lundi 17 août 2020

Le Complot contre l'Amérique Philip Roth ( Roman Etats Unis )

 

                                      Le Complot
                                                         contre l'Amérique

            Autofiction -  L'impressionnant roman de Philip Roth paru en 2004 peut très bien se lire dans l'actualité, féroce avec les élections américaines. Phil a 7 ans et c'est à travers ses yeux, son esprit et son cœur d'enfant que l'histoire nous est racontée. 1940 - Né dans une famille juive, dans un quartier de Newark, une rue où pratiquement tous ont la même religion, sont d'un niveau social moyen. Son père Herman travaille dans une société d'assurances, gagne 50 $ par semaine, sa mère Bess veille sur Sandy son frère aîné habile dessinateur et lui. Puis un neveu de Herman est amené à vivre avec eux, ayant perdu ses parents, il a 18 ans. 1940 - La guerre est déclarée en Europe et désireux de participer aux batailles qui s'annoncent le jeune homme part au Canada et s'engage, les Etats Unis n'étant pas encore  dans le conflit. Il revient rapidement gravement blessé prend des décisions pas du tout dans l'esprit de la famille et des brouilles, des disputes suivent. Alvin s'éloigne de la famille.
            A ces pages qui nous font vivre la vie américaine des années 40, où le téléphone est encore un luxe dispendieux sous la présidence du Président Roosevelt qui termine son deuxième mandat et compte se représenter pour la troisième fois, Roth imagine que Lindbergh célèbre ces dernières années d'abord pour l'enlèvement de son premier enfant, puis pour avoir été le premier aviateur à traverser l'Atlantique en solitaire, ce que deviendrait la société américaine si ce même Lindbergh, luthérien  profondément antisémite, profondément nationaliste, admirateur du gouvernement allemand qui vient d'attaquer plusieurs pays en Europe, se présente aux élections contre le président Roosevelt, et qu'il gagne. Ce qui arrive dans le livre. Lindbergh  lance " America First ", mouvement dissous quelques mois plus tard.           
              Et la peur s'installe dans la communauté juive, car la nouvelle présidence instaure des lois qui obligent les familles à quitter les villes où elles sont bien installées, familles ayant fui les pogroms des pays de l'est, et autres, qui travaillent simplement, pour habiter dans des comtés peu peuplés, tel Herman et les siens sommés de s'installer dans le Kentucky où la population clairsemée ne lui permettrait pas de placer ses assurances et donc de faire vivre sa famille. Alors Lindbergh augmenterait la pression provoquant des scissions dans les foyers, invitant certain rabbin, fier de cette faveur, lors d'un gala en l'honneur du ministre des affaires étrangères allemand. Fiction et faits divers réels habilement mêlés. Le lecteur suit la vie quotidienne de ces femmes et de ces hommes, de Phil qui observe, joue, présente de faux mots d'excuse pour entrer au cinéma et voir les actualités de cette Europe bombardée. Mais ceci n'est qu'une part du roman, car l'enfant qui joue, se dispute, désobéit, apprend la vie d'adulte, Tout paraît vrai. Les repas enveloppés de l'écolier ( sandwich ) les discussions politiques. Dans un post-scriptum l'auteur donne " La chronologie véritable des principaux personnages" Ainsi de Henry Ford, Roosevelt et son épouse, Lindbergh dont il présente le discours que celui-ci fit à Des Moines pour América First, mouvement rapidement avorté, Baruch, etc. L'un des romans clés de Philip Roth où il raconte son enfance, son père et l'Amérique

            




samedi 15 août 2020

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 126 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

Les stratégies de l'hypocrite | Cerveau & Psycho


                                                                                                                   1er Octobre 1664

            Levé et au bureau avant et après-midi, très affairé et trouvant grand plaisir.
            Ce matin, Mrs Lane, aujourd'hui Martin, vint comme une sotte à la taverne du Fer à Cheval, près d'ici et m'envoya quérir tandis que j'étais au bureau, afin que je vinsse lui parler, avec un billet cacheté. Je sais, c'était pour obtenir quelque chose de moi pour son mari. Je lui fis répondre que je la verrais à Westminster et donc n'y allai point, et elle repartit, la pauvre femme.
            Rentré souper le soir, fort las et les yeux irrités à force d'écrire et de lire et, au lit.
            Nous poursuivons maintenant, avec grande vigueur, nos préparatifs contre les Hollandais qui, dit-on, vont certainement nous attaquer après avoir appris comme nous les avons bien rossés en Guinée.


                                                                                                                           2 octobre
                                                                                                          Jour du Seigneur
            Ma femme n'étant pas assez bien pour aller à l'église, je partis à pied avec mon petit valet dans la Cité entrant dans plusieurs églises. Entre autres à Bishopsgate, où je vis l'image ordinairement mise au commencement du Livre du Roi accrochée au mur de l'église, mais fort mal peinte, quoique ce fût un joli tableau à mettre dans une église. J'avais l'intention de voir les Quakers qui, dit-on, se réunissent le jour du Seigneur à la taverne de la Bouche à Bishopsgate, mais je n'en vis pas un seul dehors, et il n'était point séant de demander l'endroit. Je traversai donc Maprfields et j'allai à l'église de Clerkenwell où, selon ce que je désirais, je m'assis au banc voisin de celui de la belle Mrs Butler qui, en vérité, est toujours d'une beauté parfaite. Et c'est une beauté que je suis très content d'avoir, moi, avoir su distinguer, la partie inférieure de son visage étant la plus belle que j'ai jamais vue de toute ma vie. Après l'office je m'en fus chez milady Sandwich, passant par les édifices nouvellement construits par milord Southampton dans les champs derrière Grey's Inn, et qui sont, à la vérité, tout à fait superbes.
            Je dînai donc avec milady, et conversation aussi innocente que de coutume, si ce n'est qu'après dîner, seul à seul, elle me demanda ce que je pensais de Creed, s'il voulait prendre femme ou non, et quelle était sa fortune, et proposa Mrs Wright, dont elle l'entendit un jour s'enquérir, dit-elle. Elle me pria de choisir le meilleur moment et la meilleure façon de proposer ce mariage, et j’acquiesçai, quoique je fusse persuadé qu'il n'aimerait que l'argent et, à ce qu'elle dit, il n'en fallait guère attendre de ce côté-là.
            Retourné à l'église de Clerkenwell, espérant apercevoir derechef la belle Butler, mais sans succès. Et donc, après l'église, revins à travers champs jusque chez moi, où ma femme se mit en colère contre moi parce que je n'étais pas rentré à la maison pour courir après des beautés, me dit-elle sans détours, Je fis la paix, et puis souper.
            Ce soir, Mrs Lane - Martin, et son mari vinrent solliciter mon aide pour lui trouver une place, à lui. Il paraît que ce pauvre Mr Daniel, du bureau des subsistances est mort. C'est une trop bonne place pour que ce blanc-bec y succède, mais je lui offris les plus belles paroles que je pus et, après avoir bu un verre de vin, les renvoyai, mais avec beaucoup de bonté. Puis souper, prières et, au lit.


                                                                                                               3 octobre

            Levé, en voiture avec sir John Mennes jusqu'à St James où il n'est bruit, désormais, que de préparatifs fiévreux contre les Hollandais, et comme j'étais avec le Duc, il nous dit qu'il était résolu à prendre la mer et que sir William Penn partirait à bord du même navire que lui, un honneur, Dieu me pardonne ! que je ne lui verrais accorder que de mauvaise grâce, à cause de sa fourberie et de sa dissimulation, quoique je n'envie guère de prendre la place moi-même. 
            On parle aussi d'armer une seconde flotte et de construire d'autres navires en toute hâte. Et maintenant, il est probable qu'à force de lanterner, nous nous somme mis réciproquement au point de ne plus pouvoir reculer.
            Puis, la tête toute remplie de ces affaires, nous levâmes la séance. Allé chez mon barbier où je ne vis que Jane, à qui je caressai le menton, et rendu à la Bourse où demeurai longtemps à cause de plusieurs affaires dont j'espère tirer de l'argent. 
            Rentré dîner à la maison où je trouvai Hawley. Mais, rencontrant la femme de Bagwell au bureau avant de rentrer chez moi, je la fis entrer dans le bureau et je l'embrassai seulement. Elle me gourmanda pour cela, me disant que si j'en faisais autant à beaucoup d'autres cela ternirait ma réputation. Mais je ne vois pas qu'elle le prenne si mal, quoique je la croie, en somme, fort honnête femme. Après donc quelques mots aimables, nous prîmes congé et je rentrai dîner, et après descendis à Deptford où je trouvai Mr Coventry et où nous fîmes une expérience avec du cordage de Hollande et du nôtre, et le notre se montra très supérieur. Nous restâmes tard. Revenus ensemble par le fleuve, et j'allai à mon bureau, demeuré tard à mettre des choses en bon ordre. 
            Mr Bland vint me voir ce soir pour prendre congé puisqu'il part pour Tanger où je lui souhaite plein de succès.
            A la maison, souper et, au lit. L'esprit chagrin d'avoir tant d'affaires à traiter que je ne puis m'y appliquer comme je devrais et en tirer de l'argent, et plus encore de les avoir négligées en me montrant et en paraissant plus occupé en public que n'aurais dû ces derniers temps parmi toutes ces affaires pressantes. Mais il est encore temps de réparer cela et, avec l'aide de Dieu, j'y pourvoirai.


                                                                                                                         4 octobre

            Levé et au bureau, réunion toute la matinée. Et ce matin sir William Penn s'en fut à Chatham examiner les navires prêts à prendre la mer, en particulier celui où le Duc et lui vont embarquer. Il emmène avec lui George Ascue qu'il a introduit, à ce que je crois. 
            A midi à la Bourse, puis à la maison. Je trouve ma tante James et les deux dames Joyce. Elles dînèrent fort gaiement avec nous, et ensuite au Théâtre pour voir Le Général qui est une pièce si ennuyeuse et si mal jouée que je crois bien que c'est la pire que j'aie de ma vie vue ou entendue. J'étais par hasard assis à côté de sir Charles Sedley, homme que je trouve fort spirituel qui à chaque vers remarqua la sottise du poète et le défaut de l'action, de la façon la plus pertinente, ce dont je fus charmé, entre autres quand sur l'ordre d'Altemira, Clarimont le Général doit aller secourir son rival qu'elle aimait, Lucidor, et qu'après maintes tergiversations il s'exclame : 
            " - Je sauve mon rival afin qu'elle concède
                 Que je mérite, moi, ce qu'au plus il possède. "
             - Ah çà ! Peste ! dit sir Charles, que voudrait-il qu'il ait de plus ? Et que peut-on obtenir de plus d'une femme que de la posséder ?
            Après les avoir toutes déposées chez elles, rentré à la maison avec ma femme et Mrs Mercer, fâché d'avoir perdu mon temps et plus de 20 shillings et d'avoir négligé mon travail pour voir une si méchante pièce. On nous a dit que demain ou après-demain on donnera une nouvelle pièce, Le Rêve du Pasteur, jouée entièrement par des femmes.
            Retour au bureau où je travaillai, puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                             5 octobre 1664

            Levé de bonne heure et à mon bureau. Allé en voiture au nouveau Bridewell voir Mr Poyntz et discuter avec lui ( il dirige l'asile des pauvres ) de la confection pour nous d'étamine à pavillons, mais il n'y était pas. Toutefois son commis me fit visiter l'ensemble des salles. Je vis avec grand plaisir tous les jolis ouvrages et les petits enfants au travail, chacun ayant sa tâche. Ce qui était fort beau à voir et digne d'encouragement. Je leur jetai une pièce d'une couronne et m'en fus à la Bourse et chez les toiliers en gros pour m'enquérir de calicots et voir ce que l'on en peut faire pour palier notre manque d'étamine à pavillons. Et je crois que je ferai là quelque chose d'avantageux pour le roi. Puis allé au café où entre en conversation avec le secrétaire des " virtuosi " de Gresham College et nous eûmes une fort belle conversation. Il me dit qu'un instrument nouvellement inventé sera tantôt essayé devant le Collège, et je compte le voir. Puis à Trinity House où je dînai en compagnie de ces vieux barbons ennuyeux, puis à la maison et un moment à mon bureau. Mr Cocker vint me voir, je causai avec lui de son écriture et de l'excellence de sa vue, et je m'enquis de la façon de me procurer quelque loupe pour secourir mes yeux à la clarté d'une chandelle. Il me dit qu'il m'apportera dans un jour ou deux les aides dont il dispose et qu'il me montrera ce qu'il fait.
            Allé à la séance de musique derrière la pose, où je me suis déjà rendu une fois. Et voilà qu'arrivent tantôt Gresham College au complet, et grand concours de noble compagnie. On apporta le nouvel instrument, une viole à arc pourvue de cordes de luth, dont on joue à l'aide d'un clavier comme d'un orgue et dans lequel un morceau de parchemin reste en mouvement constant. Les cordes appuyées là-contre par les touches sont raclées par le parchemin comme par un archet, et tout cela est censé ressembler à plusieurs violes touchées par le même archet, mais avec un son si grossier et si rude, que cela ne saurait convenir. Et au bout de trois heures on ne pouvait plus le tenir accordé. Ils furent dont trop heureux d'aller entendre quelque autre musique d'instruments, dont je suis tout à fait dégoûté. Et donc après une bonne conversation avec Messrs Spong, Hill, Grant, le docteur Whistler et d'autres, tout à tour, je retournai à mon bureau, où je demeurai tard, puis à la maison où, à ce que j'entends, ma femme a parlé à Jane et aplani leurs différends, si bien qu'elle reste chez nous. Ce dont je suis bien aise car son seul défaut est d'être endormie et étourdie, et est, par ailleurs une servante d'un bon naturel, tranquille, de bonne volonté, honnête, qui fait ce qu'on lui dit pour peu qu'on le lui commande et qu'on y veille.
            Ce matin, à 3 heures, le prince en compagnie du roi et du Duc, descendit le fleuve. Et le prince mit à la voile à la marée suivante et est donc sorti du Hope. Dieu lui accorde meilleur succès qu'il n'eut jadis                          
 .agoravox.frHypocrisie, incohérence et fanatisme - AgoraVox le média citoyen                  ùanoneupratmaxsité.com  L'hypocrisie est un vice à la mode“
            Aujourd'hui, Mr Bland est parti en voyage pour Tanger.
            Aujourd'hui encore, j'ai reçu une lettre d'une écriture inconnue qui m’informe que Jack Angier, à ce que croit son auteur, et mort à Lisbonne.


                                                                                                                    6 octobre

            Levé et au bureau occupé toute la matinée. Entre autres à cette affaire de pavillons et ma fourniture de calicots pour faire pièce à Young et à Whistler. A midi, comme convenu, Mr Pearse, et sa femme et Madame Clerke vintrent dîner avec moi, d'une excellente échine de boeuf, et passèrent l'après -midi fort agréablement, tout l'après-midi. Le soir à mon bureau, après qu'ils furent partis, et tard au travail, et puis à la maison, souper et, au lit. Mon esprit se ressaisissant dans la poursuite de mon travail.


                                                                                                                    7 octobre

            Resté au lit un bon moment, d'assez mauvaise humeur, au point d'échanger des paroles désagréables avec ma femme, et même quelques horions, parce que nos plats étaient mal servis hier, mais tout finit par une réconciliation. Puis je me levai et à mon bureau, affairé toute la matinée. A midi dînai à la maison, puis retour à mon bureau. Sorti ensuite chercher des calicots pour confectionner des pavillons, et j'espère gagner un petit profit pour mes efforts tout en épargnant au roi de grandes dépenses.
            Rentré à la maison et à mon bureau où Mr Cocker m'apporta une boule de verre et un cadre de papier huilé, comme je l'en avais prié, afin de me montrer comment il s'y prenait pour obtenir la lumière qu'il lui fallait pour graver et en diminuer l'éblouissement à volonté à l'aide d'un papier huilé. Je le lui achetai au prix d'une couronne. Il partit fort satisfait, et je me remis à mon travail, puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                         8 octobre

            Toute la matinée au bureau et, après dîner, sorti. Entre autres passé marché avec un certain Mr Bridges à l'Ours blanc, à Cornhill, pour cent pièces de calicot à faire des pavillons. Et, de même que je sais que j'épargne l'argent du roi, j'espère en gagner un peu moi-même pour ma peine et l'avance de mon argent.
            Travailler tard dans la soirée, puis arrive le capitaine Taylor, et discutons jusqu'à minuit sur la cargaison de son navire l'Eagle que je louai naguère pour Tanger. Nous conclûmes enfin et j'espère gagner un peu d'argent, une bagatelle.
            A la maison et, au lit. Las et souffrant du froid mais satisfait d'avoir conclu cette affaire.


                                                                                                                          9 octobre
                                                                                                        Jour du Seigneur
            Resté assez longtemps au lit. Levé assez tôt toutefois avec ma femme pour aller à l'église. Puis rentré dîner, et Mr Fuller, mon camarade de Cambridge, pour la même affaire que dernièrement, pour faire débarquer un marinier, me dit qu'il devait prêcher à l'église de Barking. Allé donc l'écouter, et il prêcha fort élégamment. De là, comme il était encore temps, allé à notre église où resté discrètement sous le porche à lorgner une jolie dame et la suivre de l'église jusque chez elle. Elle regagna une maison proche de la Tour, et je crois bien que c'est une des plus jolies femmes que j'aie jamais vues. 
            Rentré à la maison et un moment affairé à mon bureau, puis chez mon oncle Wight où, il parait, que ma femme est allée et a soupé. Mais ma tante et mon oncle de fort méchante humeur l'un contre l'autre. Je parvins à grand-peine à les empêcher de se quereller. Après souper à la maison et, au lit. Sans prières, car il fait froid et c'est demain jour de lessive. 


                                                                                                                   10 octobre 

            Levé et, comme il fait pluvieux, dans le carrosse de sir William Penn à St James où, comme à l'accoutumée, nous traitons nos affaires avec le Duc. Et il se découvre chaque jour davantage de préparatifs contre la Hollande. Et, ce qui, je dois l'avouer excite quelque peu mon envie, le crédit de sir William Penn auprès du Duc croît de jour en en jour, en raison de ce qu'il servit naguère dans la guerre contre la Hollande. Mais je suis certain que c'est à cause de quelque grande obligation qu'a Mr Coventry envers lui, car ce dernier doit bien savoir que c'est un homme de peu d'esprit, qui n'est qu'un marin de métier.
            En rentrant en carrosse avec sir William Batten il me conta comment sir John Mennes, par les bons soins de sir Richard Ford, fut hier soir amené chez lui et lui révéla la raison de sa si longue fâcherie avec lui, et les voilà maintenant réconciliés, ce dont je suis marri. Mais il me le conta si rondement que je vois bien qu'il n'y a pas de véritable entente entre eux, ni d'amitié. J'espère donc qu'il n'y aura pas de grande alliance pour quoi que ce soit, ni ne vois-je que sir John ne soit rassoté comme il l'était. Mais sir William Batten continue d'invectiver contre Mr Turner et contre sa femme. Il me dit que c'est un fourbe et sa femme une hypocrite qui a des dents gâtées et en met de fausses tenues par du fil de métal. Et comme je sais que c'est bien ce qu'ils sont, je suis bien aise qu'il s'en soit avisé.
            Au café, puis à la Bourse où, avec sir William Warren au café derrière la Bourse et resté là seul avec lui jusqu'à 4 heures à causer. D'abord de ses affaires, puis des affaires en général. Et nous devisons de la façon dont je pourrais gagner de l'argent et comment me comporter à mon avantage, de façon à ne point exciter l'envie et pourtant montrer au monde les peines que je prends, ce qui me remplit de contentement et j'aurai sûrement en lui un ami serviable, ce pourquoi je rends grâce à Dieu.
            Rentré dîner à 4 heures puis au bureau resté tard, et à la maison, souper et, au lit. Après avoir veillé jusqu'à minuit passé à vérifier les comptes des donations pour les Pêcheries, et de voir la négligence et le laisser-aller avec lesquels les sommes ainsi rassemblées sont dépensées, cela ôterait à quiconque le goût de jamais débourser un sou de cette manière. Et surtout l'incommodité d'avoir un grand seigneur, aussi pieux qu'il paraisse, comme milord Pembroke. Il est trop grand pour qu'on lui demande des comptes, et il est trompé par ses serviteurs, pourtant forcé de les défendre pour son propre honneur.
            Aujourd'hui, avec la bénédiction de Dieu, ma femme et moi sommes mariés depuis neuf ans, mais ayant la tête pleine de mes affaires je n'y ai point pensé, pour célébrer cela d'aucune façon extraordinaire. Mais Dieu soit béni de nous avoir longtemps fait vivre ensemble, nous aimer et demeurer en bonne santé, Et Dieu nous donne que tout cela dure encore longtemps, je le souhaite de tout cœur.


                                                                                                                     11 octobre

            Levé et au bureau réunion toute la matinée. Ma femme, ce matin, alla, sur son invitation, chez milady Sandwich et je restai seul à dîner chez moi jusqu'à ce que tantôt arrive Llewellyn pour dîner avec moi. Il me dit combien ce Mariage du pasteur, qui n'est joué que par des femmes au Théâtre du roi, est une pièce paillarde et déshonnête, et j'en suis bien aise.
            Allé aux Pêcheries, dans Thames Street, où entendu plusieurs bons discours sur l’affermage des loteries et, parmi d'autres, un certain Thomas Clifford que je ne connais pas encore et qui parle fort bien et élégamment.
            Puis allé chez mon cousin Will Joyce pour le persuader de m'accompagner à Brampton cette semaine. Mais je crois qu'il ne viendra pas, et je n'en suis pas fâché le moins du monde, car sa compagnie me serait à la fois coûteuse et importune.
            A la maison et à mon bureau. Puis souper et encore à mon bureau jusque très tard et à la maison la tête et le cœur tout pleins de mes affaires et, au lit.
            Ma femme me donne la triste nouvelle que milady Castlemaine a maintenant tant vieilli qu'on ne la saurait plus reconnaître. A tout le moins, loin d'être une beauté, et j'en suis fâché. 
            Aujourd'hui le capitaine Titus nous conta fort joyeusement les détails de l'expédition française contre Djidjelli, sur la côte de Barbarie, en Méditerranée avec 6 000 hommes choisis. Ils ont pris le fort de Djidjelli où il y avait 5 hommes et 3 canons, ce qui fait matière à raillerie de tout ce que l'on dit de l’habileté et de la puissance du roi de France.


                                                                                                                   12 octobre

            Ce matin, toute la matinée à mon bureau, préparé tout pour mon voyage de demain. A midi au café, très bonne conversation.
            Pour les nouvelles, tout le monde dit que Ruyter est parti avant nous pour la Guinée. Sir John Lawson est arrivé à Portsmouth, et notre flotte fait voile en toute hâte, je veux dire cette nouvelle flotte. Le prince Rupert est dans les Downs avec la sienne.
            A la maison, dînèrent avec moi William Joyce et l'un de ses amis. William Joyce ira avec moi à Brampton. Après sorti voir Mr Bridges, le toilier, et réglé mes comptes avec lui pour 100 pièces de calicot. Je lui donnai 208 £ et 18 shillings, pour lesquels je fais crédit au roi, mais j'espère à la fin épargner l'argent du roi et de plus gagner un peu.
            Allé par le fleuve visiter tous les chantiers de marchands de bois pour trouver du bois de Drammen, mais je n'en trouve point qui fasse notre affaire à un prix qui me convienne et donc rentré à la maison où je reste tard à travailler en prévision de mon voyage, afin de me débarrasser de toutes mes tâches pour deux jours.                                7 signes qu'un ami est un faux ami: reconnaître les amis sincèreshommesdinfluence.com     
            A la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                    13 octobre

            Après avoir passé toute la matinée au bureau, rentré dîner. Puis, prenant congé de ma femme, l'esprit très inquiet de savoir comment elle prendrait soin d'elle ou de la maison en mon absence, d'autant plus que je laissais une somme d'argent considérable dans mon bureau, me rendis en voiture au Lion Rouge, dans Aldersgate Street où, comme convenu, je retrouvai William Joyce et Tom Trice, et nous montâmes à cheval, moi sur une fort belle jument, présent de sir William Warren. On chevaucha très gaiement jusqu'à ce qu'il fit très sombre, moi en tête dans l'obscurité jusqu’à  Welwyn où, sans être très fatigués, souper et, au lit, mais fort mal logés à l'auberge du Cygne.
            En voyageant ce jour, je rencontrai Mr White, qui fut chapelain de Cromwell, et je causai longuement avec lui. Entre autres, il me dit que Richard est en France, et depuis longtemps, et qu'il part maintenant pour l'Italie. Il reconnaît publiquement qu'il est en correspondance avec lui et qu'il lui renvoie tout son argent. Que Richard a été dans la gêne au début, mais secouru par ses amis.. Qu'il porte un autre nom mais ne se déguise pas, ne refuse pas de dire qui il est quand on l'en somme. Il me dit, comme d'une chose certaine, qu'on avait fait des offres à son père de mariage entre le roi et sa fille pour l'obliger, mais qu'il ne l'avait point voulu. Il pense comme moi que Cromwell ne fut jamais en mesure de ramener le roi avec le consentement d'aucun des officiers qui l'entouraient. Et qu'il dédaigna de le ramener comme fit Monck pour se sauver en livrant tous les autres
            Quand je lui contai ce que j'avais lu dans un livre français d'un certain Monsieur Sorbière, qui rend compte de ce qu'il a observé ici, en Angleterre. Il dit, entre autres, que l'on raconte que, de son vivant, Cromwell fit déplacer un grand nombre des corps des rois d'Angleterre, d'un tombeau à un autre, et que de cette façon l'on ne sait pas à coup sûr si la tête aujourd'hui fichée sur un poteau est celle de Cromwell ou celle d'un des rois. Mr White me dit qu'il croit n'avoir jamais eu à se soucier de pensée si misérable. Il dit que la main de Dieu est partout visible, que tous ses enfants sont passablement pourvus et que ceux de leurs parents qui ont trahi la famille sont tous aujourd'hui pendus ou dans l'affliction.


                                                                                                                         14 octobre 1664

            Levé au point du jour et arrivé vers 3 heures à Brampton où mon père et ma mère transportés de joie de me voir, ma mère prête à pleurer chaque fois qu'elle me regardait. Après dîner, mon père et moi au tribunal où nos affaires réglées à mon gré, comme je l'ai mis par écrit sur un papier qui rend compte en détail de notre action devant ce tribunal. Rentrés à la maison où William Joyce tout plein de babil et ravi de son voyage. Et après souper j'allai au lit, et les laissai à rire, mon père, ma mère et lui.


                                                                                                                   15 octobre

            Mon père et moi levés et partis seuls nous promener à Hinhingbrooke. Et parmi les autres travaux récents et dispendieux faits là par milord, nous vîmes ses jeux d'eaux et les ora ( nte de l'éd. sans doute descentes de gouttières ), ce qui est fort beau, de même que toute la maison. Mais cela me chagrine de penser à l'argent dépensé là, en ce moment. 
            Retour chez mon père, Mr Shipley étant absent, où nous déjeunons après en avoir fini avec les affaires de Barton. Puis ma mère m'appela dans le jardin où, sans succès, elle me pria de me réconcilier avec John. Je lui dis que je ne le puis ni ne le ferai de bonne grâce. Ce qui afflige la pauvre femme, mais je n'y peux rien. 
            Après quoi, prenant congé, William Joyce et moi partîmes prenant Tom Trice à Bugden et nous arrivâmes à la nuit à Stevenage où, fort joyeux, quoique je fusse au lit plus las que les deux autres jours, ce qui venait, je crois, de ce que nous avions tant galopé, ma fatigue précédente étant presque passée. Mais je vois qu'une peau de lapin dans mon haut-de-chausse me préserve à la perfection de l'échauffement, et que de manger une fois arrivés à l'auberge, sans boire, m'empêche d'avoir la nausée, alors que de boire me la donne sur-le-champ.
            Nous nous étendîmes tous dans des lits séparés dans la même chambre, et William Joyce, tout plein de ses malices et de son babil impertinents nous mirent en joie, comme aurait fait n'importe quel autre sot. Puis, on dort.


                                                               à suivre..............

                                                                                                                              16 octobre 1664

            Nous repartîmes sous.........

























































            












dimanche 9 août 2020

Regrets sur ma vieille robe de chambre Denis Diderot ( Nouvelle France )

 panorama  del'art.com  

DRÔLES DE DAMES : Mode homme, femme et up-cyclée...La Joueuse d ...



 


  



                             Regrets sur ma vieille robe de chambre

                          Avis à ceux qui ont plus de goût que de fortune

            Pourquoi ne l'avoir pas gardée ? Elle était faite à moi ; j'étais fait à elle. Elle moulait tous les plis de mon corps sans les gêner ; j'étais pittoresque et beau. L'autre, raide, empesée, me mannequine. Il n'y avait aucun besoin auquel sa complaisance ne se prêtât ; car l'indigence est presque toujours officieuse. Un livre était-il couvert de poussière, un de ses pans s'offrait à l'essuyer. L'encre épaissie refusait-elle de couler de ma plume, elle présentait le flanc. On y voyait tracées en longues raies noires les fréquents services qu'elle m'avait rendus. Ces longues raies annonçaient le littérateur, l'écrivain, l'homme qui travaille. A présent, j'ai l'air d'un riche fainéant ; on ne sait qui je suis.
            Sous son abri, je ne redoutais ni la maladresse d'un valet, ni la mienne, ni les éclats du feu, ni la chute de l'eau. J'étais le maître absolu de ma vieille robe de chambre ; je suis devenu l'esclave de la nouvelle.
            Le dragon qui surveillait la toison d'or ne fut pas plus inquiet que moi. Le souci m'enveloppe.
            Le vieillard passionné qui s'est livré, pieds et poings liés, aux caprices, à la merci d'une jeune folle, dit depuis le matin jusqu'au soir :
            " - Où est ma bonne, ma vieille gouvernante ? Quel démon m'obsédait le jour que je la chassai pour celle-ci ! " 
            Puis il pleure, il soupire.
            Je ne pleure pas, je ne soupire pas ; mais à chaque instant je dis :
            " - Maudit soit celui qui inventa l'art de donner du prix à l'étoffe comme en la teignant en écarlate ! Maudit soit le précieux vêtement que je révère ! Où est mon ancien, mon humble, mon commode lambeau de calmande ? "                                                                                     
            Mes amis, gardez vos vieux amis. Mes amis, craignez l'atteinte de la richesse. Que mon exemple vous instruise. La pauvreté a ses franchises ; l'opulence a sa gêne. 
            O Diogène ! si tu voyais ton disciple sous le fastueux manteau d'Aristippe, comme tu rirais ! O Aristippe, ce manteau fastueux fut payé par bien des bassesses. Quelle comparaison de ta vie molle, rampante, efféminée, et de la vie libre et ferme du cynique déguenillé ! J'ai quitté le tonneau où je régnais, pour servir sous un tyran.
            Ce n'est pas tout, mon ami. Ecoutez les ravages du luxe, les suites d'un luxe conséquent.
            Ma vieille robe de chambre était une avec les autres guenilles qui m'environnaient. Une chaise de paille, une table de bois, une tapisserie de Bergame, une planche de sapin qui soutenait quelques livres, quelques estampes enfumées, sans bordure, clouées par les angles sur cette tapisserie ; entre ces estampes trois ou quatre plâtres suspendus formaient avec ma vieille robe de chambre l'indigence la plus harmonieuse.
            Tout est désaccordé. Plus d'ensemble, plus d'unité, plus de beauté.
            Une nouvelle gouvernante stérile qui succède dans un presbytère, la femme qui entre dans la maison d'un veuf, le ministre qui remplace un ministre disgracié, le prélat moliniste qui s'empare du diocèse d'un prélat janséniste, ne causent pas plus de trouble que l'écarlate intruse en a causé chez moi.

            Je puis supporter sans dégoût la vue d'une paysanne. Ce morceau de toile grossière qui couvre sa tête ; cette chevelure qui tombe éparse sur ses joues, ces haillons troués qui la vêtissent à demi ; ce mauvais cotillon court qui ne va qu'à la moitié de ses jambes ; ces pieds nus et couverts de fange ne peuvent me blesser : c'est l'image d'un état que je respecte ; c'est l'ensemble des disgrâces d'une
condition nécessaire et malheureuse que je plains. Mais mon cœur se soulève ; et, malgré l'atmosphère parfumée qui la suit, j'éloigne mes pas, je détourne mes regards de cette courtisane dont la coiffure à points d'Angleterre, et les manchettes déchirées, les bas de soie sales et la chaussure usée, me montrent la misère du jour associée à l'opulence de la veille. 
             Tel eût été mon domicile, si l'impérieuse écarlate n'eût tout mis à son unisson.
*
             J'ai vu la Bergame céder la muraille, à laquelle elle était depuis si longtemps attachée, à la tenture de damas.
            Deux estampes qui n'étaient pas sans mérite : La chute de la manne dans le désert du Poussin, et l'Esther devant Assuérus du même ; l'une honteusement chassée par un vieillard de Rubens, c'est la triste Esther ; La chute de la manne dissipée par une Tempête de Vernet.
            La chaise de paille reléguée dans l'antichambre par le fauteuil de maroquin.
            Homère, Virgile, Horace, Cicéron, soulager le faible sapin courbé sous leur masse, et se refermer dans une armoire marquetée, asile plus digne d'eux que de moi.
            Une grande glace s'emparer du manteau de ma cheminée.
            Ces deux jolis plâtres que je tenais de l'ami de Falconet, et qu'il avait réparés lui-même, déménagés par une Vénus accroupie. L'argile moderne brisée par le bronze antique
            La table de bois disputait encore le terrain, à l'abri d'une foule de brochures et de papiers entassés pêle-mêle, et qui semblaient devoir la dérober longtemps à l'injure qui la menaçait. Un jour elle subit son sort et, en dépit de ma paresse, les brochures et les papiers allèrent se ranger dans les serres d'un bureau précieux.
            Instinct funeste des convenances ! Tact délicat et ruineux, goût sublime qui change, qui déplace, qui édifie, qui renverse ; qui vide les coffres des pères ; qui laisse les filles sans dot, les fils sans éducation ; qui fait de belles choses et de si grands maux, toi qui substituas chez moi le fatal et précieux bureau à la table de bois ; c'est toi qui perds les nations ; c'est toi qui, peut-être, un jour, conduira mes effets sur le pont Saint-Michel, où l'on entendra la voix enrouée d'un juré crieur dire :
            " - A vingt louis une Vénus accroupie. "
            L'intervalle qui restait entre la tablette de ce bureau et la Tempête de Vernet, qui est au-dessus, faisait un vide désagréable à l’œil. Ce vide fut rempli par une pendule à la Geoffrin, une pendule où l'on contraste avec le bronze.
            Il y avait un angle vacant à côté de ma fenêtre. Cet angle demandait un secrétaire, qu'il obtint.
            Autre vide déplaisant entre la tablette du secrétaire et la belle tête de Rubens, il fut rempli par deux La Grenée.
            Ici c'est une Magdeleine du même artiste ; là, c'est une esquisse ou de Vien ou de Marchy ; car je donnai aussi dans les esquisses. Et ce fut ainsi que le réduit édifiant du philosophe se transforma dans le cabinet scandaleux du publicain. J'insulte aussi à la misère nationale.
            De ma médiocrité première, il n'est resté qu'un tapis de lisières. Ce tapis mesquin ne cadre guère avec mon luxe, je le sens. Mais j'ai juré et je jure, car les pieds de Denis le philosophe ne fouleront jamais un chef-d'oeuvre de la Savonnerie, que je réserverai ce tapis, comme le paysan transféré de sa chaumière dans le palais de son souverain réserva ses sabots. 

            Lorsque le matin, couvert de la somptueuse écarlate, j'entre dans mon cabinet, si je baisse la vue, j'aperçois mon ancien tapis de lisières ; il me rappelle mon premier état, et l'orgueil s'arrête à l'entrée de mon cœur.   
            Non, mon ami, non : je ne suis point corrompu. Ma porte s'ouvre toujours au besoin qui s'adresse à moi ; il me trouve la même affabilité. Je l'écoute, je le conseille, je le secours, je le plains. Mon âme ne s'est point endurcie ; ma tête ne s'est point relevée. Mon dos est bon et rond, comme ci-devant. C'est le même ton de franchise ; c'est la même sensibilité. Mon luxe est de fraîche date et le poison n'a point encore agi. Mais avec le temps qui sait ce qui peut arriver ? Qu'attendre de celui qui a oublié sa femme et sa fille, qui s'est endetté, qui a cessé d'être époux et père, et qui, au lieu de déposer au fond d'un coffre fidèle, une somme utile...                                                                                                                                                       Diogène le Cynique.                       
            Ah, saint prophète ! levez vos mains au ciel, priez pour un ami en péril, dites à Dieu : 
            " - Si tu vois dans tes décrets éternels que la richesse corrompe le cœur de Denis, n'épargne pas les chefs-d'oeuvre qu'il idolâtre; détruis-les et ramène-le à sa première pauvreté ; et moi je dirai au ciel de mon côté :
            " - Ô Dieu ! je me résigne à la prière du saint prophète et à ta volonté ! Je t'abandonne tout ; reprends tout ; oui, tout, excepté le Vernet ! Ce n'est pas l'artiste, c'est toi qui l'as fait. Respecte l'ouvrage de l'amitié et le tien. Vois ce phare, vois cette tour adjacente qui s'élève à droite ; vois ce vieil arbre que les vents ont déchiré. Que cette masse est belle ! Au-dessous de cette masse obscure, vois ces rochers couverts de verdure. C'est ainsi que ta main puissante les a tapissés. Vois cette terrasse inégale, qui descend du pied des rochers vers la mer. C'est l'image des dégradations que tu as permis au temps d'exercer sur les choses du monde les plus solides. Ton soleil l'aurait-il autrement éclairée ? Dieu ! si tu anéantis cet ouvrage de l'art, on dira que tu es un Dieu jaloux. Prends en pitié les malheureux épars sur cette rive. Ne te suffit-il pas de leur avoir montré le fond des abîmes ? Ne les as-tu sauvés que pour les perdre ? Ecoute la prière de celui qui te remercie. Aide les efforts de celui-là qui rassemble les tristes restes de sa fortune. Ferme l'oreille aux imprécations de ce furieux : hélas ! il se promettait des retours si avantageux ; il avait médité le repos et la retraite ; il en était à son dernier voyage. Cent fois dans la route, il avait calculé par ses doigts le fond de sa fortune ; il en avait arrangé l'emploi : et voilà toutes ses espérances trompées ; à peine lui reste-t-il de quoi couvrir ses membres nus. Sois touché de la tendresse de ces deux époux. Vois la terreur que tu as inspirée à cette femme. Elle te rend grâce du mal que tu ne lui as pas fait. Cependant, son enfant, trop jeune pour savoir à quel péril tu l'avais exposé, lui, son père et sa mère, s'occupe du fidèle compagnon de son voyage ; il rattache le collier de son chien. Fais grâce à l'innocent. Vois cette mère fraîchement échappée des eaux avec son époux ; ce n'est pas pour elle qu'elle a tremblé, c'est pour son enfant. Vois comme elle le serre contre son sein ; vois comme elle le baise. 
            Ô Dieu ! reconnais les eaux que tu as créées. Reconnais-les, et lorsque ton souffle les agit, et lorsque ta main les apaise. Reconnais les sombres nuages que tu avais rassemblés, et qu'il t'a plu de dissiper. Déjà ils se séparent, ils s'éloignent, déjà la lueur de l'astre du jour renaît sur la face des eaux ; je présage le calme à cet horizon rougeâtre. Qu'il est loin cet horizon ! il ne confine point avec la mer. Le ciel descend au-dessous et semble tourner autour du globe. Achève d'éclaircir ce ciel ; achève de rendre à la mer sa tranquillité. Permets à ces matelots de remettre à flot leur navire échoué ; seconde leur travail ; donne-leur des forces, et laisse-moi mon tableau. Laisse-le moi, comme la verge dont tu châtieras l'homme vain. Déjà ce n'est plus moi qu'on visite, qu'on vient entendre : c'est Vernet qu'on vient admirer chez moi. Le peintre a humilié le philosophe.
            Ô mon ami, le beau Vernet que je possède ! Le sujet est la fin d'une tempête sans catastrophe fâcheuse. Les flots sont encore agités ; le ciel couvert de nuages ; les matelots s'occupent sur leur navire échoué ; les habitant accourent des montagnes voisines. Que cet artiste a d'esprit ! Il ne lui a fallu qu'un petit nombre de figures principales pour rendre toutes les circonstances de l'instant qu'il a choisi. Comme toute cette scène est vraie ! comme tout est peint avec légèreté, facilité et vigueur ! Je veux garder ce témoignage de son amitié. Je veux que mon gendre le transmette à ses enfants, ses enfants aux leurs, et ceux-ci aux enfants qui naîtront d'eux.
            Si vous voyiez le bel ensemble de ce morceau ; comme tout y est harmonieux ; comme les effets s'y enchaînent ; comme tout se fait valoir sans effort et sans apprêt ; comme ces montagnes de la droite sont vaporeuses ; comme ces rochers et les édifices surimposés sont beaux ; comme cet arbre est pittoresque ; comme cette terrasse est éclairée ; comme la lumière s'y dégrade ; comme ces figures sont disposées, vraies, agissantes, naturelles, vivantes ; comme elles intéressent ; la force dont elles sont peintes ; la pureté dont elles sont dessinées ; comme elles se détachent du fond ; l'énorme étendue de cet espace ; la vérité de ces eaux ; ces nuées, ce ciel, cet horizon ! Ici le fond est privé de lumière et le devant éclairé au contraire du technique commun. Venez voir mon Vernet ; mais ne me l'ôtez pas.
            Avec le temps, les dettes s'acquitteront ; le remords s'apaisera ; et j'aurai une jouissance pure. Ne craignez pas que la fureur d'entasser de belles choses me prenne. Les amis que j'avais, je les ai ; et le nombre n'en est pas augmenté. J'ai Laïs, mais Laïs ne m'a pas. Heureux entre ses bras, je suis prêt à la céder à celui que j'aimerai et qu'elle rendrait plus heureux.
            Et,
                pour vous dire mon secret
                                                          à l'oreille
                cette Laïs,
                                qui se vend si cher aux autres, 
                 ne m'a rien coûté.

*  letelegramme.fr

                                                                Diderot



            

lundi 3 août 2020

Le chat la belette et le petit lapin La Fontaine ( Poème France

                     
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                           Le Chat la Belette et le petit Lapin

                Du palais d'un jeune lapin
                Dame belette, un beau matin,
                S'empara : c'est une rusée.
            Le maître étant absent, ce fut chose aisée
            Elle porta chez lui ses pénates, un jour
            Qu'il était allé faire à l'Aurore sa cour,
                  Parmi le thym et la rosée.
            Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours, 
            Janot Lapin retourne aux souterrains séjours. 
            La belette avait mis le nez à la fenêtre.
            " Ô Dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître?
            Dit l'animal chassé du paternel logis.
                  Holà ! Madame la Belette,
                  Que l'on déloge sans trompette,
             Ou je vais avertir tous les rats du pays."
             La dame au nez pointu répondit que la terre
                    Etait au premier occupant.
                    C'était un beau sujet de guerre    
             Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant !              
                     " Et quand ce serait un royaume,
               Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi                                   belette d'Europe, mammifere carnivore, mustélidé de petite taille - Instinct animal
                       En a pour toujours fait l'octroi
                A Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume
                        Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi. "
                 Jean Lapin allégua la coutume et l'usage
                 " Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
                  Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils,
                  L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
                  Le premier occupant, est-ce une loi plus sage ?
                          - Or bien, sans crier davantage, 
                   Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis. "
                   C'était un chat vivant comme un dévot ermite,
                           Un chat faisant la chattemite,
                    Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
                             Arbitre expert sur tous les cas.
                             Jean Lapin pour juge l'agrée.
                             Les voilà tous deux arrivés 
                             Devant sa majesté fourrée.
                      Grippeminaud leur dit : " Mes enfants, approchez,
                      Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause. "   
                  . "                    Fleurot Parker : twitterpinterest.fr
                      L'un et l'autre approcha, ne craignant nulle chose.
                      Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,
                               Grippeminaud le bon apôtre,
                       Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
                       Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.
                       Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois
                       Les petits souverains se rapportant aux rois.

                                
                                Jean de La Fontaine    





samedi 1 août 2020

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 125 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

Figure 3 - nº 26, 28 septembre 1901: “S.M. ÉDOUARD VII, Roi d’Angleterre, Empereur des Indes” que le caricaturiste — qui utilise ici à merveille la polysémie du mot “foudre” — appelle “Le Foudre de Guerre”


                                                                                                                              16 Septembre 1664

            Levé de bonne heure et à mon bureau, très occupé toute la matinée à mettre des papiers en ordre. Entre autres, Mr Gauden venant me voir j'eus une bonne occasion de lui parler de son présent, ce qui était pesant jusque-là de n'avoir pu faire, parce que je craignais qu'il ne me l'eût envoyé pour me tenter de prendre son parti dans l'affaire des subsistances de Tanger. Mais il m'assure que non et qu'il tient ma personne et ma conduite dans ces circonstances en haute estime. Je n'avais fait que ce qui était séant Et que ce présent était en reconnaissance des bons offices que je lui avais jadis rendus en réglant ses affaires, ce que je fus fort aise d'entendre. Et, le cœur en repos, et avec une grande joie, je le saluai et me remis à mon travail.
            A midi à la Bourse où, comme convenu, je rencontrai sir William Warren, et ensuite à la taverne du Soleil, où il m'apporta seul à seul 100 livres dans un sac, pour lesquelles je lui offris de lui donner un reçu,  mais il me dit que non pas, qu'elles m'appartenaient puisqu'il me les avait promises il y a peu, et qu'il était bien aise, comme je le lui avais dit deux jours auparavant, qu'elles me rendissent aujourd'hui service. Et il me les donna fort obligeamment, et moi tout aussi joyeusement, transporté même, je les ramenai chez moi dans un fiacre, lui-même ayant pris soin exprès que nul ne pût nous voir procéder, quoique j'eusse volontiers amené un domestique avec moi pour les recevoir, mais il me conseilla de le faire moi-même.
            Rentré donc avec cet argent et dîné. Sorti ensuite avec mon valet pour acheter diverses choses : des tabourets, des landiers, des bougeoirs, etc., des objets pour la maison. Allé chez le fabricant d'instruments mathématiques à Moorfields et acheté une grande paire de compas. Rencontré là Mr Pargiter qui voulut absolument me faire boire une chope de bière au raifort, que lui et un de ses amis tourmentés par la pierre ont pris l'habitude de boire. C'est ce que nous fîmes, après quoi nous nous promenâmes à travers champs presque jusqu'à la maison de sir George Whitemore, parlant tout le long du chemin de la Russie qui est, dit-il, un triste pays. Et, quoique Moscou soit une très grande ville, c'est à cause de la distance entre les maisons, et elle est peu peuplée comparée à Londres, et ce sont de pauvres masures, l'empereur lui-même vivant dans une maison de bois, tout l'exercice qu'il prend étant de lancer un faucon contre des pigeons et d'emporter des pigeons à quatre ou cinq lieues de là et ensuite de parier sur celui qui rejoindra le premier son pigeonnier. tout l'hiver enfermé chez soi, quelques'uns jouant aux échecs, mais la plupart buvant pour passer le temps. Les femmes sont là-bas tout à fait esclaves. Et il paraît qu'à la cour de l'Empereur aucune salle n'a plus de deux ou trois fenêtres, les plus grandes n'ayant pas trois pieds de large ni de haut, pour garder la chaleur en hiver. Et que le remède universel pour toutes les maladies est d'aller à leurs étuves. Quant aux pauvres, ils entrent dans leur four chauffé et s'y couchent. Peu de science en quoi que ce soit, personne qui parle latin, si ce n'est, peut-être le secrétaire d'Etat.
            Mr Pargiter et moi cheminâmes ensemble jusqu'à la Bourse où nous nous séparâmes.
            Allé acheter encore d'autres choses, puis rentré à la maison et, après un moment, à mon bureau, chez moi, souper et, au lit.                   pinterest.fr  Les 25 meilleures images de vie au 17 ème | Peinture, Peintre ...
            < Aujourd'hui le vieux Hardwicke est venu dégager une montre qu'il m'avait donnée en gage pour 40 shillings il y a sept ans. Je la lui ai laissée. >
            On dit partout que les Hollandais vont certainement prendre la mer cette semaine et mettre le cap droit sur la Guinée, convoyés dans la Manche par une flotte de 42 voiles.


                                                                                                                       17 septembre

            Levé et au bureau où Mr Coventry, très irrité de voir les choses aller si mollement. Et je dois dire que cela me fait craindre chaque jour qu'il n'y ait quelque changement au bureau. Et, à la vérité, je suis ces derniers temps un peu coupable moi-même de négligence, en comparaison de naguère. Mais j'espère revenir au point où j'en étais alors, ma famille étant de nouveau bien établie.
            Dîné à la maison, et au bureau où resté tard à mettre de l'ordre dans toutes mes affaires, et j'eus un après-midi de travail bien rempli et fort satisfaisant.
            Aujourd'hui ma tante Wight a envoyé une nouvelle écharpe à ma femme, avec ses compliments pour les maintes obligations qu'elle a envers elle. C'est-à-dire les diverses choses que nous lui avons envoyées. Je n'en suis pas mécontent, car je vois que mon oncle est si coiffé de la famille Wight que je n'espère guère plus de ce côté. Puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                 18 septembre
                                                                                                Jour du Seigneur
            Levés et à l'église, tous. A midi arrivent Anthony et William Joyce, leurs femmes étant à la campagne chez mon père, ils dînèrent avec moi, aussi joyeux que je puis l'être en telle compagnie. Après dîner me promenai jusqu'à Westminster, en les fatigant en chemin, de telle sorte que je les laissai, Anthony à Cheapside et l'autre dans le Strand. Je passai tout l'après-midi dans le cloître, comme convenu avec Jane Welsh, mais elle ne vint pas, ce dont je fus fâché, et repartis en voiture pour l'ancienne Bourse, et de là chez ma tante Wight, et je les invitai, elle et mon oncle, à souper. Puis à la maison, et tantôt ils arrivèrent pour manger une excellente bourriche d'huîtres que Mr Povey m'envoya  ce matin, et nous soupâmes fort gaiement. Et puis prières et, au lit.
            Hier soir, il semble que ma tante Wight envoya à ma femme une nouvelle écharpe, galonnée, en reconnaissance de tout ce qu'elle lui a donné. Il est vrai que de temps en temps nous leur faisons présent de bagatelles, comme des oranges, etc. Mais je vise à obtenir un peu plus que cela de la faveur de mon oncle.


                                                                                                                        19 septembre
 
            Levés, ma femme et moi avons une petite querelle déjà à propos de sa dame de compagnie, car elle trouve que je prends trop soin d'elle en lui rappelant de lui servir la viande, mais c'est vite passé. 
            Donc c'est vite passé et, en compagnie de sir William Batten et de sir William Penn à St James où nous traitâmes nos affaires avec le Duc, puis reparti tout droit à mon domicile, m'arrêtant au café, où excellente conversation avec sir Blunt et le Dr Whistler sur l'Egypte et d'autres choses. Rentré dîner, ma femme a mis aujourd'hui son nouveau costume d'hiver en moire, fort beau. 
            Après dîner je lui donnai 15 £ à dépenser en linge et en articles indispensables pour la maison et pour acheter un costume à Pall. Quant à moi, allai à Whitehall pour la commission de Tanger où le colonel Reymes nous a apporté un compte rendu si complet et si méthodique de tout ce qui se passe là-bas, que je n'en ai jamais vu de pareil ni n'espère en revoir un de ma vie dans aucune affaire publique. 
            La séance levée allai à Westminster chez Jervas et parlé à Jane, que je trouve froide et point tant désireuse de me rencontrer que devant. Et peu importe, je n'en serai que mieux délivré des embarras qui pourraient s'ensuivre, outre l'offense faite à Dieu tout-puissant et la négligence de mes affaires.
            Rentré à la maison en voiture et à mon bureau où resté tard, puis souper et, au lit.
            Je rencontrai aujourd'hui le Dr Pearse qui, parlant de l'insistance que met le Dr Fraiser à faire partir un certain Collins comme chirurgien attaché à la personne du prince Rupert, et il veut le voir partir selon ses conditions à lui et avec telle somme d'argent en mains, me dit, alors que je m'émerveillais que Fraiser pût décider pour le prince avec cette assurance, que Fraiser est tellement en faveur auprès de milady Castlemaine, de la Stewart et de toutes les dames de la Cour, parce qu'il les aide à faire passer leur gros ventre quand le besoin se présente, et auprès des grands parce qu'il leur guérit leurs chaudes-pisses, qu'il peut faire ce qu'il veut du roi, en dépit de quiconque et pour la même raison du prince, puisqu'ils ont tous plus ou moins besoin d'avoir recours à ses services.
            Sir George Carteret me dit cet après-midi que les Hollandais ne sont pas encore prêts à prendre la mer et, pour cette raison, ne peuvent profiter d'un bon vent qui les porterait et nous confinerait au port. Il me dit qu'en outre ils commencent à reculer dans cette affaire et, croit-il, pourraient malgré tout offrir des conditions de paix. Il semble soutenir que le roi y trouvera son compte aussi, et je prie que Dieu le veuille.Figure 8 - nº 109, 2 février 1903: “— Je viens chercher le grand cordon que Sa Majesté a oublié hier...”, dit le majordome à la petite Parisienne. C’est le péché mignon préféré d’Édouard VII.  journals.openedition.org        Figure 13 - nº 404, 16 janvier 1909: John Bull le pompier pyromane dans les Balkans: “Je suis toujours les préceptes des livres saints: ‘Que ta main droite ignore ce que fait ton pied !’”.


                                                            
            Le colonel Reymes me dit, entre autres aujourd'hui, qu'il est clair que si milord Tevior avait vécu il aurait causé la perte de Tanger ou aurait eu le dessein de s'en rendre maître. Il y fit faire au roi de fort grands travaux coûteux et inutiles, et se tenait si diligemment à cette ligne de conduite qu'il décourageait tous les autres négociants à part lui d'y commercer et faisait payer ce qu'il voulait au roi et à tout le monde pour tout ce qui y était importé.


                                                                                                                   20 septembre 1664

            Levé et au bureau, réunion toute la matinée. A midi rencontre, comme convenu, à la Bourse le capitaine Poyntz. Il a une place ou un droit à une place en rapport avec les jeux. Je discutai donc avec lui des améliorations à apporter aux loteries au profit du roi et de celle des Pêcheries. Il me donna quelques lumières dans cette affaire et me dit qu'il m'en fournirait d'autres par écrit.
            Rentré dîner puis sorti pour aller au comité des Pêcheries à la maison des poissonniers, qui se réunit et avança considérablement ses affaires. La séance levée, rentré chez moi et resté tard à mon bureau, accompli beaucoup de travail, et je m'aperçois, avec grand plaisir, que j'ai retrouvé mon ardeur au travail, Dieu me donne de persévérer ! Rentré souper, c'est jour de lessive et, au lit.
            

                                                                                                                        21 septembre

            Levé et en voiture chez Mr Povey, afin de lui faire signer le paiement des mémoires du capitaine Taylor pour le restant du fret de l'Eagle. Je gagnerai donc ainsi environ 30 livres. Puis, avec lui, en voiture jusqu'à Westminster, chez Huymans, le grand portraitiste où je vis encore de très beaux tableaux, et j'ai sa promesse, par égard pour Mr Povey, de mettre tous ses soins au portrait, quel qu'il soit, que je lui commanderai. Et je songe à faire faire celui de ma femme. Mais c'est chose bien étrange à considérer, et dont je dois me souvenir, que je ne suis jamais plus réticent à me dessaisir de mon argent que lorsque je suis le plus occupé à en gagner, comme, Dieu merci ! ces derniers temps j'en ai gagné davantage en un mois, près de 250 livres, que jamais, en une demi-année, à ce que je crois.
            Puis à Whitehall avec Povey, allé à pied jusqu'à l'ancienne Bourse et revenu chez lui pour le dîner, en belle et bonne compagnie, entre autre sir John Sleffington que j'ai connu à Magdalène College, " fellow-commoner ", mon condisciple, mais que je ne connaissais guère, car Dieu sait qu'il était de loin mon supérieur. Je fus, cette fois encore, charmé par la maison de Mr Povey et par ses peintures en trompe-l’œil, d'étranges choses quand on songe comme elles font illusion, au point que c'est, je crois bien, à vous faire hésiter avant de jurer que vous avez jamais rien vu.
            Allé avec Povey à St James, puis à Whitehall pour la commission de Tanger, et j'espère avoir aperçu encore une occasion de gagner un peu d'argent, avec la complaisance de sir William Warren, par la fourniture de planches de pin à Tanger. Et, avec ces espérances, rentré plein de joie à la maison, où reçu l'argent du capitaine Taylor que Will a touché aujourd'hui. Allé au lit grandement réconforté après souper.
            Aujourd'hui, dans une conversation, Mr Coventry m'a donné de grands espoirs que les  Hollandais et nous n'allons pas nous brouiller.


                                                                                                                         22 septembre

            Levé et au bureau toute la matinée. A la Bourse à midi, discuté, entre autres, avec sir William Warren de ce que je pourrais faire pour gagner un peu d'argent en expédiant des planches de pin à Tanger, et lui ai dit l'occasion que j'ai de le faire. Et il me donna quelques conseils, pas aussi bons qu'à n'importe quel autre moment de l'année, mais tels que j'espère pouvoir m'en servir pour gagner un peu d'argent.
            Chez George Carteret pour dîner, seul avec lui et le capitaine Cocke, bonne conversation. Puis à la commission de Tanger à Whitehall, et rentré à la maison où je trouve ma femme un peu souffrante, et elle me dit qu'elle pense être grosse. Mais je ne le crois pas, ni ne le désire. Mais la volonté de Dieu soit faite !
            Resté tard à mon bureau, puis à la maison, souper et, au lit, avec un rhume de cerveau singulier, attrapé en ôtant tout à coup mon chapeau au dîner ( nte de l'éd les hommes portaient normalement leur chapeau à table ), et en demeurant avec le courant d'air dans le cou.


                                                                                                               23 septembre

            Mon rhume et mon mal de tête s'aggravant et la gorge enflammée, je fus en grand tourment toute la nuit. Ma femme non plus n'était pas bien, de telle sorte qu'une servante dut veiller auprès d'elle toute la nuit.
            Demeuré longtemps au lit le matin. Enfin levé et, parmi d'autres, arrive Mr Fuller, le bel esprit de Cambridge et de mon temps le praevaricator. Il resta chez moi toute la matinée à deviser. Ce qu'il voulait c'était faire débarquer un homme, ce que je fis pour lui.
            Dîné sans grand appétit. Dans l'après-midi, à contre-cœur, au bureau. Nous recevons sir George Carteret au sujet d'un arrêt du conseil ordonnant qu'une maison lui soit louée et lui attribuant pour cela 
1 000 £ d'arrhes et 70 £ par an. C'est alors que sir John Mennes profita de la manière la plus puérile et la plus malséante pour nous reprocher à tous, mais surtout à lui-même, qu'il n'était pas apprécié parmi nous en tant que contrôleur de la Marine, ne faisant que signer des papiers, ce qui n'est que trop vrai, et tout le monde avait un palais, tandis que lui n'avait pas de maison où coucher, et il aurait voulu avoir pour se construire une maison, ne fût-ce que l'argent que nous avions dépensé en sculptures. Il ne servait à rien de s'opposer à lui, tout le monde l'endura et se gaussa ensuite de lui.
            Rentré à la maison et resté tard à lire Le Siège de Rhodes à ma femme, puis au lit, la tête fort douloureuse et la gorge fort enflammée.


                                                                                                                   24 septembre

            Levé et au bureau, affaire toute la matinée, puis rentré dîner. Arrive ensuite un certain Phillips qui s'occupe de la loterie et de qui j'obtins de grands éclaircissements à ce sujet. Je l'emmenai avec moi en allant à Whitehall et le déposai à Somerset House. Il me dit, entre autres, que Monsieur Dupuy, qui est si bien en cour auprès du duc d'York et qui est son grand rival, est un fripon et de son état n'est qu'un tailleur.
            A la commission de Tanger où je m'opposai à l'estimation faite par le colonel Legge des approvisionnements à envoyer à Tanger, jusqu'à ce qu'ils en eussent tous honte et qu'il dut, lui, après toute sa bonne administration, son ignorance apparente et sa joie, admettre d'épargner l'argent du roi. Mais plus tard il révéla que son dessein avait été de réserver ces fournitures aux officiers des munitions. Mais Mr Coventry me seconda et à nous deux nous épargnerons dans l'année quelque peu de l'argent du roi. Pour un marché de planches de pin, je m'offre à épargner 172 £ sur 520, et pourtant me propose de gagner moi-même de l'argent.
            Rentré à la maison et à mon bureau. Le travail fait, rentré souper et, au lit, ma tête et ma gorge allant toujours fort mal.
            Ce soir, Prior de Figure 16 - nº 373, 23 mai 1908: “— Quand je pense que nous avons été si longtemps ennemis ‘héréditaires’!”, exclame Armand Fallières lors de sa visite à Londres. est venu me payer 40 £. Je vois que ce pauvre homme laborieux est quasiment le seul de la ville à prospérer et à acheter. On nous a conté aujourd'hui qu'un navire hollandais de 3 ou 400 tonnes, dont tout l'équipage était mort de la peste, était venu s'échouer à Göteborg. 


                                                                                                                      25 septembre
                                                                                                   Jour du Seigneur
            Levé et, comme j'ai toujours mal à la gorge et que ma tête ne va pas bien, nous n'allâmes pas à l'église. Mais je passai toute la matinée à lire L'Amour fou ( Fletcher nte de l'éd. ), une très bonne pièce. A midi arrivent Harman et sa femme que j'ai envoyé quérir pour rencontrer les Joyce, qui ne sont pas venus. Il paraît que Will est tombé de cheval et s'est cassé le nez.
            Nous fûmes cependant aussi gais que je le pouvais en leur compagnie et nous eûmes une bonne échine de bœuf. Mais à cause de mon rhume je n'ai ni goût ni appétit, si bien que mon dîner ne me plut guère.
            Comme il pleuvait ils restèrent à deviser avec nous tout l'après-midi. Et tantôt ils partirent et moi de lire une autre pièce, La coutume campagnarde, qui est bien piètre à mon avis. Puis souper, prières et, au lit. 
 
                                                                                                                        26 septembre

            Levé, me sens de nouveau assez bien, mais avec abondance de croûtes sur la lèvre, mon rhume passant, si bien que je dus porter une grosse mouche de taffetas noir, non que cela ait servi à grand chose. Mais il se trouve que nous n'allâmes point chez le Duc aujourd'hui, je restai donc à la maison, affairé toute la matinée. 
            A midi, après dîner, à la Bourse, puis retour chez moi, à mon bureau, occupé, bien employé jusqu'à 10 heures du soir, rentré souper et, au lit. L'esprit un peu chagrin de ne m'être pas, ces derniers temps, gardé si vif au travail mais de m'être un peu trop soucié de mes aises et de ma maisonnée à l'arrivée de Mrs Mercer et de Tom. Si bien que j'ai négligé Mr Coventry, et n'ai guère paru actif auprès de lui, mais je résolus de m'y remettre. Non pas que j'aie perdu tout mon temps à ne rien faire, mais pour ce qui est de mes aises, quelque peu. Et puis je me suis un peu trop préoccupé de Tanger et des Pêcheries, et cela, aux yeux de Mr Coventry. Mais j'ai de bonnes raisons de porter mes soins sur Tanger, car c'est l'une des plus belles fleurs de mon jardin.


                                                                                                                       27 septembre

            Levé et descendu par le fleuve, d'abord à Woolwich afin de régler quelques affaires pour le roi, en compagnie de Mr Tooker. Puis à bord du navire du capitaine Fisher, que nous louons pour transporter des marchandises à Tanger et, tout le long du chemin, à l'aller et au retour, je lus et discutai certains papiers que ce pauvre homme, pourvu de quelque expérience dont il est plus imbu qu'il ne sied, proposa au roi lors de son retour et où il ordonnait toutes les finances du royaume d'une manière nouvelle. Mais Dieu sait que c'est chose fort insignifiante. Je garde, néanmoins, l'un de ses papiers où il énumère les branches principales des finances publiques, bon à étudier et à retenir. 
            Rentré donc, ayant très froid et craignant d'avoir attrapé quelque douleur mais, Dieu merci ! je me sentis bien après cela. Dîner, et après à Whitehall, croyant venir à une réunion de la commission de Tanger. Mais, comme il n'y avait là que milord Rutherford, il voulut à toute force m'emmener au théâtre avec un autre lord écossais. C'est ainsi qu'arrivés en retard nous vîmes une partie du Général, la deuxième pièce de milord Orrery. Mais, mon Dieu ! on ne saurait imaginer pièce si peu comparable à Henry V, à la fois pour le langage, le sens et la composition, et c'est merveille de la voir si piètrement jouée, bien qu'avec de plus beaux habits. 
            Et ici je dois avouer quelque apparence d'avoir enfreint mon vœu, mais je ne l'avais pas demandé et c'était malgré moi, et mon serment était de n'y aller ni à mes frais ni à ceux d'un autre, ainsi que j'eusse fait en me trouvant obligé de leur rendre la pareille, comme à sir William Penn et Mr Creed. Mais ici je ne sais lequel des deux à payer pour moi, et même si je le savais je n'ai nulle obligation de jamais rendre la politesse, ni ne l'ai fait pour l'avoir voulu, ni de mon plein gré. Avec la conscience nette, je pense donc n'avoir point enfreint mon serment et juge que Dieu tout puissant ne pensera pas autrement.
            Allé chez William Joyce. Je trouve ma tante et ma cousine Mary revenues de chez mon père avec grand plaisir et satisfaction, puis chez Kate que je trouvai aussi fort contente de son voyage et de leur bon accueil. Et rentré chez moi, la conscience troublée d'être allé au théâtre. Mais à la maison je trouve Mrs Mercer jouant de la viole, un bel instrument, et je me mets alors aussi à jouer de la viole et à chanter jusqu'à une heure tardive puis, au lit. L'esprit fort embarrassé de savoir comment aller cette semaine à Brampton pour contenter Pigott. Mais avec les craintes que j'ai pour ma maison, mon argent, ma femme et mon bureau, je ne sais comment je pourrais y songer le moins du monde. - Tom Hayter étant hors de la ville et moi ayant presque 1 000 £ chez moi.


                                                                                                                        29 septembre 1664
                                                                                                               Saint Michel 
            Levé et au bureau toute la matinée. Dîné à la maison avec Creed. Allé ensuite voir sir George Carteret et avec lui jusqu'à la nouvelle maison qu'il prend dans Broad Street. Mesurai toutes les pièces 
afin de préparer le bail. Ceci fait, Mr Cutler, son propriétaire, m'emmena visiter toute sa terre et ses maisons, qui sont extraordinairement grandes, car il a acheté tout le quartier des Augustins, et ce sont maintes et maintes fois 1 000 £ qu'il a et qu'il enterrera là. 
            Rentré chez moi pour m'occuper de mes affaires, régler mes papiers et préparer mes comptes pour le grand apurement mensuel de demain. Puis souper et, au lit.
            Nous venons d'apprendre que nous avons chassé les Hollandais de toutes leurs places fortes en Guinée, ce qui va sûrement les enrager tout à fait chez eux. Et sir George Carteret me dit que le roi s'en réjouit fort, mais lui demanda en riant :Figure 18 - nº 471, 9 avril 1910: d’Ostoya envoie le souverain britannique au Paradis, malgré ses nombreux “péchés”:“— Et en matière de conclusion, j’espère que le jour de mon dernier voyage, le Seigneur voudra bien m’admettre à ses côtés et qu’il me sera beaucoup pardonné, car j’ai beaucoup aimé.”
            " - Mais, dit-il, comment ferai-je pour m'en expliquer devant l'ambassadeur quand il viendra ? "
            Bien mieux, on dit que nous les avons aussi chassés de la Nouvelle Hollande, ce qui fait que nous leur causons grand tort depuis quelque temps en plusieurs parties du monde, sans que cela soit officiellement reconnu et justifié.
            Leur flotte de Guinée est maintenant, dit-on, prête et sortie des ports et partira cette semaine.
            En rentrant ce soir à la maison, j'allai examiner les comptes domestiques de ma femme et, trouvant des choses quelque peu douteuses je me mis en colère, quoiqu'elle s'en fût assez bien expliquée, mais eût avoué que quand il manque une somme elle ajoute un à d'autres choses pour compenser. Et, comme j'étais très en colère, elle protesta qu'elle va se mettre quelque chose de côté pour s'acheter un collier, ce qui me fit enrager et me chagrine encore, car je crains qu'elle n'oublie peu à peu la manière de vivre chichement et en se privant.


                                                                                                                     30 septembre

            Levé et toute la journée, matin et après-midi, à mes comptes, car c'est un mois notable, à la fois pour le profit et pour les débours, le dernier de 89 livres pour la cuisine, des habits pour moi et pour ma femme et quelques dépenses extraordinaires pour la maison. Et mes profits, mis à part mon salaire, 239£.  Si bien que cette semaine, nonobstant de grandes dépenses, et des dépenses prévues que je note comme payées ce mois-ci, le solde se monte à 1 200 livres, le Seigneur soit loué !
            A midi dîné à la maison, m'attardant pour attendre Kate Joyce, ma tante James et Mary, mais elles ne vinrent pas. Alors ma femme partit les voir et emmena Mary Joyce au théâtre, puis le soir vint s'asseoir près de moi pour travailler au bureau. Tard à la maison, souper et, au lit. Le cœur content du travail de ce jour, quoique chagriné de penser qu'à cause de ma négligence le mois dernier, outre qu'elle m'a fait négliger mes affaires, débourser de l'argent et me rabaisser aussi bien dans mes affaires, aux yeux du monde et à mes propres yeux, je me vois contraint de respecter mon vœu en versant 20 shillings en monnaie dans la tirelire des pauvres, parce que je n'ai point fait tout ce qui était sur mes tablettes, payé toutes mes menues dettes ni recouvré toutes mes menues créances du mois dernier. Mais avec l'aide de Dieu, je ne recommencerai plus.


                                                                        à suivre...............

                                                                                                                         1er octobre 1664

            Levé et au bureau avant.................