samedi 1 juin 2019

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 98 Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                                                                           16 juillet 1663

            Levé et envoyai des choses à la campagne, chez mon père, ainsi que deux barils d'esturgeons et une douzaine de bouteilles de vin à Cambridge pour mon cousin Roger Pepys, en cadeau. Descendis ensuite le fleuve et visitai plusieurs vaisseaux chargés de planches. Je demeurai un moment sur un appontement à regarder des calfats doubler un navire. Puis me rendis chez mon sculpteur de Wapping au sujet de ma tête de viole, et à la maison et chez mon luthier de Bishopsgate Street, il se nomme Wise et est un artisan fort habile. Ensuite à la Bourse et retour chez moi pour dîner. Puis à mon bureau réunion du Conseil au complet. Travaillai tout l'après-midi......... Rencontrai Anthony Joyce et l'emmenai avec Mr Stacey, le goudronnier, à la taverne, il me conta maintes vieilles histoires sur la conditions modeste qui était autrefois celle de milady Batten et la faillite de son premier mari, et la façon dont elle acquit sa fortune.
            Le soir, la réunion terminée, je me rendis chez sir William Batten où milady et moi échangeâmes quelques paroles assez vives au sujet de la vidange de nos fosses d'aisances. Je lui dis le fond de ma pensée et nous convînmes finalement que les deux fosses seraient vidées en même temps, ce qui régla la question. Puis à la maison et au lit.


                                                                                                                        17 juillet

            Lever et après avoir travaillé un peu à mon bureau, chez mon luthier avec Creed. J'entendis là le célèbre Mr Stefkins jouer admirablement, et cependant, comme chaque fois, je fus un peu déçu. L'emmenai à la taverne, il s'avéra un homme tempérant et sobre, c'est du moins ainsi qu'il m'a paru. Je lui confie le soin de surveiller la fabrication de ma viole.
            Ensuite à la Bourse et à la maison où dînai avec Creed. Après le dîner sir William Warren vint me voir et nous nous retirâmes dans mon cabinet pour parler du cubage du bois, et je lui montrai que j'entendais bien cette question, et s'il m'apprit une ou deux choses, je lui en enseignai autant. Creed était parti tant avait duré ma conversation, et je me rendis donc seul, en barque, à Rotherhithe. J'allai voir ensuite sir William Penn pour deviser avec lui. Je lui dis en termes fort clairs ce que je pense de sir George Carteret et de sir John Mennes, ce qui pourrait me mettre dans l'embarras s'il s'avisait de le leur répéter, mais il m'en dit autant sinon davantage à leur sujet, ce dont je pourrais me souvenir..........
            Sur le chemin du retour je fus salué par Bagwell et son épouse ( la femme pour qui j'ai de l'inclination ), ils voulurent me faire entrer dans leur petite maison, ce que j'acceptai bien volontiers, et j'embrassai sa femme. Ils avaient du vin pour moi et je vois qu'ils vivent dans une certaine aisance. Je crois aussi que sa femme est honnête et vertueuse............. Retour en barque à la maison. Il est probable qu'il pleuve de nouveau ce soir. Que Dieu nous en préserve ! Souper et au lit.


                                                                                                              18 juillet

            Lever et à mon bureau toute la matinée.Avec sir John Mennes travaillâmes un peu, mais seulement un tout petit peu. Je mangeai quelques bouchées à la maison, puis sortis pour me rendre dans divers endroits, notamment chez mon libraire, et ensuite chez Thomson le fabricant d'instruments de mathématiques pour commander une règle à cuber le bois, etc., qui tienne dans la poche, et je crois qu'il l'exécutera à mon idée. Puis dans le quartier du Temple où j'allai chercher des cravates que m'avait confectionnées Mrs Lane.......... Mrs Lane revint bientôt et comme mes cravates n'étaient pas prêtes je la quittai pour la retrouver à la taverne de la Couronne dans la cour du Palais où nous mangeâmes un poulet que je fis apporter et bûmes et nous en donnâmes à coeur joie. Elle me laissa entièrement libre de la patiner et de faire tout ce que je voulus, à l'exception de la toute dernière chose.    christianvancautotems.org
Résultat de recherche d'images pour "reiser"Je la touchai autant que je voulus .......... J'en suis profondément honteux, et je prends la résolution de ne jamais plus recommencer.
            Mais Seigneur ! comme elle a envie d'un mari, et comme elle me montre ses mains en me demandant de lui dire la bonne aventure ! Elle terminait toutes ses questions en demandant qui elle prendrait pour époux, et quand. Et je lui fis grand plaisir en lui disant que je savais qu'elle me prendrait moi. Elle dit ensuite qu'elle avait consulté tous les astrologues de la ville et qu'ils lui disaient toujours les mêmes choses : qu'elle aurait une longue vie, qu'elle serait riche et aurait un bon mari mais peu d'enfants, et une grave maladie et vingt autres choses.......
            Je restai longtemps attendant que mes cravates soient prêtes, on finit par me les apporter. Je me rendis alors dans le quartier du Temple par le fleuve et de là rentrai à pied, en nage à force d'avoir batifolé avec elle, et d'avoir marché. Souper léger et au lit, craignant d'avoir pris froid.


                                                                                                                          19 juillet 1663
                                                                                                             Jour du Seigneur
            Grasse matinée fort longue occupée à de plaisantes rêveries jusqu'à l'heure de l'office. Me levai, et comme il faisait un temps affreux et que je ne pouvais donc aller à pied retrouver mon cousin Roger chez Thomas Pepys, où il est arrivé à cheval hier soir, à Hatcham, j'allai à l'office où un grave docteur fit un bon sermon. Je rentrai lire un peu, puis derechef à l'office où l'Ecossais fit un sermon ordinaire. Rentrai à la maison et à mon bureau où relus mes résolutions et rajoutai de m'abstenir de toute boisson forte...... jusqu'au mois de novembre. En prenant cette résolution je verrai comment je peux m'en passer. Dieu fasse que ma santé n'en souffrît point, et dans ce cas peu me chaut de ne plus boire ! Je commençai ensuite de lire une sotte pièce, écrite par une personne de qualité. ( ce qui à mon avis revient à dire un fat ) intitulée L'amour à la mode.
            Quand j'eus fini, à la maison où jouai du luth et chantai des psaumes jusqu'à l'heure du coucher. Puis prières et au lit.


                                                                                                                      20 juillet

            Lever et à mon bureau puis à pied à Woolwich en lisant le Faber Fortunae de Bacon, que j'admire davantage chaque fois que je le lis. Retrouvai le capitaine Cocke et passâmes notre temps à courir pour nous occuper de nos affaires, puis l'accompagnai à pied chez lui où fîmes un fort bon dîner. J'eus grand mal à le convaincre que je ne désirais pas boire de vin, et je goûtai seulement une larme de xérès qu'il avait sorti pour sa femme. Il craint qu'elle ne soit un peu phtisique, et sa beauté commence à perdre ses couleurs. C'était du malaga qui avait certainement, à ce qu'il dit, 30 ans d'âge. J'en goûtai une larme, et c'était de l'excellent vin, plus semblable à une liqueur qu'à du vin.
            Retour en barque au bureau, pris certains papiers et par le fleuve à Whitehall et St James....... et rentrai. J'étais recru de fatigue et me hâtai de me mettre au lit. Une fois au lit demandai à Will de lire et d'expliquer deux ou trois versets de la Bible en latin et le gourmandai d'avoir oublié sa grammaire. Puis m'endormis. Passai une mauvaise nuit, restai donc tard au lit le matin jusqu'à ce que j'entendisse frapper à ma porte. Je pensai qu'il était environ 8 heures, mais m'étais trompé, et me levai, pestant contre Will et la servante, jurant que j'avais envie de les jeter en bas de l'escalier à coups de pied, à quoi la servante répondit en maugréant de belle manière.
            C'était mon frère qui demeura un moment pour causer. L'affaire qui le préoccupe est qu'il va construire la partie supérieure de sa maison, ce qui va lui occasionner de grandes dépenses, plus grandes qu'il ne le croit.
            Mr Deane de Woolwich arrive pour me montrer les plans d'un navire où sont représentées, fort joliment les préceintes et les formes principales de la coque. Cela me plaît infiniment et je suis résolu à étudier d'arrache-pied et apprendre comment interpréter un  plan en coupe........ A midi, à l'invitation de milady Batten, je me rendis chez Mr Castle, de l'autre côté du fleuve. C'est aujourd'hui qu'il amène son épouse dans sa propre maison. Je trouve là un grand nombre d'aimables vieilles dames, ainsi que milady, sir William Batten et sir John Mennes
            On nous servit un bon et beau dîner, quoique simple, puis me promenai dans le jardin assez plaisant, davantage que je ne m'y attendais. Ensuite au bureau par le fleuve, réunion. Je me rendis ensuite dans le quartier du Temple au sujet de mes affaires en justice.
            Retour à la maison, écrivis des lettres à mon père et à ma femme pour les prier de fêter la fête de Brampton, et d'inviter milady et ses gens. Puis à la maison, souper et au lit. J'ai eu tout le jour mal à la tête de m'être si mal reposé la nuit dernière et rendu malade à force de trop marcher hier et aussi de m'être cogné la tête contre le linteau d'une porte basse chez Mr Castle.
            Aujourd'hui le Parlement à observer un jeûne en raison du temps déréglé que nous avons cet été.


                                                                                                                    22 juillet
                                                                                                                                  cornettedesaintcyr.fr
Image associée            Lever et peu après arriva mon oncle Thomas à qui je remis les 10 livres de sa rente pour la demi-année  écoulée. J'obtins aussi sa signature et son cachet, ainsi que ceux de son fils, pour la reconnaissance de nos droits sur l'hypothèque de Pigott, ce que nous avions oublié de mettre par écrit
            ............. Puis je sortis, me rendant ici et là pour de menues affaires, entre autres chez le barbier de mon frère Tom et me fis couper les cheveux, tandis que son petit serviteur jouait du violon. Ce n'est pas un beau garçon mais il a de fort bonnes dispositions...... et je m'amusai à voir tous les efforts qu'il fît pour obtenir un cordon de soie rouge.  Me rendis chez milord Crew. Comme il n'était pas rentré j'attendis en bas avec le capitaine Ferrer........ Comme nous parlions des dames de la Cour, il me dit que lady Castlemaine était redevenue aussi puissante que jamais, que son départ n'avait été qu'un mouvement d'humeur causé par des paroles offensantes du roi, à la suite de ça elle avait commandé que son carrosse fût prêt dans le quart-d'heure et quitté la Cour pour Richmond. Le lendemain matin le roi, sous prétexte d'aller chasser, s'en fut la voir pour se réconcilier avec elle....... elle revint à la Cour et a maintenant sur le roi un ascendant plus grand que jamais, et elle obtient et fait tout ce qu'elle veut.
            Pas plus tard qu'hier soir était donnée chez le duc de Buckingham une réception privée pour le roi et la reine et elle n'était pas invitée. Mais hier, chez sa tante milady Suffolk, où dînaient Mrs Jemima et milord Sandwich, on entendit milady Castlemaine affirmer :
            " - Bah ! grand bien leur fasse, je m'amuserai toujours autant qu'eux. "
             Elle rentra chez elle et fit préparer un grand souper, et après que le roi eut été avec la reine à l'hôtel de Wallingford, il se rendit chez milady Castlemaine et y passa toute la nuit, et milord Sandwich avec lui. Ce qui explique pourquoi milord a couché en ville ce soir, ce qu'il n'avait pas fait depuis fort longtemps...........
            Je comprends aux paroles du capitaine que milord Sandwich trouve du plaisir à la campagne où il réside à présent. Veut-il parler d'une des filles de la maison, je ne sais...........
            Ce fat de Ned Pickering, nonobstant toutes ses espérances et l'assistance de milord ( je suis fâché d'apprendre que milord s'était tant intéressé à sa cause ) est renvoyé de la place qu'il comptait garder dans la Maison de la reine.
            Je restai dîner avec milord Crew......... Pris ensuite le chemin de la maison, et sur mon chemin m'arrêtai d'abord chez Wotton le bottier qui me dit la raison pour laquelle Harris quitte le théâtre de sir William Davenant : c'est qu'il est devenu fort orgueilleux et a exigé 20 livres de cachet exceptionnel, davantage que Betterton ou n'importe qui d'autre à chaque nouvelle pièce, et 10 livres pour chaque reprise, et d'autres choses encore, ce que sir William Davenant a refusé. Il a donc juré de ne plus jamais joué dans ce théâtre, car il compte être engagé dans l'autre. Mais à la demande de sir William Davenant le roi ne le permettra pas, car en ce cas il pourrait bien fermer ses portes, et qu'il craint que Harris ne reçoive en secret de l'argent de l'autre théâtre..............
            J'allai ensuite chez mon libraire où m'attendaient mes Waggoner, la reliure seule m'a coûté 14 shillings, mais c'est du beau travail. Je les fis transporter à la maison par un portefaix. Puis me rendis en barque à Ratcliffe où allai causer avec Cumberford le graveur. Je vis comment il procède dans son travail qui est fort délicat et minutieux. Puis je me rendis à Deptford en lisant Le Diable est un âne de Ben Jonson. Puis j'allai voir sir William Penn que je trouvai faisant quelques pas dehors, mais il ne put rester longtemps debout. Nous rentrâmes et je restai un long moment à causer avec lui............
            Rentrai à pied à la maison, comme à mon habitude. J'étais las, et après m'être entretenu avec Mr Barrow, venu me voir pour prendre congé car il part demain pour l'île de Man, j'allai me coucher.
            J'ai appris aujourd'hui que les Maures ont attaqué certains ouvrages avancés de Tanger, mais milord Teviot les a repoussés et en a tué beaucoup, perdant lui-même 200 hommes.
            Demain, c'est chose assurée, le roi et la reine vont à Tunbridge. Mais le roi revient avant lundi pour clore cette session du Parlement.


                                                                                                                   23 juillet
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Image associée             Lever et à mon bureau puis sur des indications de Mr Acworth je me rendis à Woolwich et fis l'appel des équipages des trois vaisseaux des Indes orientales qui y sont à l'ancre, car je crois que les commissaires de marine et le vérificateur des rôles sont de mèche pour faire payer au roi la solde et la nourriture des hommes qui sont absents, et j'en trouvai fort peu à bord.........
            Restai dîner chez Mr Acworth et sa femme. Il y avait là un sot, un gentilhomme de la Cour, je crois, leur parent, ce qui fit que je ne pus guère parler ni faire connaissance avec la femme d'Acworth, puis après le repas rentrai en toute hâte à la maison où trouvai sir John Mennes et sir William Batten au bureau, et à cause de leur témoignage fus forcé de donner mon consentement à l'affaire du bois de charpente du capitaine Cocke qui est parmi les plus mauvaises dont nous eussions débattu..........
            On leva la séance et allai souper chez sir William Batten d'un mulet mariné, fort bonne chère,
puis à la maison et au lit.


                                                                                                                     24 juillet

            Levé très tôt, bien que depuis quelque temps je sois chaque matin en retard d'une heure sur l'heure que je me suis fixée. Me rendis en barque dans le quartier du Temple où je fis mes adieux à mon cousin Roger Pepys qui quitte Londres aujourd'hui. Puis au palais de Westminster, et là à la boutique de Mrs Mitchell. Je fis apporter de la bière et du sucre et la régalai, ainsi que Mrs Hewlett sa voisine, et leurs filles, surtout celle de Mrs Hewlett, une jolie fille et que j'appelle depuis longtemps ma femme, car je trouvais autrefois qu'elle lui ressemblait. Après ces démonstrations d'amitié auxquelles je me livre pour leur donner l'occasion de dire du bien de moi et de me louer auprès de certaines personnes qui, je le sais, fréquentent de temps à autre leur boutique, je me rendis au bureau des Six Clercs où je fis établir un arrêt de suspension contre Tom Trice, que je payai 20 shillings à Wilkinson. Puis courus d'un endroit à un autre, notamment chez mon luthier où je vis la tête, qui me plaît maintenant extrêmement. Ensuite à la maison où fus immédiatement convié à me rendre chez Mr Bland invité à dîner avec Mr Povey et Gauden. On nous servit un excellent repas, il y avait abondance de tout sauf de boissons, bien qu'elles fussent variées et de qualité. Je ne bus que de la petite bière et de l'eau dont j'avalai une telle quantité que j'espère ne pas être malade.
            Ils ont chez eux une parente à qui ils donnent le nom de fille, une souillon rousse, courtaude et laide, qui joue du virginal et chante, mais de si rustique façon que j'en fus lassé. Pourtant, je ne pus faire autrement que de la complimenter................ Nous reprîmes bientôt nos places car on nous servit une fort belle collation de gâteaux au fromage, de tartes crèmes et autres douceurs.
            Rentrai à la maison, passai un moment à mon bureau, jusqu'à ce que Mr Hill, de Cambridge vint me déranger. Nous nous promenâmes un moment dans le jardin, puis chez moi, marchâmes de long en large dans ma salle à manger, causant de diverses affaires d'états, jusqu'à 11 heures du soir. Je lui donnai un verre de vin
            Je ne répugnai point à l'entendre parler, quoiqu'il se gargarise de mots. C'est pourtant un homme qui connaît beaucoup de gens, surtout parmi les presbytériens et les indépendants. Il me donne pour certain qu'il suffit de laisser faire les évêques, et ils causeront leur propre ruine...........
            Après son départ me mis au lit.


                                                                                                                  25 juillet 1663

            Lever et à mon bureau où mis de l'ordre dans des papiers......... J'avais formé le dessein de me rendre aujourd'hui sur les collines de Banstead pour voir une course renommée....... j'appris que la course était reportée car les Lords siègent au Parlement aujourd'hui....... Mr Creed et moi décidâmes d'aller à Clapham chez Mr Gauden. Lorsque j'arrivai la première chose qu'il fit fut de me montrer sa maison dont la construction est presque achevée et où il vit avec les siens ( nte de l'éd. : A la mort de Gauden la maison appartint à William Hewer. Pepys s'y rendit souvent et les deux dernières années de sa vie ) Elle me paraît bien proportionnée et habilement conçue.........
            Peu après on nous servit à dîner........... Après sur la proposition de Mr Gauden nous persuadâmes Mrs Gauden et sa belle-soeur de chanter......... Je pris la viole et jouai quelques airs d'un de leurs recueils, des morceaux pour viole de gambe qui parurent beaucoup leur plaire.
            Nous passâmes de la sorte une ou deux heures et vers le soir nous fîmes nos adieux et remontâmes sur nos chevaux après avoir décidé qu'à la place de la course dont nous avions été privés nous irions à Epsom. Nous nous mîmes donc en route et un peu plus tard je renvoyai Will au logis pour veiller sur la maison, tandis que Creed et moi poursuivions notre chemin. La route était encombrée de bourgeois de la Cité qui se rendait à Epsom, et là quand nous arrivâmes on ne put nous indiquer aucun logement, tant la ville était comble. Mais chose plus agréable je pris la route d'Ashtead, lieu de mes plaisirs d'antan....... nous nous rendîmes chez Page le fermier...... et là trouvâmes un gîte............ parcourûmes les clos qu'il me semble si bien connaître, et je considère comme une chance de coucher ici, car cela me fournit l'occasion de refaire mes anciennes promenades.......... Puis retour à notre logis pour notre souper. On nous servit, entre autres, une magnifique jarre de crème........ Peu après au lit où, avec bien du mal, mais dans la bonne humeur, nous parvînmes à nous coucher, mais sans grand confort.
            Nous étions accompagnés d'un petit épagneul qui nous a suivis tout le long de la route, un beau chien qui, je le crois, suit mon cheval et appartient à Mrs Gauden, et nous en prenons donc grand soin.


                                                                                                                           26 juillet
 cornettedesaintcyr.fr                                                                                       Jour du Seigneur
Résultat de recherche d'images pour "reiser"            Lever et aux sources ( Epsom ville d'eau ), où se pressaient de nombreux bourgeois de la Cité. Ils formaient la plus grande partie de la foule, quoiqu'il y eût aussi des personnes de plus haut rang. Je rencontrai nombre de gens que je connaissais.
            Nous bûmes chacun deux gobelets puis nous éloignâmes. C'était fort plaisant de voir tout le monde relever ses basques, qui par-ici, qui par-là, qui dans un buisson, et les femmes de même de leur côté. Puis je me rendis à pied avec Creed à la maison de Mr Mynne...... de là à Durdans..... jusqu'au jeu de boules où j'ai vu dans ma jeunesse tant de joyeuses parties, mais maintenant il n'y a ici personne de la famille, milord Berkeley, le propriétaire, est à Londres avec les siens. Ensuite me promenai de-ci, de-là, dans le bois de Mr Mynne, revoyant avec grand plaisir les lieux........... je connus les premiers émois de l'amour, et pour la première fois le plaisir de la compagnie d'une femme
de sa conversation, celui de lui prendre la main. C'était une jolie femme.
            Ensuite........... accompagnés de notre petit chien, quand nous nous retrouvâmes au milieu des noisetiers et des buissons, Seigneur ! quelle aventure que la nôtre pendant toute une heure ! Nous étions égarés et je désespérais vraiment de jamais parvenir à un sentier, n'avançant toujours que d'un fourré à un autre........ Enfin je découvris une charmante allée qui passe par le milieu du bois et le traverse de part en part, puis sortis et hélai Mr Creed que j'obligeai à me chercher de place en place. Je finis par rentrer dans le bois et le guidai par mes appels jusqu'à ma belle allée. Le petit chien était toujours avec nous et furetait par tout le bois. Dans l'allée, tout confus, éreinté et en nage Creed s'étendit à terre. Je fis de même mais pas longtemps et partis me promener dans la belle allée en relisant mes résolutions, comme je le fais tous les dimanches.
            Quand j'eus fini et après m'être allongé une heure, nous rentrâmes à notre logement et payâmes notre dû. Nous remontâmes à cheval...... parcourûmes tout Epsom et observâmes les différents groupes de gens qui s'y promenaient, ne sachant guère que faire, excepté prendre les eaux le matin............ Nous sortîmes de la ville, et là notre petit chien, comme à son habitude, se mit à courir après un troupeau de moutons qui paissaient sur le pré communal, si loin que nous le perdîmes de vue, puis il tenta de nous rejoindre et revint à la barrière où il nous avait quittés, et là, le pauvre animal, se trompe de trace...... on nous dit qu'il avait traversé la ville........... Nous retournâmes une fois de plus à Ewell, fort fâchés et chagrinés de la perte de notre chien, et nous installâmes, nos chevaux et nous pour y passer la nuit. Nous prîmes à notre service des gens pour chercher notre chien dans la ville, mais personne ne put rien nous en dire.
             Nous commandâmes notre souper....... un bon gigot de mouton bouilli, nous mangeâmes et allâmes nous coucher dans deux bons lits dans la même chambre, où nous dormîmes à poings fermés toute la nuit.


                                                                                                                   27 juillet

            Levés vers 7 heures, après discussion décidâmes d'aller aux sources pour chercher notre chien, mais personne ne put nous en donner des nouvelles..............
            Nous bûmes chacun trois gobelets......... nous repartîmes vers Ewell où nous attendait notre déjeuner, composé des restes hachés de notre dîner de la veille. Après que le maréchal-ferrant eut remis deux fers neufs au cheval de Creed, nous enfourchâmes nos montures en direction de Londres...
............. Je laissai leur cheval à Vauxhall et rentrai par le fleuve.......... Je me préparai et me changeai puis en barque pour Westminster et j'eus la grande chance d'arriver à la Chambre au moment où les membres de la Commune y pénétraient. Je me joignis à la foule et entrai avec le président............
            Le discours du président des Communes ne devait rien à l'art oratoire........... Quand les lois eurent été entérinées, le roi, assis sur son trône et tenant sur ses genoux la feuille où était écrit son discours et dont il ne leva quasiment pas les yeux...... les remercia pour leurs subsides......... Il désirait que l'on ne se ressouvint point des fautes anciennes......... il veillerait lui-même à ce que ni les uns ni les autres ne fussent encouragés à menacer la paix.........
            Son discours fut très ordinaire, dépourvu de toute verve et prononcé sans aucun entrain, le contraire plutôt. Sa diction était imparfaite, il répétait maintes fois ses mots, quoiqu'il lût tout son texte, ce que je fus fâché de voir, car il ne lui eût pas été bien difficile d'apprendre tout le discours par coeur.
            Puis tout le monde se retira........ Je rencontrai Creed........ nous nous promenâmes au nouveau
jardin........ puis en barque à Whitehall....... et jusqu'au Pont par le fleuve, et à la maison et au lit, las et fort satisfait de mon voyage à tous égards, si ce n'est que j'ai dû débourser environ 20 shillings, mais c'était pour ma santé et j'espère en sentir les effets. La seule chose c'est que j'ai remarqué ma petite grosseur, juste à côté de l'anus, qui m'est venue d'être monté à cheval. J'ai eu la même la dernière fois que je suis monté à cheval, puis elle a disparu, et maintenant elle est revenue, environ de la taille d'un cocon de ver à soie. Cela me fait craindre une hernie, mais j'en parlerai à Mr Hollier, et je suis content de l'avoir découverte maintenant, car je peux y remédier avant qu'elle se développe.


                                                                                                                    28 juillet

            Levé après avoir très bien dormi, puis à mon bureau, rédigeai mon journal des trois derniers jours. Me remis ensuite au travail avec, je l'espère, davantage d'entrain et meilleur succès grâce au repos que je viens de prendre.
            A midi chez Wise au sujet de la viole qu'il fabrique pour moi, puis dîner à la maison, retour au bureau jusque tard le soir. Ma Jane vint me trouver avec son frère Will pour me supplier de reprendre mon petit valet, mais je fais la sourde oreille, et pourtant je serais bien aise de faire quelque chose pour le garçon par amitié pour elle...... Elle voudrait que j'en fisse un marin, ce que je ferais si je le pouvais, mais aucun vaisseau n'est prêt d'appareiller. La pauvre fille pleura tout le temps et ne pouvait se résoudre à partir. Elle resta environ deux heures, jusqu'à 10 ou 11 heures du soir......... le reprendre je ne veux pas...... Je rentrai chez moi, là les ouvriers vidangeaient ma fosse d'aisances, et il me paraît qu'ils vont s'en acquitter bien plus proprement que je ne le pensais. Je montai et descendis avec eux un bon nombre de fois, mais sachant que Mr Coventry devait passer demain matin, je laissai mes gens surveiller...... Puis au lit.


                                                                                                                 29 juillet

            Levé vers 6 heures et vois que les ouvriers viennent de finir, et que Hannah n'est pas encore au lit, mais nettoie la cour et la cuisine, que Will vient d'aller se coucher, à mon bureau.
            ........... Descendis à Wapping voir sir William Warren, restai une heure ou deux à parler....... puis à la maison et chez sir William Batten. Je n'avais aucune envie de dîner chez moi où l'on n'avait pas encore entièrement nettoyé la merde de la nuit dernière, et dînai avec milady, sa fille et son fils Castle.......... Puis descendis le fleuve et me rendis à pied à Deptford voir sir William Penn, lisant en chemin une nouvelle pièce du plus haut ridicule L'intrigant joué ( nte de l'éd. Alex. Green, jamais jouée ). A l'arsenal, demandai à mon commis Will de rester à ma place, retour à la maison et au lit.............


                                                                                                                      30 juillet

            Lever, au bureau réunion........                                                             cornettedesaintcyr.fr 
Résultat de recherche d'images pour "reiser"            Un peu plus tard arrive Mr Coventry, tout seul........ après  avoir un peu travaillé, à Woolwich et visitâmes l'arsenal. Sur ces entrefaites arriva sir George Carteret....... et retournâmes en barque avec lui à Deptford et nous dînâmes chez lui. Un excellent dîner durant lequel je fus fortement tenté par des vins de toutes sortes et du bon cidre français, mais je n'en bus pas une seule goutte..........
            ......... Sir George Carteret a marié deux de ses filles cette année, et toutes deux fort bien.
            Après le dîner à l'arsenal de Deptford, mais comme nous avions le ventre plein nous ne pûmes guère travailler et nous nous séparâmes. Retour en barque avec Mr Coventry, nous nous quittâmes. J'allai dans différents endroits pour affaires et fus m'enquérir de mes cinq volumes de l'édition variorum, reliée à la manière habituelle, plutôt que l'autre qui est plus voyante, et rentrai à la maison.
            La ville ne parle aujourd'hui que de la grande course à pied disputée ce jour sur les collines de Banstead, par Lee, le valet de pied du duc de Richmond, et un tuilier, coureur célèbre. Et Lee l'a battu, malgré les paris à trois contre ou quatre contre un sur le tuilier, du roi et du duc d'York.


                                                                                                                          31 juillet 1663

            Levé tôt pour faire mes comptes de ce mois, et je découvre que ma fortune se monte à plus de 730 livres, plus que je n'aie jamais possédé. J'en suis satisfait bien qu'elle n'augmente que de fort peu.
            Puis à mon bureau, à midi chez mon luthier qui a commencé ma viole de belle apparence. A la Bourse, rencontrai le Dr Pearse qui me fait part de sa bonne fortune d'avoir obtenu le poste de gentilhomme de la Chambre privée de la reine, et cela sans l'aide de milord Sandwich mais seulement par chance......... pour environ 60 livres alors qu'il peut la revendre à tout moment 400 livres............
            Il me dit également, comme à un ami, que je me fais grand tort en me montrant si sévère dans les arsenaux et en attirant sur moi seul la rancune de tout le bureau de la Marine......... On pense, dit-il
que j'ai le dessein de gagner la faveur du roi et du Duc, lesquels ne se soucient guère de telles choses. Je recevrai autant de remerciements si je ne m'occupe de rien........... Je ferai bon usage de ses conseils
............ allai au café où arrivèrent sir John Cutler et Mr Graunt. Ce dernier me montra des lettres de sir William Petty où il dit que le vaisseau double quille qu'il a construit......... a ce mois-ci gagné un pari de 50 livres en faisant la course entre Holyhead et Dublin avec la paquebot, le meilleur navire dont le roi dispose là-bas....... On dit d'étranges choses à propos de ce vaisseau, et il conclut sa lettre sur cette déclaration ; " J'affirme seulement que le perfectionnement des voiliers repose sur mon principe : le découvre qui pourra. "
            Ensuite à la maison, rencontrai Mr Rawlison qui m'apprit que mon oncle Wight a renoncé à l'achat de terres dans le Hampshire, et qu'il apprécie moins les Wight......... J'étais de retour à la maison quand il m'envoya chercher pour dîner avec Mr Moore. J'y allai donc, fis un bon dîner, mais c'est une chose étrange pour moi de refuser, et pourtant je le fis sans la moindre réticence, de boire du vin dans une taverne où l'on ne buvait quasiment pas autre chose, et où il était de surcroît excellent.
            .............. Rentrai à la maison et à mon bureau, et mis en ordre toutes sortes de papiers, écrivis des lettres....... Il était presque minuit quand les yeux fatigués de fixer ce que j'écrivais, je rentrai à la maison et au lit, terminant ce mois l'esprit fort satisfait. Ma femme à la campagne, et moi-même fort estimé et en bonne voie, grâce à mes efforts, de devenir une personne d'importance, je le crois, si Dieu bénit ma diligence.


                                                                             à suivre...............

                                                                                                                  1er août 1663

            Me levai de..........



         
         
         


                                                                                                             


                                                                                                                   


                                                                                                                       


jeudi 30 mai 2019

A une mendiante rousse Baudelaire ( Poème France )


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                                             A une mendiante rousse

            Ma blanchette aux cheveux roux,
            Dont la robe par ses trous
            Laisse voir la pauvreté
                  Et la beauté,

            Pour moi, poète chétif,
            Ton jeune corps maladif
             Plein de taches de rousseur
                    A sa douceur ;
         
            Tu portes plus galamment
            Qu'une pipeuse d'amant
             Ses brodequins de velours                                                               
                   Tes sabots lourds.

             Au lieu d'un haillon trop court           
            Qu'un superbe habit de cour
             Traîne à plis bruyants et longs
                   Sur les talons ;                                                                                     plume-dhistoire.fr
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            En place de bas troués,
            Que pour les yeux roués
             Sur ta jambe un poignard d'or
                   Reluise encor ;

            Que pour te déshabiller
            Tes bras se fassent prier
            Et chassent à coups mutins
                   Les doigts lutins ;

            - Perles de la plus belle eau,
            Sonnets de maître Belleau
            Par tes galants mis aux fers
                  Sans cesse offerts,

            Valetaille de rumeurs
            Te dédiant leurs primeurs
             Et reluquant ton soulier
                   Sous l'escalier,

            Maint page ami du hasard,
            Maint Seigneur et maint Ronsard
            Épieront pour le déduit
                  Ton frais réduit.                                                                                                                                  encheres.catawiki.eu
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            Tu compterais dans tes lits
            Plus de baisers que de lis,
            Et rangerais sous tes bas
                 Plus d'un Valois !

            Cependant tu vas gueusant
            Quelque vieux débris gisant
            Au seuil de quelque Véfour     
                  De carrefour ;

            Tu vas lorgnant en-dessous
            Des bijoux de vingt-neuf sous
            Dont je ne puis, oh ! pardon !
                   Te faire don ;

            Va donc, sans autre ornement,
             Parfum, perles, diamant,
             Que ta maigre nudité,
                    O ma beauté !


                                                Charles Baudelaire
         
         
            

samedi 25 mai 2019

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 97 Samuel Pepys ( journal Angleterre )


Le Kent en automne
france3-regions.francetvinfo.fr

                                                                                                                 1er Juillet 1663

            Ce matin il a plu si fort, et pourtant la journée d'hier avait été belle et nous espérions un peu de beau temps dont nous avons été privés depuis trois mois, que cela nous a réveillés. Creed, qui a dormi avec moi cette nuit, et moi. Nous nous levâmes et commençâmes à parler de l'affaire de ses comptes qui sont contestés et pour laquelle je me suis donné bien du tracas et me suis éloigné de sir George Carteret, ce dont je suis fâché. Mais j'espère que nous avons eu ce matin l'idée d'un expédient qui résoudra tout, c'est-à-dire qui permettra de répondre à toutes les questions tout en conservant à Creed les 500 livres qu'il entendait gagner sur le change à l'étranger des pièce de huit qu'il a déboursées.
            Une fois habillés en barque à Whitehall, je le quittai avant d'arriver à la Cour, de crainte que George Carteret ne me vît avec lui, ce que je suis contraint d'éviter depuis quelque temps pour effacer les soupçons.
            Me rendis à St James, causai un moment avec Mr Coventry, avec qui j'ai d'excellentes et amicales relations. Ensuite au palais de Westminster et, comme je me trouvai dans le vestibule du Parlement, je vis milord Bristol arriver à la Chambre des communes pour donner sa réponse à leur question............
            Après son discours il sortit et se retira dans une petite pièce pour attendre que la Chambre eût décidé d'une réponse à ses propos............. Il dit, entre autres, que pour se qui était de sa religion, il était catholique romain, mais de ceux qui pensaient que seul avait droit à la couronne d'Angleterre le prince qui la porte aujourd'hui, et de ceux qui, si le roi voulait connaître son avis, ne lui conseillerait d'autre religion que l'ancienne et vraie religion réformée de ce pays, car elle convient le mieux à ce royaume dans son état présent.
            Et il conclut en se soumettant à la décision de la Chambre, disant que quoi qu'ils fissent, et ce sont ses propres paroles, " grâce soit rendue à Dieu, ce chef, ce coeur, et cette épée ( il les désigna l'un après l'autre ) me feront vivre dans n'importe quel lieu d'Europe.........
            J'entendis, en partant, que la Chambre des Lords est offensée que milord Digby se soit rendu aux Communes et fait un discours sans demander d'abord son consentement. J'apprends aussi qu'il lui est arrivé une autre disgrâce : milord de Sunderland, que je ne connais point, était si près d'épouser sa fille que les habits de noces étaient faits, que l'on s'était accordé sur la dot et sur toutes choses, et que tout était prêt. Et l'autre jour, voilà qu'il est parti, nul ne sait encore où, envoyant le lendemain à la jeune fille un message par lequel il renonce à ses droits et à ses prétentions sur elle, et il conseille à ses amis de ne pas chercher à connaître les raisons de son acte car il n'en manque pas, et qu'il leur laisse toute liberté de dire et de penser ce qu'ils voudront de lui. Qu'ils ne demandent pas quelles raisons il a de la quitter, car il est résolu à ne jamais la prendre pour femme, mais il refuse absolument de dire pourquoi.
            Puis en barque pour dîner avec sir William Batten à Trinity House. Après le repas, Sir John Mennes se joint à nous, et entamâmes la conversation. Mr Batten nous raconta un procès de sir Charles Sedley qui a eu lieu l'autre jour devant milord le président Foster et le Banc du roi au complet, pour les actes de débauche auxquels il s'est livré il y a peu à l'auberge d'Oxford Kate : il est sorti en plein jour sur le balcon et s'est mis nu, a mimé toutes les postures lubriques et sodomiques imaginables, a insulté les Écritures et prêché, en quelque sorte, depuis cette chaire, un sermon de charlatan, annonçant qu'il avait une poudre miraculeuse à vendre qui ferait courir à ses trousses tout ce qui dans la ville avait un con. Et un millier de personnes se tenaient sous le balcon pour le voir et l'écouter.
           Quand il eut fini il prit un verre de vin, se lava la bite, puis le but, puis il en prit un autre et but à la santé du roi.             neonmag.fr        
Image associée            Il paraît que milord et les autres juges lui firent chacun à son tour force remontrances. Milord déclara que c'était à cause de lui et de misérables scélérats que le courroux et le jugement de Dieu restaient suspendus sur nos têtes, et il l'appela " maraud " à de nombreuses reprises. On dit qu'ils lui ont fait promettre de se bien conduire, car il n'y a pas de loi contre ce qu'il a commis, sous peine de payer 5 000 livres. Comme quelqu'un disait que milord Buckhurst était avec lui, milord demanda s'il s'agissait de ce même Buckhurst jugé il y a peu pour vol, et comme on lui répondait que oui, il demanda s'il avait si vite oublié sa récente libération, et s'il ne lui aurait pas mieux convenu d'avoir été à ses prières, à implorer le pardon de Dieu, que de s'engager à nouveau dans de semblables chemins.
            A ce propos, sir John Mennes et Mr Batten disent tous les deux que la sodomie est maintenant devenue presque aussi courante parmi nos godelureaux qu'en Italie, et que les pages de Londres commencent eux-mêmes à se plaindre de leurs maîtres à ce sujet. Mais, Dieu merci, je ne connais point à ce jour la signification de ce péché, ni lequel est actif et lequel est passif.
            Ensuite à la maison, et comme mes commis étaient sortis, avec ma permission, pour aller voir les vaisseaux des Indes orientales qui viennent d'arriver, je demeurai tout seul dans mon bureau tout l'après-midi.
            J'ai entendu dire aujourd'hui au dîner que don Juan d'Autriche, après sa fuite du Portugal, est mort de ses blessures. Voici un grand homme qui disparaît, et la fin probable d'une grande dispute pour la couronne d'Espagne, au cas où le roi serait mort avant lui. J'ai reçu ce matin une lettre de ma femme apportée par John Goods et j'apprends qu'il y a eu une regrettable querelle entre ma femme, mon père, ma soeur et miss Ashwell, parce que j'ai écrit à mon père d'instruire Pall de ne pas éloigner miss Ashwell de sa maîtresse, ni de les monter l'une contre l'autre. Ce que Pall répéta à miss Ashwell qui prononça certaines paroles que sa maîtresse entendit, et cela causa une grande dispute générale. Je suis profondément fâché de l'apprendre, et je crains que cela ne cause des rancunes impossibles à effacer. De sorte que je crains que ma femme et moi ne nous querellions à ce propos, ou du moins mon père et moi. Je vais cependant essayer de calmer les esprits du mieux que je pourrai, ou de la faire revenir de la campagne avant le jour prévu, mais ce serait bien à contrecoeur.
            Le soir me rendis en barque chez mon cousin Roger Pepys, il n'était pas rentré, mais je trouvai le Der John arrivé en ville et est à présent remis de sa maladie. Mais Seigneur ! Quel benêt c'est donc dès qu'il s'agit des affaires publiques, et comme il parle sottement. Quant à son frère, le Dr Tom, je ne sais pour quelle raison il est monté sur ses grands chevaux, ce que m'a dit mon père il y a assez longtemps, et c'est à peine s'il a daigné me saluer. Je n 'en n'ai pas fait davantage à son endroit.
................................
            Allai ensuite chez mon frère. Fâché de voir qu'il négligeait les affaires de mon père en ne se souciant pas de faire exécuter ses Paysages. Je sortis en colère et rentrai à pied à la maison, puis montai jouer du luth et ensuite au lit.


                                                                                                                      2 juillet 1663
                                                                                                        loiseaumoqueur.com
charles_i            Levé de bonne heure et travaillai au bureau toute la matinée. A midi me rendis à la Bourse, rencontrai plusieurs personnes, et avec le capitaine Cox dans un café, bus avec lui et d'autres négociants. Agréable conversation. A la maison pour dîner, tout seul jouai un peu de la viole, et au bureau où fûmes en réunion tout l'après-midi. Rentrai à la maison pour souper et au lit après un peu de musique, l'esprit fort préoccupé à cause de cette querelle entre ma femme et mon père à la campagne.
            Tandis que je me promenais ce soir dans le jardin avec sir John Mennes et sir George Carteret, celui-ci nous rapporta avec force mépris de quelle manière digne d'un comédien lord Digby avait parlé hier, désignant du doigt sa propre tête comme l'avait fait milord, il déclara :
            " - D'abord, pour ce qui est de sa tête, je sais qu'une tête de veau aurait fait deux fois mieux, quant à son coeur et son épée, je n'ai rien eu à en dire. "
            Il nous dit que la tête de milord Digby avait assurément coûté la sienne à feu le roi Charles Ier, car c'est lui qui avait fait échouer le traité d'Uxbridge. Il nous dit aussi que de simple gentilhomme en France il était devenu un homme fort important, grâce d'abord à Monsieur de Gramont, puis au cardinal qui l'éleva au rang de lieutenant général et plus haut par la suite. Lorsque le cardinal fut banni de France il lui confia des affaires importantes et le recommanda à la reine comme un homme de confiance dont elle pourrait faire son conseiller. Cependant, quand il fut parvenu à avoir quelque ascendant sur la reine, il chercha à détruire l'estime qu'elle portait au cardinal. Elle se tut jusqu'au retour de ce dernier, puis lui rapporta tout. Le cardinal dit alors à milord Digby :
            " - Eh bien, Monsieur, vous estes un fort bon amy donc. "
             Il le dépouilla sur-le-champ de toutes ses charges. Après avoir été certain de devenir en deux ou trois ans maréchal de France, dignité à laquelle tous les étrangers, même protestants, et ces derniers aussi souvent que les Français eux-mêmes, peuvent atteindre quoiqu'il s'agisse d'une des plus hautes charges de France. Il se retrouva donc chassé de France et exilé en Flandre. Mais là il n'obtint ni la confiance, ni aucune faveur du prince de Condé, car il l'avait aussi trahi, comme il avait trahi le cardinal de Gramont.
            Bref, il nous dit que c'est un homme fort doué, mais de peu de jugement et de peu de parole. Un homme qui sait accéder fort aisément aux plus hauts postes, mais toujours incapable de s'y maintenir.
            Rentrai ensuite et me mis à ma musique, puis vint Mr Creed. Il me dit qu'il avait maintenant établi ses comptes de façon à satisfaire l'examen le plus exigeant, ce dont je suis content. Puis lui et moi au lit ensemble.


                                                                                                             3 juillet 1663
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Adélaïde Labille-Guiard [Public domain], via Wikimedia Commons            Lever, il retourna chez lui et je me rendis avec sir John Mennes et sir William Batten en fiacre à Westminster, puis à St James dans l'intention de retrouver sir George Carteret et de nous mettre au service du Duc, mais comme celui-ci ne vint pas nous nous séparâmes. Je me rendis au palais de Westminster où je rencontrai Mr Moore. Il m'apprend une grande nouvelle : milady Castlemaine est tombée en disgrâce à la Cour et s'est retirée ce matin. Il ne m'en donne pas la raison, mais c'est un fait. Cela me désole. Et pourtant, si le roi agit ainsi pour se débarrasser non seulement d'elle mais de toutes ses autres maîtresses, je devrais fort m'en réjouir, car il pourrait commencer à s'occuper des affaires de l'Etat. On dit que le discours de milord Digby lui attire la condamnation de la Cour, et que milord le chancelier voit sa faveur grandir de nouveau. Ensuite j'allai chercher Mr Creed à son cabinet, nous traversâmes le fleuve et à Lambeth. Mais comme c'était le matin nous ne parvînmes pas à voir le corbillard de l'archevêque. Nous coupâmes donc à travers champs pour nous rendre à Southwark où nous nous séparâmes. Je passai une demi-heure dans l'église St Mary Overy qui contient de beaux monuments fort anciens je crois et fut autrefois une belle église. Puis à la Bourse....
            A la maison pour dîner et au bureau où je reportai dans mon manuscrit sur la marine le contrat passé avec l'entrepreneur des subsistances. Puis traversai le fleuve et me rendis à pied chez sir William Penn où passai un petit moment, rentrai tard à la maison et jouai de la viole. Ensuite Creed vient à nouveau chez moi et reste passer la nuit, car c'est demain matin qu'a lieu l'audience en présence du Duc. Puis au lit, où causâmes beaucoup de son affaire.


                                                                                                                            4 juillet 1663

            Lever vers 4 heures et envoyai Creed tout préparer. Me rendis au bureau où étudiai des documents et perfectionnai mon manuscrit, entre autres en grattant les taches d'encre, c'est à présent un fort beau livre.
            Me rendis ensuite en barque avec sir John Mennes et sir William Batten à St James, et proposai un pari à propos de la marée : qu'elle montait jusqu'au delà du Pont. En conséquence sir William Batten reçut 5 shillings de sir John Mennes.
            A St James nous attendîmes que le Duc eut fini de s'habiller et, entre autres, sir Allen Apsley montra au Duc la gazette de Lisbonne en espagnol, où la récente victoire est racontée en détail, à la grande gloire des Anglais, de façon outrancière. Depuis ils ont pris Evora dont les Espagnols s'étaient emparés, et ce sont les Anglais qui ont donné l'assaut, sans perdre plus de trois hommes.
            J'ai appris à cette occasion que l'infanterie anglaise est tenue en haute estime dans le monde entier, mais la cavalerie n'a pas la même réputation, alors que chez nous elle passe pour supérieure.....
            Quand le Duc fut prêt nous retirâmes avec lui et commençâmes à examiner l'affaire de Mr Creed. Le trésorier, tel un insensé sans raison ni méthode, souleva maintes objections contre les comptes, de même que sir John Mennes et sir William Batten, lesquelles furent réfutées par le Duc en personne, Mr Coventry, milord Berkeley et moi-même. Puis l'on fit entrer Creed qui répondit à tout avec force méthode et grand à-propos. Quant à moi, je n'ai pas parlé aussi bien que j'en avais l'intention ni, qu'à mon avis, je le fais habituellement, c'est-à-dire pas aussi intelligiblement ni aussi persuasivement que j'espérais le faire, non que mes paroles n'aient pas été reçues, car elles ont convaincu ajoutées aux réponses et à l'insistance de Creed et milord Coventry. Et à la fin le Duc lui-même a déclaré qu'il était satisfait, et milord Berkeley a offert de parier 100 livres que le roi ne pouvait nullement être lésé par ces comptes. Quant aux deux derniers chevaliers ils tinrent leur langue, ou du moins comme ils n'y entendaient rien, parlèrent à l'avantage de Mr Creed. Sir George Carteret resta donc seul, pourtant il s'obstina à dire que les comptes n'étaient pas bons, mais entachés de corruption et d'escroquerie. L'audience se termina de manière humiliante pour lui, et je crains fort de perdre son amitié pour longtemps, ce qui me contrarie profondément.
            Ensuite à la table d'hôte de la Tête d'Or.......... Puis j'avisai Mr Cutler, le négociant, je le saluai, et comme il montait dans son carrosse et me dit qu'il allait montrer la revue à deux étrangers de Suède, je lui demandai de m'emmener avec lui.
            Quel spectacle magnifique de voir rassemblés là tant de beaux cavaliers et d'officiers, le roi, le Duc et d'autres qui passaient à cheval, et les deux reines dans le carrosse de la reine mère ( milady Castlemaine n'était pas présente ). Après être resté un bon moment dans la voiture je descendis et m'approchai à pied de l'endroit où se tenaient le roi, le Duc, etc., afin de voir cavaliers et fantassins défiler en déchargeant leurs fusils, pour montrer à un marquis français en l'honneur de qui cette revue avait lieu ( nte de l'édit : le comte de Comminges ambassadeur de France ) l'excellence de nos fusiliers.......  mais je crois que tous ces fringants militaires ne sont pas les soldats qui doivent servir le roi, car ils ressemblent fort à ceux qui firent perdre à l'ancien roi tout ce qu'il avait, et se firent battre par les hommes les plus ordinaires du monde.
            Nous sortîmes du parc avec bien des difficultés, je descendis puis traversai St James...... et à la maison........ j'écrivis plusieurs lettres, souper et au lit.
            Aujourd'hui, dans le cabinet du Duc où se trouve une tapisserie représentant un épisode de l'histoire romaine avec les quatre lettres S.P.Q.R. ( nte de l'éd. senatus populusque romanus -- Carteret avait peu étudié ayant passé sa jeunesse en mer ) inscrites sur les étendards. Sir George Carteret vint me trouver et me demanda ce qu'elles signifiaient. Ignorance intolérable, me semble-t-il, de la part d'un membre du Conseil privé et qui, chez un écolier mériterait le fouet.


                                                                                                            5 juillet 1663
 alamyimages.fr                                                                                             Jour du Seigneur
Image associée            Dormis longtemps car j'étais las et légèrement indisposé hier soir.Vers 7 heures la servante m'appelle pour me dire que milady Batten m'a fait inviter par deux fois à les accompagner à
Walthamstowe aujourd'hui, car Mrs Martha a épousé ce matin Mr Castle à l'église de notre paroisse. Je ne pus me lever assez tôt pour partir avec eux. Je m'habillai puis allai chez Game où je louai un cheval et me mis en route. Je fis fort bon voyage, si ce n'est que quand je voulus uriner j'éprouvai une gêne, ce qui me fait craindre le retour de mon ancienne maladie.
            Arrivé et bien accueilli, reçus deux paires de gants, comme tout le monde, et allai me promener avec milady dans le jardin. Elle se montra fort aimable avec moi, et je sais la manière de lui plaire.
            Bon et joyeux dîner, mais il n'y avait pas, me semble-t-il, entre les nouveaux époux trace de l'affection et du respect conjugal qui existaient entre ma femme et moi. Ils se conduisaient l'un envers l'autre comme des personnes qui font un mariage de convenance.
            Après le dîner nous nous rendîmes en voiture à l'office..... nous nous empêchâmes de dormir par malice. De temps à autre je lisais mon recueil de pièces de théâtre en latin que j'avais emporté dans ma poche............
            C'était un vieux pasteur gâteux qui prêchait. Puis rentrâmes et un peu après prîmes le chemin du retour..............
            Nous repartîmes, sir John Mennes et moi dans le carrosse de sir John, et nous causâmes chimie durant tout le trajet. Il s'y connaît, c'est du moins l'impression qu'il me fait, à moi qui suis bien incapable de le contredire. Le domestique de Mr Batten montait mon cheval.
            Puis à la maison et un moment à mon bureau pour lire mes résolutions. Retour à la maison, prières et au lit.


                                                                                                             6 juillet 1663

            Levé tôt et à mon bureau......... A midi arrivée de Creed, il me raconte comme tout s'est bien passé entre sir George Carteret et lui après toute la peine que nous avons eue. Il lui a remis ses tailles avec les compliments les plus aimables qui soient......... Creed dîna avec moi puis nous fîmes une petite promenade, puis il partit et je retournai à mon bureau poursuivre le travail du matin jusqu'à la nuit noire, puis revins bien content chez moi. Souper, un peu de musique et au lit.


                                                                                                                   7 juillet 1663

            Levé vers 4 heures et à mon bureau où continuai toute la matinée à travailler à mon livre sur la marine, à ma grande satisfaction. A midi descendis à Woolwich en barque avec sir John Mennes, il descendit à Chatham. Nous mangeâmes en route, sur le bateau un peu de pâté de venaison. Je n'avais rien bu ni mangé de la journée, ce qui me donne des vents. Dans le jardin de Mr Pett je mangeai aussi quelques cerises, les premières de l'année, prises sur l'arbre où le roi en avait lui-même cueilli ce matin. A partir de là poursuivis seul à pied....... parvins à Greenwich, là embarquai pour Deptford où retrouvai Mr Coventry, là visitai tous les magasins, au grand embarras des officiers. Avec son aide, je suis résolu à travailler d'arrache-pied comme autrefois.
            Embarquâmes ensuite et causâmes de maintes choses et je vois que je suis la personne en qui il a le plus confiance au bureau et qu'il parle en termes peu flatteurs, les raisons ne manquent pas pour cela, des deux vieux chevaliers..........
            Il me dit la même chose que Mr Pett aujourd'hui, que milord Bristol a dit au roi qu'il allait accuser le chancelier de haute trahison, mais je pense que milord Bristol s'est déjà perdu dans l'opinion de tous........ Il est difficile à un prince de se passer d'un vieil officier plein d'expériences, tout corrompu qu'il puisse être. J'espère pourtant que cet homme ne l'est pas, contrairement à ce qu'en disent certains.
            Il m'apprend aussi que don Juan est toujours en vie et il n'a pas été tué, comme on l'avait dit au cours de la grande bataille remportée il y a peu contre les Espagnols au Portugal.
            Ensuite à la maison et restai tard à mon bureau. Puis chez moi et fis de la musique.
            Cette nuit, comme on va vider la fosse d'aisances de Mr Turner qui est dans ma cave, je pense que je vais attendre un peu plus longtemps que d'ordinaire pour me coucher.
            Cet après-midi, en remontant de la rive avec Mr Coventry, j'aperçus mon petit valet sur la colline de la Tour, il jouait avec les autres valets. J'envoyai donc William Griffith l'attraper, et il me le ramena. Alors, sans lui dire un mot, je le fis dévêtir, car il s'était enfui avec son plus bel habit, il endossa l'autre et je le renvoyai, sans lui dire un mot de plus, quoique je sois triste pour ce vaurien qui, pourtant, ne le mérite pas.
            En arrivant à la maison je constatai que j'avais l'estomac dérangé, parce que je n'avais pas fait de véritable dîner, ce qui m'a donné des vents. Je demandai tard dans la soirée qu'on m'apporte de quoi manger, puis au lit, et laissai les ouvriers en bas dans la cave, remonter la merde en passant par la maison de Mr Turner. Puis, de meilleure humeur, me mis fort tard au lit.


                                                                                                                     8 juillet 1663
                                                                                                                 loiseaumoqueur.com
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            Comme j'étais las et que je m'étais couché tard hier soir, je dormis jusqu'à 7 heures. Il pleuvait très fort, et cela ne s'arrêta pas une minute de toute la journée, hélas ! au point que je ne sais ce qu'il adviendra du blé cette année, car nous n'avons eu que deux belles journées en plusieurs mois.
            Lever et à mon bureau où travaillai toute la matinée. Puis à midi à la maison où dîner seul d'un bon plat d'anguilles que m'a données Mitchell, le fabricant de drapeaux, jouai ensuite un peu de la viole, puis descendis à la cave que je parcourus de long en large avec Mr Turner, pour voir comment on pourrait agrandir sa fosse d'aisances, ou à quel endroit on pourrait lui en creuser une autre. Il me semble que cela pourrais se faire. Ensuite à mon bureau fort occupé toute la journée à mettre de l'ordre dans mes papiers, notamment mes livres de contrats, et à préparer notre prochaine réunion. Dans la soirée je reçus des lettres de la campagne, entre autres une de ma femme dont le ton, me semble-t-il, est si froid que cela me chagrine fort et me fait craindre d'avoir bien du mal à la ramener à ses amènes dispositions d'autrefois.
            Ensuite à la maison, souper et musique seul plaisir que je m'accorde ces derniers temps et le seul que je puisse raisonnablement offrir à d'autres, car j'ai trop gaspillé mon temps et mon argent.
            Au retour m'arrêtai un moment chez sir William Batten et causai avec lui, milady est à la campagne, et nous envoyâmes chercher des homards. Mrs Turner entra et nous apporta un pâté de mou de cerf tout juste sorti de son four, extraordinairement savoureux, et ensuite des liqueurs de sa confection, elle a le goût très sûr en la matière, fort bonnes. Rentrai à la maison tout joyeux d'avoir si bien mangé ce soir.


                                                                                                                       9 juillet 1663

            Lever, uriné ce matin, ce que je fais chaque matin à mon réveil, avec plus d'abondance et de facilité que de coutume, ce que je crois pouvoir attribuer à la liqueur de sureau que j'ai bue hier soir. Sortis sous une pluie battante et pris une barque pour me rendre à Blackfriars. Entrai dans une petite taverne et envoyai un message à la Garde-Robe, mais Mr Moore était sorti. J'embrassai trois ou quatre fois la servante de la maison, une jolie fille mais fort vertueuse. Et, Dieu me pardonne ! j'avais bien envie d'aller plus loin.
             Me rendis ensuite chez mon avocat et au bureau des Six Clercs où j'apprends que ma requête contre Tom Trice a été rejetée. Je suis contrarié car c'est ma négligence qui en est la cause, et cela va m'occasionner des frais. Vis ensuite Mr Phillips et lui parlai de la possibilité qu'il me trouve quelqu'un qui me donne contre un capital en argent une rente d'environ 100 livres par an sur deux têtes, et à la maison où préparai mes habits de cavalier pour le soir au cas où Mr Moore aurait persisté dans son idée d'aller à Oxford, ce que je n'ai guère envie avec ce mauvais temps, et les eaux si hautes. Dînai à la maison et visite de Mr Moore décidé à ne pas partir. Brève réunion au bureau....... Me rendis à Deptford, fis l'appel de tous les hommes de l'arsenal, dans le seul but, Dieu me pardonne ! de trouver Bagwell, un charpentier qui a une jolie femme, pour me donner l'occasion de la connaître et de l'obliger à revenir au bureau. J'eus tant de chance dans mon entreprise qu'au moment de repartir lui et sa femme vinrent à ma rencontre pour me remercier d'une ancienne faveur. Je ne parlai pas beaucoup à la femme mais je trouverai l'occasion de la faire venir me voir...... Entrai voir Mr Penn toujours malade. Il me dit que lady Castlemaine, en dépit de tout ce que l'on dit, était à la Cour cette semaine. Je suis content de l'apprendre, mais il semble que le roi soit plus distant que d'ordinaire.
            Rentrai à pied, comme à mon habitude et me mis aussitôt au lit, car j'ai pris froid aux pieds, peut-être en marchant dans la boue avec des souliers trop fins, ou d'autre façon, et j'ai commencé à souffrir. Grâce aux vêtements chauds que j'ai mis, je me suis trouvé mieux vers le matin, mais je souffrais toujours.


                                                                                                                     10 juillet 1663
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Image associée            Levé tard.... et à Westminster où Pearse le chirurgien, me certifie que le roi est plus froid envers milady Castlemaine, il croit qu'il commence à être amoureux de la reine et a beaucoup de considération pour elle............. Mr Bristol à la Chambre des Lords a accusé le chancelier de haute trahison......
            1. - Qu'il a été à l'origine de la paix récemment conclue avec la Hollande à des conditions très désavantageuses, et qu'il a été acheté.
            2. - Que Dunkerque a aussi été vendu principalement sur son conseil au grand détriment de l'Angleterre.
            3. - Qu'il a reçu 6 000 livres pour rédiger ou appuyer la récente déclaration sur l'Irlande, concernant la répartition des terres de ce pays.
            4. - Qu'il a mis en oeuvre le projet de mariage portugais, si préjudiciable à la couronne d'Angleterre, alors qu'il savait que la reine ne pouvait avoir d'enfants.
            5. - Que le mariage du Duc avec sa fille était une manigance dont il fut l'artisan et ce afin d'avancer sa famille et qu'il y parvint par des moyens détournés.
            6. - Qu'il a fait rompre le mariage avec une princesse de Parme, auquel milord Digby oeuvrait au moment même où le mariage portugais était décidé ici, ce qu'il a pris comme une grande offense personnelle, ce qui est vrai, et c'est en effet la cause principale de toute cette querelle.
            7. - Qu'il a oeuvré pour le retour du papisme.............. En outre milord Bristol étant lui-même catholique, tout cela est fort étrange.
            Après le dîner retrouvai, à Chatham sir John Mennes et Mr Waith. Leur contai les nouvelles du jour dont tout Londres bruissait.......... et dormis bien.


                                                                                                               11 juillet

            Levé tôt et me rendis à la darse......... après redescendis en voiture car il pleuvait fort, pour voir lancer le Prince en réparation depuis trois ans. Rejoignis sir John Mennes et le commissaire Pett chez Mr Barrow, nous passâmes un long moment à manger des friandises et examiner les antiquités que possède Mr Barrow, entre autres un vieil almanach manuscrit en parchemin........ Il y avait là une jolie jeune fille, une nièce que je pris grand plaisir à regarder.............
            Rentrai au manoir de la Colline alors qu'il pleuvait à verse aussi dru qu'il est possible, et soupai. Après une longue conversation sur les affaires de l'arsenal, en particulier des comptes des commissaires de marine dont s'occupe Hempson, sur ce point un rusé coquin.
            Tard au lit........ et dormis bien.............. On raconte que le vieil Edisbury, l'ancien surintendant qui est mort ici, hante de temps en temps les lieux.


                                                                                                                 12 juillet
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Image associée            .............. A l'office avec John Mennes, entendîmes un sermon passable........
            Dîner avec sir John Mennes et le commissaire Pett etc. et promenade dans le jardin, car c'était la plus belle journée depuis longtemps.
            Derechef à l'office, puis à la darse en traversant la corderie et visite aussi des terrains environnants, des entrepôts etc. avec les officiers de l'arsenal. Puis chez le commissaire Pett où l'on nous servit un bon lait caillé au vin et autres bonnes choses, ce fut gai. Le commissaire Pett me montra à moi seul et contre grand secret ses plans de vaisseaux en coupe........
            Rentrai à pied au manoir de la Colline, fort mécontent du commissaire Pett car ce que j'ai vu m'a convaincu de son incapacité à commander les officiers de l'arsenal..........
            Après que John Mennes fut allé se coucher, je pris avec moi Mr Whitfield, un des commis, et me rendis à pied à la darse vers 11 heures du soir. Je pris une barque et un équipage et nous dirigeâmes vers les vaisseaux de garde par un des plus beaux clairs de lune que j'eusse jamais vus. Les vaisseaux de garde étaient fin prêts à nous saluer...... le vaisseau était en bon ordre et les canons bien calés. Puis ce fut au tour du Sovereign. Je découvris qu'il n'y avait aucun officier à bord, que les canons ne sont pas calés et qu'il n'y a pas de poudre pour amorcer les quelques armes chargées mais démunies de boulets.........
            Je passai ainsi toute la nuit à visiter tous les vaisseaux. Je ne trouvai, dans la plupart des cas, aucun officier ni même un homme éveillé. J'en fus fort chagriné, surtout si peu de temps après une grande alerte.......... Je suis résolu à rapporter cela au Duc.


                                                                                                               13 juillet

            Il faisait grand jour quand j'accostai, et au lit pour seulement deux heures. Puis me levai et accompagnai le garde-magasin et le clerc de la corderie dans une tournée de la darse et de la corderie
et rassemblai tous les employés de l'arsenal et expliquai au vérificateur des rôles comment utiliser mes nouveaux rôles.
            Retournai au manoir de la Colline pour manger quelque chose et me rendis en barque à Rochester où je montai dans une voiture louée........ C'était une journée agréable et chaude et fûmes rendus vers quatre heures..........
            A la maison où je trouve tout en ordre.........
            Aujourd'hui........ Je rencontrai la reine mère qui se promenait sur le mail conduite par milord St Albans..............
            J'appris que le roi et la reine était allé au parc en voiture avec les dames d'honneur, et comme je remarquai une grande foule d'élégantes qui attendaient pour les voir repasser, je restai et me promenai de long en large. Au milieu des gens je remarquai un homme qui ressemblait à Mr Pembleton. Je n'ai guère de raisons de penser qu'il s'agit de lui, car celui-là causa et devisa longtemps avec milord d'Aubigny, cependant, Seigneur ! voilà que le sang me monte au visage et que je commençai à suer à cause de ma haine et de ma jalousie de naguère, dont je prie Dieu de me délivrer.
            Bientôt apparurent le roi et la reine, ravissante...... les cheveux coiffés à la négligence. Le roi la tenait par la main. Il y avait aussi lady Castlemaine avec les autres dames, mais il me sembla que le roi ne lui accordait pas la moindre attention........ Je les suivis dans Whitehall et dans la chambre d'apparat de la reine où se pressaient toutes les dames, causant et jouant avec leurs chapeaux à plume
.......... Mrs Stuart ainsi vêtue avec son chapeau aux bords retournés orné d'une plume rouge, ses yeux de velours, son petit nez aquilin et sa taille excellemment tournée est la plus grande beauté............
            Je restai un long moment et m'arrachai à grand peine à la contemplation de ces dames. Je partis......... et rentrai à la maison. Allai voir sir William Batten...... et à la maison, souper et au lit. Avant de m'endormir m'imaginai que je m'ébattais avec Mrs Stuart avec un plaisir extrême.


                                                                                                                    14 juillet 1663
                                                                                                                              arbreamusiques.wordpress.com
            Levé un peu tard, car rattrapai la nuit dernière....... puis à mon bureau pour mettre des papiers et d'autres choses en ordre, et rédiger mon journal de mercredi dernier à aujourd'hui.
            ......... A midi avec Mr Hunt allâmes boire dans un café de la Bourse, et chez moi pour dîner, et visite de mon oncle Thomas Pepys........... Je l'ai presque enivré car le pauvre homme n'a pas la tête bien solide....... Partis après le repas, au bureau, réunion, restai tard, puis à la maison et au lit...............


                                                                                                           15 juillet

            Lever et toute la matinée au bureau. Rencontrai, entre autres, Cooper le fournisseur. Il m'irrita par la sottise qu'il montre dans l'accomplissement de son travail. Il connaît peut-être autant de choses sur le bois de charpente que d'autres qui font le même métier mais il m'apparaît que beaucoup de ces choses se font par routine, sans réfléchir du tout.
            A la maison pour dîner avec le capitaine Grove qui part aujourd'hui à la campagne. Il me rapporta des propos tout à mon honneur, quant à mon sérieux comme à mes capacités, tenus à la table du Duc........... Et Mr Coventry parla de même, ce qui me réjouit fort, car je sais comme certains étaient opposés à mon entrée au bureau de la Marine.
            Me rendis ensuite en barque à Westminster et me promenai un bon moment dans la Grand-Salle.où l'on va faire des travaux, et, que Dieu me pardonne ! j'avais bien envie de sortir avec Mrs Lane, ou en compagnie de n'importe quelle autre femme, tant j'étais tenaillé de désir. Mais le sort voulut qu'elle ne pût s'absenter et que je ne rencontrasse personne d'autre. Je rentrai donc à pied à la maison et réglai en chemin maintes affaires personnelles importantes dans le quartier du Temple avec mes hommes de loi et d'autres, à ma grande satisfaction, et remerciai Dieu de n'avoir rencontré personne qui me fît gaspiller mon temps et mon argent. Souper, puis jouai un peu de la viole et au lit, imaginant que je m'ébattais avec la reine.


                                                                        à suivre............

                                                                                                      16 juillet 1663

            Lever et......
         
       
         













                   

                                                                                                       
         







         










                                                                                                                

jeudi 23 mai 2019

Le Temps Le boucher et le singe Phèdre ( Poèmes France )

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                                  Le Temps

                          L'instant favorable

            Un coureur au pied ailé sur le tranchant d'un rasoir,
            Ayant le front chevelu, mais chauve, avec le corps nu,
            Qu'on peut bien saisir de face, mais sitôt qu'il est passé
            Jupiter lui-même ne pourrait plus le saisir :
            C'est la représentation de l'occasion fugitive.
            Les anciens imaginèrent cette figure du Temps
            Pour que nos atermoiements n'entravent pas notre action.


                                                    Phèdre
                                                          ( env. 7 avt J.C. - env. 50 ap. J.C. )

                                         Tempus

            Cursor volucri perudens in novacula,
             calvus comosa fronte, nudo corpore,
            ( quem si occuparis teneas ; elapsum semel
            non ipse possit Juppiter reprehendere ),
            occasionem rerum significat brevem.
            Effectus impediret ne segnis mora,
            finxere antiqui talem effigiem Temporis.

                                         
                                                      Phaedrus
                                   ( trad. voir La Femme en travail ) 



                                  Le Boucher et le Singe

            Pendu au croc d'un boucher, un passant vit un singe                       pinterest.fr
Beautiful.            Exposé au milieu d'autres mets et victuailles.
            Il voulut savoir le goût. Et le boucher, plaisamment :
            - Quand on a vu la tête, on est certain du goût.
            J'estime que ce mot est plus drôle qu'il n'est vrai,
            Car souvent ceux qui sont beaux m'ont paru être les pires,
            Et, leur laideur, j'ai reconnu les meilleurs.


                                                   Phèdre
                    ( env. 7 avt J.C. - env. 50 ap. J.C. )


                                        Lanius et Simius

            Pendere ad lanium quidam vidit simium
            inter reliquas merces atque opsonia ;
            quaesivit quidnam saperet. Tum lanius jocans :
            - Quale, inquit capus est, talis praestatur sapor.
            Ridicule magis hoc dictum quam vere aestimo ;
            quando et formosos saepe inveni pessimos
            et turpi facie multos cognovi optimos.


                                                                   
                                                      Phaedrus
                                   ( trad. voir La Femme en travail )