jeudi 25 juin 2020

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 122 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

Top 10 des plus belles petites villes de Royaume-Uni
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                                                                                                                           1er Août 1664

            Levé, l'esprit léger grâce à mes comptes d'hier soir. Levé donc et rendu avec sir John Mennes, sir William Batten et sir William Penn à St James où, avec quelque diligence, ayant préparé chacun en particulier ce matin, et pas avant de peur qu'il n'y réfléchisse ou n'en discute avec les autres. Mr Coventry proposa et obtint que l'un des clercs du secrétariat du Conseil de la Marine reçût 30£ de plus par an, comme Mr Turner, ce dont je suis bien aise de pouvoir donner 20 £  à Thomas Hayter et d'en garder 10 pour l'entretien d'un petit valet.
            Allé avec Mr Coventry au cabinet du procureur au Temple, mais comme il n'était pas là nous nous quittâmes et je rentrai à la maison. Dis avec grande joie à Thomas Hayter ce que j'avais fait, ce dont le malheureux fut bien aise, ce que sa discrétion ne lui permit guère de dire.
            Puis au café où toute la salle n'est pleine que de la victoire du général de Souches, français, soldat de fortune, commandant une partie de l'armée allemande, contre le Turc, en lui tuant 4 000 hommes et en s'emparant d'un butin des plus extraordinaires. 
            Prenant au passage Harman et sa femme les emmenai chez Anthony Joyce où on nous servit ma venaison en pâté, bien cuisiné. Mais, mon Dieu ! il fallait voir le cas qu'ils en firent, comme s'ils n'en avaient jamais mangé auparavant, et nous fûmes très gais, mais Will d'une manière fort embarrassante. Je vois que lui et sa femme mènent une vie misérable. Mais nous n'y prîmes point garde et fûmes aussi gais que je pouvais l'être en pareille compagnie. Madame Harman est une mâtine d'humeur charmante que je pourrais aimer de tout mon cœur, tant elle est de bonne et d'innocente compagnie. 
            Parti à Westminster chez Mr Blagrave et, après avoir chanté un ou deux airs je lui parlai au sujet d'une dame de compagnie pour ma femme et il me proposa sa parente, ce dont je fus bien aise mais elle est souffrante en ce moment. J'espère cependant l'avoir à mon service.
            Puis chez milord le chancelier, et ensuite, avec Mr Coventry, qui m'avait donné là rendez-vous, chez le procureur général où, avec sir Philip Warwick, nous délibérons d'un nouveau mandat à obtenir sous le grand sceau, qui nous permette d'établir ce contrat pour les subsistances de Tanger. 
            Rentré chez moi, causé longuement avec Will au sujet de cette jeune femme de sa famille dont il a parlé pour vivre avec ma femme. Mais, quoiqu'elle ait maintes qualités, comme c'est la fille d'un voisin, jeune et point encore rassise, je n'ose me risquer à la prendre, parce qu'elle pourrait rapporter n'importe quoi sur notre famille dès que nos voisin auraient quelque sujet de mécontentement.
            Je dois donc m'en remettre à Mr Blagrave. Puis à la maison, souper et, au lit.
            Hier soir, à minuit je fus réveillé parce que l'on frappait à le porte de sir William Penn. Et voilà que c'étaient des gens qui allaient et venaient  pour lui annoncer que son frère le capitaine Penn, qui était, semble-t-il, malade depuis un certain temps, est mort.


                                                                                                                     2 août

            Au bureau toute la matinée. Dîné à midi puis à la Bourse où me suis promené deux heures et plus avec sir William Warren qui, après force discours sur les procédés de sir William Batten, se mit à me dire que chacun doit vivre selon son rang, et qu'il est prêt, si je le désire, à ce que je devienne son partenaire pour tout ce dont il fait commerce. Et il reconnaît maintes et maintes fois qu'il me doit 100 livres pour le service que je lui ai rendu et pour mon amitié à son égard dans l'affaire de son gros contrat de mâts, et que d'ici Noël il sera en fonds et me les paiera. 
            Ceci me convient tout à fait, mais je n'ai nulle envie de me faire marchand, je renverrai donc cela à plus tard. Je le priai de me laisser le temps d'y songer.
            Allé au Théâtre du Roi où je vis La foire de la Saint-Barthélémy, qui me plaît toujours autant et qui, telle qu'elle est jouée est, je crois bien, la meilleure comédie du monde. J'étais par hasard assis auprès de Tom Killigrew. Il me dit qu'il monte un conservatoire, c'est-à-dire qu'il va construire un théâtre à Moorfields où il fera jouer des pièces ordinaires. Mais il y aura aussi quatre opéras par an joués six semaines d'affilée..... où tout sera aussi magnifique qu'il se peut voir en pays chrétien, et à cette fin il fait venir chanteurs, peintres et autres personnes d'Italie. 
            Pris ensuite le chemin du retour, rendu visite à milord Marlborough, et rentré chez moi et au bureau, puis chez sir William Penn et avec lui, nos collègues et les serviteurs de la maison pour toute compagnie, allé à l'église inhumer son frère, sans aucun éclat, si ce n'est qu'il l'enterre sous la sainte table dans le chœur, vers 9 heures du soir. Rentré chez moi, puis au lit.


                                                                                                                      3 août

            Levé de bonne heure et mis au travail des menuisiers pour refaire le parquet de notre garde-robe dont je veux faire un salon de musique. Sorti pour aller à Westminster et entre autres chez Mr Balgrave dont j'ai le consentement pour que sa parente vienne vivre avec ma femme comme dame de compagnie, ce qui me réjouit fort, et j'espère qu'elle donnera satisfaction.
       dans le jardin de Bodnant au pays de Galles ©National Trust Images Ian Shaw                        Rendu à Whitehall pour rencontrer sir George Carteret au sujet de la location d'un terrain pour entreposer nos mâts à Deptford. N'ai pu le voir parce que c'était matin de Conseil, mais rencontré Mr Coventry et causé avec lui de la probabilité d'une guerre contre la Hollande, que je crois désormais très probable, car les Hollandais sont en train d'armer une flotte pour nous combattre en Guinée. Lui pense que nous serons entraînés soudainement, quoique nous n'en ayons le désir ni les uns ni les autres. Pourtant la peste se répand chez eux, a atteint leur flotte, jusqu'au navire d'Obdam. Ce qui rend bien surprenant qu'ils le prennent de si haut.
            Puis à la Bourse et chez moi pour dîner. Descendu ensuite le fleuve jusqu'à la corderie jusqu'à Woolwich. Rendu visite à Mrs Falconer. Elle me raconte de curieuses histoires sur la montre en or que sir William Penn a reçu de son mari. Mais elle ne paraît pas sûre de ce que m'a dit sir William Batten au sujet de sa fille qui recevrait en viager 80 £ par an, en reconnaissance de l'avoir aidé à obtenir sa place qui pourtant lui coûta, en outre, 150 £ données à Mr Coventry............
            Allé au chantier et vu le nouveau navire fort avancé. Rentré à la maison pour souper, et au bureau. Resté tard, causant avec Mr Bland des affaires de Tanger. Rentré chez moi et, au lit.


                                                                                                                        4 août

            Levé de bonne heure et au bureau me préparer pour un grand débat sur la Compagnie des Indes orientales, qui nous a pris ensuite toute la matinée. A midi, dîné avec sir William Penn de seulement un morceau de bœuf et simulai une amitié et une gaieté que je ne puis avoir avec lui. Sorti cependant avec lui dans son carrosse et il m'emmena au Théâtre du Roi, payant pour moi, voir Les Rivales, fort jolie pièce, innocente et spirituelle, qui me plut beaucoup. Et puisqu'elle m'était offerte je ne vois pas une violation de mon serment.
            C'est là que nous apprenons que Clun, l'un de leurs meilleurs acteurs, quittant la ville hier soir, après avoir joué L'Alchimiste, l'un de ses meilleurs rôles, pour aller à sa campagne, fut attaqué et assassiné. L'un des gredins a été pris, un Irlandais. Massacré et ligoté, paraît-il, de la plus barbare façon. Il manquera beaucoup à son théâtre.Labyritnthe de laurier à Glendurgan, ©National Trust Images Andrew Butler
            Puis rendu visite à milady qui me dit que milord Fitzharding sera fait marquis.
            Rentré à mon bureau, resté tard, puis souper et, au lit.


                                                                                                                  5 août 1664

            Levé de très bonne heure et mis au travail mon plâtrier pour blanchir et mettre en couleurs mon salon de musique. Vu terminé avec grand plaisir, je m'habillai vers 10 heures et montai une fort belle jument envoyée par sir William Warren, comme il l'avait promis hier. Je traversai ainsi la Cité, et Dieu sait si je n'étais pas peu fier d'être vu sur une aussi jolie bête. Allé chez mon cousin W. Joyce qui tantôt monta en selle lui aussi et nous partons vers Highgate. Chemin faisant , à Kentish Town, il me montre où et comment Clun fut tué et laissé dans un fossé. Il ne mourut pas de ses blessures mais d'avoir perdu son sang en se débattant. Il me raconta aussi comment c'était arrivé, rentrant chez lui si tard, après avoir bu en compagnie de sa catin, et comment on avait découvert le corps.
            Continué jusqu'à Barnet où nous bûmes, puis de nuit jusqu'à Stevenage, sous un peu de pluie mais pas trop. C'est là, qu'à mon grand chagrin, je vois que ma femme n'était pas arrivée, non plus qu'aucun coche de Stamford n'était descendu cette semaine, si bien qu'elle ne peut pas revenir. 
            Fâché et las et point guéri tout à fait de mes vieilles douleurs, après souper je vais au lit. Après un court sommeil William Joyce vient en chemise dans ma chambre avec un message et un billet de ma femme disant qu'elle était arrivée à Biggleswade par le coche d'York et nous rejoindrait demain matin. Ravi qu'elle ait été si avisée dans cette affaire, je me rendormis en paix jusqu'au...


                                                                                                                             6 aoüt

            .. matin. Puis lever, et voilà que le doyen Honywood a couché ici la nuit dernière. Je le rencontrai et devisai avec lui ce matin. C'est un prêtre un peu simple, quoique brave homme et bien intentionné.
            William Joyce et moi jouons aux boules sur la pelouse jusqu'à 8 heures. Arrive ma femme dans le coche, un coche plein de femmes, un seul homme chevauchant à côté, allé hier soir à la rencontre d'une sœur venant à la ville.
            Nous bûmes là fort gaiement, sans descendre de voiture, puis en selle et en route avec elles vers Welwyn où nous descendons pour un très bon dîner. Réjoui et content de voir ma pauvre femme. Aussi joyeux ici que je puis l'être malgré ma fatigue, et après dîner repartis pour Londres. Jamais tant ri de ma vie tout le long du chemin que de voir deux jeunes messieurs venus à la rencontre de la même dame et William Joyce en rit aussi. L'un d'eux monté sur un alezan au trot dur, et tous les deux épuisés et vexés à l'extrême. Mais on ne saurait dire à quel point nous fûmes en joie tout le long du chemin.
            Nous descendons à Holborn puis, dans une autre voiture ma femme et sa servante rentrent à la maison, et moi à cheval. Trouvé toute la maison bien rangée, nette et propre. Après avoir accueilli ma femme, un peu au bureau, puis rentré à la maison, souper et, las, ne me sentant pas très bien, au lit.


                                                                                                                         7 août
                                                                                                   Jour du Seigneur
            Grasse matinée à caresser ma femme et à causer. Elle me fait une triste description de l'imprévoyance, de l'agitation et de la malpropreté dans lesquels vivent à la campagne mon père, ma mère et Pall. Ce qui m'inquiète fort et il faudra que je cherche remède.
            Levé et habillé, ma femme aussi, puis en bas. Et je montrai à ma femme, pour son émerveillement et sa grande joie, les pièces d'argenterie offertes par Mr Gauden, les deux brocs qui, en vérité, sont si splendides que je ne puis me résoudre à croire qu'ils m'appartiennent.
            En bénissant Dieu nous descendons dîner, fort agréablement. Remontés un moment puis à Whitehall, à pied, ayant trouvé chez moi une lettre du capitaine Cooke, avec laquelle il m'avait envoyé, pour que je le voie, un jeune garçon qu'il entendait me recommander.
            J'y allai donc, le rencontrai et parlai avec lui. Il me donne à espérer beaucoup de ce garçon, ce dont je suis bien aise. Et à la chapelle rencontrai Mr Blagrave qui me décrit ce garçon. Il me le présenta, je lui parlai et ce garçon semble plein de bonne volonté pour entrer à mon  service. J'espère qu'il donnera satisfaction. Il faut que je dise à Mr Townshend de lui faire faire ses habits promptement, puis il viendra chez moi. 
            Je pris le chemin de la maison, rencontrai Mr Spong qui m'accompagna jusqu'à l'ancienne Bourse, causant de maintes choses. ingénieuses, de musique et enfin de verres optiques, et je vois qu'il est resté aussi habile homme qu'il a toujours été. Entre autres choses, il me dit avoir découvert, grâce à un microscope de sa fabrication, que les ailes d'un papillon de nuit sont faites tout juste comme les plumes sur l'aile d'un oiseau, et ceci de la manière la plus claire et la plus certaine.
            Tandis que nous causions passèrent plusieurs pauvres gens, emmenés par des gardes pour être allés à un conventicule. Ils se laissent conduire comme des agneaux, sans la moindre résistance. Plût à Dieu qu'ils voulussent bien faire acte de conforlité ou être plus avisés et ne point se faire prendre. 
            Pris congé de lui, fort satisfait de sa compagnie et partis vers la maison, m'arrêtant chez Dan Rawlinson où je soupai avec mon oncle Wight, puis rentré chez moi et mangé de nouveau pour la forme avec elle, et puis prières et, au lit.


                                                                                                                  8 août

            Levé et sorti en voiture avec sir William Batten jusqu'à St James. En chemin il me dit que sir John Mennes s'arroge souvent le mérite, à lui seul, de ce qui est l'oeuvre à parts égales du Conseil tout entier. Et qui pis est, de ce en quoi il n'est pour rien, en particulier ce papier qu'il remit au Duc récemment, traduction d'une feuille hollandaise au sujet de la querelle entre eux et nous, qu'il donna pour sienne alors qu'elle était entièrement de sir Richard Ford. Il me dit aussi que sir William Penn, comme nous venions à parler de Mrs Falconer, encouragea d'abord beaucoup Mr Coventry à lui présenter des candidats à des places, et ceci avec des commissions élevées. Il fut très franc avec moi à ce propos.
            Après avoir, avec le Duc, vaqué à nos affaires, je vais au café puis rentre dîner. Pendu ensuite mes beaux tableaux dans ma salle à manger, ce qui la rend très jolie. Puis nous sortons, ma femme et moi, pour nous rendre au Théâtre du Roi. Elle me cède son tour du mois dernier, puisqu'elle n'y est pas allée, de sorte que je n'enfreigne pas du tout mon vœu, car cela ne me coûte pas plus que je n'aurais dépensé pour elle si elle y était allée les deux fois qui lui revenaient. Cette fois-ci nous vîmes Les Caprices de Flora. Je n'avais jamais vu cette pièce mais, grâce au jeu fort habile de cette petite friponne de Flora elle me parut aussi plaisante que la plus jolie que j'aie vue de ma vie.
            Rentré souper puis resté tard au bureau, Mr Andrews et moi devant discuter de notre contrat de subsistances. Lui parti je mets au net mes Mémoires et mes dépenses des quatre derniers jours, puis chez moi et, au lit.

Le Bouffon au luth" de Hals Frans, l'Ancien. Paris, musée du Louvre - Photo  (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux | Musée du louvre,  Bouffon, Luth                                            Frans Hals as a modern idol - AndBloom
                                                                                                                   9 août

            Levé, au bureau réunion toute la matinée. Rentré à midi où comme convenu Mr Belgrave vint dîner, amenant un de ses amis de la Chapelle. Dîner très gai, puis monté à mon cabinet où chanté un ou deux psaumes de Lawes. Puis nous causons un moment seuls, lui et moi, de sa parente qui doit venir vivre avec ma femme, dans une dizaine de jours, et j'espère qu'elle donnera satisfaction. Eux partis, à mon bureau et là, la tête me tournant un peu d'avoir bu quelque vin, bien que mêlé de bière, mais peut-être un peu plus que je n'en avais l'accoutumée, je ne saurais pourtant le dire, je rentrai à la maison et passai l'après-midi avec ma femme à causer. Le soir un moment au bureau, et à la maison, souper et, au lit.
            La nouvelle est arrivée aujourd'hui, l'Empereur a battu le Turc. Tué le grand vizir et plusieurs grands pachas, une armée de 80 000 hommes tués et mis en déroute. Avec de son côté des pertes considérables, puisqu'il a perdu trois généraux et que les forces françaises sont presque anéanties, ce qui, croit on, sert l'Empereur presque autant que d'avoir battu le Turc car, s'ils avaient vaincu, ils lui auraient été tout aussi importuns.


                                                                                                                      10 août

            Lever. Une fois prêt sortis pour plusieurs petites affaires, entre autres afin de dénicher quelqu'un pour graver mes tables sur ma nouvelle règle à calcul gravée d'argent, car elle est si petite que Brown qui l'a fabriquée ne trouve personne pour cela. J'allai donc voir Cocker, le célèbre maître d'écriture, et je le lui fis faire. Je restai une heure près de lui pour le voir dessiner le tout, et c'est merveille de le voir ciseler si fin du premier coup à l’œil nu, et tout relire sans qu'il manque rien, alors que pour tout l'or du monde je n'aurais su, en faisant de mon mieux, en lire un mot ni une lettre. C'est l'habitude, mais sur sa vie il dit que la meilleure lumière pour un travail minutieux, contrairement à l'adresse de Chaucer au soleil, qu'il devrait prêter sa lumière à ceux qui gravent de petits sceaux, est la lumière artificielle d'une chandelle judicieusement placée. A entendre ses discours c'est un fort habile homme et, entre autres, un grand admirateur de tous nos poètes anglais, qu'il connaît bien et dont il se mêle de juger, non sans esprit.c
            Fort aise de sa compagnie et plus encore de ce qu'il ait commencé le travail sur ma règle, je le quittai pour rentrer à la maison où, comme convenu, Mr Deane vint dîner avec moi et, par rencontre, avec la femme du canonnier Batters.
            Après dîner grande conversation entre Deane et moi au sujet du bois de milord le chancelier, affaire dont je voudrais bien me tirer sans dommage.
            Reparti chez Cocker et devisai avec lui agréablement pendant une une heure ou deux, puis le quittai et, comme convenu, avec le capitaine Silas Taylor, ma vieille connaissance de l'Echiquier, allai à la poste écouter de la musique instrumentale de Mr Birchensha devant milord Brouncker et sir Robert Moray. Je dois l'avouer, que ce soit parce que je l'écoute rarement ou parce que la voix est vraiment plus belle, il est de fait que je n'y trouve aucun plaisir et selon moi deux valent vingt instruments.
            Rentré à la maison et au bureau un moment, puis souper et, au lit.


                                                                                                               11 août 1664

            Levé et, à cause de la douleur, à mon grand chagrin, obligé de porter mon manteau pour tenir mes jambes au chaud. Toute la matinée au bureau, où grande dispute à nouveau contre sir William Batten et sir William Penn sur la largeur de toile, eux en faveur de laizes étroites, et Mr Coventry, sir John Mennes et moi pour les garder plus larges.
            Rentré dîner et arrive Mr Creed fraîchement revenu des Downs et dîna avec moi. Je lui fais bon visage quoique je ne l'aime point à cause de sa basse ingratitude à mon égard. Sorti cependant, emmené ma femme faire quelques emplettes à la nouvelle Bourse et allé chez milady Sandwich, où causé gaiement avec elle, un long moment. Puis rentré à la maison où arrive Cocker avec ma règle qu'il a gravée à merveille, tant pour la beauté que pour la petitesse de son travail. Il m'en coûta 14 shillings, et j'en suis fort satisfait.
            Lui parti tantôt arrive Mr Moore, il demeura avec moi un long moment à causer des affaires de milord qui, j'en ai bien peur, seront en mauvaise passe pour sa famille s'il advient malheur à milord en mer. Lui parti resté tard au bureau, et je ne puis m'empêcher d'admirer et de consulter ma nouvelle règle à calcul. A la maison, souper et, au lit.
            Aujourd'hui, pour tenir un pari fait devant le roi, milord Castlehaven et milord Aram, fils de milord Ormond, eux deux tout seuls, ont chassé à courre et tué un fort chevreuil dans le parc de St James.


                                                                                                                  12 août

            Levé, affairé toute la matinée au bureau avec sir William Warren sur un important marché de mâts de Nouvelle-Angleterre. Je marchandai dur avec lui, au point de le mettre en colère. Mais il me paraît bon et juste de le faire dans l'intérêt du roi. A midi à la Bourse un moment, puis dîné et sorti en voiture, déposé ma femme et sa servante chez Stephens, l'orfèvre, pour échanger de vieilles dentelles d'argent et aller acheter de la dentelle de soie neuve pour un jupon.
            Allé à Whitehall et abattu grande besogne à la commission de Tanger où, s'agissant entre autres de la propriété des maisons de là-bas et de ce que nous devrions avoir égard aux droits des Portugais, de ceux qui restent en possession des maisons ou les ont vendues lorsque Tanger leur appartenait, et encore quelque chose de plus en leur faveur, le Duc dans une colère que je ne lui avais jamais vue s'écria :
            " - Le monde entier nous maltraite, mais je crois que nous, nous ne maltraiterions jamais personne. "
            Rentré à la maison. Quoiqu'il fût tard, Pedro étant là, chanta une chanson et s'en fut. Je lui donnai 5 shillings, mais cela m'est importun et je mettrai un terme à ces rencontres. Le soir, on nous ramène notre pauvre Francy qui, à mon grand chagrin, boite toujours, de sorte que j'aurais préféré qu'on ne nous la remmenât jamais, car cela fait de la peine de la voir.

          Fichier:Frans Hals - Singing Boy with Flute - Google Art Project.jpg —  Wikipédia                                artnet.com   Laughing man with a jug, probably Pekelharing par Frans Hals sur artnet   

                                                                                                                            13 août

            Levé. Avant que j'aille au bureau arrive mon tailleur avec une veste que je lui commandai pour porter à la maison, tout exprès, ne descendant pas au-delà du genou, car c'est à force de porter un manteau à la maison que j'ai les jambes si sensibles. Vient aussi Mr Reeves avec un microscope et un scotoscope. Du premier je lui donnai 5 £ et 10 shillings, un prix élevé, mais c'est un bibelot fort curieux et, me dit-il, aussi bon - oui-da, le meilleur qu'il connaisse en Angleterre, et il fait les meilleurs du monde. Le second, qui est de valeur, il me le donne. C'est une curieuse curiosité qui sert à voir des objets dans une pièce obscure. Fort satisfait de cela, allé au bureau où resté toute la matinée.. 
            Là, sir William Penn m'offrant son carrosse pour aller à Epsom avec ma femme, je sortis et dis à ma femme de se préparer. Mais ne me sentant pas bien, et d'autres raisons me dissuadant, je renonçai à y aller. Et Mr Creed dînant avec moi, je fis en sorte qu'il nous offrît le théâtre cet après-midi, en lui prêtant l'argent pour ce faire, ce qui est un subterfuge que je viens de trouver pour tourner mon vœu, mais que je ne renouvellerai jamais, je le jure. Nous allons voir la nouvelle pièce au Théâtre du Duc, Henry V, pièce fort belle, écrite par milord Orrery, où les rôles de Betterton, de Harris et de Ianthe, sont incomparablement écrits et joués et toute la pièce remplie de sublimités et la mieux faite pour le ravissement de l'esprit et du jugement que j'aie jamais entendue. ne s'y trouvant qu'une incongruité ou qu'une chose qui me déplut, à savoir que le roi Henry promet d'intercédé en faveur des Tudor auprès de leur maîtresse, la princesse Catherine de France, avec plus de zèle qu'il ne semble mettre à le faire le moment venu, et elle refuse Tudor d'une manière quelque peu outrageante et pas avec l'embarras et les égards qui lui auraient été dus.
             Rentré chez moi et à mon bureau. Écrivis par la poste, puis me mis à lire un peu du livre du docteur Power sur la manière de découvrir grâce au microscope, afin d'apprendre un peu à me servir de mon instrument et ce que je puis en attendre.
            Souper et, au lit.


                                                                                                                          14 août
                                                                                                        Jour du Seigneur
            Après une grasse matinée à causer avec ma femme, lever. Mr Hollier vient me voir, il s'accorde avec moi : mes douleurs ne sont rien d'autre que le froid dans mes jambes qui provoque des vents, et dues seulement à mon habitude de porter un manteau. Et que je ne suis affligé d'aucun ulcère, mais que l'épaisseur de mes urines provient d'avoir trop chaud dans le dos.
            Lui parti arrive Mr Herbert, domestique de Mr Honywood. Il dîna avec moi, je le crois fort honnête, sincère, bien intentionné et, à sa façon de parler et de vivre, l'exemple même du vieux serviteur modèle. 
            Après dîner monté dans mon cabinet pour finir le livre du Dr Powell sur le microscope, très beau et à mon grand contentement. Puis, ma femme et moi, avec beaucoup de plaisir, mais aussi beaucoup de difficulté avant de parvenir à trouver comment voir quoi que ce soit dans mon microscope, nous y parvînmes enfin avec satisfaction, mais pas autant que je l'espère quand je saurai mieux m'en servir.
            Tantôt arrive William Joyce, en costume de soie et cape doublée de velours. Il resta causer avec moi et sa vue me met en gaieté. Il soupa avec moi, mais c'est un homme plein de ruse et de cautèle, et il est dangereux de lui déplaire, car sa langue n'épargne personne.
            Après souper je monte lire un peu puis, au lit.


                                                                                                                            15 août

            Levé et en voiture avec sir John Mennes jusqu'à St James où nous vaquons à nos affaires avec le Duc qui nous annonce de plus en plus de signes de guerre avec la Hollande, et dit qu'il faut envoyer sans retard une flotte en Guinée, car c'est ce que font les Hollandais et je crois bien que c'est là que commencera la guerre. Rentré à la maison de nouveau avec lui et, chemin faisant, il me parle des maladies qu'il guérit quand il accompagne le roi en exil en tant que docteur. Et mieux que quiconque, la vérole. Parmi d'autres, il me dit avoir guéri sir John Dunham à miracle, après que c'était devenu un ulcère qui lui couvrait tout le visage.
            Allé au café, puis un moment à la Bourse et à la maison pour dîner avec Creed que j'ai rencontré au café. Après dîner, je le dépose en voiture au Temple et ma femme et moi chez Mr Blagrave. Comme il n'y a personne chez eux je me rends à la Grand-Salle où je la laisse, puis à la Taverne de la Trompette, où arriva Mrs Lane, et elle commence une triste histoire sur son mari qui, comme je le craignais, ne vaut pas un liard, et voilà qu'elle est grosse et qu'elle est perdue si je ne lui trouve, à lui, une place. Je pris là mon plaisir avec elle, et elle, comme une impudente drôlesse, compte sur ma bonté envers son mari. Mais je ne veux plus avoir affaire avec elle, qu'elle se couche où elle a fait son lit, puisqu'elle n'a pas voulu suivre mon conseil au sujet de Hawley.
            Après avoir bu nous prîmes congé et je m'en fus chez Blagrave. Je causai avec Mrs Blagrave de sa parente qui, semble-t-il, se languit parfois jusqu'à la folie, entre autres, et surtout d'amour et de mélancolie à cause de la mort de son prétendant. De telle sorte que, puisqu'elle nous conte tout cela avec tant de simplicité et d'innocence, je crains qu'elle ne puisse venir chez nous avec plaisir. Ce dont je suis fâché, car je crois qu'elle nous aurait bien plu. Blagrave rentre et nous chantons, sa nièce avec nous, mais elle chante fort médiocrement.
            Puis repasse par la Grand-Salle et chez nous en voiture, nous arrêtant en chemin à Charing Cross, où nous vîmes le géant hollandais juste arrivé de son pays, sous le bras de qui je passai avec mon chapeau sur la tête. Je ne pus atteindre plus haut que ses sourcils du bout des doigts, aussi haut que je tendisse la main. C'est un homme de bonne mine, bien tourné et sa femme une Hollandaise toute petite mais mignonne et avenante. Il est vrai qu'il porte des souliers avec des talons, assez hauts, mais pas très hauts, et qu'il porte habituellement un turban, ce qui le fait paraître encore plus grand, quoiqu'il soit très grand, comme j'ai dit.
            Rentré à mon bureau, puis souper, puis derechef au bureau, resté tard et à la maison et, au lit. Ma femme et moi chagrinés de ne point avoir un meilleur succès dans l'affaire de la dame de compagnie.


                                                                        à suivre...................

                                                                                                                16 août 1664

            Réveillé ce..........                 
            

            











vendredi 19 juin 2020

Edmond Léonard Chemineau ( Bande Dessinée France )


                                                    Edmond

                                     d'après le pièce d'Alexis Michalik

            Charmante bande dessinée. Chemineau aussi inspiré par Edmond Rostand que par Michalik auteur de la pièce, Edmond, nous mène auprès de l'un de nos héros nationaux préférés l'unique Cyrano, de Bergerac. Oubliés l'Aiglon, Chantecler, public et comédiens n'ont d'yeux que pour le romantique Cyrano. Pourtant son écriture fut délicate. Alors que Georges Feydeau et Courteline sont les auteurs à la mode, Edmond écrit en vers. Qui l'apprécie ? La romantique Rose qui aime lire et les poètes, et puis celle à qui sont adressées des lettres que Edmond écrit pour son ami comédien mais sans talent pour conter fleurette. Elle répond, la petite habilleuse du théâtre de la Porte Saint-Martin, pensant écrire à son amoureux, et devient la muse de ce poète qui, ces derniers temps ne remplit plus du tout les salles. Four sur four. Pourtant, deux frères acceptent de créer cette nouvelle pièce sous certaines conditions, ainsi que " leur " comédienne soit Roxane. Coquelin cherche une comédie, sur un simple résumé il accepte ce rôle qui sera prestigieux. Une star de l'époque apprécie aussi les vers d'Edmond, Sarah, la grande Sarah Bernard qui joue dans un théâtre proche de la Porte Saint-Martin. Les acteurs, le financement, le théâtre... tout Edmond a tout, hormis le texte. Il faut les mots. Un homme l'encourage, le patron du café où Edmond a ses habitudes. La couleur de sa peau, dit-il, l'oblige à réagir mieux devant les avanies, alors il conseille utilement Edmond, l'encourage, lui apporte une verveine, comme son épouse, un peu jalouse de ces comédiennes qui l'embrassent un peu trop. Tchekhov lui-même fait une apparition dans une maison close, sans consommer. C'est vif, sympathique, on pleurerait presque près de la fin, tant l'histoire et le personnage sont dans notre culture. Pas vu la pièce, pas vu le film, alors la BD à portée de main, pour lire les aventures et mésaventures du créateur d'un des plus grands rôles du théâtre français. Bonne lecture.

mardi 16 juin 2020

Mon chèque Jean-Claude Carrière ( Roman France )


Mon chèque 
                   livre.fnac.com


                                                 Mon Chèque
                                             
            Itinéraire d'un chèque très convoité. 
            Jeune scénariste, abandonnant un parcours de professeur, avec l'accord de sa femme, il survit et réussit à vendre un scénario à un producteur. Acheté 10 000 euros moins quelques frais il se rend, sur rendez-vous, chez son producteur pour recevoir son chèque. Mais l'homme est rapace et trouve mille raisons pour retenir ces quelques mille alors qu'apparemment il manipule plus de dollars que n'imagine le jeune scénariste qui parait parfois dépassé par ce chèque volatile, il reçoit même un courrier lui disant le voilà votre chèque. Mais d'une photocopie il n'a que faire. Et toujours le producteur en dernier ressort lui dit : " Depuis combien de temps nous nous connaissons ? " Toujours le jeune et innocent scénariste répond : " 10 ans - Et votre femme, votre fille.... " Entourloupe. Invité au Fouquet's ou écoutant les doléances de son producteur victime des montages de Madoff, le scénariste regrette parfois de n'avoir pas d'agent pour l'économie d'un certain pourcentage. Le producteur est servi par un comptable qui semble se désintéressé des problèmes du jeune scénariste, et surtout par une assistante dévouée, talons hauts, rouge à lèvres vif et sa petite chienne Greta.
             L'auteur a connu situation semblable ou proche, les ruses d'un producteur. Ici  financier douteux. Écrite en 2010 l'histoire est aussi neuve aujourd'hui qu'elle le sera malheureusement demain. Mais Jean-Claude Carrière a créé des personnages, réels ou non, tout à fait vivants, à travers une jolie écriture bien adaptée à chaque personnage. Au début on grince des dents devant la ruse et l'innocence, ensuite on tourne les pages et on lit, lit. Bonne et plaisante lecture, ces situations n'arrivant pas qu'aux gens de cinéma, alors à chacun sa réflexion.








vendredi 12 juin 2020

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui Samuel Pepys 121 ( Journal Angleterre )

Le Siècle de la raison — Wikipédia


                                                                                                                16 Juillet 1664

            Levé le matin la tête tout embrouillée par la quantité de travail qui m'attend aujourd'hui, mais au bureau où expédiai assez bien l'affaire de Mr Creed au sujet de son mémoire. C'est alors que Will Howe vient chercher l'ordre d'avance de fonds de 500 livres que milord doit emporter en s'embarquant. Je ne sus quelle attitude prendre en présence de Creed, mais comme il n'y avait point de remède, je le leur remis à tous les deux et les laissai se le disputer. Je vois bien qu'ils s'efforcèrent tous les deux de le prendre, mais Will Howe le saisit et l'autre eut la sagesse de le laisser faire. Mais je crois m'être justifié aux yeux de Creed qu'il n'y avait aucune machination de ma part. A midi je me levai et fis un travail nécessaire à la Bourse. De là à Trinity House pour un dîner donné par sir George Carteret en temps que grand maître cette année, puis à Whitehall pour la commission de Tanger où, mieux que je ne l'espérais, je fis enlever le marché des subsistances par mes gens, à savoir Alsop, Lanyon et Yeabsley.
            Selon leur promesse j'y gagne 300 livres par an, pour moi, ce qui me met en joie. De plus, c'est à moi que revient de rédiger le contrat. Mr Lewis était dans la galerie et s'en amuse fort. Je crois que Mr Gauden va faire quelque bruit à ce sujet, car il a écrit aujourd'hui à Mr Coventry pourquoi la bienséance à l'égard du roi voulait qu'il l'emportât. Mais Mr Coventry parla fort justement et sans détours en faveur de ceux dont les services étaient le moins coûteux.
           Me promenai un moment avec Mr Coventry dans la galerie et je m'aperçois qu'il est d'une grande froideur dans son jugement présent de Mr Peter Pett à cause du relâchement de son zèle et de sa manière indolente de travailler là-bas, et il me surprit aussi en me demandant pourquoi Deane n'avait pas présenté leur rapport sur le lois de Clarendon. Ce qu'il veut dire par là, je ne sais, mais pour le moment je trouvai une excuse. Je ne sais pas non plus comment me conduire, il faudra que j'y songe et que je consulte milord Sandwich.
            Avec Creed en voiture chez milord Sandwich où j'obtins de Mr Moore qu'il me procurât la signature de milord pour recevoir de sir George Carteret encore 109 livres de mon argent, de telle sorte que sa dette envers moi sera, je crois, de moins de 500 livres. Cela aussi me tranquillise l'esprit.
            Ramené Creed et Will Howe à Londres, déposés chez sir George Carteret pour recevoir quelque argent. A la maison où je travaille très tard, rentré chez moi, souper et, au lit, l'esprit rasséréné, mes affaires étant partout en assez bonne passe.


                                                                                                                        17 juillet
                                                                                                     Jour du Seigneur
            Travaillé toute la matinée à mon bureau, et il pleut à verse. Dîné chez moi tout seul. Allai ensuite à pied chez milord. Je le trouvai en train de dîner avec une foule d'autres invités. Il paraît qu'ils ont baptisé son jeune fils aujourd'hui, du nom de James. J'eus un morceau de gâteau. J'obtins la signature et le sceau de milord pour la vente de la terre de Brampton, quoique l'affaire ne fût pas tout à fait conforme à mes souhaits, il était impossible de faire mieux pour le moment. 
            Rentré chez moi à pied et me mis à lire. Arrivent tantôt mon oncle Wight, le Dr Burnet et un autre, et nous avons bavardé et bu. Le Dr me montra comment prendre la térébenthine , ce qui me plaît beaucoup, car c'est très facile. Eux partis, souper et, au lit.


                                                                                                                           18 juillet

            Levé et allé à pied chez milord où je pris congé de lui. Il me paraît très amical à mon égard, avec autant de gravité que jamais, et je crois qu'il a grande confiance en moi. Il part ce matin pour Deal
            De là à St James pour voir le Duc et travailler avec lui comme à l'accoutumée. Il parle sans détours d'une guerre contre la Hollande, qui commencerait cet hiver, de telle sorte que je crois que nous y viendrons. Avant de monter voir le Duc, sir George Carteret et moi causâmes dans le parc de l'affaire des arbres de milord le chancelier, et il me dit, sans détours, que jamais milord le chancelier n'avait été aussi irrité contre lui que dans cette affaire, dans une grande fureur et que, quand il m'avait vu là, il savait de quoi il s'agissait. Et maintenant il conspire avec moi pour savoir comment servir milord, ce dont je suis bien aise, et j'espère qu'ensemble nous y parviendrons.
            A Westminster chez mon barbier, pour qu'il nettoie de ses lentes la perruque qu'il me fit dernièrement. Ce qui me fut une cruelle contrariété, qu'il m'eût remis une chose pareille. Rencontrant sa servante Jane qui vit chez eux depuis si longtemps, je devisai avec elle, puis l'envoyant faire une course chez le Dr Clerke, je la rejoignis et l'emmenai dans une petite taverne de la cour des Brasseurs. Je lahennin: bonnet pointu (néerlandais : henninck ‘cock’ Hans Memling, Portrait de jeune fille coiffée d'un hennin conique, vers 1480      pinterest.fr                                         Exposed again: The restored version of the 1680 portrait of King Charles II's mistress Nell Gwyn by Simon Verelst which shows the breasts which had been previously covered over

lutinai sans toutefois aller jusqu'au déduit. C'est une charmante enfant innocente.
            Puis chez milord le chancelier mais, comme il était occupé, je partis vers la Bourse et ensuite chez moi pour dîner. Sur ces entrefaites arrive Creed et je sors avec lui pour aller vers Fleet Street et lui chez Mr Povey. Moi chez milord le chancelier. N'ayant encore pu le rencontrer, je m'en fus chez Povey où je vis son nouveau trompe-l’œil dans son cabinet. Povey, à ma grande surprise et stupéfaction, m'attaqua en son nom et en celui de Mr Bland, afin que j'agisse en leur faveur auprès des nouveaux fournisseurs de la garnison. J'ai honte qu'il me demande cela, car je ne croyais pas homme à chercher profit dans des choses si mesquines. Outre qu'il prétendait ne pas croire que j'eusse moi-même quelque part dans ce marche et pourtant voilà qu'il déclare qu'il voudrait lui-même y trouver son bénéfice. Et c'est lui-même qui m'avait poussé à ce que sir William Rider et Ford pussent s'associer à Gauden. Je lui dis que je n'avais aucun crédit auprès d'eux, mais je crains qu'ils ne doivent faire quelque chose pour lui, car il me dit que les entrepreneurs du môle lui promettent une gratification.
            Rentré chez moi avec Creed, qui profita de l'occasion pour reconnaître ses obligations envers moi et déposa vingt pièces d'or sur l'étagère de mon cabinet, que je ne refusai point, mais je voulais et j'attendais davantage. Cependant, c'est mieux que rien, et maintenant je n'ai plus rien à attendre et je saurai, dorénavant, comment me comporter envers lui.
            Après avoir causé du règlement de ses affaires nous sortîmes en voiture. Il descendit au Temple où il prit congé de moi avant de partir demain rejoindre milord. 
            J'allai voir milord le chancelier et causai avec lui de son affaire. Je vois bien, et il dit clairement qu'il ne veut que personne puisse dire que milord le chancelier a fait en sorte de léser le roi de son bois, mais je me rends compte qu'il serait bien aise qu'on lui rendît service, et il me dit que sir George Carteret lui a dit que lui et moi nous occuperions de cette affaire, pour veiller à ce qu'elle se termine au mieux pour lui. J'en fus fort aise et je partis.
            Rentré chez moi et resté tard avec mes fournisseurs de Tanger pour rédiger notre accord. Je trouve beaucoup de difficulté. Après avoir fait autant que nous pouvions ce soir, nous nous séparâmes, et je vais au lit.


                                                                                                                          19 juillet 1664

            Levé, au bureau réunion toute la matinée. A midi dîné seul à la maison. Après dîner descends par le fleuve à Woolwich avec sir William Batten. A notre arrivée à la corderie on nous annonce que Mr Falconer, qui avait fait une rechute ces deux derniers jours, vient juste de mourir. Nous fûmes voir sa veuve, elle aussi alitée. La pauvre femme en grande détresse implore notre amitié, que nous lui manifesterons en tout, je le crois, pour moi, j'en suis sûr.
            Au bureau, travaillé jusqu'à 9 heures sur le contrat de sir William Warren pour les mâts. Puis chez moi avec Lanyon et Yeabsley jusqu'à minuit passé, à considérer leur contrat pour Tanger. Nous fûmes en désaccord, car je voudrais le libeller à l'avantage du roi, autant qu'il se peut. Ce qui ne leur plut point, mais nous nous séparâmes bons amis. Cependant, après leur départ je regrettai de n'avoir point évité tout différend, tant que je n'avais pas leur promesse écrite.
            Eux partis, au lit.


                                                                                                                                20 juillet

            Levé et quelque temps à mon bureau. Puis chez moi avec Mr Deane à causer jusqu'au dîner de l'affaire des arbres de milord le chancelier dans Clarendon Park et de la manière de faire un rapport à ce sujet sans le mécontenter. Rapport qu'à la fin je rédigeai, espérant qu'il lui plairait. Mais plût au Ciel que ni lui ni moi n'eussions jamais rien eu à faire de tout cela !
            Dîné ensemble d'un bon cochon de lait, puis en voiture à Whitehall pour la commission des pêcheries. Mais rien de fait, car c'est un grand jour, celui de la loterie de sir Arthur Slingsby.
            J'entrai et me tins auprès des deux reines et de la duchesse d'York, juste derrière milady Castlemaine, que j'adore de tout mon cœur. Et ce fut fort divertissant de voir tous ceux qui donnaient leurs livres repartir avec seulement une paire de gants en guise de lot et une dame, une certaine Mrs Fish, tirer le seul billet blanc. Quelqu'un que je restai voir tira un jeu de tapisseries évalué à 430 livres, et on dit qu'elles les valent bien, ou presque. Il y a un autre ensemble encore plus beau que celui-là, mais force lots de soixante à quatre-vingts livres. J'observe que le roi et les reines tiraient d'aussi maigres lors que les autres. 
            Mais l'homme le plus avisé que je vis fut Mr Cholmley qui assurait tous ceux qui voulaient contre la tirage du seul billet blanc pour 12 pence, dans ce cas, cela faisait le nombre entier des présents, 3 ou 400, je crois, contre un. Il en assura quelque 200 de cette façon pour 200 shillings, de telle sorte qu'il n'aurait pu y perdre si l'un d'entre eux l'avait tiré, car il y avait assez pour payer les 10 livres. Mais il se trouva que ce fut quelqu'un d'autre qui le tira, il gagna donc tout l'argent qu'il avait pris.
            Je quittai la loterie et m'en fus à la comédie voir une pièce, en partie seulement. C'était au Théâtre du Duc, " De mal en pis ", tout à fait la même sorte de pièce, écrite, je crois, par le même auteur que " Cinq heures d'aventures ", fort plaisante. Et je commence à admirer plus que jamais Harris ( nte de l'éd. comédien )
             A Westminster pour voir Creed, et nous nous promenâmes dans le parc. Il est malade et ne peut encore rejoindre milord, mais il le fera demain. Rentré à la maison et resté tard à mon bureau, puis à la maison et, au lit.
            Comme il y a ce soir un clair de lune, je suis resté un peu tard dans le jardin à jouer de mon flageolet.
            Mais au palais de Westminster je reçus une grande nouvelle : Mrs Lane est mariée à un certain Martin, qui est au service du capitaine Marsh. Elle est sortie avec lui aujourd'hui, fort bien mise. Il faudra que j'aie une passe avec elle d'ici peu, pour voir ce que lui semble du mariage.


                                                                                                                21 juillet

            Levé et au bureau, réunion toute la matinée, occupé, entre autres, à un contrat avec sir William Warren pour presque 1 000 mâts de pin de Göteborg, le plus gros contrat jamais conclu dans la marine, entièrement de ma composition, et, je l'espère, un bon contrat pour le roi.  lecourrierderussie.com  
 Sur la photo : "caricature le premier baiser ce dix ans ! Par James  Gillray, 1803, à la main, à l'aquatinte et la gravure. L'exposition  "Bonaparte et les Britanniques : imprime et           Dîné chez sir WilliLes victimes de la débauche : Souvenirs d'un pianiste de maison publiqueam Batten, chez qui je n'ai pas pris de repas depuis des mois. Seuls présents, sir George Carteret, Mr Coventry, sir John Mennes et moi, et milady. Bon pâté de venaison. Je me fis fort enjoué et aimable auprès de milady, et elle avec moi.
            Ce matin, au bureau, Nicolas Osborne, le commis de Mr Gauden, est venu me prier de dire quelle pièce d'argenterie j'aimerais recevoir en présent, d'une valeur de quelque 100 livres. C'est la somme qu'il a ordre de dépenser et il vient de son propre chef, en raison de familiarité avec moi, me poser cette question.. Je protestai pendant longtemps de ma répugnance à accepter quoi que ce fût, ne sachant comment je pourrais obligé Mr Gauden, mais lui laissai la décision.
            A midi je vois donc apporter chez moi, dans d'élégants étuis de cuir, la plus magnifique paire de brocs à vin que j'aie vue de ma vie. Si je les garderai, je ne saurais le dire, car c'est afin de me lier à lui dans cette affaire des subsistances pour Tanger, dans laquelle je crains bien de ne point m'engager. Mais je suis fort aise de voir que je suis sûr de recevoir quelque chose d'un côté ou de l'autre, quel que soit celui qui l'aura.. C'est donc le cœur gai que je les contemplai, et les renfermai.
            Après dîner chez milord le chancelier. Bien rendu compte de son affaire et il en est très satisfait. Il se comporte à mon égard avec une grande réserve, sans trop laisser paraître son contentement, ni sa reconnaissance. Mais je sais qu'il trouve que je le sers bien.
            A Westminster et chez Mrs Lane pour la mettre en joie. Elle me laissa en user avec elle comme devant. Son mari arrive tantôt, un pauvre benêt, et la lettre qu'il lui adressa, qu'elle me montre fièrement, une niaiserie sans queue ni tête. Un homme sans conversation qui, je le crains l'a épousée pour faire une aubaine, en quoi il se leurre. Elle sera une triste épouse pour lui, car elle me pressa de fixer un moment sitôt qu'il aura quitté la ville, pour lui donner rendez-vous la semaine prochaine.
            Par le fleuve, avec deux cousines de Mrs Lane. Je les dépose à Queennhithe et rentre chez moi par le Pont. Travaillé tard, puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                   22 juillet 1664

            Levé et à mon bureau, affairé toute la matinée. A midi à la Bourse, puis à la maison pour dîner et descendu en bateau à Deptford. Arrivé trop tôt, je passai une heure à visiter le chantier et à mettre Mr Shish à mesurer une ou deux billes de bois, ce qu'il fit en se trompant outrageusement au détriment du roi, de 12 ou 13 shillings sur une bille de 28 pieds cubes. Puis chez le vérificateur des rôles d'où Mr Falconer était emporté pour être enterré aujourd'hui. Sir John Mennes et moi étant les seuls officiers de haut rang présents.
            Nous le suivîmes à l'église puis je les quittai sans attendre le sermon et tout droit chez moi en bateau. Je trouvai, comme prévu, Mr Hill et Andrews avec un homme laid et mal soigné, le signor Pedro qui chante à ravir des chansons italiennes en s'accompagnant au théorbe. Ils passèrent toute la soirée à chanter le meilleur morceau de musique selon les suffrages du monde entier, composé par le signor Carissimi, le célèbre maître romain. Ce fut beau en vérité, trop beau pour que j'en pusse juger.
            Ils ont engagé Pedro à se joindre à nous toutes les semaines et je crains que cela ne devienne pour moi un ennui si nous nous mettons à inviter des gens à se joindre à nous, en particulier des musiciens désœuvrés, ce qui ne me plaît guère quand j'y songe.
            Eux partis arrive Mr Lanyon. Il me dit que Mr Alsop est tombé gravement malade et craint de ne s'en point remettre, ce qui ébranle mes espoirs de 300 livres par an dans cette affaire. Je bénis le Ciel, par conséquent, pour ce que Mr Gauden m'a envoyé. Aujourd'hui, selon une conversation avec  Mr Osborne qui jure qu'il ne sait rien de cette affaire de subsistances, mais au contraire que ce n'est pas cela qui a poussé Mr Gauden à m'envoyer le présent, car il avait eu ordre de le faire n'importe quand depuis deux mois. Si c'est vrai ou non, je ne sais, mais je n'en garderai ce présent qu'avec plus de confiance.
            Souper, au bureau un moment et promenade dans le jardin par un brillant clair de lune et un beau temps chaud. Rentré et, au lit. 


                                                                                                                  23 juillet

            Levé, au bureau toute la matinée. A midi à la Bourse où je saisis l'occasion de m'ouvrir de l'affaire du bois de milord le chancelier à Mr Coventry du mieux que je pus. Il m'affirma que jusqu'à ce que George Carteret lui en parlât à table après que nos officiers furent partis faire le relevé, il ne savait pas que milord le chancelier fût en rien touché. Mais maintenant il dit que le duc l'avait informé que sir George Carteret lui en avait parlé et qu'il avait dit au Duc que s'il était à la place de milord le chancelier,
s'il était son père, il enverrait ce gain de 2 ou 3 000 livres au diable, plutôt que l'on pût prétendre que ce bois qui aurait été au roi s'il était resté aux mains du duc d'Albermarle, nous l'avions dissimulé au profit de milord le chancelier. 
            " - Car, dit-il, c'est un grand et tous ceux qui sont comme lui, et lui en particulier, ont une foule d'ennemis qui seraient bien aise d'acquérir cet avantage sur lui. "
            Quand je lui dis qu'il était étrange que sir George Mennes et sir George Carteret, qui savaient que milord le chancelier était concerné, ne nous en eussent point informés dès l'abord, il me répondit que pour ce qui est du vieux sir John on le tient pour un bon compagnon, mais personne à l'autre bout de la ville ne le tient pour un homme qui s'entend dans ses affaires et que, selon lui, milord le chancelier ne lui en a jamais rien dit. Seul sir George Carteret, à ce qu'il croit, le sait sûrement, car lui et sir John Shaw sont les meilleurs confidents qu'il ait au monde.
            Quant à lui, dit-il, il n'avait l'intention d'y aller par quatre chemins, mais était déterminé à faire ce qui convenait et à garder son indépendance dans cette affaire. Il en parlerait au Duc afin que lui-mêle et sir George Carteret fussent désignés pour servir en cela milord le chancelier.
            Tout ceci m'inquiète fort. Je ne sais plus que dire, ni comment me comporter. Car la complaisance me vaudra d'être déconsidéré aux yeux de Mr Coventry et le manque de complaisance à ceux de milord le chancelier. Mais je pense ne plus m'en occuper que le moins possible.
            De là parti à pied vers Westminster et me sentant d'humeur frivole et vagabonde je traversai Fleet Alley où, à l'une des portes se tenait une très jolie fille. Je fis un petit tour, mais à cause de mon sens de l'honneur et de ma conscience, je ne me décidai point à entrer. Mais, bien malgré moi, je pris un fiacre pour la Grand-Salle de Westminster où je tombai sur Mrs Lane, avec qui je projetai de traverser le fleuve. Nous nous rejoignîmes donc à l'appontement de White dans Cannon Row pour traverser et aller dans la vieille maison du marais de Lambeth, où nous mangeâmes et bûmes et où je pris mon plaisir avec elle deux fois. Elle est la femme la plus étrange en paroles, tantôt déclarant son amour pour son mari, et tantôt ne se souciant pas de lui, et pourtant me laisse volontiers la liberté d'en user avec elle à mon gré.
            En dépensant 5 ou 6 shillings pour elle, je pus en user à mon gré, et après plus d'une heure nous repartîmes. Je la déposai de nouveau à l'appontement et je continuai vers Fleet Street pour me rendre dans Fleet Alley, ne sachant comment me dominer. J'entrai et je vis là ce que j'ai connu autrefois, la perversité de ces maisons où un homme est forcé de dépenser son argent sur-le-champ. La femme, en vérité, est très belle, mais je n'eus pas le courage d'avoir affaire avec elle, de crainte qu'elle ne fût pas saine. Je feignis donc de n'avoir pas assez d'argent. Ce fut plaisant de voir l'habileté de cette drôlesse qui ne souffrit pas que je fisse quoi que ce fût avec elle dès lors qu'elle vit que je n'avais point d'argent, mais elle me dit alors que je ne reviendrais pas, tout en étant désormais bien sûre que je reviendrai, quoique j'espère que Dieu me préservera de le faire car, bien que ce soit l'une des plus jolies femmes que j'aie jamais vues, je crains qu'elle ne m'abuse.
            En priant Dieu de me pardonner ces vanités, je rentrai chez moi en prenant au passage quelques livres chez mon libraire et en emmenant avec moi son petit commis à qui je remis 10 £ pour les ouvrages pour lesquels j'avais mis de côté de l'argent, que j'ai dépensé en moins de trois semaines, ce qui ne m'arrivera plus de longtemps, j'espère.
            A mon bureau, à écrire des lettres, puis à la maison et, au lit, épuisé par mon plaisir d'aujourd'hui et tout honteux d'y penser.


                                                                                                                    24 juillet
                                                                                                 Jour du Seigneur
            Levé, un peu endolori tout le jour à cause de mon commerce d'hier. C'est d'avoir pris froid, Je suppose. Gardé la maison tout le jour, lus deux ou trois bonnes pièces de théâtre. Le soir, un moment à mon bureau, puis rentré, et après souper, au lit.


                                                                                                                        25 juillet

            Levé et avec sir John Mennes et sir William Batten en voiture jusqu'à St James. Mais le Duc était sorti. Nous allons au cabinet de travail de milord Berkeley où se trouve Mr Coventry. Nous vîmes là, entre autres, un exemplaire imprimé de la commission du roi pour les réparations de St Paul, qui est très étendue et donne de grands pouvoirs pour ramasser de l'argent et recouvrer celui de tous ceux qui ont auparavant acheté ou vendu quoi que ce soit qui ait appartenu à la cathédrale.
            Je trouve le lord-maire de la Cité placé avant l'archevêque et tous les nobles, bien que tous les plus grands officiers de l'Etat y soient.
            Cependant, milord Berkeley, qui en est, ne me semble pas dire qu'il en sortira grand-chose.
            Reparti vers la maison et sir William Batten et moi au café. Mais point de nouvelles, si ce n'est que la peste fait des ravages et s'aggrave chez les Hollandais.      
            Rentré dîner et ensuite sorti me proUntitled Documentmener. Quoique je fisse je ne pus m'empêcher de passer par Fleet Lane. Mais j'eus assez de prudence et d'honneur pour ne point entrer, d'autant plus, puisque c'était fête, que je craignais de rencontrer des gens de connaissance.
            Allé à Charing Cross et m'arrêtai chez Unthak pour voir ce que je lui devais, mais je ne lui devais rien. Comme il y avait là deux jolies dames, des pensionnaires, dans la cuisine, je m'attardai un moment. Puis chez Jervas mon barbier qui, aujourd'hui enterre l'enfant qu'il eut récemment qui, paraît-il, est né sans orifice au derrière, de telle sorte qu'il n'évacua jamais rien pendant la semaine ou deux qu'il vécut.
            De là chez Mr Reeves, car il me vient tout à coup à l'esprit d'acheter un microscope, mais il n'était pas chez lui. Je me promenai alors dans tout ce quartier, parmi ces personnes et ces maisons dégoûtantes. Mais, Dieu merci, je n'eus point envie d'en visiter aucune. Rentré chez moi, trouvé Mr Lanyon qui me dit que l'état de Mr Alsop est désespéré, ce qui va décevoir grandement mes espérances de ce côté, et pourtant peut-être pas. Il faudra que je réfléchisse pour savoir s'il serait prudent de m'aventurer à entrer dans l'affaire en y engageant mon capital.
            Lui parti, Mr Cole, mon vieux Jack Cole, vint me voir et parler. En bref, le but de sa visite est de me dire qu'il laisse là son état. Il n'y fait rien de bon et va vendre tout ce qu'il a et prendre la mer, son père étant mort sans rien lui laisser, ou presque. Je fus chagriné de l'entendre, car c'est un homme de talent mais, je le crois, débauché.
            Je lui promis toute l'amitié possible, ce qui n'ira guère loin, quoique je le dise sincèrement. Je le gardai avec moi jusqu'à 11 heures du soir, à raconter de vieilles anecdotes de l'école, très amusantes. A vrai dire, je trouve que nous employions alors notre temps et nos pensées autrement que ne font les jeunes garçons de nos jours, et aussi bien, à ce que je crois, que mes pensées d'aujourd'hui dans les meilleurs moments. Il soupa avec moi, puis partit et j'allai, au lit.
            C'est chose singulière que de nous voir tous séparés, qui fûmes élevés si longtemps ensemble à l'école, et de voir les fortunes diverses que nous avons rencontrées, soit bonnes, soit mauvaises.


                                                                                                                      26 juillet

            Toute la matinée au bureau. A midi chez Anthony Joyce pour le dîner des compères et commères. J'avais envoyé une douzaine et demie de bouteilles de vin et, en outre, payé mon double écot de 18 shillings. Ce fut un repas fort joyeux et quand les femmes furent gaies et se levèrent de table, je montai avec elles, le seul homme de la compagnie. Je me mets à parler de ce que je n'ai pas d'enfants et les priai de me donner leur avis et leurs conseils, et, à elles toutes, elles me donnèrent gaiement et sans façons les dix conseils suivants :
            1° Ne pas étreindre ma femme trop fort et trop souvent.
             2° Ne pas souper trop tard.
             3° Boire de l'eau de sauge.
             4° Pain grillé dans du vin rouge.
             5° Porter de frais caleçons de toile de Hollande.
             6° Me tenir l'estomac au chaud et le dos au frais.
             7° A ma question de savoir s'il fallait le faire soir ou matin, elles me répondirent : ni l'un, ni l'autre, mais quand nous en avons envie.
            8° Ma femme ne doit point trop serrer son corset.
            9° Je dois boire de la bière de froment sucrée.
            10° Mrs Ward me répondit de changer de position dans le lit.
             Les 3è, 4è, 6è, 7è et 10è règles elles les proclamèrent toutes sérieusement et insistèrent beaucoup dessus, comme sur des règles vraiment dignes d'être suivies, surtout la dernière : coucher avec la tête à la place des talons, ou du moins que le lit soit haut aux pieds et bas à la tête.
            Tout cela fort joyeusement, autant que je pouvais être joyeux en si piètre compagnie.
            On fait grand bruit de l'échauffourée d'hier à Moorfields. Comme les bouchers battirent d'abord les tisserands, car il y a entre eux, depuis toujours une vieille rivalité, mais à la fin les tisserands se reprirent et les rossèrent.  Au début les bouchers assomment comme tisserands tous ceux qui avaient des tabliers verts ou bleus, tant et si bien qu'ils étaient obligés de les ôter et de les cacher dans leurs chausses. A la fin, les bouchers étaient obligés d'ôter leurs manches pour ne pas être couverts de blessures et de coups, si bien que les tisserands firent une marche triomphale en criant : " Cent livres pour un boucher ! " Vers le soir je m'en fus chez Mr Reeves voir un microscope, car il m'a rendu visite ce matin, et j'en choisis un que je veux acheter.
            Reparti en emmenant la jeune Mrs Harman, femme d'éducation et d'humeur charmantes, que je pourrais aimer beaucoup, quoiqu'elle ne soit pas belle, pour la grâce de sa personne et de son maintien, et son œil noir. En chemin rencontré son mari venu la chercher et les ai déposés chez eux. Rentré chez moi, à mon bureau un moment, puis souper et, au lit.


                                                                                                                    27 juillet

            Lever. Après avoir causé avec Mr Duke qui va être nommé secrétaire des Pêcheries et est maintenant secrétaire de la commission du Commerce, homme que je trouve fort habile, je fus chez Mr Povey où j'entendis de ces propos creux. Voilà qu'il aurait aimé que Mr Gauden fût chargé des subsistances pour Tanger, ce que nul autre qu'un sot ne me dirait alors qu'il sait bien qu'il m'a sollicité de lui obtenir quelque chose de ceux qui en ont maintenant la charge. Puis à St James, mais Mr Coventry étant malade, je ne restai pas, mais m'en fus à Whitehall un moment, m'y promenai de ci, de là, rentré chez moi afin de préparer des papiers pour l'après-midi. Après dîner à la Bourse un moment, puis à Whitehall où bientôt arriva le duc d'York, et nous voilà en commission de Tanger où je lus mon projet de contrat pour les subsistances et leur fis part de la mort de Mr Alsop, que Mr Lanyon m’avait apprise ce matin, ce qui est triste à considérer de voir combien notre vie est incertaine et qu'on n'y peut guère compter dans les plus grandes entreprises.
            Les termes du contrat étant approuvés rentré chez moi où Mr Lanyon arriva amenant mon voisin Mr Andrews qu'il proposa de prendre pour associé à la place de Mr Alsop. Cela ne me déplaît point. 
            Nous lûmes ensemble le contrat, le discutâmes sérieusement et prîmes congé. Je suis bien aise de le voir revenir à cette étape, car Mr Lanyon et moi avions discuté aujourd'hui de la part que j'y pourrais prendre, et j'ai bon espoir, si cela continue, d'avoir les 300 livres par an que j'espérais d'abord.
            Eux partis, souper et, au lit.
            Cette après-midi est rentrée ma grande provision de charbon, de six voies et demie, afin de voir combien de temps elle me durera.


                                                                                                                        28 juillet

            Au bureau toute la matinée. Après la Bourse dîné à la maison, puis sorti et, voyant L'Esclave à l'affiche, j'examinai mes vœux et trouvai que je pouvais y aller cette fois sans crainte de les rompre. J'y fus, nonobstant mon grand désir de retourner à Fleet Alley, que Dieu me pardonne ! Je vis jouer cette pièce. Il est vrai que par manque d'exercice beaucoup d'entre les acteurs avaient un peu oublié leur rôle,
mais Betterton et ma pauvre Ianthe sont les meilleurs du monde. Il n'y a rien au monde que je trouve plus prenant que cette pièce.
  Quelques aspects de la contrebande à travers les âges – Association pour  l'Histoire de l'Administration des Douanes          A Westminster cLecture recommandée en temps de confinement : les romans | L'Histoire en  citationshez mon barbier. C'est chose singulière que, quand je m'aperçus que c'était Jervas lui-même qui comptait m'apporter ma perruque et non pas Jane sa servante, je priai qu'on ne me l'apportât pas du tout, car j'avais envie que ce fût elle. J'allai aussi chez Mr Blagrave pour lui parler de sa parente qui viendrait avec ma femme, mais ils ne sont pas encore en ville et donc je rentrai chez moi en voiture, puis à mon bureau et enfin souper et, au lit.
            Voici ma situation présente. Ma femme à la campagne, ma servante Bess avec elle et tout va bien de ce côté. Je m'efforce de lui trouver une dame de compagnie à mon goût, une surtout qui s'y entende en musique, en particulier à chanter. J'en prendrai une d'autant plus volontiers que j'ai bon espoir d'avoir 2 ou 300 £ de revenu extraordinaire dans l'affaire des subsistances pour Tanger, quoique Mr Alsop, en qui je mettais mes principaux espoirs, soit mort depuis que je m'en occupe et que Mr Lanyon, je le crains, soit lui aussi en train de tomber malade.
             Ma santé est assez bonne, si ce n'est que je suis sujet à avoir des vents au premier coup de froid et j'en souffre alors tout de suite et beaucoup.
            Il n'est bruit que d'une guerre contre la Hollande, et il me semble probable qu'on en viendra là, car ils le prennent de haut et, selon ce qu'on me dit, ne désirent nullement  nous faire des civilités, mais envoyer une belle flotte en Guinée pour nous y affronter. Milord Sandwich, nouvellement parti en mer et ayant, je crois, à nouveau très bonne opinion de moi, avant son départ, du moins, et dans sa lettre reçue depuis il me marque toute sorte de respect et de confiance.
            L'espoir que dans les comptes de ce mois je me verrai possesseur de 1 000 £ me met en joie outre ce riche présent de deux brocs de vermeil que me fit Mr Gauden l'autre jour.
            Je vis maintenant chez moi fort plaisamment, servi très sérieusement, tranquillement et proprement par les deux servantes, Jane et la petite Sue, dont je suis fort content.
            Mon plus grand souci est de régler la question du domaine de Brampton, afin que je sache qu'attendre et comment pouvoir le laisser à ma mort de façon à être fidèle à ma promesse envers mon oncle Thomas et son fils. Le suivant ce maudit embarras où mon frère Tom va sans doute nous mettre par sa mort, en nous forçant à un procès contre ses créanciers, entre autres le Dr Tom Pepys avec autant de honte que d'embarras. Et le dernier est de savoir comme vit mon père quant à ses économies et à ses dépenses, de peur qu'on ne me fasse faire des dettes en tant que je suis l'un des exécuteurs testamentaires de mon oncle, sans que j'en sache rien ni n'en sois plus avancé. Mais j'espère avoir bientôt le loisir de considérer tout cela et de bien m'en informer.


                                                                                                                        29 juillet 1664

            Au bureau toute la matinée, expédié mon travail. A midi, après dîner à la Bourse et de là chez Tom Trice pour l'affaire du Dr Pepys. Puis, à cause de la pluie, passé dans Fleet Alley où resté avec Cocke une heure à peu près. Cette drôlesse, pensant que je ne lui donnerais pas d'argent, ou pas assez, ne fit pas mine de m'inviter à quoi que ce fût, mais au contraire dit qu'elle était indisposée. Ce dont je fus bien aise car je n'avais pas envie d'avoir affaire avec elle. Mais je vis ce que je voulais, l'habileté de cette drôlesse, l'impudence de ses ruses et de ses façons d'obtenir de l'argent, de faire monter la note en commandant sans cesse autre chose, de telle sorte qu'elle s'éleva bientôt à 6 ou 7 shillings.
            Rentré donc chez moi bien aise de m'en tirer sans dommage.
            Arrivèrent Mr Hill, Andrews et le signor Pedro, et nous fîmes abondance de musique. Mais je commence à être las d'un musicien parmi nous, car il me semble gâter la liberté de nos exercices.
            Après leur  Mr Bland vint me voir et resta avec moi jusqu'à 11 heures du soir, à parler de la garnison de Tanger et de son approvisionnement en pièces de huit (( nte de l'éd. des pesos espagnols valant huit réaux ). Il aurait bien envie d'y être employé, mais n'ose me demander une faveur. Pourtant il voudrait bien me faire promettre de le soutenir car, à ce que je vois, ils comprennent tous que je suis l'homme qui fait en sorte que le roi reçoive son dû, en recherchant de nouveaux soumissionnaires. Tout à fait las de sa compagnie je le congédiai et, au lit.


                                                                                                                      30 juillet

            Toute la matinée au bureau. A midi à la Bourse où il n'est bruit que d'un riche présent apporté par un bateau de la Compagnie des Indes orientales et envoyé par l'un des princes de l'Inde, deux pierres précieuses d'une valeur pour le roi de 70 000 £. Après dîner, au bureau tout l'après-midi, finir diverses choses en vue de la fin du mois, pour que je puisse mettre tous mes comptes au clair demain. Aussi cet après-midi, avec une grande satisfaction, je terminai le contrat des subsistances pour Tanger avec Mr Lanyon et les autres, et, à mon soulagement, j'obtins sa signature et celle d'Andrews sur l'engagement de me donner 300 £ par an, ce qui, je l'espère, me fera 100 ou 200 livres de profit net.
            Ecrit et mis à la poste plusieurs lettres afin de me délivrer l'esprit de certaines affaires et d'être à jour de mes tablettes, puisque je me suis obligé dernièrement à tout régler pour la fin du mois. 
            Ainsi, le soir, l'esprit content et en repos, au lit. Ce jour, j'ai envoyé une flèche de venaison et six bouteilles de vin à Kate Joyce.


                                                                                                                          31 juillet 1664
                                                                                                           Jour du Seigneur
            Levé et à l'église, où je ne suis pas allé depuis maintes semaines. Rentré chez moi, arrive Mr Hill que j'ai invité hier, ce qui me contraria un peu, mais j'arrangeai cela très bien en l'emmenant chez sir John Mennes où j'étais invité avec toutes nos familles autour d'un pâté de venaison. Bonne chère et bonne conversation. Après dîner, à la maison avec Mr Hill et musique tout l'après-midi. 
            Lui parti, le soir à mes comptes. A ma grande joie, et en rendant grâces à Dieu tout puissant, je me vois, sans conteste, possesseur de 1 014 £. La première fois que j'ai jamais eu 1 000 livres. Ce qui est le sommet de tout ce à quoi j'aspirais depuis longtemps. 
            Mais avec la bénédiction de Dieu sur ma diligence, j'espère en mettre de côté davantage d'ici peu, si cette affaire des subsistances pour Tanger va comme je l'espère.
            Ainsi, louant Dieu pour l'état de richesse que j'ai atteint, et ma situation étant telle que je la détaillai il y a deux jours dans ce journal, à la maison, souper et, au lit, en priant Dieu de m'accorder la grâce de faire bon usage de ce que j'ai et de persévérer dans mes soins et ma diligence pour en gagner encore davantage.


                                                                  à suivre...........

                                                                                                                 1er Août 1664

            Levé l'esprit.........