16 Août 1664
Réveillé ce matin, vers 2 heures, par le fracas du tonnerre, qui dura une heure avec des éclairs si continuels, non pas des éclairs, mais des flammes, que le ciel et l'air en étaient tout embrasés. Ceci durant un fort long moment, sans qu'il y eût une minute d'écart entre de nouvelles flammes pendant tout ce temps. Une chose comme je n'en vis jamais, ni n'eusse pu croire qu'il en existât dans la nature. Et comme cela me mettait en grand émoi, je ne pus dormir que ce ne fût terminé, c'était de plus accompagné d'un déluge de pluie comme de ma vie je n'en entendis jamais. Je m'attendais à trouver, le matin ma maison inondée, la pluie faisant irruption et à ce que de grands dégâts eussent été causés inévitablement dans la Cité par la foudre. Mais je ne trouvai pas une goutte de pluie dans ma maison ni n'entendis parler de dégâts. Mais il paraît que le même orage a parcouru tous les comtés des alentours, dans tous les sens. Sir William Batten ne tarissait pas sur sa violence à Epsom.
Levé et toute la matinée au bureau. A midi à la Bourse occupé par une affaire ou une autre, puis rentré dîner et à mon bureau tout l'après-midi, très affairé, puis bientôt souper et encore un moment à mon bureau à rassembler des observations dans le livre du Dr Power sur les microscopes. Rentré chez moi et, au lit. Grande tempête de vent ce soir.
Nous avons appris aujourd'hui que milady Penn a débarqué et vient ici, de sorte que j'espère que cette famille sera mieux réglée et mieux tenue que par le passé.
17 août
Levé. Etant allé voir sir William Batten pour lui parler affaires, il me donna trois bouteilles de son eau d'Epsom ( nte de l'éd. : contient surtout du sulfate de magnésie ), que je bus, et cela me fit grand bien et me fit aller maintes fois à la selle. Je m'en trouvai fort rafraîchi et revigoré.
Allé à la vieille maison de mon père, qui est celle de Mr Honywood, mais il était sorti. Je demeurai à causer avec son valet, Herbert. Il me dit que Langford et sa femme sont gens fort mal embouchés et parlent très mal de mon père qu'ils traitent de vieux coquin parce qu'il marchanda durement avec Langford, alors que ce coquin n'était pas obligé de lui acheter quoi que ce fût. De sorte que je suis bien résolu, il n'aura plus jamais de mon argent. Mais je suis contrarié que l'on dise de mon père qu'il s'enfonce lui-même dans les dettes. Mais j'y mettrai bon ordre, quoi qu'il en advienne.
Puis chez milord Crew où je reste avec lui un long moment. Avant le dîner causé de la guerre contre les Hollandais, et constaté qu'il craint fort que nous n'y entrions sans l'argent et le consentement attendus du Parlement ni les raisons qu'il sied d'avoir pour toute guerre.
Dîné avec lui et causé ensuite avec sir Thomas Crew. Il me dit que Mr Edward Montagu est à jamais en disgrâce et maintenant tout à fait brouillé de nouveau avec son père, à qui il a voulu faire croire qu'il quittait Londres, non pas qu'il fût chassé de la Cour, mais parce qu'il avait permission de s'absenter pendant un mois, mais maintenant il a découvert la vérité.
Puis chez milady Sandwich où, comme convenu, ma femme a dîné. Après avoir causé avec elle, j'emmène ma femme chez Mrs Pearse, l'y laissai et m'en fus chez le capitaine Cooke, mais il n'était pas chez lui, mais je parlai là à mon petit laquais Tom Edwards et ordonnai d'aller voir Mr Townhend, rencontré le matin, afin qu'on lui prît ses mesures pour les vêtements qu'on va lui faire là à la Garde-Robe. Il en sera ainsi fait et puis je crois qu'il viendra chez moi.
Allé à Whitehall, après une longue attente il n'y eut pas de commission des pêcheries, comme il était prévu. Je m'y promenai longuement avec Mr Pearse qui me dit que le roi soupe encore tous les soirs avec milady Castlemaine qui, croit-il, a récemment fait passer un gros ventre car, après avoir été très grosse elle est redevenue mince.
Allé chez Mrs Pearse et, avec elle et ma femme, partis voir Mrs Clarke. Nous discutons fort gaiement de la dernière pièce sur Henry V, qu'ils jugent être la meilleure jamais écrite. Mais ils conviennent avec moi que la manière dont Tudor est éconduit est un grand défaut de la pièce. Le docteur me plaît fort, car c'est le seul homme que je connaisse de qui j'aimerais apprendre à bien prononcer, ce qu'il fait mieux que personne.
Rentré chez moi et tard au bureau, puis souper et, au lit.
Milady Penn est arrivée ce soir aux appartements de sir William.
18 août
Trop longue grasse matinée, jusqu'à 8 heures. Puis Mr Reeve vint, il m'apporta une ancre et une très belle pierre d'aimant. Il aurait voulu que je la lui achetasse et c'est une très bonne pierre, mais quand il vit que je n'en voulais point, il dit qu'il me la laisserait en dépôt pour la vendre. Tantôt il en vient à me dire qu'il avait présentement besoin de 6 £ pour parfaire une somme et qu'il me paierait dans un jour ou deux. Mais, pour une fois, j'eus l'esprit de refuser et nous nous quittâmes donc, et je m'en fus au bureau où réunion toute la matinée.
Dîné seul chez moi, ma femme allant aujourd'hui dîner avec Mrs Pearse, et avec aussi Mrs Clark
voir une nouvelle pièce,
Le Secret de Coeur. civipain.hypotheses.org Occupé tout l'après-midi, vers le soir à Westminster et un moment dans la Grand-Salle, puis chez mon barbier, désireux d'une occasion de parler à Jane, mais ne l'eus pas. Donc chez Mrs Pearse qui était rentrée et avec Mrs Clarke occupée à jouer aux cartes, ma femme étant repartie à la maison, je rentrai aussi, passant par la Garde-Robe, chemin faisant, et je rencontrai Mr Townshend, Mr Moore et d'autres à la taverne voisine. J'allai à eux et je parlai à Mr Townshend des vêtements de mon petit valet qui, me dit-il, seront bientôt prêts. Et alors, j'espère que je serai bien établi, avec quelqu'un à la maison qui sache la musique.
Rentré souper, puis un moment au bureau, puis chez moi et, au lit. Ma femme dit que la pièce qu'elle a vue est la plus mauvaise qu'elle ait vue de sa vie.
19 août
Levé et au bureau où avec Mr Coventry et sir William Penn fus en réunion toute la matinée pour louer des navires pour aller en Guinée, où nous croyons que commencera la guerre contre la Hollande.
A midi dîné à la maison. Ensuite, ma femme et moi, chez sir William Penn afin de rendre visite à milady pour la première fois. C'est une vieille Hollandaise, avenante, petite et grosse, mais assez belle autrefois, et aujourd'hui fort avisée et, je crois, a d'avantage d'esprit que son mari. Nous restâmes causer un long moment, et dès la première visite la vieille dame me plut beaucoup.
Repartis à la maison, et je vais au bureau, ma femme allant voir ma tante Wight, fraîchement arrivée en ville.
Creed vint et lui et moi sortîmes pour, entre autres, m'enquérir de quelqu'un qui me ferait un coffret pour garder la pierre que l'on m'a enlevée, et lui pour acheter l'Histoire de Daniel, ce qu'il fit, mais moi je ne trouvai pas ce que je voulais.
Nous nous séparâmes à Ludgate Hill, et je rentrai chez moi et au bureau occupé jusque au souper d'un bon plat de beignets que j'avais demandés et qui étaient tout à fait à mon goût, puis encore un moment au bureau, rentré chez moi et, au lit.
Certains doutent de la victoire de l'Empereur sur le Turc, mais la plupart conviennent qu'elle fut moindre, quoique grande, qu'il n'avait été dit, à savoir 80 000 hommes tués ou faits prisonniers dans le camp turc. ( nte de l'éd. Erreur semble-t-il : Pertes turques 6 000 ou 8 000 hommes dirent les journaux mais sans doute 16 000 )
20 août
Levé et au bureau un moment. Mais aujourd'hui le Parlement ne siégeant que pour être ajourné jusqu'en novembre, nous n'eûmes pas de réunion. Je sortis donc commander que l'on me fît un coffret où garder ma pierre, ce qui me coûta 25 shillings. Et je m'en fus à pied vers Cheapside pour voir les effets d'un incendie qui s'est déclaré là ce matin à 4 heures. Je découvre que c'est la maison de ce Mr Bois qui épousa la nièce du Dr Fuller. Ils sont tous les deux hors de la ville, n'ayant laissé qu'une servante et un domestique. Cela a commencé dans leur maison et beaucoup a brûlé, maintes maisons derrière mais aucune devant, ceci dans ce grand amas uniforme de bâtiments au beau milieu de Cheapside. J'en suis fort chagriné pour le docteur. Allé à la Bourse puis rentré dîner. Ensuite chez sir William Batten. Arrive le shérif, sir Richard Ford qui est resté tout le temps auprès de cet incendie. Sur ma demande il me dit que lui et le maire étaient sur place, comme il est de leur devoir, non seulement pour veiller à l'ordre public, mais parce qu'ils ont le pouvoir de faire abattre une maison ou plusieurs pour préserver la Cité entière.
Tantôt entre le crieur public de la Cité pour lui parler, et quand il fut parti, il dit,
" - Vous pouvez voir par l'exemple de cet homme comment est constituée la magistrature de notre cité. Ce qu'est la charge de ce garçon, s'il m'est fidèle, j'ose lui donner 1 000 £ de profit chaque année et j'en attends 500 £ de plus pour moi. Alors que, dit-il, je suis, moi, obligé de dépenser plusieurs fois autant. "
Tantôt arrive Mr Coventry. Ainsi nous nous réunîmes au bureau pour louer des navires pour la Guinée et, cela fait, nous levâmes la séance. Je me rends chez sir William Batten discuter avec Mrs Falconer, qui a vu sir William Penn ce soir, après que Mr Coventry lui a promis la moitié de ce que William Bodham lui avait donné pour cette place. Mais sir William Penn, quoiqu'il sache cela et que Mr Bodham a dit que cette place lui a coûté 100 £ et lui en coûterait 100 de plus, est cependant si irrité contre la pauvre femme qu'il ne veut pas entendre parler de lui donner un liard, mais ce dont il veut qu'on lui parle, semble-t-il, c'est d'un legs où il s'attend que Mr Falconer ait mis une rente viagère pour sa fille. Et il craint que cela ne soit pas fait. Il a dit à Mrs Falconer qu'il s'en apercevrait et qu'il saurait ce qui s'y trouve fait quoi qu'elle en ait. Alors que la malheureuse ne saurait l'empêcher de le savoir. Mr Coventry est au courant de cette affaire de legs et, je crois, en pense autant de bien que moi. Mais la pauvre femme est rentrée chez elle sans autre espoir que dans la générosité de Mr Coventry.
Retourné au bureau écrire maintes lettres, puis souper et, au lit.
21 août 1664
Jour du Seigneur
Réveillé vers 4 heures par ma femme qui a un relâchement du ventre, et des gens qui viennent plusieurs fois dans la cour tirer de l'eau à la pompe, de sorte que la crainte de l'incendie d'aujourd'hui m'effraya. Appelai Bess et l'envoyai voir et c'était la servante de Griffith qui prenait de l'eau pour laver sa maison. Me rendormis puis restai à causer jusqu'à 9 heures. Levé, bus trois bouteilles d'eau d'Epsom qui me firent grand bien.
Toute la matinée et une grande partie de l'après-midi mis des papiers en ordre dans mon cabinet et encore le soir jusqu'à la nuit dans mon bureau où je renouvelle et recopie mes vœux. Rentré souper, prières et, au lit.
Mr Coventry nous dit hier que le Duc était allé se coucher avec un accès de fièvre. Nous avons donc, ce soir, envoyé prendre de ses nouvelles.
Levé et sorti, à ma grande satisfaction, faire maintes courses qui étaient comme un fardeau sur mon esprit et sur ma mémoire. Rentré dîner puis à Whitehall, déposant ma femme chez son père, et j'allai à la commission de Tanger où je réglai plusieurs affaires à mon gré et avec l'espoir de gagner quelque chose. Puis à la Grand-Salle où, comme convenu je rencontrai le docteur ( nte de l'éd. Docteur Thomas Pepys cousin avait prêté 30£ au frère de Samuel. Reste à rembourser 8 £ ) Tom Pepys, mais évitai toute dispute avec lui, quoi que j'en aie. Lui, vieux fat radoteur dit qu'il ne pouvait qu'exiger son argent, qu'il se ferait rendre justice, qu'il fallait oublier toute colère et autres calembredaines, rien qui me plût. La seule satisfaction que j'en obtins fut qu'il me dit qu'un an ou deux avant la dernière foire de Sturbridge il alla à Brampton et que mon père lui dit que ce qu'il avait fait pour mon frère en lui cédant son fonds et en l'établissant comme il l'avait fait était à condition qu'il donnât à mon frère John 20 £ par an. Ce dont il blâme mon père, me dit-il en réponse, comme d'une grande dureté qu'il attende cela de quelqu'un qui avait un frère comme moi, capable de le faire à sa place.
Voilà tout ce qu'il prétend pouvoir dire de la reconnaissance par mon père de ce qu'il avait cédé son fonds à Tom. Il dit que son frère Roger est prêt à affirmer sous serment que mon père l'avait remercié de ses conseils pour céder son fonds à Tom et pour l'établir comme il l'a fait. Mais le début de tout ceci, il n'en parla point d'un ton tout à fait aussi désagréable ni en étant aussi sûr de ce qu'il pouvait en dire.
Nous nous rendîmes à pied tous les deux chez ma cousine Joyce où ma femme m'attendait, puis elle et moi rentrés en voiture. A mon bureau, puis souper et, au lit.
23 août
Grasse matinée à causer avec ma femme et irrité un moment parce qu'elle demande tout à coup à avoir une servante française. Ce que je crus venir de ce qu'elle était restée la journée d'hier avec sa mère. Mais cela passa et bientôt réconciliés. Pourvu qu'elle ait les qualités qu'il faut, peu m'importe qu'elle soit française ou non, si elle est protestante. A midi au bureau et à la Bourse, très affairé à trouver des navires pour la Guinée et pour Tanger.
Rentré dîner, puis sorti tout l'après-midi faire plusieurs couses pour tenir ma promesse d'en finir avec maintes affaires avant la Saint-Barthélémy dans deux jours. J'allai, en particulier, au Nouveau Bridewell en me rendant chez Mr Cole et je vis le nouvel atelier modèle, très beau, plusieurs prisonniers au travail. Entre autres une jolie putain amenée là hier soir et qui est fort paresseuse au travail. Je leur donnai 6 pence pour boire et partis pour Gray's Inn, mais je manquai Mr Cole, et repris donc le chemin de mon domicile, m'arrêtant chez Harman pour commander quelques chaises pour une pièce. Rentré chez moi, et tard au travail, puis souper et, au lit.
La flotte hollandaise des Indes orientales est maintenant rentrée au port, ce dont nous sommes fort marris. Nos deux flottes appareillent en hâte pour la Guinée.
24 août
Levé à 6 heures et à mon bureau avec Tom Hayter expédier en hâte le travail. A 9 heures à Whitehall, un Conseil, pour l'affaire de Mr Maes, encore en mauvaise passe. Allé à Gray's Inn mais manqué Mr Cole, l'homme de loi, et rentré à pied en m'arrêtant chez Wood Street pour acheter une table. M'enquis en plusieurs endroits, mais n'achetai point avant de rentrer chez moi et de voir où elle devra être posée pour juger de sa taille.
Après la Bourse et un bon dîner, puis à Whitehall pour la commission des Pêcheries, où milord Craven et Mr Gray fort opposés à ce que Mr Creed soit nommé secrétaire conjointement avec Mr Duke.
Cependant, je fis en sorte que l'affaire soit remise à plus tard, quand le duc d'York serait présent, on leva donc la séance sans avoir rien fait.
Rentré chez moi à pied passant d'abord à la Garde-Robe où je vis un costume fait pour mon petit valet et du linge. Je crois qu'il sera à moi à la fin de cette semaine. Rentré chez moi, Mr Creed m'accompagnant sur la plus grande partie du trajet et me demandant conseil sur ce qu'il devait faire dans son cas, afin d'être notre secrétaire conjointement avec Mr Duke, conseil que je lui donnai du mieux que je pus. A la maison et à mon bureau fort affairé, puis à la maison, souper et, au lit.
25 août
Levé et au bureau. Après avoir parlé à Langford, mon tailleur venu me voir pour quelque travail, le priant de me dire s'il était au courant de dettes personnelles contractées par mon père dans la Cité.
Il me répond que non, aucune. Je le fis à dessein, pour l'éprouver, à cause de la manière que lui et sa femme ont parlé de lui, comme Herbert me le rapporta l'autre jour. Je le priai, de plus, s'il avait vent d'aucune dette semblable, d'inviter les créanciers à venir me voir et que je les paierais, car je ne voudrais pas, parce qu'il ne paie pas les dettes de mon frère, que l'on crût pour autant qu'il refuse de payer les siennes.
Toute la matinée occupé au bureau. A midi à la Bourse, m'efforçant, entre autres, de gagner quelque peu à la location d'un navire pour Tanger. Rentré dîner, et après Mr Cooke vient me voir. Il est vrai qu'il me rendit service quand j'étais en mer en portant des messages que, du navire, j'envoyais à ma femme, mais je l'ai servi, moi aussi, et par conséquent, me soucie peu de lui faire des compliments ou de m'inquiéter qu'il croie que je manque d'égards pour lui, ce qui est vrai, à cause de sa sottise dans l'affaire de la maîtresse de mon frère Tom.
Après dîner et une conversation avec lui, je vais à mon bureau. Occupé jusqu'à ce que Jack Noble vienne me dire qu'il avait fait mettre Cave en prison et qu'il nous donnerait, à moi et à mon père, de bonnes garanties que ni nous ni personne d'autre de la famille n’aunait de soucis à cause de l'enfant, car il pouvait prouver que Cave avait reçu toute satisfaction, et qu'au pire l'enfant serait à la charge de la paroisse. Que Cave avait apporté l'enfant chez lui, mais qu'on l'avait fait remporter, sur quoi il avait fait mettre Cave en prison.
Quand il vit que je ne voulais pas payer ni ne me souciais d'obtenir une garantie au sujet de l'enfant, alors il me dit qu'il devrait en appeler aux tribunaux, non pas lui-même, mais qu'il témoignerait pour Cave contre nous. J'aurais pu lui répondre qu'il pouvait témoigner que Cave avait eu satisfaction, sinon aucun argent ne lui était dû. Mais je m'abstins de discours de cette sorte et me contentai de le faire causer le plus possible. Je me rends compte que c'est un coquin qui s'est informé de tout et a pris conseil du docteur Pepys. Et qu'il croit; comme le lui a dit le docteur, que mon père, s'il le pouvait, ne paierait pas un liard des dettes. Néanmoins, je le fis avouer que de toute sa vie il n'avait jamais vu que l'on demandât de l'argent deux fois, que dis-je ? une fois à mon père, pendant tout le temps qu'il vécut chez lui. Et que, pour ce qui est de ses propres dettes, il croyait qu'il agirait encore de la sorte, mais qu'il voulait dire seulement celles de Tom.
Il dit alors que Randall, sa femme et la sage-femme pouvaient prouver de la bouche de mon frère que l'enfant était de lui et que Tom leur avait dit en quel temps, le 5 novembre au soir, il l'avait engendrée.
Je lui offris de le payer s'il offrait une garantie que mon père ne serait pas forcé de payer à nouveau, ce que d'abord il voulut bien faire, donner sa garantie et, quand je lui demandai de m'en donner d'autres que la sienne, il répondit que oui certes, d'hommes riches, qui paient les subsides. Mais lorsque tantôt nous vînmes à en reparler, il ne voulut plus le faire, mais dit qu'il agirait à sa guise, se joindrait à Cave et le ferait relâcher. Et ainsi nous prîmes congé.
Cependant, j'en fus fâché, de sorte que je n'y pus tenir, pris une voiture pour aller en parler avec Mr Cole, mais ne le trouvai point chez lui, m'en retournai, achetant une table sur mon chemin, et restai tard à mon bureau, puis à la maison, souper et, au lit, l'esprit troublé par cette coquinerie. Pour tout le reste en paix, Dieu merci.
26 août
Levé à 5 heures, ce qui ne m'est pas arrivé de longtemps, et descendu par le fleuve à Deptford où pris Mr Pumpfield, le cordier, et jusqu'à Woolwich pour voir les cordages de Clothier, que je jugeai mauvais et j'en arrêtai la réception. Allé à la corderie et, entre autres choses, devisai avec Mrs Falconer. Elle me dit qu'elle a trouvé le papier et que la fille de sir William Penn n'y est mentionné pour aucun legs viager comme il l'attendait. J'en suis fort aise.
Allé au chantier où vis le nouveau navire très avancé puis, par le fleuve, à Deptford un moment, et à la maison. Après m'être changé, à la Bourse pour affaires, puis redescendu par le fleuve à Whitehall
m'arrêtant en chemin aux Trois Grues, une taverne pour manger un morceau de pain et de fromage. Je ne pus entrer dans le parc et dus donc me contenter de demeurer dans la galerie au-dessus de la porte pour surveiller l'entrée du parc, où le roi a, depuis peu, défendu qu'on aille, et voir arriver celui qui m'a donné rendez-vous ici. Il arriva tantôt avec la dame, et nous nous en fûmes dans Gardener's Lane. Et là, au lieu de rencontrer une femme bien faite et qui joue bien, comme on me l'avait dit, c'est le plus parfait laideron et je n'ai jamais entendu jouer de façon si exécrable, de sorte que je ne pourrais la souffrir chez moi. .
Néanmoins, elle nous emmena tantôt pour nous montrer en vérité quelques tableaux chez un certain Huysmans, peintre, hollandais, dont on dit qu'il surpasse Lely. Et il y a là, de la reine et de ses filles d'honneur, en particulier de Mrs Stewart en pourpoint de cuir comme un soldat, des portraits comme je crois n'en avoir jamais vus de meilleurs. La reine est représentée en bergère sur l'un d'eux, en sainte Catherine sur l'autre, très ressemblante, tout à fait admirables.
En vérité, je vis tout cela avec grand plaisir. Retournés à leurs appartements où je les quittai. Mais avant mon départ, cet homme dans la voiture de qui j'étais, dont je ne sais plus le nom, quoiqu'on l'appelle sir John, un paltoquet que je connais de vue depuis longtemps, mais je ne sais pourquoi, voilà qu'il eut le front de me demander de déposer de l'argent pour lui afin de renouveler le bail de sa maison. Je lui prêtai l'oreille parce que je recevais de lui un acte de courtoisie, mais je ne me dessaisirais point de mon argent.
Aujourd'hui ma femme me dit que Mr Penn, le fils de sir William, est rentré de France et vint la visiter, un garçon très élégant, devenu, dit-elle, un gentleman très accompli.
lord Crew Charles II
27 août
Levé et au bureau toute la matinée. A midi à la Bourse où je conclus presque le marché pour un navire pour Tanger. Ce qui me rapportera quelque profit du capitaine Taylor. Parti de la Bourse en compagnie de Mr Cutler et de sir William Rider pour aller chez Cutler. Très bon dîner avec deux ou trois jolies jeunes femmes de leurs parentes. Puis chez mon layetier quérir le coffret pour ma pierre. L'ai eu à ma convenance et m'a coûté 24 shillings, ce qui est une grosse somme, mais il est bien fait et à mon goût.
Après quelques autres petites courses rentré chez moi où je trouve Tom Edwards, envoyé par le capitaine Cooke, élevé à la Chapelle Royale depuis 4 ans. J'ai le dessein d'en faire un commis et, s'il est méritant, de le traiter généreusement. Passé une partie de l'après-midi à mettre sa chambre en ordre, puis au bureau en le laissant à la maison.
Tard le soir, après avoir terminé tout mon travail, je fis venir Will et lui dis pourquoi je prenais un petit valet, que c'est une nécessité, que ce n'est pas par manque d'égards envers lui et que cela ne lui nuirait pas. Puis nous causâmes de la fille de son propriétaire pour qu'elle vienne auprès de ma femme, et je crois que cela se fera. Rentré à la maison et je trouve mon valet qui, tel un véritable écolier, parle à tort et à travers, mais pour le moment cela nous divertit et dans quelque temps cela lui passera. L'envoyai au lit puisqu'il me dit qu'il avait accoutumée d'y aller à 8 heures. Puis tout le monde au lit et je suis assez satisfait du choix de mon petit valet.
La nouvelle de ce jour est que les Hollandais croisent devant Ostende avec une flotte de guerre de 22 voiles, ce qui nous donne quelque crainte. Milord Sandwich est revenu aux Downs avec seulement 8 voiles, ce qui est ou pourrait être une proie facile pour les Hollandais, s'ils connaissaient notre faiblesse et notre incapacité à mettre davantage en lice rapidement.
28 août
Jour du Seigneur
Levé et à l'église seul avec mon petit laquais, la première fois que j'ai quelqu'un pour m'accompagner à l'église. Rentré dîner et rencontré Creed qui dîna avec moi et tous les deux fort gais, car il a tant de savoir et de jugement que cela ne saurait que me plaire. Après dîner l'emmenai à l'église, à notre banc, mais dormis pendant la plus grande partie du sermon qui était fort sot. Puis, lui et moi, promenade vers la Bourse, un moment, à deviser plaisamment de choses et d'autres, et à la maison où arrivent mon oncle Wight et ma tante qui soupèrent avec nous, fort gaiement. Et Creed coucha chez nous. Au lit donc, très égayés de penser que Mr Hollier, qui est venu me voir ce soir, n'a d'autre soin que de prouver que Rome est l'Antéchrist.
29 août 1664
Levé de bonne heure dans le dessein de travailler à mon bureau à 5 heures. Mais en sortant rencontré à ma porte Mr Hughes venu me parler d'affaires du bureau. Il me dit qu'en venant ce matin de Deptford il a laissé le chantier royal en flammes. Je pris aussitôt un bateau pour y descendre et, grâce à Dieu je trouvai l'incendie éteint, mais s'il y avait eu du vent, tous nos magasins eussent brûlé, ce qui est une pensée très éprouvante.
Mais laissant tout en bon ordre, je reviens chez moi et je ressors pour faire maintes courses. Mr Creed sort également et ma femme chez sa mère. Creed et moi nous retrouvâmes chez milady Sandwich pour dîner, mais milady est redevenue, je crois, aussi belle qu'elle fut jamais. Et je ne connais pas au monde de femme si bonne et si avisée.
Après dîner un moment à Westminster chez Jervas. Puis, faisant maintes courses en chemin, courses nécessaires, je rentre à la maison. Arrive, avec sa mère, la jeune fille que notre Will recommande à ma femme. Elle me plaît bien et, je crois, nous donnera satisfaction. Ma femme se mit d'accord avec elle, et elle viendra la semaine prochaine, ce qui me convient tout à fait, car j'espère qu'alors nous serons tout à fait établis.
Mais il faut me souvenir que jamais, depuis que je suis maître de maison, je n'ai vécu si bien en paix, sans presque de bruit, ni de paroles de colère, que depuis que mes servantes d'à présent, Bess, Jane et Susan sont ensemble. Maintenant que je viens de prendre un petit laquais et que je prends une dame de compagnie, je prie Dieu que nous ne nous en trouvions pas plus mal, mais j'y veillerai.
Après un moment à mon bureau, à la maison, souper et, au lit.
30 août
Levé, au bureau longue réunion. A midi dîner à la maison. Ensuite arriva Mr Penn et resta une heure à causer. Je vois bien qu'il a acquis quelque savoir, mais beaucoup, si non trop, de la façon prétentieuse dont s'habillent les Français et de leur manière affectée de parler et de marcher. Je crains que le profit réel qu'il aura tiré de ses voyages ne soit fort mince. Lui parti je vais à mon bureau. Très occupé jusque tard dans la soirée, puis à la maison, souper et, au lit.
31 août
Levé à 5 heures et à mon bureau où Thomas Hayer et Will me rejoignent et nous expédions beaucoup de mon travail de mise en ordre de mes papiers et de mes livres, pour lequel j'avais du retard.
Toute la matinée fort occupé à mon bureau. A midi rentré dîner et ma femme m'a procuré d'assez bonnes huîtres, ce qui est très tôt, le plus tôt dans la saison que j'en ai jamais mangé, je crois. Après dîner je monte écouter mon petit valet jouer d'un luth que j'ai emprunté aujourd'hui à Mr Hunt, et en vérité, ce garçon aurait besoin de peu de pratique pour très bien jouer, ce dont je suis bien aise. En voiture à la commission de Tanger où j'ai une autre petite affaire qui peut me rapporter un petit quelque chose. Ne suis pas resté longtemps, rentré à la maison et à mon bureau très tard à faire mes comptes du mois. Béni soit Dieu ! Je me vois possesseur de 1 020 £. Ce qui est le plus que j'aie jamais eu.
Le prince Rupert, à ce que j'entends dire aujourd'hui, doit prendre le commandement de cette flotte qui part pour la Guinée contre les Hollandais. Je crains bien que peu de gens ne s'en réjouissent, car il a la réputation d'être malchanceux. Mon esprit en repos, si ce n'est que les ennuis de mon père avec le docteur Pepys, et en général avec les créanciers de mon frère Tom me chagrinent.
J'ai un nouveau valet qui s'entend en musique, puisqu'il me vient de la Chapelle Royale, et j'espère qu'il se montrera bon serviteur. Et ma femme et moi sommes sur le point d'avoir une dame de compagnie, dont, pour lui plaire, je veux bien à nouveau hasarder la dépense. C'est quelqu'un que nous a trouvé notre Will, qui s'entend un peu en musique et, je le crois, nous donnera satisfaction, si ce n'est que sa famille habite trop près.
Assez bonne santé depuis que j'ai renoncé à porter un manteau à la maison toute la journée pour ensuite sortir avec les jambes au froid, ce qui m'occasionnait des douleurs journalières.
à suivre..........
1er Septembre 1664
Triste nuit pluvieuse..............