mardi 25 octobre 2022

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 160 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

 pinterest.fr








      

                                                                                                                 1er mars 1666             

            Levé puis allai au bureau où siégeai toute la matinée et, à midi, dîné avec milord Brouncker, sir Batten et sir William Penn à la taverne du Cheval blanc dans Lombard Street où, Dieu nous pardonne, nous nous divertîmes fort de ce que le capitaine Cocke ait sa servante malade de la peste depuis un jour ou deux et qu'il l'ait envoyée au lazaret, mais qu'il s'entête à dire qu'elle va bien. Mais, Dieu soit loué, nous avons un nombre de décès qui est bon cette semaine - 237 en tout seulement, dont 42 de la peste, et 6 seulement dans la Cité...... Etait aussi avec nous Mr Williamson. Plus je le connais et plus je l'estime.
            Je m'éclipsai discrètement après le dîner pour rentrer et restai à travailler d'arrache-pied, dans mon bureau, jusqu'à minuit étant, à ma grande satisfaction, retourné au travail, en vertu de vœux que je fis récemment et qui s'ajoutent à ceux que j'avais déjà faits, tout en étant plus sévères. Ce m'est une grande joie que de me voir ainsi bien disposé pour le travail. Puis rentré souper, mon journal et, au lit.


                                                                                                                                   2 mars 

            Levé, conformément à mes récentes résolutions avant 7 heures du matin, allé au bureau où demeuré toute la matinée. Entre autres, mets ma femme et Mrs Mercer au travail avec grand plaisir, il s'agit de régler du papier afin de faire des registres pour les commissaires de marine. Cela demandera beaucoup de travail et leur rapportera beaucoup d'argent. Cet espoir les fait travailler avec beaucoup d'énergie. 
            A midi, dînai puis retournai au bureau. Aux alentours de 4 heures montai en voiture et m'en fus chez milord le trésorier général, puis, comme convenu, à la nouvelle maison de sir Philip Warwick pour passer une heure à causer. Nous fûmes ensemble plus d'une heure et eûmes une conversation très intéressante relative au roi et à ses finances, en particulier celles qui concernent la marine. Il fait de grands efforts pour parvenir à comprendre les comptes de sir George Carteret et, à l'entendre, je trouve que l'on devrait obliger sir George à s'expliquer. Ce serait folie de sa part de ne pas le faire de son propre chef, car le roi s'attend que le Parlement lui rappelle sa promesse de rendre compte de la situation financière et veut être prêt à faire face à cette éventualité, ce qui ne saurait se faire, j'en suis sûr, si l'on ne voit pas plus clair dans les comptes de sir George Carteret.
            Sir Philip Warwick paraît faire grand cas de moi, de mon opinion et de mes réflexions. Après avoir passé une heure à converser de la sorte et à nous irriter de travailler ainsi à l'aveuglette, puisque ceux qui devraient nous éclairer ne nous aident point. Nous résolûmes de régler certaines questions avant une prochaine réunion, puis nous nous séparâmes. Il me montra sa maison dont les murs sont encore entièrement nus, mais sera, en vérité, une très imposante maison.
            En voiture, halte chez mon libraire et rapportai chez moi des volumes pour une valeur de 10 £. J'espère que je n'en achèterai point d'autre avant longtemps.
            Comme convenu trouve chez moi Mr Hill venu souper de prendre congé. Bientôt, Mr James Houblon vient nous tenir compagnie. C'est un homme qui m'est fort cher, et je n'entends point que cessent nos relations. Ce soir-là il me glisse à l'oreille ce que ses frères et lui ont résolu de me donner à savoir, 200 £, en échange de mon aide pour faire passer deux ou trois navires. C'est une jolie somme, celle même que je croyais qu'ils me donneraient, et je ne m'attendais guère à moins.
            Là nous causâmes et fûmes en compagnie très agréable jusqu'à une heure tardive, puis prîmes congé. De fait je suis profondément désolé que Mr Hill ( nommé agent en Espagne pour le cpte des Houblon - nte de l'éd. ) nous quitte, car c'est un homme fort estimable. Je n'en connais guère qui le surpassent. Plût au Ciel qu'il fît bonne traversée et qu'il rencontrât le succès dans son entreprise ! Nous nous séparâmes donc et ma femme et moi, au lit, le cœur lourd de perdre notre ami.


                                                                                                                                                        3 mars

            Toute la matinée au bureau. A midi à la taverne du Vieux Jacques où l'on m'avait mandé et où je dînai avec sir William Rider, Cutler et d'autres, afin de conclure avec deux capitaines écossais, une affaire concernant la cargaison de deux bateaux appartenant à milord Rutherford. Après un bref souper et l'échange de quelques propos, vais à la Couronne, derrière la Bourse, rencontre sir William Penn, le capitaine Cocke et Fenn, pour que Penn puisse encaisser une lettre de change de Cocke concernant pour partie les marchandises provenant des Indes Orientales qu'il nous a vendues. Là Penn me confie à l'oreille la raison de son besoin pressant d'argent : il lui faut maintenant marier sa fille. Dieu lui réserve un sort plus favorable que son père, cet hypocrite, ce coquin, ne mérite que je le lui souhaite.
            En voiture chez Hayls. Vis poser ma femme, son portrait me plaît au plus haut point, grande sera la ressemblance et ce sera une bien belle oeuvre. Mais il se plaint que son nez lui a coûté autant de travail que le visage entier chez d'autres, et il l'a vraiment très bien réussi. Rentré, resté tard au bureau puis, au lit.


                                                                                                                                    4 mars
  pinterest.fr                                                                                                              Jour du Seigneur 
            Et de passer toute la journée sur mes comptes de Tanger et sur mes comptes personnels que je néglige depuis Noël, negligence que j'espère ne plus jamais commettre car j'en ressens le désagrément, l'effort de mémoire et de remise en ordre étant dix fois plus grand. Mais, grâce à Dieu, la chose est enfin terminée et mes comptes parfaitement en règle. Tout m'indique, et je suis certain de ne pas me tromper de 10 livres, que ma fortune dépasse les 4 600 £. J'en remercie le Ciel, car je n'ai jamais encore disposé d'une telle fortune.
            << 5 >> Ces choses me tinrent éveillé jusqu'à 2 heures du matin le lundi. Je relus alors mes vœux puis, au lit. Très heureux et satisfait d'avoir si heureusement réglé mes affaires. Et maintenant, ayant pris la décision de me consacrer derechef à mon travail et conscient de la méfiance que sir William Coventry, je le crains, nourrit à mon égard, parce que d'une part je me rangeai du côté de sir George Carteret et que, d'autre part, il est certain que je garde depuis longtemps le silence quant à mes affaires de bureau et que je ne parle guère de moi, à lui moins que personne, ne lui ayant pas rendu visite une seule fois depuis son retour d'Oxford, je suis résolu à mettre les bouchées doubles et à rattraper le temps et le profit perdu. Du moins suis-je en passe de le faire.
            Levé aux alentours de 8 heures, plusieurs personnes viennent me trouver, entre autres Mr Moone avec qui je fus à Lombard Street chez Colvill. Puis retour chez moi et à mon cabinet de travail, en terminâmes avec tout ce qui nous occupait, faisant le compte des sommes versées par lettres de change. Me plaît de voir que j'ai la réputation d'un homme de travail et de méthode, et tel il est proclamé.
            A la Bourse à midi, puis chez moi pour le dîner. La nouvelle est certaine que le roi de Danemark prend le parti des Hollandais et qu'il a résolu de leur porter assistance.
            Au bureau où je passai tout l'après-midi. Ce soir Mr James Houblon et son frère vinrent pour que nous convinssions des chartes parties relatives à leurs navires et ils me firent savoir qu'ils avaient remis à mon messager, que j'avais dépêché cet après-midi à cet effet, 200 £ en remerciement pour mon attitude amicale en cette affaire, ce qui m'est fort agréable. A leur départ me rendis tardivement chez sir Robert Vyner, afin d'obtenir un reçu pour les 200 £ déposées à mon intention en son établissement, et retour chez moi. Après le dîner, au lit.


                                                                                                                         6 mars 1666

            Levé de bonne heure et fis un gros travail avant l'heure du bureau où je restai jusqu'à midi. Rentré chez moi pour le dîner, retour au bureau jusqu'au soir. Le soir étant devant chez sir William Batten, entrai. J'ai depuis fort longtemps perdu l'habitude d'aller là-bas. Trouve milord Brouncker et Mrs Williams, et ils voulurent bien, de leur propre chef, et encore que, non plus que ma femme, je n'eusse l'obligeance de les inviter à nous rendre une seule visite en échange des nombreuses visites que je leur fis, aller voir ma maison et ma femme. Je les leur montrai et les accueillis avec du vin et des oranges douces, devenues très rares depuis la guerre. Il y avait aussi le capitaine Cocke et Mrs Turner, qui n'étaient jamais venus chez moi depuis mon arrivée dans le service, et Mrs Carkesse. Il se trouve que ma maison était parfaitement propre, ce qui me fit grandement honneur, eux fort satisfaits. 
            Après leur départ, au bureau faire quelque travail, puis à la maison, souper et, au lit. L'esprit tracassé de la crainte d'avoir encouru le déplaisir de sir William Coventry en n'étant point allé lui présenter mes respects depuis mon arrivée à Londres, lourde faute dont j'aurai à redouter les conséquences funestes jusqu'à ce que je l'aie vu. Ce qui se fera demain, si Dieu le veut, donc, au lit.


                                                                                                                           7 mars
             
                        Levé de bonne heure et à St James pensant que Mr Coventry y avait couché, mais ce n'est point le cas, il a couché à Whitehall. J'y fus et passai un moment aussi plaisant que mon cœur le pût souhaiter. Après une heure dans son cabinet à nous occuper des affaires publiques, nous montâmes tous deux et le duc d'York étant sorti nous nous promenâmes un heure dans la grande galerie. Il commença de lui-même à m'entretenir des malheureuses divergences entre milord de Sandwich et lui, et passa en revue, du début à la fin, tous les incidents dont milord a jamais pu tirer quelque plaisir, et il se justifie d'avoir agi comme il le dit. Ensuite je me disculpai de tout préjugé relatif aux affaires de sir George Carteret, et dis que j'avais soin des intérêts du roi, nonobstant mes relations avec lui, et toutes choses dont sir William dit qu'il les croit, et il m'assure qu'il a toujours à mon égard la même bienveillance et la même opinion et, lorsque je déclare que je craignais que, disposant désormais par sa faveur de si grandes ressources, on estimât que je ne rendisse point tous les services qui les pussent mériter, et m'assura qu'il ne tenait point, dans mon cas, ces ressources pour excessives mais que, pensait-il, il n'était personne en Angleterre qui les méritât plus que moi. 
            Toute cette conversation me réchauffa le cœur après une longue période de mélancolie causée par la crainte que ces divergences avec milord Sandwich et sir George Carteret ne m'en fissent un ennemi, mais me voici totalement rassuré et, par la grâce de Dieu, j'entends ne point compromettre cela en commettant la folie de ne pas lui rendre visite ou de ne pas lui écrire, comme ç'avait été le cas jusqu'à présent.    pinterest.fr

            En voiture jusqu'au Temple. Comme c'est aujourd'hui jour férié et jour de jeûne je descends là, poursuivis par le fleuve, étant invité, et fus à Greenwich chez le capitaine Cocke où il dînait avec lord Brouncker, Matt Wren et d'autres. Ce sont tous de grands buveurs et après le dîner, jeu de cartes, aussi pressai-je milord de nous en aller. Nous allâmes chez Mr Cottle et rencontrâmes Mrs Williams, sans laquelle il ne saurait faire un pas hors de chez lui. Là en voiture pour nous en retourner. Ils me conduisent à Londres et me déposent au Temple. Là, changement d'avis je rentre à la maison pour écrire, entendre mon petit valet jouer du luth et faire un agréable tour de jardin avec ma femme, au clair de lune, le cœur inondé de paix. Puis rentré souper et, au lit.
            < Le roi et le duc d'York doivent aller demain à Audley End afin de voir la maison et de l'acheter à milord Suffolk. >


                                                                                                                         8 mars

            Levé de bonne heure et au bureau où je siège toute la matinée et découvris trois ou quatre nouveaux exemples des habituelles ruses et fourberies de sir William Penn. Ai rarement vu un individu aussi hypocrite. Puis avec sir William Batten et lord Brouncker à la taverne du Cheval Blanc dans Lombard Street pour dîner avec le capitaine Cocke et discuter de certaine affaire de toile à acheter pour le roi. Et là, par hasard, je vis la maîtresse de maison dont j'ai tant entendu parler : c'est, en vérité, une très jolie femme. Quant à son mari, je n'ai jamais vu d'individu d'allure plus sotte, ni plus vieux. Après le dîner en voiture et chez Mr Hayls où ma femme pose et, en vérité, son visage et son cou, désormais finis, me plaisent tant que je ne me contiens quasiment plus, de même que toute la soirée tandis que je fais ma correspondance, en pensant au superbe portrait dont je vais être possesseur.
            Retour au bureau où je reste tard, puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                            9 mars

            Levé puis, une fois habillé, au théâtre du Cockpit pour rendre visite au duc d'Albemarle. Et j'ai la grande joie de constater qu'il n'a point changé d'attitude à mon égard, ce dont je doutais fort, car depuis longtemps je négligeais de lui rendre visite et, ayant mis bon ordre à toutes choses de ce côté-là, me voici fort aise. Je pense que je ne laisserai plus jamais les choses se détériorer ainsi que je le fis ces derniers temps, avec la négligence que je lui témoignai, ainsi qu'à sir William Coventry.
            Par le fleuve jusqu'à Deptford où j'avais rendez-vous avec milord Brouncker et sir William Batten, afin de mesurer le vaisseau de troisième rang de Mr Castle et qui doit s'appeler le Défiance. Et  là je parvins à mes fins, faire faire quelques économies au roi et de gagner quelque habileté quant à la façon dont se mesurent les vaisseaux.
            Je les laissai et fus à pied à Rotherhite où, continuant par le fleuve je fus dépassé par leur bateau. Ils voulurent alors que je les accompagne chez Castle où se trouvaient milady Batten et Madame Williams. Nous dînâmes et il s'y fit beaucoup d'embarras. Je fis un bon dîner et feignis gaieté et plaisir à être avec eux, mais n'en éprouvai que peu pensant à quel point je négligeais mon travail. Revînmes tantôt chez sir William Batten et là, avec la venue de Mrs Knepp, nous passâmes la soirée fort gaiement, elle et moi chantons. Et, Dieu me pardonne ! je vois bien que ma nature n'a point encore été maîtrisée, mais que m'entête à placer le plaisir avant toute chose, et encore que, alors même que j'y suis plongé, je ne parviens point à m'y adonner sans retenue, à cause de mon travail qui se trouve négligé de ne passer qu'après mon plaisir. Je ne peux toutefois que me laisser aller à mon penchant pour la musique et pour les femmes, quel que soit le travail qui m'incombe. A près leur départ, un moment au bureau, puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                         10 mars 

            Levé puis au bureau, où je reste occupé à une réunion jusqu'à midi. Je trouve chez moi, Mrs Pearse et Mrs Knepp venues dîner avec moi. Force gaieté. Après dîner, je les conduis, ainsi que ma femme, en voiture à la nouvelle Bourse, et là j'offris à ma Valentine, Mrs Pearse, une dizaine de paires de gants et une paire de bas de soie, et à Mrs Knepp, parce qu'elle était en notre compagnie, encore que ma femme, avec mon accord, eût dépensé l'autre jour 20 shillings pour six paires de gants.
            Puis chez Hayls pour voir nos portraits, mais impossible d'entrer car il était absent, et à la pâtisserie toute proche et là assis dans la voiture, mangeâmes avec grand plaisir de bons gâteaux. Les conduisis chez Pearse, et retour. Le petit garçon de Mrs Pearse est fort bien tourné et spirituel.
            Rentré et au bureau, resté tard à faire ma correspondance et, ayant laissé beaucoup à faire pour lundi, rentré chez moi, souper et, au lit.
            En vérité je m'autorise d'autant plus volontiers quelques petits plaisirs que je sais que je suis à l'âge qui s'y prête le mieux, ayant observé que la plupart des hommes qui réussissent dans la vie oublient de s'adonner aux plaisirs tant qu'ils s'emploient à faire leur fortune, mais qu'ils se réservent pour la période où celle-ci est faite. Il est alors trop tard pour qu'ils en tirent la moindre jouissance.


                                                                                                                      11 mars
                                                                                                 Jour du Seigneur
            Levé et par le fleuve à Whitehall. Rencontrai Mr Coventry qui sortait se dirigeant avec les commis du service des munitions vers la rive du fleuve pour prendre une barque, car ils se rendaient à la partie droite de la Tamise. Je revins avec eux dans leur barque, jusqu'à la hauteur de la Tour, causant avec sir William Coventry. Puis rentré chez moi, et à l'église, et à midi dînai, puis à mon cabinet de travail où m'occupai avec grand plaisir de tel ou tel, jusqu'à une heure avancée, puis souper et, au lit.


                                                                                                                   12 mars


            Levé de bonne heure, des gens me rendent visite en abondance pour le travail. Puis par le fleuve à Westminster, me rends là à l'Echiquier pour quelque affaire et, en voiture, m'arrête en divers endroits : à l'ancienne Bourse où je réglai bien des questions, et repris le chemin de la maison, achetai une salière d'argent pour mon service ordinaire, puis chez moi pour le dîner. Après le dîner vinrent mon oncle et ma tante Wight ( point vue cette dernière depuis la peste, c'est une femme sotte, geignarde et laide ). Nous les mignotâmes de la belle façon, et elle ne laisse point de discourir sur sa peur de la maladie, d'où force caquets. Je les laissai et fus au bureau jusque tard, puis à la maison, souper et, au lit.
            J'apprends aujourd'hui que mon oncle Talbot Pepys est mort la semaine dernière et qu'il est enterré. On ne parle en ce moment que de la présence à Cadix, avec sa flotte, de sir Jeremy Smith et de celle de Myngs à Elbe.
            Le roi est arrivé à Londres à midi, venant d'Audley End, avec le duc d'York et une imposante suite de gentilshommes.


                                                                                                                             13mars
pinterest.fr
             Levé de bonne heure et allé au bureau. Occupé par une réunion toute la matinée, et je commence à voir quelque avantage à tenir tête à sir William Penn, car il est devenu plus souple. A midi dîner et derechef au bureau où force travail, en fais une bonne partie jusqu'à minuit, puis à la maison, souper et, au lit. Le nombre de victimes de la peste a cru cette semaine de 28 à 29, encore que le nombre total de morts soit tombé de 238 à 207, ce qui ne saurait me plaire en aucune façon.


                                                                                                               14 mars 1666

            Lever. A 6 heures vis Mr Povey à mon cabinet de travail, venu de Whitehall afin d'équilibrer nos comptes communs relatifs aux affaires de Tanger. Travaillâmes d'arrache-pied jusqu'à 8 heures, puis il me mena dans son carrosse jusqu'à Whitehall, bientôt rejoint par mes collègues officiers et tînmes une réunion en présence du Duc. Partis ensuite avec milord Brouncker vers Londres et en chemin fîmes halte à Covent Garden où nous prîmes sir John, anciennement le Dr. Baber, qui a ceci de particulier qu'il ne veut pas commencer à deviser tant qu'il reste dans la compagnie quelqu'un qui lui reste inconnu, jusqu'à ce qu'on lui dise avec qui il se trouve. C'est au reste ce qu'il me déclara sans ambages, et il demanda à milord qui j'étais, donnant comme raison qu'il lui est arrivé de connaître des désagréments pour avoir trop librement discouru avant de savor quelles étaient toutes les personnes présentes.
            Puis à l'Hôtel de Ville, prenant en chemin le Dr Wilkins, et là, milord et moi-même pûmes converser tout à loisir avec sir Thomas Player, trésorier de la Cité, homme dont j'ai ouï fort louer dans la Cité la réputation de probité et l'exactitude, raison pour laquelle je désire depuis un certain temps faire sa connaissance, au sujet du crédit de nos tailles déposées là pour servir de caution à ceux qui prêteraient de l'argent ainsi garanti au titre de la marine. Je retirai grande satisfaction de cette conversation. Et, de fait, tout ce qui touche à notre crédit me paraît être dans un triste état.
            Etant assez pressé, je partis le premier, à pied, fus un peu à la Bourse e chez moi. Tantôt à Trinity House pour le dîner, le capitaine Cox offrait son dîner de frère aîné. Mais ce me parut être un piètre et triste dîner. Moi, j'avais maintes choses en tête, aussi me levai-je quand j'eus le ventre plein, encore qu'on ne fût point à la moitié du dîner.
            Rentré pour travailler un peu. Je sortis bientôt et rencontrai Mr Povey venu me voir comme convenu mais, comme il était un peu trop tard, je mis un point d'honneur, me trouvant déjà dans la rue, à ne pas retourner avec lui, et le priai de revenir une autre fois. Je m'en allai chez Kate Joyce, souhaitant m'entretenir avec son mari de l'affaire de Pall. Mais comme il y avait chez eux quelqu'un que je ne connaissais pas, le Dr Powell, un Gallois, je m'abstins et m'en fus, et chez Hayls pour voir le tableau de ma femme que j'aime fort, et là eus le plaisir de voir avec quelle soudaineté il dessine les cieux, disposant un fond sombre, l'éclairant quand et où il le veut. Puis fus me promener, à pied, seul, dans les champs  situés derrière Gray's Inn, achevant la lecture de mon cher Faber fortunae, de milord Bacon. L'obscurité venant, je fis en libertin deux ou trois fois le tour des ruelles et passages qui entourent Drury Lane, sans pourtant trouver satisfaction. Mais grande peur de la peste autour de ces lieux, aussi me rendis-je bientôt, invité, chez Mrs Pearse où je rencontre excellente compagnie, c'est-à-dire Mrs Pearse, ma femme et Mrs Mercer, Mrs Worship et sa fille, l'acteur Harris et Mrs Knepp ainsi que Mrs Barbara Sheldon arrivées aujourd'hui pour passer une semaine avec ma femme.
            Et là, en musique, nous dansâmes, chantâmes et soupâmes, et chant et danse jusqu'à plus d'une heure du matin, et force gaieté avec sir Anthony Apsley et un certains colonel Sidney qui logent dans la maison, et surtout ils ne laissent pas d'admirer Mrs Knepp. Recrus de fatigue et de sommeil nous nous séparâmes. Mes gens et moi bien rentrés en voiture et, au lit.  


                                                                                                                      15 mars

            Attendis le dernier moment pour me lever, car il était 8 heures. Puis au bureau jusqu'à presque 3 heures de l'après-midi et dîner. Après le dîner, ma femme, Mrs Mercer et Mrs Barbara s'étant rendus chez Hayls, me retrouvai avec mon cousin Anthony Joyce venu exprès dîner avec moi. Nous nous entretînmes de notre projet de mariage entre Pall et Harman, et l'emmenâmes dans une taverne toute proche. Nous l'entretînmes de notre affaire et j'offris 500 £ Lui, de déclarer que l'on ne saurait se fier au métier qu'il exerce ( nte de l'éd.  Tapissier ), car il n'a cependant pas besoin d'argent, mais souhaiterait que Pall se voie donner la jouissance de l'argent à elle destiné. Ce qui me plaît beaucoup, car il dit aussi qu'il se risquerait volontiers à lui donner 2 ou 300 £. J'aime bien cet homme, il a une bonne nature, du jugement et il connaît, je crois, beaucoup de choses. Nous parvînmes à la conclusion que nous nous rencontrerions la semaine prochaine, et nous espérons alors aboutir à quelque résultat, car je me déclarai fort satisfait de cette union. Puis chez Hayls où je retrouvai ma femme et les autres. Je trouve surtout que ce tableau est un très joli tableau, et fort ressemblant à ma femme. Je lui demandai son prix, il dit 14 £. Pour dire vrai, je crois qu'il les mérite.
            De retour vers Londres, allai au bureau où je travaillai beaucoup. Au lit de bonne heure, ayant si peu dormi ces derniers temps, et dormis jusqu'à 7 heures du matin.


                                                               à suivre..........

                                                                                                                   Le 16 Mars

            Levé et consacrai..........

                                                                                                                                                                                                                                                                                                           





























































































        








































samedi 22 octobre 2022

Cher connard Virginie Despentes ( Roman France )

           amazon.fr









                                                    Cher connard

            Roman épistolaire. Oscar, auteur de romans policiers à succès a la malencontre idée de laisser aller sa plume sur un site internet. Il écrit les désastres de l'âge sur une star hollywoodienne. Oui mais, la star est une amie d'enfance, de sa sœur en fait car toutes deux sont plus âgées, du même quartier, de la même ville. Mais aussi la star, Rebecca, revenue en France, lit la diatribe de l'ancien petit copain et lui envoie un mail. D'où une discussion de 345 pages et qui dure plusieurs années. Leurs discussions portent essentiellement sur leurs différentes addictions, aux drogues de toutes sortes, à la boisson. Une fois contés les méfaits et les plaintes de chacun, surtout Oscar qui se décrit dans ses mails l'exact contraire de la star si jolie, lui petit, maigriot, " mal foutu", dit-il, en contraste avec son succès d'écrivain et poussé par ses désirs il va jusqu'au harcèlement pour séduire Zoé, son attachée de presse dans sa maison d'édition. Et alors, arrive Metoo, les féministes, quelques allusions aux masculinistes, l'un geignant, l'autre agaçant par son panache, pas pour ses rôles, trop âgée ou pas assez elle est en manque de tournages, et deviendra l'amie de tous ou presque. Au reste, sympathique. Connaissant ses précédents écrits et un peu sa biographie, on comprend où nous mène Despentes, et ses prises de position à travers ses personnages, peu nombreux, mais relativement vivants. Rebecca dit; "...... Je me voyais sur les photos. Pendant des années j'étais ce corps longiligne, cette attitude désinvolte....... et progressivement mon visage devenait sec......, mon teint livide.......... j'ai lu sur Internet que ça faisait partie de ton personnage, picoler, taper, gober......à la Hemingway....... Ecrivain c'est difficile à concilier avec une masculinité un tant soit peu dynamique..... " Et Oscar raconte un moment de sa vie "..... Je passe des journées entières à douter de ma propre écriture et j'écoute de la musique d'ego trip et de brute. Le gangsta rap c'est la performance du pouvoir par........ " Et Oscar réaliste et consolateur : "....... C'est absurde de te demander d'incarner une femme quelconque. C'est comme aller chercher un tigre pour interpréter un hamster..... avec ou sans dopant........ quand j'avais vingt ans il y avait ce truc avec les voitures. Les road trips, une fascination pour les grosses américaines..... On aime la voiture plus que la vie humaine. C'est une question d'industrie. D'économie du pétrole..... Peuvent être expliqués par l'avidité d'un pourcentage de gens qui ont intérêt à ce que ça soit comme ça...... " Rebecca nostalgique :
" Je ne regarde que des vieux films. J'ai tout aimé de cette industrie d'un autre siècle....... " Puis, toujours retour vers la drogue dont chacun use et a usé pour accepter et même trouver agrément aux réunions de NA, les narcotiques anonymes. Enfin, le Covid, ce déclencheur, et Barcelone vide de ses touristes en cette période étrange que tous nous avons vécue. Bon livre, en définitive. Bonne lecture. M;









jeudi 20 octobre 2022

Quelques lettres à des petites filles de Lewis Carroll 10 ( Dodgson ) ( Lettres Angleterre )


 
helloanimaux.fr


                                                Lettre  
                                                            à

                                                                 Alexandra Kitchin        

                                                                                                                           Oxford, le 21 août 1873

            Ma chère Xie,
            Pauvres, pauvres Hugh et Brook ! As-tu complètement oublié que tu as trois frères ? Pourquoi n'auraient-ils pas le droit, eux aussi, de choisir des photographies ? J'ai dit " les enfants ", vois-tu. Mais tu diras peut-être que ce ne sont pas des enfants et que Herbert et toi êtes les seuls enfants véritables, et qu'eux sont deux petits hommes âgés. Après tout peut-être est-ce le cas et, dans ces conditions, ils ne voudront évidemment pas de photographies ; mais je dois dire qu'ils ont vraiment l'air très jeunes.
            Le lendemain de ton départ, je suis passé devant ton jardin, et j'ai vu le petit carlin qui entrait et sortait, et il m'a regardé d'un air dédaigneux. Je me suis donc dirigé vers lui, et je lui ai dit :
            " - Il est très mal élevé de regarder les gens d'un air dédaigneux ! "
            Ses yeux se sont remplis de larmes et il a répondu :
            " - Ce n'était pas vous que je visais, monsieur ! J'agissais ainsi simplement pour m'empêcher de pleurer.
            - Mais qu'est-ce qui te fait pleurer, mon petit carlin ? " lui ai-je demandé. 
            Le pauvre petit animal se frotta les yeux avec ses pattes et dit :
            " - C'est parce que mon Ex...
               - Parce que ton extravagance t'a ruiné ? demandai-je. Que cela te serve donc de leçon, et t'empêche de faire des extravagances. Tu ne devrais pas dépenser plus d'un demi-penny par an.
              - Non, ce n'est pas cela, dit le petit chien. C'est parce que mon Ex...
              - Parce que ton excellent maître, Mr Kitchin, est parti ? fis-je.

              - Non ! dit le petit chien. Laissez-moi donc finir le mot ! C'est parce que mon Exie est partie !
              - Et alors ? fis-je. Ce n'est qu'une enfant ! Ce n'est pas un os !
              - Non ! dit le carlin ; ce n'est pas un os !
              - Bien ; maintenant, dis-moi la vérité, dis-je. Que préfères-tu : Xie, ou un os ? "
            Le petit chien réfléchit un instant, puis il déclara :
            " - Elle est très " bonne ", vous savez, et " bonne " en français traduit " good " en anglais. Mais elle n'est pas aussi bonne qu'un os, lequel se dit bone en anglais ! " 
            Ne s'agit-il pas d'une conversation intéressante ? Dis-moi quelles photographies ont choisies Hugo et Brook ; et embrasse-les de ma part, ainsi que Herbert ; et gardes-en un tout petit peu pour toi.
            Très affectueusement


                                                           C. L. Dodgson 













mercredi 19 octobre 2022

Ces Passions Verlaine ( Poème France )

 








museumtv.art

                               Ces Passions


            Ces passions qu'eux seuls nomment encore amours
            Sont des amours aussi, tendres et furieuses,
            Avec des particularités curieuses
            Que n'ont pas les amours certes de tous les jours.

            Même plus qu'elles et mieux qu'elles héroïques,
            Elles se parent de splendeurs d'âme et de sang
            Telles qu'au prix d'elles les amours dans le rang
            Ne sont que Ris et Jeux ou besoins érotiques,

            Que vains proverbes, que riens d'enfants trop gâtés.
            " - Ah ! les pauvres amours banales, animales,
            Normales ! Gros goûts lourds ou frugales fringales,
            Sans compter la sottise et des fécondations ! "

            - Peuvent dire ceux-là que sacre le haut Rite,
            Ayant conquis la plénitude du plaisir,
            Et l'insatiabilité de leur désir
            Bénissant la fidélité de leur mérite.

            La plénitude ! Ils l'ont superlativement :
            Baisers repus, gorgés, mains privilégiées,
            Dans la richesse des caresses repayées,
            Et ce divin final anéantissement !

            Comme ce sont les forts et les forts, l'habitude
            De la force les rend invaincus au déduit.                                             museumtv.art
            Plantureux, savoureux, débordant, le déduit !
            Je le crois bien qu'ils ont la pleine plénitude !

            Et pour combler leurs vœux, chacun d'eux tour à tour
            Fait l'action suprême, à la parfaite extase,
            - Tantôt la coupe ou la bouche et tantôt le vase
            Pâmé comme la nuit, fervent comme le jour.

            Leurs beaux ébats sont grands et gais. Pas de ces crises :
            Vapeurs, nerfs. Non, des jeux courageux, puis d'heureux
            Bras las autour du cou, pour de moins langoureux
            Qu'étroits sommeils à deux, tout coupés de reprises.

            Dormez, les amoureux ! Tandis qu'autour de vous
            Le monde inattentif aux choses délicates,
            Bruit ou gît en somnolences scélérates,
            Sans même, il est si bête ! être de vous jaloux.

            Et ces réveils francs, clairs, riants, vers l'aventure
            De fiers damnés d'un plus magnifique sabbat ?
            Et salut, témoins purs de l'âme en ce combat
            Pour l'affranchissement de la lourde nature !


                                                              Verlaine






















            

jeudi 13 octobre 2022

Quelques lettres à des petites filles de Lewis Carroll 9 ( Dodgson ) ( Lettres Angleterre )

 Pinterest.fr






                                               




                                               Lettre  
                                                            à
                                                                Amy Hughes

                                                                                                                      ( 1871 ? )

            Ma chère Amy,
            Où en êtes-vous, je me le demande, dans la recherche de la solution de ces puzzles du Pays des Merveilles ? Si vous pensez avoir découvert quelques-unes des réponses, vous pouvez me les envoyer ; et si elles sont erronées, je ne vous dirai pas qu'elles sont justes !
            Vous m'avez demandé des nouvelles de ces trois chats, Ah ! Les chères créatures ! Savez-vous que depuis la nuit de leur arrivée, ils ne m'ont pas quitté un seul instant ? N'est-ce pas gentil à eux ? Dites-le à Agnes. Ca l'intéressera beaucoup. Et ils sont si gentils et prévenants ! Savez-vous que l'autre jour, alors que j'étais allé faire un tour de promenade, ils ont retiré de ma bibliothèque tous les livres qu'elle contenait, et ils les ont ouverts sur le plancher afin qu'ils fussent tout prêts à être lus. Ils les ont tous ouverts à la page 50, parce qu'ils se sont dit que ce serait une page bien commode pour commencer la lecture. Néanmoins, ce fut une initiative assez malencontreuse : car ils prirent mon flacon de colle et tentèrent de coller au plafond des images ( qui me feraient plaisir, pensaient-ils ) et, accenditellement, répandirent sur les livres une grande quantité de colle. Si bien que lorsque je les eus refermés et remis en place, touts les feuillets se collèrent les uns aux autres et que je ne pourrai plus jamais lire la page 50 d'aucun d'eux.
            Pourtant, comme ils l'avaient fait dans une bonne intention, je ne me fâchai pas. Je leur donnai, à chacun, pour les régaler, une cuillérée d'encre : ils ne m'en surent aucun gré, et firent d'horribles grimaces. Mais, naturellement, comme je leur avais donné l'encre pour les régaler, il fallut bien qu'ils le bussent. L'un d'eux, depuis, est devenu noir : à l'origine, c'était un chat blanc.
            Faites mes amitiés à tous les enfants que vous pouvez rencontrer. En outre, j'envoie deux baisers et demi, pour que vous les partagiez avec Agnes, Emily et Godefrey. Ayez soin de les répartir équitablement. 
            Votre affectionné

                                                                                          C. L. Dodgson.


*********************************************













eurotunnel.com

                                                         Lettre
                                                                    à
                                                                         Helen Feilden

                                                                                                               Oxford, le 15 mars 1873

            Ma chère Helen,
            Ta maman m'a fait une telle description de la vie triste et solitaire que tu mènes à Torquay ( si elle est effectivement solitaire, car elle n'a pas employé le mot, je crois, mais c'est bien l'impression que j'en ai retirée ), en ajoutant que tu aimais recevoir des lettres pour te réconforter un petit peu au milieu de cette vie désespérante. A vrai dire elle n'a pas parlé exactement d'une vie désespérante, mais je pense que c'est ce qu'elle voulait dire. Je lui ai dit que j'essaierais de t'envoyer une lettre, j'ai été très prudent en disant cela, parce que je n'ai encore jamais réussi à envoyer une lettre, mes lettres s'arrêtent toutes au bas de la première page, mais tout le monde peut essayer. Dans ton cas c'est ma première tentative, mais je crains qu'elle n'échoue, car de quoi vais-je bien pouvoir t'entretenir ? 
            Tu ne connais guère Oxford, j'en ai peur, si bien que tu n'as pas de raison de t'intéresser à ce qui se passe ici, c'est tant mieux, car je crois qu'il ne se passe jamais rien ici ! Jamais je n'ai vu de lieu plus propice aux non-évènements ! De mon côté je ne connais guère Torquay, quand bien même j'aimerais savoir à quoi ressemble ta vie là-bas. Si tu as un peu de temps pour écrire, raconte-moi un peu ta vie à Torquay.
            Je suis allé près de Torquay il y a deux ans, à Babbacombe, ou à Mary Church, je ne sais plus, mais peut-être n'est-ce qu'un seul et même lieu, toujours est-l que c'était chez Mr Argles, au bord de la plus belle baie qu'il soit possible d'imaginer, avec des falaises rocheuses très abruptes. Je me demande si tu es déjà allée par là ? Nous allions parfois à Torquay, je pense que c'est à trois kilomètres au plus de l'endroit où tu te trouves. Il est très possible que j'y retourne en juillet ou en août, mais je suppose, n'est-ce pas que tu n'y seras plus ?
            Mais cela nous écarte du sujet. Je suis très content que le volume des Phantasmagoria t'ait plu, et l'une des raisons qui me font t'écrire est que je voudrais savoir si tu as déjà lu un petit conte de fées que j'ai écrit, intitulé " La vengeance de Bruno " et que Aunt Judy's Magazine a publié il y a quelques années. Si tu ne l'as pas lu et que tu aies envie de le lire, mais c'est une histoire pour tout petits, je t'en prêterai une copie. Malheureusement je ne puis t'en offrir un exemplaire pour l'instant.
            Je ne suis pas très friand de fées en règle générale, et c'est la seule fois que j'ai essayé d'écrire un texte qui parle d'elles. Elles y apparaissent bien plus comme des enfants que comme des fées !
            Je ne sais pas si tu aimes les devinettes et les énigmes. Si oui, essaye de percer celle-ci, sinon cela ne fait rien.
            " Un homme, disons un aristocrate, pour rendre la chose plus intéressante, avait un salon qui ne possédait qu'une seule fenêtre, une fenêtre carrée de trois pieds de haut et trois pieds de large. Or il avait les yeux fatigués, et la fenêtre donnait trop de lumière, si bien ( tu n'aimes pas trouver - si bien dans une histoire ? ) qu'il demanda à un maçon de venir la modifier pour qu'elle lui donne deux fois moins de lumière. Mais il fallait que la fenêtre reste carrée, il fallait qu'elle ait trois pieds de haut, il fallait qu'elle ait trois pieds de large. Comment a-t-il réussi à le faire ? Mais attention, il n'avait pas le droit d'utiliser de rideaux, ni de volets, ni de verre teinté, ni rien de ce genre. "
            Il faut que je te raconte une histoire affreuse qui m'est arrivée l'autre jour, quand j'ai essayé de poser une devinette à une petite fille. C'était lors d'un dîner au moment du dessert. Je ne l'avais jamais rencontrée auparavant mais, comme elle était assise à côté de moi je lui proposai, un peu imprudemment, d'essayer le problème, que tu connais sans doute, " du renard, de l'oie et du sac de blé "
et à l'aide de biscuits je tentai de représenter le renard et les autres éléments. Sa mère était assise près d'elle, de l'autre côté, et elle lui dit : 
            " - Attention ma chérie, fais un gros effort et trouve la bonne réponse ! "   expedia.fr 
            Les conséquences furent terribles ! Elle se mit à hurler :
            " - Je ne peux pas ! Je ne peux pas ! Oh, maman, maman ! " 
            Se jeta dans les bras de sa mère, et eut une crise de larmes qui dura plusieurs minutes ! Voilà une bonne leçon pour moi, à me dégoûter de poser des devinettes aux enfants. 
            J'espère que la fenêtre carrée ne va pas provoquer chez toi des effets aussi dramatiques !
            Très affectueusement,


                                                                                         C. L. Dodgson.

            J'ai donné une photo de toi à Mr Owen, et je vais en envoyer une au directeur du New College, puisqu'il m'a dit qu'il en voulait une. Tour le monde semble la trouver réussie. Ce fut une bonne idée de la prendre par ce temps un peu maussade.






























dimanche 9 octobre 2022

Quelques lettres à des petites filles de Lewis Carroll 7 - 8 ( Dodgson ) ( Lettres Angleterre )






facebook.com               
                                                         Lettre
                                                                      à
                                                                           Agnes Hughes

                                                                                                                          ( 1871 ? )                                                                                                                       
            Ma chère Agnes
            Paresseuse que vous êtes ! Comment ? Il me faut diviser moi-même les baisers, dites-vous ? En vérité, je ne prendrai pas la peine de faire quoi que ce soit de ce genre ! Mais je vais vous dire comment procéder.
             D'abord, vous prenez quatre des baisers , et... cela me rappelle une étrange aventure qui m'arriva hier à quatre heures et demie. Trois visiteurs vinrent frapper à ma porte, me priant de les laisser entrer. Et quand je la leur ouvris, à qui croyez-vous que j'eus affaire ? Vous ne le devinerez jamais. Eh bien, ce fut à trois chats ! N'est-ce pas curieux ? Pourtant ils avaient tous l'air si grognon et si désagréable que je pris le premier objet qui me tomba sous la main ( lequel n'était autre que le rouleau à pâtisserie ) et que je les aplatis tous trois comme des crêpes !
            " Si, vous, vous venez taper à ma porte, dis-je, moi, je riposterai en vous tapant sur la tête. "
            C'était justice, ne trouvez-vous pas ?
            Votre affectionné

                                                                          Lewis Carroll


***************************************

lexpress.fr


                                                                
                    


                                                 

                                                      
   Lettre
                                                                     à
                                                                           Agnes Hughes

                                                                                                                          ( 1871 ? )  

            Ma chère Agnes
            
            Revenons-en à ces chats, voulez-vous ? Bien entendu je ne les laissai pas étalés sur le sol comme des fleurs séchées ! Non, je les ramassai, et me montrai envers eux de la plus exquise gentillesse. Je leur prêtai, en guise de lit, un sous-main, car, voyez-vous, ils n'eussent pas été à l'aise dans un vrai lit : ils étaient trop minces. Par contre ils furent parfaitement heureux entre les feuilles de papier buvard, et chacun d'eux eut pour oreiller un essuie-plume. Ensuite, j'allai me coucher ; mais, d'abord, je leur prêtai les trois cloches du dîner, afin qu'ils sonnassent s'ils avaient besoin de quelque chose pendant la nuit.
            Vous savez que j'ai trois cloches pour annoncer le dîner. La première ( qui est la plus grosse ), on la sonne lorsque le dîner est presque prêt. La seconde ( qui est sensiblement plus grosse que la première ), on la sonne lorsqu'il est tout à fait prêt ; et la troisième ( qui est aussi grosse que les deux autres réunies ) on la sonne aussi longtemps que je demeure à table. Donc, je leur avais dit qu'ils pouvaient sonner s'il leur arrivait d'avoir besoin de quelque chose ; et, comme ils ont sonné toutes les cloches, toute la nuit, je suppose qu'ils ont eu besoin d'une chose ou d'une autre ; seulement, j'avais trop grande envie de dormir pour m'occuper d'eux.
            Dans la matinée, je leur donnai, pour leur petit déjeuner, de la gelée de queue de rat et des souris au beurre, et ils en furent mécontents au possible. Ils voulaient du pélican bouilli ; mais, bien sûr, je savais que ce ne serait pas bon pour eux. Aussi me contentai-je de leur dire :
            " - Allez au numéro 2 de Firnborougn Road demander Agnes Hughes si vraiment c'est bon pour vous, elle vous en donnera. "
            Puis je leur serrai la main à tous, leur fis à tous mes adieux, et les refoulai par le tuyau de la cheminée. Ils parurent fort marris de s'en aller ainsi et emportèrent avec eux le sous-main et les cloches. Je ne m'en avisai qu'après leur départ ; j'en fus alors, moi aussi ( bien que célibataire ), marri, et je souhaitai qu'ils revinssent. A qui ou à quoi se rapporte cet " ils " ? Peu importe.
            Comment vont Arthur, et Amy, et Emily ? Est-ce qu'ils continuent d'arpenter Firnborough Road pinterest.fr
pour apprendre aux chats à faire des souris ( ou sourires ) aux souris ? J'aime beaucoup tous les chats de Firnborough Road.
            Dites-leur que je les adore.
            A qui ou à quoi se rapporte ce " leur ? "
            Peu importe.
            Votre ami affectionné


                                           Lewis Carroll


                                                               

                                                                      

                                                                                   

mercredi 5 octobre 2022

Lucien Létinois - Sans titre XVI - Verlaine ( Poème France )

 .pinterest.fr













                                       Lucien Létinois

                                             XVI

            Ce portrait qui n'est pas ressemblant,
            Qui fait roux tes cheveux noirs plutôt,
            Qui fait rose ton teint brun plutôt,
            Ce pastel, comme il est ressemblant !

            Car il peint la beauté de ton âme,
            La beauté de ton âme un peu sombre
            Mais si claire au fond que, sur mon âme,
            Il a raison de n'avoir pas d'ombre.

            Tu n'étais pas beau dans le sens vil
            Qu'il paraît qu'il faut pour plaire aux dames,
            Et pourtant, de face et de profil,
            Tu plaisais aux hommes comme aux femmes.

            Ton nez certes n'était pas si droit,
            Mais plus court qu'il n'est dans le pastel,
            Mais plus vivant que dans le pastel,
            Mais aussi long et droit que de droit.


            Ta lèvre et son ombre de moustache
            Fut rouge moins qu'en cette peinture
            Où tu n'as pas du tout de moustache,
            Mais c'est ta souriance si pure.                                                                paris.maville.com 

            Ton port de cou n'était pas si dur,
            Mais flexible, et d'un aigle et d'un cygne ;
            Car ta fierté parfois primait sur
            Ta douceur dive et ta grâce insigne.

            Mais tes yeux, ah, tes yeux, c'est bien eux,
            Leur regard triste et gai c'est bien lui,
            Leur éclat apaisé c'est bien lui,
            Ces sourcils orageux, que c'est eux !

            Ah ! portrait qu'en tous les lieux j'emporte
            Où m'emporte une fausse espérance,
            Ah, pastel spectre, te voir m'emporte
            Où ? parmi tout, jouissance et transe !

            Ô l'élu de Dieu, priez pour moi,
            Toi qui sur terre étais mon bon ange ;
            Car votre image, plein d'alme émoi,
            Je la vénère d'un culte étrange.


                            Verlaine





































dimanche 2 octobre 2022

Le café suspendu Amanda Sthers ( Roman France )

            amazon.fr

        amazon.fr


                                                  Le café suspendu

            De Naples à, Naples. Jacques installé au café Nube, dans l'angle droit, dessine, caricature, des heures durant. Il ne s'installe sur une place publique que le temps de quelques portraits de passants qui lui permettent de vivre, tout juste. Et il observe, lie des amitiés, reçoit des confidences publiques. Après un chagrin d'amour, il a laissé son passé en France et s'habitue aux mœurs napolitaines. Ainsi du " café suspendu ", que Mauricio le patron inscrit sur une ardoise : le client qui le souhaite paie, outre son café, un second inscrit sur une ardoise qui sera offert à qui n'a pas les moyens de le payer. L'auteur, Amanda Sthers est cultivée et c'est à travers sept histoires, personnages sans panache mais attachants qu'elle nous transmet un peu d'histoire classique. Si la première nous mène dans un monde classique de ménage à trois, avec un sac en ventre de crocodile, la deuxième implique un docteur chinois surpris tout d'abord par le café suspendu, puis un lieu pour ses activités, l'acupuncture, qu'il explique aux habitués du café Nube étonnés des réactions des corps après le passage des petites aiguilles. Mais il insiste sur le travail des sentiments que nous cachons tous, blindés parfois comme cela arrive à un autre personnage dans le roman et d'insister : - Avez-vous fait l'expérience d'une grande joie ou d'une grande peine ?....... Nous avons inventé la médecine en observant les êtres vivants et vous en disséquant des corps morts....... Votre mal de gorge et le mien ne viennent pas du même endroit, voyez-vous ? " Jacques Madelin a soixante douze ans lorsqu'il écrit, oublié le chagrin d'amour qui l'a poussé à fuir son pays d'origine où il est de retour après quarante deux ans de vie napolitaine, et fait le choix de nous parler de sept personnalités. Quelques femmes, l'un, l'autre : " Je suis fasciné, vous ne vous arrêtez pas d'écrire....... - Nous les écrivains ne sommes que l'instrument d'une force qui nous dépasse...... en fait nous ne sommes qu'une antenne réglée sur une fréquence qu'on appelle l'inspiration, nous écrivons sous la dictée.......les livres sont là comme les églises et ça doit vouloir dire quelque chose, non ? " Et l'ambiguïté des auteurs créateurs. Le sommeil perdu est aussi objet de réflexion : " Où va le sommeil lorsqu'il nous fuit ? " Est-ce un conte, mélange de vie quotidienne, patisseries, jus d'oranges sanguines de Sicile, café. Le temps passe, des femmes et des hommes habitent une ville dont l'auteur nous instruit ( ? ) aussi sur la naissance. Bon livre. La romancière, Amanda Sthers voudrait que son livre soit lu et abandonné comme un café, au café Nube. Née en 1978, son 12è roman, films et pièces de théâtre, fut l'épouse de Patrick Bruel. Bonne lecture de Caffè sospeso.