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1er août 1665
Grasse matinée, puis levé. Milord et sir George Carteret sortis, commençai par aller voir les jeunes mariés, que je trouvai levés tous les deux, lui s'apprêtant à s'habiller, cramoisis l'un et l'autre, et assez contents au matin de leur gîte nocturne.
Descendis jouer au billard avec Mr Brisbane. Milord et sir George Carteret arrivèrent bientôt. Ils sont, entre autres, intarissables sur la belle taille des veaux de boucherie, qu'ils ont vus, presque aussi gros, disent-ils, que des génisses. Ils ajoutent qu'on leur fait lécher un morceau de craie afin, au dire des fermiers, de rendre leur chair plus blanche.
Dîner fort gai, suivi de bavardages et plaisanteries, puis on partit en promenade, les uns ici, les autres ailleurs, tous fort réjouis.
Puis, vers 5 heures, sir George Carteret, sa dame et moi prîmes une voiture, les deux familles manifestèrent une gaîté et une gentillesse sans bornes, à la fois et bien réelles, me sembla-t-il
Rentrâmes à bride abattue, arrivâmes à la nuit tombée à Deptford. Leur fîs mes adieux là, après qu'ils m'eurent vivement remercié. A mon bureau retrouvai tout en bon ordre, Fatigué et ensommeillé, car il était fort tard, au lit.
2 août
Levé. Aujourd'hui est jour de jeûne, car c'est le premier mercredi du mois, à cause de la peste. Ne sortis pas de la journée mais m'affairai à mes comptes du mois, très tard. Dans mes livres de comptes je parvins à mettre au clair la quasi totalité de mes rentrées d'argent et de mes dépenses d'ordre privé. Si je tiens compte de certaines sommes que jusqu'alors je n'avais pas cru devoir considérer comme acquises avec certitude, car je ne saurais jurer de rien, encore que j'aie tout lieu de le faire, ma fortune, selon mes calculs, se monte à 1 900 £. Que le Seigneur tout puissant du ciel et de la terre en soit remercié ! Le soir à mon bureau, écrivis quelques lettres, puis chez moi et, au lit, après m'être préparé pour la journée de demain.
3 août
Levé et de bonne heure à Deptford chez sir George Carteret. Là, ne trouvant point à mon goût le cheval que Mr Uthwayt avait loué pour moi, je priai sir George Carteret de me laisser monter son nouveau cheval acheté 40 £. Il consentit, si bien que je laissai là mon haridelle. Restai un moment dans leur chambre à coucher tandis qu'ils s'habillaient, à bavarder gaiement, puis je pris congé et me rendis au bac, où il me fallut attendre longtemps avant de pouvoir faire traverser mon cheval. Sur ce, en selle. Fis route sans encombres jusqu'à Dagenham, après avoir croisé quantité de gens divers, bourgeois de la Cité venus me demander les chiffres de la peste de la semaine dans la Cité de Londres, d'après le bulletin. J'avais justement entendu qu'à Greenwich le chiffre était de 2010 morts de la peste sur un total de 3 000. Mais quelle tristesse de toujours entendre cette question !
En arrivant à Dagenham je vis nos compagnons de route sortir de la maison, las de m'attendre. J'attendis qu'ils se fussent éloignés quelque peu, puis allai faire mes adieux à milady Sandwich, gente dame, sensible à mon dévouement et à mes récents services, de qui je reçus diverses consignes, entre autres de veiller à ce que sir George Carteret et milord règlent la question de la dot et de m'enquérir des terres que sir George Carteret prévoit de donner, et ce aussi vite que possible. En effet, elle n'aime guère laisser de telles affaires en souffrance, de peur qu'une mort ne survienne d'un côté ou d'un autre.
Pris congé d'elle puis allai à l'office manger un morceau de pâté de venaison froid et boire. Repartis avec du pain et du fromage, puis remontai en selle, Mr Marr ayant eu l'amabilité de m'attendre afin de me montrer le chemin. Croisai bientôt milord Crew qui revenait après les avoir accompagnés quelque temps. Chevauchai donc à leur suite tandis que Mr Marr me raconta comment une des domestiques de Mr John Wright, qui vit par ici, tombée malade de la peste, fut mise dans une dépendance où on chargea une infirmière de prendre soin d'elle mais que, en l'absence de celle-ci, sa domestique s'échappa par la fenêtre. L'infirmière qui, frappant à la porte, n'entendit pas de réponse, la crut morte et l'alla dire à Mr Wright. Lui et sa femme ne sachant guère comment la faire enterrer, il prit finalement la décision de se rendre à Burntwood, à deux pas, dans la même paroisse, chercher des volontaires pour le faire, mais il ne trouva personne. Il rentra donc chez lui fort en peine, mais, chemin faisant il vit sa servante qui se promenait dans le pré communal, ce qui lui valut une belle frayeur. Il fallut donc envoyer des gens s'emparer d'elle. On fit venir une voiture de pestiféré afin qu'elle soit conduite au lazaret.
Sir Anthony Browne qui passait dans une ruelle étroite, avec son frère et quelques amis, en voiture croisa cette voiture aux rideaux complètement tirés. Le frère, un jeune homme, pensant qu'il y avait peut-être une demoiselle ne voulant point être vue; et la ruelle étant fort étroite, il passa la tête par la portière pour aller voir dans l'autre voiture. Et là vit une personne à l'air très malade, dans une camisole de pestiférée et qui dégageait une odeur pestilentielle, tandis qu'au même moment le cocher criait gare. Ils arrivèrent près d'un attroupement de gens qui regardaient s'éloigner la voiture et qui dirent à nos jeunes soupirants que c'était la domestique de Mr Wright qu'on emmenait car elle avait la peste, Le jeune homme manqua mourir de peur, mais il va mieux.
Ayant rattrapé nos jeunes mariés, je mis pied à terre, montai dans la voiture, et nous fîmes route gaiement. Atteignîmes bientôt le fort, près de Gravesend, où on marqua une longue pause, à une petite buvette, d'où on renvoya notre équipage à Dagenham. Je pris ensuite un bateau pour Gravesend où, d'après les nouvelles, sir George Carteret n'était pas encore arrivé.
Revins ensuite faire traverser tout le monde, sauf les deux chevaux de selle qui devaient nous suivre, mais à qui on ne pouvait faire passer l'eau dans le bac à chevaux, le vent et le flot étant contraires, à moins de les haler. Eûmes un différend avec des mariniers qui refusaient de les haler à moins de 20 shillings, ce qui me fit jurer d'envoyer l'un d'eux à la mer, et je n'y manquerai pas. Puis d'autres vinrent et firent la besogna pour 10 shillings.
Ensuite arriva sir George Carteret et nous partîmes pour Chatham. En chemin, je dépassai une compagnie, dont la femme fort jolie chevauchait seule, son mari à sa suite. Nous engageâmes la conversation et je lus un recueil de poèmes que le mari me montra, qu'il trouvait mauvais, mais que la dame aimait. Je les lus de manière à ce que le mari changeât d'opinion. Lui et moi fîmes promptement connaissance, car il m'avait déjà vu à l'Echiquier. Il s'appelle Nokes et habite près de l'église de Bow Street. Il fut jadis au service de Dashwood, l'échevin. Nous nous fîmes la promesse de nous revoir si jamais nous revenions l'un ou l'autre à Londres. Lorsqu'on se quitta, la dame qui était à cheval, me salua fort aimablement dans les rues de Rochester.
Arrivâmes à Chatham fort gais. Souper, car il était près de 9 heures. Milady nous avait devancés seule en voiture. Ils ont grande envie d'acheter cette petite haquenée que j'ai montée depuis Gravesend, et qui leur servira de monture de dame. Force gaieté, puis après souper, tous s'étant retirés, sir George Carteret saisit l'occasion pour me complimenter et me témoigner son affection, ce qui me fit grand plaisir. Au lit, Mr Brisbane et moi partageâmes le même, et sa compagnie me sied.
4 août
Levé à 5 heures, à 6 sortis avec milady Slaning jusqu'aux arsenaux où nous nous sommes promenés, de là chez Mr Pett qui nous conduisit dans son jardin, où la dame la plus enjouée qui soit et fort pieuse, car je l'ai aperçue ce matin agenouillée une demi-heure dans sa chambre, grimpa jusqu'au sommet du toit de la salle de banquet, pour cueillir des noix, et on s'amusa fort. Revînmes en passant par la nouvelle corderie, qui rend grand service, puis allâmes prendre notre petit déjeuner à la taverne de la Colline, fort gais. Ce fut ensuite le départ en voiture. Sir George Carteret m'embrassa de tout cœur milady plusieurs fois fort affectueusement, puis les jeunes dames. Et tous me crièrent joyeusement " Que Dieu vous garde ! "
Je crois pouvoir dire, et pour longtemps, adieu à ma gaieté car, de ma vie, je n'ai point connu d'épisodes aussi plaisants que celui-ci, de par l'importance et la qualité de l'affaire, les égards qu'on me témoigna et le nombre incalculable de voyages et de divertissements fort plaisants, sans oublier la bonne compagnie.
royalgarden.fr Revins chez le commissaire Pett le temps de régler avec lui quelques affaires, puis chez les officiers de la Caisse des Invalides où j'eus la preuve la plus claire qui soit de la vilénie de sir William Batten. Car, bien qu'il ait reconnu un jour devant eux, en confidence, leur être redevable de 2 200 £, dont il n'avait encore remboursé que 1 600, il leur a récemment adressé une lettre disant qu'il ne devait plus que 150 livres à la Caisse. Mais je vais m'en mêler, et au plus vite.
Après quoi en selle, ainsi que Mr Barrow qui me tint compagnie jusqu'à Gravesend et me parla de son affaire. Je lui fis une réponse agacée tant il montre d'obstination, bien qu'en mon for intérieur je le sache honnête homme. Il m'apprit diverses choses intéressantes dont je saurai me ressouvenir pour le bénéfice du roi. Pris une barque seul, la marée étant contraire, débarquai à Blackwall et finis le trajet à pied jusqu'à Wapping. Le capitaine Prowd, que j'avais rencontré et qui est homme de modération, me tint compagnie en chemin.
Chez moi où tout est en bon ordre. Trouvai des lettres de Douvres disant que milord Hinchingbrooke est arrivé et sera ce soir à Scot's Hall, où la famille sera réunie au grand complet, je voudrais tant en être. Ecrivis quelques lettres, pris un canot et descendis par le fleuve tard, jusqu'à Woolwich, où je trouvai ma femme et sa dame de compagnie près du quai à écouter un violoneux jouer depuis une barque. Les rejoignis, puis on rentra, fort gais et, au lit, las et ayant grand sommeil.
<< 5 >> Le matin, au lever, ma femme me montra plusieurs de ses travaux, dont le portrait d'une belle Persane fort joliment dessiné. Je ne la croyais pas capable de faire aussi bien. Repartis par le fleuve, après avoir donné l'ordre aux arsenaux de faire fouetter six ou huit mariniers pour avoir, la nuit précédente, voler des cordages sur le chantier du roi.
A Deptford où je retrouvai, comme prévu, milord Brouncker. Fîmes réunion et dîmes notre besogne, puis on se quitta jusqu'à notre séance de la semaine suivante.
De là à pied avec sir William Warren, sous la pluie, jusqu'à la taverne de la Demi-Etape où je mangeai du pot-au-feu, et on parla de diverses affaires, de notre projet de faire construire un bassin de mâtage, sur lequel j'espère avoir la haute main et dont je pourrai tirer 2 à 300 £.
Puis à Rotherhithe où l'on se quitta. Chez moi embesogné tout l'après-midi, après être passé, chemin faisant, chez Colvill régler une affaire d'argent. Il me dit qu'on sait désormais avec certitude que de Ruyter a regagné la Hollande avec toute sa flotte, ce qui est une fort mauvaise nouvelle, au vu de ce qu'il nous en a coûté de maintenir une flotte en mer du Nord aussi longtemps, sans compter que voilà nos espoirs d'anéantir de Ruyter tout à fait envolés. M'est avis que milord Sandwich en sera quelque peu déshonoré.
J'apprends aussi qu'une violente sédition eut lieu, jeudi dernier, à Cheepside où on avait arrêté le colonel Danvers, un factieux qui, en route pour la Tour fut arraché des mains du capitaine des gardes et enlevé. On ne put arrêter qu'un seul de ses ravisseurs. On dit aussi que le duc de Buckingham serait mort, mais la nouvelle est incertaine. Rentrai, fis mon courrier tard, puis chez moi et, au lit.
6 août 1665
Jour du Seigneur
Habillé, me fis coiffer par ma jeune servante avec laquelle je suis, je le confesse, demasiado affectueux, nuper podendo saepe mes mains in su dos choses de son poitrine. Mais il faut que je laisse ça de crainte de subir alguno grand désagrément. Puis me mis au travail dans mon cabinet, consultai et classai plus de papiers que les deux derniers jours. Le soir, sous une pluie battante, descendis à Woolwich où, après quelques menus bavardages, au lit.
7 août
Levé, eus le plaisir d'admirer les dessins de ma femme, rendis visite à milady Penn que je n'ai point vue depuis son retour. Après m'être diverti quelque temps en sa compagnie elle sortit et je restai bavarder avec Mrs Pegg et regardai ses dessins. Je la complimentai, mais combien ils sont loin, Seigneur ! de valoir ceux de ma femme. Revins chez celle-ci, causâmes jusqu'à midi, puis sur rendez-vous Mr Andrew vint tout exprès de la campagne discuter avec moi de leur affaire de Tanger. Après notre discussion, et après dîner, rentrai par le fleuve chez moi et rencontrai, comme prévu le docteur Twisden, Mr Povey, Mr Lawson et Stockdale à propos du règlement de leurs honoraires. Mais je n'entendis jamais rien de plus emmêlé, et rien ne fut décidé, si bien qu'on se quitta là, tels une bande de sots. J'enrageai d'avoir ainsi gaspillé mon temps et mes efforts, en pure perte.
Eux partis arriva Rayner, le constructeur de navires, pour affaires. Il vint avec une pièce d'argenterie que je ne voulus point accepter. A vrai dire, le pauvre n'a aucune raison de nous faire le moindre cadeau, n'ayant reçu de nous nul encouragement. Après son départ ce fut le tour de Llewellyn au sujet de la signature du contrat de Mr Dering pour les bordages. Il voulut me donner 20 pièces d'or, tout comme Dering avait déjà essayé de le faire, mais je les refusai cette fois tout comme la précédente, ayant décidé de ne pas me laisser corrompre en affaires. Je ferais pourtant signer ce contrat dans les plus brefs délais. Quand il fut parti, souper et, au lit.
8 août
Levé et à mon bureau toute la matinée. Rentré dîner seul à midi, ensuite la femme de Bagwell m'attendait à la porte et m'accompagna à mon bureau, en lequel jo haze todo ce que j'avaicorazon con ella. On se quitta et j'allai chez sir William Batten où l'on passa le reste de l'après-midi à bavarder et à boire un peu trop, en compagnie de Mr Brouncker, de sir George Smith, de George Cocke et d'autres, gaiement. Je bus un peu de vin coupé d'eau, mais plus que de raison. Revins à mon bureau, puis chez le duc d'Albemarle expédier une affaire. Les rues sont à présent désertes, même à Londres, triste spectacle. A Westminster Hall où, au hasard de la conversation Mrs Mumford, entre autres choses, m'apprit de bien tristes nouvelles, du côté du fils de Mrs Michel. Et ce pauvre Will qui nous vendait de la bière à l'entrée du palais, dire que sa femme et ses trois enfants sont morts tous la même journée, je crois. Rentrai chez moi en retraversant la Cité, souhaitant ne rien attraper en chemin. Je crois que je n'irai plus par là-bas.
A mon bureau tard puis chez moi, souper m'étant au passage rapporté une poularde et, au lit.
La nouvelle du retour de De Ruyter est à présent confirmée. Voilà qui fait grand tort à notre flotte et grand honneur à de Ruyter, mais on n'y peut rien, et je ne sais qu'en penser.
9 août
Levé tôt et à mon bureau où Tom Hayter m'aida à écrire des lettres restées depuis longtemps en souffrance. Avons consacré la journée entière à cela, jusqu'à la nuit tombée, mise à part une brève sortie d'une demi-heure le matin, où je me rendis à l'Echiquier dans l'espoir d'y faire encore mes tailles, mais en vain, plus personne n'étant là pour le faire.
A midi, Tom Hayter dîna avec moi, après que nous retournâmes à la tâche sans discontinuer. Le soir chez moi, souper, puis quelques poèmes de Cowley, abasourdi par l'excès de travail de la journée puis, au lit.
10 août
Levé tôt, réveillé par la visite de ma cousine Porter, la femme de Turner, venu me prévenir qu'on avait emmené son mari à la Tour pour avoir acheté de la poudre à canon appartenant au roi et demander mon aide. Mais je n'y peux rien et n'ose plus me mêler de cette histoire, ayant eu déjà suffisamment d'ennuis à ce sujet. Au bureau où nous sommes restés toute la matinée, fort inquiets d'apprendre que le bulletin de cette semaine annonce tant de morts, plus de 4 000 en tout, dont 3 000 de la peste.
Entendis cette curieuse histoire au sujet de l'échevin Bence qui aurait, de nuit, trébuché sur un cadavre de pestiféré, et qui en rentrant chez lui l'aurait appris à sa femme qui effrayée à tel point, comme elle était enceinte, en tomba malade et mourut de la peste.
En réunion tart, puis sur invitation, milord Brouncker, sir John Mennes, sir William Batten et moi allâmes dîner chez sir George Smith. Très bonne compagnie et bonne chère. Il y avait le capitaine Cocke, Jack Fenn et, à notre grand étonnement, l'échevin Bence qui nous dit qu'il n'y a pas un mot de vrai dans ce qu'on raconte, ce que d'autres confirment. A l'en croire, sa femme étant tombée malade il a bien volontiers quitté son logement et ne vient plus la voir. Aussi n'ai-je cessé d'être inquiet tout le temps que j'étais là.
Puis au bureau. Ayant achevé mon courrier rentrai chez moi pour refaire mon testament que je m'étais juré de renvoyer le lendemain soir. La ville devenant si malsaine qu'on ne peut être sûr de vivre deux jours de plus. Rédigeai une partie et, au lit.
11 août
Levé. Il me fallut la journée pour achever mon testament et en faire deux copies, l'une pour mon père, l'autre pour ma femme.
C'est le matin que je fis une rencontre très agréable. Une jeune épouse me fut amenée par son père, le vieux Delkes, celui qui se promène toujours avec des épingles dans la bouche, afin que j'exempte son mari pour qu'il ne parte point en mer.
Uno ombre pouvait avoir fait n'importe
cosa cum ella, mais je ne fis
natha sino besar la dame. Quand ils furent partis je fus pris de l'envie de les faire rappeler et envoyai un messager à Backwell, mais en vain, et je perdis espoir. A l'Echiquier faire encocher de nouvelles tailles, mais en arrivant je les trouve en plein déménagement pour Nonsuch par ordre du roi.
Punch Chez moi, classé mes papiers, rangé mes livres dans des malles, et mis de l'ordre au mieux et au plus vite, dans la maison et ailleurs, de craint qu'il ne plût à Dieu de me rappeler à lui, ou de me contraindre à quitter les lieux.
<< Santé >> Fus ainsi occupé fort tard et me sentis las et ballonné. Je constate, de toute évidence, que tant que je prends mes repas en société et je mange de bel appétit, ce que je ne puis faire seul, n'ayant alors point de goût pour la nourriture et l'esprit obnubilé par mes affaires, je me porte aussi bien que possible. Mais que, sitôt seul, je ne mange plus à heures régulières, ni en satisfaction, ni de bon cœur et j'ai aussitôt des vents qui cessent de me tourmenter dès que je m'emplis à nouveau l'estomac avec régularité, et je me porte aussitôt mieux.
12 août
Les travaux ne se faisant plus dorénavant que le jeudi au bureau, ne sortis pas de chez moi de la matinée afin de mettre de l'ordre dans mes papiers et de continuer à tout ranger. Passai aussi beaucoup de temps à régler les choses avec Mr Twysden. A midi sir George Carteret me fit prendre en voiture afin que je puisse le rejoindre ainsi que milord Hinchingbrooke à Deptford, mais milord ne vint pas car il avait pris le bac à Gravesend pour se rendre à Dagenham où je n'ose le suivre, car on a peur là-bas. Mais je me suis laissé dire par sir George Carteret que milord est à tous égards un charmant jeune homme. Sir George Carteret, pressé qu'il était de se rendre auprès du duc d'Albemarle et de l'archevêque, montrait beaucoup d'agacement, si bien que je ne pus entamer aucune discussion et pris un autre rendez-vous.
Lui parti descendis à Greenwich d'où je donnai l'ordre au Bezan de mettre à la voile, pensant que nous le prendrions ce soir, avec ma femme, pour revenir demain soir par le Sovereign, au mouillage dans l'estuaire de la Tamise. Sur le chemin de Deptford rencontrai le vieux Bagwell qui fit un bout de route avec moi et me fit entrer chez sa fille. Là, alors qu'il était sorti dehors, ego eus ma volunté de sa hija. Je mangeai et je bus, puis revins chez moi. A mon bureau, puis à mon cabinet, ordonnant diverses choses encore puis, au lit, tard.
Il meurt tant de gens qu'on est à présent contraint de transporter les morts au cimetière de jour, les nuits n'y suffisant plus. Milord le maire a ordonné de rester chez soi après 9 heures du soir, cela, dit-on, afin que les malades puissent prendre l'air librement dehors. Il y eut aussi un mort à bord de l'un de nos bateaux, à Deptford, ce qui nous émeut fort, Le Providence, un brûlot qui venait juste de prendre la mer. Mais à ce que j'apprends aujourd'hui nous n'avons plus eu de morts à bord. William Bodham me dit, ce jour, que quelqu'un était mort à Woolwich, non loin de la corderie. Enfin j'ai entendu dire que la femme de l'un des gentilshommes de la Chambre, à la Cour, était morte à Salisbury, si bien que le roi et la reine sont partis en toute hâte pour Wilton. Dieu nous préserve !
13 août
Jour du Seigneur
Levé tôt. A mon cabinet. Il a plu toute la journée et je me réjouis que nous ne soyons pas allés par le fleuve voir le Sovereigh aujourd'hui, comme j'en avais l'intention. Réglai les affaires en souffrance, achevai de ranger livres et documents, puis laissai mes consignes écrites à mes exécuteurs testamentaires, à ma grande satisfaction. J'aurai à présent, du moins je l'espère, l'âme plus sereine pour le cas où il plairait à Dieu de me rappeler, en ces temps d'épidémie. Le soir, lus, fatigué du labeur de la journée. Après souper, au lit, afin de me lever tôt demain. Au lit donc, l'esprit libéré des soucis de ce monde que si je n'avais pas 100 livres vaillantes, tout étant désormais couché par écrit, de ma main, dans mes livres de comptes et mes papiers. Au total, les revenus de Brampton mis à part, ma fortune s'élève à 2 164 £. Le Seigneur en soit remercié !
14 août 1665
Levé, l'esprit allègre après avoir expédié tant de travail hier. Descendis à Deptford voir sir George Carteret, restai avec lui un moment à parler avec lui dans le privé de milord Sandwich et de ses affaires, surtout de celles-ci, et je lui conseillai vivement la plus grande méfiance à l'égard de Fenn et des innombrables duperies dont pouvait user contre lui un homme dans sa position. Lui déconseillai aussi de mettre son fils au fait de ses affaires, pis encore, de le faire nommer commissaire de la Marine et dis pourquoi. J'obtins toute son attention et son approbation, et il ajouta qu'il avait toute la considération du roi, son maître, qui ne refuserait point telle faveur ni telle autre plus grande que la première. Je le crois fort rusé, quoiqu'il ne le paraisse point toujours. Il dit, entre autres, qu'il n'était guère disposé à la fanfaronnade, à faire parade de ses titres, comme il aurait pu le faire, et depuis longtemps, mais que l'essentiel était d'avoir du bien. Il ajouta, à propos des précautions à prendre en affaires, " Dieu m'est témoin que je fais tout ce qui est en mon pouvoir, et non sans un certain bonheur, pour que jamais le roi ne fouette un chat sans que je sois là pour en tenir la queue. " Ce par quoi il voulait dire qu'il se rendait indispensable, ce qui est d'ailleurs l'avis du roi, de milord le trésorier général bref, de tout le monde. Ce qui, quand je vaque à ma besogne, est également mon cas quand je vaque aux affaires de la Marine. J'espère devenir encore plus indispensable, si Dieu me prête longue vie bonne santé.
punch.photos.com Allai à mon rendez-vous chez John Mennes, rencontrai milord Brouncker, puis par le fleuve, au départ du bac et prîmes la voiture de sir William Batten qui nous avait été avancée, puis chez lui, fort gais. Fîmes bonne chère, on se promena dans le jardin à mon grand plaisir. Après dîner battis le capitaine Cocke au billard, gagnai environ 8 shillings en le battant lui ainsi que milord Brouncker. Revins le soir, fort diverti, puis par le fleuve à Woolwich où je soupai avec ma femme et, au lit, tôt car demain je me lève à 4 heures afin d'aller avec sir George Carteret à Cranbourne voir milord Hinchingbrooke qui est en chemin pour la Cour.
Ce soir fis présent à ma femme de la bague en diamant que m'avait donnée Mr...., le frère de Dick Vines, il y a déjà quelque temps, pour me remercier de lui avoir obtenu le poste de commissaire de marine. Elle vaut environ 10 £, et c'est le premier cadeau de ce genre que je lui fais.
On redoute fort que, d'après le bulletin de la semaine, le nombre des morts de la peste ne soit très élevé.
15 août
Levé à 4 heures, à pied à Greenwich où je rendis visite au capitaine Cocke que je trouvai dans sa chambre, au lit. Et là, quelque chose me rappela mon rêve de la nuit passée, à mon avis l'un des plus beaux qu'on ait fait : " Je tenais milady Castlemaine dans mes bras et elle me laissait batifoler avec elle comme je le désirais. " Je rêvai aussitôt qu'une telle chose ne se pouvait point à l'état de veille et que ce n'était qu'un rêve. Mais que, puisqu'il ne s'agissait que d'un rêve et que le plaisir qu'il m'avait procuré était à ce point réel, quel bonheur que ce serait si une fois mis au tombeau, comme l'imagine Shakespeare, noud pouvions rêver et faire de tels rêves. Nul besoin alors de tant craindre la mort comme en ces temps de peste.
J'apprends qu'on a fait prévenir sir George Carteret que milord Hinchingbrooke est souffrant, si bien qu'il ne peut nous retrouver à Cranbourne ce soir. Me rendis donc chez sir George Carteret dont je partageai la déception. Avons reporté à samedi notre visite. Restai bavarder avec sir George Carteret qui m'a, en toute liberté, mis au fait de ses affaires. Il a, entre autres, donner l'ordre à Rider et à Cutler de me fournir pour 5 000 £ de cuivre. C'est apparemment à cette somme que se monte la part de sir George Carteret, ce qui doit servir à constituer une partie de la somme qu'il compte dépenser pour milady Jemima.
Puis, lui et moi, chez sir John Mennes où nous étions invités. Il y avait sir William Batten et sa dame ainsi que milord Brouncker, et nous dînâmes ensemble d'un pâté de venaison et autres bonnes victuailles, le tout mal accommodé. Mais j'eus le plaisir de convaincre sir George Carteret de me signer plusieurs lettres de change. Il me promit qu'elles me seraient mises immédiatement en paiement par Mr Fenn ce qui, sincèrement me réjouit, car si une chose m'accable c'est bien le fait qu'une si grande partie du peu que je possède, environ 1 000 £, demeure dans la poche du roi. La compagnie s'égaya, puis sir George Carteret s'étant retiré tout de suite après dîner nous allâmes chez le capitaine Cocke. Après nous être divertis prîmes congé et par le fleuve chez le duc d'Albemarle, avec qui je m'entretins longuement et en privé, car il est question d'envoyer en grand secret une flotte dans le Détroit. Toujours sans nouvelle de nos navires, ce qui est fort étonnant. Mais le Duc affirme qu'on entend souvent tonner le canon au nord.
Ne pus rentrer chez moi qu'à la nuit tombée. Mis pied à terre à l'embarcadère du Cimetière où, à mon grand dam, je vis un cadavre de pestiféré, dans la ruelle étroite qui mène jusqu'à un petit escalier. Mais, Dieu merci ! cela ne m'émut guère. Il n'empêche que je veillerai à ne plus rester dehors trop tard.
à suivre............
16 août 1665
Levé, après.........