dimanche 9 février 2020

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 107 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                      16 Décembre 1663

            Lever, et l'esprit et le coeur tout occupés de mon travail, passait toute la matinée à mon bureau. Là, entre autres et à ma grande satisfaction, le capitaine Taylor m'apporta 40 livres, gagnés moi-même la plus grande partie, après bien du souci et des efforts, sur sa facture de fret.
            A midi à la Bourse où retrouvai Mr Wood, et par ruse obtins de lui des aveux à mon avantage, dont je vais faire bon usage contre sir William Batten, au sujet du contrat pour l'achat de mâts de William Warren, qui me cause tant d'ennuis.
            Dîner à la maison, et ensuite à la taverne de l'Etoile toute proche, pour l'arbitrage de l'affaire de Mr Bland. Passai là un grand moment, mais il m'apparaît impossible de mener notre enquête avec rigueur, et Mr Clerke, le second arbitre est si peu apte, quoiqu'il connaisse bien son métier de négociant, à poser des questions et à s'efforcer de dégager la vérité des deux côtés, que nous nous quittâmes sans avoir rien accompli, et je ne crois pas que nous parviendrons même à quoi que ce soit dans cette affaire.
            Puis à la maison et fis mes comptes jusqu'à minuit, où tiennent une large place le versement du capitaine Taylor et le remboursement de la somme que m'a coûtée l'affaire Field. Ensuite à la maison, l'esprit en paix, souper et, au lit.


                                                                                                                17 décembre

            Lever et au bureau où réunion toute la matinée. A midi retournai auprès de ma pauvre femme pour dîner. Puis en fiacre chez Mrs Turner, où je n'étais pas allé depuis bien des jours. Je l'y trouvai en compagnie de sa soeur Dick. Elles sont fort affligées de la mort de leur frère. Quand nous eûmes échangé quelques banales expressions de tristesse, Mrs Turner me dit que le service qu'elle voulait me demander était de m'informer sur la confection d'armoiries funéraires ( les écussons étaient déjà faits ) à poser au-dessus de la porte.
            Je me rendis donc chez Mr Smith qui, à ce que dit mon frère, fait des écussons. Mais comme il était absent j'allai dans le quartier du Temple où passai mon temps chez un libraire à lire un livre sur certaines ambassades en Moscovie, etc., qui était fort intéressant. Puis chez Mrs Turner où arriva Mr Smith. Nous convînmes qu'il ferait de belles armoiries de 45 pouces de côté, pour 4 livres. Après son départ nous parlâmes pendant une heure de la soudaineté de sa mort, en sept jours, et de la façon dont la mort s'était petit à petit emparée de lui, sans que ni lui ni ses soeurs ne se fussent doutés que l'issue serait telle. Il mourut après un jour de délire, ayant perdu la raison par manque de sommeil. Sa femme ne savait pas qu'il était malade. Elle n'a pas encore donné de ses nouvelles, et l'on ne sait pas comment elle prend la choses.
            Ensuite en fiacre à la maison, après m'être arrêté dans l'enclos de Saint-Paul pour prendre des livres, et à mon bureau pour travailler tard, puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                       18 décembre
                                                                                                             larevuedesmedias.inafr

            Au XVIIe siècle, naissance du journalisme politique                      Lever et après avoir réglé quelques affaires avec des gens, je m'embarquai, après avoir bu un petit verre sur la berge, sur une yole pour la première fois de ma vie, descendis jusqu'à Woolwich, après m'être arrêté à Ham Creek, où je retrouvai Mr Deane et parlai longuement avec lui du travail. Puis à la corderie et aux darses où parlai de différents sujets, puis repartis et fis la même chose à Deptford. Je m'aperçois qu'il est absolument nécessaire que je fasse cela au moins une fois par semaine..... Retour à la maison, fort aise et satisfait particulièrement d'un livre que j'ai acheté hier. Il s'agit d'une description de Rome sous le présent pape Alexandre VII. C'est vraiment un excellent récit. Après avoir mangé un morceau, au bureau jusqu'au soir, travaillai. Reçus, entre autres la visite impromptue de Mr Primate, le peaussier de Fleet Street, qui passait par là. Il me dit qu'il vient de faire une proposition au roi : grâce à une loi déjà existante, il va fournir au roi, sans causer tort à personne ni rien coûter au peuple, dans les circonstances présentes, plus de 200 000 livres par an, et Dieu sait quoi encore. Et que cette proposition plaît au roi qui a commandé que le duc de Monmouth, avec son consentement et celui de ses associés, soit mis au fait de l'affaire et se joigne à eux. Dieu sait ce dont il s'agit, car je ne peux croire ni imaginer qu'il ait un tel plan en tête.
            Le soir finis de lire le récit que j'ai commencé ce matin, puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                         19 décembre

            Lever et à mon bureau réunion toute la matinée. Je me démenai fort pour les planches de Dering, davantage que je ne l'aurais fait si je ne pensais en tirer quelque chose, bien que je sois persuadé que tout ce que je fais profite au roi. Et pourtant, Dieu sait si l'espérance du gain est puissante et vous donne plus d'ardeur pour le travail ! Dînai à la maison, puis avec Mr Bland me rendis à une nouvelle réunion de conciliation. Voyant qu'il n'en ressortirait probablement rien je les poussai à agir et ils choisirent de faire appel au seul sir William Rider pour conclure le différent, de sorte que m'en voilà débarrassé. Puis en fiacre chez mon bottier, à qui réglai tout ce que je devais et mis quelque chose dans la tirelire de l'apprenti, car c'est bientôt Noël.
            Ensuite chez Mrs Turner que je trouve en pleine discussion avec sir William Turner sur l'opportunité de faire le voyage jusqu'à Norfolk pour raccompagner le corps. Il m'apparaît comme un homme sérieux et réfléchi dans ses propos. Puis à la maison, à mon bureau jusque tard. A la maison souper et, au lit. J'ai l'esprit tout occupé de mon travail, mais fort content.


                                                                                                                          20 décembre 1663
                                                                                                                  Jour du Seigneur
            Lever et seul à l'office, où sermon ordinaire de Mr Milles. A la maison pour dîner dans notre salon. Ma femme avait fait sa toilette. C'est la première fois que nous dînons ici ensemble depuis bien longtemps. L'après-midi elle m'accompagna à l'office et elle reprit sa place devant Mrs Penn, alors que jusqu'à présent elle la lui laissait généralement par caprice, pour faire affront à milady Batten. Après un morne sermon de l'Ecossais, à la maison. Je trouvai là mon frère Tom et mes deux cousins Scott, lui et elle. C'est la première fois qu'ils viennent ici, et bientôt arrivent mon oncle Wight et Mr Norbury. Ils s'assirent avec nous un moment pour boire du vin que je leur servis en abondance. Mais ces derniers ne voulurent pas rester souper, au contraire des deux premiers. Nous fûmes aussi gais que je pouvais l'être avec des gens à qui je ne veux que du bien, mais avec lesquels je ne sais de quoi parler. Nous leur fîmes visiter notre maison de fond en comble, et soupâmes d'une bonne dinde rôtie, et le vin coula en abondance. Après souper les laissâmes repartir à pied. Puis prières et, au lit.


                                                                                                                    21 décembre
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Résultat de recherche d'images pour "chants de coq"            Levé de bonne heure. Ma femme avait envie de sortir avec moi, mais je ne voulais pas car sa présence m'aurait embarrassé. Je la laissai donc, mais à contre-coeur, aller voir son père et sa mère toute seule. Quant à moi j'allai tout droit chez milord Sandwich. Milord me salua fort civilement, et je me rendis chez le Duc, et bientôt arrivèrent mes collègues officiers. Nous entrâmes avec lui dans son cabinet et expédiâmes nos affaires. La séance levée, j'allai avec sir William Batten en voiture à Salisbury Court, parlâmes avec Clerke, notre avoué, de l'affaire Field. Puis me rendis chez Mrs Turner où vis les armoiries funéraires accrochées de bonne façon, et le travail est bien exécuté. Ensuite à pied à Charing Cross où dînai à la table d'hôte. Rencontrai Mr Gauden et Creed. Conversation variée mais sans grand intérêt. Après dîner, gagnai une paire de gants d'une couronne à la suite d'un pari avec Mr Gauden sur certains termes figurant dans son contrat pour les subsistances de la marine.
            Je les quittai dans la rue et retournai chez milord. Mais comme il était sorti, je pris un fiacre, et l'idée m'en venant à la vue d'affiches sur les murs, me rendis à Shoe Lane pour voir un combat de coqs dans une nouvelle arène. Un divertissement auquel je n'avais jamais assisté de ma vie. Mais Seigneur ! Quelle étrange diversité que celle de l'assistance, du membre du Parlement ( Weld est son nom, était vice-gouverneur de la Tour quand Robinson était lord-maire ), aux plus pauvres apprentis, aux boulangers, brasseurs, bouchers, haquetiers et que sais-je encore. Et tous ces gens ensemble qui jurent, sacrent et parient. J'en eus bientôt assez, je n'aurais cependant pas voulu ne pas voir cela une fois, tant c'est un étrange spectacle que d'observer le naturel de ces pauvres créatures, comme elles combattent jusqu'à ce qu'elles tombent mortes sur la table, et attaquent alors même qu'elles sont recrues ou blessées au point de ne plus pouvoir se défendre. Au contraire, quand arrive un coq de basse-cour il s'enfuit de la scène à la première estocade, et alors on lui tord le cou sans autre forme de procès. Quant à ceux de l'autre race, ils sont épargnés, auraient-ils les deux yeux crevés, pour engendrer seulement de vrais coqs de combat.                                            youtube.com
Résultat de recherche d'images pour "chant du coq en anglais"            Parfois il arrive qu'un coq qui était donné à un contre dix assène par hasard un coup malencontreux qui étend l'autre raide mort en un instant. Mais la règle habituelle est que dans le cas où aucun des coqs ne s'enfuit ni ne meurt, si quelqu'un parie 10 livres contre une couronne sans que personne ne prenne le pari, le combat est alors déclaré terminé, mais pas avant.
            Une autre chose est aussi étrange à voir : la façon dont ces gens de basse condition, qui semblent ne rien avoir à se mettre sous la dent, parient 3 ou 4 livres en une seule fois et les perdent, pourtant parient autant à la bataille suivante, c'est ainsi qu'ils appellent chaque bataille entre deux coqs, de sorte qu'il arrive à certains d'entre eux de perdre 10 ou 20 livres en un seul après-midi.
            Ensuite, comme j'en avais assez, en fiacre chez milord Sandwich. Je le trouvai au logis avec le capitaine Cooke et ses jeunes choristes, le Dr Child, Mr Madge et Mallard, jouant et chantant l'anthem de milord qu'il a fait donner à la Chapelle royale. Milord me salua aimablement et m'emmena dans son salon pour me permettre de l'écouter à bonne distance. Et vraiment, la musique est fort belle....... Quand cela fut terminé, le capitaine Cooke et ses deux jeune choristes chantèrent quelques chants italiens, dont je dois dire, en un mot, qu'à mon avis, c'est sans conteste la meilleure musique que j'aie encore jamais entendue, et ce fut pour moi un très grand plaisir que de les entendre.
            Quand on eut fini de jouer et que milord partit pour Whitehall, je l'accompagnai et exprimai le désir de lui emprunter son carrosse pour traverser la Cité derrière le corbillard de mon cousin Edward Pepys, mercredi prochain. Ce qu'il m'accorda sur le champ, quoiqu'il ne puisse pas encore me parler avec la familiarité de naguère, mais cela je ne peux m'y attendre. Mais j'étais particulièrement content, car cette occasion m'a permis de voir s'il allait ou non m'oppose un refus, ce qu'il aurait fait, je pense, s'il se défiait ouvertement de moi.                                                             
            Fort content de tout cela, bien que je voie que milord n'est pas encore tout à fait comme avant, je remerciai Sa Seigneurie et le quittai à Whitehall, puis retournai à Whitehall chercher William  que j'emmenai en fiacre jusqu'à la Demi-Lune. Nous causâmes en chemin de milord devenu un autre homme, et un meilleur en comparaison de ce qu'il était naguère, que Dieu en soit loué ! Et il dit que milord finira par me traiter comme avant, ce dont j'ai bon espoir. Mais je vais me méfier de lui, je veux dire de William Howe, et ne plus lui accorder toute ma confiance, car je m'aperçois qu'il n'est pas aussi discret que je le croyais, puisqu'il a parlé au capitaine Ferrer, ce que m'a dit Mr Moore, de ma lettre à milord. Ce qui m'inquiète car je crains que milord ne croie que c'est moi qui lui en ai parlé.
            Puis allai avec mon fiacre au logis du frère de ma femme, mais elle venait de prendre un fiacre pour la maison. Je me hâtai et la rattrapai à la barrière du Temple, payai et renvoyai ma voiture et rentrai à la maison dans la sienne. Elle me dit que c'est une bien triste maison que celle de son frère. Sa belle-mère s'avère fort difficile et sa mère est donc retournée auprès de son mari et laisse les jeunes gens entre eux. De grands ennuis et, je le crains, un grand dénuement les attendent. Je prie le ciel qu'ils ne viennent pas m'importuner.
            A la maison, mis ma robe de chambre et à mon bureau où rédigeai le journal du jour. Sur ces entrefaites arrive Mrs Owen, la fille du capitaine Allen, qui m'oblige à attendre que copie soit faite des papiers relatifs à la charge de son mari, qu'il a rachetée à son beau-père, parce qu'elle rentre par la marée de demain matin à Chatham, j'en suis chagrin mais je ne puis rien faire. Rentrai chez moi pour souper, tandis qu'un jeune homme qu'elle avait amené avec elle copiait tout cela, puis retournai au bureau et expédiai son affaire. Puis à la maison et, au lit.


                                                                                                             22 décembre

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Résultat de recherche d'images pour "combats de coqs"            Levé et arrive ma cousine Angier de Cambridge pour me parler de son fils mais, quoique j'aie beaucoup d'affection pour eux, et bien des raisons d'en avoir, malgré cela, Seigneur ! avec quelle froideur je lui parle de crainte de lui donner trop d'espoir d'obtenir de moi de l'argent ou quoi que ce soit d'autre en plus de ce que je fais pour son fils ! Je la laisse partir sans lui offrir à boire, mais c'est contre mon gré, car j'étais forcé de rejoindre en hâte le bureau où réunion toute la matinée.
            A midi allai chez sir Richard Ford où se trouvait sir Richard Browne, un homme terne mais prompt à s'échauffer dans l'action, paraît-il. Nous nous vîmes afin de nous entendre sur le fret d'une barge à destination de la France, pour la duchesse d'Orléans. Au cours de la conversation je m'aperçois qu'ils sont fort opposés au choix de sir John Cutler comme trésorier de Saint-Paul, à la condition qu'il verse une contribution de 1500 livres, et il semble qu'il ait donné cette somme à la condition qu'il serait nommé trésorier pour cette entreprise. Ce qui, disent-ils, lui rapporterait trois fois plus d'argent, et ils en parlent comme si le fait qu'il ait été choisi pour remplir cet office allait rendre les gens réticents à donner. Mais je pense qu'il convient aussi bien à ce poste que l'un d'entre eux, ou même mieux.
            L'affaire conclue nous nous séparâmes sans que sir Richard Ford eût même fait mine de m'inviter à dîner, ce que je ne regrettai pas.
            A la maison où dînai et reçus une lettre de William Howe m'informant que milord a donna ordre de préparer son carrosse à six chevaux  pour moi demain. Je suis ravi que milord en face autant pour moi, ce qui me laisse espérer que sa colère est un peu apaisée.
            Après dîner sortis en fiacre avec ma femme et à Westminster, la laissai chez Mrs Hunt, tandis que je vaquais à mes affaires après avoir rencontré par chance sur notre chemin le capitaine Ferrer qui je parlai de mon carrosse. Il se dirigeait en toute hâte, comme à ce que je vois, le roi, le Duc et toute la Cour vers le Théâtre du Duc pour voir jouer Henry VIII  qui est, à ce que l'on dit, une pièce admirable. Mais, Seigneur ! comme j'étais prêt d'enfreindre mes résolutions et d'encourir la perte de 20 shillings, tant ma nature me pressait d'y aller ! Mais je n'y allai pas. Après avoir aussi parlé à William Howe, et appris avec quelle bonté milord avait fait cela, comme je le souhaitais, je me rendis au palais de Westminster où rencontrai Hawleu, avec qui me promenai un long moment. L'encourageai, entre autres, à faire sa cour à Mrs Lane, alors que Dieu sait combien l'intention était impure !
            Puis allai chercher ma femme et retour à la maison en fiacre, m'arrêtant dans plusieurs endroits, et à mon bureau où restai tard, puis à la maison souper et, au lit.
            Aujourd'hui on me donne pour certain que Mrs Castlemaine s'est faite papiste, ce qui, pourtant, ne plaît guère à la reine, sachant que ce n'est point par scrupule de conscience qu'elle le fait.
            On m'a parlé aujourd'hui d'une grande rixe au cous de laquelle le cocher de sir Henry Finch a frappé de son fouet un cocher du roi et l'a éborgné. Comme les gens de la Bourse semblait en rire et s'en amuser et avaient pour lui des paroles méprisantes, milord le chambellan est venu au nom du roi fermer la Bourse, ce qu'il a fait avec l'aide d'un juge. Mais après une pétition au roi elle a été réouverte.



                                                                                                                   23 décembre

            Levés de bonne heure ma femme et moi, et portant les habits convenant le mieux au deuil que nous pouvions à ce moment, et sans frais, revêtir, tous deux dans le carrosse de sir William Penn chez Mrs Turner dans Salisbury Court où je trouve le carrosse à six chevaux de milord. Nous y restâmes jusqu'à près de onze heures, et il vint beaucoup de monde. Bientôt le corps fut placé dans le corbillard sur lequel furent accrochés les écussons et nous montâmes tous en voiture. Moi, ma femme et le comptable Beale dans le carrosse de milord Sandwich et cheminâmes à côté de la voiture de deuil de Mrs Turner. Nous traversâmes ainsi toute la Cité et Shoreditch. Environ vingt voitures, je crois, dont quatre ou cinq attelées de six et quatre chevaux.
            Arrivé là je me rapprochai des Turner et après leur avoir souhaité un bon voyage je pris congé et m'en retournai, mis ma femme dans un fiacre à la sortie de Bishopsgate Gate, la renvoyai à la maison, me rendis à la Bourse et le comptable Beale partit vaquer à ses affaires.
            Accomplis beaucoup de choses à la Bourse, puis dînai à la maison, ensuite à mon bureau où travaillai jusqu'à une heure avancée, fort content de voir que Dieu bénit ma charge et qu'il m'a trouvé des voies honnêtes par lesquelles j'espère gagner un peu d'argent, de quoi épargner tout en vivant agréablement. Puis souper et, au lit.
            Ma femme souffre d'une étrange rage de dents, tantôt de ce côté de la bouche et tantôt de l'autre, ce qui est peu commun.


                                                                                                                  24 décembre
telleestmatele.com
Résultat de recherche d'images pour "17è siècle anglais bateau double coque"            Levé de bonne heure et, quoique ce fût un matin fort brumeux et froid, me rendis cependant à Erith en yole, plusieurs fois perplexes quant à la direction à prendre. Je fis là l'appel de l'équipage de deux vaisseaux du roi qu'il a prêtés à la Compagnie de Guinée, et dont les marins sont meilleurs que les nôtres tout en étant beaucoup moins payés. Puis montai à bord de deux vaisseaux du roi dont le" Leopard " commandé par le capitaine Beach, qui me paraît un homme capable et sérieux. Il me reçut avec civilité, sa femme était là, une femme aux manières exquises et fort savante, née à Anvers, mais qui parle aussi bien l'anglais que moi, et une femme intelligente. Il y avait aussi là le fils de George Carteret qui me semble un homme de belle mise, mais fort bavard et d'un bon tempérament.
            Puis retournai en m'amusant avec ma règle à coulisse, à ma grande satisfaction. M'arrêtai à Woolwich où Mr Christopher Pett, comme nous avions l'occasion de nous trouver seuls ensemble, me dit le fond de sa pensée sur plusieurs choses dont il estimait qu'elles étaient cause de mon irritation contre lui, et il me parla de ma bonté envers son assistant. Je lui donnai la réponse que je jugeai appropriée et le laissai fort satisfait - il m'offrit de me rendre tous les services en me fournissant plans ou modèles que je pourrais désirer. Puis directement à la maison transpercé de froid mais néanmoins en bonne santé, Dieu merci.
            Trouvai ma femme occupée à confectionner des tartelettes de Noël, et bientôt arrive le capitaine Ferrer. Il nous parle de l'excellence de cette nouvelle pièce Henry VIII, ce qui me fait paraître trop longs les délais que je me suis fixés, mais j'espère qu'avant d'y aller je m'imposerai des restrictions telles que je ne puisse oublier mes résolutions, comme je l'ai fait jusqu'à présent, au point d'être forcé ces derniers mois de m'interdire totalement de voir ne serait-ce qu'une seule pièce.
            Après son départ me rendis à mon bureau où demeurai tard à écrire et à lire, puis à la maison et, au lit.


                                                                                                                 25 décembre
                                                                                                                      Noël
            Grasse matinée à causer agréablement avec ma femme, mais entre autres choses, elle entreprit, je ne sais si c'est à dessein ou par hasard, de s'enquérir de ce qu'elle ferait au cas où je mourrais. Je lui répondis en plaisantant, mais je vais en profiter pour prendre des disposition en sa faveur, en faisant un testament dès que je le pourrai.
            Lever et à l'office où Mr Milles fit un sermon ordinaire, puis à la maison et dînai avec grand plaisir avec ma femme. Restai tout l'après-midi, d'abord à regarder par la fenêtre les petits garçons qui jouaient à toutes sortes de jeux dans notre jardin de derrière à côté de chez sir William Penn, ce qui me rappelle ma propre jeunesse. Puis je commençai ma leçon à ma femme sur les globes, avec grand plaisir et fort utilement, car sera nous sera agréable à tous deux qu'elle parvienne à comprendre ces choses.
            Dans la soirée au bureau restai à lire Rushworth, un recueil tout à fait excellent sur le début des querelles de naguère dans ce royaume. Puis à la maison souper et, au lit, l'esprit fort satisfait.


                                                                                                               26 décembre

           Lever et me rendis d'abord chez Brown dans le Minories et là vis avec grand plaisir et commandai divers instruments de mathématiques. Puis à Cornhill chez Mr Cade, montai dans sa réserve pour regarder une ou deux cartes. Trouvai une abondance de belles gravures. Dieu me pardonne d'y penser autant ! j'en achetai une petite, incontinent, pour le petit salon de ma femme, et décidai sur-le-champ d'en acheter pour 10 livres à la condition qu'il me les réserverait. Maintenant, il est vrai, tout ce temps j'étais résolu dans mon for intérieur à les faire payer par le roi, d'une manière ou d'une autre, tout en lui épargnant cette somme d'une autre façon. Cependant je me trouvai trop prompt à décider de cette dépense, et finis par prendre la résolution de les acheter moi-même. Mais j'espère que je ne le ferai pas, en y repensant, sans avoir trouver le moyen avant de les acheter pour moi de le faire sans puiser dans mes fonds propres.
            Ensuite au café, et passai un long moment à causer agréablement de l'Empire romain avec des gentilshommes. Puis à la maison, trouvai Mr Hollier. Il resta dîner avec nous d'un faisan. Après son départ je passai tout l'après-midi à jouer aux cartes avec ma femme. Et Dieu me pardonne ! Quand je vois le simple fait de parler de pièces de théâtre, que j'aurai la liberté d'aller voir après le 1er janvier, me rend presque incapable de penser à autre chose, je vois qu'il me faut absolument m'imposer de très sévères restrictions avant de commencer, sinon je crains de tout gâcher.
            Dans la soirée arriva la parente de ma tante Wight pour s'enquérir de la santé de ma femme et nous présenter les compliments de ma tante, ce que je trouve aimable, car il ne lui est pas habituel d'agir ainsi. Mais je vois que mon oncle me témoigne une grande affection depuis quelque temps.
            Ensuite à mon bureau, écrire des lettres, puis entrepris d'achever de lire Rushworth. Ce que je fis, et je dis que c'est de tous les livres que je connais celui dont la lecture est la plus profitable à un homme de ma condition, ou à tout homme qui nourrit l'espoir d'occuper un poste officiel.
            Puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                           27 décembre 1663

            Lever et seul à l'office, puis à la maison pour dîner avec ma femme, fort agréablement. Nous sommes heureux de la compagnie l'un de l'autre et de prendre dans l'ensemble tant de plaisir l'un à l'autre, d'avantage, pensons-nous, que la plupart des autres couples. Puis après dîner à l'église française, mais arrivâmes trop tard et donc retour à notre propre église, où dormis pendant tout le sermon, car c'était l'Ecossais qui prêchait. Ensuite à la maison. Dans la soirée sir John Mennes et moi nous retrouvâmes chez sir William Penn pour régler une affaire de la Marine, et à la maison pour souper, conversation, prières et, au lit.


                                                                                                                28 décembre
                                                                                 francebleu.fr                                      
Résultat de recherche d'images pour "17è siècle tennis anglais"            Lever et en fiacre aux appartements de milord, mais il était sorti et j'en fus pour ma peine. Cependant, en me promenant dans Whitehall, j'appris que le roi était allé jouer au tennis. Je descendis donc au nouveau court de tennis et le vis donc avec sir Arthur Slingsby jouer contre milord de Suffolk et Mr Chesterfield. Le roi remporta trois sets et en perdit deux. Tous, le roi en particulier, jouaient bien, me sembla-t-il. J'allai ensuite parler avec le duc d'Albermale de son bois de Newhall. Mais il me paraît un homme pesant et lent, à mon avis, d'après les réponses qu'il me donne.
            Ensuite dînai à la table d'hôte de la Tête du Roi. Retrouvai Creed, mais nous nous rencontrâmes, dînâmes et nous quittâmes sans échanger d'autres paroles que :
            " - Comment vous portez-vous ? "
             Après dîner allai directement à pied chez Mr Hollier, lui payai intégralement 3 livres pour la médecine et les soins qu'il a administrés à ma femme pour son mal au bas-ventre. Mais est-ce guéri pour toujours ou non, je ne puis le dire, mais il me dit que cela ne sera jamais trop grave, quoique de temps en temps il puisse se produire un petit écoulement. Puis à la maison où j'apprends que ma femme est sortie avec Will qu'elle a fait venir comme elle le fait ces temps-ci dans certaines occasions, pour se faire arracher une dent, car il semble qu'elle ait beaucoup souffert toute la journée. Et le soir elle revint, la dent arrachée et se sentant assez bien.
            Ce soir je me suis fait apporter un poêle au bureau pour l'essayer, mais comme il est vieux il fume autant que si l'on faisait du feu simplement dans la cheminée, comme ce que je faisais avant. Mais peut-être les nouveaux ne fument-ils pas et je dois donc m'informer plus avant. Puis le soir à la maison, souper et dîner.
            La duchesse d'York est tombée malade de la rougeole.


                                                                                                              29 décembre

            Lever et au bureau, réunion toute la matinée. A midi à la Bourse, trouvai et ramenai à la maison Mr Pearse, le chirurgien, pour dîner, y retrouvai aussi Mr Llewellyn et Mount. Repas fort gai, mais ils se montrèrent si libres dans leurs propos, parlant de chaude-pisse et autres choses répugnantes, que je me lassai d'eux. Mais après dîner Llewellyn me fit monter avec lui dans mon cabinet de travail. Il me dit que Dering entendait tenir parole et me donner 50 livres pour le service que je lui ai rendu, quoiqu'il ne fût point aussi grand qu'il l'espérait, ni que je l'eusse souhaité. Mais je lui dis que je ne voulais vendre ma liberté à personne. S'il désirait me faire remettre quelque chose par un tiers je m'efforcerais de le mériter, mais je ne l'en remercierai jamais lui-même, ni ne reconnaîtrai avoir rien reçu de lui, ce qu'il me dit trouver raisonnable. Je lui dis aussi que ni ceci, ni rien d'autre ne me conduirait jamais à rien faire qu ne servît également les intérêts du roi. Sur ce nous nous quittâmes, et je les laissai tous trois à la maison avec ma femme pour jouer aux cartes, et allai au bureau où restai tard.
            Sir William Penn vint en rusé compère s'asseoir à côté de moi pour causer des affaires du bureau et me parla librement de ce que fait le contrôleur au bureau. Je lui donnai des réponses tout aussi libres et le laissai en faire le meilleur usage qu'il voudrait. Mais je sais que c'est un gredin et ne prononçai aucune parole dont je pusse craindre qu'elle fût répétée.
            Bientôt arriva sir William Warren, et après que nous eûmes parlé de son affaire de vente de mâts et qu'il m'eût aidé à comprendre certaines malhonnêtetés dans l'affaire de Wood, nous passâmes à autre chose et en particulier nous devisâmes des moyens de briser cette grande familiarité qui existe entre sir William Batten et John Mennes, et cela est aisé à faire en employant quelque bon ami de sir John Mennes - c'est un service à rendre à ce dernier - et il pense que sir John Denham fera l'affaire, et moi aussi. Puis, après d'autres propos, nous nous quittâmes et rentrai à la maison et, au lit.


                                                                                                              30 décembre
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Résultat de recherche d'images pour "pas d'âne plante pinterest"            Levé de bonne heure et en voiture chez milord Sandwich que je rencontrai au moment où il sortait. Il me demanda comment se portait sa cousine, ma femme. C'est la première fois qu'il le fait depuis qu'il est irrité contre moi et, j'en suis persuadé, il aimerait se montrer à nouveau familier avec moi, mais ne sait par où commencer. Puis il sortit et me rendis en traversant le jardin chez Mr Coventry. Je vis Mr Christopher Pett lui apporter un modèle, assurément fort joli, comme cadeau de nouvel an, mais je crois qu'il n'est pas de meilleure facture que le mien.
            L'accompagnai en voiture à Londres, conversation intéressante et amicale sur le travail, et l'on s'en prit à sir William Batten et ses opérations malhonnêtes. Je le laissai à l'hôtel de Guinée et allai au café où arrivèrent Mr Graunt et sir William Petty avec qui je parlai comme beaucoup d'autres, presque la salle entière, de son nouveau vaisseau, et il répondit sur tous les points, à ma grande satisfaction, de sorte que je suis presque certain que ce sera une invention admirable.
            Puis à la maison pour dîner après être passé à la Bourse, et dînai avec ma femme qui s'est purgée aujourd'hui, et à mon bureau où restai jusque tard le soir à travailler aux affaires, puis souper et, au lit.


                                                                                                                 31 décembre 1663

            Lever et au bureau réunion toute la matinée. Entre autres, Sir William Warren vint au sujet d'un contrat et là, à la table du Conseil, sir William Batten étant absent, il défia ouvertement ce dernier et affirma qu'il s'efforçait de le contrecarrer dans tout ce qu'il proposait. Sir William Penn l'admonesta à ce sujet, en gredin qui cache son jeu, alors que je sais qu'il était aussi content de l'entendre parler, ainsi que tous ceux présents. Mais après qu'il eut parlé il n'en fut plus question et l'on se remit au travail.
            A midi on leva la séance, j'allai quelque temps à la Bourse, puis à la maison pour dîner, avec un fort mal de tête, parce ce que je suis surchargé de travail. Nous avions pour dîner, ma femme et moi, une belle dinde et une tourte, et dînâmes en grande pompe, la pauvre chère âme, elle et moi. Et ainsi avons-nous célébré Noël ensemble, tout seuls ou presque, sans être sortis une seule fois. Mais demain je suis délié de toutes mes résolutions quant au théâtre et au vin. Mais j'espère que je ne tarderai pas à en prendre de nouvelles, car je trouve grand avantage à m'y tenir et reçois la bénédiction divine. Puis au bureau où expédiai plusieurs affaires et répondis aux questions de plusieurs personnes. Mais comme j'avais la migraine et que c'est une nuit importante, car je la consacrais à mes comptes, je sortis, pris un fiacre et me rendis chez mon frère, mais il n'était pas chez lui. Je rebroussai chemin et m'assis une heure ou deux au café, entendis de sots propos sur les quakers qui seraient envoûtés par un ruban noué autour du poignet.. Puis à la maison et, après avoir passé un petit moment à mon bureau, rentrai à la maison et soupai. Puis fis allumer un bon feu dans mon cabinet et y restai jusqu'à 4 heures du matin à faire mes comptes et rédiger le journal du dernier jour de cette année. D'abord, je rends grâce à Dieu de trouver, après de grandes dépenses ce mois-ci à cause de Noël, de versements à mon père et d'autres choses extraordinaires, que ma fortune se monte, en espèces à 800 livres, dont 700 se trouvent entre les mains de milord Sandwich et le reste chez moi. De sorte qu'il n'y a pas, à cette minute, plus de 15 livres de tout mon bien en espèces qui se trouvent entre d'autres mains que les miennes et celles de milord. Que Dieu veuille bien emplir mon coeur de reconnaissance, et mon esprit du soin de préserver ma fortune et de l'augmenter.
            J'allai dans mes appartements du bureau de la Marine. Ma maisonnée se compose, en plus de ma femme et moi, de Jane Gentleman, de Bess notre cuisinière, qui est d'un excellent naturel, et de Susan, une petite servante. Je n'ai ni laquais, ni petit valet, ni ne suis susceptible d'en avoir de nouveau avant longtemps, et je vis maintenant dans le contentement et la paix les plus parfaits, ainsi que de manière fort frugale. Je suis en assez bonne santé, si ce n'est que j'ai été fort incommodé par une constipation dont je m'efforce de me débarrasser, et j'ai l'espoir d'y parvenir.
            Au bureau les choses vont bien pour moi, quoique sir William Batten, qui me voue une haine mortelle, me jalouse diantrement, mais il ne peut me nuire. Les autres m'aiment ou, à tout le moins, ne montrent pas d'autres sentiments à mon endroit. Mais je sais que sir William Penn est un coquin et un hypocrite pour ce qui me concerne, quoiqu'il paraisse honnête.
            Mon père et ma mère se portent bien et sont à la campagne. Et en ce moment les jeunes demoiselles de Hinchingbrooke sont chez eux, car il y a la petite vérole dans leur maison.
            La reine, après une longue et douloureuse maladie, est maintenant rétablie. Et le roi s'occupe un peu trop de sa maîtresse, si telle fut la volonté de Dieu ! Mais j'espère que tout ira bien, et particulièrement dans la Marine. J'y remplirai mon devoir, quoiqu'il advienne.
            Il n'est de bruit que des visées du roi de France, contre le pape ou le roi d'Espagne, nul ne le sait. Mais c'est un grand prince qui promet beaucoup, et tous les princes d'Europe ont les yeux fixés sur lui.
            Le frère de ma femme est fort malheureux à cause, me dit ma femme, des mauvaises dispositions de sa femme et de sa pauvreté, qu'elle proclame ouvertement maintenant, après que son mari eut tant fait croire à une grande dot. Mais je ne les vois ni l'un ni l'autre, au moins ne viennent-ils pas m'importuner.                                                                 pinterest.fr                                                    
Résultat de recherche d'images pour "PURGE CONSTIPATION"            En ce moment je suis inquiet pour mon cousin Angier, de    Cambridge, qui vient de faire faillite. Et aujourd'hui je fais embarquer son fils, John, un véritable maraud, sur un vaisseau.
            Quant à mon frère Tom, je ne sais que penser de lui, car nul ne peut me dire s'il s'applique ou non à son travail, et mon frère John est à Cambridge, et je n'ai pas plus d'espoir qu'il réussisse là-bas car, lorsqu'il était ici, sa façon de vivre m'a causé un grand mécontentement. Pall est chez mon père, et Dieu sait ce qu'elle y fait ou ce qu'elle va devenir, car je n'ai point encore assez d'argent pour lui en donner, et elle se fait vieille à présent, et il la faut établir d'une façon ou d'une autre.
            La duchesse d'York est en ce moment malade de la rougeole, mais elle va mieux.
            Les Turcs ont pénétré fort loin en Allemagne, et toute cette partie du monde ne sait qu'attendre les événements.
            Quant à moi, loué soit le Seigneur ! je suis en bonne voie de réussir, et j'ai le dessein et l'intention de m'applique à mon travail pour gagner un peu d'argent, tout en servant le roi de mon mieux. Dieu fasse que cela continue ! Ainsi s'achève l'ancienne année.

                                                               APPENDICE

                                       <<  Recette pour la collique de Sir Robert Parkhurst  >>    

            Semences de millet, 2 drachmes
                    "       de carvi,  2        "
             Manne de Calabre, 3 ounces
             Sal Prunellae,  1 drachme

              Baume de souffre, 3à4 gouttes dans une cuillerée du sirop de pas-d'âne Coans manger ni boire 2 heures avant ni après.
              Comment faire ce beaume :
              23 drachmes d'huile vierge et 13 drachmes de fleur de souffre, laisser frémir 13 à 14 heures sur le feu jusqu'à ce qu'une matière épaisse repose au fond et le baume à la surface. A prendre souvent


                                                                à suivre................

                                                                  1664

                                                                                                           1er janvier 1664


            Allai au........................                     
           
            

Poil de Carotte 2 C'est le chien - Le Cauchemar - Sauf votre respect Jules Renard ( roman France )








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                                                    Poil de Carotte

                                                                   " C'est le chien "

            M. Lepic et soeur Ernestine, accoudés sous la lampe, lisent l'un le journal, l'autre son livre de prix ; Mme Lepic tricote, grand frère Félix grille ses jambes au feu et Poil de Carotte par terre se rappelle des choses.
           Tout à coup, Pyrame, qui dort sous le paillasson, pousse une grognement sourd.
           - Chtt ! fait M. Lepic.
           Pyrame grogne plus fort.
           - Imbécile ! dit Mme Lepic.
           Mais Pyrame aboie avec une telle brusquerie que chacun sursaute. Mme Lepic porte la main à son coeur. M. Lepic regarde le chien. Grand frère Félix jure et bientôt on ne s'entend plus.
            - Veux-tu te taire, sale chien ! tais-toi donc, bougre !
            Pyrame redouble, Mme Lepic lui donne des claques. M. Lepic le frappe de son journal, puis du pied. Pyrame hurle à plat ventre, le nez bas, par peur des coups et on dirait que rageur, la geule heurtant le paillasson, il casse sa voix en éclats.
            La colère suffoque les Lepic. Ils s'acharnent, debout, contre le chien couché qui leur tient tête.
            Les vitres crissent, le tuyau du poêle chevrote et soeur Ernestine même jappe.
            Mais Poil de Carotte, sans qu'on le lui ordonne, est allé voir ce qu'il y a. Un chemineau attardé passe dans la rue peut-être et rentre tranquillement chez lui, à moins qu'il n'escalade le mur du jardin pour voler.
            Poil de Carotte, par le long corridor noir, s'avance, les bras tendus vers la porte. Il trouve le verrou et le tire avec fracas, mais il n'ouvre pas la porte.
            Autrefois il s'exposait, sortait dehors, et sifflant, chantant, tapant du pied, il s'efforce d'effrayer l'ennemi.
            Aujourd'hui il triche.
            Tandis que ses parents s'imaginent qu'il fouille hardiment les coins et tourne autour de la maison en gardien fidèle, il les trompe et reste collé derrière la porte.
            Un jour il se fera pincer, mais depuis longtemps sa ruse lui réussit.
Image associée            Il n'a peur que d'éternuer et de tousser. Il retient son souffle et s'il lève les yeux, il aperçoit par une petite fenêtre, au-dessus de la porte, trois ou quatre étoiles dont l'étincelante pureté le glace.
            Mais l'instant est venu de rentrer. Il ne faut pas que le jeu se prolonge trop. Les soupçons s'éveilleraient.
            De nouveau, il secoue avec ses mains frêles le lourd verrou qui grince dans les crampons rouillés et il le pousse bruyamment jusqu'au fond de la gorge. A ce tapage, qu'on juge qu'il revient de loin et s'il a fait son devoir ! Chatouillé au creux du dos, il court vite rassurer sa famille.
            Or, comme la dernière fois, pendant son absence, Pyrame s'est tu, les Lepic calmés ont repris leurs places inammovibles et, quoiqu'on ne lui demande rien, Poil de Carotte dit tout de même par habitude :                          
            - C'est le chien qui rêvait.                                                                                              .moviesunplugged.com  
                 

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            Poil de Carotte n'aime pas les amis de la maison. Ils le dérangent, lui prennent son lit et l'obligent à coucher avec sa mère. Or, si le jour il possède tous les défauts, la nuit il a principalement celui de ronfler. Il ronfle exprès, sans aucun doute.
            La grande chambre, glaciale même en août, contient deux lits. L'un est celui de M. Lepic, et dans l'autre Poil de Carotte va reposer, à côté de sa mère, au fond.
            Avant de s'endormir, il toussote sous le drap, pour déblayer sa gorge. Mais peut-être ronfle-t-il du nez ? Il fait souffler en douceur ses narines afin de s'assurer qu'elles ne sont pas bouchées. Il s'exerce à ne point respirer trop fort.
            Mais dès qu'il dort, il ronfle. C'est comme une passion.
           Aussitôt, Mme Lepic lui entre deux ongles, jusqu'au sang, dans le plus gras d'une fesse. Elle a fait choix de ce moyen.
            Le cri de Poil de Carotte réveille brusquement M. Lepic, qui demande :
            - Qu'est-ce que tu as ?
            - Il a le cauchemar, dit Mme Lepic.
            Et elle chantonne, à la manière des nourrices, un air berceur qui semble indien.
            Du front, des genoux poussant le mur, comme s'il voulait l'abattre, les mains plaquées sur ses fesses pour parer le pinçon qui va venir au premier appel des vibrations sonores, Poil de Carotte se rendort dans le grand lit où il repose, à côté de sa mère, au fond.


                                                     " Sauf votre respect "

            Peut-on, doit-on le dire ? Poil de Carotte, à l'âge où les autres communient, blancs de coeur et de corps, est resté malpropre. Une nuit, il a trop attendu, n'osant demander.
            Il espérait, au moyen de tortillements gradués, calmer le malaise.
            Quelle prétention !
            Une autre nuit, il s'est rêvé commodément installé contre une borne, à l'écart, puis il a fait dans ses draps, tout innocent, bien endormi. Il s'éveille.
            Pas plus de borne près de lui qu'à son étonnement !
            Mme Lepic se garde de s'emporter. Elle nettoie, calme, indulgente, maternelle. Et même, le lendemain matin, comme un enfant gâté, Poil de Carotte déjeune avant de se lever.
            Oui, on lui apporte sa soupe au lit, une soupe soignée, où Mme Lepic, avec une palette de bois, en a délayé un peu, oh! très peu.
            A son chevet, grand frère Félix et soeur Ernestine observent Poil de Carotte d'un air sournois, prêts à éclater de rire au premier signal. Mme Lepic, petite cuillerée par petite cuillerée, donne la béquée à son enfant. Du coin de l'oeil elle semble dire à grand frère Félix et à soeur Ernestine :
            - Attention ! préparez-vous !
            - Oui, maman.                                                                                montmartre-secret.com
Résultat de recherche d'images pour "famille lepic poil de carotte"            Par avance, ils s'amusent des grimaces futures. On aurait dû inviter quelques voisins. Enfin, Mme Lepic, avec un dernier regard aux aînés comme pour leur demander : " Y êtes-vous ? ", lève lentement, lentement la dernière cuillerée, l'enfonce jusqu'à la gorge, dans la bouche grande ouverte de Poil de Carotte le bourre, le gave, et lui dit, à la fois goguenarde et dégoûtée :
            - Ah ! ma petite salissure, tu en as mangé, tu en as mangé, et de la tienne encore, de celle d'hier.
            - Je m'en doutais, répond simplement Poil de Carotte, sans faire la figure espérée.
            Il s'y habitue, et quand on s'habitue à une chose, elle finit par n'être plus drôle du tout.


                                                                               à suivre.......
                                                               " Le pot "

                                                                        Jules Renard



         


            

Poil de Carotte 1 Les poules Les perdrix Jules Renard ( roman France )

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                                              Poil de Carotte

                                                         " Les poules "

            - Je parie, dit Mme Lepic, qu'Honorine a encore oublié de fermer les poules.
            C'est vrai. On peut s'en assurer par la fenêtre. Là-bas, tout au fond de la grande cour, le petit toit aux poules découpe, dans la nuit, le carré noir de sa porte ouverte.
            - Félix, si tu allais fermer ? dit Mme Lepic à l'aîné de ses trois enfants.
            - Je ne suis pas ici pour m'occuper des poules, dit Félix, garçon pâle, indolent et poltron.
            - Et toi Ernestine ?
            - Oh ! moi, maman, j'aurais trop peur !
            Grand frère Félix et soeur Ernestine lèvent à peine la tête pour répondre. Ils lisent, très intéressés, les coudes sur la table, presque front contre front.
            - Dieu, que je suis bête ! dit Mme Lepic. Je n'y pensais plus. Poil de Carotte, va fermer les poules !
            Elle donne ce petit nom d'amour à son dernier-né, parce qu'il a les cheveux roux et la peau tâchée. Poil de Carotte, qui joue à rien sous la table, se dresse et dit avec timidité :
            - Mais maman, j'ai peur aussi, moi.
            - Comment ? répond Mme Lepic, un grand gars comme toi ! c'est pour rire. Dépêchez-vous, s'il te plaît.
            - On le connaît ; il est hardi comme un bouc, dit sa soeur Ernestine.
            - Il ne craint rien ni personne, dit Félix, son grand frère.
            Ces compliments enorgueillissent Poil de Carotte, et, honteux d'en être indigne, il lutte déjà contre sa couardise. Pour l'encourager définitivement, sa mère lui promet une gifle.
            - Au moins, éclairez-moi, dit-il.
            Mme Lepic hausse les épaules, Félix sourit avec mépris. Seule pitoyable, Ernestine prend une bougie et accompagne petit frère jusqu'au bout du corridor.
            - Je t'attendrai là, dit-elle.
            Mais elle s'enfuit tout de suite, terrifiée, parce qu'un fort coup de vent fait vaciller la lumière et l'éteint.
Résultat de recherche d'images pour "poules dessin couleur"            Poil de Carotte, les fesses collées, les talons plantés, se met à trembler dans les ténèbres. Elles sont si épaisses qu'il se croit aveugle. Parfois une rafale l'enveloppe, comme un drap glacé, pour l'emporter. Des renards, des loups même, ne lui soufflent-ils pas dans les doigts, sur sa joue ? Le mieux est de se précipiter, au juger, vers les poules, la tête en avant afin de trouer l'ombre. Tâtonnant, il saisit le crochet de la porte. Au bruit de ses pas, les poules effarées s'agitent en gloussant sur leur perchoir. Poil de Carotte leur crie :
            - Taisez-vous donc, c'est moi !
            Ferme la porte et se sauve, les jambes, les bras comme ailés. Quand il rentre, haletant, fier de lui, dans la chaleur et la lumière, il lui semble qu'il échange des loques pesantes de boue et de pluie contre un vêtement neuf et léger. Il sourit, se tient droit, dans son orgueil, attend les félicitations, et maintenant hors de danger, cherche sur le visage de ses parents la trace des inquiétudes qu'ils ont eues
            Mais grand frère Félix et soeur Ernestine continuent tranquillement leur lecture, et Mme Lepic lui dit, de sa voix naturelle :
            - Poil de Carotte, tu iras les fermer tous les soirs.


******************


                                                      " Les perdrix "                                   gpeppas.gr
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            Comme à l'ordinaire, M. Lepic vide sur la table sa carnassière. Elle contient deux perdrix. Grand frère Félix les inscrits sur une ardoise pendue au mur. C'est sa fonction. Chacun des enfants a la sienne. Soeur Ernestine dépouille et plume le gibier. Quant à Poil de Carotte, il est spécialement chargé d'achever les pièces blessées. Il doit ce privilège à la dureté bien connue de son coeur.
            Les deux perdrix s'agitent, remuent le col.
            Madame Lepic
            - Qu'est-ce que tu attends pour les tuer ?
            Poil de Carotte
            - Maman, j'aimerais autant les marquer sur l'ardoise à mon tour.
           Madame Lepic
           - L'ardoise est trop haute pour toi.
           Poil de Carotte
           - Alors, j'aimerais autant les plumer.
           Madame Lepic
           - Ce n'est pas l'affaire des hommes.
           Poil de Carotte prend les deux perdrix. On lui donne obligeamment les indications d'usage :
           - Sers-les, là, tu sais bien, au cou, à rebrousse - plume.
           Une pièce dans chaque main derrière son dos, il commence.
           Monsieur Lepic
           - Deux à la fois, mâtin !                                                                       aubainmarie.fr
Résultat de recherche d'images pour "perdrix images animées"           Poil de Carotte                                                                                 
           - C'est pour aller plus vite.                                    
                - Ne fais donc pas ta sensitive ; en-dedans, tu savoures ta joie.
           Les perdrix se défendent, convulsives, et, les ailes battantes, éparpillent leurs plumes. Jamais elles ne voudront mourir. Il étranglerait plus aisément, d'une main, un camarade. Il les met entre ses deux genoux, pour les contenir, et, tantôt rouge, tantôt blanc, en sueur la tête haute afin de ne rien voir, il serre plus fort.
                                                               Elles s'obstinent.
            Pris de rage d'en finir, il les saisit par les pattes et leur cogne la tête sur le bout de son soulier.
            - Oh ! le bourreau ! le bourreau ! s'écrient grand frère Félix et soeur Ernestine.
            - Le fait est qu'il raffine, dit Mme Lepic. Les pauvres bêtes ! Je ne voudrais pas être à leur place, entre ses griffes.
            M. Lepic, un vieux chasseur pourtant, sort écoeuré.
            - Voilà ! dit Poil de Carotte, en jetant les perdrix mortes sur la table.
            Mme Lepic les tourne, les retourne. Des petits crânes brisés du sang coule, un peu de cervelle.
            - Il était temps de les lui arracher, dit-elle. Est-ce assez cochonné ?
            Grand frère Félix dit :
            C'est positif qu'il ne les a pas réussies comme les autres fois.


                                                                                     à suivre.........

                                                                              " C'est le chien "
                            
                                                                  Jules Renard
   

samedi 8 février 2020

Kaiser Karl Raphaëlle Bacqué ( Document France )


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                                                        Kaiser Karl
                                                                                                                      pinterest.co.uk
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            Impossible d'avoir, ces dernières décennies, échappé à Kaiser Karl le couturier tellement international que Raphaëllle Bacqué l'auteur de ce rapide survol de l'homme entouré d'ombres, a eu l'idée de conclure par un livre l'étonnante découverte d'un petit écusson accroché à la veste d'un chinois, dans un coin perdu de Chine. Connu si loin des lieux mondains ? Boulimique, il travailla beaucoup, dessinait tout le temps. Si avant Chanel Karl Lagerfeld créait les collections de Fendi et Chloé entre autres, il ne dut une réelle célébrité qu'après le départ de Yves Saint-Laurent de sa propre maison et lorsqu'il entra chez Chanel où il fut apprécié tant par les petites mains, malgré ses retards, deux heures souvent, qui prolongeaient tard les essayages sur mannequins et autres, que par ses relations. De sa vie personnelle on ne connaît en vérité que quelques vérités tant il répugnait à se voir dévoilé. De son enfance Raphaëlle Bacqué écrit qu'il déformait fréquemment la réalité. Né à Hambourg dans une famille bourgeoise, à dix-huit ans inscrit à Paris il passe un concours où deux futurs couturiers les plus importants et les plus connus de leur génération gagnent tous deux un premier pris, l'un dans le flou, l'autre pour le manteau. Très rapidement Lagerfeld travaille et n'a plus besoin de l'aide très généreuse de son père. Il se reprochera plus tard d'avoir été injuste avec lui. Différentes étapes de l'ascension de Lagerfeld, comportent aussi celles de Saint-Laurent sous la coupe de Pierre Bergé. Sa vie sentimentale, amoureuse est inconnue, s'il en eut avant et après sa rencontre avec Jacques de Bascher dont il dit qu'elle était platonique, mais qu'il aima et protégea toujours, ignorant un temps sa liaison avec Yves Saint-Laurent. Amours douloureuses, créations rendues difficiles par les drogues pour ce dernier alors que Karl Lagerfeld ne fumait pas et ne buvait que des Coca light. Raphaëlle Bacqué décrit les nombreux déménagements du couturier, jusqu'au quai Voltaire où il finit ses jours, et ses collections de meubles. Il acheta un château dans le Morbihan qu'il fit rénover où sa mère qui déjà habitait chez lui rue de l'Université, finit ses jours. Mort le 19 février d'un cancer du pancréas, oubliée sa date de naissance qu'il détestait avouer, il était octogénaire, né à Hambourg, mort à Paris, il possédait une bibliothèque très important, 40 000 volumes dit-on, quelques maisons, caustique, avait beaucoup d'humour, mais que sait-on vraiment de lui ? Raphaëlle Bacqué, l'auteur est par ailleurs journaliste au monde. 

mardi 4 février 2020

Dieu - Patriotisme et Religion Alphonse Allais ( Nouvelles France )

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                                                                                     Au docteur Antoine Cros *                 
                                                         
                                  Dieu

            Il commence à se faire tard.
            La fête bat son plein.
            Les gais compagnons sont hauts en couleur, bruyants et amoureux.
            Les belles filles, dégrafées, s'abandonnent. Leurs yeux, doucement mi-closent, et leurs
lèvres qui s'entrouvrent laissent apercevoir des trésors humides de pourpre et de nacre.
            Jamais pleines et jamais vides, les coupes !
            Les chansons s'envolent, scandées par le cliquetis des verres et les cascades du rire
perlé des belles filles.
            Et puis, voilà que la très vieille horloge de la salle à manger interrompt son tic-tac
monotone et ronchonneur pour grincer rageusement, comme elle fait toujours quand elle
se dispose à sonner l'heure.
            C'est minuit.
            Les douze coups tombent, lents, graves, solennels, avec cet air de reproche particulier
aux vieilles horloges patrimoniales. Elles semblent vous dire qu'elles en ont sonné bien d'autres
pour vos aïeux disparus et qu'elles en sonneront bien d'autres pour vos petits-fils, quand vous ne
serez plus là.
            Sans s'en douter, les gais compagnons ont mis une sourdine à leur tumulte, et les belles
filles n'ont plus ri.
            Mais Albéric, le plus fou de la bande, a levé sa coupe et, avec une gravité comique :
           - Messieurs, il est minuit. C'est l'heure de nier l'existence de Dieu.                                                          Toc, toc, toc !
           On frappe à la porte.
           - Qui est là ?... On n'attend personne et les domestiques ont été congédiés.
           Toc, toc, toc !
           La porte s'ouvre et on aperçoit la grande barbe d'argent d'un vieillard de haute taille,
vêtu d'une longue robe blanche.
            - Qui êtes-vous, bonhomme ?
            Et le vieillard répondit avec une grande simplicité :
            - Je suis Dieu.
            A cette déclaration, tous les jeunes gens éprouvèrent une certaine gêne ; mais Albéric
qui décidément avait beaucoup de sang-froid, reprit :      
                - Ça ne vous empêchera pas, j'espère, de trinquer avec nous ?                    
            Dans son infinie bonté, Dieu accepta l'offre du jeune homme, et bientôt tout le monde fut à son aise.
            On se remit à boire, à rire, à chanter.
            Le matin bleu faisait pâlir les étoiles quand on songea à se quitter.               Avant de prendre congé de ses hôtes, Dieu convint, de la meilleure grâce du monde, qu'il n'existait pas.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  
                                                                                                                                
* Frère aîné de Charles Cros                                                                                                                                                                                                                                                              

                                                                                                      Alphonse Allais
                                                                                                     1885



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                              Patriotisme et Religion

            Pauvre et noble Espagne, comme te voilà bas, mais combien tu es courageuse et digne dans ton malheur, et si pleine d'espoir en l'avenir.

            J'arrive de ce pays affligé entre tous, et je me déclare plein d'admiration pour le magnifique ressort de l'âme espagnole.
            Nous n'avons plus de colonies, disent les hidalgos, eh bien ! tant mieux, c'est autant de dépenses en moins.
            Un petit air de guitare là-dessus, et Ollé !
            Les femmes, surtout, sont extraordinaires.
            Ce que je vais raconter à ce sujet est à peine croyable, et je m'attends à être, une fois de plus, traité de blagueur.
            Imaginez qu'il s'est fondé une confrérie de jeunes filles.
            Mais, avant de continuer mon récit, j'invite les parents soucieux de la pureté de pensée de leur progéniture de ne point laisser le présent papier sous les yeux de leurs petites demoiselles. Car, sans entrer autant que je le voudrais en de troublantes techniques, je vais traiter un sujet assez scabreux.

            Il y a environ deux mille ans, une jeune Asiatique, fort connue depuis sous le nom de Vierge Marie, manifestait devant qui voulait l'entendre son goût très vif pour le célibat.
            Des voix que j'ai tout lieu de croire autorisées, changèrent sa vocation.
            Faisant miroiter à ses yeux les intérêts supérieurs de l'humanité, des voix suggérèrent à la jeune fille que le monde ne pouvait être sauvé que par un fils issu de ses entrailles.
            Marie se laissa convaincre.
            Elle épousa bientôt un respectueux menuisier du nom de Joseph et, l'année d'après, mettait au monde un fils.
            Un respectueux menuisier, ai-je dit. Oui, respectueux au-delà de toute exagération.
            Marie était devenue mère à la suite de l'Opération généralement désignée sous le nom de l'Opération du Saint-Esprit.
            A la vérité, cette expérience n'était autre chose que ce que nous appelons aujourd'hui la fécondation artificielle, opération parfaitement connue des mages chaldéens de l'époque.
            Ce qu'il advint du bébé, vous le savez aussi bien que moi : très intelligent, fort débrouillard, excessivement calé sur une foule de sciences et, ce qui ne gâte rien, charmeur de tout premier ordre. Jésus-Christ, puisqu'il faut l'appeler par son nom, sauva le monde et fonda une religion, laquelle, à l'heure où nous mettons sous presse, est encore des plus prospères.

            Eh bien ! quelques centaines de jeunes filles espagnoles ont voulu prendre modèle sur la Vierge Marie, et se sont décidées à créer par le même procédé, et sans péché, une foule de Sauveurs pour l'Espagne.
            Un ordre s'est rapidement fondé sous l'invocation de Notre Dame de la Natalité.
            Des couvents se bâtissent qui ressemblent à nos plus modernes maisons de maternité.

            Et les papas, où va-t-on les chercher, dites-vous, lubriques roquentins ?
            Je répondrai aussi brièvement et aussi délicatement que possible. Les pères sont des pères anonymes, auxquels on ne demande qu'à être sains, jeunes et intelligents.
            Ils ne connaîtront jamais leurs épouses et leurs épouses ne les connaîtront jamais.
            Beaucoup de religieux, des Carmes surtout, coopèrent à cette oeuvre de relèvement national avec une abnégation toute virile.
            Chacune de ces jeunes filles est persuadée qu'elle est désignée par le ciel comme mère du futur sauveur, et cela est des plus touchant, n'est-il pas vrai ?
            Il me fut donné d'assister, dimanche dernier, à la grand-messe dans la chapelle d'un de ces couvents.
            Les religieuses sont pour la plupart fort jolies et toutes chantent comme des anges.
            Eh bien ! vous direz tout ce que vous voudrez, mais un pays où se passent de telles choses n'est pas un pays fichu, loin de là.


                                                                             
                                                                               Alphonse Allais
                                                             25 janvier 1899 in
                                                                                       Fumisteries
                                                        
         

samedi 1 février 2020

Le Voleur Guy de Maupassant ( Nouvelle France )

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                                                            Le Voleur

            - Puisque je vous dis qu'on ne la croira pas.
            - Racontez tout de même.
            - Je le veux bien. Mais j'éprouve d'abord le besoin de vous affirmer que mon histoire est vraie en tous points, quelque invraisemblable qu'elle paraisse. Les peintres seuls ne s'étonneront point, surtout les vieux qui ont connu cette époque où l'esprit farceur sévissait si bien qu'il nous hantait encore dans les circonstances les plus graves.
            Et le vieil artiste se mit à cheval sur une chaise.
            Ceci se passait dans la salle à manger d'un hôtel de Barbizon.
            Il reprit.

                                                                     *

            Donc nous avions dîné ce soir-là chez le pauvre Sorieul, aujourd'hui mort, le plus enragé de nous. Nous étions trois seulement : Sorieul, moi et Le Poittevin, je crois, mais je n'oserais affirmer que c'était lui. Je parle, bien entendu, du peintre de marine Eugène Le Poittevin, mort aussi, et non du paysagiste, bien vivant et plein de talent.                       barbizonvillagedespeintres.com 
Le repas du maire161b            Dire que nous avions dîné chez Sorieul, cela signifie que nous étions gris. Le Poittevin seul avait gardé sa raison, un peu noyée il est vrai, mais claire encore. Nous étions jeunes, en ce temps-là. Étendus sur des tapis, nous discutions extravagamment dans la petite chambre qui touchait à l'atelier. Sorieul, le dos à terre, les jambes sur une chaise, parlait bataille, discourait sur les uniformes de l'Empire, et soudain se levant, il prit dans sa grande armoire aux accessoires une tenue complète de hussard, et s'en revêtit. Après quoi il contraignit Le Poittevin à se costumer en grenadier. Et comme celui-ci résistait, nous l'empoignâmes, et, après l'avoir déshabillé, nous l'introduisîmes dans un uniforme immense où il fut englouti.
            Je me déguisai moi-même en cuirassier. Et Sorieul nous fit exécuter un mouvement compliqué. Puis il s'écria :
            - Puisque nous sommes ce soir des soudards, buvons comme des soudards.
            Un punch fut allumé, avalé, puis une seconde fois la flamme s'éleva sur le bol rempli de rhum. Et nous chantions à pleine gueule des chansons anciennes, des chansons que braillaient jadis les vieux troupiers de la grande armée.
            Tout à coup Le Poittevin, qui restait, malgré tout, presque maître de lui, nous fit taire, puis, après un silence de quelques secondes, il dit à mi-voix :
            - Je suis sûr qu'on a marché dans l'atelier.
            Sorieul se leva comme il put, et s'écria :
            - Un voleur ! quelle chance !
            Puis, soudain, il entonna La Marseillaise :

                                                              Aux armes, citoyens !
Trois Chatons Chiffons Marchons Ensemble Vintage Ligne Dessin Gravure Illustration — Image vectorielle
                      Et, se précipitant sur une panoplie, il nous équipa selon nos uniformes. J'eus une sorte de mousquet et un sabre. Le Poittevin, un gigantesque fusil à baïonnette, et Sorieul, ne trouvant pas ce qu'il fallait, s'empara d'une hache d'abordage qu'il brandit. Puis il ouvrit avec précaution la porte de l'atelier, et l'armée entra sur le territoire suspect.
            Quand nous fûmes au milieu de la vaste pièce encombrée de toiles immenses, de meubles, d'objets singuliers et inattendus, Sorieul nous dit :
            - Je me nomme général. Tenon un conseil de guerre. Toi, les cuirassiers, tu vas couper la retraite à l'ennemi, c'est-à-dire donner un tour de clef à la porte. Toi, les grenadiers, tu seras mon escorte.
            J'exécutai le mouvement comme commandé, puis je rejoignis le gros des troupes qui opérait une reconnaissance.
            Au moment où j'allais le rattraper derrière un grand paravent, un bruit furieux éclata. Je m'élançai, portant toujours une bougie à la main. Le Poittevin venait de traverser d'un coup de baïonnette la poitrine d'un mannequin dont Sorieul fendait la tête à coups de hache. L'erreur reconnue, le général commanda :
            - Soyons prudents.
            Et les opérations recommencèrent.
            Depuis vingt minutes au moins on fouillait tous les coins et recoins de l'atelier, sans succès, quand Le Poittevin eut l'idée d'ouvrir un immense placard. Il était sombre et profond, j'avançai mon bras qui tenait la lumière, et je reculai stupéfait : un homme était là, un homme vivant, qui m'avait regardé.
            Immédiatement, je refermai le placard à deux tours de clef, et on tint de nouveau conseil.
            Les avis étaient très partagés. Sorieul voulait enfermer les voleurs, Le Poittevin parlait de le prendre par la famine. Je proposai de faire sauter le placard avec de la poudre.
            L'avis de Le Poittevin prévalut, et, pendant qu'il montait la garde avec son grand fusil, nous allâmes chercher le reste du punch et nos pipes, puis on s'installa devant la porte fermée, et on but au prisonnier.
            Au bout d'une demi-heure, Sorieul dit :
            - C'est égal, je voudrais bien le voir de près. Si nous nous emparions de lui par la force ?
            Je criai :
            - Bravo !
            Chacun s'élança sur ses armes, la porte du placard fut ouverte, et Sorieul, armant son pistolet qui n'était pas chargé, se précipita le premier.
            Nous le suivîmes en hurlant. Ce fut une bousculade effroyable dans l'ombre, et après cinq minutes d'une lutte invraisemblable, nous ramenâmes au jour une sorte de vieux bandit à cheveux blancs, sordide et déguenillé.
            On lui lia les pieds et les mains, puis on l'assit dans un fauteuil. Il ne prononça pas une parole.
            Alors Sorieul, pénétré d'une ivresse solennelle, se tourna vers nous :
            - Maintenant nous allons juger ce misérable.
            J'étais tellement gris que cette proposition me parut toute naturelle.
            Le Poittevin fut chargé de présenter la défense et moi de soutenir l'accusation.
            Il fut condamné à mort à l'unanimité moins une voix, celle de son défenseur.
Résultat de recherche d'images pour "nast dessins"            - Nous allons l'exécuter, dit Sorieul. Mais un scrupule lui vint. Cet homme ne doit pas mourir privé des secours de la religion. Si on allait chercher un prêtre ?
            J'objectai qu'il était tard. Alors Sorieul me proposa de remplir cet office, et il exhorta le criminel à se confesser dans mon sein.
            L'homme, depuis cinq minutes, roulait des yeux épouvantés, se demandant à quel genre d'êtres il avait affaire. Alors il articula d'une voix creuse, brûlée par l'alcool :
            - Vous voulez rire, sans doute.
            Mais Sorieul l'agenouilla de force, et, par crainte que ses parents aient omis de le faire baptiser, il lui versa sur le crâne un    verre de rhum.
            Puis il dit :
            - Confesse-toi à monsieur. Ta dernière heure a sonné.                                                     
            Éperdu, le vieux gredin se mit à crier :
            - Au secours ! avec une telle force qu'on fut contraint de le bâillonner pour ne pas réveiller tous les voisins. Alors il se roula par terre, ruant et se tordant, renversant les meubles, crevant les toiles. A la fin, Sorieul, impatienté, cria :
            - Finissons-en.
            Et visant le misérable étendu par terre, il pressa la détente de son pistolet. Le chien tomba avec un petit bruit sec. Emporté par l'exemple, je tirai à mon tour. Mon fusil, qui était à pierre, lança une étincelle dont je fus surpris.
            Alors Le Poittevin prononça gravement ces paroles :
            - Avons-nous bien le droit de tuer cet homme ?
            Sorieul, stupéfait, répondit :
            - Puisque nous l'avons condamné à mort !
            Mais Le Poittevin reprit :
            - On ne fusille pas les civils, celui-ci doit être livré au bourreau. Il faut le conduire au poste.
            L'argument nous parut concluant. On ramassa l'homme, et comme il ne pouvait marcher, il fut placé sur une planche de table à modèle, solidement attaché et je l'emportai avec Le Poittevin, tandis que Sorieul, armé jusqu'aux dents, fermait la marche.
            Devant le poste, la sentinelle nous arrêta. Le chef de poste, mandé, nous reconnut, et, comme chaque jour il était témoin de nos farces, de nos scies, de nos inventions invraisemblables, il se contenta de rire et refusa notre prisonnier.
            Sorieul insista  : alors le soldat nous invita sévèrement à retourner chez nous sans faire de bruit.
Résultat de recherche d'images pour "nast dessins"            La troupe se remit en route et rentra dans l'atelier. Je demandai :
            - Qu'allons-nous faire du voleur ?
            Le Poittevin, attendri, affirma qu'il devait être bien fatigué, cet homme. En effet, il avait l'air agonisant, ainsi ficelé, bâillonné, ligaturé sur sa planche.
            Je fus pris à mon tour d'une pitié violente, une pitié d'ivrogne, et, enlevant son bâillon, je lui demandai :
            - Eh bien, mon pauv' vieux, comment ça va-t-il ?
            Il gémit :
            - J'en ai assez, nom d'un chien !
            Alors Sorieul devint paternel. Il le délivra de tous ses liens, le fit asseoir, le tutoya, et, pour le réconforter, nous nous mîmes tous trois à préparer bien vite un nouveau punch. Le voleur, tranquille dans son fauteuil, nous regardait. Quand la boisson fut prête, on lui tendit un verre. Nous lui aurions volontiers soutenu la tête, et on trinqua.
            Le prisonnier but autant qu'un régiment. Mais, comme le jour commençait à paraître, il se leva, et, d'un air fort calme :
            - Je vais être obligé de vous quitter, parce qu'il faut que je rentre chez moi.
            Nous fûmes désolés, on voulut le retenir encore, mais il se refusa à rester plus longtemps.
            Alors on se serra la main, et Sorieul, avec sa bougie, l'éclaira dans le vestibule, en criant :
            - Prenez garde à la marche sous la porte cochère.

                                                                         *

            On riait franchement autour du conteur. Il se leva, alluma sa pipe, et il ajouta en se campant en face de nous :
            - Mais le plus drôle de mon histoire, c'est qu'elle est vraie.

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                                                                Guy de Maupassant
                                                                           1882  ( Maufrigneuse )
                                                                                        
           
            

L'affaire Cendrillon Mary Higgins Clark & Alafair Burk ( policier EtatsUnis )


L'Affaire Cendrillon
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                                                 L'Affaire Cendrillon

            Los Angeles. 20 ans déjà que la jeune étudiante est morte, sans témoin, aucun coupable arrêté, comment faire son deuil. Brillante étudiante en informatique, élève de cours dramatique, elle se rend à une audition appelée par un réalisateur, oscarisé depuis. Élève à l'UCLA, que s'est-il passé avant son rendez-vous. Elles étaient trois dans leur chambre à l'université. Nicole, troublante jeune femme pas très jolie, timide ou gardienne d'un secret, vit à l'écart avec son mari dans une belle propriété près de San Francisco, Madison actrice sans projet bien qu'elle ait obtenu le rôle qu'espérait Susan 20 ans plus tôt. A NewYork, Laurie propose à la télévision une deuxième émission de télé-réalité " Suspicion ". Enquête sur des histoires de meurtres non élucidés. Ce sera " L'affaire Cendrillon " telle que la nomme la police californienne. L'équipe s'installe entre San Francisco et Los Angeles, et munis de leurs ordinateurs portables, de téléphones terriblement utiles jusqu'aux dernières pages, ils croisent des membres d'une secte bien décrite, " les militants de Dieu " et son chef enrichi et pas clair du tout dans ses rapports avec les enfants, des adeptes, Dwight adorateur sans espoir de Susan, devenu l'un des grands gagnants du monde informatique avec Hataway son ancien professeur devenu son associé pour des raisons obscures, multi propriétaire habite toujours un modeste pavillon à Hollywood Hills. Habile trop habile informaticien il a installé des micros caméras dans les murs. Les gens sont normaux, l'histoire est crédible, bien ancrée dans l'époque. Écrite à quatre mains, Alafair Burk est aussi auteur de séries policières, Les principaux personnages du dernier livre de Mary Higgins Clark sont à nouveau les héros dans ce nouveau volume, moral en définitive.