'avaient pas de temps à perdre au profit de Sa Majesté le Roi. Sa voix devenait plus grave lorsqu'il franchissait la frontière de ses propres Etats, les actions rencontraient des obstacles et son âme était remplie de crainte à cause de l'homme farouche qui vivait au milieu d'un fouillis de casiers et des plus fascinants monceaux de paperasses et de la merveilleuse femme qui montait ou descendait tout le temps de la belle voiture.
hambres d'enfants de rêve - 27*        L'un possédait les mystères de la duftarroom, l'autre le grand fouillis, le fouillis reflété de la chambre de la Mem-sahib où les resplendissantes toilettes qui sentaient bon, pendaient sur des portemanteaux à des milles et des milles en l'air; et le plateau entrevu de la table de toilette révélaient des hectares de peignes mouchetés, de sachets-à-mouchoir brodés, et des brosses à la tête blanche.
            Il n'était pas plus place pour Sa Majesté le Roi dans la réserve officielle que dans la magnificence mondaine. Il avait découvert cela depuis des siècles et des siècles, avant même l'arrivée de Chimo dans la maison où que Miss Biddums eût cessé de grisonner sur un paquet de lettres graisseuses qui semblaient être tout son bien en ce monde. Sa Majesté le Roi donc, sagement, s'en tint à son propre territoire, où il n'eut que Miss Biddums pour disputer, et cela faiblement, son autorité.
            De Miss Biddums il avait retenu sa simple théologie et l'avait soudée aux légendes de dieux et de diables apprises dans le quartier des serviteurs.
            A Miss Biddums il confiait avec une égale foi ses habits déchirés et ses chagrins plus sérieux. Elle remettait tout en état. Elle savait fort bien comment la terre était née et avait rassuré l'âme tremblante de Sa Majesté le Roi, cette terrible fois où, en juillet, il plut sans discontinuer sept jours et sept nuits, et, il n'y avait pas d'arches à portée et tous les corbeaux avaient fui à tire-d'ailes ! C'était la personne la plus puissante avec qui il fût en rapport, toujours excepté ces deux personnes lointaines et silencieuses, au-delà de la porte de la nursery.
            Comment Sa Majesté le Roi eût-il su que six ans auparavant, l'été de sa naissance, Mrs Austell, fouillant les papiers de son mari, était tombée sur la lettre exaspérante d'une folle en extase devant la force et la beauté physique de l'homme silencieux ? Comment eût-il pu dire le mal qu'avait fomenté dans l'esprit d'une femme effroyablement jalouse la feuille de papier à lettre parcourue ? Comment eût-il pu, en dépit de sa sagesse, deviner que sa mère avait décidé l'excuse d'une barrière et d'une division entre elle et son mari, chaque année plus fermes et plus dures à briser ; qu'après avoir déterrer ce cadavre, elle l'avait érigé en un Dieu du logis, qui serait là dans leurs pas, qui serait là dans leur lit, et empoisonnerait tous leurs actes ?
            Ces questions étaient hors du ressort de Sa Majesté le Roi. Il savait seulement que son père était absorbé tout le jour dans quelque mystérieux travail pour une chose qu'on appelait le Sirkar, et que sa mère était la victime alternativement du Nautch et du Burraklana. A ses divertissements elle était escortée d'un certain monsieur-capitaine, pour qui Sa Majesté le Roi n'avait aucune considération.        etsy.com
Afficher l'image d'origine           - Il ne rit pas, raisonnait-il avec Miss Biddums qui lui aurait volontiers appris la charité. Il ne sait que faire des grimaces avec sa bouce, et quand il veut b'amuser ça ne b'amuse pas.
            Et Sa Majesté le Roi de secouer la tête comme quelqu'un qui connaît la fausseté de ce monde. Matin et soir il était de son devoir de saluer son père et sa mère, le premier d'une grave poignée de main, la dernière d'un aussi grave baiser. Une fois, à vrai dire, il lui était arrivé de passer les bras autour du cou de sa mère, comme il faisait avec Miss Biddums. Les " jours " du bord de sa manche se prirent dans une boucle d'oreille, et la dernière partie des petites avances de Sa Majesté se résuma en un cri étouffé suivi d'un bref renvoi à la nursery.
            " - C'est mal, pensa Sa Majesté le Roi, de se p'end' au cou des memsahibs qui ont des çoses dans les o"eilles. Ze me l'appell'ai. "
            Il ne renouvela pas l'expérience.
            Miss Biddums, il faut le confesser, le gâta dans la mesure où le permettait la nature de l'enfant, en une sorte de compensation à ce qu'elle appelait " les manières dures de son Papa et de sa Maman ". Elle ne connaissait, comme son pupille, rien des ennuis entre mari et femme, le suprême mépris pour la bêtise d'une femme, d'un côté, ou la colère aveugle, enflammée, de l'autre. Miss Biddums avait en son temps gardé bien des petits enfants et servi dans bien des maisons. En femme discrète, elle observait peu et parlait moins et, lorsque ses élèves s'en allaient sur la mer vers le Grand Inconnu, qu'avec une touchante confiance envers ses auditeurs elle appelait le Home, elle empaquetait son maigre bien et se remettait en quête d'un emploi, prodiguant tout son amour sur chaque nouvelle fournée d'ingrats. Seul, Sa Majesté le Roi lui avait rendu son affection avec usure, et dans ses incompréhensives oreilles elle avait versé le récit de presque tous ses espoirs, toutes ses aspirations, les espoirs qui étaient défunts et les splendeurs éblouissantes de sa demeure ancestrale à Calcutta, près de Wellington Square.
            Toute chose au-dessus de la moyenne était aux yeux de Sa Majesté le Roi " Calcutta bon " . Miss Biddums se mettait-elle en travers de sa volonté royale, qu'il réformait l'épithète pour ennuyer cette estimable dame et que toutes choses mauvaises, tant que les larmes du repentir n'avaient pas balayé la rancune, étaient
" Calcutta méçant ".
            De temps à autre Miss Biddums sollicitait pour lui le rare plaisir d'une journée dans la société de l'enfant du " Commissioner " la Patsie têtue, de quatre ans, qui, à la vive surprise de Sa Majesté le Roi, était idolâtrée de ses parents. En cherchant longuement à élucider la question par des voies inconnues, éloignées de l'enfance, il arriva à cette conclusion que Patsie était choyée parce qu'elle portait une large ceinture bleue et des cheveux blond doré.                                                     tribuneindia.com
Afficher l'image d'origine            Cette précieuse découverte, il la garda pour lui. Les cheveux blond doré étaient absolument hors de son pouvoir, sa propre tignasse étant brune-pomme de terre ; mais on pouvait quelque chose au regard de la ceinture bleue. Il fit un grand noeud à sa moustiquaire décidé à consulter Patsie à leur prochaine rencontre.
C'était le seul enfant à qui il eût jamais parlé. La petite mémoire et le très grand et rude noeud tinrent bon.
            - Patsie, p'ête-moi ton luban bleu, dit sa Majesté le Roi.
            - Tu vas l'enterrer, dit Patsie d'un air hésitant se souvenant de certaines atrocités commises sur sa poupée.
            - Non, ze ne l'enté'eai pas, ma pa'ole d'honneur ! C'est pou' le mett'.
            - Peuh ! dit Patsie. Les ga'çons ne mettent pas de ceintures. C'est seulement les filles.
            - Ze ne savais pas.
            Le visage de Sa Majesté le Roi s'allongea.
            - Qui est-ce qui demande des rubans ? Jouez-vous aux chevaux, mes chérubins ? demanda la femme du Commissioner en s'avançant dans la véranda.
            - C'est Toby qui voulait ma ceinture, expliqua Patsie.
            - Ze ne veux plius maintenant, dit précipitamment Sa Majesté le Roi, sentant qu'avec une de ces terribles grandes personnes son pauvre petit secret lui serait impudemment arraché, et peut-être, profanation exécrable entre toutes, serait la risée de tout le monde.
            - Je vais vous donner un bonnet de pétard à surprises, dit la femme du Commissioner. Venez avec moi, Toby, et nous allons le choisir.
            Le bonnet de pétard à surprises était une splendeur, tout raide, à trois pointes, vermillon et clinquant. Sa Majesté le Roi en coiffa son front royal. La femme du Commissioner avait une de ces physionomies qui inspirent aux enfants une confiance instinctive et son geste, en ajustant la pointe souple du milieu, était tendre.
            - Est-ce que cela fela le même effet ? balbutia Sa Majesté le Roi.
            - Quel même effet, mon petit ?
Afficher l'image d'origine            - Que le luban ?                                                                
            - Oh, absolument. Allez vous regarder dans la glace.
            La chose était dite en toute sincérité et pour mettre en train n'importe quel absurde jeu de mascarade que pourrait inventer les enfants. Mais le jeune sauvage possède un sens aiguisé du grotesque. Sa Majesté le Roi pencha la grande psyché et vit sa tête couronnée de l'horreur effarante d'un bonnet de fou, une chose que son père déchirerait en morceaux si jamais elle entrait dans son bureau. Il l'arracha puis éclata en larmes.
            - Toby, dit la femme du Commissioner d'un ton grave, il ne faut pas céder à la colère. Je suis très fâchée de voir cela. C'est mal.
            Sa Majesté le Roi partit en d'inconsolables sanglots, et le coeur de la mère de Patsie s'en émut. Elle attira l'enfant sur ses genoux. Ce n'était évidemment pas de la simple colère.
            - Qu'est-ce qu'il y a Toby ? Ne voulez-vous pas me dire ? Ne vous sentez-vous pas bien ?
            Le torrent de sanglots et le torrent de paroles se rejoignirent et luttèrent un moment entre étouffement, avalement et hoquets. Puis, en un soudain élan, Sa Majesté le Roi accoucha de quelques sons inarticulés, suivis des mots :
            - So'tez d'ici-es-bè-ce-de-sa-le petit diable !
            - Toby ! qu'est-ce que vous voulez dire ?
            - C'est ce qu'il di"ait. Ze le sais. Il a dit ça lo'squ'il y avait seulement une petite, toute petite goutte d'oeuf su' ma bl'louse ; et il le di'ait enco', et se moque'ait, si ze 'ent'ait avec ça sur ma tête.
            - Qui donc dirait cela ?
            - M'm'mon Papa ! Et ze c'oyais que si z'avais le 'uban bleu il me laisse'ait zouer dans la co'beille à papiers sous la tab'.
            - Quel ruban bleu, mon mignon ?
            - Le pa'eil que celui que Patsie avait, le gland luban bleu 'oulé autou' de mon v'v'vent'e !
            - Qu'est-ce qu'il y a Toby ? Quelque chose vous tracasse ? Racontez-moi cela et peut-être pourrai-je y remédier.
            - C'est 'ien du tout, renifla Sa Majesté, se rappelant qu'il était un homme et soulevant sa tête du sein maternel sur lequel elle reposait. Ze c'oyais seulement que vous-vous ca'essiez Patsie pa'ce qu'elle avait le luban bleu, et- et que si z'avais le lubant bleu aussi m'mon Papa, m'me ca'esse'ait.
            Le secret était lâché, et Sa Majesté le Roi se mit à sangloter amèrement en dépit des bras qui l'entouraient et du murmure de consolation qui effleurait son petit front échauffé.
            Entrée tumultueuse de Patsie embarrassée de je ne sais combien de mètres de la ligne à masheer favorite du Commissioner.
            - Viens Toby ! Il y a un tchu-tchu lézard dans le chick,et z'ai dit à Chimo de le ga'der zusqu'à ce que nous venions. Si nous le fourgonnons avec ça, sa queue ira zig-zag-zig-zag et tombera. Viens ! Ze ne peux pas l'atteind'.
Afficher l'image d'origine            - Ze viens, dit Sa Majesté le Roi en descendant des genoux de la femme du Commissioner, après un baiser rapide.
            Deux minutes plus tard, la queue du tchu-tchu lézard zigzaguait sur la natte de la véranda, et les enfants la fourgonnaient gravement avec des éclats de bambou provenant du chick pour inciter sa vitalité épuisée " à 'ien qu'un tout petit f'étillement ! enco', p'ace que cela ne fait pas de mal à tchu-tchu. "
            La femme du Commissioner debout dans l'encadrement de la porte, regardait.
            - Pauvre petit moucheron ! Une ceinture bleue, et ma propre et précieuse Patsie ! Je me demande si le meilleur d'entre nous, ou ceux d'entre nous qui les aiment le mieux, comprirent jamais ce qui se passe dans leurs petites têtes sens dessus dessous.
            Elle rentra afin d'imaginer un thé pour sa Majesté le Roi.
            - Leurs âmes ne sont pas dans leurs petits ventres à cet âge, sous ce climat, dit la femme du Commissioner, mais elles n'en sont pas bien loin. Je me demande si je pourrais faire en sorte que Mrs Austell comprenne. Pauvre petit bonhomme !
            Avec un naïf artifice, la femme du Commissioner alla rendre visite à Mrs Austell, et s'étendit aussi longtemps que tendrement sur les enfants, s'enquérant spécialement de Sa Majesté le Roi.
            - Il est avec sa gouvernante, déclara Mrs Austell.
            Et le ton prouva que le sujet ne l'intéressait pas.
            La femme du Commissioner inexperte dans l'art de la guerre poursuivit ses questions.
            - Je ne sais pas, dit Mrs Austell. Ces choses sont du ressort de Miss Biddums et, cela va sans dire, elle ne maltraite pas l'enfant.
            La femme du Commissioner prit congé, sans plus. La dernière phrase lui porta sur les nerfs.
            - Ne " maltraite pas l'enfant " ! Comme si c'était tout ! Je me demande ce que Tom dirait si je me contentais de " ne pas maltraiter Patsie " !
            A dater de ce jour Sa Majesté le Roi fut un hôte de marque dans la maison du Commissioner et l'ami d'élite de Patsie avec qui il trébucha dans autant de guêpier qu'en pouvaient présenter le compound et les quartiers des serviteurs. La mère de Patsie était toujours prête à donner conseil, aide et sympathie, et si besoin était et rares les visiteurs, à entrer dans leurs jeux avec un abandon qui aurait choqué les subalternes tout reluisants qui se tortillaient péniblement sur leurs sièges lorsqu'ils venaient rendre visite à celle qu'ils surnommaient irrévérencieusement " Mère Nourrice ".
            Toutefois, en dépit de Patsie, de la mère de Patsie et de l'amour que toutes deux lui prodiguaient, Sa Majesté le Roi tomba gravement en disgrâce et se rendit coupable de rien moins que de vol, ignoré il est vrai, mais gênant.
            Un jour Sa Majesté le Roi jouait dans le vestibule et le bearer était allé dîner, un homme se présenta à la porte avec un paquet pour la mère de Sa Majesté. Il le déposa sur la table du vestibule, dit qu'il n'y avait pas de réponse et se retira.                                                                                                          
Afficher l'image d'origine            Bientôt la frise de la plinthe cessa d'intéresser Sa Majesté, tandis que le paquet, un paquet blanc, proprement enveloppé, de forme séduisante, commença à fort l'attirer. Sa mère était sortie, ainsi que Miss Biddums, et il y avait de la ficelle rose autour du paquet. Il avait grande envie de ficelle rose. Cela lui rendrait grand service, pour traîner sur le tapis son fauteuil de rotin, le supplice de Chimo, qui ne pouvait pas du tout comprendre le système du harnais, etc. S'il prenait la ficelle, elle serait à lui, et personne n'en saurait rien. Il n'aurait certainement pas le courage de la demander à sa mère. Aussi, grimpant sur une chaise, il dénoua avec précaution la ficelle, et, pan ! voici que le papier blanc, tout raide, s'ouvrit en entier, pour révéler une ravissante petite boîte de cuir ornée de lignes dorées ! Il tenta de replacer la ficelle, mais ce fut sans succès. Alors il ouvrit la boîte. Sa curiosité pleinement satisfaite il vit une ravissante Étoile qui brillait et scintillait, captivante et désirable.
            - Ça, dit sa Majesté d'un air méditatif, c'é hune cou'onne étincelante, comme 'elle que ze po'te'ai su' ma tête, c'é Miss Biddums qui dit ça. Ze voud'ait la po'ter maintenant. Ze voud'ait zouer avec. Ze voud'ais l'empo'ter pou' zouer avec, sans l'abîmer, jusqu'à ce que Maman la demande, Ze c'ois qu'on l'a acetée pou" que ze zoue avec, comme mon çariot.
            Sa Majesté le Roi plaidait contre sa conscience, et le savait, car il pensa immédiatement après :
            " - Ca ne fait 'ien, ze vais la ga'der pou' zouer avec zusqu'à ce que Maman dise " Où est-elle ? " et alors ze di'ai " Ze l'ai p'ise et ze suis fâc'é ". Ze ne vais pas li fai' de mal pace que c'é une cou'onne estincelante. Mais Miss Biddums me di'a de la remett' à sa place. Ze ne vais pas la mont'er à Miss Biddums."
            Si sa mère était rentrée à ce moment-là, tout se serait bien passé. Elle n'arriva pas et Sa Majesté le Roi fourra papier, écrin et bijou dans sa blouse, puis se dirigea vers la nursery.
            " Quand Maman demand'e'a ze di'ai. "
            Tel fut le remède qu'il appliqua sur sa conscience. Mais sa mère ne demandait jamais, et pendant trois grands jours Sa Majesté le Roi couva des yeux son trésor. Ce ne lui était d'aucun usage, mais c'était magnifique et rien ne prouvait que ce ne fût pas quelque chose tombé directement du ciel. Comme sa mère ne s'enquerrait de rien, il semblait à Sa Majesté à force de coups d'oeil furtifs, que les pierres brillantes se ternissaient. A quoi bon une " cou'onne estincelante " si elle faisait sentir tout vilain un petit garçon en son for intérieur ? Il possédait aussi bien la ficelle rose que l'autre trésor, mais il aurait préféré ne pas aller plus loin que la ficelle. C'était sa première expérience de la faute et il en était tourmenté après que ce furent évanouis le transport de la possession et les secrets délices de la " cou'onne estincelante ".
Résultat de recherche d'images pour "couronne des rois enfant"**            Chaque jour passé sans découverte rendait toute confession à quiconque se tenait au-delà des portes de la nursery plus impossible. Il décidait, de temps à autre, de se placer sur le passage de la dame en belle toilette au moment où elle sortait et d'expliquer qu'il était, lui et personne d'autre, possesseur d'une        " cou'onne estincelante " incomparable mais dont personne au monde ne s'enquérait. Mais elle passait, gagnait en hâte sa voiture, et l'occasion était manquée une fois encore avant que Sa Majesté le Roi n'ait retrouvé ses esprits. L'affreux secret le sépara de Miss Biddums, de Patsie et de la femme du Commissioner, et, sort doublement pénible, comme il méditait là-dessus Patsie déclara, et raconta à sa mère qu'elle le trouvait triste.
            Les jours étaient très longs pour sa Majesté le Roi, et plus longues encore les nuits. Miss Biddums l'avait informé plus d'une fois du sort tragique des voleurs, et lorsqu'il passait devant les interminables murs de torchis de la Prison Centrale, il tremblait dans ses petits souliers barrette.
            Mais il connut quelque soulagement à la suite d'un après-midi passé à jouer aux bateaux sur le bord du réservoir, au fond du jardin. Sa Majesté le Roi alla prendre son thé et, pour la première fois de sa vie, la bouillie de maïs lui donna envie de vomir. Il avait le nez très froid et les joues brûlantes. Il se sentait un poids aux pieds et, en s'asseyant, il pressa sa tête plusieurs fois pour s'assurer qu'elle n'enflait pas.
            - Ze me sens tout d'ôle, dit sa Majesté le Roi en se frottant le nez, ça fait bouze-bouze dans ma tête.
            Il alla se coucher tranquillement. Miss Biddums était sortie et ce fut bearer qui le déshabilla.
            Le crime de la " cou'onne estincelante " était oublié dans l'acuité du malaise qui le réveilla après un sommeil de plomb de quelques heures. Il avait soif et le bearer n'avait pas songé à laisser l'eau à boire.
Afficher l'image d'origine            - Miss Biddums ! Miss Biddums ! Z'ai si soif !                        
            Pas de réponse. Miss Biddums avait obtenu la permission ***
d'assister au mariage d'une camarade d'école de Calcutta. Sa Majesté le Roi avait oublié cela.
            - Ze veux un ve'e d'eau, cria-t-il.
            Mais sa voix s'était desséchée dans sa gorge.
            - Ze veux à boi'. Où est le ve'e ?
            Il s'assit dans le lit et promena les yeux autour de lui. Un murmure de voix arrivait depuis l'autre côté de la porte de la nursery. Il valait mieux faire face au terrible inconnu que d'étouffer dans l'ombre. Il se glissa hors du lit, mais il sentait ses pieds étrangement hésitants et il     chancela une ou deux fois. Puis il poussa la porte toute grande et fléchit, petit personnage au visage rouge et gonflé, sous la lumière brillante de la salle à manger remplie de belles dames.
            - Z'ai t'ès ç'aud ! Ze me sens tout ç'ose, gémit Sa Majesté le Roi en s'agrippant à la porte, et il n'y a pas d'eau dans le ve'e, et z'ai si soif. Donnez-moi de l'eau à boi'.
            Une apparition en noir et blanc, Sa Majesté le Roi ne voyait pas bien distinctement, le souleva au niveau de la table, tâta ses poignets et son front. L'eau arriva et il but à longues gorgées, ses dents claquaient contre le bord du gobelet. Alors tout le monde parut s'en aller, tout le monde sauf l'homme gigantesque en noir et blanc, qui le ramena dans son lit, la mère et le père arrivaient derrière. Et le crime de la " cou'onne estincelante " revint d'un seul coup prendre possession de l'âme terrifiée.
            - Ze suis un voleu' ! dit-il en haletant. Ze veux di' à Miss Biddums que ze zuis un voleu'. Où est-elle Miss Biddums ?
            Miss Biddums était là, penchée sur lui.
            - Ze zuis un voleu', chuchota-t-il. Un voleu' comme les hommes dans la p'ison. Mais ze vais di'e
maintenant. Z'ai p'is, z'ai p'is la cou'onne estincelante quand l'homme qui est venu l'a laizée dans le veztibule. Z'ai ouve' le papier et la petite b'oîte b'une, et cela b'illait, et ze l'ai p'ise pou' zouer avec, et z'avais peu'. C'est dans la boîte-doolie, au fond. Pe'zonne ne l'a demandée, zamais, mais z'avais peu'. Oh, allez c'erc'er la boîte-doolie !
            Miss Biddums, obéissante, se baissa pour atteindre le plus bas rayon de l'almirah, d'où elle retira la grande boîte de papier dans laquelle Sa Majesté le Roi tenait enfermées ses plus intimes richesses. Sous les soldats de plomb et un lit de boulettes d'argile destinées à un arc à boulettes, tremblait et flambait une étoile de diamants, grossièrement enveloppée d'une demi-feuille de papier à lettre où il y avait quelques mots.
            Quelqu'un pleurait à la tête du lit et une main d'homme toucha le front de Sa Majesté le Roi, laquelle Majesté agrippa le paquet et le déploya sur le lit.
Afficher l'image d'origine            - Voilà la cou'onne estincelante, dit-il.
            Et il se mit à pleurer amèrement car, maintenant qu'il avait opéré sa restitution, il aurait volontiers gardé pour lui la brillante merveille.
            - Cela vous concerne aussi, dit une voix à la tête du lit. Lisez le billet. Ce n'est pas le moment de rien cacher.
            Le billet était laconique, allait droit au fait et était signé d'une simple initiale : " Si vous portez ceci demain soir, je saurai à quoi m'attendre " . La date était vieille de trois semaines.
            Suivit un murmure et la voix plus profonde répliqua :
            - Et vous vous êtes laissé entraîner jusque-là ! Je pense que nous voilà quittes maintenant, n'est-ce pas ? Oh, n'allons-nous pas une fois pour toutes         renoncer à cette folie ! En vaut-elle la peine, mon aimée ?
            - Emb'azez-moi aussi, dit Sa Majesté le Roi comme en rêve. Vous n'êtes pas t'ès fâc'ées, n'est-ce pas ?
            La fièvre se consuma d'elle-même, et Sa Majesté le Roi dormit.
            Lorsqu'il se réveilla ce fut dans un monde nouveau, peuplé de son père et de sa mère aussi bien que de Miss Biddums. Et dans ce monde était beaucoup d'amour et pas un brin de peur, et plus de gâteries qu'il n'était bon pour plusieurs petits garçons. Sa Majesté le Roi était trop jeune pour philosopher sur l'incertitude des choses humaine, sans quoi il aurait été frappé des singuliers avantages du crime, oui, du noir péché. Voyez, il avait volé la " cou'onne estincelante " , et sa récompense fut l'Amour et le droit de jouer " à jamais " dans la corbeille à papiers sous la table.
            Il s'en alla au trot passer un après-midi avec Patsie et la femme du Commissioner se préparait à l'embrasser.
            - Non, pas là, dit  Sa Majesté le Roi avec une superbe insolence et en parant de sa main un coin de sa bouche. Ça c'est la p'ace de ma Maman, où elle m'emb'azze.
            - Oh ! dit sans plus la femme du Commissioner.
            Puis en elle-même :
            " Ma foi, je crois qu'il y a lieu de se réjouir pour lui. Les enfants sont d'égoïstes petits crapauds, et......
j'ai ma Patsie. "

*     kiffland.fr
**   fete-enfants.com
*** dreamstime.com

                                    Rudyar Kipling
                                                ( in Contes et Nouvelles )
         

                                                                                                                                                             

         
         
           

lundi 21 décembre 2015

La dot Guy de Maupassant ( Nouvelle France )

Illustration 7, A. Guillaume, « La journée d’une Parisienne », 1907
gss.revues.org

                                                  La Dot

            Personne ne s'étonna du mariage de maître Simon Lebrument avec Mlle Jeanne Cordier. Maître Lebrument  venait d'acheter l'étude de maître Papillon ; il fallait, bien entendu, de l'argent pour la payer ; et Mlle Jeanne Cordier avait trois cent mille francs liquides, en billets de banque et en titres au porteur.
            Maître Lebrument était un beau garçon, qui avait du chic, un chic notaire, un chic province, mais enfin du chic, ce qui était rare à Boutigny-le-Rebours.
            Mlle Cordier avait de la grâce et de la fraîcheur, de la grâce un peu gauche et de la fraîcheur un peu fagotée ; mais c'était, en somme, une belle fille désirable et fêtable.
            La cérémonie d'épousailles mit tout Boutigny sens dessus dessous.
            On admira fort les mariés, qui rentrèrent cacher leur bonheur au domicile conjugal, ayant résolu de faire tout simplement un petit voyage à Paris après quelques jours de tête-à-tête.
            Il fut charmant ce tête-à-tête, maître Lebrument ayant su apporter dans ses premiers rapports avec sa femme une adresse, une délicatesse et un à-propos remarquables. Il avait pris pour devise :
            " Tout vient à point à qui sait attendre ".
Il sut être en même temps patient et énergique. Le succès fut rapide et complet.
            Au bout de quatre jours, Mme Lebrument adorait son mari. Elle ne pouvait plus se passer de lui, il fallait qu'elle l'eût tout le jour près d'elle pour le caresser, l'embrasser, lui tripoter les mains, la barbe, le nez, etc. Elle s'asseyait sur ses genoux, et, le prenant par les oreilles, elle disait ;
            " - Ouvre la bouche et ferme les yeux ".
Afficher l'image d'origineIl ouvrait la bouche avec confiance, fermait les yeux à moitié, et il recevait un bon baiser bien tendre, bien long, qui lui faisait passer de grands frissons dans le dos. Et à son tour il n'avait pas assez de caresses, pas assez de lèvres, pas assez de mains, pas assez de toute sa personne pour fêter sa femme du matin au soir et du soir au matin.
            Une fois la première semaine écoulée, il dit à sa jeune compagne :
            - Si tu veux, nous partirons pour Paris mardi prochain. Nous ferons comme les amoureux qui ne sont pas mariés, nous irons dans les restaurants, au théâtre, dans les cafés-concerts, partout, partout.
            Elle sautait de joie.
            - Oh ! oui, oh! oui, allons-y le plus tôt possible.
            Il reprit :                                                                                                      
            - Et puis, comme il ne faut rien oublier, préviens ton père de tenir ta dot toute prête ; je l'emporterai avec nous et je paierai par la même occasion maître Papillon.
            Elle prononça :
            - Je le lui dirai demain matin.
            Et il la saisit dans ses bras pour recommencer le petit jeu de tendresse qu'elle aimait tant, depuis huit jours.
            Le mardi suivant, le beau-père et la belle-mère accompagnèrent à la gare leur fille et leur gendre qui partaient pour la capitale.
            Le beau-père disait :
            - Je vous jure que c'est imprudent d'emporter tant d'argent dans votre portefeuille.
            Et le jeune notaire souriait.
            - Ne vous inquiétez de rien, beau-papa, j'ai l'habitude de ces choses-là. Vous comprenez que, dans ma profession, il m'arrive quelquefois d'avoir près d'un million sur moi. De cette façon, au moins, nous évitons un tas de formalités et un tas de retards. Ne vous inquiétez de rien.
            L'employé criait :
            - Les voyageurs pour Paris en voiture.
            Ils se précipitèrent dans un wagon où se trouvaient deux vieilles dames.
            Lebrument murmura à l'oreille de sa femme :                                    placedelours.superforum.fr
Résultat de recherche d'images pour "fiacre paris"            - C'est ennuyeux, je ne pourrai pas fumer.
            Elle répondit tout bas :
            - Moi aussi, ça m'ennuie bien, mais ce n'est pas à cause de ton cigare.
            Le train siffla et partit. Le trajet dura une heure, pendant laquelle ils ne dirent pas grand-chose, car les deux vieilles dames ne dormaient point.
            Dès qu'ils furent dans la cour de la gare Saint-Lazare, maître Lebrument dit à sa femme :
            - Si tu veux, ma chérie, nous allons d'abord déjeuner au boulevard ; puis nous reviendrons tranquillement chercher notre malle pour la porter à l'hôtel.
            Elle y consentit tout de suite.
            - Oh oui, allons déjeuner au restaurant. Est-ce loin ?
            Il reprit :
            - Oui, un peu loin, mais nous allons prendre l'omnibus.
            Elle s'étonna :
            - Pourquoi ne prenons-nous pas un fiacre ?
            Il se mit à la gronder en souriant :
            - C'est comme ça que tu es économe, un fiacre pour cinq minutes de route, six sous par minute, tu ne te priverais de rien.
            - C'est vrai, dit-elle un peu confuse.
            Un gros omnibus passait, au trot de trois chevaux. Lebrument cria :
            - Conducteur ! eh ! conducteur !
            La lourde voiture s'arrêta. Et le jeune notaire, poussant sa femme, lui dit très vite :
            - Monte dans l'intérieur, moi, je grimpe dessus pour fumer au moins une cigarette avant mon déjeuner.
            Elle n'eut pas le temps de répondre ; le conducteur, qui l'avait saisie par le bras pour l'aider à escalader le marchepied, la précipita dans sa voiture, et elle tomba, effarée, sur une banquette, regardant avec stupeur, par la vitre de derrière, les pieds de son mari qui grimpait sur l'impériale.
            Et elle demeura immobile entre un gros monsieur qui sentait la pipe et une vieille femme qui sentait le chien.       ebay.fr
Résultat de recherche d'images pour "1900 femmes de paris"            Tous les autres voyageurs, alignés et muets, un garçon épicier, une ouvrière, un sergent d'infanterie, un monsieur à lunettes d'or coiffé d'un chapeau de soir aux bords énormes et relevés comme des gouttières, deux dames à l'air important et grincheux, qui semblaient dire par leur attitude : " Nous sommes ici mais nous valons mieux que ça ", deux bonnes soeurs, une fille en cheveux et un croque-mort, avaient l'air d'une collection de caricatures, d'un musée des grotesques, d'une série de charges de la race humaine, semblables à ces rangées de pantins comiques qu'on abat, dans les foires, avec des balles.
            Les cahots de la voiture ballottaient un peu leurs têtes, les secouaient, faisaient trembloter la peau flasque des joues ; et, la trépidation des roue les abrutissant, ils semblaient idiots et endormis.
            La jeune femme demeurait inerte :
            " - Pourquoi n'est-il pas venu avec moi ? se disait-elle. Une tristesse vague l'oppressait. Il aurait bien pu, vraiment, se priver de cette cigarette.
            Les bonnes soeurs firent signe d'arrêter, puis elles sortirent l'une devant l'autre, répandant une odeur fade de vieille jupe.
            On repartit, puis on s'arrêta de nouveau. Et une cuisinière monta, rouge, essoufflée. Elle s'assit et posa sur ses genoux son panier aux provisions. Une forte senteur d'eau de vaisselle se répandit dans l'omnibus.
            " C'est plus loin que je n'aurais cru ", pensait Jeanne.
            Le croque-mort s'en alla et fut remplacé par un cocher qui fleurait l'écurie. La fille en cheveux eut pour successeur un commissionnaire dont les pieds exhalaient le parfum de ses courses.
            La notairesse se sentait mal à l'aise, écoeurée, prête à pleurer sans savoir pourquoi.
            D'autres personnes descendirent, d'autres montèrent. L'omnibus allait toujours par les interminables rues, s'arrêtait aux stations, se remettait en route.
            " Comme c'est loin ! se disait Jeanne. Pourvu qu'il n'ait pas eu une distraction, qu'il ne soit pas endormi ! Il s'est bien fatigué depuis quelques jours. "
            Peu à peu tous les voyageurs s'en allaient. Elle resta seule, toute seule. Le conducteur cria :
            - Vaugirard !
            Comme elle ne bougeait point, il répéta :
            - Vaugirard !
Paris 15 – La Ruche            Elle le regarda, comprenant que ce mot s'adressait à elle, puisqu'elle n'avait plus de voisins. L'homme dit, pour la troisième fois :
            - Vaugirard !
            Alors elle demanda :
            - Où sommes-nous ?
            Il répondit d'un ton bourru :
            - Nous sommes à Vaugirard, parbleu, voilà vingt fois que je crie.
            - Est-ce loin du boulevard, dit-elle ?
            - Quel boulevard ?
            - Mais le boulevard des Italiens.
            - Il y a beau temps qu'il est passé !
            - Ah ! Voulez-vous prévenir mon mari ?
            - Votre mari ? Où ça ?
            - Mais sur l'impériale.
            - Sur l'impériale ! v'là longtemps qu'il n'y a plus personne.
            Elle eut un geste de terreur.
            - Comment ça ? Ce n'est pas possible. Il est monté avec moi. Regardez bien ; il doit y être !
            Le conducteur devenait grossier                                                                     pinterest.com
Afficher l'image d'origine            - Allons, la p'tite, assez causé, un homme de perdu, dix de retrouvés.         Décanillez, c'est fini. Vous en trouverez un autre dans la rue.
            Des larmes lui montaient aux yeux, elle insista :
            - Mais, monsieur, vous vous trompez, je vous assure que vous vous                                                 trompez. Il avait un gros portefeuille sous le bras.
             L'employé se mit à rire :
             - Un gros portefeuille. Ah ! oui, il est descendu à la Madeleine. C'est                                               égal, il vous a bien lâchée, ah ah ! ah!...
             La voiture s'était arrêtée. Elle en sortit, et regarda, malgré elle, d'un mouvement instinctif de l'oeil, sur le toit de l'omnibus. Il était totalement désert.
   
                                             
                                                                   *****
     

            Alors elle se mit à pleurer et tout haut, sans songer qu'on l'écoutait et qu'on la regardait, elle prononça :
            " - Qu'est-ce que je vais devenir ? "
            L'inspecteur du bureau s'approcha :
            - Qu'y a-t-il ?
            Le conducteur répondit d'un ton goguenard :
            - C'est une dame que son mari a lâchée en route.
            L'autre reprit :
            - Bon, ce n'est rien, occupez-vous de votre service.
            Et il tourna les talons.
            Alors, elle se mit à marcher devant elle, trop effarée, trop affolée pour comprendre elle-même ce qui lui arrivait. Où allait-elle aller ? Qu'allait-elle faire ? Que lui était-il arrivé à lui ? D'où venait une pareille erreur, un pareil oubli, une pareille méprise, une si incroyable distraction  ?
            Elle avait deux francs dans sa poche. A qui s'adresser ? Et, tout d'un coup, le souvenir lui vint de son cousin Barral, sous-chef de bureau à la Marine.
            Elle possédait juste de quoi payer la course du fiacre ; elle se fit conduire chez lui. Et elle le rencontra comme il partait pour son ministère. Il portait, ainsi que Lebrument, un gros portefeuille sous le bras.
            Elle s'élança de sa voiture.
            - Henry ! cria-t-elle.
            Il s'arrêta, stupéfait.                                                                        my-art.com
Résultat de recherche d'images pour "1900 amoureux tableau"            - Jeanne ?... ici ?... toute seule ?... Que faîtes-vous, d'où venez-vous ?
            Elle balbutia, les yeux pleins de larmes.
            - Mon mari s'est perdu tout à l'heure.
            - Perdu, où ça ?
            - Sur un omnibus.
            - Sur un omnibus ?... Oh !...
            Et elle lui conta en pleurant son aventure.
            Il l'écoutait, réfléchissant. Il demanda :
            - Ce matin, il avait la tête bien calme ?
            - Oui.
            - Bon. Avait-il beaucoup d'argent sur lui ?
            - Oui, il portait ma dot.
            - Votre dot ?... tout entière ?
            - Tout entière... pour payer son étude tantôt.
            - Eh bien, ma chère cousine, votre mari, à l'heure qu'il est, doit filer sur la Belgique.
            Elle ne comprenait pas encore. Elle bégayait.
            - Mon mari... vous dîtes ?...
            - Je dis qu'il a raflé votre... votre capital... et voilà tout.
            Elle restait debout, suffoquée, murmurant :
            - Alors c'est... c'est... c'est un misérable !
            Puis, défaillant d'émotion, elle tomba sur le gilet de son cousin, en sanglotant.
            Comme on s'arrêtait pour les regarder, il la poussa tout doucement sous l'entrée de sa maison, et, la soutenant par la taille, il lui fit monter son escalier, et comme sa bonne interdite ouvrait la porte, il commanda:
            - Sophie, courrez au restaurant chercher un déjeuner pour deux personnes. Je n'irai pas au ministère aujourd'hui.
         
            

mercredi 16 décembre 2015

Le sourire d'Angelica Andrea Camillei ( roman Italie )



                                   Le sourire d'Angelica
                    Une enquête du commissaire Montalbano

            A Vigàta, la petite ville sicilienne ressemble étrangement à Porto Empedocle ville natale de Camilleri, Montalbano commissaire depuis... bien des livres peine quelque peu. Ses cinquante huit ans et sa relation ancienne et épisodique avec Livia ne le préparent pas à l'assaut de multiples cambriolages rapprochés dans le temps et dans la même rue. L'une des éventuelles victimes, une jolie jeune femme et ".... il commença à sentir croître en lui.... un puissant sentiment de vergogne.... il sentit que son visage rougissait de honte.... Se comporter avec cette petiote comme un amoureux de 16 ans.... " Fazio son adjoint, jeune et adroit, agit. Et
".... Ses délires de vieux gaga presque sexagénaire.... " s'effaceront pourtant. Toujours à table chez Enzo la plume de Camilleri rappelle à ses lecteurs qu'une enquête Montalbano sans les rougets frits, les aubergines à la parmesane, ne saurait être complète. Et se poursuit cette sombre histoire de vengeance où " .... Angelica.... Tout son être la désirait mais une partie de sa coucourde faisait encore de la résistance.... " Lorsqu'il oublie la jolie jeune femme, dans sa langue bien particulière plus sicilienne qu'italienne, le commissaire " Montalbano je suis " se penche sur les déboires de ses concitoyens qui apparaissent au cours de l'enquête, les ménages entrecroisés, les dettes de jeu et autres. Une histoire, un livre, mais une écriture drôle, naturelle, juste ce que l'on attend d'une enquête Montalbano. Texte parsemé de vers del'Arioste furieux.

mardi 15 décembre 2015

Correspondance Proust Louis d'Albufera t lettres France )

Afficher l'image d'origine
pinterest.com

                                A Louis d'Albufera

                                                                                                      jeudi soir 26 mars 1908

            Je t'écris pour te dire adieu puisque je n'ai pu réussir à passer chez toi et que l'époque que tu me disais être celle de ton départ est à peu près arrivée. Vas-tu par hasard samedi chez les Saussine ? Il est possible si je ne suis pas mal, que j'y aille. Mais je viens de passer par des jours et des nuits de crises si affreuses que je n'ose faire de projets. Notre pauvre Rio Tinto n'est guère brillant. J'ai bien envie de le bazarder quand il sera revenu au cours où je l'ai acheté ( 1750 ). Qu'en penses-tu grand financier ? As-tu vu que dans mes pastiches du Figaro, j'ai parlé de ma déconfiture avec la De Beers ? J'ai presque envie d'acheter de ces manchons de Hella de Rochette ! Mais c'est trop embêtant d'écrire pour donner des ordres de bourse.
            Est-ce que je rêve ou est-ce que tu ne m'envoyais pas porter des lettres autrefois par un jeune télégraphiste qui était apparenté à un quelconque de tes serviteurs ? Dans ce cas tu pourrais m'être utile car pour quelque chose que j'écris j'aurais besoin de connaître un télégraphiste. Tu me diras que je n'ai qu'à parler à ceux qui m'apportent  des dépêches, mais d'abord personne ne m'écrit plus, et ensuite dans mon quartier ce sont tous des enfants en bas âge incapables de donner l'ombre d'un renseignement. Mais les renseignements ( d'ailleurs peu nombreux ) ne me suffisent pas ; c'est surtout de voir un télégraphiste dans l'exercice de ses fonctions, d'avoir l'impression de sa vie. Peu-être le tien ne l'est plus. Dans ce cas il ne servirait à rien mais peut-être a-t-il des amis. Enfin je me recommande à toi et à lui, si je ne confonds pas.
            As-tu toujours de bonnes nouvelles de ton oncle ou cousin, le Duc de Trévise, qui avait été blessé et qui t'avait inquiété. Je n'ai plus jamais su si tes soucis de ce côté avaient été apaisés. Ce n'est d'ailleurs pas le seul côté dont j'aimerais être informé, mais d'un autre aussi d'où il m'est revenu, il y a quelques mois, des paroles fort peu gentilles pour moi. Cela n'empêche pas que moi je reste toujours fidèle et affectueux.
Résultat de recherche d'images pour "rio tinto"            Je ne sais pas si tes amis sont aussi nomades que les miens, mais j'en ai en Chine, aux Indes, en Egypte, en Tunisie, au Japon, partout Dieu merci excepté à Paris ! Toi seul cher Louis serais le bienvenu si nous pouvions nous joindre, mais hélas une fatalité nous sépare. Je te souhaite un moins triste séjour à Nice que l'année dernière. Ne crois-tu pas que tu ferais bien d'y prendre certaines précautions, et, dans le cas où il y a des moustiques ( ce que j'ignore ) de prendre dès ton arrivée vingt-cinq centigrammes de bromohydrate de quinine tous les jours ? Il m'est impossible d'y aller en cette saison de fleurs et de parfums...
            J'avais peur de voir ton nom dans les journaux, car ne sachant pas si le maréchal Suchet n'est pas au Panthéon, je craignais que tu imites l'initiative du duc de Montebello. Certes je trouve l'envoi de Zola au Panthéon stupide. Mais je ne trouve pas malgré cela la pensée de M. de Montebello très heureuse. Il est vrai que n'ayant aucun des miens au Panthéon je ne peux être juge.
            Adieu mon cher Louis, présente mes respectueux hommages à Madame d'Albuféra et crois à mon amitié bien profonde et toujours reconnaissante.


                                                                                   Marcel Proust.

            On m'a dit t'avoir aperçu l'autre soir au Divorce de Bourget. Mais je ne sais pas avec qui.
            A propos de divorce ta charmante amie Madame de Peyronnet a-t-elle obtenu le sien ?


                                                               ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

                                                                                             mercredi 15 avril 1908

            Mon bien cher Louis                                                                                    hprints.com 
Afficher l'image d'origine            J'ai reçu une carte postale de toi avec un énorme retard et notée " Inconnu " je ne sais même comment elle a fini par me parvenir. Tu n'avais mis aucun numér. Je demeure 102, rappelle-le toi et surtout pense à l'écrire à côté de Boulevard Haussmann car si tu ne mets pas l'adresse tes lettres ne m'arrivent pas et c'est sans doute l'explication des silences que je te reproche et dont tu te défends. Or comme nous ne pouvons plus nous voir que par lettres il faut au moins nous laisser le dernier moyen de ne pas nous oublier entièrement. De coeur à toi mon cher ami.


                                                                         Marcel Proust.                                                                                                                                                      

            Est-ce que tu connais une Mlle de Goyon. Explique-moi qui c'est.




                                                              ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤


                                  A Louis d'Albufera

                                                                                                     102 boulevard Haussmann
                                                                                                           Mardi 21 avril 1908

            Mon cher Louis
            Je te remercie de tout coeur de ta lettre. Par quel hasard as-tu du papier marqué St Marcel. En tous cas cela m'a bien amusé à constater. Je suis ennuyé de ce que tu me dis de Monte Carlo. Si tu me l'avais dit à temps, j'aurais pu savoir bien des choses et aurais repris le rôle qui était mon ancien rôle, ma raison d'être et pour lequel tu sais que tu me trouveras toujours. En tous cas je te dirai de vive voix puisque tu reviens bientôt et manifestes l'intention de me voir, certains conseils que je crois que tu ferais bien de suivre.
            Quant à te revoir si j'y étais hostile, ce n'est pas, comme tu pourrais le croire, par manque d'affection pour toi. Je quitte définitivement Paris au mois de Juillet et n'y reprendrai plus d'habitation. J'aurai déjà assez de tristesse de rompre en partant des liens d'amitié forts.Puisque m'épargnant en cela un peu de souffrance pour ce moment de la séparation définitive, les nôtres s'étaient un peu relâchés, je trouvais inutile de te revoir et de me rendre ainsi toute la force de mes regrets. Mais puisque tu en décides autrement tu sais que tant qu'il s'agira de te voir et d'être ton ami, mon coeur, toujours plein des souvenirs de notre amitié d'autrefois, ne demandera qu'à se laisser faire violence !
Résultat de recherche d'images pour "telegraphiste 1900"            Merci de tes nombreux renseignements, tu es si précis que même sur Saussine tu me réponds ( un mois après quand cela n'a plus d'objet ). J'aime cette précision et t'en remercie. J'écrirai un jour à l'autre à Louis Maheux. Ta plaisanterie avec le genre de rapports que tu n'as pas eus avec lui était inutile et cette idée ne me serait pas venue. Hélas je voudrais être aussi sûr que tu n'as pas à cet égard de telles idées sur moi. En tout cas ce serait plus explicable puisque tant de gens l'ont dit de moi. Cependant je pense que quel que soit le fond de ta pensée sur moi à ce sujet ( et je souhaite de tout mon coeur qu'elle soit conforme à la vérité, c'est-à-dire excellente ), ce n'est pas relativement à Louis Maheux que cette pensée te viendrait. Je ne suis pas assez stupide,si j'étais de ce genre de canailles, pour aller prendre toutes les précautions pour que le garçon sache mon nom, puisse me faire coffrer, t'avertisse de tout etc. Je réponds à ta plaisanterie un peu longuement peut'être, mais c'est qu'hélas elle était suivie : " mais " ( mais si c'est pour avoir l'impression de sa vie ) que tu as écrit involontairement d'autant plus sincèrement et qui m'a donné fort à penser.
            Je te dis adieu, je vais commencer un travail très important. Avais-tu lu mes pastiches dans les Suppléments du Figaro ?
            De coeur à toi


                                                                                       Marcel Proust


                                                          ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

                                                                                             5 mai 1908

            Mon cher Louis
            Précisément comme je venais de t'écrire le jeune Maheux est venu. Cette fois j'ai pu le recevoir. Il est très gentil, très intelligent, il m'a donné des renseignements, compte m'en redonner d'autres m'a-t-il dit. Son seul inconvénient c'est qu'il est beaucoup trop bien, trop comme il faut, pas représentatif du tout de sa profession. Il ressemble à Bertrand de Fénelon, sauf qu'il est beaucoup mieux tenu. Il m'a dit en me parlant des télégraphistes avec mépris : " Ils ont plutôt le genre Grenelle que le genre de la rue Saint-Dominique ". Genre de la rue Saint-Dominique dans sa pensée voulait dire son genre à lui. Il serait un modèle parfait pour un tableau de moeurs mondaines. Nous nous sommes quittés très bons amis ( du moins de mon côté, et lui a été très aimable ).
            Adieu mon cher Louis je te l'ai écrit tout de suite comme je t'avais écrit que je ne l'avais pas vu et pour que ma lettre ne soit pas en contradiction avec la réalité. Merci encore et
           Tout à toi

                                                                                        Marcel.


eclaircie.canalblog.com                                                           ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Afficher l'image d'origine

                                                         Le vendredi 29 mai 1908

            Mon cher Louis
            Je voulais écrire un petit mot à Madame d'Albufera, mais j'aime mieux t'écrire franchement, étant assez amis tous deux pour ne pas avoir à nous gêner. Donc voici ce dont il s'agit. Je voudrais te donner pour ta nouvelle maison un objet ou un meuble qui pût y figurer sans être trop indigne de ce qui l'entourera et je voudrais que ce fût quelque chose qui ne fît pas double emploi avec ce que tu peux avoir déjà. L'autre jour quand j'ai eu l'immense plaisir de te voir, j'ai essayé diplomatiquement de te faire parler et j'ai su qu'il fallait que mon choix se portât soit sur de l'Empire, soit du LouisXV, ou XVI. Mais quel objet ?  ou quel meuble ? J'avais pensé à un beau lustre mais peut-être es-tu pourvu de ce côté. Enfin dis-moi franchement ce qui te ferait plaisir, sachant que tu ne peux pas m'en faire à moi un plus grand. Je regrette que ta maison ne soit pas prête car sans doute tu y donneras des bals, et dans tous mes rêves actuels de jeunes filles, je ne pense qu'aux bals et me navre de ne plus y être invité. Et quand tu en donneras, je ne serai plus à Paris, hélas et vivrai dans quelque trou.
            Je vais donner ces jours-ci un rendez-vous qu'elle refusera sans doute à notre amie. Heureux le temps qui n'est plus ! Réponds-moi franchement et vite pour l'objet qui
pourrait te faire plaisir et si tu ne me dis pas quelque chose d'important j'en conclurai que tu ne veux pas que ta demeure contienne quelque chose qui te fasse penser à moi, de beau. Et j'en aurai encore plus de chagrin.
            Merci du renseignement pour Verdé. J'ai à vendre des Vichy et ne peux le faire par ma banque, ce sont des titres nominatifs, c'est toute une histoire. Je croyais Didier Verdé Delisle employé chez son beau-frère. Mais je connais un autre agent de change à qui j'écrirai.
             Tout à toi


                                                                                                 Marcel.

            Je reçois à l'instant ton mot et te remercie. Mais n'ai jamais eu chez moi un M. de Durtal
            Peut'être je ne communiquerai pas la dernière note, pour une raison spéciale à l'endroit que je te dirai
Peut'être je le ferai. Je vais réfléchir à ce qui est le mieux.


                                                                 ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤    

                                                                                                 12 / 13 Octobre 1908

            Mon cher Louis,                                                                                                                        
            Je voulais te demander un conseil l'autre soir, et comme je ne te vois guère qu'une fois par an et que je pense à toi beaucoup plus souvent qu'une fois par jour, quand je te vois c'est un tel tumulte de tout cet arriéré de pensées qui se presse que tout ce que j'ai à te dire est oublié. Et maintenant qu'en dehors de tout ce que tu étais déjà tu te mêles d'être Mansard, Nolhac et Vaucanson, tu comprends que rien qu'à aligner toutes les interjections, tous les points d'exclamation  que m'inspire la série de Rétrospectives exactement anciennes et ultra modernes qu'est le Palais de l'avenue Hoche ( qui est aussi le Palais de la Femme, le Palais de la chaussure, le Palais de l'Ombrelle, etc ) et qui unit à l'évocation de l'art du passé, l'anticipation de l'industrie de l'avenir, j'en aurais pour beaucoup plus de temps que nous n'en aurons à causer ensemble jusqu'à ma mort.
Résultat de recherche d'images pour "ecureuil"            Ce que je voudrais te demander est ceci. As-tu dans les conseils que te donne la Maison Heine et ta propre sagacité des idées de placements sûrs et très rémunérateurs 2è ) des idées de placements encore plus rémunérateurs et un peu moins sûrs 3è ) des idées de spéculation. Tout ceci parce que je vais sans doute vendre beaucoup de titres, ce qui me donnera de l'argent à remployer.
            Si tu m'envoies une lettre que j'enverrai au jeune Marcel Plantevignes pour la Bégassière, n'y dis pas de mal de moi ( je sais que tu ne le feras pas ! ) parce que ces gens sont charmants pour moi mais me connaissant pas et n'ayant pas les mêmes amis que moi croiraient plus facilement le mal que le bien n'ayant pas de contrôle.                    
            Depuis que je t'ai vu je n'ai été qu'un râle, souffrant un martyre affreux. Quelle vie !
            Connais-tu un architecte du nom de Parent ( encore des gens de Cabourg ). Il a restauré un grand nombre de châteaux notamment Bonnétable et il se peut qu'il ait restauré Montgobert. Son fils qui est tout jeune et qui concourt pour le prix de Rome est déjà un architecte épatant.
            Adieu mon cher Louis, quel bonheur pour moi quand je te revois. Quelle délicieuse joie. Que Madame d'Albufera a été bonne de me laisser entrer dans cette chambre de féérie ! Tu sais que j'ai à lui rendre l'exemplaire des Plaisirs et les jours. Mais je ne t'en ai pas parlé l'autre soir, ne l'ayant pas encore vu, comme il est boulevard Haussmann. Ne te tracasse pas à m'écrire pour les placements comme j'ai demandé le même conseil à M. Lambert Rotschild ( par intermédiaire ) à M. Fould, à M. Georges Lévy etc. et avec les Neuburger et d'autres c'est plus qu'il ne faut. Gardes-tu ton Rio ?
            Tout à toi

                                                                                                               Marcel.

            Vite pour les objets que ta confiance juge digne d'entrer dans le sanctuaire de l'Avenue Hoche.