fleuret par camoin
1, rue Bourbon-le-Château
Dans cette vieille maison, deux femmes furent assassinées le 23 décembre 1850. L'une était Mlle Ribault, dessinatrice au " Petit Courrier des Dames " que dirigeait M. Thiéry. Avant de mourir, trempant son doigt dans son sang, elle eut la force d'écrire sur un paravent : " L'assassin, c'est le commis de M. Thi " Laforcade, le commis fut arrêté quelques heures après son crime.
De notre temps, cette maison se signale d'une autre façon à l'attention des curieux.
C'est là qu'habite M. André Mary, le poète bourguignon auquel M. Fernand Fleuret a dédié sa Macaronée satirique " Falourdin " destinée à stigmatiser la presse contemporaine.
Au commencement de son poème M. Fernand Fleuret a chanté la vieille maison de la rue Bourbon-le-Château :Si tu translates, voire, un Boëce chanci
Dans ta sombre maison du carrefour Buci
Que peuplent des bouquins et des pots de la Chine...
L'auteur de " Falourdin " auquel on ne peut reprocher qu'un peu d'archaïsme, si toutefois un si rare défaut prête au reproche, est aujourd'hui, où ils sont rares, un des meilleurs versificateurs français, et comme il est vraiment poète, ses productions méritent de passer aux âges qui viendront...
M. Fernand Fleuret est normand. Une fois, au cours d'un banquet où l'on célébrait le millénaire de la Normandie, un Norvégien gigantesque qui se trouvait près de lui, le regarda avec condescendance et déclara :
- Vous, petit Viking, moi, grand Viking. Le petit Viking, d'après l'observation d'un autre poète normand, a l'air d'un archer de la tapisserie de Bayeux.
Son penchant décidé vers la mystification le poussa un jour, alors qu'il allait encore au collège, à faire croire à la cuisinière de ses parents qu'un certain fourreau qui emprunta jadis son nom à la paisible ville de Condom était une bourse de nouvelle sorte et fort commode pour les gros sous. A la boucherie, ce fut un éclat de rire qui se propagea dans toute la ville. La cuisinière se plaignit vivement, ne cachant point le nom de celui qui l'avait trompée. Et depuis ce jour, les dévotes regardèrent M. Fernand Fleuret d'un mauvais oeil.
Quand il voulut publier cette supercherie littéraire très supérieure à celle de Mérimée " Le carquois du Sieur Louvigné du Désert ", M. Fernand Fleuret se fit appuyer auprès d'un éditeur qui demeure à côté de l'Odéon.L'éditeur sourit à mon Fleuret, tâte le manuscrit, l'ouvre et le premier qui lui tombe sous les yeux, c'est celui dont les typographes firent une si belle coquille un jour que, dans un journal, il était question des fouilles de Mme Dieulafoy.
- Fouilles, monsieur, s'écria l'éditeur en refermant le manuscrit, monsieur... sortez monsieur.
M. Maurice Cremnitz est un poète qui depuis longtemps déjà ne montre plus volontiers ses ouvrages
C'est un homme aimable qui se soucie peu de la gloire. Les poètes, ses amis, ont une grande confiance dans l'intégrité de son goût, et ses décisions ne sont point des arrêts, elles emportent généralement le suffrage de celui qui les fait naître et qui s'y range. Cette autorité, qu'il exerce avec une grande discrétion et dans un tout petit cercle, lui donne ainsi un rôle inattendu qu'il ne recherchait point et qui est plein de responsabilités.
Chaque année, en temps de paix, M. Maurice Cremnitz, qui aime la marche, parcourait à pieds une région qu'il ne connaissait pas encore. Il ne s'embarrassait pas de bagages. Une bonne canne à la main, il voyageait, s'arrêtant quand il le voulait, sans se préoccuper des horaires.Une fois, c'était près de Montereau, deux gendarmes l'arrêtèrent sur la route et lui demandèrent ses papiers.
M. Maurice Cremnitz se fouilla et ne trouva sur lui qu'une carte d'entrée à la Bibliothèque Nationale. Les gendarmes l'examinèrent et l'un d'eux :
- Alors c'est là que vous travaillez ?...
Sur la réponse affirmative de M. Cremnitz il ajouta :
- Vos patrons doivent bien mal vous payer puisque vous ne pouvez pas même prendre le chemin de fer.
M. Mauritz Cremnitz, que connaissent peu les nouvelles générations mais que n'ont pas oublié André Gide et Paul Fargue, s'engagea au début de la guerre.
Je le rencontrai à Nice dans son uniforme de fantassin.
Cremnitz vivait la vie des dépôts d'infanterie. Nous nous vîmes dans un café durant quelques minutes et, fantassin, il trouva qu'artilleur j'étais mieux vêtu que lui. J'en avais presque honte et quand je le quittai, je sortis à reculons afin que l'éclat des éperons ne désolât point ce gentil et vaillant garçon.
J'ai rencontré quelques autres littérateurs soldats au cours de mon instruction militaire, soit à Nice soit à Nîmes. J'ai revu le dramaturge Auguste Achaume, caporal dans un régiment de territoriaux. Il avait bonne figure sous la capote et, cantonné dans un skating, couchait sur l'estrade de l'orchestre ; il couche à présent sous la tente. Dans le dépôt d'artillerie où j'achevais " mes classes ", mon lit était près de celui d'un brigadier poète, René Berthier, qui fit partie à Toulon du groupe littéraire des " Facettes ". J'ai lu de ses poèmes et, à mon avis, il est un des meilleurs poètes de sa génération. Il est maintenant sous-lieutenant d'artillerie. Ce poète est encore un savant de premier ordre dont les inventions utiles à l'humanité ne se comptent plus.
J'ai rencontré encore à Nîmes Léo Larguier, qui eut plusieurs fois l'occasion de fréquenter la maison du 1, rue Bourbon-le-Château, et qui a publié sur la guerre un beau livre de littérateur : " Les Heures déchirées ".
Le premier dimanche de mars, en 1915, je déjeunais au petit restaurant de La Grille quand un caporal de la ligne se leva de table et m'aborda en me récitant une strophe de La Chanson du Mal-Aimé.
Je fus interloqué. Un deuxième canonnier-conducteur n'est pas habitué à ce qu'on lui récite ses propres vers. Je le regardai sans le reconnaître. Il était de haute taille, et, de figure, ressemblait à un Victor Hugo sans barbe et plus encore à un Balzac.
Et nous ne nous quittâmes que le soir à l'heure de la rentrée au quartier. Ce jour-là et les jours suivants nous ne parlâmes pas de la guerre, car les soldats n'en parlent jamais, mais de la flore nîmoise dont, en dépit de Moréas, le jasmin ne fait pas partie. Quelquefois, l'aimable M. Bertin, secrétaire général de la préfecture, nous apportait l'agrément de sa conversation enjouée et d'une érudition spirituelle. La voix terrible de Léo Larguier dominait le colloque et j'entends encore les éclats quand il nous disait le nom d'un homme de sa compagnie : " Ferragute Cypriaque ".
Un dimanche, Larguier nous emmena, M. Bertier et moi, chez un de ses amis, le peintre Sainturier; dont les dessins ont la pureté de ceux de Despiau. Sainturier vit en ermite, il est inconnu et se complaît dans son obscurité ensoleillée du Midi. Très jeune d'aspect bien qu'ayant passé l'âge de servir, il est robuste et travaille beaucoup et, outre ses productions, qui sont personnelles, on voit dans sa demeure des trésors artistiques que je ne soupçonnais point.
C'est là que j'ai vu un extraordinaire portrait de Stendhal qui le représente à mi-corps et vu de face. Le visage est calme et pétillant de malice contenue. C'est chez le peintre Sainturier, que je vis pour la première fois Alfred de Musset. Ses autres portraits paraissent factices quand on a vu celui-là qui est peint par Ricard. Musset est de profil. Larguier n'en revenait pas et Sainturier promit de lui en faire une copie après la guerre. Il y a là, de Ricard aussi, un beau portrait de Manet. Mais nous vîmes, encore chez Sainturier, un Van Dyck : " Charles 1er enfant ", plusieurs portraits et miniatures d'Isabey, un Greco, des esquisses de Boucher, un merveilleux Latour, deux Hubert Robert, des Monticelli, une petite nature morte de Cézanne, etc...
Le lendemain je ne revis plus Larguier. Il était parti pour un camp d'instruction d'où il alla sur le front comme caporal-brancardier. Nous fûmes près l'un de l'autre à la bataille de Champagne, mais nous ne pûmes nous joindre. Il y fut blessé et nous nous rencontrâmes que durant une de ses permissions, justement devant le n° 1 de la rue Bourbon-le-Château, cette " sombre maison " chantée par M. Fernand Fleuret.
Apollinaire
Les Noëls de la rue de Buci
Avant la guerre, c'était la nuit du 24 au 25 décembre qu'il fallait aller voir la rue de Buci, si chère aux poètes de ma génération. Une fois, dans un caveau voisin, nous réveillonnâmes, André Salmon, Maurice Cremnitz, René Dalize et moi. Nous entendîmes chanter des noëls. J'en sténographiai les paroles. Il y en avait de différentes régions de la France.
Les noëls ne sont-ils pas parmi les plus curieux monuments de notre poésie religieuse et populaire ? Ce sont en tout cas les ouvrages qui reflètent peut-être le mieux l'âme et les moeurs de la province dont ils viennent. Le premier que je notai dans ce caveau de la rue de Buci était chanté par un garçon coiffeur, né à Bourg-en-Bresse.
Les noëls bressans ne sont certes pas des noëls de temps de guerre. Les énumérations rabelaisiennes de victuailles y contrastent avec les restrictions de l'époque dépouillée où nous vivons :
Dès que la ville de Bourg - En apprit la nouvelle,
On fit battre la tambour - Pour mettre tout par écuelles.
Les bécasses, les levrauts - Les cailles, les chapons gras
Furent pris chez Curnillon - Pour faire la bourdifaille
Furent pris chez Curnillon - Pour faire le réveillon.
Et d'une longe de veau, - Il fit un bon ragoût ;
Sa femme fit du boudin - Et prit chez monsieur de Choin
Une grande bassine d'argent - Pour y, pour y, pour y mettreUne grande bassine d'argent - Pour y mettre son présent.
saintflorent.com
On alla vite appeler - L'hôte de la Bonne École
Qui porta des godiveaux - Et prit une belle andouille :
Il mêla des fricandeaux - Avec des oreilles de veaux
Et porta trois barillets - De mou, de mou, de moutarde,
Et porta trois barillets - De moutarde de Dijon.
Quand l'hôte de Saint-François - Entendit qu'on faisait du bruit
Les poêles et les lèche-frites - Dans le quartier de Tesnière,
Il fit faire à son valet - Une potringue de poulet
Qu'on s'en léchait tout droit - Les ba, les ba, les babines
Qu'on s'en léchait tout droit - Les babines et les cinq doigts.Dès que l'hôte de l'Ecu - Vit qu'on partait au clair de lune,
Il mit pour quatre écus - De sucre dans la farine
Pour faire des gâteaux - Qui semblèrent des châteaux ;Ils sont meilleurs que le pain - Pour les, pour les, pour les dames ;
Ils sont meilleurs que le pain - Pour les dames et les enfants.
Neren mit dessus une planche - Du boudin blanc comme neige
Et douze langues de boeuf - Qui étaient noires comme pain ;
Et puis de son bon vin vieux - Que j'ai souvent bu,
Et boirai, s'il plaît à Dieu, - Jusqu'à, jusqu'à, jusqu'à Pâques,
Et boirai, s'il plaît à Dieu - Plus qu'il ne veut m'en
donner.
leolacuistot.canalblog.com
A nous deux, père Alexis - Il nous faut faire une offrande
Et nous joindre cinq ou six - Pour toucher une sarabande ;
Avec notre gros bourdon - Nous chanterons tout de bon ;
Noël, Noël est venu - Nous ferons la bourdifaille
Noël, Noël est venu - Nous ferons du brouet moulu.
Après ce Noël de réveillon, en voici un autre plus gracieux qui a été entendu encore il y a quelques années aux environ de Saint-Quentin. J'en donne la version que j'ai notée rue de Buci.
Chantons, je vous prie, - Noël hautement
D'une voix jolie - En solennisant
De Marie pucelle - La conception
Sans originelle - Maculation.
Cette jeune fille - Native elle était
De la noble ville - Dite Nazareth,
De vertu remplie - De corps gracieux
C'est la plus jolie - Qui soit sous les cieux.
Elle allait au Temple ; - Pour Dieu supplier ;
Le conseil s'assemble - Pour la marier ;
La fille tant belle - N'y veut consentir,
Car Vierge et pucelle - Veut vivre et mourir.
Gens en une bande, - Tous à marier ;
Et duquel la verge - Tantôt fleurira
A la noble Vierge - Vrai mari fera.
Tantôt abondance - De gentils galants
La Vierge plaisante - S'en vont souhaitant ;
A la noble fille - Chacun s'attendait,
Mais le plus habile - Sa peine y perdait.
Joseph prit sa verge, - Pour s'y en venir.
Combien qu'à la Vierge - N'eût mis son désir ;
Car toute la vie - N'eut intention
Vouloir ni envie - De conjonction.
Quand furent au Temple - Trétous assemblés,
Étant tous ensemble - En troupe ordonnés,
La verge plaisante - De Joseph fleurit,
Et au même instant - Porta fleur et fruit.
En grande révérence - Joseph on retint,
Qui par sa main blanche - Cette vierge print :
Puis après le prêtre, - Recteur de la loi,
Leur a fait promettre - A tous deux la foi.
Baissant les oreilles - Ces gentils galants
Tant que c'est merveille, - S'en vont murmurant
Disant c'est dommage - Que ce père gris
Ait en mariage - Cette vierge pris.
La nuit ensuivante, - Autour de minuit,
La Vierge plaisante - En son livre lit,
Que le Roi céleste - Prendrait nation
D'une pucelette - Sans corruption.
Tandis que Marie - Ainsi contemplait
Et du tout ravie - Envers Dieu était,
Gabriel archange - Vint subitement
Entrant dans sa chambre -Tout visiblement.
D'une voix doucette - Gracieusement
Dit à la fillette - En la saluant :
Dieu vous garde, Marie, - Pleine de beauté,
Vous êtes l'Amie - Du Dieu de bonté.
C'est que serez mère - Du Roi glorieux ;
Votre pucelage - Et virginité
Par divin ouvrage - Vous sera gardé.
A cette parole - La Vierge consent,
Le Fils de Dieu vole, - En elle descend.
Bientôt fut enceinte - Du Prince des Rois.
Sans mal ni complainte -Le porta neuf mois.
La noble besogne - Joseph pas n'entend
A peu qu'il n'en grogne, - S'en va murmurant,
Mais l'ange céleste - Lui dit, en dormant,
Qu'il ne s'en déhaite, - Par Dieu est l'enfant.
Joseph et Marie - Tous deux Vierges sont,
Qui par compagnie - En Bethléem vont.
Là est accouchée - En pauvre déduit
La Vierge sacrée - Autour de minuit.
Y fut consolée - Des anges des cieux,
Y fut visitée - Des pasteurs joyeux,
Y fut révérée - De trois nobles Rois,
Et fut rejetée - Des nobles bourgeois.
Or, prions Marie - Et Jésus, son fils.
Qu'après cette vie - Ayons Paradis
Nous donne en partage - Le ciel azuré.C'est à May-en-Multien que se chante encore sans doute ce noël charmant dont voici un couplet :
Bergers qu'on s'assemble - Au signal donné
Pour aller ensemble - Saluer tourelourirette
Saluer louladerirette - Le roi nouveau-né.
france.cei.com
et aussi celui où
Saint Liphard alla prendre - La Dame du Chemin
A dessein de s'y rendre - Tenant tous en leurs mains
Hautbois, Luths et Guitares - Pour faire des fanfares,
Trompettes et tambours - Pour jouer tout le jour.
Voici un noël que j'ai entendu chanter rue de Buci. Je n'en connais point ma provenance. En tout cas, il est bien champêtre et plein de saveur :
Refrain :
Laissez paître vos bêtes, - Pastoureaux par monts et par vaux,
Laissez paître vos bêtes - Et venez chanter Nau
J'ai ouï chanter le rossignol - Qui chantait un chant si nouveau
Si haut, si beau, - Si raisonneau, -
Il m'y rompait la tête, - Tant il prêchait et caquetait, -
Ai donc pris ma houlette - Pour aller voir Nolet
Refrain
Je m'enquis au berger Nolet - As-tu ouï le Rossignolet
Tout joliet - Qui grignottait
Là-haut sur une épine ? - Ah oui ! dit-il, je l'ai ouï,
J'en ai pris ma bucine - Et m'en suis réjoui.
Refrain
Nous dîmes tous une chanson, - Les autres sont venus au son.
Or, sus, dansons. - Prends Alizon !
Je prendrai Guillemette, - Margot prendra le gros Guillot.
Qui prendra Péronnelle ? - Ce sera Talbot.
Refrain
Ne dansons plus, nous tardons trop ; - Allons tôt, courons le trot,
Viens-t'en bientôt. - Attends, Guillot. -
J'ai rompu ma courette, - Il faut ramender mon sabot.
Or tiens cette aiguillette, - Elle t'y servira trop.
Refrain
Comment, Guillot, ne viens-tu pas ? - Eh oui, j'y vais tout le doux pas,
Tu n'entends pas - Trestout mon cas ;
J'ai aux talons les mules, - C'est pourquoi je ne puis trotter ;
Prises m'ont les froidures. - En allant estraquer.
Refrain
Marche devant, pauvre Mulard, - Et t'appuye sur ton billart ;
Et toi, Coquard, - Vieux Loriquart
Tu dois avoir grand honte - De rechigner ainsi les dents,
Et dois n'en tenir compte - Au moins devant les gens.
Refrain
Nous courûmes de telle roideur, - Pour voir Notre doux Rédempteur
Et Créateur - Et formateur ;
Il avait, Dieu le sache, - De drapeaux assez grand besoin ;
Il gisait dans la crèche - Sur un petit de foin.
Refrain
Sa mère avecque lui était - Un vieillard si lui éclairait
Point ne semblait - Au beau douillet
Il n'était pas son père - Je l'aperçus bien au museau
Ressemblait à la mère - Encore est-il plus beau.
Refrain
Or, nous avions un grand paquet - De vivres pour faire un banquet ;
Et une grande Levrière - Mirent le pot à découvert
Puis ce fut la bergère - Qui laissa l'huis ouvert.
Refrain
Pas ne laissâmes de gaudir ; - Je lui donnai une brebis ;
Au petit fils - Une mauvis
Lui donna Peronnelle - Et Margot lui donna le lait
Une petite écuelle - Couverte d'un volet
Refrain
Or prions tous le Roi des Rois - Qu'il nous donne à tous bon Noël
Et bonne paix - De nos méfaits,
Ne veuille avoir mémoire - De nos péchés , nous pardonner,
A ceux du Purgatoire - Leurs péchés effacer.
Refrain
Voici un noël délicat et délicieux dont je regrette de n'avoir noté que ce passage :
Je me suis levé par un matinet - Que l'aube prenait son blanc mantelet.
Chantons Nolet, Nolet, Nolet - Chantons Nolet encore.
Et ce noël farci :
Célébrons la naissance - Nostri salvatoris
Qui fait la complaisance - Dei sui patris.
Ce Sauveur tant aimable - In nocte media
Est né dans une étable - De Casta Maria
Ce,soir-là j'ai noté encore ce noël d'une province que dévaste la guerre, la Champagne de La Fontaine et de Paul Fort :
Les filles de Cernay - Ne furent endormies,
Avecque beurre et lait - Aux champs ell's se sont mies,
Et celles de Tessy - Ont passé la chaussée
Après avoir ouï - Le bruit
Et le charmant débat - La, la !
De cell's de Sillery.
Et pour en finir quelqu'un chanta un gracieux noël d'enfant dont la date doit être récente. En voici un couplet :
Une petite abeille - Bourdonnant en frelon
S'approchant du poupon, - Lui disant à l'oreille
J'apporte du bonbon ; - Il est doux à merveille ;
Goûtez-en mon mignon.
On peut avoir cent impressions différentes de la vieille rue de Buci. Je les donne toutes pour celles que j'y ai éprouvées en entendant chanter ces Noëls, une nuit de réveillon, peu d'années avant la guerre.
Guillaume Apollinaire
( in le flâneur des deux rives )
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