mardi 16 janvier 2018

Lettre sur les aveugles 3 Diderot ( Lettres France )

Image associée
amazon.com


                                                Lettre sur les aveugles
     
                                                                    à l'usage de ceux qui voient

            Les épingles à grosse tête ne se plaçaient jamais qu'au centre du carré ; celles à petite tête, jamais que sur les côtés, excepté dans un seul cas, celui du zéro. Le zéro se marquait par une épingle à grosse tête, placée au centre du petit carré, sans qu'il y eût aucune autre épingle sur les côtés  .
            Le chiffre 1 était représenté par une épingle à petite tête, placée au centre du carré, sans qu'il y eût aucune autre épingle sur les côtés.
            Le chiffre 2, par une épingle à grosse tête placée au centre du carré, et par une épingle à petite tête, placée sur un des côtés au point 1.
           Le chiffre 3, par une épingle à grosse tête placée au centre du carré, et par une épingle à petite tête placée sur un des côtés au point 2.
           Le chiffre 4 par une épingle à grosse tête, placée au centre du carré, et par une épingle à petite tête placée sur un des côtés au point 3.
           Le chiffre 5, par une épingle à grosse tête, placée au centre du carré, et par une épingle à petite tête placée sur un des côtés au point 4.
          Le chiffre 6 par une épingle à grosse tête placée au centre du carré, et par une épingle à petite tête placée sur un des côtés au point 5
          Le chiffre 7 par une épingle à grosse tête placée au centre du carré, et par une épingle à petite tête, placée sur un des côtés au point 6.
          Le chiffre 8 par une épingle à grosse tête placée au centre du carré et par une épingle à petite tête placée sur un des côtés au point 7.
          Le chiffre 9, par une épingle à grosse tête placée au centre du carré, et par une épingle à petite tête, placée sur un des côtés du carré au point 8.
            Voilà bien dix expressions différentes pour le tact, dont chacune répond à un de nos dix caractères arithmétiques.
            Imaginez maintenant une table si grande que vous voudrez, partagée en petits carrés rangés horizontalement et séparés les uns des autres de la même distance, et vous aurez la machine de Saunderson.
            Vous concevez facilement qu'il n'y a point de nombre qu'on ne puisse écrire sur cette table et, par conséquent, aucun opération arithmétique qu'on n'y puisse exécuter.
            Soit proposé, par exemple, de trouver la somme ou de faire l'addition des neuf nombres suivants :                                                                                                                                               
Résultat de recherche d'images pour "mondrian"  *         Je les écris sur la table à mesure qu'on me les nomme. Le  premier  chiffre à gauche du premier nombre, sur le premier carré à gauche de la première ligne ; le second chiffre, à gauche du premier nombre, sur le second carré à gauche de la même ligne. Et ainsi de suite.
            Je place le second nombre sur la seconde rangée de carrés, les unités sous les unités, les dizaines sous les dizaines, etc.
            Je place le troisième nombre sur la troisième rangée de carrés, et ainsi de suite. Puis, parcourant avec les doigts chaque rangée verticale de  bas en haut, en commençant par celle qui est le plus à ma gauche, je fais           l'addition des nombres qui y sont exprimés, et j'écris le surplus des dizaines au bas de cette colonne. Je passe à la seconde colonne en avançant vers la gauche, sur laquelle j'opère de la même manière, de celle-là à la troisième, et j'achève ainsi mon addition.
            Voici comment la même table lui servait à démontrer les propriétés des figures rectilignes. Supposons qu'il eût à démontrer que les parallélogrammes, qui ont même base et même hauteur, sont égaux en surface, il attachait des noms aux points angulaires, et il achevait la démonstration avec ses doigts.
            En supposant que Saunderson n'employât que des épingles à grosse têtes pour désigner les limites de ses figures, il pouvait disposer autour d'elles des épingles à petite tête de neuf façons différentes qui, toutes, lui étaient familières. Ainsi il n'était guère embarrassé que dans le cas où le grand nombre de points angulaire qu'il était obligé de nommer dans sa démonstration le forçait de recourir aux lettres de l'alphabet. On ne nous apprend point comment il les employait.
            Nous savons seulement qu'il parcourait sa table avec une agilité de doigts surprenante ; qu'il s'engageait avec succès dans les calculs les plus longs, qu'il pouvait les interrompre et reconnaître quand il se trompait, qu'il les vérifiait avec facilité et que ce travail ne lui demandait pas, à beaucoup près, autant de temps qu'on pourrait se l'imaginer, par la commodité qu'il avait de préparer sa table.
            Cette préparation consistait à placer des épingles à grosse tète au centre de tous les carrés. Cela fait, il ne lui restait plus qu'à en déterminer la valeur par les épingles à petite tête, excepté dans les cas où il fallait écrire une unité. Alors il mettait au centre du carré une épingle à petite tête à la place de l'épingle à grosse tête qui l'occupait.
            Quelquefois, au lieu de former une ligne entière avec ses épingles, il se contentait d'en placer à tous les points angulaires ou d'intersection, autour desquels il fixait des fils de soie qui achevaient de former les limites de ses figures.                                                              younglandis.wordpress.com
Résultat de recherche d'images pour "mondrian"
            Il a laissé quelques autres machines qui lui facilitaient l'étude de la géométrie : on ignore le véritable usage qu'il en faisait, et il y aurait peut-être plus de sagacité à le retrouver qu'à résoudre tel ou tel problème de calcul intégral. Que quelque géomètre tâche de nous apprendre à quoi lui servaient quatre morceaux de bois, solides, de la forme de parallélépipèdes rectangulaires, chacun de onze pouces sur cinq et demi de large et sur un peu plus d'un demi-pouce d'épais, dont les deux grandes surfaces opposées étaient divisées en petits carrés semblables à celui de l'abaque que je viens de décrire, avec cette différence qu'ils n'étaient percés qu'en quelques endroits où des épingles étaient enfoncées jusqu'à la tête. Chaque surface représentait neuf petites tables arithmétiques de dix nombres chacune, et chacun de ces dix nombres était composé de dix chiffres, ex. :
                                     9 4 0 8 4
                                     2 4 1 8 6
                                     4 1 7 9 3
                                     5 4 2 8 4.................
            Il est l'auteur d'un ouvrage très parfait dans son genre. Ce sont des " Éléments d'algèbre " où l'on aperçoit qu'il était aveugle qu'à la singularité de certaines démonstrations qu'un homme qui voit n'eût peut-être pas rencontrées. C'est à lui qu'appartient la division du cube en six pyramides égales qui ont leurs sommets au centre du cube, et pour base chacune de ses faces. On s'en sert pour démontrer d'une manière très simple que toute pyramide est le tiers d'un prisme de même base et de même hauteur.
            Il fut entraîné par son goût à l'étude des mathématiques, et déterminé par la médiocrité de sa fortune et les conseils de ses amis à en faire des leçons publiques. Ils ne doutèrent point qu'il ne réussît au-delà de ses espérances par la facilité prodigieuse qu'il avait à se faire entendre. En effet, Saunderson parlait à ses élèves comme s'ils eussent été privés de la vue : mais un aveugle qui s'exprime clairement pour des aveugles doit gagner beaucoup avec des gens qui voient ; ils ont un télescope de plus.
            Ceux qui ont écrit sa vie disent qu'il était fécond en expressions heureuses, et cela est fort vraisemblable. Mais qu'entendez-vous par des expressions heureuses, me demanderez-vous peut-être.
Mais qui est-ce qui n'est pas de temps en temps dans le même cas ? Cet accident est commun aux idiots qui font quelquefois d'excellentes plaisanteries et aux personnes qui ont le plus d'esprit, à qui il échappe une sottise sans que ni les uns ni les autres s'en aperçoivent.   
Résultat de recherche d'images pour "kandinsky cercles"  **        J'ai remarqué que la disette de mots produisait aussi le même effet sur les étrangers à qui la langue n'est pas encore familière ; ils sont forcés de tout dire avec une très petite quantité de termes, ce qui les contraint d'en placer quelques-uns très heureusement. Mais toute langue en général étant pauvre de mots propres pour les écrivains qui ont l'imagination vive, ils sont dans le même cas que des étrangers qui ont beaucoup d'esprit : les situations qu'ils inventent, les nuances délicates qu'ils aperçoivent dans les caractères, la naïveté des peintures qu'ils ont à faire les écartent à tout moment des façons de parler ordinaires, et leur font adopter des tours de phrases qui sont admirables toutes les fois qu'ils ne sont ni précieux, ni obscurs. Défauts qu'on leur pardonne plus ou moins difficilement, selon qu'on a plus d'esprit soi-même, et moins de connaissance de la langue. Voilà pourquoi M. de M... est de tous les auteurs français celui qui plaît le plus aux Anglais, et Tacite celui de tous les auteurs latins que les " penseurs " estiment davantage. Les licences de langage nous échappent et la vérité des termes nous frappe seule.  
            Saunderson professa les mathématiques dans l'université de Cambridge avec un succès étonnant. Il donna des leçons d'optique ; il prononça des discours sur la nature de la lumière et des couleurs ; il expliqua la théorie de la vision ; il traita des effets des verres, des phénomènes de l'arc-en-ciel et de plusieurs autres matières relatives à la vue et à son organe.
            Ces faits perdront beaucoup de leur merveilleux si vous considérez, madame, qu'il y a trois choses à distinguer dans toute question mêlée de physique et de géométrie : le phénomène à expliquer, les suppositions du géomètre et le calcul qui résulte des suppositions. Or, il est évident, quelle que soit la pénétration d'un aveugle, les phénomènes de la lumière et des couleurs sont inconnus. Il entendra les suppositions, parce qu'elles sont toutes relatives à des causes palpables, mais nullement la raison que le géomètre avait de les préférer à d'autres : car il faudrait qu'il pût comparer les suppositions mêmes avec les phénomènes. L'aveugle prend donc les suppositions pour ce qu'on les lui donne : un rayon de lumière pour un fil élastique et mince, ou pour une suite de petits corps qui viennent frapper nos yeux avec une vitesse incroyable, et il calcule en conséquence/ Le passage de la physique à la géométrie est franchi, et la question devient purement mathématique.
            Mais que devons-nous penser du résultat du calcul ?
            1° Qu'il est quelquefois de la dernière difficulté de les obtenir, et qu'en vain un physicien serait très heureux à imaginer les hypothèses les plus conformes à la nature, s'il ne savait les faire valoir par la géométrie : ainsi les plus grands physiciens, Galilée, Descartes, Newton, ont-ils été grands géomètres.
            2° Que ces résultats sont plus ou moins certains selon que les hypothèses dont on est parti sont plus ou moins compliquées. Lorsque le calcul est fondé sur une hypothèse simple, alors les conclusions acquièrent la force de démonstrations géométriques. Lorsqu'il y a un grand nombre de suppositions l'apparence que chaque hypothèse soit vraie diminue en raison du nombre des hypothèses, mais augmente d'un autre côté par le peu de vraisemblance que tant d'hypothèses fausses se puissent corriger exactement l'une l'autre et qu'on obtienne un résultat confirmé par les phénomènes. Il en serait en ce cas comme d'une addition dont le résultat serait exact, quoique les sommes partielles des nombres ajoutés eussent toutes été prises faussement. On ne peut disconvenir qu'une telle opération ne soit possible, mais vous voyez en même temps qu'elle doit être fort rare. Plus il y aura de nombres à ajouter, plus il y aura d'apparence que l'on se sera trompé dans l'addition de chacun. Mais aussi moins cette apparence sera grande, si le résultat de l'opération est juste. Il y a donc un nombre d'hypothèses tel que la certitude qui en résulterait serait la plus petite qu'il est possible. Si je fais A, plus B, plus C égaux à 50, conclurai-je de ce que 50 est en effet la quantité du phénomène, que les suppositions représentées par les lettres A, B, C, sont vraies ? Nullement, car il y a une infinité de manières d'ôter à l'une de ces lettres et d'ajouter aux deux autres, d'après lesquelles je trouverai toujours 50 pour résultat. Mais le cas de trois hypothèses combinées est peut-être un des plus défavorables.                                                                                           museumshopdenhaag.com 
Résultat de recherche d'images pour "mondrian"
            Un avantage du calcul que je ne dois pas omettre, c'est d'exclure les hypothèses fausses par la contrariété qui se trouve entre le résultat et le phénomène. Si un physicien se propose de trouver la courbe qui suit un rayon de lumière en traversant l'atmosphère, il est obligé de prendre son parti sur la densité des couches de l'air, sur la loi de la réfraction, sur la nature et figure des corpuscules lumineux, et peut-être sur d'autres éléments essentiels qu'il ne fait point entrer en compte, soit parce qu'il les néglige volontairement, soit parce qu'ils lui sont inconnus. Il détermine ensuite la courbe du rayon. Est-elle autre dans la nature que son calcul ne la donne ? ses suppositions sont incomplètes ou fausses. Le rayon prend-il la courbe déterminée ? Il s'ensuit de deux choses l'une : ou que les suppositions se sont redressées, ou qu'elles sont exactes. Mais lequel des deux ? Il l'ignore, cependant voilà toute la certitude à laquelle il peut arriver.


*         qadratus.fr
**      algorythmes.blogspot.fr
                                                                                                      

                                                                                                   à suivre...........

                                                                                              
            J'ai parcouru.........
            








                                     

dimanche 14 janvier 2018

Flash Mots d'Auteurs Chamfort 3 ( France )

Résultat de recherche d'images pour "cactus"
60millions-mag.com





                                         Maximes et Pensées et 
                                     extraits des Petits Dialogues Philosophiques

            Un vieillard, me trouvant trop sensible à je ne sais quelle injustice, me dit :
            - Mon enfant il faut apprendre de la vie à souffrir la vie.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu'on sait par des gens qui les ignorent.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            Le plus riche des hommes, c'est l'économe. Le plus pauvre, c'est l'avare.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            Il faut être juste avant d'être généreux, comme on a des chemises avant d'avoir des dentelles.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            En parcourant les mémoires et monuments du siècle de Louis XIV, on trouve même dans la mauvaise compagnie de ce temps-là, quelque chose qui manque à la bonne d'aujourd'hui.


            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            J'ai détruit mes passions, à peu près comme un homme violent tue son cheval, ne pouvant le gouverner.

                                                                                                             thesmarties2.blogspot.fr  
Image associée            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°                                                     

            Ce que j'ai appris, je ne le sais plus. Le peu que je sais encore, je l'ai deviné.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            Le mariage, tel qu'il se pratique chez les grands, est une indécence convenue.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            Le divorce est si naturel que, dans plusieurs maisons, il couche toutes les nuits entre deux époux.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            Le pire de toutes les mésalliances est celle du coeur.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            La plupart des livres d'à présent ont l'air d'avoir été faits en un jour avec des livres lus de la veille.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            Il y a des livres que l'homme qui a le plus d'esprit ne saurait faire sans un carrosse de remise, c'est-à-dire sans consulter les hommes, les choses, les bibliothèques, les manuscrits,


            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            Les gens de lettres sont rarement jaloux des réputations quelquefois exagérées qu'ont certains ouvrages des gens de la cour ; ils regardent ces succès comme les honnêtes femmes regardent la fortune des filles.


            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            Les hommes sont si pervers que le seul espoir et même le seul désir de les corriger, de les voir raisonnables et honnêtes, est une absurdité, une idée romanesque qui ne se pardonne qu'à la simplicité de la première jeunesse.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            M..., vieillard détrompé, me disait :
            - Le reste de ma vie me paraît une orange à demi sucée, que je presse je ne sais pas pourquoi, et dont le suc ne vaut pas la peine que je l'exprime


            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

pixabay.com
Image associée            Il s'agissait de corriger LouisXV, jeune encore, de l'habitude de déchirer les dentelles de ses courtisans. M. de Maurepas s'en chargea. Il parut devant le roi avec les plus belles dentelles du monde ; le roi s'approcha et lui en déchira une ; M. de Maurepas froidement déchira celle de l'autre main, et dit simplement :
            - Cela ne m'a fait nul plaisir.
            Le roi devint tout rouge, et depuis ce temps ne déchira plus de dentelles.

             °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            Beaumarchais, qui s'était laissé maltraiter par le duc de Chaulnes, sans se battre avec lui, reçut un défi de M. de la Blache. Il lui répondit :
            - J'ai refusé mieux.


            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            Dans une société où se trouvait M. de Schwalow, ancien amant de l'impératrice Elizabeth, on voulait savoir quelque fait relatif à la Russie. Le bailli de Chabrillant dit :
            - M. de Schwalow, dites-nous cette histoire, vous devez la savoir, vous qui étiez la Pompadour de ce pays-là.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            M. Amelot, ministre de Paris, homme excessivement borné, disait à M. Bignon :
            - Achetez beaucoup de livres pour la bibliothèque du roi, que nous ruinions ce Necker.
            Il croyait que trente ou quarante mille francs de plus feraient une grande affaire.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            A. - Comment avez-vous fait pour n'être plus sensible ?
            B. - Cela s'est fait par degrés.
            A.- Comment ?
            B.- Dieu m'a fait la grâce de n'être plus aimable, je m'en suis aperçu, et le reste a été tout seul

                                     ...............
                                                                                                                                                  amazon.com
Image associée            A. - Vous marierez-vous ?
            B. - Non.
            A. - Pourquoi ?
            B. - Parce que je serais jaloux.
            A. - Et pourquoi seriez-vous jaloux ?
            B. - Parce que je serais cocu.
            A. - Qui vous a dit que vous seriez cocu ?
            B. - Je serais cocu, parce que je le mériterais.
            A. - Et pourquoi le mériteriez-vous ?
            B. - Parce que je me serais marié.

                                         ....................

            Le Cuisinier. - Je n'ai pu acheter ce saumon.
            Le Directeur de Sorbonne. - Pourquoi ?
            Le C. - Un conseiller le marchandait.
            Le D. - Prends ces cent écus, et va m'acheter ce saumon et le conseiller.
            A. - Vous êtes bien au fait des intrigues de nos ministres.
            B. - C'est que j'ai vécu avec eux.
            A. - Vous vous êtes bien trouvé, j'espère.
            B. - Point du tout. Ce sont des joueurs qui m'ont montré leurs cartes, qui ont même, en ma présence, regardé dans le talon, mais qui n'ont point partagé avec moi les profits du gain de la partie.

                                        ....................

            A. -  Je lui ferais du mal volontiers.
            B. - Mais il ne vous en a jamais fait !
            A. - Il faut bien que quelqu'un commence.

                                         ....................

            A. - J'ai fait comme les gens sages.
            B. - Que font-ils ?
            A. - Ils remettent la sagesse à une autre fois.

                                          ....................

            A. - Jamais la cour n'a été si ennemie des gens d'esprit.
            B. - Je le crois, jamais elle n'a été plus sotte, et quand les deux extrêmes s'éloignent, le rapprochement est plus difficile.

                                           ....................

            Dam. - Pourquoi n'avez-vous rien dit quand on a parlé de M... ?
            Clit.  -  Parce que j'aime mieux que l'on calomnie mon silence que mes paroles.

                                             ....................

            A. - Vous avez beaucoup à vous plaindre de son ingratitude.
            B. - Pensez-vous que lorsque je fais le bien je n'ai pas l'esprit de le faire pour moi ?

                                               ....................                             
                                                                                                                                                                                                           etsy.com
Résultat de recherche d'images pour "cactus de noel"            L'homme arrive novice à chaque âge de la vie.

            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            - Pourquoi donc, disait Mlle de..., âgée de douze ans, pourquoi cette phrase :
              " Apprendre à mourir ? " Je vois qu'on y réussit très bien dès la première fois.




                                                                   Chamfort
                                                              ( 1740 - 1794 )


             

jeudi 11 janvier 2018

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 84 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

Résultat de recherche d'images pour "londres hiver froid"
holidayguru.fr


                                                                                                            16 Décembre 1662

            Levé et au bureau arrivent Mr Coventry et sir George Carteret. Entre autres affaires celle de Strutt le commissaire de Marine contre le commandant Browne, beau-frère de sir William Batten. Mais grand Dieu.... quel personnage difficile que ce Strutt, jamais je n'en ai vu de pareil. Il a tant parlé, et nous aussi pour le calmer, que j'en ai eu grand mal de tête tout l'après-midi.
            Puis à dîner avec le capitaine Murford qui m'apprend ce qu'on pense de moi et que tout le monde croit que Mr Coventry, Pett et moi sommes ligués, et que dorénavant rien ne nous résiste. Et bien d'autres choses, en particulier sur moi et mon application au travail, etc, ce qui me fait grand plaisir.
            Après dîner visite de Mrs Browne à ma femme et moi, et je lui fis bon visage, et en vérité son mari a été courtois envers nous. Mais malgré mes bonnes paroles je crains de ne pouvoir faire grand chose pour son mari dans l'affaire de Strutt, car il n'y a pas de doute, il a usé abusivement de lui.
,            Rentrai en voiture à la maison, et à mon bureau. Fis quelque travail et à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                               17 Décembre

            Ce soir sont arrivés Mr Leigh, Wade et Evett, avec l'intention de reprendre notre projet de la Tour aujourd'hui, mais comme il pleuvait et que le travail se fait en plein air, dans le jardin, nous le remîmes à vendredi prochain. Allai donc travailler au bureau, puis dînai à la maison avec ma pauvre femme avec grand plaisir, puis retour au bureau où je terminai l'examen du second des livres de Mr Hollond sur la Marine, qui me satisfait fort. Puis traitai d'autres affaires jusqu'au soir et rentrai souper. Et après avoir beaucoup joui de la compagnie de ma femme et de sa conversation, au lit.


                                                                                                               18 Décembre

            Levé et au bureau seul avec Mr Coventry. Réunion jusqu'à 2 heures, il s'invita alors chez moi à dîner, ce dont je fus fier. Mais mon dîner était un gigot de mouton et deux chapons et ils n'étaient pas assez cuits. Cela me contraria, mais nous réussîmes à le satisfaire, je crois. Mais quand il fut parti je fus très fâché contre ma femme et mes gens.                                                           bulleaemporter.fr
Image associée            Cet après-midi arrivèrent le frère de ma femme et sa femme et Mrs Lodum sa propriétaire, soeur de mon vieil ami Mr Ashwell. La femme de Balty est très petite, mais elle n'est plus jeune, elle n'est pas belle et n'a rien du tout d'agréable, mais on dit qu'elle joue extrêmement bien de la basse de viole. Ils ont dîné chez son père aujourd'hui mais, pour autant que je sache, c'est un sage qui ne donnera rien à sa fille tant qu'il ne saura pas ce que son mari se décide à faire, de sorte que je crains qu'il n'ait pas fait une bonne affaire. Mais je suis décidé à ne point m'en mêler.
            Après leur départ, allai au bureau et voir sir William Penn avec ma femme, puis voir Mr Cade le libraire pour lui donner des instructions sur mes deux exemplaires des livres de Mr Hollond qu'il doit relier, et après avoir acheté plusieurs choses je revins à mon bureau puis rentrai souper et, au lit.


                                                                                                              19 Décembre 1662

            Levé et comme prévu allai à la Tour avec Mr Leigh, Wade, Evett et des ouvriers. Avec la  permission du lieutenant je les mis au travail au jardin dans le coin qui est contre la garde principale, endroit bien inattendu. Comme il faisait froid restai avec Mr Leigh jusqu'à 3 heures au coin du feu dans le logis du gouverneur. Je lus une pièce de Fletcher " Une épouse pour un mois ", il n'y a là-dedans ni beaucoup d'esprit, ni beau langage. Puis nous allâmes retrouver les travailleurs et, comme ils étaient descendus au-dessous des fondations du mur, je leur ordonnai de renoncer. Et ce fut la fin de toutes nos espérances. Puis je rentrai emmenant Mr Leigh, après avoir bu un gobelet de vin, il partit et j'allai à mon bureau où je lus dans le livre de William Petty, et à la maison, et au lit, un peu mécontent de ma femme qui, la pauvre, souffre de sa vie solitaire, ce à quoi je ne sais pas encore, à moins d'une grande dépense, comment remédier, mais j'y réfléchirai.


                                                                                                              20 Décembre

            Levé, et  Prior de Brampton m'apporta 100 livres qui complètent le prix d'achat de la maison de Barton et quelque terre. Puis au bureau et avec Mr Coventry, dans son carrosse à St James, plein de satisfaction et de fierté de le voir me traiter avec tant d'amitié, et dînai avec lui. Puis ensemble à Whitehall où nous nous rendîmes en vertu de la commission de Tanger et discutâmes de nombreuses questions. Mais on ne fera pas grand chose avant que milord Ruthford y arrive pour ce qui est de la fortification ou de la jetée.
            Cela fait, avec milord Sandwich promenade un grand moment dans la grande galerie. Il me raconta ses récentes investigations dans l'affaire de la Garde-Robe qui lui donnent satisfaction, et il m'expose la situation, que la première année lui rapporta environ 3 000 livres et les suivantes à peu près autant. De sorte qu'aujourd'hui, s'il était payé cela lui vaudrait 7 000  livres. Mais ce qui me fait le plus grand plaisir, c'est de le voir me prendre pour confident. Je luis dis adieu, car il part lundi prochain fêter noël à la campagne.
            Rentrai en voiture, et à mon bureau car c'est soir de courrier, puis rentrai et, au lit.


                                                                                                               21 Décembre
 google.fr                                                                                            Jour du Seigneur
londres hyde park,hyde park, hyde park london            Fis la grasse matinée, puis allai à l'église et rentrai dîner seul avec ma femme, fort agréablement. Allai ensuite chez mon frère. Il me dit qu'il conserve encore quelque espoir de mener à bien son affaire avec sa maîtresse, mais je vois qu'ils s'en tiennent à des conditions auxquelles il ne lui sera ni convenable ni possible de consentir. Ses propos me déplurent donc et je lui conseillai d'y renoncer.
            Me rendis ensuite à pied à Whitehall et à la Chapelle. Je montai et parcourus le palais et les galeries dans l'aile du bâtiment où se trouvaient les appartements du roi et de la reine, puis traversant le jardin, au logis de milord. Se trouvaient là plusieurs personnes et milord Sandwich, de sorte que nous eûmes fort bonne musique. Au bout d'un moment arrive ce benêt de milord Chandos. Il se mit à chanter des psaumes de façon si ennuyeuse que j'en étais excédé. Milord Sandwich est allé se coucher après avoir discuté avec moi de ses affaires, je partageai alors avec Mr Creed et le capitaine Ferrer un pâté d'oie froid, confectionné par Mrs Sarah et, minuit passé avec Mr Creed à son logis, et avec lui, au lit et dormi jusqu'à 6 ou 7 heures. Levés, au coin du feu lûmes une bonne partie de
" Conseils à une fille " qu'un sot de freluquet a écrit en réponse à Osborne. Une absurdité imprimée. Puis chez milord qui se prépare à partir pour Hinchingbrooke. Après avoir mangé et causé, de m'avoir dit sa pensée, comme je m'informais de Sarah, mariée semble-t-il depuis peu et devenue grande ivrognesse, ce qui me fait honte, il me dit qu'il est satisfait de la façon dont elle le sert et qu'il n'aime pas de visages nouveaux, mais que son vice il ne saurait le tolérer. Il me demande de lui parler et de la conseiller si elle désire rester avec lui. Ce que je ferai.
            Milord parti, Mr Coventry au parc avec le Duc, mon petit laquais étant là avec mes affaires toutes prêtes, je mis mon habit de cheval et le suivis en traversant Whitehall, et dans le parc les gens de Mr Coventry avaient mis à ma disposition un si beau cheval que j'avais presque honte de le monter, plus de peur que de mal. Je suivis le Duc et ses gens et fis une promenade. Puis le Duc nous dit d'aller à Woolwich. Avec Mr Coventry passâmes à l'aviron à Lambeth nos chevaux arrivant par le bac. Arrivés nous mangeâmes et bûmes chez Mr Pett et conversâmes bien des affaires et décidâmes de mettre en pratique ma conception des registres de rôles qui rendent de grands services. De retour vinrent la nuit et le mauvais temps, je retrouvai mon petit laquais, oublié et qui m'a cherché tout l'après-midi, rentrai en voiture les pieds tout mouillés et glacés. Je me changeai et après la visite du barbier ma femme et moi lûmes Les Métamorphoses d'Ovide que je lui ai apportées ce soir de l'enclos de Saint-Paul, et au lit. et dormis ferme jusqu'à 8 heures ce matin. Levé et au bureau où je trouvai sir John Mennes et sir William Batten arrivés inopinément hier soir de Portsmouth, ayant terminé la paie. Réunion toute la matinée, à midi dînai seul avec ma femme, puis après au coin du feu je fis mes comptes avec elle et je trouve que mes dépenses ordinaires du ménage sont de 7 livres par mois, ce qui est beaucoup. Puis arrive le Dr Pearse qui me dit que l'influence de Mrs Castlemaine à la Cour s'accroît et est plus importante que celle de la reine, qu'elle a introduit sir Henry Bennet et sir Charles Berkeley, mais que la reine est une excellente personne et prend les choses avec toute la douceur possible. Il me dit aussi que Mr Edward Montagu est tout à fait perdu à la Cour, de réputation et d'argent, qu'il eut récemment une querelle avec milord Chesterfield, calmé par le roi qui est d'ailleurs fort malheureux de la maladie du chancelier toujours aussi puissant auprès du roi.
            Il me dit aussi que tout le monde dit que Mr Coventry et moi faisons presque tout le travail du bureau, ce dont je suis bien fier.
            Lui parti je me mis au travail, il y en avait beaucoup mais je l'avais terminé avant 9 heures du soir et je rentra. Après souper, au lit.


                                                                                                                24 Décembre

            Restai au lit à causer agréablement avec ma femme jusqu'à 8 heures. Levé et allai chez sir William Batten, sir George Carteret et sir John Mennes partis en voiture faire la paie à Chatham. Je rentrai et mis de l'argent dans ma poche pour payer aujourd'hui de nombreuses factures, en ville, celle de mon libraire, et dans une autre boutique 4 livres et 10 shillings pour le Thesaurus Graecae Linguae d'Estienne, que j'ai donné au Collège Saint-Paul. Puis chez mon frère et mon bottier, puis dîner chez milord Crew, causâmes seuls de bien des sujets. Je comprends qu'il y a de grandes factions à la Cour. , il a eu une parole qui impliquait un désaccord probable dans l'avenir entre le roi et le Duc au cas où la reine ne serait pas engrossée, je veux parler de ce bâtard, il dit aussi qu'un certain grand personnage sera pris à partie quand le Parlement viendra à siéger de nouveau, je suppose que c'est le chancelier. Et qu'un projet de loi va être déposé rendant inapte à toute charge quiconque aura porté les armes pour le Parlement, que la Cour est lasse de milord Albemarle et du chambellan. Il voudrait que milord Sandwich ait quelque bonne occasion d'être hors du pays l'été qui vient., et que milord Hinchingbrooke fasse un bon mariage et que Sidney ait une place à la Cour. Il a compassion des pasteurs chassés, que c'est à eux que le roi doit son retour, il parla aussi de l'instruction des jeunes gens de bonne famille comme marins, et je m'en fus.
            Rencontrai Mr Creed chez mon libraire. Il prend ma lettre d'hier soir à Mr Povey où je l'accuse d'incurie à propos des navires pour Tanger. J'avoue ne pas avoir agi tout à fait en ami. Mais c'était la vérité, quand même je me brouillerai avec lui.
            Au bureau où je travaillai seul......... Rentrai, souper et au lit. Ma femme n'est pas bien ayant ses menstrues.
            Dans la soirée reçus de Mr Gauden, pour Noël, une grande échine de boeuf et trois douzaines de langues. Donné 5 shillings à celui qui me l'apporta et une demi-couronne aux porteurs. Aujourd'hui le clerc de paroisse a apporté la table générale de mortalité qui m'a encore coûté une demi-couronne.


                                                                                                                25 Décembre 1662
  visitlondon.com                                                                                                      Jour de Noël
Résultat de recherche d'images pour "londres hiver froid"            Levé de bonne heure, laissé ma femme indisposée au lit. Je sortis avec mon petit laquais car il faisait un très beau temps, gel et froid, et je fis une très agréable promenade jusqu'à Whitehall. J'avais l'intention d'y communier avec la famille, mais j'arrivai un peu trop tard. J'entrai donc dans le palais et passai mon temps à regarder des tableaux, en particulier les navires qui amenèrent le roi Henry VIII à Boulogne, et remarquai la grande différence entre la construction de leur époque et celle d'aujourd'hui. Puis je redescendis à la Chapelle où l'évêque Morley prêchait sur le cantique des anges   ( Gloire à Dieu au plus haut des cieux...... ) Le sermon m'a semblé misérable, réprouvant les réjouissances de la Cour, confondues avec la vraie joie qui est et doit être en ces jours. Il a détaillé leur passion excessive du théâtre et du jeu, disant que celui dont la charge est de maintenir la discipline et des limites décentes parmi les joueurs préfère servir de second dans les duels, voulant parler du maître des jeux. On était loin de prendre au sérieux les réprobations d'un évêque, tout le monde riait dans la chapelle, ce qui était remarquable.
            Il nous exhorta fortement à la joie en ces jours de joie publique et à l'hospitalité. Mais quelqu'un à côté de moi me chuchota que l'évêque pour sa part ne dépense pas un sou pour les pauvres.
            Un beau motet suivit le sermon, accompagné de violes, puis le roi s'approcha pour recevoir le sacrement, mais je ne restai pas. Pris mon petit laquais à la maison de milord, donnai de bons conseils à Sarah, selon l'ordre de milord de ne pas s'enivrer et de s'occuper de la maison, et rentrai encore à pied, avec grand plaisir. Je dînai au chevet de ma femme avec beaucoup de satisfaction, d'un plat d'excellente bouillie aux raisins et d'un poulet rôti. J'envoyai au-dehors chercher un pâté, ma femme n'étant pas encore assez bien pour en faire elle-même. Je restai un bon moment à causer avec elle moins souffrante, puis j'allai chez William Penn et à mon bureau à faire seul des exercices d'arithmétique et terminer le livre d'hier soir, avec grande satisfaction, jusqu'à onze heures du soir.
Et rentrai, et soupai, et au lit.


                                                                                                   26 Décembre

            Levé. Ma femme occupée toute la journée à faire des pâtés de Noël. Moi je sortis pour de petites affaires, achetai, entre autres, un plat à four au marché de Newgate et le fis porter à la maison. Il me coûta 16 shillings. Puis chez le docteur William, absent. Puis Mr Moore à la Garde-Robe, encore souffrant. Arriva Mr Battersby et, comme nous causions d'un nouveau livre de bouffonnerie en vers, Hudibras, je voulus à toute force aller le chercher. Et je le trouvai au Temple. Il me coûta 2 shillings 6 pence. Mais quand je me mis à le lire, c'est une si sotte invective contre le chevalier presbytérien, que cela me fit honte et, un peu plus tard, rencontrant Mr Townshend au dîner, je le lui vendis pour 18 pence. Nous dînâmes avec de nombreux commerçants qui appartiennent à la Garde-Robe, mais je me fatiguai vite de leur compagnie, et partis, avec réticence, et allai au logis du Duc voir Le Maraud, ce que je ne devrais pas faire sans ma femme, si ce n'est que la période pour laquelle j'avais pris mes résolutions est maintenant terminée. Mais, grand Dieu ! de voir comme mon inclination naturelle est au plaisir. Dieu soit loué de m'avoir accordé, par mes serments, de la refréner aussi bien, et je les renouvellerai, après encore deux ou trois pièces de théâtre. Cette fois la pièce me plut davantage, je la compris mieux. J'aperçus Gosnell et sa soeur. J'aurais bien eu envie de les accoster mais cela ne me parut pas prudent. J'observai leur départ et vis qu'elles étaient venues avec une autre femme, et qu'elles allaient à pied à travers champs. J'éprouve en moi le désir de la voir revenir, bien que ce soit contre mon intérêt, qu'il s'agisse d'argent ou de la paix de l'esprit, sauf pour son chant.      les5duvin.wordpress.com
Résultat de recherche d'images pour "londres hiver froid"
            Rentrai à pied en m'arrêtant chez Mr Rawlinson ne prenant qu'une chope de bière. Me dit que mon oncle a terminé son acquisition, 4 500 livres, et qu'il parle de ses difficultés avec la famille de sa femme. Mais je sais que ses véritables intentions sont de favoriser les Wright qui s'attachent à lui et lui ont conseillé l'achat de ce domaine. . Rentrai et trouvai ma femme à ses pâtés, mais fâchées de quelques paroles impertinentes de sa servante Jane. Ce que je ne permets pas, je vais donc lui donner son congé. Nous sommes aussi tous deux mécontents de quelques paroles méprisantes que Sarah, maintenant chez sir William Penn, a dites sur nous. Mais cela n'a pas d'importance, nous allons tâcher de joindre la peau du lion à la queue du renard.
            Puis à mon bureau, seul un moment, et rentrai dans mon cabinet d'étude, souper et au lit. contrarié aussi par mon petit laquais qui s'attarde dehors à jouer quand on l'envoie faire une course, de sorte que je l'ai envoyé ce soir voir si le roulier de son pays est à Londres, car je suis décidé à le renvoyer.


                                                                                                               27 Décembre 1662

            Levé et tout en m'habillant je fis appeler le frère de mon petit laquais, William qui demeure ici à Londres où il est garçon d'écurie. Je lui dis, de même qu'à leur soeur Jane, ma décision de ne plus le garder. Tout bien considéré ils demandent qu'il reste encore une semaine. Allai au bureau et travaillai avec Mr Coventry jusqu'à midi. J'allai faire un tour à la Bourse et je rentrai dîner. J'allai ensuite avec ma femme au Théâtre du Duc voir la seconde partie de Rhodes, jouée par la nouvelle Roxalana, plutôt meilleure sous tous les rapports, beauté, diction et intelligence, que la première. Rentrai très content avec ma femme mais moins satisfait de la compagnie qu'il y avait. Des bourgeois, presque aucun gentilhomme ou dame dans la salle, sauf deux jolies dames à côté de nous.bousculées par des apprentis, et qui s'en amusèrent. Retour à la maison et dans mon cabinet d'étude faire mes comptes du mois, et mon avoir est maintenant retombé à 630 livres ou à peu près, alors qu'il était de 680 livres il y a peu de temps, ce que je regrette, mais j'espère bien que Dieu me les fera recouvrer, et en attendant je veux vivre frugalement. Rentrai souper et au lit.


                                                                                                          28 Décembre
                                                                                             Jour du Seigneur
            Levé et à l'église avec ma femme. En sortant passâmes devant milady Batten, lui n'y était pas
( je crois que cela la vexera ). Après le dîner ma femme retourna à l'église et moi à l'église française où j'entendis un vieillard faire un sermon long et ennuyeux, si long qu'on fût obligé d'allumer des candélabres afin d'y voir pour baptiser des enfants. Au retour rencontrai mon frère Tom, sans guère lui parler, et passai aussi chez mon oncle Wight, mais il sortait. Je rentrai aussitôt et me mis à renouveler mes serments de l'an dernier. Il a plu à Dieu de me faire faire de tels progrès dans ma disposition d'esprit et dans ma conduite, puis descendis souper, puis la prière et au lit.


                                                                                                            29 Décembre

Résultat de recherche d'images pour "londres hiver froid"            Levé et à pied à Whitehall. Le Duc et Mr Coventry sortis j'allai à la Grand-Salle où je restai à lire dans la boutique de Mrs Mitchell et envoyai chercher une demi-pinte de xérès pour elle. Elle me raconta, ce que je ne savais pas, l'étrange façon dont ont brûlé la maison de Mr Delaune négociant dans Lothbury et sa femme, fille de sir Thomas Allen, et toute sa famille. Rien, pas un chien, pas un chat n'en a réchappé, et presque aucun des voisins n'a rien entendu avant que la maison fût complètement effondrée et consumée. Comment cela a pu se produire, Dieu seul le sait, mais c'est parfaitement étrange. Jack Spicer est venu me voir et je l'emmenai au Cygne où Mr Herbert me donna mon déjeuner d'échine de porc froide, et je m'entretins des affaires de l'Echiquier avec Spicer, et de ce que le lord Trésorier a donné l'ordre que tous les fonds fussent versés à l'Echiquier, a fixé le revenu du roi et a donné à chaque grande catégorie de dépense son affectation propre : à la Marine 200 000 livres et quelques. Il m'a raconté aussi l'immense trafic que font les orfèvres en fournissant de l'argent au roi à un taux élevé.                                                                                       Puis à Whitehall et montai dans la tribune supérieure de la salle des banquets pour voir la réception de l'ambassadeur de Russie. Une longue attente et la crainte que la tribune ne s'effondrât.......... Cela fut fort beau. Après leur entrée traversai la foule presque jusqu'au roi et des ambassadeurs, où je vis tous leurs présent : de riches fourrures, des faucons, tapis, drap d'or et d'argent et dents de chevaux de mer. Le roi prit deux ou trois faucons sur son poing, portant un gant ouvré d'or, donné à cette fin. Le fils d'un des envoyés portait l'habit le plus riche, par ses perles et son drap d'or. Après qu'ils eurent tous baisé la main du roi, les trois ambassadeurs et le fils, seuls, baisèrent la main de la reine. J'ai encore remarqué que le principal ambassadeur portait les lettres de son maître en grande cérémonie, devant lui, en l'air, et dès qu'il les eût remises il se jeta à terre, resta prosterné un grand moment. Puis la compagnie se dispersa, et je me promenai dans la tribune, à voir les dames, les deux reines et le duc de Montmouth avec sa petite maîtresse....... Puis avec Mr Creed à la Harpe et la Balle où se trouvaient Mr Howe, Goodroome et le jeune Coleman. Nous avons bu et causé. Et j'ai presque trouvé une jeune femme, de bonne famille, bien élevée qui me convienne pour servir ma femme, et sachant chanter. Je partis, pris une voiture et rentrai à la maison et restai jusque tard à parler avec ma femme de la proche visite de la femme du Dr Clarke et Mrs Pearse, fort soucieux de ce que ma femme n'a pas une seule robe d'hiver, presque honteux qu'elle doive se montrer en robe de taffetas quand tout le monde porte de la moire. Puis la prière et au lit. Mais nous n'avons pas pu décider que faire là-dessus, sinon qu'elle porte ce qu'elle a.



                                                                                                                    30 Décembre

            Levé, au bureau arrive sir William Penn, remis  et sorti pour la première fois de son attaque de goutte, et avec Mr Coventry réunion jusqu'à midi. Puis j'allai à la Bourse voir quelles pièces se jouent, mais aucune ne me plaisait et rentrai m'arrêtant chez Mr Rawlinson qui me retint à dîner avec deux officiers commandants de navires des Indes Orientales et Howell notre tourneur. Excellente conversation avec les officiers en particulier sur les habitants de Bonne-Espérance. Par expérience personnelle ils me racontent que à l'âge adulte les hommes se coupent les un aux autres un testicule ce qui, pensent-ils les aide à mieux engendrer les enfants et à engraisser, qu'ils ne se couchent jamais pour dormir mais se tiennent toujours assis par terre, que leur langage est moins articulé que le nôtre mais qu'ils se comprennent bien entre eux, qu'ils se peignent tout le corps avec la graisse que leur vendent les Hollandais, qui y possèdent un fort, et de la suie. Après cinq ou six verres de vin ( liberté que je prends avant de recommencer mon serment ) je rentrai et emmenai ma femme en voiture à Westminster. Nous rendîmes visite à Mrs Ferrer, causâmes un bon moment. Il y avait là une dame petite, fière, laide et bavarde qui faisait grand éloge de la Cour que tient la reine mère à Somerset House, la mettant bien au-dessus de celle de notre reine où on ne permet pas le rire et la gaieté. C'est donc là la Cour la plus importante. Puis à Whitehall j'emmenai ma femme voir la reine dans sa salle d'audience et les demoiselles d'honneur et le jeune duc de Monmouth qui jouait aux cartes.
            Peu étaient jolies bien que toutes vêtues de robes de velours. Puis chez milord où Mrs Sarah a fait pour nous le lit de milord. Mr Creed appelé nous jouâmes aux cartes jusque tard, et bonsoir, et au lit avec grand plaisir.


                                                                                                               31 Décembre 1662
voilalondres.com
Résultat de recherche d'images pour "londres hiver froid"            Restai assez longtemps au lit, puis levé et à la Grand-Salle puis au Cygne. Envoyai chercher Mr Bowyer et bus ma boisson du matin en écoutant ses simples propos............
            De là chez le barbier, puis retrouvai ma femme et la menai chez Mrs Pearse où nous étions invités à dîner, arrivèrent aussi le Dr Clarke, sa femme et sa soeur et Mr Knight premier chirurgien du roi et sa femme. Ce fut assez gai, ces deux hommes étant d'excellente compagnie. J'avoue m'être libéré de l'opinion que j'avais de la beauté de Mrs Pearse en apercevant aujourd'hui son cou nu, car elle était en négligé quand nous arrivâmes et du génie de Mrs Clarke, la trouvant si recherchée et affectée dans sa toilette et son attitude, mais elle ne manque pas d'esprit.
            Non sans peine, après le dîner, le Dr et moi partîmes travailler un peu, moi à la commission de Tanger où était le duc d'York, puis après un bon moment, partis afin d'organiser le départ des bateaux et des provisions pour Tanger......... Mr Povey et moi à Whitehall où il m'emmena à dessein de m'introduire au bal qui a lieu ce soir en présence du roi....... Je vois que c'est un homme du monde et un homme qui aime vivre avec noblesse et élégance comme cela se reconnaît à ce qu'il dit de sa demeure, de ses tableaux et de ses chevaux.
            Il me conduisit d'abord aux appartements du Duc où je le vis ainsi que la Duchesse, à leur souper, puis me fit entrer dans la salle de bal, bondée de dames élégantes, les plus grandes dames de la Cour. Arrivent le roi et la reine, le Duc et la Duchesse et tous les grands. Quand ils se furent assis le roi donne la main à la duchesse d'York, et le duc à la duchesse de Buckingham, le duc de Monmouth à milady Castemaine et d'autres seigneurs à d'autres dames. Et ils dansèrent le branle. Après cela le roi fit danser une courante à deux à une dame, et puis le reste des seigneurs et d'autres dames. Tout cela fort noble et un grand plaisir pour les yeux. Puis des danses rustiques. Le roi demanda la première c'était, dit-il, " Les Cocus tous en rang ", la vieille danse anglaise........ L'usage, quand le roi danse, est que toutes les dames, y compris la reine, se tiennent debout et en vérité il danse remarquablement....... Après être resté aussi longtemps que je le jugeai convenable, à ma satisfaction infinie....... je sortis, les laissant à leurs danses et me rendis chez Mrs Pearse. Tous étaient partis, après avoir attendu très longtemps mon retour, sauf ma femme. Je la ramenai donc en voiture et retournai chez milord où, après un léger souper, allai au lit, très fatigué et ayant un peu mal à la suite de ma course un peu pénible ( à cause de mes testicules ) de ce soir en voiture.
            Ainsi se termine cette année, fort joyeusement, pour moi et ma femme. Notre situation est la suivante : nous passons actuellement une nuit ou deux chez milord à Whitehall. Notre bureau de la Marine en bon état achevé et fort commode. Ma bourse contient environ 650 livres outre mes biens de différentes sortes, ce qui aurait pu être davantage n'étaient les dépenses pour ma maison et l'impôt public, ce qui aurait pu être moins si je n'avais eu une vie très réglée, en vertu des serments que Dieu m'a incité à faire pour éviter le vin, la comédie et autres dépenses.... et que je vais renouveler, car c'est à eux que je dois, après Dieu, mon contentement....... Depuis le commencement jusqu'à aujourd'hui nous sommes en bonne santé, Dieu soit loué.
            Nous avons eu ces derniers temps la pensée à laquelle j'ai du mal à m'arracher depuis que Mrs Gosnell ne peut être chez nous, d'en trouver une autre qui tienne le rôle de suivante de ma femme, qui sache danser ou chanter. Pourtant avec le mal que j'ai à économiser, je crois que je ne ferai pas cette folie tant que je n'aurai pas la bourse mieux garnie. Sans compter mon serment, tant que je n'aurai pas 1 000 livres.
            Par mon application à mon travail au cours de l'année écoulée, Dieu en soit loué, je suis arrivé à un heureux degré de compétence, c'est quelque chose que tout le monde reconnaît..........
            La seule chose qui me pèse, c'est la fin de l'affaire de mon oncle Thomas..... qui va fort mal pour nous. Et je crains en fin de compte d'être obligé de subvenir moi-même aux besoins de mon père. Mais il faut que je m'en satisfasse et que j'arrive à une solution dans un sens ou dans l'autre.
            Voici l'état des affaires publiques. Le roi, dit-on, commence à réduire les dépenses de sa maison, de la Marine et de toutes les autres charges. En attendant lui-même se livre à ses plaisirs plus que la prudence ne le voudrait, ou le laisser voir à tout le monde, tel son attachement à lady Castlemaine et aux confidents de ses plaisirs....... Dieu veuille lui inspirer de s'amender,......
            Le duc de Monmouth brille d'un tel éclat à la Cour et est tant mignardé par le roi que certains redoutent que, si le roi n'avait pas d'enfant de la reine ( aucun signe dans ce sens ) il pourrait bien être reconnu pour fils légitime. Il s'ensuivrait une querelle entre le duc d'York et lui, ce qu'à Dieu ne plaise !........
            On accuse la reine-mère de tenir une cour trop somptueuse et l'on répand le bruit qu'elle est mariées à milord St Albans et qu'ils ont une fille en France. Ce qu'il y a de vrai, Dieu seul le sait !
            Les évêques sont pleins d'arrogance....... et les presbytériens semblent ne rien dire, ou se conforment, ou démissionnent....... on a récemment découvert un complot pour lequel quatre personnes ont passé en jugement à l'Old Bailey et ont été pendues.
            Milord Sandwich est toujours bien considéré et passe Noël à la campagne......
            Mr Moore est fort malade.......
            En somme pour l'heureuse situation où nous sommes, moi, ma femme, ma famille et ma fortune, à ce haut degré qu'elle atteint, et pour l'état de la nation, dans sa tranquillité, que le Seigneur soit loué  !


                                                                    à suivre................

                                                                                                      1er Janvier 1663

            Couché avec.........
                        
         
     

lundi 8 janvier 2018

Betty la Grisette Jonathan Swift ( Poème Irlande )

Image associée
chartsinfrance.net   Poupée de cire Poupée de son youtube


                                           Betty la Grisette

            Reine d'esprit et de beauté, Betty,
            Puisse ma Muse chanter sans trêve
            Ton minois moucheté de léopard
            Qui enchante toute l'Arcadie,
            Et ton cou, envie des filles d'Eve
            Dont tu déploies les tâches rousses,                                                          univers-poupees.com
Résultat de recherche d'images pour "irlandaise rousse"            Tel un suif gâté par les mouches
            Un parchemin à l'encre jaunie
            Ou une pomme criblée de points fauves,
            Toute ridée, à la fin de l'hiver.

            Bien - Ta beauté a eu son compte ?
            Chantons ton esprit sans pareil !

            Phrases en série - " prêt à porter "
            Que ta langue débite à toute heure.
            Et ta mémoire est surchargée
            De débris de vaudevilles hors d'usage ;
            Monceau de répliques et de plaisanteries
            Où chacun peut trouver ce qu'il cherche :
            Bons mots éculés, rimes idiotes
            Dégoisées pour la millième fois.
            Pourquoi te montrerais-tu chiche ?
            Ce que tu prêtes ne s'use jamais.
            Ton esprit se nourrit au contact
            Des étudiants, au poulailler.
            Pour dix-huit sous, les Irlandaises
            Apprennent là le " sel  " Irlandais.                                                               ebay.fr
Image associée            Mais ton talent vient de ton vice même :
            Chez toi le sel devient sanie.

            Ainsi, tu possèdes à fond l'art
            D'être grossière et indécente :
            Quand ton insolent museau se dresse,
            Et ricane, raille, déchire, salit
            Tous ces gros idiots d'Hiberniens
            Crient à l'esprit et à l'humour.
            Cette bonne Chloé aussi est dupe :
            Elle jure que tu as de l'esprit en diable.


                                                                   Jonathan Swift
                                                                                       1730
                                                                                ( in Oeuvres )
             

vendredi 5 janvier 2018

Little brother ( Raphaël Enthoven ( Document Fra


     fnac.com


                                        Little brother

            " Philosophe du petit objet " ainsi que se définit Rafaël Enthoven, ce court ouvrage nous incite à faire le point sur nos croyances moutonnières, après avoir lu ou non les Mythologies de Roland Barthes, comme l'auteur assez tôt. Ainsi donc il suffit de lire, et de faire le point sur nos relations avec ce que la société nous offre aujourd'hui, sans ordre :
            - L'esthétique du nain de jardin - "....... Etre simultanément le sujet et l'objet...... " et accepter de proposer de soi une image généralement un peu épaissie.
            - La langue des signes - Ou l'art des SMS ainsi " ....... :-)?........ l'émoticone apparaît souvent au milieu d'une phrase...... Simultanément réductrice et significative......
            - La langue de bois, quand dire c'est taire - Ainsi pour Charlie Hebdo "....... il faut savoir éviter le blasphème...... Jet de brume...... Parler pour ne rien dire est, à dire vrai, une façon d'en revenir à la vocation même du langage, et au déni dont il est né....... "
            - Uber la barbarie à visage urbain - Raphaël Enthoven apprécie le service, la bouteille d'eau proposée, etc., même trop d'offres parfois "...... De cet accouplement du dépit et de l'inventivité est né un géant qui pète le feu sous ses habits noirs......... C'est dire que la haine des taxis pour Uber ne vient pas seulement de la guerre sans merci du village global contre le village gaulois...... "
            -  Poupée Barbie, le défi de la désincarnation - La poupée Barbie est-elle vraiment inimitable, les jeunes filles qui s'y essaient, emplies de rêves ( ........ En réalité Barbie n'a pas de corps........ Les humains sont des boyaux fagotés autour d'un rêve......... C'est le défi de la désincarnation.La poupée est d'une étoffe qu'aucune chair ne peut singer....... "
            - Vivre ensemble : le pire du bien - " ......... Le vivre ensemble est partout......... " Pas vraiment convaincant.
            - Le vintage, matière et mémoire - " .......... A quelle faveur collective et arbitraire le vintage doit-il d'être à la mode tout en étant d'un autre temps ?............. " Sentimentalité, nostalgie du passé
"......... Le rôle du vintage n'est pas de figer le temps mais, à l'inverse, de préserver autant que possible l'époque où le temps passait encore.........."
            Près de trente chapitres courts, sur " Les poils de Barbouille ou Comment pisser droit sans qu'on nous le suggère " ces Mythologies s'emportent partout s'offrent à tous.

            

            

jeudi 4 janvier 2018

Frappe-toi le coeur Amélie Nothomb ( Roman Belgique )


  amazon.fr 


                                             Frappe-toi le coeur

            Une enfant grandie dans une ville de province perçoit sa beauté et rêve d'un prince, d'une vie de rêve. Mais elle a vingt ans et de son premier amant elle attend un enfant. Le fils du pharmacien, très amoureux veut l'enfant, le mariage. Le pharmacien est un notable dans la petite ville, mais ce ne sera pas le faste qu'elle souhaitait, cela à cause de l'enfant imprévu. Après une grossesse pénible où les oeufs mollets préparés avec soin ( 6 mn 1/2 ) par un mari amoureux tiennent leur place, Marie donne naissance à une petite fille, Diane ne sera pas l'enfant de coeur de sa mère, Diane ne connaîtra que très brièvement l'amour d'une mère, et encore accidentellement, et plus elle grandira, adorée par son père et ses grands-parents maternels, plus sa beauté s'affirmera plus sa mère mortifiée de n'être plus le centre de l'admiration générale l'écartera. Une jalousie féroce la ronge devant cet état de fait. Pourtant elle accepte la nouvelle naissance, un garçon, ce qui la satisfait. La petite fille réfléchit avec ses mots d'enfant, et pense que le fait d'être un garçon aide beaucoup à obtenir l'amour de maman. Pourtant c'est au troisième enfant, une fille, que Marie qui manifeste un tel désintérêt et une si évidente jalousie envers Diane que les grands-parents lucides s'inquiètent, et donc la troisième, petite fille capricieuse, recevra un amour invraisemblable de la mère. Diane, belle jeune fille réfléchie, après divers rebondissements familiaux, toujours très aimée de son père inconscient de la jalousie de son épouse, entreprend des études de médecine. En cardiologie, qui sera sa spécialité, elle rencontre une conférencière de l'âge de sa mère, qu'elle admire. Diane, submergée de travail décide néanmoins d'apporter son aide à sa nouvelle amie pour obtenir une qualification difficile  "....... Je suis consternée par les approximations que d'aucuns se permettent dans notre spécialité....... " Son mari  est chercheur en mathématiques. "......... - Vous l'avez vu couché sur son lit, les yeux grands ouverts sur le plafond ? C'est ainsi qu'il pratique la recherche en topologie. Quatre minutes par jour, il se lève pour noter ses réflexions sur un bout de papier....... " Les rebondissements conviennent au style d'Amélie Nothomb qui ne se soucie pas d'entretenir les lecteurs de petits faits et propos propres au sujet. Elle avance, le sujet c'est la jalousie, que Diane retrouve chez celle qu'elle crut son amie, la jalousie maternelle en particulier. Amélie Nothomb emporte son lecteur dès les premières pages, à travers des rebondissements amenés naturellement, parce que ainsi va la vie cruelle à certains par manque d'amour. Cette jalousie familiale que l'on retrouve aussi dans d'autres romans de la rentrée. Très bonne lecture.

            

mardi 2 janvier 2018

Lettre sur les aveugles 2 Denis Diderot ( Lettres France )


Résultat de recherche d'images pour "peinture sur drap de laine hollande 187 siècl"
pinterest.com


                                                 Lettre sur les aveugles

                                                                 à l'usage de ceux qui voient

            Il juge de la beauté par le toucher ; cela se comprend : mais ce qui n'est pas si facile à saisir, c'est qu'il fait entrer dans ce jugement la prononciation et le son de la voix. C'est aux anatomistes à nous apprendre s'il y a quelque rapport entre les parties de la bouche et du palais, et la forme extérieure du visage. Il fait de petits ouvrages au tour et à l'aiguille ; il nivelle à l'équerre ; il monte et démonte les machines ordinaires ; il sait assez de musique pour exécuter un morceau dont on lui dit les notes et leurs valeurs. Il estime avec beaucoup plus de précision que nous la durée du temps, par la succession des actions et des pensées. La beauté de la peau, l'embonpoint, la fermeté des chairs, les avantages de la conformation, la douceur de l'haleine, les charmes de la voix, ceux de la prononciation sont des qualités dont il fait grand cas dans les autres.
            Il s'est marié pour avoir des yeux qui lui appartinssent. Auparavant, il avait eu le dessein de s'associer un sourd qui lui prêterait des yeux, et à qui il apporterait en échange des oreilles. Rien ne m'a tant étonné que son aptitude singulière à un grand nombre de choses ; et lorsque nous lui témoignâmes notre surprise :
            - Je m'aperçois bien, messieurs, nous dit-il, que vous n'êtes pas aveugles : vous êtes surpris de ce que je fais ; et pourquoi ne vous étonnez-vous pas aussi de ce que je parle ?
            Il y a, je crois, plus de philosophie dans cette réponse qu'il ne prétendait y en mettre lui-même. C'est une chose assez surprenante que la facilité avec laquelle on apprend à parler. Nous ne parvenons à attacher une idée à quantité de termes qui ne peuvent être représentés par des objets sensibles, et qui, pour ainsi dire, n'ont point de corps, que par une suite de combinaisons fines et profondes des analogies que nous remarquons entre ces objets non sensibles et les idée qu'ils excitent ; et il faut avouer conséquemment qu'un aveugle-né doit apprendre à parler plus difficilement qu'un autre, puisque le nombre des objets non sensibles étant beaucoup plus grand pour lui, il a bien moins de champ que nous pour comparer et pour combiner. Comment veut-on, par exemple, que le mot physionomie se fixe dans sa mémoire ? C'est une espèce d'agrément qui consiste en des objets si peu sensibles pour un aveugle, que, faute de l'être assez pour nous-mêmes qui voyons, nous serions fort embarrassés de dire bien précisément ce que c'est que d'avoir de la physionomie. Si c'est principalement dans les yeux qu'elle réside, le toucher n'y peut rien ; et puis, qu'est-ce pour un aveugle que des yeux morts, des yeux vifs, des yeux d'esprit, etc.
            Je conclus de là que nous tirons sans doute du concours de nos sens et de nos organes de grands services. Mais ce serait tout autre chose encore si nous les exercions séparément, et si nous n'employions jamais deux dans les occasions où le secours d'un seul nous suffirait. Ajouter le toucher à la vue, quand on a assez de ses yeux, c'est à deux chevaux, qui sont déjà vifs, en atteler un troisième en arbalète qui tire d'un côté, tandis que les autres tirent de l'autre.
            Comme je n'ai jamais douté que l'état de nos organes et de nos sens n'ait beaucoup d'influence sur notre métaphysique et sur notre morale, et que nos idées les plus purement intellectuelles, si je puis parler ainsi, ne tiennent de fort près à la conformation de notre corps, je me mis à questionner notre aveugle sur les vices et les vertus. Je m'aperçus d'abord qu'il avait une aversion prodigieuse pour le vol ; elle naissait en lui de deux causes : de la facilité qu'on avait de le voler sans qu'il s'en aperçût ; et plus encore, peut-être, de celle qu'on avait de l'apercevoir quand il volait. Ce n'est pas qu'il ne sache très bien se mettre en garde contre le sens qu'il nous connaît de plus qu'à lui, et qu'il
ignore la manière de bien cacher un vol. Il ne fait pas grand cas de la pudeur : sans les injures de l'air,
dont les vêtements le garantissent, il n'en comprendrait guère l'usage ; et il avoue franchement qu'il ne devine pas pourquoi l'on couvre plutôt une partie du corps qu'une autre, et moins encore par quelle bizarrerie on donne entre ces parties la préférence à certaines, que leur usage et les indispositions auxquelles elles sont sujettes demanderaient que l'on tînt libres. Quoique nous soyons dans un siècle où l'esprit philosophique nous a débarrassés d'un grand nombre de préjugés, je ne crois pas que nous en venions jamais jusqu'à méconnaître les prérogatives de la pudeur aussi parfaitement que mon aveugle. Diogène n'aurait point été pour lui un philosophe.                                 pinterest.fr
Résultat de recherche d'images pour "peinture sur drap de laine hollande 187 siècl"            Comme de toutes les manifestations extérieures qui réveillent en     nous la commisération et les idées de la douleur, les aveugles ne sont affectés que par la plainte, je les soupçonne, en général, d'inhumanité. Quelle différence y a-t-il pour un aveugle, entre un homme qui urine et un homme qui, sans se plaindre, verse son sang ? Nous-mêmes, ne cessons-nous pas de compatir lorsque la distance ou la petitesse des objets produit le même effet sur nous que la privation de la vue sur les aveugles ? tant nos vertus dépendent de notre manière de sentir et du degré auquel les choses extérieures nous affectent ! Aussi je ne doute point que, sans la crainte du châtiment, bien des gens n'eussent moins de peine à tuer un homme à une distance où ils ne le verraient gros que comme une hirondelle, qu'à égorger un boeuf de leurs mains. Si nous avons de la compassion pour un cheval qui souffre, et si nous écrasons une fourmi sans aucun scrupule, n'est-ce pas le même principe qui nous détermine ?
            Ah, madame ! que la morale des aveugles est différente de la nôtre ! que celle d'un sourd différerait encore de celle d'un aveugle, et qu'un être qui aurait un sens de plus que nous trouverait notre morale imparfaite, pour ne rien dire de pis !
            Notre métaphysique ne s'accorde pas mieux avec la leur. Combien de principes pour eux qui ne sont que des absurdités pour nous, et réciproquement  ! Je pourrais entrer là-dessus dans un détail qui vous amuserait sans doute, mais que de certaines gens, qui voient du crime à tout, ne manqueraient pas d'accuser d'irréligion, comme s'il dépendait de moi de faire apercevoir aux aveugles les choses autrement qu'ils ne les aperçoivent. Je me contenterai d'observer une chose dont je crois qu'il faut que tout le monde convienne : c'est que ce grand raisonnement, qu'on tire des merveilles de la nature, est bien faible pour des aveugles. La facilité que nous avons de créer, pour ainsi dire, de nouveaux objets par le moyen d'une petite glace, est quelque chose de plus incompréhensible pour
eux que des astres qu'ils ont été condamnés à ne voir jamais. Ce globe lumineux qui s'avance d'orient en occident les étonne moins qu'un petit feu qu'ils ont la commodité d'augmenter ou de diminuer : comme ils voient la matière d'une manière beaucoup plus abstraite que nous, ils sont moins éloignés de croire qu'elle pense.
            Si un homme qui n'a vu que pendant un jour ou deux se trouvait confondu chez un peuple d'aveugles, il faudrait qu'il prît le parti de se taire, ou celui de passer pour un fou. Il leur annoncerait tous les jours quelque nouveau mystère, qui n'en serait un que pour eux, et que les esprits forts se sauraient bon gré de ne pas croire. Les défenseurs de la religion ne pourraient pas tirer un grand parti
d'une incrédulité si opiniâtre, si juste même, à certains égards, et cependant si peu fondée ? Si vous vous prêtez un instant à cette supposition, elle vous rappellera, sous des traits empruntés, l'histoire et les persécutions de ceux qui ont eu le malheur de rencontrer la vérité dans des siècles de ténèbres, et l'imprudence de la déceler à leurs aveugles contemporains, entre lesquels ils n'ont point eu d'ennemis plus cruels que ceux qui, par leur état et leur éducation, semblaient devoir être les moins éloignés de leurs sentiments.
            Je laisse donc la morale et la métaphysique des aveugles, et je passe à des choses qui sont moins importantes, mais qui tiennent de plus près au but des observations qu'on fait ici de toutes parts depuis l'arrivée du Prussien. Première question. Comment un aveugle-né se forme-t-il des idées des figures ? Je crois que les mouvement de son corps, l'existence successive de sa main en plusieurs lieux, la sensation non interrompue d'un corps qui passe entre ses doigts, lui donnent la notion de direction. S'il les glisse le long d'un fil bien tendu, il prend l'idée d'une ligne droite ; s'il suit la courbe d'un fil lâche, il prend celle d'une ligne courbe. Plus généralement, il a, par des expériences réitérées
du toucher, la mémoire de sensations éprouvées en différents points : il est maître de combiner ses sensations ou points, d'en former des figures. Une ligne droite, pour un aveugle qui n'est point géomètre, n'est autre chose que la mémoire d'une suite de sensations du toucher, rapportées à la surface de quelque corps solide, concave ou convexe. L'étude rectifie dans le géomètre la notion de ces lignes par les propriétés qu'il leur découvre. Mais géomètre ou non, l'aveugle-né rapporte tout à l'extrémité de ses doigts. Nous combinons des points colorés ; il ne combine, lui, que des points palpables, ou, pour parler plus exactement, que des sensations du toucher dont il a mémoire. Il ne se passe rien dans sa tête d'analogue à ce qui se passe dans la nôtre ; il n'imagine point ; car, pour imaginer, il faut colorer un fond et détacher de ce fond des points, en leur supposant une couleur différente de celle du fond. Restituez à ces points la même couleur qu'au fond, à l'instant ils se confondent avec lui, et la figure disparaît ; du moins, c'est ainsi que les choses s'exécutent dans mon imagination ; et je présume que les autres n'imaginent pas autrement que moi. Lors donc que je me propose d'apercevoir dans ma tête une ligne droite, autrement que par ses propriétés, je commence par la tapisser au-dedans d'une toile blanche, dont je détache une suite de points noirs placés dans la même direction. Plus les couleurs du fond et des points sont tranchantes, plus j'aperçois les points distinctement, et une figure d'une couleur fort voisine de celle du fond ne me fatigue pas moins à considérer dans mon imagination que hors de moi, et sur une toile.
"The Conversation" Paul Delvaux  *          Vous voyez donc, madame, qu'on pourrait donner des lois pour imaginer facilement à la fois plusieurs objets diversement colorés ; mais que ces lois ne seraient certainement pas à l'usage d'un aveugle-né. L'aveugle-né, ne pouvant colorer, ni par conséquent figurer comme nous l'entendons, n'a mémoire que de sensations prises par le toucher, qu'il rapporte à différents points, lieux ou distances, et dont il compose des figures. Il est si constant que l'on ne figure point dans l'imagination sans colorer, que si l'on nous donne à toucher dans les ténèbres de petits globules dont nous ne connaissions ni la matière, ni la couleur, nous les supposerons aussitôt blancs ou noirs, ou de quelque autre couleur ; ou que, si nous ne leur en attachons aucune, nous n'aurons, ainsi que l'aveugle-né, que la mémoire de petites sensations excitées à l'extrémité des doigts, et telles que de petits corps ronds peuvent les occasionner. Si cette mémoire est très fugitive en nous ; si nous n'avons guère d'idée de la manière dont un aveugle-né fixe, rappelle et combine les sensations du toucher, c'est une suite de l'habitude que nous avons prise par les yeux, de tout exécuter dans notre imagination avec des couleurs. Il m'est cependant arrivé à moi-même, dans les agitations d'une passion violente, d'éprouver un frissonnement dans toute une main ; de sentir l'impression de corps que j'avais touchés il y avait longtemps s'y réveiller aussi vivement que s'ils eussent encore été présents à mon attouchement, et de m'apercevoir très distinctement que les limites de la sensation coïncidaient précisément avec celles de ces corps absents. Quoique la sensation soit indivisible par elle-même, elle occupe, si on peut se servir de ce terme, un espace étendu auquel l'aveugle-né a la faculté d'ajouter ou de retrancher par la  pensée, en grossissant ou en diminuant la partie affectée. Il compose, par ce moyen, des points, des surfaces, des solides ; il aura même un solide gros comme le globe terrestre, s'il se suppose le bout du doigt gros comme le globe, et occupé par la sensation en longueur et profondeur.
            Je ne connaissais rien qui démontre mieux la réalité  du sens interne que cette faculté faible en nous, mais forte dans les aveugles-nés, de sentir ou de se rappeler la sensation des corps, lors même qu'ils sont absents et qu'ils n'agissent plus pour eux. Nous ne pouvons faire entendre à un aveugle-né comment l'imagination nous peint les objets absents comme s'ils étaient présents ; mais nous pouvons très bien reconnaître en nous la faculté de sentir à l'extrémité d'un doigt un corps qui n'y est plus, telle qu'elle est dans l'aveugle-né. Pour cet effet, serrez l'index contre le pouce ; fermez les yeux ; séparez vos doigts ; examinez immédiatement après cette séparation ce qui se passe en vous, et dites-moi si la sensation ne dure pas longtemps après que la compression a cessé ; si, pendant que la compression dure, votre âme vous paraît plus dans votre tête qu'à l'extrémité de vos doigts ; et si cette compression ne vous donne pas la notion d'une surface, par l'espace qu'occupe la sensation. Nous ne distinguons la présence des êtres hors de nous, de leur représentation dans notre imagination, que par la force et la faiblesse de l'impression : pareillement, l'aveugle-né ne discerne la sensation d'avec la présence réelle d'un objet à l'extrémité de son doigt, que par la force ou la faiblesse de la sensation même.
            Si jamais un philosophe aveugle et sourd de naissance fait un homme à l'imitation de celui de Descartes, j'ose vous assurer, madame, qu'il placera l'âme au bout des doigts ; car c'est de là que lui viennent ses principales sensations, et tous ses con naissances. Et qui l'avertirait que sa tête est le siège de ses pensées ? Si les travaux de l'imagination épuisent la nôtre, c'est que l'effort que nous faisons pour imaginer est assez semblable à celui que nous faisons pour apercevoir des objets très proches ou très petits. Mais il n'en sera pas de même de l'aveugle et sourd de naissance ; les sensations qu'il aura prises par le toucher seront, pour ainsi dire, le moule de toutes ses idées ; et je ne serais pas surpris qu'après une profonde méditation, il eût les doigts aussi fatigués que nous avons la tête. Je ne craindrais point qu'un philosophe lui objectât que les nerfs sont les causes de nos sensations, et qu'ils partent tous du cerveau  : quand ces deux propositions seraient aussi démontrées qu'elles le sont peu, surtout la première, il lui suffirait de se faire expliquer tout ce que les physiciens ont rêvé là-dessus, pour persister dans son sentiment.
            Mais si l'imagination d'un aveugle n'est autre chose que la faculté de se rappeler et de combiner des sensations de points palpables, et celle d'un homme qui voit, la faculté de se rappeler et de combiner des points visibles ou colorés, il s'ensuit que l'aveugle-né aperçoit les choses d'une manière beaucoup plus abstraite que nous ; et que dans les questions de pure spéculation, il est peut-être moins sujet à se tromper ; car l'abstraction ne consiste qu'à séparer par la pensée les qualités sensibles des corps ou les unes des autres, ou corps même qui leur sert de base ; et l'erreur naît de cette séparation mal faite, ou faite mal à propos ; mal faite, dans les questions métaphysiques  ; et faites mal à propos dans les questions physico-mathématiques. Un moyen presque sûr de se tromper
en métaphysique, c'est de ne pas simplifier assez les objets dont on s'occupe ; et un secret infaillible pour arriver en physico-mathématique à des résultats défectueux, c'est de les supposer moins composés qu'ils ne le sont.                                                                                           ifalsidiautore.it/  
Résultat de recherche d'images pour "magritte"            Il y a une espèce d'abstraction dont si peu d'hommes sont capables qu'elle semble réservée aux intelligences pures ; c'est celle par laquelle tout se réduirait à des unités numériques. Il faut convenir que les résultats de cette géométrie serait bien exacts, et ses formules bien générales ; car il n'y a point d'objets, soit dans la nature, soit dans le possible, que ces unités simples ne pussent représenter, des points, des lignes, des surfaces, des solides, des pensées, des idées, des sensations, et... si, par hasard, c'était le fondement de la doctrine de Pythagore, on pourrait dire de lui qu'il échoua dans son projet, parce que cette manière de philosopher est trop au-dessus de nous, et trop approchante de celle de l'Être suprême, qui, selon l'expression ingénieuse d'un géomètre anglais, " géométrise " perpétuellement dans l'univers.
            L'unité pure et simple est un symbole trop vague et trop général pour nous. Nos sens nous ramènent à des signes plus analogues à l'étendue de notre esprit et à la conformation de nos organes. Nous avons même fait en sorte que ces signes pussent être communs entre nous, et qu'ils servissent, pour ainsi dire, d'entrepôt au commerce mutuel de nos idées. Nous en avons institué pour les yeux, ce sont les caractères ; pour l'oreille, ce sont les sons articulés ; mais nous n'en n'avons aucun pour le toucher, quoiqu'il y ait une manière propre de parler à ce sens, et d'en obtenir des réponses. Faute de cette langue, la communication est entièrement rompue entre nous et ceux qui naissent sourds, aveugles et muets. Ils croissent ; mais ils rentent dans un état d'imbécillité. Peut-être acquerraient-ils des idées, si l'on se faisait entre à eux dès l'enfance d'une manière fixe, déterminée, constante et uniforme ; en un mot, si on leur traçait sur la main les mêmes caractères que nous traçons sur le papier, et que la même signification leur demeurât invariablement attachée.
            Ce langage, madame, ne vous paraît-il pas aussi commode qu'un autre ? n'est-il pas même tout inventé ? et oseriez-vous nous assurer qu'on ne vous a jamais rien fait entendre de cette manière ? Il ne s'agit donc que de le fixer et d'en faire une grammaire et des dictionnaires, si l'on trouve que l'expression, par les caractères ordinaires de l'écriture, soit trop lente pour ce sens.
            Les connaissances ont trois portes pour entrer dans notre âme, et nous en tenons une barricadée par le défaut de signes. Si l'on eût négligé les deux autres, nous en serions réduits à la condition des animaux. De même que nous n'avons que le serré pour nous faire entendre au sens du toucher, nous n'aurions que le cri pour parler à l'oreille. Madame, il faut manquer d'un sens pour connaître les avantages des symboles destinés à ceux qui restent ; et, des gens qui auraient le malheur d'être sourds, aveugles et muets, ou qui viendraient à perdre ces trois sens par quelque accident, seraient bien charmés qu'il y eût une langue nette et précise pour le toucher.
            Il est bien plus court d'user de symboles tout inventés que d'en être inventeur, comme on y est forcé, lorsqu'on est pris au dépourvu. Quel avantage n'eût-ce pas été pour Saunderson de trouver une arithmétique palpable toute préparée à l'âge de cinq ans, au lieu d'avoir à l'imaginer à l'âge de vingt-cinq ! Ce Saunderson, madame, est un autre aveugle dont il ne sera pas hors de propos de vous entretenir. On en raconte des prodiges ; et il n'y en a aucun que ses progrès dans les belles-lettres, et son habileté dans les sciences mathématiques, ne puissent rendre croyable.
            La même machine lui servait pour les calculs algébriques et pour la description des figures rectilignes. Vous ne seriez pas fâchée qu'on vous fît l'explication, pourvu que vous fussiez en état de l'entendre ; et vous allez voir qu'elle ne suppose aucune connaissance que vous n'ayez, et qu'elle vous serait très utile, s'il vous prenait jamais envie de faire de longs calculs à tâtons.
            Imaginez un carré, tel que vous le voyez fig. 1 et 2 divisé en quatre parties égales par des lignes perpendiculaires aux côtés, en sorte qu'il vous offrît les neuf points 1, 2, 3, 4, 5 , 6, 7, 8, 9. Supposez ce carré percé de neuf tous capables de recevoir des épingles de deux espèces, toutes de même longueur et de même grosseur, mais les unes à tête un peu plus grosse que les autres.
                                              ______
                                              |_ _|_ _|         
                                              |_ _|__|
*     pinterest.fr
                     
                                                                          à suivre.........
            Les épingles..........