lundi 8 novembre 2021

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 150 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                                                                      1er Octobre 1665
                                                                                                           Jour du Seigneur
            Fus réveillé vers 4 heures du matin et m'habillai, et me rendis à bord du Bezan où tout le monde dormait encore, et je ne voulus point les réveiller. Mais le jour commençant à pointer je fis quelques pas sur le pont, puis dans la cabine où je m'allongeai et fis un somme. Fus finalement réveillé par le capitaine Cocke qui m'appelait, si bien que j'apparus, et force causette, bavardages et rire, d'excellente humeur. Nous passâmes le plus clair de la matinée à parler et à lire Le silence de Rhodes, le meilleur poème que j'aie jamais lu, et chaque lecture me conforte dans cette opinion. Déjeunâmes tôt puis arrivâmes près de la flotte vers deux heures de l'après-midi, par beau temps et bon vent. Milord nous reçut fort aimablement. Parlâmes de choses et d'autres, puis il nous laissa à nos affaires et, ayant rassemblé un conseil de guerre, il alla rejoindre ses officiers, cependant que nous remplissions divers papiers avec Mr Pearse  et les autres ainsi que le capitaine Cuttance. On descendit retrouver milord avec qui on resta en conversation jusqu'au souper.
            J'eus, entre autres, la joie d'ouïr qu'il m'assurait d'avoir écrit au roi et au Duc au sujet des marchandises venant des prises, lesquels, me dit-il, approuvaient ce qu'il avait fait, dont il n'avait point à se cacher, ajoutant que je pouvais en informer tout un chacun. Il nous remit, à Cocke et à moi, signée de sa main, l'attestation de nos achats, nous donnant ainsi tout pouvoir de disposer des marchandises acquises. Voilà qui m'ôte toutes mes craintes et m'allègent la conscience des 100 £ qui l'alourdissaient. Il nous confirma la présence en mer de la flotte hollandaise, encore 85 navire environ. postés, selon lui, dans les parages de l'île de Texel, à l'affût de nos navires des pays de la Baltique qui en reviennent chargés de bois et de chanvre, ainsi que de nos navires hambourgeois qui font cap sur Hambourg chargés de marchandises. Il prit parti contre ceux qui pensent qu'il faut vaincre les Hollandais, sans accepter aucune condition, car il semble croire que ceux-ci iront demander la protection du roi de France et se rallieront à lui, tandis qu'il faudrait les rallier à nous par des moyens honnêtes. Il faudrait qu'à cette fin tout Hollandais souhaitant s'installer ici avec sa famille fût naturalisé.
            Milord me fit à l'oreille cette confidence, qu'ici nous courons à notre ruine, car personne ne se soucie de rien, chacun ne songeant qu'à son propre intérêt, le roi lui-même ne songeant qu'à ses petits desseins personnels, si bien, qu'à n'en pas douter, le royaume n'allait pas tenir longtemps, ce qui, je le crois et je le crains, était très vrai. On se rendormit, eux ronflant toujours.


                                                                                                                          2 octobre

            Après avoir navigué toute la nuit, et je me demande comment ils ont ont pu trouver leur route de nuit, nous arrivâmes le matin à Gillinghal et de là à pied pour Chatham où on visita le chantier avec le commissaire Pett. Vis, entre autres, un attelage de quatre chevaux passer près de nous, ce dont il fut aussi témoin, tirant un madrier qu'un homme seul, à n'en pas douter, eût suffi à porter sur son dos. Je fis emmener les chevaux et ordonnai à un ou deux hommes d'emporter eux-mêmes le madrier, ce que vit le commissaire sans mot dire, mais je crois qu'il en eut honte, et non sans raison.
            A pied Cocke, lui et moi, au manoir de la colline où nous trouvâmes sir William Penn au lit. Il nous fit force discours et amabilités feintes, mais c'est un fieffé fourbe en qui je n'ai nulle confiance. Ma visite le fit cependant consentir à se départir de sa soie avant d'avoir reçu l'argent, chose qu'il n'aurait pas faite pour Cocke, j'en suis sûr. 
            De là à Rochester, à pied à la Couronne où, en attendant notre dîner, j'allai visiter les ruines du vieux château jadis imposant. En montant j'ai rejoint trois jolies jeunes filles ou jeunes femmes dans l'escalier et les emmenai jusqu'en haut et besarlas muchos vézes et tocar leurs mains et leurs cous, à mon vif plaisir. Mais Seigneur ! qu'il m'est insupportable de regarder en bas les à-pics, car je pris grand-peur; ce qui me priva de tout plaisir en compagnie de ces trois-là. L'endroit était jadis fort imposant, vaste et fortifié d'antan. Puis me suis promené dans la cathédrale et revins à la Couronne où le maire de la ville, Mr Fowler, était venu en robe, c'est un noble magistrat. Après avoir mangé un morceau, car je ne pus rester dîner avec eux, repartis, pris un attelage et me rendis à Gravesend, où je ne m'attardai pas, mais pris un bateau, car la peste sévit toujours en ville, pour retrouver milord Brouncker et sir William Penn à bord d'un des navires de la Compagnie des Indes orientales, à Erith. Les trouvai se plaignant avec dépit que les bateaux avaient été pillés, mais je les apaisai leur parlant du profit à tirer de la vente d'une partie des marchandises, ce dont j'espère aussi bénéficier, et en toute honnêteté. Je pris congé, y compris Madame Williams qui avait accompagné milord, et arrivai à 8 heures à Woolwich. Là souper et passai un bon moment avec ma femme qui s'est, autant que je pus voir, raccommodée avec ses servantes. Fort content et joyeux, au lit.


     
                                                                                                                    3 octobre    
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            Levé. A ma grande satisfaction reçus la visite matinale de Mr Wooley, le cousin de mon oncle Wight, venu, à tout hasard, m'offrir ses services pour les marchandises de la Compagnie des Indes. Je dois dire que ce garçon aurait pu m'être d'une grande utilité, et le sera peut-être plus tard dans la vente des prises de guerre, et je me réjouis qu'il soit venu me voir. Pendant que je m'habillais et en route pour Greenwich, parlâmes de cette affaire de prises. Il me donna quelque raison d'espérer tirer profit de mon achat, mais point autant que je pensais, et ajouta que, peut-être, je pourrais en retirer davantage par la suite, ce dont nous fîmes le projet et nous devrons en reparler d'ici quelques jours.
            Au bureau, ne trouvant personne, sauf Sir William Batten parti dans la journée à une réunion en prévision de l'installation du Parlement à Oxford.
            Puis on vint me dire que milord Rutherford, sur rendez-vous, était arrivé. Allâmes à la taverne de la Tête du Roi où je vis sa dame, une jeune et belle Ecossaise, fort élégante et sans affectation. Ma femme et Mercer nous rejoignirent bientôt amenées par Creed. On dîna donc fort gaiement. Après quoi nous fîmes nos comptes et je le réglai en tailles, sur le montant desquelles il m'accorda une commission de 100 £ et sur cette somme, ce gredin de Creed m'en a escroqué 50. Mais je crois deviner un moyen de tirer encore plus d'argent de milord et de le satisfaire, en lui faisant obtenir le versement d'un intérêt sur ses tailles.
            Lorsque ce fut fait, et après quelques morceaux de musique et autres divertissements, milord et milady se retirèrent enfin, et j'envoyai ma femme rendre visite à Mrs Pearse puis me rendis à mon bureau où j'écrivis d'importantes lettres destinées à la Cour. Le soir, ce rustre de Creed ayant quitté ma femme je dus aller la chercher chez Mrs Pearse. Les amenai à la taverne de la Tête du Roi où je leur payai à souper. Force gaieté et bavardage plaisant. Mrs Pearse est plus jolie que jamais. Avons surtout ri du " c'est ma cousine ", en parlant de l'horrible maîtresse de milord Brouncker qu'il appelle sa cousine. Mrs Pearse me raconta, à ma vive déception, que, dit-on, il se dégage constamment de la belle Mrs Myddleton une odeur rance et fétide fort déplaisante, en particulier quand elle a trop chaud. Entendîmes de la mauvaise musique pour couronner la soirée, puis partîmes après avoir raccompagné chez elle la belle Mrs Pearse en grande beauté ce soir. A pied chez Will où j'ai dormi auparavant. On trouva un lit d'appoint pour Mercer puis, fort satisfaits, au lit. 
            Ai appris ce soir que de nos bateliers qui convoyaient notre courrier et qui, samedi dernier étaient en bonne santé, l'un est mort et l'autre mourant de la peste, la peste qui régresse partout ailleurs, sévit davantage encore du côté de la Tour et de ses environs.


                                                                                                                        4 octobre

            Levé et à mon bureau. Arrive Mr Andrews. Après avoir fait nos comptes il me donne 64 £. Puis vint Mr Gauden qui, nos comptes faits, me fit cadeau de 60 £, ce qui est pour moi une grande bénédiction. Puis ils se concertèrent tous deux et parlèrent de la démission de l'un et de la reprise des contrats de subsistances de Tanger par l'autre. M'est avis que je ne travaillerai point aussi bien avec Mr Gauden qu'avec ses prédécesseurs, ni avec autant de profit et qu'il ne m'épargnera pas autant mes peines.
            Puis dîner à la Tête du Roi, tous les trois ainsi que Creed, ma femme et sa dame de compagnie. Dînâmes gaiement et restâmes à bavarder longuement. Je pris congé d'eux dans l'après-midi, raccompagnai ma femme chez nous et derechef au bureau où je fis force besogne et revins auprès de ma femme.
            Ce soir sir George Smith m'est venu rendre visite au bureau et me dire que la peste a fait cette semaine 740 morts de moins. Dieu merci ! mais qu'elle continue de gagner du terrain dans notre quartier. Il ajoute que partout s'est répandu le bruit de l'embarras où était le capitaine Cocke avec ses prises de guerre qui lui auraient, dit-on, été confisquées, et que sais-je encore. La rumeur m'inquiète, et il est probable que l'affaire devra être réglée devant le Parlement, mais je n'ai guère à m'en soucier, car je crois que ce ne sont que de faux bruits, et en effet le capitaine m'en aurait, à n'en pas douter, averti par écrit.
            Ayant retrouvé ma femme à nos appartements, allai au lit, tandis que je la laissai avec ses gens à
danser et à rire, et je m'endormis.


                                                                                                              5 octobre

            Resté très tard au lit, à parler entre autres de ma sœur Pall à qui ma femme est d'avis que je donne 400 £ de dot, et qu'on la marie aussi vite que possible. Mais ces temps d'épidémie nous empêchent de la faire venir chez nous.
           Sortis, au bureau puis chez le duc d'Albemarle, lisant chemin faisant ce livre que Mr Evelyn a traduit et qu'il m'a envoyé en cadeau, sur l'art de classer les ouvrages d'une bibliothèque. Le livre lui-même dépasse mon entendement, mais il contient une fort belle épître à milord le chancelier.
            Arrivai chez le duc pour l'entretenir du service des subsistances afin qu'on le mît en d'autres mains, ou du moins des mains plus nombreuses, ce que je lui conseillai, mais j'espère faire moi-même une partie de la besogne. Traversai ensuite à pied Westminster jusqu'à mon ancienne taverne, le Cygne, où je passai quelque temps avec Sarah, puis par le fleuve à Deptford chez ma valentine. La peste est partout, ainsi que dans la maison voisine, mais peu me chaut, car je fis tout ce que je voulus con ella.
            Allai ensuite voir Mr Evelyn au sujet de notre maudite affaire de prisonniers, de malades et d'invalides qui nous tracasse tant l'un et l'autre. Il me montra son parc qui, avec ses divers arbres à feuillage persistant et sa haie de houx est la plus belle chose que j'aie jamais vue. Puis dans sa voiture à Greenwich et à mon bureau, ayant en chemin parlé d'arbres et d'espèces végétales. Veillai tard afin d'écrire des lettres, dont une à Mr Coventry très importante, puis regagnai mon gîte de la veille, ma femme étant rentrée à Woolwich.
*            Les chiffres du bulletin, Dieu soit loué ! ont baissé pour cette semaine, 740 morts de moins que la précédente. Une fois à mon logis je pris quelque chose, n'ayant guère mangé de la journée et, au lit. Après avoir ce soir renouvelé ma promesse de m'en tenir aux vœux que j'ai faits, car je constate que depuis que j'ai cessé de les observer j'ai tendance à rêvasser et je néglige mon travail.


                                                                                                            janeausten.co.uk                                                    6 octobre 1665

            Levé, ayant mandé Mr Gauden il vint et nous parlâmes essentiellement de son contrat de subsistances et de mon projet de lui adjoindre des associés. ou d'opérer divers changements. Je le trouve prêt à tout ce que lui ordonnera le roi. Dans sa voiture allâmes à Lambeth en aviser le duc d'Albemarle. Revînmes et il repartit après avoir parlé de notre affaire en chemin, et éprouvai pour lui un sentiment d'amitié grandissant. Il me parut mériter de devenir mon ami, étant homme si honnête et si reconnaissant. Nous parlâmes si ouvertement qu'il me confia ce qu'il pensait et ce qu'il savait de sir William Penn disant, et c'est aussi mon avis, qu'il est des plus fourbes, car il semble lui en avoir donné la preuve. Il me dit aussi, car nous parlions de la conduite des affaires dans la trésorerie du roi, qu'ayant la possibilité de se procurer de l'argent en province, il offrit à l'échevin Meynell de faire venir ici cet argent qui serait versé par les receveurs de la régie de quelque comté, receveurs auprès desquels il avait des obligations, et dans les mains desquels l'argent était disponible. Mais Meynell refusa, disant qu'il pourrait avoir cet argent quand il le voudrait, mais qu'il préférait qu'il restât là où il était plutôt que de le faire venir à Londres en ces temps de peste où il n'en avait pas besoin. Mais le plus grave est que Meynell a prêté cet argent contre des tailles qui viennent à échéance, et qu'il s'aperçoit à présent que nul ne se soucie des retards mis à verser cet argent, pas plus que de savoir si oui ou non il se trouve dans les caisses des receveurs  où il ne sert à rien. Si bien que le roi paie à Meynell 10 %  d'intérêt alors que l'argent est dans les caisses des receveurs et ne profite à personne, sinon à eux-mêmes.
            Allai dîner à la Tête du Roi avec Mr Wooley, venu me parler de l'affaire des prises de guerre, mais il ne me rassura point autant que je l'eusse souhaité. Je serai cependant récompensé pour le temps que j'y aurai passé, encore que je ne gagnerai  peut-être que 200 à 300 livres. Lui parti à mon bureau où j'eus fort à faire. Ecrivis au duc d'Albemarle une lettre où je lui fis part de la manière dont je conçois l'organisation du service des subsistances, à quoi j'ai longuement réfléchi et, je crois, non sans succès, si on veut bien me suivre dans mes propositions. Travaillai fort tard, puis rentrai à mon logis et, au lit.


                                                                                                                              7 octobre

            Levé et à mon bureau avec Mr Child que j'ai convoqué afin de m'entretenir avec lui des subsistances. Il ne consent point à y être associé, pas plus que le capitaine Beckford, mais il me parut homme de grand entendement avec qui je garderai des relations. Travaillai, encore qu'assez peu au bureau en raison des gémissements pitoyables de cette horrible foule de matelots misérables qui, faute d'argent meurent de faim dans les rues. Voilà qui m'irrite et me peine jusqu'au plus profond de moi. Ce fut encore pis à midi, car alors il fallut fendre cette foule qui nous suivit, au moins cent d'entre eux., d'aucuns nous maudissaient, d'autres juraient, d'autres encore nous imploraient. 
            Mais ce qui me tourmenta davantage fut la lettre reçue ce midi du duc d'Albemarle, m'annonçant que les Hollandais avaient été repérés hier, forts de 80 voiles au large de Solebay, et qu'ils se dirigeaient droit vers la baie. Dieu sait ce qui va ou risque de nous arriver, car nous n'avons plus en mer que des navires prêts à leur être sacrifiés et non à les contrer. Arrive ensuite Mr Ryder que j'avais également fait venir au sujet des subsistances, mais lui non plus ne veut pas s'associer à nous, encore qu'il accepte d'être membre de la commission, s'il en est une. Regagnai ensuite, par la porte de derrière, mon bureau où je restai tard ayant fort à faire, particulièrement lorsque arrivèrent le soir deux autres charrois venant  de Rochester, chargés des marchandises du capitaine Cocke. Au moment de les entreposer chez le capitaine Tooker arrivèrent deux agents de l'hôtel des douanes pour les saisir, ce qu'ils firent, mais je leur fis voir mon laissez-passer.
            Quoiqu'il en soit on s'échauffa, le ton monta, les marchandises mises sous clef, la serrure scellée et la clef remise au sergent afin qu'il la gardât, et on se sépara. Seigneur ! quand je pense que ce malheureux sergent vint ensuite me trouver dans l'obscurité alors que je rentrais chez moi :
            " - Monsieur, dit-il, j'ai la clef et si je puis vous être utile, faites-moi prévenir tôt demain matin et je serai à votre disposition. "
            Qu'il agisse ainsi par bonté ou fourberie, je l'ignore, mais la chose mérite d'être remarquée.
            Lorsqu'en chemin je lui parlai, des croque-morts portant un cadavre de pestiféré passèrent près de nous. Mais Grand Dieu ! la chose est à présent si coutumière que je suis devenu presque "indifférent. " A mon logis où en compagnie de Mr Hayter et de Will nous avons achevé de faire l'état des dépenses de la Marine pour les six derniers mois, que nous avons évaluées à un million de livres, voir plus, et je ne crois point que ce chiffre soit exagéré, tant sans faut. Puis, au lit.


                                                                                                                                8 octobre
                                                                                                             Jour du Seigneur
            Levé et une fois rasé au bureau où j'avais convoqué tous les bateaux de la Tamise, ayant reçu une lettre du Duc d'Albemarle me demandant de rassembler autant de navires que possible sur la Tamise afin de leur faire gagner la pleine mer et de les envoyer à la rencontre des Hollandais. Après m'être occupé d'eux allai dîner chez le capitaine Cocke parti à la campagne, mais son frère Salomon était chez lui, avec parmi les convives sir George Smith et une élégante dame, Mrs Penington ainsi que deux autres gentilshommes. Conversation intéressante et spirituelle avec cette personne pleine de finesse et d'esprit, l'une des dames qui sait le mieux parler, mais moyennement jolie. Après le dîner restai une heure ou deux, puis au bureau où j'achevai de traiter mon affaire avec les capitaines. Je crois que sur 22 bateaux il faudra nous contenter d'en mettre 7 à la mer. Dieu nous vienne en aide ! Les hommes sont malades et il y a pénurie de victuailles. Puis écrivis à sur Philip Warwick, sir William Coventry et sir George Carteret à la Cour, des lettres concernant les dépenses des six derniers mois, et les expédiai par express ce soir même.
            Appris aujourd'hui que le pape était mort, et le bruit court, dit-on, que le roi de France aurait été poignardé. Pour ce qui est de la première de ces deux nouvelles, elle est véridique, ce qui ne manquera pas d'avoir de terribles conséquences et mettra dans le plus grand désordre cette partie du monde, le roi d'Espagne étant mort il y a si peu de temps. En outre, la femme sir Martin Noell mourut de chagrin à cause de la mort de son mari, et pour aucune autre raison. Mais il paraitrait que personne ne sait que faire de ses biens, qu'il en ait laissé ou non, car il s'est mêlé de tant de choses, publiques et privées, que nul ne sait à quoi se monte sa fortune. Tel est le sort réservé à ceux qui s'affairent partout.
            Mon travail terminé, à mon logis et, au lit.


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            Levé, l'esprit occupé par mes affaires. Eus la visite de sir John Shaw à qui je répondis fort civilement au sujet de nos prises de guerre, que tous les droits lui revenant au titre de fermier des douanes avaient été acquittés. Sur quoi je lui fis voir mon laissez-passer, ce qui le satisfit et il partit après avoir donné l'ordre à ses assistants de peser les marchandises. 
            A mon bureau où m'attendait l'ordre de me rendre aussitôt auprès du duc d'Albemarle qui n'avait rien trouvé de mieux que de m'annoncer que si milord Sandwich ne venait pas immédiatement en ville, lui-même était résolu à se rendre en mer avec la flotte, les Hollandais, croit-il, ayant atteint les Downs. Il voulait donc que j'allasse le chercher avec un bateau de plaisance le lendemain matin, entre autres, et eut l'air de m'apprécier fort, moi ainsi que ma conduite des affaires, à ce que me dit ce freluquet de milord Craven. J'en ai conscience et, sans nul doute, je me donne suffisamment de mal pour le mériter.
            Parti, puis à mon bureau de Londres où je rédigeai diverses choses en matière d'argent et de comptes personnels, puis allai manger un morceau d'oie chez Mr Griffin, puis par le fleuve sous une pluie battante, à Greenwich, après être monté à bord de plusieurs bateaux en route. Une fois arrivé j'apprends que nos marchandises ont été saisies derechef par un certain capitaine Fisher qui est allé à Chatham sur mandat du duc d'Albemarle et, en mon absence, se rendit chez Tooker voir les marchandises, après avoir demandé la clef au sergent et mit la porte sous scellés. M'y rendis mais ne trouvai ni officier ni sergent, ne pus rien faire. Revins à mon bureau fort inquiet et travaillai fort tard, irrité de me voir ainsi plongé dans les ennuis et l'inquiétude, dans une affaire où il appartient à milord Sandwich de m'instruire pour savoir si je dois intervenir. Rentrai me coucher - après avoir passé deux heures avec mon petit valet chez Mr Glanville, à déplacer des fagots afin de faire de la place pour nos marchandises, pour ensuite m'apercevoir que l'endroit ne convenait pas. -
            La nouvelle de l'assassinat du roi de France est totalement fausse et, à ce qu'on dit, celle de la mort du pape aussi.


                                                                                                                            10 octobre

            Levé. Reçus du duc d'Albemarle l'ordre de cesser d'envoyer davantage de navires en mer et de ne plus lui fournir de bateaux de plaisance, ce dont je me réjouis, car je vois bien et le pensai déjà hier, que sa décision prise à la hâte était irréfléchie. Bientôt le capitaine Cocke fit dire par Jacob qu'il rentre de Chatham ce matin et que quatre charrois de marchandises prêtes à la livraison sont en route pour la ville. Voilà qui m'inquiète. Je lui donnai la consigne de les livrer chez son maître. Mais avant même d'avoir eu le temps de leur dire de les livrer là-bas, on me prévient que le capitaine Fisher vient de faire saisir les marchandises avec l'intention de les transporter ailleurs. M'y rendis donc et je vis nos quatre charrois en pleine rue, arrêtés près de l'église par ce Fisher et ses hommes, au milieu d'un attroupement de 100 à 200 badauds sur la chaussée. Je leur dispensai de bonnes paroles, et leur proposai humblement de les aider à transporter ces marchandises chez le capitaine Cocke. Mais ils voulaient les entreposer dans une maison qu'ils avaient louée eux-mêmes, et elles furent mises dans une grange. J'avais sur moi tous les laissez-passer nécessaires et ne leur dit rien qui ne fût véridique. La chose m'occupa toute la sainte matinée, et Fisher s'irrita de mon refus de laisser qui que ce soit d'autre prendre cette affaire en main pour le compte du marchand, ce qui le porta à me croire partie prenante, mais je me gardai bien de le reconnaître.
            Après quoi je laissai le soin de veiller sur les marchandises à leurs hommes et aux nôtres, revins à mon bureau vers midi, le capitaine Cocke me rejoignit bientôt, ayant fait tout le nécessaire la veille pour l'avertir par express de venir. 
            Allâmes manger rapidement chez lui puis en voiture à Lambeth où j'en profitai pour aller d'abord trouver le duc d'Albemarle afin de l'éclairer sur une partie des agissements de la matinée, au nom d'un ami absent, qui constitua une bonne entrée en matière et empêcha les autres de me calomnier auprès du duc en lui faisant leur propre compte rendu. Puis le capitaine Cocke fit son entrée.


                                                                                                                       11 octobre
            
            Levé et passai la matinée dans ma chambre à m'occuper de mes comptes de Tanger en vue de les soumettre. Eus aussi la visite de ma logeuse, Mrs Clerke au sujet d'un contrat pour les mois qui viennent, et je ne demande qu'à payer le prix qu'il faudra pour avoir de la place en suffisance, éviter les indésirables et disposer d'un lieu où héberger ma femme, au cas où la peste gagnerait Woolwich. Elle me demande pour trois pièces, une salle à manger, linge de maison, pain, beurre, matin et soir compris, 5 £ et 10 shillings par mois, et le contrat fut signé après que j'en écrivis les termes.
            Bientôt arriva Cocke venu me dire qu'hier soir Fisher et son acolyte s'en étaient donné à cœur joie et lui avaient promis leur amitié. A ceci près qu'il les trouva ce matin prêts à de nouvelles piperies et s'en tracasse fort. Comme il devait se rendre cet après-midi à Erith avec eux afin de se porter garant, je lui conseillai de les laisser aller par la route, tandis que lui et moi, après avoir mangé un morceau chez lui, allâmes par le fleuve. Mais ils nous devancèrent. Vîmes Mr Seymour, l'un des commissaires aux prises de guerre, membre du parlement, qui nous parla d'un ton fort courroucé, fit saisir nos marchandises au nom de la commission des prises et, avec force arrogance, aurait voulu tout confisquer, et que sais-je encore. A l'occasion d'une remarque que je lui fis, m'étant senti dans mon bon droit, je haussai quelque peu le ton, si bien qu'on finit par s'insulter violemment, et j'ai, par la suite, regretté cette altercation, car elle laissait voir que j'étais par trop impliqué dans l'affaire. Mais je n'appréciai aucune de ses paroles, et je ne pus m'empêcher de penser, à entendre ce parlementaire citer Hudibras au beau milieu d'une conversation sérieuse et devant un tel public, nous deux, milord Brouncker et sir William Penn, que c'était, de tous les livres, celui qu'il avait, j'en ai peur, celui qu'il avait le moins lu attentivement. Je crains qu'ils n'exigent des garanties importantes, et Cocke souhaiterait que je me portasse garant pour lui au moment de la comparution, mais je me gardai bien de m'y engager. D'ailleurs, Seymour ne prendra nulle décision tant qu'il n'aura pas vu le duc d'Albemarle, ce qui ajourne d'autant l'affaire.
     
      Comme il se faisait tard et que j'avais à faire chez moi, je partis seul, laissant Cocke passer la nuit là. Repartis donc, de nuit, en plein froid  et à contre-marée pour Woolwich où une soirée fort gaie avait été prévue pour ce soir. Après avoir fait venir, avec la voiture du capitaine Cocke, une fort belle enfant, l'une des filles de Mrs Tooker qui habite la maison voisine, on forma avec elle, une fille et un parent de Mr Pett, une fort galante compagnie dans mes appartements de Woolwich. Ma femme, Mercer et Mrs Barbara dansèrent et on se divertit fort, surtout de voir Mercer danser une gigue, car elle est la meilleure danseuse de gigue que je connaisse, ce qui chez elle semble être un don naturel, car elle garde la mesure à la perfection. C'est ce soir et non hier qu'on fête l'anniversaire de mes dix ans de mariage. Dieu en soit remercié ! car pour ce qui est de la santé, de la fortune, de l'honneur, je suis comblé, et j'ai bon espoir de m'enrichir, encore que me voilà à cette heure plutôt déconfit que lésé, à cause des marchandises venant des prises, que j'ai achetées à la flotte en association avec le capitaine Cocke, mais aussi du fait de ce que la réputation de milord Sandwich souffre de ce que partout on dit qu'il a mal agi.
            Il faut convenir qu'il a agi de la manière la plus irréfléchie, d'autant que le Parlement qui vient de se réunir pour accorder des crédits, ne manquera pas d'exiger un compte rendu des dépenses faites. Outre le précédent fâcheux que constitue l'exemple d'un général d'armée prélevant les prises comme bon lui semble et qui, de surcroit, porte à croire qu'il s'est laissé aller à prélever beaucoup plus que ce qu'il désirait en fait. De tout cela on lui tiendra rigueur. Sans compter qu'à n'avoir rien donné aux commandants d'escadres, ni aux officiers généraux, il se les met tous à dos, et offense même ceux qui estiment avoir été moins bien servis que d'autres. Enfin il se prive de tout crédit auprès du roi pour longtemps. 
  **          Après avoir fait danser mes invités aussi tard que je jugeai bon de veiller, au lit, les laissant faire comme bon leur semble. J'ai oublié de dire qu'il y avait ce soir Will Hewer et Tom, plus Golding, mon barbier de Greenwich qui nous servit de violoneux et à qui j'ai donné dix shillings.


                                                                                                                                                                                  12 octobre 1665

            Réveillé avant le jour, si bien que je m'habillai et, par un froid cruel, descendis par le fleuve rejoindre le bateau de milord Brouncker sur son conseil, pour me dire, le plus civilement du monde, qu'au sujet des prises de guerre le roi lui avait ordonné qu'une enquête rigoureuse fût menée sur ce qui avait été pris, avec ou sans autorisation, et qu'aucun égard particulier devait être témoigné envers milord Sandwich. Ce à quoi il était en train de procéder, car je le trouvai interrogeant un homme. J'apprends que les ordres de milord ont été exécutés en dépit du bon sens, car les pilleurs avaient renversé, culbuté, saccagé et endommagé le contenu de la cale pour trouver les marchandises précieuses, causant des dégâts et se couvrant d'opprobre, pour finalement trouver un homme qui savait où étaient les belles marchandises, et cela se renouvela pendant de nombreux jours. Sir William Berkeley étant l'un des principaux responsables, encore que d'autres firent de même. Ils ont dit, en commettant ces actes, que milord Sandwich avait le dos suffisamment large pour en supporter les conséquences.
            J'en appris donc autant qu'il est possible. Le roi et le duc sont d'une grande sévérité en la matière, quel que fût l'ordre qu'ils aient pu au préalable donner à milord pour cautionner ces actions. Ces choses se sauront publiquement et le roi vérifiera dans ses livres de comptes de l'hôtel des douanes que les droits versés correspondent bien aux marchandises prises.
           Je pris congé et repartis dans le froid, en barque, à Woolwich. Il était presque midi en arrivant, restai donc dîner et bavardai une partie de l'après-midi, puis avec la voiture du capitaine Cocke raccompagnai à Greenwich la belle demoiselle. Allai ensuite retrouver Cocke qui me dit qu'il a amadoué Seymour qui nous veut désormais du bien. Mais surtout que Seymour lui a dit que milord le duc lui a présenté aujourd'hui un arrêt de la Cour demandant que le comte de Sandwich jouisse de la plus grande considération et que soient respectées toutes ses autorisation de livrer des marchandises, ce qui nous transporte de joie, que nos marchandises seront pesées demain, et qu'à son avis nous avons bon espoir d'en être propriétaires demain ou après-demain.
             Comblé par cette nouvelle, me mis à mon courrier et y restai fort tard
             Cette semaine, bonnes nouvelles : il est mort de la peste environ 600 personnes de moins que la semaine précédente. Rentrai me coucher.


                                                                                                                        13 octobre

            Grasse matinée. Eus la visite ce matin de sir Jerome Smith en route pour la Cour. C'est un homme de valeur que je me dois de ménager, et le ferai, car j'entends bien qu'il est de mon intérêt qu'il est d'être en bonne intelligence avec les chefs d'escadre. 
            Au bureau, eus fort à faire jusqu'à midi. Arriva alors sir William Warren sorti nous faire préparer un mets à la Tête du Roi où nous allâmes et on dîna ensemble. Je ne suis guère satisfait du travail qu'il fit pour une petite affaire relative à Tanger dont je l'avais chargé. Quoiqu'il en soit il y a peu de mal et, vraisemblablement, les autres affaires dont il s'occupe continueront à me rapporter. Restâmes jusqu'à deux heures puis je le déposai sur la berge et me rendis par le fleuve chez le duc d'Albemarle que je trouvai en compagnie de milord Craven et du lieutenante de la Tour. Entre autres, nous avons envisagé de demander au roi d'envoyer des barques pour le transport du charbon destiné aux pauvres de la Cité, ce qui est une bonne oeuvre. Mais Seigneur ! quelles sottises j'ai entendues de la bouche de ces trois grands. Je me garderai de les méjuger, le duc et lord Craven étant de grands amis à moi. Fis ce pour quoi j'étais venu et rentrai chez moi par le fleuve.
            Cocke vint me trouver pour me dire qu'il était parvenu à un accord avec Fisher qui, pour 100 £ lui remettra en mains propres ses marchandises dès demain, après pesage aujourd'hui. Voilà qui me satisfait.
            Le duc m'apprit aujourd'hui qu'on était sans nouvelles des Hollandais dont on ne sait ni où ils sont, ni ce qu'ils font, mais que, selon lui, ils sont rentrés chez eux, aucun de nos espions n'étant parvenu à les repérer. Cocke en est presque arrivé à tenir compagnie, jour et nuit, à ces deux-là, Fisher et son compère, au point de s'en faire presque des amis, ce qui n'a pas été sans lui causer de graves ennuis.
            Je suis fort soucieux de régler la question de l'approvisionnement en subsistances, afin que je puisse en tirer des profits sur lesquels je compte bien, tout en rendant service au roi
            Ce soir sir John Bankes est venu me voir au sujet de la lettre que je dois écrire et dont nous parlâmes. Il me conseilla d'écrire ce que j'avais précisément pensé écrire, presque comme s'il m'avait dicté le texte. Il me faudra aussi mettre la main aux compte de Tanger, et les envoyer à la Cour en toute diligence. Outre que mes propres comptes sont dans le plus grand désordre, les ayant négligés depuis plus d'un mois. Ce qui me peine, mais je n'ai pu m'en occuper plus tôt. Ces tâches, auxquelles s'ajoutent la peur de la maladie et le souci de pourvoir aux besoins de ma maisonnée, m'emplissent l'esprit. En outre, le travail colossal au bureau, sans nul autre que moi pour le faire. Partis fort tard du bureau, à mon logis puis, au lit.


                                                                                                                                   14 Octobre
bbc.com
            Levé et au bureau où j'eus force besogne, en particulier avec Mr Gauden qui, je crois, m'occupera fort. Puis arriva le lieutenant de la Tour répondant à l'invitation faite hier, mais je n'avais rien reçu le concernant, il s'agit des charbonniers. Il partit trouver le shérif Hooker, tandis que je restai au bureau jusqu'à ce qu'il me fit chercher pour dîner, alors que j'avais grand-faim. En arrivant chez le shérif, il n'y était point, ni là ni ailleurs, et je ne pus le trouver nulle part, si bien que je dus rentrer au bureau et aller manger un morceau à la taverne, puis derechef au travail. Puis arriva le lieutenant qui me fit, en plaisantant, le reproche de lui avoir fait faux bond. Il est allé, je crois, dîner avec Mr Adrian May. Ecrivis des lettres fort tard, à mon bureau, heureux d'apprendre du capitaine Cocke qu'il avait pu prendre possession d'une partie de ses marchandises livrées chez lui et qu'il compte tout avoir ce soir. 
     
      J'entends que partout il n'est question que des différends qui opposent les commandants de la flotte et que Myngs mit milord en accusation à Oxford au sujet de ses prises de guerre, sans doute, mais ce ne sont que des rumeurs.
            J'ai ce soir le cœur et l'esprit tout à mon affaire de subsistances, car je suis au comble de la joie et de la fierté en apprenant que la proposition que j'avais faite fut lue devant le roi, le Duc et la Cabale, 
et accueillie par une salve d'applaudissements et d'acquiescements, ce que j'appris par une lettre de sir George Carteret et de sir William Coventry, outre celle que celui-ci adressa au duc d'Albemarle et que je lus hier. J'espère y trouver aussi mon avantage. Chez moi tard, au lit.


                                                                   à suivre............

*       janeausten.co.uk   
 **    corriere.it                                                                                                                    15 Octobre 1665
                                                                                                                Jour .........
            Levé et en attendant......













































 

samedi 6 novembre 2021

Les cicatrices de la nuit Alexandre Galien ( Roman policier France )

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                                  Les Cicatrices de la nuit

            Derniers jours à la Mondaine, les Cabarets, le service de nuit, les indics autrement nommés            " tontons ". Une cinquantaine et une femme trentenaire qui veut un enfant. Et un mari aux horaires de bureau. Un poste libéré et Philipe Valmy devient chef de groupe à la crim'. Et un secret traîné longtemps avoué sème le trouble dans son couple. Le commandant Valmy n'a guère le temps de s'attarder sur ses problèmes, premier jour à la crim' au Bastion, le nouveau 36 quai... installé à Clichy et l'équipe est transportée sur les quais, à la Villette : meurtre d'une jeune femme, très mince, et Valmy se trouve en face de l'une de ses indics, pense-t-il, Cynthia étudiante qui arrondissait ses modestes revenus en se prostituant. Mais l'enquête s'accélère, la vie de couple se dégrade, sans laisser de répit aux équipes. Un deuxième corps trouvé dans les fourrés du Bois de Boulogne, et les équipiers informaticiens sont sur le pont, rapprochement des appels " bornés " au mêmes endroits, caméras de rues, de boutiques et cinémas interrogées, lorsqu'elles marchent. Et l'enquête qui suit son cours est coupée de chapitres concernant l'éventuel tueur en séries, sans doute, ses addictions, son goût pour le meurtre, sa psychologie qu'il semble dévoiler au cours des pages qui lui sont consacrées. Et la perversité des hommes qui paient très cher la libération momentanée de leur libido, Hommes souvent haut placés, universitaires, dir' com', hommes d'affaires et des filles embrigadées dans des réseaux, ici russes, apatées par le luxe et les lieux de rencontres, St James, Crillon. Le Boudoir, la rue Vivienne, les clubs échangistes, alors que les policiers habitent des quartiers moins clinquants. Glauque, l'auteur répète le mot, et un quotidien que l'on soupçonne, jeunes étudiants en manque d'argent qui se vendent, pris dans des réseaux. Mais s'agit-il de réseaux ici ou d'un seul cruel tueur ? A lire, écrit dans un souffle, par un jeune auteur entré dans la police en 2015, s'est mis en disponibilité pour écrire, après avoir été lauréat du Prix du Quai des Orfèvres, prix créé en 1946. Attachant comme un polar qui nous emmène dans un univers, glauque. 







mercredi 3 novembre 2021

Ce n'était que la peste Ludmila Oulitskaïa ( Roman Russie )

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                                                 Ce n'était que la peste     

            La toux, l'épuisement, puis la mousse rouge et la fin du tourment. Vite diagnostiquée la peste se propage très rapidement, mais encore faut-il connaître le premier propagateur de la maladie. L'histoire écrite en 2020 par Ludmila Oulitskaïa valut quelques ennuis à l'auteur car, dit-on, arrivée au professeur Rapoport puis contée par sa fille. Histoire interne ( voir un article du Monde date ? ) Mais le livre nous rappelle nos virus du jour alors que sous le régime stalinien les ordres suivent la hiérarchie, la recherche et l'arrestation des malheureux contaminés ou présumés ( comme les accusés ) sont recherchés et arrêtés en pleine nuit. Et d'un chapitre salle des urgences, bien organisée, à la relation arrestation l'histoire avance rapidement, Ecrite comme un scénario, qui l'est en fait, les personnages presque tous sympathiques, voir la vieille dame encombrée d'un balluchon qui guigne les belles bottes fourrées, d'un voyageur endormi dans un train qui se rend à Moscou, ou celui d'un dirigeant qui croit le KGB avoir eu vent de quelques malversations. Celui également de deux dirigeants : " Le commissaire du Peuple à la Santé est reçu par un Personage haut placé qui parle avec l'accent géorgien Je ne comprends pas en quoi doit consister notre participation Yakov Stepanovitc..... " Dans la neige moscovite deux soldats discutent acceptant l'avis officiel de l'influenza " - Il est clair que c'est particulièrement dangereux... - Tu rigoles ? Au XXè siècle à Moscou ? En hiver ? - Il y a des épidémies qui se répandent justement en hiver....... " Livre court, d'une lecture facile et d'une approche très actuelle, universelle, d'une étendue indéfinie. Noter quand même que l'infectiologue inquiet parle d'un accident au laboratoire. Bonne lecture, 
MB






  

lundi 1 novembre 2021

Lui ? Maupassant ( Nouvelle France )

 








       



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                                               Lui ?

            Mon cher ami, tu n'y comprends rien ? et je le conçois. Tu me crois devenu fou ? Je le suis peut-être un peu, mais non pas pour les raisons que tu supposes.
            Oui. Je me marie. Voilà.
            Et pourtant mes idées et mes convictions n'ont pas changé. Je considère l'accouplement légal comme une bêtise. Je suis certain que huit maris sur dix sont cocus. Et ils ne méritent pas moins pour avoir eu l'imbécilité d'enchaîner leur vie, de renoncer à l'amour libre, la seule chose gaie et bonne au monde, de couper l'aile à la fantaisie qui nous pousse sans cesse à toutes les femmes, etc., etc. Plus que jamais, je  me sens incapable d'aimer une femme, parce que j'aimerai toujours toutes les autres. Je voudrais avoir mille bras, mille lèvres et mille... tempéraments pour pouvoir étreindre en même temps une armée de ces êtres charmants et sans importance.
            Er cependant je me marie.
            J'ajoute que je ne connais guère ma femme de demain. Je l'ai vue seulement quatre ou cinq fois. Je sais qu'elle ne me déplaît point ; cela me suffit pour ce que j'en veux faire. Elle est petite, blonde et grasse. Après-demain, je désirerai ardemment une femme grande, brune et mince.
            Elle n'est pas riche. Elle appartient à une famille moyenne. C'est une jeune fille comme on en trouve à la grosse, bonnes à marier, sans qualités et sans défauts apparents, dans la bourgeoisie ordinaire. On dit d'elle : 
             " - Mlle Lajolle est bien gentille. "   
             On dira demain :   
             " - Elle est fort gentille, Mme Raymon. "                                                   carpediem.loutarwen.com        
             Elle appartient enfin à la légion des jeunes filles honnêtes " dont on est heureux de faire sa femme " jusqu'au jour où on découvre qu'on préfère justement toutes les autres femmes à celle qu'on a choisie.
            Alors pourquoi me marier, diras-tu ?
            J'ose à peine t'avouer l'étrange et invraisemblable raison qui me pousse à cet acte insensé.
            Je me marie pour n'être pas seul !
            Je ne sais comment dire cela, comment me faire comprendre. Tu auras pitié de moi, et tu me mépriseras tant mon état d'esprit est misérable.
            Je ne veux plus être seul, la nuit. Je veux sentir un être près de moi, contre moi, un être qui peut parler, dire quelque chose, n'importe quoi.
            Je veux pouvoir briser son sommeil ; lui poser une question quelconque brusquement, une question stupide pour entendre une voix, pour sentir habitée ma demeure, pour sentir une âme en éveil, un raisonnement en travail, pour voir, allumant brusquement ma bougie, une figure humaine à mon côté... parce que... parce que... ( je n'ose pas avouer cette honte... ) parce que j'ai peur, tout seul.
            Oh ! tu ne me comprends pas encore.
            Je n'ai pas peur d'un danger. Un homme entrerait, je le tuerais sans frissonner. Je n'ai pas peur des revenants ; je ne crois pas au surnaturel. Je n'ai pas peur des morts ; je crois à l'anéantissement définitif de chaque être qui disparaît.
            Alors !... oui. Alors !... Eh bien ! J'ai peur de moi ! j'ai peur de la peur ; peur des spasmes de mon esprit qui s'affole, peur de cette horrible sensation de la terreur incompréhensible.
            Ris si tu veux. Cela est affreux, inguérissable. J'ai peur des murs, des meubles, des objets familiers qui s'animent, pour moi, d'une sorte de vie animale. J'ai peur surtout du trouble horrible de ma pensée, de ma raison qui m'échappe brouillée, dispersée par une mystérieuse et invisible angoisse. 
            Je sens d'abord une vague inquiétude qui me passe dans l'âme et me fait courir un frisson sur la peau. Je regarde autour de moi. Rien ! Et je voudrais quelque chose ! Quoi ? Quelque chose de compréhensible. Puisque j'ai peur uniquement parce que e ne comprends pas ma peur.
            Je parle ! j'ai peur de ma voix. Je marche ! j'ai peur de l'inconnu de derrière la porte, de derrière le rideau, de dans l'armoire, de sous le lit. Et pourtant je sais qu'il n'y a rien nulle part.
            Je me retourne brusquement parce que j'ai peur de ce qui est derrière moi, bien qu'il n'y air rien et que je le sache.
            Je m'agite, je sens mon effarement grandir ; et je m'enferme dans ma chambre ; et je m'enfonce dans mon lit, et je me cache sous mes draps ; et blotti, roulé comme une boule, je ferme les yeux désespérément, et je demeure ainsi pendant un temps infini avec cette pensée que ma bougie demeure allumée sur ma table de nuit et qu'il faudrait pourtant l'éteindre. Et je n'ose pas.  
        larepubliquedeslivres.com                               N'est-ce pas affreux, d'être ainsi ?
            Autrefois je n'éprouvais rien de cela. Je rentrais tranquillement. J'allais et je venais en mon logis sans que rien troublât la sérénité de mon âme. Si l'on m'avait dit quelle maladie de peur invraisemblable, stupide et terrible, devait me saisir un jour, j'aurais bien ri ; et j'ouvrais les portes dans l'ombre avec assurance ; je me couchais lentement, sans pousser les verrous, et je ne me relevais jamais au milieu des nuits pour m'assurer que toutes les issues de ma chambre étaient fortement closes. 
            Cela a commencé l'an dernier d'une singulière façon.

            C'était en automne, par un soir humide. Quand ma bonne fut partie, après mon dîner, je me demandais ce que j'allais faire. Je marchai quelque temps à travers ma chambre. Je me sentais las, accablé sans raison, incapable de travailler, sans force même pour lire. Une pluie fine mouillait les vitres ; j'étais triste, tout pénétré par une de ces tristesses sans causes qui vous donnent envie de pleurer, qui vous font désirer de parler à n'importe qui pour secouer la lourdeur de notre pensée. 
            Je me sentais seul. Mon logis me paraissait vide comme il n'avait jamais été. Une solitude infinie et navrante m'entourait. Que faire ? Je m'assis. Alors une impatience nerveuse me courut dans les jambes. Je me relevai, et je me remis à marcher. J'avais peut-être aussi un peu de fièvre, car mes mains, que je tenais rejointes derrière mon dos, comme on fait souvent quand on se promène avec lenteur, se brulaient l'une à l'autre, et je le remarquai. Puis, soudain, un frisson de froid me courut dans le dos. Je pensai que l'humidité du dehors entrait chez moi, et l'idée de faire du feu me vint. J'en allumai, c'était la première fois de l'année. Et je m'assis de nouveau en regardant la flamme. Mais bientôt l'impossibilité de rester en place me fit encore me relever, et je sentis qu'il fallait m'en aller, me secouer, trouver un ami
            Je sortis. J'allai chez trois camarades que je ne rencontrai pas ; puis je gagnai le boulevard, décidé à découvrir une personne de connaissance.
            Il faisait triste partout. Les trottoirs trempés luisaient. Une tiédeur d'eau, une de ces tiédeurs qui vous glacent par frissons brusques, une tiédeur pesante de pluie impalpable accablait la rue, semblait lasser et obscurcir la flamme du gaz.
            J'allais d'un pas mou, me répétant : " Je ne trouverai personne avec qui causer. "
            J'inspectai plusieurs fois les cafés, depuis la Madeleine jusqu'au faubourg Poissonnière. Des gens tristes, assis devant des tables, semblaient ne pas même avoir la force de finir leurs consommations. 
            J'errai longtemps ainsi, et vers minuit, je me mis en route pour rentrer chez moi. J'étais fort calme, mais fort las. Mon concierge, qui se couche avant onze heures, m'ouvrit tout de suite, contrairement à son habitude ; et je pensai : " Tiens, un autre locataire vient sans doute de remonter. "
            Quand je sors de chez moi, je donne toujours à ma porte deux tours de clef. Je la trouvai simplement tirée, et cela me frappa. Je supposai qu'on m'avait monté des lettres dans la soirée.
            J'entrai. Mon feu brûlait encore et éclairait même un peu l'appartement. Je pris une bougie pour aller l'allumer au foyer, lorsque en jetant les yeux devant moi, j'aperçus quelqu'un assis dans mon fauteuil, et qui se chauffait les pieds en me tournant le dos.
            Je n'eus pas peur, oh ! non, pas le moins du monde. Une supposition très vraisemblable me traversa l'esprit : celle qu'un de mes amis était venu pour me voir. La concierge, prévenue par moi à ma sortie, avait dit que j'allais rentrer, avait prêté sa clef. Et toutes les circonstances de mon retour, en une seconde, me revinrent à la pensée : le cordon tiré tout de suite, ma porte seulement poussée.
            Mon ami, dont je ne voyais que les cheveux, s'était endormi devant mon feu en m'attendant, et je m'avançai pour le réveiller. Je le voyais parfaitement, un de ses bras pendant à droite ; ses pieds étaient croisés l'un sur l'autre ; sa tête, penchée un peu sur le côté gauche du fauteuil, indiquait bien le sommeil. Je me demandais : " Qui est-ce ? " On y voyait peu d'ailleurs dans la pièce. J'avançai la main pour lui toucher l'épaule !...
            Je rencontrai le bois du siège ! Il n'y avait plus personne. Le fauteuil était vide !
            Quel sursaut, miséricorde !
            Je reculai d'abord comme si un danger terrible eût apparu devant moi.
            Puis je me retournai, sentant quelqu'un derrière mon dos ; puis, aussitôt, un impérieux besoin de revoir le fauteuil me fit pivoter encore une fois. Et je demeurai debout, haletant d'épouvante, tellement éperdu que je n'avais plus une pensée, prêt à tomber.
            Mais je suis un homme de sang-froid, et tout de suite la raison me revint. Je songeai : " Je viens d'avoir une hallucination, voilà tout. " Et je réfléchis immédiatement sur ce phénomène. La pensée va    stickersmalin.com                                   vite dans ces moments-là.
            J'avais une hallucination, c'était là un fait incontestable. Or, mon esprit était demeuré tout le temps lucide, fonctionnant régulièrement et logiquement. Il n'y avait donc aucun trouble du côté du cerveau. Les yeux seuls s'étaient trompés, avaient trompé ma pensée. Les yeux avaient eu une vision, une de ces visions qui font croire aux miracles les gens naïfs. C'était là un accident nerveux de l'appareil optique, rien de plus, un peu de congestion peut-être.
            Et j'allumai ma bougie. Je m'aperçus, en me baissant vers le feu, que je tremblais, et je me relevai d'une secousse, comme si on m'eût touché par-derrière.
            Je n'étais point tranquille, assurément. 
            Je fis quelques pas ; je parlai haut. Je chantai à mi-voix quelques refrains.
            Puis je fermai la porte de ma chambre à double tour, et je me sentis un peu rassuré. Personne ne pouvait entrer, au moins.
            Je m'assis encore et je réfléchis longtemps à mon aventure ; puis je me couchai, et je soufflai ma lumière.
            Pendant quelques minutes, tout alla bien. Je restais sur le dos, assez paisiblement. Puis le besoin me vint de regarder dans ma chambre ; et je me mis sur le côté.
            Mon feu n'avait plus que deux ou trois tisons rouges qui éclairaient juste les pieds du fauteuil ; et je crus revoir l'homme assis dessus.
            J'enflammai une allumette d'un mouvement rapide. Je m'étais trompé, je ne voyais plus rien.
     
      Je me levai, cependant, et j'allai cacher le fauteuil derrière mon lit.
            Puis je refis l'obscurité et je tâchai de m'endormir. Je n'avais pas perdu connaissance depuis plus de cinq minutes, quand j'aperçus, en songe, et nettement comme dans la réalité, toute la scène de la soirée. Je me réveillai éperdument, et, ayant éclairé mon logis, je demeurai assis dans mon lit, sans oser même essayer de redormir.
            Deux fois cependant le sommeil m'envahit, malgré moi, pendant quelques secondes. Deux fois je revis la chose. Je me croyais devenu fou.
            Quand le jour parut, je me sentis guéri et je sommeillai paisiblement jusqu'à midi.
            C'était fini, bien fini. J'avais eu la fièvre, le cauchemar, que sais-je ? J'avais été  malade, enfin. Je me trouvai néanmoins fort bête.
            Je fus très gai ce jour-là. Je dînai au cabaret ; j'allai voir le spectacle, puis je me mis en chemin pour rentrer. Mais voilà qu'en approchant de ma maison, une inquiétude étrange me saisit. J'avais peur de le revoir, lui. Non pas peur de lui, non pas peur de sa présence, à laquelle je ne croyais point, mais j'avais peur d'un trouble nouveau de mes yeux, peur de l'hallucination, peur de l'épouvante qui me          saisirait. 
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        Pendant plus d'une heure, j'errai de long en large sur le trottoir ; puis je me trouvai trop imbécile à la fin et j'entrai. Je haletais tellement que je ne pouvais plus monter mon escalier. Je restai encore plus de dix minutes devant mon logement sur le palier, puis, brusquement, j'eus un élan de courage, un roidissement de volonté. J'enfonçai ma clef ; je me précipitai en avant, une bougie à la main, je poussai d'un coup de pied la porte entrebâillée de ma chambre, et je jetai un regard effaré vers la cheminée. Je ne vis rien. " Ah !... "
            Quel soulagement ! Quelle joie ! Quelle délivrance ! J'allais et je venais d'un air gaillard. Mais je ne me sentais pas rassuré ; je me retournais par sursauts ; l'ombre des coins m'inquiétait
              Je dormis mal, réveillé sans cesse par des bruits imaginaires.                                                                      Mais je ne le vis pas. C'était fini !

            Depuis ce jour-là j'ai peur tout seul, la nuit. Je la sens là, près de moi, autour de moi, la vision. Elle ne m'est point apparue de nouveau. Oh non ! Et qu'importe, d'ailleurs, puisque je n'y crois pas, puisque je sais que ce n'est rien !
            Elle me gêne cependant, parce que j'y pense sans cesse. - Une main pendait du côté droit, sa tête était penchée du côté gauche comme celle d'un homme qui dort... Allons, assez, nom de Dieu ! Je n'y veux plus songer !
            Qu'est-ce que cette obsession, pourtant ? Pourquoi cette persistance ? ses pieds étaient tout près du feu !
            Il me hante, c'est fou, mais c'est ainsi. Qui, Il ? Je sais bien qu'il n'existe pas, que ce n'est rien ! Il n'existe que dans mon appréhension, que dans ma crainte, que dans mon angoisse ! Allons, assez !...
            Oui, mais j'ai beau me raisonner, me roidir, je ne peux plus rester seul chez moi, parce qu'il y est. Je ne le verrai plus, c'est fini cela. Mais il y est tout de même, dans ma pensée. Il demeure invisible, cela n'empêche qu'il y soit. Il est derrière les portes, dans l'armoire fermée, sous le lit, dans tous les coins obscurs, dans toutes les ombres. Si je tourne la porte, si j'ouvre l'armoire, si je baisse ma lumière sous le lit, si j'éclaire les coins, les ombres, il n'y est plus ; mais alors je le sens derrière moi. Je me retourne, certain cependant que je ne le verrai pas, que je ne le verrai plus. Il n'en est pas moins derrière moi, encore.
            C'est stupide, mais c'est atroce. Que veux-tu ? Je n'y peux rien.
            Mais si nous étions deux chez moi je sens, oui, je sens assurément, qu'il n'y serait plus ! Car il est là parce que je suis seul, uniquement parce que je suis seul !



                                                      Maupassant















            































     

jeudi 28 octobre 2021

La Sentence John Grisham ( Roman policier Etats-Unis )

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                                                La Sentence

            Mississipi, 1946. Clanton, petite ville au sein d'hectares de champs de coton. Memphis, La Nouvelle Orléans sont à quelques heures, de même que Tupelo où réside l'avocat de l'épouse de Dexter Bell. Dexter Bell pasteur de l'église méthodiste de Clanton, nommé dans ce coin reculé du Mississipi cinq ans plus tôt et dont le rôle dans la communauté s'achève dès les toutes premières pages sous les balles de Pete Banning, l'un des grands propriétaires de champs de coton, plusieurs centaines d' hectares. Pourquoi Pete Banning père de deux adolescents Joel et Stella et époux de Liza décide-t-il d'achever ce qu'il a décidé ? Ce secret lourd sans doute le confiera-t-il un jour à sa sœur, Fleury. Mais sait-il que quelque précaution qu'il ait prise sur le plan juridique, ses enfants peuvent perdre la propriété agrandie depuis trois générations par les Banning, mais Pete Banning ne se cache pas, il attend sur le pas de sa porte son arrestation et désigne son revolver. Mais jamais il ne donne les raisons qui l'ont poussé à ce crime. Tuer un pasteur n'est pas un acte banal dans une petite communauté d'autant plus où les langues vont bon train, où les principales distractions sont liées à l'église. Nous sommes en 1946, la guerre est à peine achevée, Pete passé pour mort est revenu avec de multiples blessures, il claudique. Liza s'est occupée de la ferme, de l'ouvrage. La prison est ouverte ou presque, ils sont moins d'une dizaine prisonniers et Fleury apporte le déjeuner pour tous tous les jours. Oui mais Pete refuse toujours de donner les raisons de son crime. Le téléphone est quasi public à quelques exceptions près et la chaise électrique pour le meurtre avec préméditation. Puis le tiers suivant du livre nous conduit aux Philippines où Pete vécut et nous avec tant les descriptions sont réalistes, les camps, les coups des philippins acquis aux Japon où les caches américaines dans des grottes, au sein d'une jungle touffue. La maladie, le paludisme, la faim, les longues marches à peine interrompues sous les coups de baïonnettes et les morts non identifiés abandonnés dans des fossés. Grisham né dans le Mississipi et avocat de formation, signale les auteurs qui l'ont aidé à parler notamment de la marche de la mort de Bataan. " Les souffrances de ces soldats, leur héroïsme dépassent l'entendement. " Puis dernier tiers du livre retour à Clandon, bataille d'avocats. Impossible de décrire cette partie des plus classiques sans mettre en avant la ou les raisons qui ont poussé Pete à commettre ce crime et à interner Liza prise de dépression. La Sentence parut en 2O2O en pleine pandémie, les lecteurs de John Grisham ne seront pas déçus par ce nouvel opus qui nous replonge dans ce sud qu'il affectionne. Bonne lecture.