mercredi 20 juin 2012

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui


                        Jules Renard

                                         Le Lézard
                                   in Histoires Naturelles

                                                                       I

                                  Fils spontané de la pierre fendue où je m'appuie, il me grimpe sur l'épaule. Il a cru
            que je continuais le mur parce que je reste immobile et que j'ai un paletot couleur de muraille. Ça
            flatte tout de même.
                                                                        II

                                  Le Mur - Je ne sais quel frisson me passe sur le dos.
                                  Le Lézard - C'est moi.

                                                                 
                                            Le Ver Luisant

                                                                      
                                                                                       
                                                                              I
                                    Que se passe-t-il ? Neuf heures du soir et il y a encore de la lumière chez lui.

                                                                              II
                                   
                                    Cette goutte de lune sur l'herbe.


                                                Les Fourmis                            

                                    Chacune d'elles ressemble au chiffre 3.
                                    Et il y en a ! il y en a !
                                    Et il y en a 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 33... jusqu'à l'infini.


                                                 La Puce

                                    Un grain de tabac à ressort.


                                                                                 °°°°°°°°

                                                                   extraits du journal

                                                                                                            27 octobre 1892

                                     - Je lis dans le feu dit-elle.
                                     Et lui : " Voulez-vous que j'allume un incendie ?

                                                           
                                     Elles étaient si petite les maisons de mon village que je revoyais, qu'il me semble
                                    que j'allais, du bout du doigt, écrire les lettres de mon nom sur la neige de leurs toits.

                                                                                                            18 avril 1894

                                    Prendre la vie au sérieux burlesque.


                                                                                                                Jules Renard





                                             

mardi 19 juin 2012

Un NewYorkais à Paris Israël Horovitz ( Biographie EtatsUnis )

Un new-yorkais à Paris Un NewYorkais à Paris

            C'est l'histoire d'un petit garçon né dans le Massachussets, à Wakefield en 1939, d'une mère au foyer et d'un père camionneur, violent, qui réussit à 50 ans après trois essais un examen de droit et put ouvrir un cabinet d'avocat. Enfant il gagne quelque argent en travaillant chez un oncle qui récupère livres et revues destinés au pilon. Marié à 18 ans il abandonne rapidement ses études qui devaient faire de lui un professeur d'anglais. A Boston il accumule les petits " boulots " écrit des chansons divers textes, travaille dans la publicité. L'homme aux 70 pièces de théâtre est né. Il aime écrire et le lire est un plaisir, entraînant, vivant, en soixante chapitres nous suivons les étapes, les comédiens, les écueils et les réussites des principales créations. Ses premières pièces sont jouées par de jeunes acteurs : Al Pacino, Diane Keaton, Robert Dreyfus, Jill Clayburgh parmi les plus connus. Dès ses débuts bien accueillis en France où les textes sont joués régulièrement, Valère Dessailly, Dufilho, Pierre Dux,  Line Renaud ces dernières années. Il rencontre deux très grands poètes et lie avec eux une longue amitié, Beckett et Ionesco, sans oublier Jean Anouilh et Nicole Anouilh qui traduit certaines de ses pièces. Auteur joué d'un bout à l'autre de la planète, il a créé des maisons pour le théâtre, associé à la Fémis un centre pour les scénaristes. Écrire est sa vie " Je voudrais passer mes dernières heures à écrire... entouré par ma famille et mes amis. Jusqu'au bout je voudrais éprouver cette passion que j'éprouve quand je crée... " Très attaché à sa famille ( l'une de ses grand-mère eut huit enfants ), l'auteur et l'homme privé ne font qu'un, la création et les enfants, les siens travaillent aussi dans le spectacle. Passant du festival de Spolète à la Fondation O'Neill à Waterford dans le Connecticut, le lecteur vole avec Horovitz d'un avion l'autre. Auteur souvent joué off-Broadway très suivi à Paris où ses fans ne manquent jamais ses nouvelles créations. Le livre est un complément.

lundi 18 juin 2012

La Roche aux Guillemots Guy de Maupassant ( Nouvelle )

Le Guillemot de Troïl La Roche aux Guillemots


            Voici la saison des guillemots.
            D'avril à la fin de mai, avant que les baigneurs parisiens arrivent, on voit paraître soudain, sur la petite d'Etretat, quelques vieux messieurs bottés, sanglés en des vestes de chasse. µIls passent quatre ou cinq jours à l'hôtel Hauville, disparaissent, reviennent trois semaines plus tard ; puis, après un nouveau séjour, s'en vont définitivement.
            On les revoit au printemps suivant.
            Ce sont les derniers chasseurs de guillemots, ceux qui restent des anciens ; car ils étaient une vingtaine de fanatiques, il y a trente ou quarante ans ; ils ne sont plus que quelques enragés tireurs.
             Le guillemot est un oiseau voyageur, dont les habitudes sont étranges. Il habite presque toute l'année les parages de Terre-Neuve, des îles Saint-Pierre et Miquelon ; mais, au moment des amours, une bande d'émigrants traverse l'Océan, et, tous les ans, vient pondre et couver au même endroit, à la roche dite aux Guillemots, près d'Etretat. On n'en trouve que là, rien que là. Ils y sont toujours venus, on les a toujours chassés, et ils reviennent encore ; ils reviendront toujours. Sitôt les petits levés, ils repartent, disparaissent pour un an.
            Pourquoi ne vont-ils jamais ailleurs, ne choisissent-ils aucun autre point de cette longue falaise blanche et sans cesse pareille qui court du Pas-de-Calais au Havre ? Quelle force, quel instinct invincible, quelle habitude séculaire poussent ces oiseaux à revenir en ce lieu ? Quelle première émigration, quelle tempête a jadis jeté leurs pères sur cette roche ? Et pourquoi les fils, les petits-fils, tous les descendants des premiers y sont-ils toujours retournés ?
            Ils ne sont pas nombreux : une centaine au plus, comme si une seule famille avait cette tradition, accomplissait ce pèlerinage annuel.
            Et chaque printemps, dès que la petite tribu voyageuse s'est réinstallée sur sa roche, les mêmes chasseurs aussi reparaissent dans le village. On les a connus jeunes autrefois ; ils sont vieux aujourd'hui, mais fidèles au rendez-vous régulier qu'ils se sont donné depuis trente ou quarante ans.
            Pour rien au monde, ils n'y manqueraient.
                                                                
            C'était par un soir d'avril de l'une des dernières années. Trois des anciens tireurs de guillemots venaient d'arriver ; un d'eux manquait M. d'Arnelles.
             Il n'avait écrit à personne, n'avait donné aucune nouvelle ! Pourtant il n'était point mort, comme tant d'autres ; on l'aurait su. Enfin, las d'attendre, les premiers venus se mirent à table ; et le dîner touchait à sa fin, quand une voiture roula dans la cour de l'hôtellerie ; et, bientôt le retardataire entra.
             Il s'assit, joyeux, se frottant les mains, mangea de grand appétit, et, comme un de ses compagnons s'étonnait qu'il fût en redingote, il répondit tranquillement :
             " Oui, je n'ai pas eu le temps de me changer. "
             On se coucha en sortant de table, car, pour surprendre les oiseaux, il faut partir bien avant le jour.
             Rien de joli comme cette chasse, comme cette promenade matinale.
             Dès trois heures du matin, les matelots réveillent les chasseurs en jetant du sable dans les vitres. En quelques minutes on est prêt et on descend sur le perret. Bien que le crépuscule ne se montre point encore, les étoiles sont un peu pâlies ; la mer fait grincer les galets ; la brise est si fraîche qu'on frissonne un peu, malgré les gros habits.
             Bientôt les deux barques poussées par les hommes, dévalent brusquement la pente de cailloux ronds, avec un bruit de toile qu'on déchire ; puis elles se balancent sur les premières vagues. La voile brune monte au mât, se gonfle un peu, palpite, hésite et, bombée de nouveau, ronde comme un ventre, emporte les coques goudronnées vers la grande porte d'aval qu'on distingue vaguement dans l'ombre.
            Le ciel s'éclaircit ; les ténèbres semblent fondre ; la côte paraît voilée encore, la grande côte blanche, droite comme une muraille.
             On franchit la Manne-Porte, voûte énorme où passerait un navire ; on double la pointe de la Courtine ; voici le val d'Antifer, le cap du même nom ; et soudain on aperçoit une plage où des centaines de mouettes sont posées. Voici la roche aux Guillemots.
            C'est tout simplement une petite bosse de la falaise ; et, sur les étroites corniches du roc, des têtes d'oiseaux se montrent, qui regardent les barques.
            Ils sont là, immobiles, attendant, ne se risquant point à partir encore. Quelques-uns, piqués sur des rebords avancés, ont l'air assis sur leurs derrières, dressés en forme de bouteille, car ils ont des pattes si courtes qu'ils semblent, quand ils marchent, glisser comme des bêtes à roulettes ; et, pour s'envoler ne pouvant prendre d'élan, il leur faut se laisser tomber comme des pierres, presque jusqu'aux hommes qui les guettent.
            Ils connaissent leur infirmité et le danger qu'elle leur crée, et ne se décident pas à vite s'enfuir.
            Mais les matelots se mettent à crier, battent leur bordage avec les tolets de bois, et les oiseaux, pris de peur, s'élancent un à un, dans le vide, précipités jusqu'au ras de la vague ; puis , les ailes battant à coups rapides, ils filent, filent et gagnent le large quand une grêle de plomb ne les jette pas à l'eau.
            Pendant une heure on les mitraille ainsi, les forçant à déguerpir l'un après l'autre ; et quelquefois les femelles au nid, acharnées à couver, ne s'en vont point, et reçoivent coup sur coup les décharges qui font jaillir sur la roche blanche des gouttelettes de sang rose, tandis que la bête expire sans avoir quitté ses oeufs

               
                                         Falaise d'Etretat
            µLe premier jour, M. d'Arnelles chassa avec son entrain habituel, mais quand on repartit vers dix heures, sous le haut soleil radieux, qui jetait de grands triangles de lumière dans les échancrures blanches de la côte, il se montra un peu soucieux, rêvant parfois, contre son habitude.
            Dès qu'on fut de retour au pays, une sorte de domestique en noir vint lui parler bas. Il sembla réfléchir, hésiter, puis il répondit : " Non, demain. "
            Et, le lendemain, la chasse recommença. M. d'Arnelles, cette fois, manqua souvent les bêtes qui pourtant se laissaient choir presque au bout du canon de fusil ; et ses amis, riant, lui demandaient s'il était amoureux, si quelque trouble secret lui remuait le coeur et l'esprit.
            A la fin, il en convint :
            " Oui, vraiment, il faut que je parte tantôt, et cela me contrarie.
            - Comment, vous partez ? Et pourquoi ?
            - Oh ! j'ai une affaire qui m'appelle, je ne puis rester plus longtemps. "
            Puis on parla d'autre chose.
            Dès que le déjeuner fut terminé, le valet en noir reparut. M. d'Arnelles ordonna d'atteler ; et l'homme allait sortir quand les trois autres chasseurs intervinrent, priant et sollicitant pour retenir leur ami. L'un d'eux, à la fin demanda :
            " Mais voyons, elle n'est pas si grave, cette affaire, puisque vous avez bien attendu déjà deux jours !"
            Le chasseur tout à fait perplexe, réfléchissait, visiblement combattu, tiré par le plaisir et une obligation, malheureux et troublé;
             Après une longue méditation, il murmura, hésitant :
             " C'est que... c'est que... je ne suis pas seul ici ; j'ai mon gendre. "
             Ce furent des cris et des exclamations. :
             " Votre gendre ?... mais où est-il ? "
             Alors, tout à coup, il sembla confus, et rougit.
             " Comment  ! vous ne savez pas ?... Mais... mais... il est sous la remise. Il est mort. "
             Un silence de stupéfaction régna.
             M. d'Arnelles reprit, de plus en plus troublé :
             " J'ai eu le malheur de le perdre ; et, comme je conduisais le corps chez moi, à Briseville, j'ai fait un petit détour pour ne pas manquer notre rendez-vous. Mais, vous comprenez que je ne puis m'attarder plus longtemps. "
             Alors, un des chasseurs, plus hardi :
             " Cependant... puisqu'il est mort... il me semble... qu'il peut bien attendre un jour de plus. "
             Les deux autres n'hésitèrent plus :
             " C'est incontestable ", dirent-ils.
             M. d'Arnelles semblait soulagé d'un grand poids ; encore un peu inquiet pourtant, il demanda :
             " Mais là... franchement... vous trouvez ?... "
             Les trois autres, comme un seul homme, répondirent :
             " Parbleu ! mon cher, deux jours de plus ou de moins n'y feront rien dans son état. "
             Alors, tout à fait tranquille, le beau-père se retourna vers le croque-mort :
             " Eh bien ! mon ami, ce sera pour après-demain. "


                                                                                                Maupassant





           


dimanche 17 juin 2012

Lettres à Madeleine 39 Apollinaire



         Guillaume Apollinaire
                                                  Lettre à Madeleine

            Lettres des 21, 22, 23 et 24 octobre. Ces lettres  remplies de propos galants tels qu'on a pu les lire déjà, affirme ses sentiments amoureux mais dans le courrier du 21 octobre il précise...
            " ... Je t'envoie aujourd'hui un livre qui était sous presse avant la guerre et qui vient de paraître ( nte de l'éditeur - Les trois Don Juan - Bibliothèque des Curieux ) C'est sans valeur mais t'amusera peut-être venant de moi. Tu verras à quoi on est obligé de descendre pr gagner sa vie à Paris et j'ai toujours résisté à faire des travaux plus bas comme ont fait Willy ou les auteurs de romans-feuilletons. Néanmoins, tu te rendras compte que j'ai autre chose à écrire. J'ai fait cela en m'amusant, mais c'est triste quand même et plus mal payé que les trucs à Willy et surtout feuilletonistes sentimentaux. C'est écrit rapidement avec les diverses histoires de Don Juan. J'ai pris tout ce que j'ai pu à Molière pr le Tenorio et le dernier n'est que le résumé sous la traduction mot à mot du Don Juan de Byron. Néanmoins, je ne mets pas ces choses parmi mes ouvrages et n'y fais même pas mention ) l'endroit du - Du même auteur - , de L'Hérésiarque Alcools etc...)

                                                                                               25 octobre 1915 ( pour partir le 26 )

            Amour, je mets ici une petite remarque autant pour moi que pour toi, dans ma dernière vie anecdotique je citais le mot allemand Rittergut ajoutant qui signifie, je crois, un domaine auquel était attaché le titre de chevalier, c'était tout simplement une terre noble que ne pouvaient acquérir les vilains. C'est le baron de Stein qui obtint cette faveur de Frédéric Guillaume quand il fit abolir le servage
            Pour ce que je te disais hier à propos de la fréquence de nos étreintes complètes, c'est toi qui en réglera l'usage, en considérant qu'il faut ménager la durée des forces, de façon à pouvoir s'aimer très longtemps jusque dans la vieillesse sans fatigue. L'usage en est excellent et sain, l'abus est redoutable et émousse le plaisir.
            La privation d'eau dont tu parlais hier se fait surtout sentir pour ce qui concerne le lavage du linge. En tout cas j'en prends toujours pour me laver à fond moi-même et 1 fois par semaine le conducteur non monté lave tout de même le linge.
            Voilà la vie, on se lève quand on veut à moins qu'on ne tire et le cri à vos postes vous met vite debout, car on dort tout habillé. Moi, je me lève quand on ne m'appelle point pr raison de service à 7 h. Quand je suis de jour je distribue l'eau, sinon je vais déjeuner aussitôt, café noir et pain avec le repas froid qui est soit du gruyère soit de la confiture. Puis je me mets nu jusqu'à la ceinture et me lave dans une cuvette que j'ai depuis le commencement, cuvette en zinc émaillé qui accrochée derrière le caisson quand on est en route, en a déjà vu de toutes les couleurs. Je me sers encore de ta savonnette, je me lave la poitrine, le cou, les aisselles les mains au savon, puis dans une nouvelle eau je me rince. Après quoi je me lave la tête et la rince, puis le visage, après quoi je lave tout ce qui est à toi conjugalement. Puis je m'habille puis on tire ou on lit jusqu'à la soupe 10h 1/2 puis on attend les lettres. Je ne compte naturellement pas les tirs qui viennent n'importe quand le jour ou la nuit et durent ce qu'ils durent. En principe, on mange encore à 4h 1/2 et on reprend le café, puis moi j'écris jusqu'à 10 h ou s'il y a de l'eau et s'il ne pleut pas je prends une douche en plein air, me brosse les dents et vais me coucher vers onze heures. 1 nuit sur 2 on ne dort pas on est de garde, pas moi mais mes hommes mais pas moyen de dormir. Dans le jour je me rencontre souvent avec Berthier m. d. l  de la 2è pièce qui sort peu ou Dufreney m. d. l. de la 1è pièce il vit tout seul dans un petit trou où il a juste la place de s'étendre. Il y a 1 mois 1/2 nous avions une cagnât commune avec Berthier nous y écrivions, il y faisait de la photo, fini depuis l'attaque. J'ai une table pliante que j'ai fabriquée et 1 petit banc pr m'asseoir et un lit assez bien. Mais je ne pourrai pas emporter le lit et je crains qu'au fur et à mesure des changements on ne trouve de moins en moins de planches. Le lit est en planches, le fond en treillage de fil de fer, les clous sont fabriqués de bouts de fils d'acier, sur le treillage il y a de la paille sur la paille un sac puis un isolateur que j'ai trouvé du côté de Reims puis ma toile de tente pliée en 2 je me couche dedans et sur moi couverture de cheval couvre-pied, manteau, au pied du lit devant la porte il y a ma table.
                                     

            Mon amour je viens de recevoir tes lettres du 18 et du 19. Oui sois calme mon amour et patiente quand tu ne reçois pas de lettre de moi. Mon amour je t'adore. Je prends ta bouche infiniment, et j'aime tes seins durs comme des obus, mon amour chéri. Non, mon amour tu ne m'as pas encore parlé de tes jambes et je voudrais aussi une longue lettre sur tes hanches. J'adore tes seins qui sont si beaux. Ils s'impriment dans ma chair. Et je te fais encore cette caresse que tu devines. Je te mange mon amour et je me fais une barbe de sapeur avec ta toison que j'adore. J'adore ce sourire qui était l'annonciation. moi aussi m'amour tout ce qui n'est pas toi m'est indifférent . J'adore que tout soit désir en toi Madeleine, c'est ainsi en moi aussi. Mais oui tu m'aimes bien, mon grand amour, ma belle pâmée, mon adorable évanescente, mon Ariel voluptueux. Ton corps se contracte parce que tu ignores encore mon attouchement et puis c'est peut-être ta façon.
            Parle-moi longuement des amphores de tes hanches mon amour et dis-moi aussi comme est placée cette bouche rose et noire de ton être intime, bas et regardant le sol ou plus haut et comme une fente verticale devant toi. Dis-moi aussi quels sont les poètes que tu préfères, en-dehors de moi bien entendu qui suis ton amour et qui t'adore, dis-moi aussi si tu es gourmande et si tu as bon appétit et sur quel côté tu dors. Puis dis-moi encore que tu m'aimes moi je t'adore. Je prends ta bouche.

                                                                      CLASSE 17

                                           Boyaux et rumeur du canon
                                           Sur cette mer aux blanches vagues
                                          Fou stoïque comme Zénon
                                          Pilote du coeur zigzagues

                                          Petites forêts de sapins
                                          La nichée attend la becquée
                                          Pointe-t-il des nez de lapins
                                          Comme l'euphorbe verruquée

                                         Ainsi que l'euphorbe d'ici
                                         Le soleil à peine boutonne
                                         Je l'adore comme un Parsi
                                         Ce tout petit soleil d'automne

                                         Un fantassin presqu'un enfant
                                         Beau comme le jour qui s'écoule
                                         Beau comme mon coeur triomphant
                                         Disait en mettant sa cagoule

                                         Tandis que nous n'y sommes pas
                                         Que de filles deviennent belles
                                         Voici l'hiver et pas à pas
                                         Leur beauté s'éloignera d'elles

                                         Ô Lueurs soudaines des tirs
                                         Cette beauté que j'imagine
                                         Faute d'avoir des souvenirs
                                         Tire de vous son origine

                                         Car elle n'est rien que l'ardeur
                                         De la bataille violente
                                         Et de la terrible lueur
                                         Il s'est fait une muse ardente

            Mon amour je prends ta bouche et je te prends toute.


                                                                                                   Gui
                                        






samedi 16 juin 2012

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui


    Moscou Place Pouchkine Portrait d'Alexandre Pouchkine

                                                     Journal secret
                                                       ( extraits )

            Quand je suis heureux en amour, ma vie est submergée d'un plaisir immédiat, ni le passé ni l'avenir ne m'inquiètent. Mais quand mon coeur devient vide, mes pensées se tournent vers le passé ou l'avenir, marqué par la mort. Et le chagrin m'envahit. Par conséquent, seul l'amour peut nous sauver d'un moment délétère ; il nous préserve du passé et de l'avenir ; il fige le temps aujourd'hui, un jour heureux.
            Si le temps s'arrête quand on est amoureux, cela signifie que la seule manière de suspendre le temps est d'être constamment amoureux. Et parce qu'il est impossible d'être constamment amoureux d'une femme, je m'amourache sans cesse de femmes différentes.


                                                                    °°°°°°°°°°°°°°°

            Quand j'étais célibataire, rien de particulier ne me hantait, sauf peut-être le désir d'un bonheur que je recherchais en vain, et cela me rendait malheureux. Il me semblait que le mariage avec une fille jeune, jolie, au grand coeur, m'apporterait la paix et la liberté, les deux éléments constitutifs du bonheur. Hélas, la vie donne soit la paix, soit la liberté, mais jamais les deux. La paix vient d'une résignation débilitante, et une telle paix ne laisse aucune place à la liberté. La liberté m'entraîne dans des aventures sans fin, au sein desquelles aucune paix ne peut exister.


                                                                               Alexandre Sergueïevitch Pouchkine 

                                                         ( journal secret 1836 - 1837 )          

jeudi 14 juin 2012

Les Chutes Emile Zola ( Mon Salon - Ecrits sur l'art France )

      


                                                           Les Chutes
                                                                                                                                                                       15 mai 1866


            Il y a en ce moment, une excellente comédie qui se joue, au Salon, en face des tableaux de Courbet. Ce que je trouve le plus curieux à étudier, même au point de vue de l'art, ce ne sont pas toujours les artistes, ce sont souvent les visiteurs qui par un seul mot, par un simple geste, avouent naïvement où nous en sommes en matière artistique. Il est bon parfois d'interroger la foule.
            Cette année, il est admis que les toiles de Courbet sont charmantes. On trouve son paysage exquis et son étude de femme très convenable. J'ai vu s'extasier des personnes qui, jusqu'ici, s'étaient montrées très dures pour le maître d'Ornans. Voilà qui m'a mis en défiance. J'aime à m'expliquer les choses, et je n'ai pas compris tout de suite ce brusque saut de l'opinion publique.
            Mais tout a été expliqué, lorsque j'ai regardé les toiles de plus près. Je l'ai dit, la grande ennemie, c'est la personnalité, l'impression étrange d'une nature individuelle. Un tableau est d'autant plus goûté qu'il est moins personnel. Courbet, cette année, a arrondi les angles trop rudes de son génie ; il a fait patte de velours, et voilà la foule charmée qui le trouve semblable à tout le monde et qui applaudit, satisfaite de voir enfin le maître à ses pieds. 
                         
                                            La femme au perroquet Courbet  
  
      
            Je ne le cache pas, j'éprouve une intime volupté à pénétrer les secrets ressorts d'une organisation quelconque. J'ai plus souci de la vie de l'art. Je m'amuse énormément à étudier les grands courant humains
qui traversent les foules et les jettent hors de leurs lits. Rien ne m'a paru plus curieux que ce fait d'un esprit puissant, admiré justement le jour où il a perdu quelque chose de sa puissance.
            J'admire Courbet, et je le prouverai tout à l'heure. Mais, je vous prie, reportez-vous à cette époque où il peignait la Baigneuseet le Convoi d'Ornans,et dîtes-moi si ces deux toiles magistrales ne sont pas autrement fortes que les deux délicieuses choses de cette année. Et pourtant, au temps de la Baigneuse et du Convoi d'Ornans, Courbet prêtait à rire, Courbet était lapidé par le public scandalisé. Aujourd'hui, personne ne rit, personne ne jette des pierres. Courbet a rentré ses serres d'aigle, il ne sait pas livré entier, et tout le monde bat des mains, tout le monde lui décerne des couronnes.
            Je n'ose formuler une règle qui s'impose forcément à moi : c'est que l'admiration de la foule est toujours en raison indirecte du génie individuel. Vous êtes d'autant plus admiré et compris, que vous êtes plus ordinaire.
            C'est là un aveu grave me fait la foule. J'ai le plus grand respect pour le public ; mais si je n'ai pas la prétention de le conduire, j'ai au moins le droit de l'étudierµ;
            Puisque je le vois aller aux tempérament affadis, aux esprits complaisants, je mets en doute ses jugements, et je songe que je n'ai pas eu un tort aussi grand qu'on veut bien le dire, en admirant un paria, un lépreux de l'art.
            Et comme je ne veux pas qu'on se méprenne sur les sentiments d'admiration profonde que j'éprouve pour Courbet, je dis ici ce que j'ai dit ailleurs, il y aura un an, lors de l'apparition de Proudhon.
            Mon Courbet à moi, est simplement une personnalité. Le peintre a commencé par imiter les Flamands et certains maîtres de la Renaissance ;  
                                                                         
                                                                                                                                                                                                                                                                    Postérité
mais sa nature se révoltait et il se sentait entraîné par toute sa chair, entendez-vous ? - vers le monde matériel qui l'entourait, les femmes grasses et les hommes puissants, les campagnes plantureuses et largement fécondes. Trapu et vigoureux, il avait l'âpre désir de serrer entre ses bras la nature vraie ; il voulait peindre en pleine viande et en plein terreau.
            La jeune génération, je parle des jeunes gens de vingt à vingt-cinq ans, ne connaît presque pas Courbet. Il m'a été donné de voir rue Hautefeuille, dans l'atelier du maître, pendant une de ses absences, certains de ses premiers tableaux. Je me suis étonné, et je n'ai pas trouvé le plus petit mot pour rire dans ces toiles graves et fortes dont on m'avait fait des monstres. Je m'attendais à des caricatures, à une fantaisie folle et grotesque, et j'étais devant une peinture serrée et large, d'un fini et d'une franchise extrêmes.
            Les types étaient vrais, sans être vulgaires ; les chairs, fermes et souples, vivaient puissamment ; les fonds s'emplissaient. d'air et donnaient aux figures une vigueur étonnante. La coloration, un peu sourde, a une harmonie presque douce, tandis que la justesse des tons et l'ampleur du métier établissent les plans et font que chaque détail a un relief étrange. En fermant les yeux, je revois ces toiles énergiques, d'une seule masse, bâties à chaux et à sable, réelles jusqu'à la vérité. Courbet appartient à la famille des faiseurs de chair
             
                               
            Certes, je ne puis être accusé de mesurer l'éloge au maître. Je l'aime dans sa puissance et sa personnalité.
            Il m'est permis de lui montrer la foule qui se groupe autour de ses toiles et de lui dire :
            " Prenez garde, voilà que vous passez dans l'admiration publique. Je sais bien qu'un jour votre apothéose viendra. Mais, à votre place, je me fâcherais de me voir accepté juste à l'heure où ma main aurait faibli, où je n'aurais pas fouillé au fond de moi pour me donner dans ma nature, sans ménagement ni concessions. "
            Je ne nie point que La Femme au perroquet ne soit une solide peinture, très travaillée et très nette ; je ne nie point que La Remise des chevreuils n'ait un grand charmes, beaucoup de vie ; mais il manque à ces toiles le je-ne-sais-quoi de puissant et de voulu qui est Courbet tout entier. Il y a douceur et sourire ; Courbet, pour l'écraser d'un mot , a fait du joli !
            On parle de la grande médaille. Si j'étais Courbet, je ne voudrais pas, pour La Femme au perroquet, d'une récompense suprême qu'on a refusée à La Curée et aux Casseurs de pierres.J'exigerais qu'il fût bien dit qu'on m'accepte dans mon génie et non dans mes gentillesses. Il y aurait pour moi je ne sais quelle pensée triste dans cette consécration donnée à deux de mes oeuvres que je ne reconnaîtrais pas comme les filles saines et fortes de mon esprit.
Jean-François Millet-Autoportrait.jpg                  
      
            Il y a encore deux autres artistes au Salon sur lesquels j'ai pleuré, MM. Millet et Théodore Rousseau. Tous deux ont été et seront encore, je me plais à le croire, des individualités pour lesquelles je me sens la plus vive admiration. Et je les retrouve ayant perdu la fermeté de leurs mains et l'excellence de leurs yeux.
            Je me souviens des premières peintures que j'ai vues de M. Millet. Les horizons s'étendaient larges et libres ; il y avait sur la toile comme un souffle de la terre. Une, deux figures au plus, puis quelques grandes lignes de terrain, et voilà qu'on avait la campagne ouverte devant soi, dans sa poésie vraie, dans sa poésie qui n'est faite que de réalité.
            Mais je parle en poète, et les peintres, je le sais n'aiment pas cela.
            S'il faut parler métier, j'ajouterai que la peinture de M. Millet était grasse et solide, que les différentes taches avaient une grande vigueur et une grande justesse. L'artiste procédait par morceaux simples, comme touts les peintres vraiment peintres.
            Cette année je me suis trouvé devant une peinture molle et indécise. On dirait que l'artiste a peint sur papier buvard et que l'huile s'est étendue. Les objets semblent s'écraser dans les fonds. C'est là une peinture à la cire qu'on a chauffée et dont les diverses couleurs se sont fondues les unes dans les autres.
            Je ne sens pas la réalité dans ce paysage. Nous sommes au bout d'un hameau, et, brusquement, l'horizon s'élargit. Un arbre se dresse seul dans cette immensité. On devine derrière cet arbre tout le ciel. Eh bien ! je le répète,la peinture manque de vigueur et de simplicité, les tons s'effacent et se mêlent, et, du coup, le ciel devient petit et l'arbre paraît collé aux nuages.
            Hélas ! l'histoire est la même pour M. Théodore Rousseau, peut-être même est-elle plus triste encore.
                                                                                                                                                                       
            En sortant du Salon, j'ai voulu retourner voir le paysage que l'artiste a au musée du Luxembourg. Vous rappelez-vous cet arbre puissamment tordu, se détachant en noir sur le rouge sombre d'un coucher de soleil ? Il y a des vaches dans l'herbe. L'oeuvre est profonde et tourmentée. Ce n'est peut-être pas là une nature bien vraie, mais ce sont des arbres, des vaches et des cieux interprétés par un esprit vigoureux qui nous a communiqué en un langage étrange les sensations poignantes que la campagne faisait naître en lui.
            Et je me suis demandé comment M. Théodore Rousseau pouvait en être arrivé au travail de patience dans lequel il se complaît aujourd'hui.Voyez ses paysages du Salon. Les feuilles et les cailloux sont comptés, les tableaux paraissent peints avec de petits bâtons qui auraient collé la couleur goutte à  goutte sur la toile. L'interprétation n'a  plus aucune largeur. Tout devient forcément petit. Le tempérament disparaît devant cette lente minutie ; l'oeil du peintre ne saisit pas l'horizon dans sa largeur, et la main ne peut rendre l'impression reçue et traduite par le tempérament. C'est pourquoi je ne sens rien de vivant dans cette peinture ; lorsque je demande à M. Théodore Rousseau de saisir en sa main, comme il l'a fait jadis, un morceau de la campagne, il s'amuse à émietter la campagne et à me la présenter en poussière.
            Tout son passé lui crie : Faites large, faites puissant, faites vivant.
                          
                                        
                                                            Le déjeuner sur l'herbe Manet

            Il me prend un scrupule. Le titre de cet article est bien dur. Je suis obligé de juger aujourd'hui, peut-être trop sévèrement, des artistes que j'aime et que j'admire. Un simple fait me servira d'excuse.
           Après la publication de mon article sur M. Manet, j'ai rencontré un de mes amis auquel je communiquai mon impression toute franche sur les toiles dont je viens de parler.
           " Ne dites jamais cela, s'est-il écrié, vous frappez sur vos frères ; il faut se constituer en bande, en coterie, et défendre quand même son parti. Vous levez le drapeau de la personnalité. Louez tous les gens personnels, dussiez-vous mentir. "
            C'est pourquoi je me suis hâté d'écrire ces lignes.


                                                                                             Zola

                                                                    ( paru dans l'Evènement le 15 mai 1866 )






 
           

Répandu sur le plancher Zisho Landau ( Poésie Yiddish )

 Répandu sur le plancher


                                                                   J'ai répandu sur le planche                
                                                                   Un peu d'alcool, et en silence
                                                                   J'ai allumé sur le plancher
                                                                   Ce peu d'alcool, et en silence
                                                                   L'alcool aisément a brûlé
                                                                   Aisément et calme a brûlé...

                                                                   Tel au mur le bruit d'un grillon
                                                                   En moi frappe et frappe un démon :
                                                                   " En glaçon te changeront
                                                                   Bientôt tes tremblantes mains. "
                                                                   Si je réchauffe ma main droite
                                                                   Gèle aussitôt ma main gauche,
                                                                   Si je réchauffe ma main gauche
                                                                   Gèle aussitôt ma main droite.

                                                                   Et le démon, tel un grillon,
                                                                   Frappe en silence, monotone,
                                                                   " Comme tu es froid et vieux
                                                                   Qui pourrait te réchauffer ?
                                                                   Et bientôt s'éteint le feu -
                                                                   Qui pourrait te réchauffer ?
                                                                   Tant qu'il en est temps encore
                                                                   Étends vers le feu ton corps. "

                                                                   Je m'étends, s'il en est temps,
                                                                   Vers le feu, sur le plancher.
                                                                   Je me chauffe et me réchauffe.
                                                                   Si je chauffe mon côté gauche
                                                                   Se glace mon côté droit.
                                                                   Si je chauffe mon côté droit
                                                                   Se glace mon côté gauche
                                                                   Et le démon, tel un grillon,
                                                                   frappe sans fin le silence.


                                                                                        Zisho Landau

                                            ( né en Pologne en 1889 mort à NewYork en 1937.
                                              poème extrait de l'Anthologie de la poésie
                                              yiddish - Le miroir d'un peuple )