samedi 9 janvier 2016

Correspondance Proust Robert de Billy - Reynaldo Hahn( lettres France )

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                                                               A Robert de Billy
     
                                                                                                      Printemps  1909 ?
                                                                                     ( in Collection K
            Mon cher Robert
         Je ne sais ce que vous devez penser de moi de ne pas avoir encore répondu à votre lettre délicieuse avec cette fleur de sentiments si rare chez vous                              Et plus qu'
comme la rose d'Aubigné. Mais une fatalité, qui est précisément celle de l'Éducation Sentimentale et qui fait que mêlés l'un et l'autre à tant de vies balzaciennes la nôtre se contente ( Dieu merci ! ) d'être plutôt flaubertiste, a fait que j'attendais pour vous dire l'émotion que m'avaient causée vos pages de pouvoir vous annoncer que le petit instrument était en lieu sûr. Or il m'arrivait enfin mais d'un modèle extrêmement savant, muni de deux bourses d'un prix exorbitant pour la mienne, d'une forêt de poils, etc. Ce réalisme répugnant et dispendieux ne m'a pas semblé faire l'affaire. N'était-ce pas plutôt un plus idéaliste succédané que voulait la Veuve de l'homme de Dieu. La forme grossièrement imitée elle saurait mieux l'imaginer elle-même dans le plaisir offert par un instrument plus élémentaire et meilleur marché qui prétendrait plutôt à suppléer, voire à imaginer, qu'à décrire. Bref j'ai renvoyé cette pièce d'anatomie. Et l'autre, le simple, toujours annoncé qui me fit envoyer à sa recherche de jeunes cohortes dans des lieux trop bien faits pour elles, je ne l'ai pas encore reçu. Comme il eût été plus expéditif de m'offrir moi-même. " On ne bande pas tous les jours " comme me disait le duc de Castries, mais enfin j'aurais pu changer parfois les tristes vigiles de celle qu'un conte de La Fontaine avait fait soeur de charité, et dont votre poétique, habile aux transpositions nécessitées par les coutumes luthériennes, a fait la veuve d'un pasteur. J'ose espérer enfin que je lui ferai parvenir le " Bonheur des Dames " avant que vous ayez reçu ce poulet.
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            La vraie raison est que j'ai été très mal ces temps-ci, mon petit Robert, vous savez, par l'exemple de votre beau-père, ce que sont ces alternatives de mieux apparent, de mieux... pour la gloire, et de rechutes chaque fois plus profondes.
            Dîtes-moi donc une fois, à tout hasard, le nom exact et l'adresse du Docteur Tessier ( mais sans lui en parler ). Que faites-vous cet été ?
            Tout à vous


                                                                                     Marcel


                                                            ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

                                                          A Reynaldo Hahn

Afficher l'image d'origine                                                                     Le 17 ou 18 juillet 1909
                                                                                    ( in collection Kolb )
            Bonjour, Metmata.
            Bunibuls comme rien n'est plus commode et " à proximité " comme bibliothèque qu'un lit quand on ne se lève pas, je relis tout le temps " faute d'autre chose " ( non, buncht, par prédilection ) vos divins articles dont l'esprit m'enivre, la rosserie me donne des transes, et le talent une jalousie infinie mais sans aigreur.
            Buncht, étranges relations cette semaine avec " l'Elisabeth ". Je reçois l'autre jour sous une même enveloppe deux lettres. L'une du secrétaire de la dite me disant que " Madame la Comtesse a la plus profonde admiration  pour mon talent (!) et que si j'écrivais quelques lignes sur Bagatelle, les personnes qui pensent m'en auraient gré etc. L'autre lettre de l'El... me disant.que.... la même chose et d'écrire quelques lignes comme je le sens c'est-à-dire exquisement poétiques. Peu habitué aux éloges même intéressés je vous redis ceci tout au long en ajoutant même un peu. Là-dessus refus navré de moi, mais ma santé, ai refusé à d'autres personnes etc..Que croyez-vous que fait l'E. Qu'elle insiste ? Nullement. Elle comprend mes raisons et m'envoie... une vigne, une magnifique vigne d'où pendent des raisins à flots. Et me dit que si je suis encore souffrant ces jours-ci elle viendra me voir quand je voudrai que je lui dise heure et jour " espérant vous trouver à la hauteur de votre vaillance " (?) - La lettre était fort littéraire avec des mots tels que "symbole parlant ". Mais parlant de la vigne elle disait " acceptez là " avec un accent grave qui m'a paru surtout grave pour elle et qui est lui aussi " un symbole parlant "... Quant à la vigne comme ici bas les plus belles choses ont le pire destin comme dit à peu près Malherbe, je l'envoie à Marie Nordlinger. Il est probable qu'elle croirait qu'une carte postale a plus de valeur. Je voulais y joindre quelques roses pour mettre le vers de Gérard " Le pampre à la rose s'allie " mais j'ai réfléchi que celui de Mallarmé
Afficher l'image d'origine               Quand des raisins j'ai sucé la clarté                                            *
ferait autant d'effet et serait plus économique puisqu'il ne nécessite pas de roses, et que les raisins y sont.

            Genstil
            Je crains que mon roman sur le vielch Sainte-Veuve
            Ne soit pas, entre nous, très goûté chez la Beuve
Mais tant pis. Genstil vous allez me renvoyer cette lettre et n'en dire mot à qui que ce soit. J'ai beaucoup de sympathie pour l'E ( moins que pour Metmata ) de plus elle a été fort gentille et cela me ferait beaucoup de peine s'il lui revenait que j'ai fait ces plaisanteries d'autant plus que je l'ai remerciée avec prosternation. Or la Winaretta trouverait cette histoire sur " la vigne " tout à fait dans sa voix et la répéterait, la nouvelle marquise de Ripon à qui j'ai envoyé des livres mais je ne lui écris pas car je ne sais que lui dire, qui déteste l'E et aime Montesquiou maintenant la lui narrerait et dans les cinq minutes l'E serait avertie car Montesquiou maintenant quand quelqu'un laisse échapper un mot contre une autre personne le lui écrit instantanément. Donc mystère, Je m'épanche avec vous comme avec Maman. Mais elle ne racontait rien.
            Je ne ferai plus demander de nouvelles de Madrazo puisqu'il sort. Mais dîtes à votre soeur, à lui et à Coco que je faisais demander chez vous
           
* perso.numericable.fr        
            

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