lundi 29 mai 2023
Broderies Marjane Satrapi ( Bande dessinée France )
Broderies
Après Persépolis, bande dessinée puis animation qui connut un grand succès, l'auteur Marjane Satrapi, née en Iran installée en France, poursuit avec ou sans nostalgie dessinée toujours selon son style en noir et blanc avec bulles écriture enfantine, très lisible, sa perception de la vie quotidienne, sociale et amoureuse des femmes iraniennes. Drolatique, réaliste, d'un humour ravageur, nous apprenons néanmoins que les hommes vont se reposer après un repas " succulent ", familial, dominical, et les femmes débarrassent et font la vaisselle. Puis sortent l'un des trois samovars pour le thé, samovar différent de celui du matin et du soir. Portées aux confidences d'après repas début des révélations intimes, des broderies entre autres, des petites méchancetés sur les amies absentes, classiques, et sur les hommes. L'une d'elles mère de quatre enfants avoue n'avoir jamais vu d'homme nu, rapidité et travail accompli selon certaines épouses. Innocentes certaines jeunes femmes sont flouées. Un mariage dans la bonne société se fête avec au moins 700 invités, et des cadeaux : bracelets, bagues, colliers d'or. Tentations. Les divorces sont fréquents dans l'histoire que nous conte Satrapi, mais les jeunes femmes s'inquiètent " qui voudra d'une jeune femme etc... " Soyons prudes comme les dessins de la BD. Seuls les discussions comme celles de ces jeunes filles qui rêvent de partir en Europe pour regarder MTV et chanter et danser tout à loisir et sans crainte. Une grand'mère, une tante compréhensives. Tout est joyeux dans cette bande dessinée publiée il y a plusieurs années, plus que jamais d'actualité. Un regard en coin un sourire ou une grimace et tout est dit. Bonne BD, bonne lecture. M.
jeudi 25 mai 2023
François Truffaut Noël Simsolo Marek ( BD France )
fnac.com
François Truffaut
Ciné - Ciné Ma - Ciné Vies. Truffaut, qui mieux que lui a inscrit sur la pellicule les tortures de l'esprit, du cœur, que lui a laissé l'abandon de son éducation à sa grand'mère puis à des nourrices. Elles l'ont cajolé. Né de père inconnu, plus tard, quelques années avant de mourir il le recherchera, le trouvera sans se signaler : monsieur Lévy, homme tranquille nous conte Simsolo. Il a dix, douze, treize ans, élève peu assidu il court au cinéma. Le nouveau compagnon et mari de sa mère conforte le jeune garçon dans cette passion. Des amitiés, l'un ouvrier sera aussi producteur à ses côtés. Mais il voit tout, suit les séances de ciné-clubs, Bazin, Langlois qu'il défendra lors de son éviction, et les futurs réalisateurs se trouvent et créent Les Cahiers du Cinéma, La nouvelle vague est née. Outre Truffaut , son beau-père l'a adopté et donné son nom, Chabrol, Rohmer, Doniol Valcroze, Godard et d'autres balbutient dans des courts-métrages. Et Truffaut rencontre Jean Pierre Léaud, son alter-ego. Film après film, scénariste et réalisateur il raconte sa vie. Son plus grand succès Le dernier métro dix fois césarisés, oscarisé pour un autre film, la bande dessinée survole une vie survoltée. Amoureux, ou pas, ses compagnes sont souvent les actrices de ses films mais écrit Simsolo, il aimait " ..... les professionnelles..... " et lui valut quelque maladie. Homme sympathique, bon père, la BD est un survol de la réussite exceptionnelle d'un homme qui a trouvé son métier dès son enfance et n'a pas dévié, entouré par les plus jolies femmes. En fin de volume la liste des films dont il est les scénariste et le réalisateur mais aussi des scénaris et autres. Dessins simples. Bonne BD Bonne lecture et Bon Cinéma.
jeudi 18 mai 2023
Le chat qui parait dindon Lilian Jackson ( Roman Etats-Unis )
le chat qui parlait dindon
Voir le compte-rendu clic sur Noa.....Pour tous Bonne lecture......
lundi 15 mai 2023
Dans le plein scintillement très haut de ton astre Walt Whitman ( Poème Etats-Unis )
pinterest.fr
Dans le plein scintillement
très haut de ton astre
Dans le plein scintillement très haut de ton astre au midi
d'octobre !
Tu pleus ta lumière à flots moire limpide sur le sable gris
de la mer,
Son sifflement tout proche ses horizons brumeux son
écume blanche,
Ses rayures marron fauve, ses ombres, la couleur bleue pinterest.fr
à sa surface qui se répand,
Soleil ô soleil de midi ma splendeur, ce mot précis pour
toi t'est destiné.
Illustre illuminant, écoute-moi
Moi ton amant, je t'ai fidèlement aimé,
Petit bébé déjà dans ta chaleur garçon heureux tout seul
à la corne d'un bois il ne me fallait pas plus que ta caresse
distante,
Homme mûr homme jeune ou vieux écoute écoute mon
invocation.
( Tu ne vas pas rester muet tu n'as pas le droit de
m'abuser,
Quand l'homme est le bon je le sais toute la Nature
lui cède,
Elle ne lui répond pas en paroles bien sûr mais ciel et
arbres entendent sa voix, quant à toi Soleil,
Tes douleurs tes perturbations tes volcans tes orages
Je les connais bien, je comprends leur sens, oui
les comprends bien. )
Ta chaleur ta lumière font fructifier
Par myriades les fermes couvrent les eaux les terres
du Nord du Sud,
Couvrent l'interminable rivière Mississipi, les plaines
d'herbe du Texas, les arbres du Canada,
Couvrent la surface entière du globe qui tourne son
visage à ton rayonnement spatial,
Tu enveloppes le monde dans tes plis impartialement, tu
n'enveloppes pas seulement les continents, les océans,
Aux raisins, à l'ivraie, aux petites fleurs des champs,
tu ne mesures pas non plus ta libéralité,
millionième de tes rayons
Un éphémère rayon qui illumine mon chant,
Et puis ne dépense pas, ne gaspille pas sur lui
seul toute ta fougue subtile toute ton énergie pure
Mais vise aussi l'après-midi tardif de moi-même qui
m'attend oui préviens mes ombres grandissantes,
Oui prépare les étoiles dans ma nuit.
Walt Whitman
( 1881 )
in Noon to Story Night
jeudi 11 mai 2023
Quelques lectures pour sourire et rire parfois Noa et les autres 3 volumes ( France ) Lilian Jackson Braun Le chat qui parlait dindon ( Etats-Unis ) Journal inquiet d'Istanbul Ersin Karabulut journal Journal inquiet d'Istanbul Es Journal Journal inquiet d'Istanbul BD Er sin Karabulut sin Karabulut Journal inquiet d'Istanbul ( Turquie )
NOA
Dernier volume d'une trilogie au titre général Les Neuf comprenant " C'est arrivé la nuit " puis " Le crépuscule des fauves " et enfin " Noa " prénom d' un personnage disparu au cours du premier volume, à Tel Aviv, amie très proche de Janice, membre des Neuf et journaliste normalement apointée par un rédacteur en chef protecteur et inquiet des risques et des retards pris pas la jeune femme. Ils sont neuf réunis après un choc, une perte, un désir de vengeance ou de remise en ordre, selon leur conception ou toute autre raison réunis sans s'être jamais rencontrés, grâce à leur habileté, leur goût pour l'utilisation d'internet. Manipulation intensive et devenus hackers, obsessionnels sûrement, prennent des risques insensés, entrent dans les conversations téléphoniques, les mails, suivent au plus près certaines personnalités chargées des plus hautes responsabilités de sociétés ou d'Etats. Pour l'exemple l'un dirige une société pharmaceutique en charge de la production d'insuline, mais doses insuffisantes pour profits supérieurs, d'autres préparent une Révolution mondiale. Chacun des Neuf, moins de quarante ans tous, durant quelques mois parcourent la planète, l'Europe, de l'île de Jersey, où Janice frôle l'arrestation, à Kyiv ou l'on apprend le nom particulier des petits bus, passant par Rome, Copenhague, la frontière turco-syrienne où des Kurdes vivent sous tentes et baraquements, porteurs peut-être de renseignements aideront-ils Maya, parisienne, dirige une agence de tourisme proche de la place de l'Alma, recherchée par les Turcs. Un réseau souterrain permet à chacun de sauter un obstacle. Voyages incessants, politique actuelle, opinions tranchées, les volumes se suivent, nous vivons l'aventure, épuisés, un peu ahuris par la facilité des hackers à entrer dans les plus défendus des smartphones, ordinateurs et autres. Quittons le restaurateur hackeur madrilène, frère de Cordélia et amoureux toujours de son amour morte au Canada faute d'insuline bien dosée, tous toujours nous obligent à tourner les pages de ce thriller. Quelques Robin des Bois, neuf moins un, volent d'un avion l'autre du meilleur hôtel de Londres aux faubourgs ,. Passionnant, déroutant, des considérations politiques affirmées telles celles d'un journaliste, romancées, ou pas du tout. Lecteurs impertinents apprécions les heures passées en compagnie de personnages sympathiques, symboliques,.
d'un auteur beaucoup lu par un public qui n'ose pas souvent l'avouer. Ca va vite, c'est puissant, épuisant, déroutant et passionnant Bonne lecture ( environ 1 200 pages les 3 volumes ).
Le chat qui parlait dindon
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Journal inquiet d'Istanbul
Ersin Karabulut jeune graphiste habite Istanbul, en Turquie et précise, carte à l'appui ".... Juste entre l'Asie et l'Europe..... " Ses parents sont tous deux enseignants. Pour améliorer la vie quotidienne le père peint des petits tableaux, puis les acheteurs ayant quitté la partie asiatique d'Istanbul où ils habitent parce que moins chère que l'Istanbul côté Europe, le papa loue une boutique et peint des banderoles et pratique ainsi le graphisme. Enfant Ersin a découvert les bandes dessinées. Devenu fan absolu il récupère même les brochures abîmées dans les poubelles, les restaure et conserve. Pour nous conter et dessiner cette partie et la suite de sa vie il s'imagine petit enfant observant ses activités. Mais l'enfant Esrin, il a une sœur aînée, découvre Beyoglù, quartier chic, animé d'Istanbul rive européenne, où se concentre tout ce qui participe des arts. Entre autres les éditeurs de bandes dessinées. Les années passant les mœurs durcissent. Partisans religieux et politiques obligent Papa Karabulut à fermer boutique. Le parti d'Erdogan, devenu premier ministre, et très populaire à l'époque, les partis de droite et de gauche, l'inflation, obligent le jeune bédéiste qui a trouvé une maison d'édition et s'intègre à la mouvance des dessinateurs critiques à l'égard des politiques au risque d'arrestation, ce qui inquiète ses parents kémalistes chez qui il habite encore. Ils veulent qu'il reprenne des études de droit. Esrin bédéiste de cœur et ayant un public fidèle obéira-t-il à son père ou au directeur de la revue qui l'emploie. Panorama de la vie stambouliote, turque en général ces dernières années. En fin de volume une double page de photos de la famille Karabulut. Une suite est annoncée. Bonne BD, personnages têtes lunaires, des yeux comme des œufs au plat. Personnages sympathiques, pas tous. Plaît aux uns et aux autres. Bonne lecture, bonne BD.
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vendredi 21 avril 2023
Orgueilleuse musique de l'orage Walt Whitman ( Poème Etats-Unis )
perezartsplastiques.com
Orgueilleuse musique de l'orage
1
Orgueilleuse musique de l'orage
Qui caracoles, rafale qui siffles * à liberté sur les prairies,
Harpe puissante en cime des forêts - souffle des mon-
tagnes,
Formes humaines dans les brumes - orchestres dans le
secret,
Sérénades de fantômes aux instruments vivaces,
Mêlant à la Nature rythmus toutes les langues des
nations,
Vous harmonies léguées par de géants compositeurs,
vous les chœurs
Vous les fuyantes danses insaisissables des religions -
à l'orient,
Vous basse profonde des rivières, rugissantes chutes
cataractes
Vous comme canons sonores dans le lointain la
cavalerie galope,
Echos des camps qui s'appellent en leurs clairons
divers,
Tumultueuses troupes manœuvrant en plein minuit, qui
me ployez qui me domptez
Qui pénétrez dans ma chambre somnolente j'y suis seul
pourquoi m'agrippez-vous ?
2
Avance-toi mon âme, que les autres se retirent,
Ecoute bien sans rien perdre, c'est à toi qu'elles
s'adressent,
Minuit s'écarte pour elles les laisse entrer dans mon
sommeil,
C'est pour toi mon âme qu'elles chantent qu'elles
dansent.
Une fête leur chant,
Comme un duo d'époux d'épouse, comme un épi-
thalame,
Comme des lèvres d'amour comme des cœurs d'amants
pleins de leur soûl d'amour,
Les joues sont rouges les parfums volent un essaim
de visages amicaux jeunes et vieux compose le cortège
Il danse aux notes claires des flûtes au cantabile de la
harpe métallique.
Puis voici le tonnerre des tambours il approche,
Victoria ! ne vois-tu pas dans la poudre en fumée flotter
les bannières malgré leurs lambeaux ? la déroute déconte-
nancée ?
N'entends-tu pas la clameur de l'armée en conquête ?
( Ah ! mon âme ces femmes qui sanglotent, ces blessés qui
gémissent dans la douleur,
Ces claquements ces sifflements de flammes, ces ruines
carbonisées, ces cités faites de cendre,
Ce thème d'humanité qu'on dévaste.)
Et puis m'emplissent des airs médiévaux et antiques,
M'apparaît la vision de harpistes et de leurs harpes aux
fêtes galloises d'antan,
Résonnent à mes oreilles minnesänger leurs lais
d'amour,
Résonnent à mes oreilles ménestrels, trouvères ou troubadours
c'est Moyen Âge.
Puis ronfle le buffet d'orgue,
Tout tremble, cependant qu'en-dessous ( comme de
socles secrets de la terre,
Dont dépendraient l'ascension, le jaillissement de la
beauté,
En ses gracieuses ou puissantes, ses couleurs
que nous lui connaissons,
Le vert des feuilles d'herbe, la flûte des oiseaux, les
cabrioles pour jouer des enfants, les nuages dans la hauteur du ciel ),
Cependant qu'en dessous gronde la basse d'une pulsation
ininterrompue,
Qui envahit qui soutient qui fusionne tout le reste dans son
unissante maternité,
Au milieu d'une multitude d'autres instruments,
Tous les musiciens du monde jouent à l'orchestre,
Les cantiques solennels suscitent l'adoration de l'assemblée,
Les psaumes du cœur, les appels douloureux se déchaînent,
Et comme un lien d'harmonie s'entend le diapason même
de la terre
Des vents des arbres des vagues profondes de l'océan,
C'est un orchestre nouveau de toute provenance, qui
unit siècles climats en une renaissance découplée,
Comme ce Paradiso dont parlèrent les poètes en de loin-
taines époques,
Car le divorce la séparation ont suffisamment duré,
l'errance prend fin,
Le voyage touche au but, le pèlerin retrouve son âtre,
L'homme avec la nature enfin est réconcilié.
Tutti ! pour la terre pour le ciel ;
( Voici le Chef puissant une fois n'est pas coutume qui
fait signe baguette levée ).
Lui fait écho la strophe virile des époux de l'univers
Lui font écho toutes les épouses.
Les violons ont des langues
( C'est son cœur que vous dîtes, ô langues, son inexpri-
mable cœur,
Le désir mélancolique dans son cœur qui n'avait pas de
parole propre ).
3
Déjà petit enfant, ah ! oui
Tu te souviens mon âme comme tous les sons pour
moi devinrent musique,
Ma mère qui chantait les berceuses les cantiques
( Oh! ces voix toutes ces voix tendres et aimantes dans ma
mémoire ;
Et miracle des miracles, les voix de ma mère, de mes
sœurs tant aimées ! ),
dans les épis aux longues feuilles,
La houle cadencée des vagues venant battre le sable,
Le babil des oiseaux, le cri aigu du milan,
L'appel crié de la sauvagine la nuit au passage des vols
migrateurs nord ou sud très bas dans le ciel,
Les psaumes dans l'église de campagne ou dans le
bosquet d'arbres, le camp revivaliste en plein air,
Le violoneux de la taverne le folklore l'interminable
égrènement du chant du marin,
Le mugissement des vaches le bêlement des brebis le
chant du coq à l'aube.
M'entourent comme une ronde tous les chants des
pays actuels,
Les mélodies allemandes de bienvenue, d'amitié et
de vin,
Les ballade irlandaises, les gigues, les danses endia-
blées, les mélodies anglaises,
Les chansons de France, les airs d'Ecosse et plus encore
que tout
Les oeuvres incomparables d'Italie.
Sur la scène pâleur marquant les traits mais passion
brûlante
Voici la noble Norma elle brandit dans sa main un
poignard.
La malheureuse Lucia est folle une lueur d'égarement
dans son regard,
Ses cheveux tout décoiffés désordonnés tombent dans
son dos.
Hernani arpente le jardin des noces, je l'aperçois,
L'odeur des roses l'entoure, il est radieux, il tient
sa fiancée par la main,
Résonne le cri d'enfer le cor lance la note du contrat
de mort
cheveux gris à la face du ciel,
Clair magnétique chant de la basse contre la voix
du baryton,
L'affrontement des trombones, Libertad immortelle !
Sous l'ombre épaisse qui tombe des châtaigniers, en
Espagne,
Une plainte chantée monte près des murs du vieux
couvent,
C'est un amour perdu, la flamme de la jeunesse de
vie s'est éteinte de chagrin,
Cœur brisé de Fernando, le cygne chante son chant
de mort.
Mais ailleurs renaissant de ses peines dans un regain
final voici Amina,
Son chant à la joie torrentueuse de la lumière de l'aube
la richesse des étoiles.
( Voici venir la féconde déesse
La planète lumineuse, Vénus la contralto, mère
d'épanouissement
Des plus hautes divinités la sœur, dans la voix d'Alboni. )
4
Oui j'entends toutes ces odes, ces symphonies, tous ces
opéras,
Dans la musique de Guillaume Tell j'entends la colère
Les Huguenots de Meyerbeer, son Prophète, son Robert,
Le Faust de Gounot, le Don Juan de Mozart chantent
dans mon oreille.
Dans mon oreille la musique dansée de toutes les
nations,
La valse deux ou trois de ses mesures délicieuses
m'enveloppent m'évanouissent de bonheur
Les guitares métalliques le fracas de castagnettes du
boléro.
Les croisés lèvent très haut la croix ils avancent en mesure
le cuivre martial des cymbales scande leur marche.
Les derviches débitent leurs monotones psalmodies
qu'interrompent des cris d'extase cependant qu'ils tournent in-
lassablement dans le sens de La Mecque,
Les danses religieuses de ravissement des Perses des
Arabes sont devant mes yeux,
Et puis nous sommes à Eleusis la demeure de Céres et
les danses modernes grecques m'apparaissent,
J'entends les mains qu'on frappe en mesure avec le
fléchissement des corps,
J'entends la métrique rythmée des pas trainants.
Et je revois la vieille danse déchaînée des corybantes où
les acteurs se blessaient mutuellement,
Je revois la jeunesse romaine lançant en l'air puis rattra-
pant ses armes au son aigre des flageolets,
A peine tombés sur les genoux qu'ils se relèvent aussitôt.
J'entends à la mosquée musulmane l'appel du muezzin,
Je vois la foule des fidèles à l'intérieur, aucun rituel ni
sermon, aucune discussion, aucune parole,
C'est une foule étrangement silencieuse, on se redresse
pour faire ses dévotions, les fronts luisent, les yeux sont en extase,
J'entends la harpe égyptienne aux multiples cordes,
Les canotiers du Nil poussent leurs chants primitifs,
J'entends les hymnes impériaux sacrés de la Chine,
Accompagnés par le martellement délicat du " king "
Ou les flûtes hindoues ou le métal nasillard de la vina,
Des bayadères composent l'orchestre.
5
L'Asie, l'Afrique maintenant m'abandonnent c'est au tour
de l'Europe de m'empoigner d'enfler mon souffle,
Au son de accompagnements pour orgue pour orchestre
et pour gigantesques chœurs de voix
Qui rehaussent le cantique vigoureux de Luther " Eine
fest Burg ist unser Gott,
Ou le Stabat Mater Dolorosa de Rossini,
A moins que ne s'échappe vers les hauteurs d'une cathé-
drale à la clarté obscurcie par des vitraux multicolores
Un passionné Agnus Dei ou le Gloria in Excelsis.
Compositeurs ! maestros vigoureux !
Vous aussi chanteurs des terres lointaines, sopranos,
ténors ou basses !
Entendez-vous le barde nouveau qui cantique tout
l'ouest,
Et vous dépêche ses chants d'amour obéissant
( C'est eux qui m'ont conduit à toi mon âme,
Sens spectacles ou objets ils me conduisent à toi
Mais aujourd'hui par-dessus tout domine le sens
de l'ouïe. )
J'entends dans la cathédrale Saint-Paul le concert
annuel des enfants,
J'entends encore sous la haute coupole d'une salle
colossale les symphonies, les oratorios de Beethoven, de
Haendel ou de Hayden,
Les ruissellements de la Création me baignent
dans la bonté divine.
Ah ! puissé-je retenir contenir toutes ces musiques ( me
fait hurler la folie de mon ambition ! ).
Puissé-je me doter de leurs pulsations de celles de la
Nature,
Les tempêtes, eaux et vents, opéras et cantiques,
marches cadencées ou danses,
Qu'elles cataractent par leurs bouches je les veux
toutes en moi !
6
Et puis réveil en douceur,
Je me pose des questions, j'interroge la musique dont
j'ai rêvé,
J'interroge toutes mes réminiscences, la fureur
déchaînée de l'orage,
J'interroge tous les chants des sopranos, des ténors,
J'interroge toutes ces danses orientales de ferveur
religieuse
Aussi bien que la diversité des instruments, le diapason
de l'orgue,
Y compris les complaintes naïves de l'amour, du chagrin,
de la mort,
Et je dis à mon âme tout à coup mon âme curieuse de
sortir de sa chambre ensommeillée,
Je lui dis, viens, j'ai enfin trouvé la clé de ma longue
recherche,
Sortons toi et moi allons nous rafraichir dans le midi,
Epousons gaillardement la vie, marchons le monde,
le réel,
Qui désormais sera nourri par notre rêve de ciel divin.
Et je lui dis encore
Sais-tu mon âme ma bienheureuse que tu n'as pas
entendu le bruit du vent comme tu croyais,
Ni n'as rêvé de l'orage, non plus que des ailes bruyantes
du milan de son piaillement aigu,
Ni non plus des vocalises de l'Italie ensoleillée,
Ni du somptueux orgue d'Allemagne, ses vastes chœurs
vocaux, ses registres d'harmonie,
Ni des strophes de l'époux de l'épouse, ni des chants
militaires cadencés,
Ni des flûtes, ni des harpes, ni des sonneries du clairon
dans les camps,
Mais que tu as trouvé un rythmus nouveau adapté à toi,
Des poèmes qui jettent un pont entre la Vie la Mort que
l'air de la nuit faisait voler confusément insaisissables par
l'écriture,
Et qui nous ont conduit audacieusement dans le jour
pour les écrire.
Walt Whitman
( 1869 )
( in Feuilles d'herbe )
lundi 10 avril 2023
Toi notre mère devant l'égalité de tes enfants Walt Whitman ( Poème EtatsUnis )
tips.clip-studio.com
Toi notre mère
devant l'égalité de tes enfants
Toi notre mère devant l'égalité de tes enfants,
Chaîne variée aux multiples mailles-Etats et
cependant identité une,
J'aimerais te chanter un chant précis avant de m'en aller,
Un chant spécifique te concernant toi, ton avenir.
J'aimerais lancer ma semence pour toi à l'infinie
Nationalité,
J'aimerais façonner ton ensemble corps âme,
J'aimerais montrer d'avance ta véritable Union,
montrer les routes à l'accomplir.
Ce sont les chemins conduisant à la maison que
j'aimerais tracer,
Laissant à leurs emprunteurs demain la maison
proprement dite.
Foi et préparatifs sont mon chant,
Car la Nature la Vie ne sont pas seulement grandes
d'être liées au présent,
Beaucoup plus grandes encore d'être liées au futur,
Telle sera la formule de mon chant.
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Imaginons un oiseau force et liberté dans les ailes,
Joie de voler de gagner les espaces les plus amples
du ciel,
Voilà mon image de toi Amérique,
Voilà le récitatif que je te promets.
Je ne te promets pas par contre les images classiques
dont usent les poètes de tant d'autres nations,
Je ne te promets pas tous ces compliments désuets
d'avoir été usés,
Ni les vers rimés ni le répertoire ni le parfum d'une cour
étrangère ou d'une bibliothèque privée ;
Je te promets l'essence des pins du Maine, l'arôme de
la prairie de l'Illinois,
Le grand ciel libre de Virginie, de Géorgie, du Tennessee,
des plateaux du Texas, des clairières de Floride,
Le courant noir du Saguenay, l'amplitude lisse et bleue
du Huron,
Les panoramas du Yellowstone, du Yosemite,
Et puis bruissant tout au fond le chuchotement soyeux
du ressac
L'inépuisable écho des deux grands Océans de la Terre.
Et d'autres musiques plus subtiles encore pour tes sens
raffinés redoutable Mère,
D'intelligents préludes les complétant tant et plus, des
formules mentales adaptées à toi seule par leur ampleur,
par leur santé,
Car tu grimperas plus haut plongeras plus profond que
naguère, toi notre Union transcendantale !
Par toi seront mêlés les faits à la pensée leur critère,
Par toi sera mêlé l'esprit de l'homme à Dieu son critère,
Par ton idée, l'immortalité du réel !
Par ta réalité, l'immortalité de l'idée !
3
Cerveau du Nouveau Monde quelle tâche en
perspective !
Formuler le moderne, recréer les poèmes, les arts,
les Eglises
En partant de l'incomparable grandeur du moderne, par
tes seules forces aide incluse de la science,
( Les recréer par l'art, voire les mettre au rencart, les
détruire car qui sait s'ils n'ont pas fait leur temps ! ),
Donner membre au présent son immense force par la
concentration absolue de ta foi,
De ta vision, ta conception, tes mains malgré l'influence
des décors passés, le poids des morts.
Car tu es l'héritier du passé des morts bien que tu
vives dans le présent, cerveau actuel et cependant
Cerveau Ancien,
N'as-tu pas attendu dans les limbes comme un
nouveau-né tout recroquevillé dans l'utérus,
N'as-tu pas été interminablement préparé - d'ailleurs
tu n'auras plus qu'à tout déplier quelle chance !
N'auras plus qu'à mûrir, à acquérir le pouvoir
d'effectuation, tu as le passé quintessencié en toi,
seules fins de te servir ;
Les pommes en toi, quelle longue longue croissance,
Les fruits de l'Ancien en toi, destinés à mûrir
aujourd'hui.
4
Prends la mer, cours à ton aise, vaisseau Démocratie,
Quelle richesse dans les cales, pas le Présent
seulement,
Cargaison dans tes cales le Passé tout pareil,
Tu n'es pas marchandise à haut risque de ton seul
plein droit non plus que de l'Occident seul,
C'est condensées la Terre entière qui glisse sur ta
quille mon Vaisseau qu'équilibrent tes vergues,
On t'a confié le Temps en toute confiance pour la
traversée, tu as reçu la charge des nations précédentes,
destin lié à ton sort,
Combats anciens, martyrs, héros, épopées, guerres,
c'est ton fardeau,
Aboutir triomphalement à bon port ne t'apportera pas
le triomphe indissociable du leur,
Gouverne donc ta barre de ta bonne main solide barreur
ouvre l'œil tu transportes une sacrée compagnie,
A bord de ton bateau tu n'as rien de moins aujourd'hui
que l'Asie sa prêtrise,
Et fait voile avec toi l'Europe féodale.
5
Magnifique monde qui surgis à ma vue surpassant ta
beauté,
Tu emplis l'horizon à l'ouest comme un nuage infiniment
d'or,
Tu es emblème de maternité universelle flottant plus haut
que tout,
Tu es matrice moule sacré des filles des fils
Et des enfants géants se succèdent à ton ventre sans
discontinuité,
Par ta gestation accédant dans un regain de force de vie
Au monde du réel deux en un,
Monde de l'âme parturiée par la réalité seule éduquée
à l'identité au corps par elle seule,
Mais embryonnaire pourtant puisque d'incalculables
masses de riches matériaux composites
Gouvernés par le mouvement des cycles historiques,
par les nations entières et leurs langages ont reçu leur
mission pour maintenant,
Se préparent dans l'assemblage pour construire ici
même un vaste champ d'électricité libre
( Monde Nouveau en effet, imminent lendemain des
sciences, de la morale, de la littérature orbitales ! ),
Monde merveille ô combien aux formes encore à
naître dans leur précision que je m'abstiendrai de définir,
Oui comment percerais-je le vide impénétrable du futur ?
Monde dont je pressens la magnitude redoutable bien
comme mal,
Monde dont j'admire fasciné la progression qui absorbe
Monde dont la lumière éclaire dont l'ombre assombrit
presque le monde entier,
Monde que je ne définirai pas dans mon incapacité à
t'embrasser,
Monde je te nomme, monde je te prophétise que
puis-je faire d'autre
Oui monde, que de t'éjaculer !
Toi dans ton demain,
Toi dans ta seule permanence, ta course, l'affranchissement
de ton cerveau, l'envol de ton esprit ton souffle,
Toi comme un deuxième soleil nécessaire rayonnant
dans son feu vitesse fructifiant tout,
Toi puissamment né joyeux dans ton énorme et chaleureuse
hilarité
Toi qui chasses les vieilles nuées si longtemps opprimantes
des calculs de l'homme,
Qui chasses doute, soupçon, crainte d'une décadence
progressive de l'humanité,
Toi en ta gens hommes femmes santé plus forte taille plus
haute tes athlètes de la morale de l'esprit Sud, Nord,
Ouest, Est
( A tes seins immortels toutes tes filles, tes garçons auront
sucé une identique tendresse d'égalité, toi Notre Mère à
Tous ! ),
Toi par tes musiciens, chanteurs, artistes encore à naître,
mais ils viendront c'est sûr,
Toi ta richesse morale toi ta civilisation ( tant qu'elle ne
sera pas là les sociétés matérialistes existeront en vain )
Toi ta religion tout englobant tout procurant car tu
n'es pas dans une seule bible, un seul sauveur, une
seule pitié
Mais dans une foule innombrable de sauveurs, mais
dans une imminence de bibles inhérentes en toi et
tellement plus divines
( C'est dans les feuilles dans les poèmes ô grande Mère
beaucoup plus manifestement que dans les deux célèbres
guerres,
Beaucoup plus visiblement que dans la croissance de ton
siècle que tu définis pour toi-même l'ascension de ta route ),
Toi ton éducation originale, tes professeurs, tes études, tes
étudiants originaux,
Toi tes fêtes de la démocratie tes masses populaires,
tes géniaux festivals, tes opéras, tes conférences, tes
prédicteurs,
Toi en tes ultimatums ( les préparatifs viennent juste de se
terminer, l'édifice est construit sur de bonnes bases solides ),
Toi en tes pinacles, intelligence, pensée, joie rationnelles
suprêmes, aspiration divine, amour de Dieu,
Toi en ta future gloire littéraire, tes orateurs poumons
gonflés, tes bardes prêtres, tes savants cosmiques,
Oui toutes mes prophéties se réaliseront, tu t'accompliras
dans cette forme je le dis aujourd'hui !
6
Terre tolérante à tous, accueillante à tous et pas seulement aux
Terre destinée dans les royaumes divins à constituer un
royaume spécifique,
Terre qui sous le gouvernement de Dieu seras une règle à toi-
même
( Regarde, je vois paraître trois astres incomparables,
Ce seront tes étoiles naturelles mon pays, Ensemble,
Evolution, Liberté,
Brillant dans l'écrin céleste du Droit. )
Terre de croyance inouïe de confiance en Dieu inouïe
Terre bouleversée en ton sol jusqu'en ton sous-sol
Terre aux profondeurs plus profondes encore tout en-
dessous naguère cachées scrupuleusement voilées
aujourd'hui quelle audace ! elles sont froidement à l'air,
Tu les as opérées à la lumière du ciel à ton profit ou ton
malheur,
Tu ne cherches pas la réussite seulement,
Tu ne cherches pas le bon vent sans intermittences,
L'ouragan maculera bien un jour de boue ton visage, la suie
de la guerre et pis encore finiront bien par te souiller
( Tu as connu la guerre, ses querelles ses tourments ?
Montre-toi à la hauteur de la paix ses épreuves
Car la tension mortelle finit par tomber sur les nations
à l'heure de la prospérité, pas de la guerre ),
La mort aux multiples sourires masqués finira bien
par te séduire la fièvre microbienne te fera ruisseler,
Le cancer blême étendra ses griffes hideuses sur ton
sein cherchant à te frapper tout au cœur,
La consomption la pire la consomption morale
t'enfièvrera les joues,
Mais toi confrontant infortunes maladies tu surmonteras
tout
D'où qu'elles viennent aujourd'hui et quelles qu'elles soient
demain,
Elles passeront, elles cesseront, elles te libèreront
infailliblement toutes,
Et Toi dans les ressorts spiralés du Temps t'expliquant
de toi-même jusqu'à la fusion,
Equilibrée, mystique mais naturelle, toi Union
( mélange de mortalité et d'immortel ),
Tu aspireras à l'accomplissement du futur, souffle
corporel et âme,
Sa destinée.
L'âme sa destinée, les deux fois réel
( But justifié des apparitions du réel ),
Oui en toi Amérique l'âme sa destinée
Plus d'un sanglot de chaleur de froid te convulsera
( mais aussi bien t'endurcira ! ),
Toi orbe mental moral - Nouveau Monde spirituel
mais bien sûr !
Car le présent ne te contient pas, une immense
évolution comme la tienne,
Un essor sans équivalent comme le tien une famille
d'enfants comme la tienne,
Ce ne peut être que le FUTUR qui les contiendra
qui te contiendra.
Walt Whitman ( 1872 )
les routes à l'accomplir.
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