mercredi 28 décembre 2016

Anecdotes et réflexions d'hier pour aujourd'hui 67 Samuel Pepys ( journal Angleterre )

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                                                                                                                         1er avril 1662

            A l'intérieur toute la matinée et au bureau. A midi, après avoir payé la totalité de ses gages à notre servante Nell restée six mois chez nous et maintenant s'en va définitivement, ma femme et moi à la Garde-Robe où milady et la compagnie avaient presque fini de dîner. Nous prîmes place et dînâmes. Se trouvaient là Mr Harbord fils de sir Charles Harbord, arrivé il y a peu, porteur de lettres de milord Sandwich pour le roi. Après quelque conversation nous nous fîmes souvenir l'un à l'autre que nous nous étions rencontrés à la taverne lorsque Mr Fanshaw me fit ses adieux en partant pour le Portugal avec sir Richard.
            Après dîner, lui et moi, les deux jeunes demoiselles et ma femme allâmes au théâtre, à l'Opéra, vîmes La fille au moulin, assez bonne pièce. Au milieu de la pièce, milady Paulina, qui avait pris une purge le matin, fut obligée de sortir. Aussi je l'accompagnai et l'amenai à la Grange, où je lui envoyai la servante de la maison dans une chambre, et elle fit ce qu'elle désirait. Et retour à la comédie. A la fin je les accompagnai dans leur voiture à Islington, et là, après nous être promenés dans les champs, je les conduisis à la grande maison des gâteaux aux fromages ( cheesecake ) et je les régalai, puis à la maison. Après être resté une heure avec milady, leur voiture nous ramena chez nous, et puis, fatigué, au lit.


                                                                                                                        2 avril

            Mr Moore est venu et nous allâmes à pied à l'Hôpital, une heure ou deux avant l'arrivée du lord-maire et des enfants en manteau bleu. C'est vraiment un beau spectacle que cette charité.. Nous trouvâmes des places et restâmes écouter le sermon. Mais comme c'était un sermon presbytérien, il était si long qu'après plus d'une heure nous partîmes, et je rentrai dîner. Puis ma femme et moi allâmes par le fleuve à l'Opéra où nous vîmes l'Esclave, pièce jouée d'une façon tout à fait excellente, et nous avons beau l'avoir vue très souvent, jamais elle ne m'a tant plu qu'aujourd'hui.......  Nous sommes décidés à ne plus aller au théâtre jusqu'à la Pentecôte, ayant vu trois pièces d'affilée. J'ai rencontré Mr Sankey, Smythes, Gale et Edith à la comédie mais, peu désireux de faire des dépenses, je les y ai laissés. Rentrai et souper, puis je me suis occupé de quelques affaires, et au lit.


                                                                                                                         3 avril

            A la maison et au bureau toute la journée. Le soir au lit.


                                                                                                                           4 avril
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Buffet            Par le canot major, sir George, les deux sirs William et moi allâmes à Deptford où nous payâmes la solde de l'équipage du " Drake et du Hampshire " au désarmement. Puis dîner. Sir George est allé chez sa femme et sir William Penn à Woolwich, sir William Batten et moi à la taverne où beaucoup de monde est venu nous voir, et notre dîner fut un peu court, parce qu'ils en emportèrent une partie. Puis retournés finir de payer l'équipage du " Hampshire  et du Paradox ", ce qui dura jusqu'à neuf heures du soir. Retour à la maison la nuit, par le canot major sans incident. Et je me suis fait accompagner de Tom Hayter porteur d'une certaine somme que les employés devaient rapporter avec nous dans le canot, les autres demeurant pour régler les billets de solde. Mais ils sont rentrés après nous ce même soir. Rentré, au lit.
            J'ai été fort troublé aujourd'hui en voyant un mort flotter sur l'eau, et cela fait quatre jours, dit-on, sans que personne le retire pour l'enterrer, ce qui est fort barbare.


                                                                                                                           5 avril

            Au bureau jusqu'à près de midi, puis nous nous sommes quittés. Arriva alors sir George Carteret. Nous allâmes nous promener seuls dans le jardin, fîmes des observations sur certaines défaillances du bureau, particulièrement celles de sir William Batten. Et il semblait fort content de moi, ce qui, je l'espère, me promet quelque protection pour l'avenir, ce dont je serai aise. Puis sortis avec ma femme, elle pour aller à la Garde-Robe et y dîner, mais ils avaient dîné. Après ma femme et les deux dames allèrent voir ma tante Wight, puis me retrouvèrent à la maison. De là ( après que sir William Batten et moi eûmes inspectés nos maison avec un ouvrier pour faire surélever nos toits afin d'agrandir nos maisons ) j'allai avec elles en voiture, d'abord à Moorfields où nous nous promenâmes, puis à Islington où nous fîmes une belle promenade dans les champs, et après avoir mangé et bu, je revins avec elles, et retour par le fleuve avec ma femme. Et après souper, au lit.


                                                                                                                        6 avril
                                                                                                  Jour du Seigneur
            Par le fleuve à Whitehall voir sir George Carteret pour lui exposer les raisons du retard des navires que nous avons affrétés pour le Portugal.
            Cela le tracasse beaucoup. Puis à la Chapelle et là, bien qu'elle fut comble, j'entendis un fort honnête sermon prononcé devant le roi par un chanoine de Christ Church, sur ces mots  : " Ayant une apparence de piété mais renonçant... ", etc. Il insista particulièrement sur le péché d'adultère, ce qui, me sembla-t-il, pouvait bien concerner le roi, d'autant plus que cela était introduit de façon forcée dans son sermon, sans rapport avec le texte, me sembla-t-il.
            Puis montai et vis le dîner du roi. Avec sir George Carteret pour dîner avec lui et sa femme, que j'embrassai, et fus fort bien reçu par elle comme nouveau venu, elle semble femme de bien. Et toute leur conversation, fort nourrie, porta sur leurs souffrances et leur service pour le roi. Mais non sans être un peu chagrinés de voir que certains, qui leur ont de grandes obligations, maintenant les négligent, et que d'autres sont fort attentifs alors qu'ils n'ont pas reçu grand-chose d'eux.
            Et je crois que c'est quelqu'un qui a bien servi le roi.
            De là promenade dans le parc où le roi et le Duc faisaient un tour de promenade. Quand je me trouvai fatigué j'allai prendre le canot pour Milford Stairs. Puis dans les allées de Gray's Inn, la première fois que je m'y suis rendu cette année, et c'est fort agréable et plein d'excellente compagnie. Quand je fus fatigué l'allai à la Garde-Robe et demeurai là un moment avec milady, puis à l'appontement de Saint-Paul où mon canot m'attendait pour rentrer par le fleuve. Et souper avec ma femme et sir William Penn. Et à la maison et au lit.


                                                                                                              7 avril 1662
                                                                                                                   aparences.net 
Afficher l'image d'origine            Par le fleuve à Whitehall et de là à Westminster où j'attendis longtemps à la porte du Parlement pour parler avec Mr Coventry, ce qui me contraria. De là aux Lords où je restai dans la Chambre tandis que les évêques et les lords attendaient l'arrivée du chancelier. On nous fit alors sortir et eux allèrent à la prière.
            Puis arrive un évêque et tout en s'habillant il dit à son laquais d'écouter à la porte pour savoir où en était l'office. Mais cet homme lui dit quelque chose sans pouvoir lui dire où ils en étaient. L'évêque se contenta de rire, et ils entrèrent. Mais, Dieu me pardonne ! j'ai bientôt raconté cela à d'autres, leur disant que cet homme avait dit qu'il s'agissait de sauver leurs âmes, mais qu'il ne savait pas où dans l'office cela se trouvait.
            J'envoyai un billet à milord du Sceau privé, et il sortit me trouver et je le priai de me donner un autre suppléant à cause de la grande besogne que me donne la Marine ce mois-ci. Mais il me dit qu'il ne pouvait rien faire sans le consentement du roi, ce qui me contraria. Puis chez le Dr Castle où j'eus promesse de son commis que son maître prendrait ma place le lendemain.
            De là par le fleuve chez Tom et là, avec ma femme prîmes une voiture et allâmes à l'ancienne Bourse où, après avoir acheté six grandes cravates de toile, je l'envoyai à la maison. Moi-même allai rejoindre mon oncle Wight et Mr Rawlinson, et en leur compagnie allai dîner chez ce dernier. Eûmes un bon dîner de mets froids et de bon vin. Mais j'eus la cervelle troublée après le peu de vin que j'avais bu. Retour au bureau je me promis de ne plus prendre qu'un seul verre de vin par repas jusqu'à Pentecôte, quoi qu'il arrive.
            Mrs Bowyer et ses filles étant chez moi, je m'abstins d'aller les trouver ayant du travail et la cervelle troublée, et je restai dans mon bureau jusqu'au soir. Je me promenai alors sur la terrasse avec ma femme, puis allai dans mon cabinet, et au lit.
            La grande rumeur c'est que les Espagnols et les Hollandais projettent d'attaquer le Portugal par la mer à Lisbonne dès que notre flotte sera partie. Ce qui veut dire que notre flotte ne reviendra sans doute pas avant deux ou trois mois, ce qui, je l'espère, est faux.


                                                                                                            8 avril

            Levé très tôt et au bureau jusqu'à midi. Puis dîner, et arrivent l'oncle Fenner et les deux Joyce. Je fis chercher une bourriche d'huîtres et une poitrine de veau farcie, et nous fûmes fort gais. Mais je ne puis avaler leur sotte et impertinente compagnie. Après dîner de nouveau au bureau, puis le soir en voiture à Whitehall et, Mr Coventry étant absent, je lui mis par écrit mon affaire du bureau, car il faisait presque nuit, et je repartis. Pris ma femme en passant pour la ramener. Et à Ludgate Hill, comme on s'arrêtait, j'achetai deux gâteaux qui firent notre souper à la maison, et au lit.


                                                                                                          9 avril

            Sir George Carteret, les deux sirs William et moi-même au bureau toute la matinée à apurer les comptes de l'entrepreneur des subsistances. Et à midi, pour dîner, au Dauphin où il y avait une bonne échine de boeuf et autre bonne chère.
            Pendant le dîner sir George me montra un récit en français de la grande famine qui est extrême dans certaines parties de la France en ce moment, ce qui est fort étrange.
            Puis j'allai à la Bourse voir Mrs Turner, que je trouvai malade, au lit. Et en plusieurs autres endroits pour affaires. Et retour, souper et au lit.


                                                                                                          10 avril
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Afficher l'image d'origine            A Westminster par le fleuve avec les deux sirs William, et nous traitâmes plusieurs affaires. Puis à la Garde-Robe dîner avec Mr Moore. Hier est arrivé le colonel Talbot avec des lettres du Portugal, disant que la reine est décidée à s'embarquer pour l'Angleterre cette semaine.
            Puis au bureau tout l'après-midi. Milord Windsor vint s'entretenir de ses affaires et prendre congé de nous, puisqu'il doit partir comme gouverneur de la Jamaïque avec la flotte qui est sur le départ.
            Resté tard au bureau. A la maison, tout préoccupé des affaires, et au lit.


                                                                                                              11 avril

            Levé de bonne heure pour jouer du luth et chanter. Puis, vers six heure, allai avec sir William Penn par le fleuve à Deptford dans le groupe de navires sur le point de partir pour le Portugal avec des hommes et des chevaux, pour veiller à la mise en route. Puis à Greenwich et belle marche agréable jusqu'à Woolwich en compagnie du commandant Myngs, dont je goûtai fort la conversation, en langage choisi mais assez agréable pourtant. Entre autres, lui et les autres capitaines me disent que les nègres noyés sont blancs et perdent leur couleur noire, ce qu'on ne m'avait jamais dit.
            A Woolwich allées et retours pour la même affaire. Puis à Greenwich par le fleuve, et là, tandis qu'on nous préparait quelque dîner, sir William et moi sommes allés marcher dans le parc où le roi a planté des arbres et taillé dans la colline un escalier qui monte au château-fort, ce qui est fort splendide. Puis parcourûmes le palais où l'on répare les appartements de la reine.
            Puis dîner au Globe et le commandant Lambert, du bateau de plaisance du Duc, vint nous trouver pour le dîner. Et nous avons été fort gais, et sommes revenus à la maison. Je me rendis à la Bourse dans la soirée et je parlai à l'oncle Wight. Puis à la maison et me promenai avec ma femme sur la terrasse jusque tard. Et au lit très fatigué, ce que je suis rarement.


                                                                                                          12 avril

            Au bureau toute la matinée. Ou entre autres, exaspéré par quelque impertinence de sir William Batten, je l'ai appelé " déraisonnable ", ce qui le mit en colère, comme moi, mais je ne crois pas que nous serons vraiment fâchés.
            Après dîner allai en différents lieux pour affaires et à la maison où j'ai écrit des lettres dans mon bureau et une à Mr Coventry, et terminai en m'excusant de ne pas aller lui rendre mes devoirs aussi souvent que d'autres, faute de temps. A la maison, et au lit.


                                                                                                              13 avril
                                                                                         Jour du Seigneur            
            Le matin à Saint-Paul où j'ai entendu un assez bon sermon, puis dînai avec milady à la Garde-Robe, et après une longue conversation avec elle j'allai à l'église au Temple où j'en entendis un autre
et alors, un jeune garçon en s'endormant tomba à terre du haut d'un siège élevé, manquant de se rompre le cou, mais sans se faire de mal.
            De là au jardin de Gray's Inn où je rencontrai Mr Pickering et me promenai avec lui deux heures, jusqu'à 8 heures, jusqu'à être tout à fait fatigué. Son entretien portait surtout sur l'orgueil de la duchesse d'York et comment toutes les dames sont jalouses de Mrs Castlemaine. Il doit se rendre à Portsmouth à la rencontre de la reine cette semaine, ce qui est à l'heure actuelle le grand sujet de conversation et d'attente de la ville.                                                           jpvest.fr
Afficher l'image d'origine            Retour à la maison et, à peine arrivé, sir William Batte, vient me trouver, m'apporte un papier qui vient de Field, qui nous a déjà causé beaucoup de tracas au bureau, C'est une violente pétition adressée au roi contre notre bureau pour n'avoir pas fait justice à sa dénonciation d'un détournement au préjudice des magasins du roi commis par un certain Turpin. J'amenai sir William chez sir William Penn arrivé depuis peu de Walthamstow, et nous discutâmes ce papier. Mais nous n'avons guère de crainte, le roi le renvoyant au duc d'York. Nous avons pris quelques verres de vin et retour à la maison et au lit, ma femme étant déjà couchée.              


                                                                                                            14 avril

            Comme j'étais fatigué hier soir je suis resté très longtemps au lit ce matin, à parler avec ma femme et à la convaincre d'aller à Brampton et d'emmener Sarah la semaine prochaine pour guérir sa fièvre par le changement d'air. Nous sommes tombés d'accord en tous points là-dessus.
            Nous nous levâmes et dînâmes à midi, et puis nous sommes allés chez le peintre où je posai pour la dernière fois pour mon portrait qui, je l'espère, me satisfera. Puis à Paternoster Row pour faire des emplettes en vue du départ de ma femme.
            A la maison et promené sur la terrasse avec ma femme. Et je ne sais si c'est qu'elle soupçonne quelque chose, mais elle ne veut plus du tout aller à Brampton. Ce qui me tracasse quelque peu, et pourtant toute mon intention était d'être plus libre d'aller à Portsmouth quand les autres iront verser la paie des arsenaux, ce qui sera bientôt. Mais je partirai si je le puis.
            Souper et au lit.


                                                                                                           15 avril 1662

            Au bureau toute la matinée. Dînai à la maison. De nouveau au bureau l'après-midi pour envoyer des lettres et à la maison et en voiture avec ma femme à la nouvelle Bourse pour faire des emplettes pour elle. Nous avons vu des jupes de taffetas dernier cri, avec une large dentelle noire appliquée sur le bord et sur le devant, fort élégantes, et ma femme désire en acheter une. Mais nous n'en avons pas acheté à ce moment. Mais de là chez Mrs Bowyer avec l'idée de lui parler d'emmener notre Sarah à Huntsmoore un certain temps pour lui ôter sa fièvre. Mais nous n'en eûmes pas l'occasion, et nous sommes rentrés, et au lit.



                                                                               à suivre
                                                                                            16 avril...........
            Levé de.........


                                                                                                                                                                   


         

mardi 27 décembre 2016

Le vieux saltimbanque Jim Harrison ( autobiographie EtatsUnis )


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                                                                   Le vieux saltimbanque

            Romancer son autobiographie, se promener au fil de ses souvenirs, de ses balades, de ses rencontres, la dernière est d'ailleurs le début d'une fin prévue passée soixante dix ans, l'absence de désir devant les cuisses et le reste d'une jolie fille court vêtue. Pourtant tout jeune garçon il savait déjà que laisser grimper à l'échelle de la grange sa jeune cousine mennonite n'était pas très élégant certes mais le voyeur espérait ce qu'il ne vit pas. Jim Harrison dans ce dernier livre paru un mois avant sa mort raconte à sa façon, réaliste et poétique, les hommes, les femmes, la flore et la faune. Un plaisir de lecture. Auteur tôt reconnu en France, avant même son pays où il gagna quelque argent grâce aux scénarios, il en vint à penser accomplir deux derniers voeux : voyager en France pour boire et manger notamment à Toulouse plusieurs cassoulets, ce qui il reconnaît cela fait beaucoup de haricots, à Arles, parce que Van Gogh, Gaugin et le problème de l'oreille coupée. Le second était la possession d'un cochon, Harrison a une enfance pauvre, il gagnait quelques centimes en aidant à tous les travaux possibles dans un bourg du Michigan. Le hasard et l'une de ses si nombreuses haltes dans un bar, et pour 300 billets une belle truie est livrée trois jours plus tard dans l'enclos agrandi de sa maison proche de la frontière mexicaine. Une belle truie et trois jours plus tard neuf petits porcelets, certain promené comme un bébé. Mais l'auteur s'empare de ses souvenirs d'enfant, gros lecteur, malgré son oeil trop blessé pour être guérissable, il lit tout et " ..... ces livres l'encouragèrent à pense le monde de manière plus organisée...... Par exemple parce qu'il était entré en religion en été il se dit que Dieu était sorti de la terre et venu à lui à travers ses pieds. Pourquoi pas ? ..... il lui semblait parfois recevoir des messages par les pieds..... " Jim Harrison est un poète, il est d'ailleurs mort, dit-on, dans son studio à sa table écrivant un poème, et nous conte la bataille des mots, des verbes, de la phrase. Jim Harrison a beaucoup pêché, à la mouche pas avec les gros crochets, chassé et dégusté avec un plaisir évident les animaux à poils er les oiseaux, cependant il demeurait un grand admirateur du perroquet bleu rieur du Mexique que l'on croyait disparu mais semble réapparaître. Quitté avec regret le livre du vieux saltimbanque, 

jeudi 22 décembre 2016

Joséphine Baker Catel et Bocquet ( B.D. France )


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                                                Joséphine Baker

            Naître en 1906 aux USA à Saint Louis, Missouri, noire, très pauvre et pourtant devenir et demeurer une gloire internationale 50 ans durant, fut le destin de Freda Joséphine Mc Donald. Sa mère abandonnée dès l'annonce du bébé, la petite fille, pleine de gaieté et semblait-il de frivolité, grandit entre sa tante, son beau-père et ses frères et soeurs, écolière épisodique, placée à 10 ans, épisode malheureux mais qui ne dura pas. Elle dansait et grimaçait, se maria, pas tout à fait, à 13 ans et se produisit dans de petites troupes. Elle dansait, rien ne pouvait l'en empêcher; ne put être engagée comme danseuse chanteuse vedette avant l'âge légal, mais obtint ce qu'elle voulait peu de temps après, elle se maria, elle avait 16 ans. Enfant toujours son conte préféré fut Cendrillon, elle en réclama la lecture longtemps. Elle supporta les déceptions, mais elle dansait et chantait avec un allant qui la fit aller de l'avant, rencontrant les femmes et les hommes les plus connus des années 30. En 1925 engagée à Paris elle rencontre Sydney Bechet, Le Corbusieur, compagnons d'un moment. L'un d'eux lui dit " ...... On vient au monde seul et on le quitte seul, mais pour t'accompagner sur ce long chemin, il y a un truc, la musique. Grâce à elle, le long de cette route il y a des moments merveilleux mais aussi de grandes souffrances.... " Joséphine prit les moments merveilleux, chaleureuse elle fut l'amie de Paul Colin,il lui fit adopter un tigre outre les nombreux animaux domestiques,  de Colette et traversa la route d'Hémingway, de Simenon à ses débuts, marié.  Avant son départ, divorcée, remariée à Willie Howard Baker elle vécut libre néanmoins à Paris qui l'adopta rapidement. Plus tard elle divorça mais demanda à son ex-époux de conserver son nom. Ses nombreux compagnons de route, même Jo Bouillon musicien et chef d'un orchestre conséquent, furent appelés Monsieur Baker. Elle gagna beaucoup d'argent et en dépensa encore plus. Généreuse, large d'esprit elle n'admit jamais la ségrégation qu'elle retrouva lors de tournées aux USA. Engagée
pendant la guerre, elle espionne et chante partout " J'ai deux amours, mon pays et Paris, Paris... " fidèle à la France. Elle rêve d'une famille multicolore, achète des châteaux, revend le Beau-Chêne et garde les Milandes, où elle et Jo Bouillon élèvent 12 enfants, de toutes les couleurs de peau, de religion, orphelins de différents pays : La Tribu Arc-en-Ciel. N'écoute personne, et se retrouve ruinée. Mais la princesse Grace de Monaco saura sauver le petit monde et leur trouve un logement à Roquebrune. Joséphine Baker retrouve la scène et Paris engagée par Jean-Claude Brialy. Elle meurt à 69 ans sans avoir pratiquement quitté la scène. Ce gros volume, biopic bien venu sur une femme, elle fut décorée par le général de Gaulle qui assista à son spectacle accompagnée de son épouse, une vedette, des personnalités aujourd'hui quelque peu oubliées. Toute une époque.

Les aphorismes de Zürau Franz Kafka ( Flash 7/2 extraits Allemagne )

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                                                  Les aphorismes de Zürau   

            L'homme ne peut pas vivre sans faire continuellement confiance à quelque chose d'indestructible en lui, et ce même si ce quelque chose d'indestructible, tout comme la confiance, lui reste continuellement caché. L'un des modes d'expression de ce rester-caché en un dieu personnel.


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            Celui qui aime son prochain en ce monde ne fait ni plus ni moins de tort que celui qui s'aime lu-même en ce monde. Reste à savoir si le premier cas est possible.


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            L'amour charnel fait oublier l'amour céleste. A lui seul il ne le pourrait pas, mais comme il a en lui sans le savoir l'élément de l'amour céleste, il le peut.


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                                                                                                                  yellowkorner.com    
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            Une foi comme un couperet, si lourde, si légère.


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            Les joies de cette vie ne sont pas les " siennes ", mais plutôt " notre peur " d'accéder à une vie plus haute. Les tourments de cette vie ne sont pas les " siens ", mais plutôt ceux que nous nous infligeons en raison de cette peur.                                                      
                                                                                           

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            La représentation du cosmos comme étendue infinie et pleine résulte d'un mélange poussé à l'extrême de création laborieuse et de libre réflexion intérieure.



                                                                                         Franz Kafka
                                                                                                     ( extraits )




mardi 20 décembre 2016

Le goût des pépins de pomme Katharina Hagena ( roman Allemagne )


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                                              Le goût des pépins de pomme

             Une maison de famille recèle des souvenirs, des larmes, des secrets. A la mort de Bertha, grand-mère d'Iris cette dernière hérite de la propriété selon le testament, les autres biens revenant à ses filles. Iris, bibliothécaire à Fribourg où le goût de la lecture lui est passé remplacé par le travail, hésite en ce mois de juin. Revoir la maison où elle a passé son enfance, assisté à des chagrins d'adultes, joué avec sa cousine Rosemarie si tôt disparue et Mira son amie si noire de cheveux, de maquillage, de vêtements et si pâle de peau l'angoisse. Néanmoins elle trouve les clés qui ouvrent les portes, retrouve l'odeur de compote de pommes, cannelle et muscade, un jardin mieux tenu qu'elle ne pensait et le verger et ses pommiers en fleurs. Quelques pots de gelée de groseilles qui noircissaient lors des drames, " des larmes en conserve ". La maison située dans le nord de l'Allemagne, à Bootshaven un gros village. Inge l'une des tantes d'Iris revenait chaque semaine de Brême où elle travaille pour soulager sa soeur Harriet dans les soins que demandait Bertha, durant les six années où les pertes de mémoire vont s'accentuer. Et l'auteur s'interroge "......  Les gens devenaient-ils oublieux lorsqu'ils avaient quelque chose à oublier ? L'oubli ne tenait-il qu'à l'incapacité de retenir les choses ? Peut-être que les vieilles gens n'oubliaient rien mais se refusaient simplement à retenir ceci ou cela. A partir d'une certaine quantité de souvenirs, chacun devait finir par en être saturé....... " Mais pendant les quelques jours qu'Iris passe dans la maison familiale les souvenirs vont affluer. Acceptera-t-elle cet héritage si pesant. Trois générations se sont succédé dans ces jardins sous le toit branlant du jardin d'hiver, de plus, choquée elle découvre le mot " nazi " peint sur le poulailler. Max, l'avoué l'aide à repeindre les murs du petit bâtiment. Bertha ne pouvait reconnaître les siens, et Katharina Hagena décrit les égarements des personnes perdues dans leur monde. Mira aimait le drame avait quitté le pays à quinze ans et travaille à Berlin, son frère Max aimait la tranquillité il est resté, est l'avoué de la famille. Un lac noir et une écluse aident deux personnages à éclaircir l'horizon. Un jardin, des fleurs et des légumes, des groseilliers qui noircissent lors des orages familiaux et des pommes qui mûrissent en une nuit après les amours heureuses, peut-être. Un très joli livre. Les murs de la maison nous tiennent jusqu'au bout entre leurs pierres.






lundi 19 décembre 2016

Les aphorismes de Zürau Franz Kafka ( Extraits Flash 7 Allemagne )

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mauriceblanchot.net            



                                           Les aphorismes de Zürau

            L'invitation au combat est un des instruments de séduction les plus efficaces dont le mal dispose. C'est comme le combat avec les femmes qui finit au lit.


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            Un des premiers signes de la connaissance à ses débuts est de souhaiter mourir. Cette vie-ci semble intolérable, une autre inaccessible. On a plus honte de vouloir mourir. On demande du fond de la vieille cellule haïe à être mené dans la nouvelle, qu'il faudra apprendre à haïr. Un reste de foi nous fait croire que pendant le transfert le maître passera dans le couloir par hasard et qu'il dira, voyant le prisonnier : " Celui-là ne l'enfermez plus, il vient avec moi. "


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Source : Parc des oiseaux
            Une cage s'en fut chercher un oiseau.



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            Tu es le problème à résoudre. Pas un écolier à la ronde.   *                                      

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            Il y a un but mais pas de chemin. Ce que nous appelons chemin est hésitation.


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          Le bien, en un certain sens, est sans espoir.


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          Seule notre idée du temps nous fait nommer le Jugement dernier ainsi, à vrai dire, c'est une Cour Martiale.


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          Les chiens de chasse jouent encore dans la cour, mais le gibier ne leur échappera pas, quelque rapide que soit sa fuite à travers bois.


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                                                         Franz Kafka
                                                                          ( in Les aphorismes de Zürau )







vendredi 16 décembre 2016

Histoire du lion Personne Stéphane Audeguy ( Roman France )


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                                                         L'Histoire du lion Personne

            Kéna, signifie Personne en wolof, est né quelque part dans la savane sénégalaise, Abandonné bébé par ses parents pour une raison inconnue, il trouve sur son chemin un jeune homme, Yacine qui, muni d'une lettre de recommandation, se rend à Saint Louis où il pourra travailler. Le lionceau et son nouveau maître suivent le fleuve Sénégal "..... les boues grasses qu'il avait arrachées aux sols noirs de l'intérieur, les charriait aveuglément vers l'océan.....Pour Yacine..... la promesse d'un monde vaste, ondoyant et divers....... " 1786 Jean-Gabriel Pelletan directeur de la Compagnie royale du Sénégal, reçoit les voyageurs. L'homme et l'animal trouvent un environnement heureux jusqu'au jour où le lionceau prend de l'envergure et effraie la population. Lion devenu ignorant des moeurs des autres animaux sauvages. Personne et Hercule, petit chien qui sera toujours son ami, partagent des tribulations qui les mènent à Versailles en 1788, au Jardin royal plus guère prisé par les actuels propriétaires, Louis XVI et Marie Antoinette. L'auteur s'interroge, quelles peuvent être les pensées d'un lion ? Nous l'ignorons, mais dans un roman il peut décrire les tristesses et les découragements des deux animaux extrêmement sympathiques. Stéphane Audéguy nous raconte la nature en Afrique, en France, les forêts sous les orages, le froid, la neige, la géographie, voyage de Saint-Louis à Versailles en passant par Le Havre, Rouen, Louviers où des ouvriers anglais sont appelés à travailler sur les nouvelles machines textiles, cardent et filent, à Paris Robespierre et le peuple, la disette. Intégrer le Corps de la Ménagerie nationale pourrait mettre les deux compères à l'abri de la vindicte de la population qui n'admet pas la somme de nourriture nécessaire à la bête. Très joliment écrit, ce conte, histoire de la naissance à la mort, 1796, de deux amis inséparables du début de la Révolution à Bonaparte.






lundi 12 décembre 2016

Mitterrand un Jeune homme de droite P. Richelle F.Rébéna Bande dessinée France )



                                            Mitterrand
                                                       Un jeune de homme de droite

            François Mitterrand vu par un scénariste belge. 1935/1945. jeune homme, il a19 ans, est né et vit à Jarnac en Charente. Il est le cinquième d'une famille de huit enfants. D'un environnement profondément catholique, traditionaliste, il garde le goût des livres et de la lecture venu de ses parents, notamment de sa mère qui meurt bientôt, alors que lui-même s'installe à Paris, au 104 rue de Vaugirard, pour suivre des études de droit. Quelque romance interrompue, la guerre éclate, et Vichy. Le jeune homme vit ses premiers pas en politique. Il rencontre Pétain, puis Laval, Giraud, fait prisonnier il s'évade (épisode relaté mais pas dessiné ). François Mitterrand s'interroge, homme de droite, Vichy, les déportations, mais l'une de ses soeurs sauve des enfants juifs. Un poste lui est proposé pour s'occuper de " la question juive ", il refuse et choisit la " réinsertion des prisonniers ". Un jour, invité chez des amis le futur président de la république intrigué par le visage, sur une photo, d'une jeune fille, il décide de l'épouser. Ils se marient en 1944. Danièle Mitterrand donne naissance à un premier enfant qui mourut très tôt. Sur ces images s'achève le premier volume de la bande dessinée, noir et blanc, quelques épisodes du parcours d'un président de gauche, venu de droite, Agréable roman vécu graphique.

jeudi 8 décembre 2016

Correspondance Proust Gallimard 7 ( lettres France )

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            Le 10 Décembre 1919 le prix Goncourt est attribué aux Jeunes filles en fleurs.
            Proust reçoit des lettres de félicitation et Gide veut organiser un banquet autour de Proust pour fêter le prix.

   
                                                                        A Gustave Tronche
                
                                                                                                          Mi-décembre 1919 ( autour )

            Cher Monsieur
            Pardonnez-moi, souffrant comme je suis aujourd'hui, de vous écrire, non sur du papier à lettres, mais sur celui qui me sert à allumer mes poudres. Il est quatre heures du matin je n'ai pas de papier à lettres près de moi, et je ne veux pas faire lever quelqu'un. Je ne puis vous dire combien je suis touché de ce que vous me dites et j'espère vous en remercier de vive voix. En ce qui concerne l'édition actuelle, je vois que j'ai oublié plusieurs errata ( des plus importants car s'il fallait les noter tous cela ferait un volume ) mais je pense qu'il n'est pas trop tard. Comme je n'avais pas mis ceux que je vous avais déjà signalés dans l'ordre qu'il fallait, je veux dire que par exemple j'avais pu vous signaler un erratum p. 138 ( chiffre choisi au hasard, après un p. 158 ) il sera sans doute facile d'intercaler ceux que voici :
            p. 168 treizième ligne lire su au lieu de pu
                       quatorzième ligne lire pourrions au lieu de saurions.
           p. 171  quinzième ligne lire images au lieu de usages.
           p. 253 ligne 5 des chambres au lieu de chambres
                      ligne 10 après le mot souvenir ajouter le mot comme ( c qui fait : comme caractéristiques )
            p. 298 ligne 36 éblouie au lieu d'ébloui
            p. 443 ligne 4, virgule avant me disait, ligne 5 virgule après Albertine.
            Encore merci de tout coeur cher monsieur et croyez en mes sentiments bien sympathiques.


                                                                                               Marcel Proust


**************************

                                                         A Gaston Gallimard

                                                                                                    21 décembre 1919

            URGENT  
                                                                                                             
            Cher ami,                                                                                       masterworksfineart.com
Afficher l'image d'origine            Dix mots urgents à vous condenser en style télégraphique : Samedi hier j'ai envoyé la soeur de ma femme de chambre dans les librairies ( naturellement, elle n'est pas allée dans toutes, je pourrais vous donner les adresses ) acheter des Jeunes filles en fleurs. Il n'y en avait pas. On ne savait pas quand il y en aurait. Je vous développerai cela plus longuement, mais j'en pleure.
            Puis-je télégraphier à Jacques Rivière à Bourges ( quelle adresse ? ) je viens de découvrir des fautes énormes et bien naturelles, étant donné l'écriture dans sa dactylographie : " patriciens " pour
" mariniers " ! Même s'il n'est plus temps, jusqu'à quand reste-t-il à Bruges, je voudrais lui écrire ( ou télégraphier pour le remercier de son article ). Aura-t-il lu celui de Léon Daudet, ou faut-il le lui envoyer ?
            Des Canadiens dont le directeur est M. Leymarie me demandent des extraits etc. Cela a-t-il un intérêt quelconque  ? Et l'oeuvre de Xanrof ? Sa secrétaire est venue deux fois, inutilement chez moi. Que pensez-vous de cette lettre de Grasset ? ( il s'agit des fragments que je devais lui donner pour " Nos Loisirs " pour terminer notre différend à la suite de mon lâchage ) ?
            Cher ami je sens que je commence à vous assommer, je m'arrête. Je vous raconterai des choses fantastiques.
            Que pensez-vous de M. Dorgelès faisant imprimer des réclames débutant ainsi
                                             Prix Goncourt
                                             Roland Dorgelès
                                             4 voix contre 10
Je ne trouve pas cela très élégant. Naturellement je ne protesterai pas. Pas plus que je n'ai protesté d'être présenté par vos amis de l'Oeuvre comme un candidat du goupillon et de la sacristie, quand j'ai été l'un des tout premiers dreyfusards, que j'ai signé toutes les listes, envoyé mon livre à Picquart au Cherche Midi. La Lanterne dit même que c'est comme anti dreyfusard que j'ai été nommé.
            Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse ( Vigny ).
            Ne soyez pas insolent avec les journalistes. Je vous dirai les gros ennuis que cela pourrait me causer ( et m'a déjà causés ). Merci de tout coeur de vos annonces qui je crois sont très utiles. Mais ces librairies vides  ?


                                                                                              Marcel Proust

Dîtes à Madame Lemarié que je lui écrirai dès que je serai un tout petit peu reposé. - . Je pense beaucoup à la santé de Madame Gallimard et de Madame Tronche.


************************* réponse de Gallimard à Proust qui à son tour écrit ..... /


                                                             A Gaston Gallimard

                                                                                               Après le 26 décembre 1919

P.S. Malgré la longueur folle de cette lettre ayez mon cher Gaston la gentillesse de la lire tout entière.

            Mon cher ami,                                                                                                                                                                                                                                                     thehammocknovel.wordpress.com 
Afficher l'image d'origine            Je vais tâcher de répondre à vos questions. Excusez-moi de dicter. Comme je suis très fatigué j'aurais peur que mon écriture fût trop illisible.
            1°  ( pour commencer par la fin ) Je ne connais ni de vue, ni de nom Monsieur Félix Gautier. Sa personne m'est inconnue. J'entends parler de lui pour la première fois par votre lettre. Tout en vous écrivant, à cette lettre de vous, je pense et le nom de Baudelaire me rappelle qu'une fois chez Mademoiselle Gross, il y a plusieurs années, vous m'avez demandé ( vous ou Monsieur Fargue ) une lettre de recommandation pour Monsieur de Montesquiou, lettre destinée je crois à quelqu'un qui travaillait sur Baudelaire. Mademoiselle Gross m'a apporté du papier, de l'encre et j'ai fait la lettre séance tenante, aussi aimable que possible naturellement, puisque c'est vous qui me la demandiez. Le destinataire s'appelait-il Gautier ? Je n'en ai aucun souvenir ( ceci dit sans mépriser aucunement ce que Monsieur Gautier peut avoir de science et de valeur ). En tous cas si c'est le même, le seul lien qu'il y ait entre nous est une obligation ( bien légère d'ailleurs !) de lui envers moi. Je ne vois donc aucune raison, même si je le pouvais, de me substituer à la N.R.F. ( qui trouve avec raison semble-t-il ne pas avoir à renouveler vos prêts dans cette circonstance ) pour l'aider. Je veux bien lui envoyer cent ou deux cents francs. Mais ce n'est pas votre avis. Et puis à quoi cela servirait-il ? Et surtout pourquoi moi particulièrement, qui ne savais même pas que vous faisiez une édition sur Baudelaire
( à ce propose remerciez mille fois Tronche et remerciez vous vous -même pour Macao et Cosmage, et dites-moi ce que je vous dois.
            2° Pour les traductions je n'ai aucune préférence pour la Dame, et choisissez absolument qui vous semblera le mieux. Surtout ne retardez pas trop, car il y a des curiosités qui s'émoussent. Je ne vous avais transmis la lettre de la Dame que par correction envers vous et par politesse pour elle mais sans aucune préférence. Au point de vue littéraire on m'avait conseillé le traducteur de Jean Christophe ; mais il n'y a pas que le point de vue littéraire, vous êtes un éditeur et vous avez à vous soucier des éditeurs que le traducteur a derrière lui. Néanmoins je tiens à votre disposition l'adresse du traducteur de Jean Christophe.                                                          
            3° Pour ce qui concerne Grasset, je trouve votre refus tout naturel, et je vais en conséquence refuser. Je vous demande seulement de ne pas mal juger Grasset sur le fait qu'il ne m'offrait que 10%;
Son excuse est que cette publication représentait l'indemnité qu'il prétendait que je lui devais pour être allé à la N.R.F. ( émigration que le prix Goncourt lui a rendu désagréable, presque intolérable ).
            A ce propos cher ami comme le personnage de l'Education Sentimentale qui oublie chaque fois de demander à son ami ce que c'est que la fête de la Tête de Veau, ( ici par discrétion c'est moi qui reprends la plume ) j'oublie toujours de vous demander ce que vous avez voulu me dire un soir  où vous êtes venu pendant la guerre me voir Bd Haussmann, et où vous m'avez dit " Vous savez que je vous dois de l'argent ". C'est déjà très ancien. Comme nous n'étions pas seuls; j'ai fait un geste évasif et depuis je veux toujours vous demander à quoi cela faisait allusion, et toujours j'oublie. Mais ne vous préoccupez pas. Je vous le demande par curiosité et c'est tout.
            Cher ami je ne saurais trop vous rappeler ce que je vous ai dit relativement aux journalistes. Je vous expliquerai cela de vive voix. Que mon prix Goncourt ait été " saboté " cela m'est égal, mais il peut en résulter pour moi des chagrins. A propos de journalistes certains que je connais il est vrai, ne fût-ce que par correspondance ont fait contrepoids. Je ne sais si vous avez lu leurs articles dont qq'uns très beaux, nous en parlerons. Mais autant que possible consultez-moi. Ce qui a fait contrepoids aussi c'est la muflerie de M. Dorgelès ( qui peut d'ailleurs avoir du talent ). Il s'est livré à un certain nombre de manoeuvres qui ont fait très mauvais effet ce qui a compensé. Je ne vous ai pas transmis les doléances de mon ami Paul Morand qui brandissant une manchette de librairie : Prix Goncourt, Roland Dorgelès, voulait que vous le fissiez poursuivre pour contrefaçon ce qui selon lui est la loi à appliquer dans ce cas. En tous cas, je ne trouve pas cela très élégant. - . Nous n'avons jamais reparlé de la petite notice biographique que vous m'aviez demandée. Nous en parlerons de vive voix, je suis tellement fatigué que je ne peux finir cette lettre. Avez-vous su que je vous ai invité à dîner samedi dernier ? Vous alliez partir pour la campagne a-t-on répondu. " La campagne à présent n'est pas beaucoup fleurie " ( Molière ). La soeur de Céleste est couchée ( il est 4 h du matin ) je ne peux vous dire les librairies qui ne recevaient de Jeunes filles en fleurs 8 jours après la mise en vente je me rappelle Place du Trocadéro, Avenue Mozart, mais il y en a beaucoup d'autres. A la N.R.F. même l'accueil n'est pas très encourageant ( dépositions nombreuses, en particulier du mari de Céleste, homme incapable de mentir et d'autant plus impartial que pour lui-même on y est très aimable ). -
Voulez-vous dire des choses très profondément tendres à Jacques Rivière pour qui j'ai une sympathie extrême. Son article d' Excelsior m'a infiniment touché. Dîtes-lui que je lui écrirai car cet article reste vivant pour moi mais justement parce que j'ai tant à lui dire, je voudrais une heure où je fusse moins fatigué, moins incapable d'écrire. - . Est-ce que mes 3 actions ( je dis 3, je crois, il faudrait ouvrir un tiroir et je suis fatigué mais je crois avoir versé 3 000 fr ) du Vieux Colombier me donneraient un soir droit à une baignoire ( payante ). Malheureusement le 6 janvier, les Léon Daudet m'ont invité et ne les ayant pas vus depuis 20 ans ( sauf le jour du Prix Goncourt ) je n'espère pas me dégager très facilement. Incertain. - . A propos du Prix Goncourt, vous rendez-vous bien compte cher ami, que le seul plaisir qu'il me donne est de penser qu'il est un peu agréable à la N.R.F., à vous avant tous, dont il ratifie le choix ( en appel ) à qui il peut laisser espérer d'avoir pris un pas trop mauvais ouvrage et qui durera assez, puisque en somme ceux qui ont voulu ce prix et que je ne connais pas ( Elémir Bourges etc. ) sont ceux qui ont le plus de talent à l'Académie G. D'ailleurs ceux qui ont été contre moi l'ont été surtout à cause de l'âge et de la prétendue fortune et m'ont écrit qu'ils auraient voté si j'avais été candidat comme membre. Du reste une vingtaine de membres de l'Acad française m'ont écrit quel dommage que vous ayez eu le Prix Goncourt, nous voulions vous donner le Gd Prix de Littérature ( tout ceci entre nous ) . - . Tout le monde ajoute que pour la vente, le prix Goncourt vaut mieux, que c'est 30 éditions d'un coup. Je crois qu'on exagère beaucoup. ( Pourtant ce sont des spécialistes ). En tous cas nos fausses manoeuvres nous forceront à beaucoup rabattre d'un tel chiffre. Mais le cumul des 2 prix est impossible. Je crois bien que c'est Tronche ou vous qui m'aviez dit que non. En tout cas un académicien ( Française ) m'a dit que si et pour plusieurs années.
            Votre affectueux ami dévoué


                                                                                                                 Marcel Proust

Cher ami cette lettre épuisante était finie et voici qu'il faut ajouter un mot. Je n'avais pas ouvert tout mon courrier et il y avait une lettre de M. Gautier. Il me demande 800 fr que paraît-il vous me rembourseriez. Je ne veux ni que vous me remboursiez rien, ni rien lui verser. Mais je dois dire que sa lettre est d'une grande délicatesse. - Je trouve les héliogravures de mon portrait de Blanche j'ai l'ai d'avoir un nez mou et " noirâtre ". Les photographies du Portrait d'un jeune homme chez Braun sont bien meilleures. Il est vrai que ce n'est pas original comme une héliogravure. Mais cela donnait de moi un bien meilleur aspect.
            De tout coeur à vous


                                                                                                 Votre Marcel Proust
Je pense que j'ai répondu à tout et n'en suis pas certain.


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            Quelques lettres entre l'auteur et l'éditeur échangées. Elles concernent la suite de l'oeuvre, divers détails techniques et le procès gagné à la suite de la fausse annonce du Prix Goncourt à Roland Dorgelès et ses Croix de bois.

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                                                       A Gaston Gallimard

                                                                                                          Avant le 30 juin 1920

            Mon cher Gaston
            Comme je reçois votre gentil mot un Samedi et que ce jour-là vous partez toujours pour la campagne je ne peux tenter de vous voir comme je l'aurais fait sans cela sous l'impulsion de vos gentilles paroles.                                                                                    
Afficher l'image d'origine            Mais je ne veux pas attendre pour vous faire d'une part une déclaration, de l'autre un reproche. La déclaration c'est qu'un état de santé que vous ne soupçonnez pas m'a seul empêché de vivre je ne dis pas seulement avec vous, mais avec la N.R.F. Dîner chaque semaine avec vous, Rivière, Tronche au Ritz ou ailleurs, avec les gens qui auraient pu vous distraire et vous plaire, eût été mon rêve, et dès que je vais un peu mieux je reprends l'espoir de le réaliser. Je me sens N.R.F. à un point que je ne peux dire, quelques détails que je vous donnerai de vive voix sur ma vie, vous montreront combien votre compagnie à vous et à vos amis ( je ne parle pas bien entendu de tous les gens qui écrivent à la N.R.F. pour la raison que je ne les connais pas ou peu, que si je les connaissais je ne me plairais peut-être pas avec eux, j'ai le coeur plus profond en amitié que large et je ne veux pas avoir trop d'amis ).
Mais vous trois ( je ne parle pas de Gide bien entendu qui sait trop qu'il est toujours le bienvenu chez moi et que j'aime infiniment ) et sans doute M. Thibaudet si je le connaissais dont les souffrances actuelles me font beaucoup de peine, c'est autour de ce noyau que j'aimerais assembler les quelques jolies femmes qui ont bien voulu me pardonner vingt ans d'absence. - . Quant au reproche c'est celui-ci. Si j'ai toujours eu le désir de vous voir, vous avez multiplié entre vous et moi les barrières. A l'heure qu'il est, vous ne m'avez toujours pas dit où vous demeurez, et comme vous êtes peu à la Revue, j'en suis réduit avec vous aux communications d'utilité pratique et professionnelle ( à ce propos, vous m'envoyez bien les dernières pages de Guermantes 1, mais non la dédicace que je serais pressé de remettre à Daudet ).
            Je crois qu'au revers de l'exemplaire de Guermantes 1 vous devriez annoncer : " Pour paraître en Décembre Guermantes II, Sodome et Gomorrhe 1. - . Je ne quitterai pas Paris je ne le crois pas. Mais peut-être vous le quitterez ? Quand ?
            De coeur avec vous


                                                                                                      Marcel Proust

         
Savez-vous par hasard ( et naturellement ne m'écrivez pas pour cela ) si Louisa de Mornand est à Paris et son adresse. Car je voudrais lui écrire.

 

                                                                                       


dimanche 4 décembre 2016

Moka Tatiana de Rosnay ( Roman France )

Moka

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                                                                         Moka

            Une fin de printemps à Paris. Justine, traductrice, son téléphone à portée de main. " C'était un mercredi... le jour des enfants.... " L'appel qu'elle reçoit bloque sa vie durant plusieurs semaines autour d'une unique pensée : retrouver la personne qui a percuté son enfant, ne s'est pas arrêtée, laissant le collégien blessé sur la chaussée. Malcolm est dans le coma. Parents, famille se pressent au chevet de l'adolescent qui revenait simplement de son cours de musique, boulevard M. dans le 14è.
Le couple est bouleversé, Accroché à l'espoir de voir Malcolm ouvrir au moins les yeux. Les recherches sur Internet ne sont pas rassurantes et Justine oublie son deuxième enfant, Gloria, jusqu'au moment où appelée par la maîtresse elle se reprend et gardera tout au long des semaines qui suivent sa petite fille près d'elle. La 1è partie du livre est assez classique, partagée entre les souvenirs du couple et le retour à la vie quotidienne, Djustine comme l'appelle sa belle-mère, mère d'Andrew, anglais froid en apparence, flegmatique devant la police qui n'arrive pas à trouver le propriétaire de la voiture qui a brûlé un feu rouge et s'est enfui sans regarder qui il ou elle a renversé. Des témoins ont noté une partie de la plaque minéralogique, un chauffer de bus décrit qui était au volant et à ses côtés, vus de dos. La voiture est, entre autres, marron clair, en un mot. moka. Coma en verlan, moka.
Passée une première partie simple, le livre prend de l'ampleur et retient l'attention du lecteur qui peine à lâcher l'histoire de cette mère, bouleversée, vraiment prête à tout pour retrouver les chauffards. Et la police prétexte l'approche des vacances, des effectifs appelés ailleurs, même une certaine arrogance sauf l'un d'eux. Et toujours Justine mariée à un Anglais qui veut laisser la police accomplir son job, Justine, une adresse en main veut retrouver et comprendre comment les chauffards ont abandonné son enfant renversé sur le bitume. De longues pages d'une femme angoissée, éperdue de souffrance au souvenir de son enfant, allongé sur son lit d'hôpital, inerte. Puis un long passage situé à Biarritz.La ville décrite en ce début juillet, entre soleil et un orage violent, les odeurs et les beignets d'abricot. Livre très dense dans une grande partie. Véritable suspense, tant dans l'attente d'un possible réveil de Malcolm et la recherche et éventuelle rencontre des chauffards.  

samedi 3 décembre 2016

Treize à la douzaine Saki ( Nouvelles Grande Bretagne )

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                                                            Treize à la douzaine

            Personnages :

                                  Le Major Richard Dumbarton
                                  Mrs. Carewe
                                  Mrs. Paly-Paget

            Pont d'un paquebot qui fait route vers l'Orient.
            Le Major Dumbarton occupe un transat. A côté deux transats, le premier à son côté porte le nom de Mrs. Carewe. Cette dernière entre côté cour, et prend place sur son transat. Le major l'ignore puis :
            Le Major se retourne soudain : - Emily ! Après toutes ces années. C'est le destin !
            Emily - Le destin ! Balivernes ; ce n'est que moi. Vous, les hommes, pensez toujours à la fatalité. J'ai retardé mon départ de trois semaines pour me retrouver sur le même bateau que vous. J'ai soudoyé le steward pour qu'il mette nos transats côte à côte  dans un endroit tranquille, je me suis enfin donné toutes les peines du monde pour être particulièrement plaisante ce matin. Et là-dessus vous arrivez et déclarez : " C'est le destin. " Au fait je suis particulièrement plaisante, n'est-ce pas ?
             Le Major. - Plus que jamais. Le temps n'a fait que mûrir vos charmes.
             Emily. - Je savais que vous alliez dire cela. En somme le vocabulaire amoureux est extrêmement limité, vous ne trouvez pas ? Mais après tout, ce qui compte, c'est qu'on vous fasse la cour,.. Vous êtes bien en train de me faire la cour, n'est-ce pas ?
            Le Major. - Très chère Emily j'ai commencé mes avances bien avant que vous ne veniez vous asseoir ici. J'ai moi aussi soudoyé le steward afin qu'il installe nos transats dans ce coin retiré. " Ce sera fait comme vous le désirez, monsieur. " Ceci juste après le petit déjeuner.
            Emily. - Vous avez pris d'abord votre petit déjeuner ! C'est bien d'un homme ! Moi, sitôt quitté ma cabine, j'ai organisé cette rencontre.
            Le Major. - Soyez sérieuse ! Ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai appris votre présence à bord.
Afficher l'image d'origineJ'ai alors passé tout ce temps à faire une cour insipide à une jeune écervelée pour vous rendre jalouse. Sans doute est-elle maintenant dans sa cabine me décrivant avec force détails dans une lettre à sa meilleure amie.
            Emily. - Il était inutile de vous donner tout ce mal pour me rendre jalouse, Dickie. Je l'ai été il y a des années, lorsque vous avez épousé une autre femme.
            Le Major; - Que pouvais-je faire ? Vous étiez partie et avez épousé un autre homme. Et un veuf, en plus !
            Emily. - Et qu'avez-vous contre les veufs ? Ce n'est pas blâmable, et d'ailleurs si j'en rencontre un agréable, je recommencerai.          
            Le Major. - Ecoutez Emily, vous n'êtes décidément pas juste  Vous avez toujours une longueur d'avance sur moi. Aujourd'hui c'est moi qui vous demande en mariage. Et vous n'aurez qu'à répondre " Oui ! " N'est-ce pas simple ?
            Emily. - Vous l'avez dit pratiquement, alors ne nous attardons pas là-dessus.
            Le Major. - Ah bon. Très bien.
            ( Ils s'observent passionnément et tombent dans les bras l'un de l'autre ).
            Le Major. - Cette fois-ci nous sommes ex-aequo. ( Puis il se    reprend ) Oh mon Dieu ! J'avais oublié les enfants !
            Emily. - Les enfants ?
            Le Major. - Oui les enfants. J'aurais dû vous poser d'abord la question : êtes-vous hostile aux enfants ?
            Emily. - Non, s'ils ne sont pas nombreux. Combien en avez-vous donc ?
            Le Major. -( Après réflexion ) Cinq !
            Emily. - Cinq !
            Le Major. - ( Alarmé ) C'est trop ?
            Emily. - C'est un joli nombre déjà. D'autant que j'en ai aussi.
            Le Major. - Quel nombre ?
            Emily. - Huit !
            Le Major. - Huit en six ans ! Vraiment, Emily !                          manuele-lenoir.com 
Afficher l'image d'origine            Emily. - Quatre de moi seulement. Les quatre autres sont à mon mari, d'un premier mariage. Cela fait toujours au total, huit.
            Le Major. - ( Il compte rapidement ) Huit et cinq, treize. Impossible. Nous ne pouvons commencer notre nouvelle vie avec treize marmots. C'est pas possible. C'est un mauvais chiffre. ( il bouge, agité ). Il faut trouver une solution. Douze serait possible.
            Emily. - Ne pourrait-on se défaire d'un ou deux ? Les Français ne manquent-ils pas d'enfants?
Je crois avoir lu des articles sur le sujet dans le Figaro.
            Le Major. - Mais ils veulent sans doute des enfants français ou tout au moins qui parlent français. Les miens n'en connaissent pas un mot.
            Emily. - Peut-être un ou deux d'entre eux sont-ils débauchés, dénaturés, et dans ce cas pourrez-vous les renier. Cela arrive dans les meilleures familles. Il parait que cela se produit.
            Le Major; - Voyons, un peu de bon sens ! Il faut d'abord l'éduquer. Un enfant ne devient pas pervers avant d'avoir fréquenté une bonne école.
            Emily. - Et s'il était naturellement dépravé. Beaucoup d'enfants naissent ainsi.
            Le Major. - Seulement si cela vient des parents. Vous n'imaginez pas quelque dépravation innée chez moi, par hasard ?
            Emily. - Cela saute parfois une génération, dit-on. Vous ne voyez personne dans vos aïeux...
            Le Major. - J'avais bien une tante dont on ne parlait jamais.
            Emily. - Vous voyez !
            Le Major. - Non, nous la connaissons peu. C'était à l'époque victorienne, quantités de secrets étaient tus, dont on parlerait aujourd'hui. Peut-être avait-elle simplement épousé un membre de la secte Unitarienne, ou bien chassait-elle le renard à califourchon sur son cheval. Cela suffisait à l'époque.  De plus, on ne peut attendre qu'un enfant commence à ressembler à une grand-tante peut-être pervertie. Il faut trouver une autre solution.
            Emily. - Et l'adoption ? Il y a des gens prêts à prendre en charge et élever des enfants d'une autre famille, il me semble.
            Le Major. - Des couples sans enfants, peut-être...
            Emily. - Chut ! Quelqu'un approche. Qui est-ce ?
            Le Major. - Mrs. Paly- Paget.
            Emily. - Juste la personne qu'il nous faut.
            Le Major. - Pour adopter ? Elle n'a pas d'enfant ?
            Emily. - Seulement une malheureuse fillette.
            Le Major. - Eh bien, nous allons l'approcher à ce sujet.
            ( Mrs Paly-Paget arrive du côté cour ).                                             canstockphoto.fr 
Afficher l'image d'origine            Bonjour Mrs. Paly-Paget. Je me demandais, pendant le petit déjeuner, où nous nous étions vus la dernière fois....
            Mrs. Paly-Paget. - Mais, au Critérion, il me semble. ( Elle s'installe dans le 3è transat )
            Le Major; - Mais bien sûr, au Critérion !
            Mrs Paly-Paget. - Je dînais avec Lord et Lady Slugford. Des gens tout à fait charmants, mais tellement avares ! Après dîner ils nous ont emmenés au Vélodrome. Nous avons assisté à un genre de ballet très déshabillé sur une musique de Mendelsshon. Nous étions tous serrés dans une toute petite loge. Il faisait une chaleur tout là-haut. On se serait cru au bain turc, et naturellement on ne voyait rien.
            Le Major. - Dans les bains turcs on voit plein de choses.
            Mrs Paly-Paget. - Voyons, Major !
            Emily. - Nous parlions de vous, avant que vous n'arriviez.
            Mrs Paly-Paget. - Vraiment ! Pas de remarques trop cruelles j'espère.
            Emily. - Non, pas du tout. La traversée ne fait que commencer. Nous nous désolions à votre sujet.
            Mrs. Paly-Paget. - Pourquoi donc ?
            Le Major. - Votre foyer sans enfant, enfin ce genre de choses. Pas de petits qui trottinent autour de vous.
            Mrs. Paly-Paget. - Mais pas du tout, Major. J'ai ma petite fille, j'imagine que vous le savez. Et elle sait aussi bien trottiner avec ses petits pieds que les autres enfants.
            Le Major. - Mais ça ne fait qu'une seule paire !
            Mrs. Paly-Paget. - Evidemment, mon enfant n'est pas une mille-pattes. Et comme nos déplacements dans la jungle d'un poste à un autre sont assez déplaisants, je dirais plutôt que j'ai un enfant sans foyer qu'un foyer sans enfant. Je vous remercie cependant pour vos sentiments, je suppose qu'ils étaient bien intentionnés, ce qui est parfois le cas pour les propos déplacés.
            Emily. - Chère Mrs. Paly-Paget, nous nous désolions seulement pour votre charmante petite fille qui n'aura pas de petite soeur ou de petit frère pour jouer avec elle.
            Mrs. Paly-Paget. -  Mrs. Carew, je trouve cette conversation parfaitement incorrecte. Je ne suis mariée que depuis deux ans et demi seulement. Il est bien normal que ma famille soit encore peu nombreuse.
            Le Major. - Un seul tendron femelle unique dans une famille, ne forme pas une famille. Il en faut un certain nombre.
            Mrs. Paly-Paget. - Vous avez, Major, une façon curieuse de vous exprimer. Je n'ai évidemment pour le moment qu'un seul tendron comme vous dites... femelle...
            Le Major. - Et qui ne deviendra pas un garçon plus tard, vous pouvez nous croire. Nous avons beaucoup plus d'expérience que vous dans ce domaine. Naître du sexe féminin, c'est pour la vie. La nature n'est pas infaillible, mais même lorsqu'elle fait une erreur, elle n'en démord pas.
            Mrs. Paly-Paget. - ( Elle se lève ) Major Dumbarton, ces paquebots sont assez petits, néanmoins j'espère que nous arriverons à nous éviter au cours de cette traversée. Ceci s'adresse également à vous, Mrs. Carew.
            ( Elle s'éloigne, sort côté jardin )                                                  mapage.noos.fr  
Afficher l'image d'origine           Le Major; -( Le Major s'enfonce dans son transat ) N'est-    elle pas une mère dénaturée ?
           Mrs/ Carew. - Je ne confierais pas un enfant à une pareille mère. Oh, Dickie, pourquoi fallait-il que vous ayez une famille aussi nombreuse ? Vous m'aviez toujours dit que vous ne vouliez pas que je sois la mère de vos enfants.
          Le Major. -  ( Il s'assied ) Je ne pouvais pourtant pas attendre que de votre côté vous fondiez des dynasties, élevées avec en plus les enfants adoptés. Pourquoi ne pas vous en être tenue à vos propres enfants, au lieu de les collectionner comme des timbres-poste ? A quoi pensiez-vous en épousant un homme père déjà de quatre enfants ?
            Emily. - Vous me demandez bien d'en épouser un qui en a cinq.
            Le Major. - ( Il bondit hors de son  transat ) Cinq ? J'ai dit cinq ?
            Emily. - Parfaitement, vous avez dit cinq.
            Le Major. - Mais, Emily, je me suis trompé. Comptons ensemble. D'abord Richard, à cause de moi, évidemment.
            Emily. - Cela fait un.
            Le Major. - Albert-Victor... Ce devait être l'anniversaire du Couronnement.
            Emily.. - Deux.
            Le Major. - Maud, à cause de....
            Emily. - Passons, trois.
            Le Major. - Et Gerald.
            Emily. - Quatre !
            Le Major. - C'est tout.
            Emily. - Vous en êtes sûr ?
            Le Major. - Absolument. J'ai sans doute compté Albert-Victor pour deux.
            Emily. - Richard !
            Le Major. - Emily !
            ( Ils s'enlacent )


                                                                              Saki





jeudi 1 décembre 2016

Comment tu parles de ton père Joann Sfar ( Roman France )


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                                                       Comment tu parles de ton père

            Une biographie d'un père admiré, critiqué et qui meurt alors que Joann son fils aborde la quarantaine récemment séparé de sa compagne mère de ses deux enfants, qu'il a connue adolescent. Racontée comme un roman. Joann Sfar vit et revit son passé. Longtemps fâché des mensonges que des adultes bienveillants lui serinaient, " Maman est en voyage ", alors qu'elle meurt brutalement laissant le petit garçon blessé à vie, il a trois ans. Par réaction son père avocat, assez éloigné de la religion, oblige l'enfant à suivre rigoureusement tous les rites religieux. Juif il ne mange pas de jambon sauf un petit grignotage dû au hasard. Mais il est très entouré par deux mamies et un papy qui lui apprend la vérité à cinq ans, " maman est morte ". Le livre est très drôle néanmoins. La tristesse, la douleur traitées avec'humour,  ashkénaze ou séfarade, peu importe, Et Sfar s'interroge sur Dieu, cette paix impossible. " Pour qu'il n'y ait pas le moindre suspense, je vous dis tout de suite qu'il est mort dans mes bras. On se relayait avec ma soeur. On avait peur que ça arrive sans nous......  - .... Tu t'imagines bien que notre périple ne peut pas se résumer à quatre-vingts ans sur terre. - Ah ? C'est un mystère. Je ne contredis jamais mon cousin Paul..... sa foi me rassure....... " S'il arrive à dire le kaddish en hébreu au cimetière devant le cercueil du père, s'il pleure jour et nuit pendant trois semaines au point de perdre la vue, croit-il, en vacances sur une île grecque et soigné avec un médicament interdit en France, il écrit. Pour s'éloigner de la douleur de cette perte, Sfar né à Nice écrit ce passé, entre les multiples maîtresses de son père, ses obligations religieuses "..... La vie d'un Juif ici-bas, est jalonnée par cinq événements " ...... La Mila...... La Bar Mitsva....... préparé avec l'aide de mes maîtres du Talmud Torah..... " Plus loin Joann Sfar écrit " La piété me dépasse. L'idée de clan aussi....... "Homme ouvert, ses fiancées ne sont pas juives, au grand dam de son père, il dessine et écrit tout le temps, voir la liste impressionnante des oeuvres parues de l'auteur du " Chat du rabbin ", réalisateur de cinéma, Gainsbourg, Joann Sfar combat, il a aussi appris à boxer, jeune à Nice où son père est enterré. D'Algérie où sa famille paternelle a des racines et où très pauvre il joua dans les bars, bordels, jusqu'à devenir l'avocat de diverses classes de la société, il roula en Alfa Roméo, mais n'acquit jamais une Porsche. Livre curieux, lu par les très jeunes par les plus âgés, restent les discussions, les débats, les pourquoi.