mardi 22 janvier 2013

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 9 journal Samuel Pepys ( Grande Bretagne )





                                                                                      

                                                                                                             12 février 1660

            Ce matin,  jour du Seigneur,  Mr Pearse vint me demander  où les choses en étaient.    hogarth
Après le mariage, la lune de miel, 1745, William Hogarth, Londres, National GalleryNous bûmes notre bière matinale ensemble et de là à Whitehall où le Dr Holmes prêchait ; mais je ne restai    pas l'écouter ; je me promenai dans la cour du palais et j'appris que sir  Arthur Helsirige venait d'aller voir Monck dans la Cité et que la femme de Monck avait quitté Whitehall la nuit dernière. A la maison à nouveau, où à midi sur mon invitation, mon cousin Thomas Pepys et sa partenaire vinrent dîner avec moi ; avant le dîner, nous allâmes faire une marche dans le parc car il faisait un temps des plus plaisants.  Après dîner nous nous rendîmes tous trois à Londres où j'appris que Monck s'était rendu à Saint Paul ce matin et que le peuple l'avait beaucoup acclamé à sa  sortie de l'église.  Dans l'après-midi, il est allé dans  une église dans Broadstreet, près d 'où il loge. Mais ne sachant  comment le voir, nous allâmes marcher dans Moorfields, où il y avait foule tellement il faisait beau. Je les y quittai pour me rendre à Saint-Paul ; je rencontrai l'apprenti de Mr Kirton, celui qui est difforme et je marchai avec lui pendant deux heures, en cherchant de temps à autre une taverne pour boire un verre, mais nous n'en trouvâmes aucune qui fût ouverte et nous n'osâmes pas frapper ; nous revînmes donc dans l'enclos de Saint-Paul, où il me dit qu'il avait vu la version imprimée de la lettre. De là,  chez Mrs Turner où je trouvai ma femme, ainsi que Mr Edward Pepys, Roger et Mr Armiger ; je leur fis un récit des événements aussi fidèle que possible.  Puis je me rendis chez mon père, où Charles Glascock ne cachait pas sa joie de la situation actuelle ; il me raconta que la nuit dernière la foule avait cassé les vitres de Barbone. Puis, à la maison ; en arrivant près de chez nous nous n'avons plus retrouver notre servante : me demandai où elle avait bien pu passer et nous rebroussâmes un grand bout de chemin pour la chercher ; ne la trouvant pas nous regagnâmes la maison où nous découvrîmes qu'elle nous attendait, ce qui nous surprit beaucoup. Au lit, où ma femme et moi nous sommes querellés à propos du chien que son frère lui a donné, car je lui ai annoncé mon intention de le jeter par la fenêtre s'il continue à pisser dans la maison.




                                                                                                  13 février 1660

Les Chambres du Parlement à Londres           Au bureau jusqu'à midi ; de là à la maison pour dîner, car le bouton que j'ai dans la bouche me fait mal et ma jambe gauche recommence à me faire souffrir. Après dîner j'allai voir Mrs Jemima, et en chemin je rencontrai Catau qui marchait dans la rue et je bavardai un peu avec elle.  Ensuite à la maison, puis j'emmenai ma femme chez mon père. En chemin j'allai chez Playford, contre deux ouvrages que j'avais, plus 6 shillings et 6 pence, j'achetai mon grand livre de chansons, qu'il continue à vendre pour quatorze shillings.. Je restai un moment chez mon père, tandis que ma mère envoyait sa servante, Bess, à Cheapside chercher des simples pour me faire une décoction pour soigner ma bouche. Puis voir Mr Cumberland ; après être resté un moment avec lui, je revins chez mon père et ramenai ma femme à la maison. Après souper, au lit.
            Aujourd'hui Monck a été invité à dîner à Whitehall par milord ; il ne semblait pas très désireux de s' y rendre,  et il a décline l'invitation.  De chez mon père j'allai voir Mr Fage, qui était cet après-midi avec Monck ; ce dernier a promis de vivre et de mourir  avec la Cité et défendre l'honneur de la Cité. En vérité, la Cité est très généreuse envers les soldats, au point qu'ils sont ivres toute  la journée, et ils reçoivent de l'argent. Il m'a donné un remède pour soigner ma bouche et je l'ai appliqué ce soir.



                                                                                                       14 février 1660
                                                                                                                  cathédrale saint-paul
La façade Sud de la Cathédrale St. Paul a Londres            Mr Moore vint me chercher ce matin chez moi ( ma femme l'entendant parler dans mon antichambre avec moi, se prépara, descendit et le choisit comme Valentin, puisque c'est aujourd'hui le jour ) pour aller au palais de Westminster, car il s'y fait de nombreuses nouvelles remontrances et déclarations émanant de nombreux comtés, et adressés à Monck et à la Cité ; l'une d'elles vient du Nord envoyée par sir Thomas Fairfax. De là je l'emmenai au Cygne et lui offris sa bière du matin. Puis au bureau  où Mr Hill du comté de Worcester vint nous voir moi et mon collègue, à notre bureau ; nous allâmes prendre un verre avec lui chez Will. A midi je passai à la maison puis chez Mr Crew : mais ils avaient dîné ; j'allai chez Mrs Jemima où je restai un moment,  puis retour à la maison, où je restai une heure ou  deux ( à jouer du luth ), avant de repartir pour le palais de Westminster, où j'appris que le Parlement a désormais commuer le serment tant discuté en une simple promesse ; et que l'un des critères requis des candidats à la députation est qu' un homme, ou le fils d'un homme qui a pris les armes contre le Parlement du vivant de son père ne pourra se présenter comme  candidat au Parlement. Chez Will, où je restai comme un benêt et  où je perdis 6 pence aux cartes. Rentrai ensuite à la maison écrire une lettre à milord par la poste ; puis après souper, au lit.
            Aujourd'hui,  par ordre de la Chambre, sir Henry Vane  a été banni de la capitale et envoyé dans sa résidence du Lincolnshire.
                                                                 


                                                                                                          15 février 1660
                                                                                                                 le caravage
            Ce matin, le  capitaine Holland et le capitaine Cuttance vinrent me chercher et nous allâmes chez Harper ; ensuite à mon bureau ; de là,  avec Mr Hill, de Worcester, chez Will, où je lui remis une lettre à l'intention de Nan Pepys, ainsi que quelques joyeux pamphlets contre le Parlement croupion,  pour qu' il les lui  porte dans sa campagne. Ensuite chez Mr Crew ; mais, comme  la salle à manger était pleine, Mr Walgrave et moi dînâmes en bas, à la cuisine entre nous, d'un bon plat de saumon au beurre.  De là chez Hering le marchand pour m'occuper de l'argent de milord dans le comté de Worcester, puis retour à l'enclos de Saint-Paul, où je restai lire des passages de l'histoire de l'Église d'Angleterre de Fuller pendant une heure ou deux. Ensuite chez mon père, où Mr Hill vint me voir ; je lui donnai des instructions sur ce qu' il devait faire à Worcester quant à l'argent. Ensuite chez milady  Wright,  à qui je remis une lettre de milord.  Puis chez Mrs Jemima,  avec qui je restai à bavarder : elle a dîné chez Mr Crew aujourd'hui et m'a raconté que, au moment où elle partait, au moins 40 gentilshommes ( je présume qu'il s'agit de des députés exclus, car Mr Walgrave m'a raconté qu'environ 30 d'entre eux s'étaient réunis chez Crew hier soir ) sont arrivés l'un après l'autre. De là à la maison ; j'ai écrit à la campagne afin d'envoyer ma lettre demain par porteur ; puis au lit.
            Chez mon père,  j'ai appris que ma cousine Kate Joyce avait fait une chute de cheval hier et s'était blessée.
            Aucune nouvelle aujourd'hui ; tout est calme ; on attend ce que va faire le Parlement demain à propos des injonctions de procéder à des élections, afin de remplir la Chambre conformément aux souhaits de Monck.



                                                                                                     16 février 1660
     hogarth
            Ce matin, jouai du luth. Shaw et Hawley vinrent ensuite et je leur offris leur bière du matin à la maison. Puis au bureau où j'écrivis à milord par porteur ; je scellai ma lettre chez Will et je la confiai au vieil East pour qu' il la remette au porteur (je le chargeai aussi de porter chez moi une  boîte d'oranges de Chine et deux petits tonneaux de coquilles Saint-Jacques, que le capitaine Cuttance m'a envoyés pour milord). Chez Will je rencontrai Osborne, Show et Spicer, et nous allâmes à la taverne du Soleil dans l'espoir d'y dîner ; on ne nous servit que deux plats de viande, dont nous nous régalâmes, cependant que vinrent nous rejoindre Mr Wade et son ami le capitaine Moyses ( qui nous fit part de ses espoirs de devenir propriétaire terrien simplement à cause de son patronyme ) ; nous restâmes jusqu'à 7 heures du soir et je gagnai un quart de Xérès à Shaw en pariant que l'un des plats de viande était de l'agneau alors que lui soutenait que c'était du veau. Comme je n'avais que 3 pence en poche, je m'arrangeai pour ne pas dépenser plus, alors que si j'avais eu plus j'aurais dépensé plus, comme tous les autres le firent. De sorte que je trouve qu'il y a un avantage certain à n'avoir que peu d'argent en poche.
            A la maison ; après souper et après avoir soupé et après avoir joué un moment de mon luth, j'allai au lit.

dimanche 20 janvier 2013

C'est tout à fait sûr - Demande à la marchande d'Amager - Le lin. Hans Christian Andersen ( Nouvelles Danemark )






                                                       C'est tout à fait sûr !
           
            - C'est une histoire affreuse ! dit une poule, et ce dans la partie du village où l'histoire ne s'était pas passée. Il y a eu une histoire affreuse dans le poulailler ! Je n'ose pas dormir toute seule cette nuit ! Heureusement que nous sommes beaucoup sur le perchoir !...
            Et elle raconta des choses qui firent que les plumes des poules se dressèrent et que la crête du coq s'affaissa. C'est tout à fait sûr !
            Mais commençons par le commencement, et c'était dans l'autre partie du village, dans un poulailler. Le soleil se coucha et les poules s'envolèrent. L'une d'entre elles qui avaient des plumes blanches et était courte de pattes pondait ses oeufs réglementaires et elle était respectable à tous égards en tant que poule. En arrivant sur le perchoir elle se nettoya les plumes avec son bec, et elle perdit une petite plume.
            - Tiens, elle est partie ! dit-elle. Plus je me nettoie les plumes, plus je deviens belle !
            Et elle dit cela en plaisantant, car elle était le boute-en-train des poules, mais comme nous le savons elle était au demeurant fort respectable. Et elle s'endormit.
            Tout autour il faisait sombre. Les poules étaient côte à côte et celle qui était la plus proche d'elle ne dormit pas. Elle entendit sans entendre comme il faut le faire dans ce monde si l'on veut garder sa sérénité. Mais il fallait bien qu'elle le dise à une autre voisine :
             - As-tu entendu ce qui a été dit ? Je ne nommerai personne, mais il y a une poule qui va se plumer pour avoir l'air belle ! Si j'étais coq, je la mépriserais !
             Et juste au-dessus des poules, il y avait la chouette avec monsieur Chouette et les enfants Chouette. Ils ont l'oreille fine, dans cette famille, ils avaient entendu toutes les paroles que la poule voisine avait dites et ils roulèrent des yeux et la maman chouette battit des ailes :
            - N'écoutez surtout pas ! mais vous avez certainement entendu ce qui a été dit ? Je l'ai entendu de mes propres oreilles, et les oreilles ne m'en tombent pas si facilement ! Une des poules a si bien oublié ce qui est convenable pour une poule qu'elle s'enlève toutes les plumes et laisse le coq regarder !
            - Prenez garde aux enfants ! dit le père Chouette en français, ce n'est pas pour les enfants.
            - Je vais tout de même le raconter à la chouette d'en face ! c'est une chouette très respectable en société !
            Et la mère s'envola.
            - Hou-ou ! hou-ou !, dirent-elles toutes les deux en hululant, de façon à être entendues par les pigeons dans le pigeonnier d'en face : Avez-vous entendu ça ! avez-vous entendu ça ! hou-ou ! il y a une poule qui s'est enlevé toutes les plumes à cause du coq ! elle va mourir de froid, si ça n'est pas déjà fait, hou-ou !
            - Où ça ? où ça ? roucoulètrnt les pigeons.
            - Dans la ferme d'en face ! Je l'ai pour ainsi dit vue mi-même ! C'est presque une histoire inconvenante ! Mais c'est tout à fait sûr !
            - Croyez, croyez chacune de ces paroles ! dirent les pigeons en roucoulant en direction de leur poulailler : il y a une poule, et certains disent même qu'il y en a deux qui s'est arraché toutes les plumes pour ne pas être comme les autres et pour attirer aussi l'attention du coq. C'est un jeu hasardeux, or on peut prendre froid  et mourir de fièvre, et elles sont mortes toutes les deux !
            - Réveillez-vous ! réveillez-vous ! chanta le coq en s'envolant sur la palissade, il avait encore les yeux pleins de sommeil, mais il chantait malgré tout : " Trois poules sont mortes parce qu'elles ont été malheureuses en amour avec un coq ! elles s'étaient arraché toutes les plumes ! c'est une histoire terrible, je ne veux pas la garder pour moi, qu'on se le dise !
            - Qu'on se le dise ! continuèrent les chauves-souris, pendaient que les poules caquetaient et que le coq chantait.  Qu'on se le dise ! qu'on se le dise ! et l'histoire passa alors de poulailler en poulailler et pour finir, elle revint à l'endroit d'où elle était partie.
            - Il y a cinq poules, disait-on, qui ont toutes arraché leurs plumes pour montrer qui d'entre elles était devenue la plus maigre à la suite de son chagrin d'amour avec le coq, et puis elles sont battues jusqu'au sang à coups de bec et elles sont tombées mortes, à la grande honte de leur famille et en faisant subir une lourde perte à leur propriétaire !
            Et la poule qui avait perdu la petite plume tombée toute seule ne reconnut évidemment pas sa propre histoire, et comme c'était une poule respectable, elle dit :
            - Je méprise ces poules ! mais il y en a d'autres de la même espèce ! Il ne faut pas cacher ces choses-là, et je vais faire ce qu'il faut pour qu'on parle de cette histoire dans le journal, comme cela elle parcourra tout le pays. Ces poules l'ont bien mérité, et la famille aussi !
            Et on en parla dans le journal et cela fut imprimé et c'est tout à fait sûr : une petite plume peut fort bien se transformer en cinq poules !


                                                                                  ( 1è publication 5 avril 1852 )
           

                                                                ***************


                                                     Demande à la marchande d'Amager !

            Il y avait une très vieille carotte.
            Biscornue, bien grosse et bien lourde.
            Elle avait un courage terrible.
            Elle voulait se marier avec une jeune,
            Une ravissante jeune petite carotte
            Du sang le plus noble par ses racines.                                       
            Et les noces eurent lieu.
            Le banquet fut d'une qualité inappréciable,
            Il ne coûta pas un sou ;
            Ils léchèrent le clair de lune et burent de la rosée,
            Prirent le pollen des fleurs
            Tel qu'il arrivait des champs et des prairies.
            La vieille carotte salua en faisant la révérence,
            Et parla à n'en plus finir.
            Ses paroles gargouillaient en faisant glouglou ;
            La jeune carotte ne pipa pas un mot,
            Resta sans faire un sourire, ni pousser un soupir,
            Jeune et belle.
                               Si tu ne le crois pas
                               Demande à la marchande d'Amager !
           Une tête de chou rouge fut leur pasteur,
           Et les filles d'honneur étaient des navets ;
           Les concombres et les asperges  étaient invités d'honneur,
           Les pommes de terre chantaient en choeur.                                                
           Et petits et grands dansèrent.
           Demande à la marchande d'Amager !
           La vieille carotte sautait sans bas ni chaussures,                                     
           Ho ! hé ! Elle se fendit dans le dos,
           Et elle était morte, elle ne pouvait plus pousser.
           La jeune carotte rit.
           C'est étrange comme la chance peut tourner,
           Elle était devenue veuve, elle était joyeuse,
           Maintenant, elle pouvait vivre comme bon lui semblait,
           Pouvait, comme demoiselle, nager dans la soupière,
           Jeune et joyeuse.
                         Si tu ne le crois pas,
                         Demande à la marchande d'Amager !


                                                                                ( 1è publication 1er octobre 1871 )

                                                                 ***************


                                                                    Le lin

            Le lin était en fleur. Il a de charmantes fleurs bleues aussi douces que les ailes d'une mite, mais bien plus délicates encore... Le soleil brillait sur le lin et les nuages de pluie l'arrosaient, et cela lui faisait autant de bien que lorsqu'on lave les petits enfants et que leur maman leur donne un baiser ; cela les rend beaucoup plus charmants. Et c'est ce qui se passait avec le lin.
            " Les gens disent que j'ai une superbe allure ! dit le lin, et que mes tiges seront bien longues, il sortira une magnifique de toile de moi ! Oh! comme je suis heureux ! Je suis certainement le plus heureux de tous ! Je vais très bien, et je vais devenir quelque chose ! Comme ce soleil ragaillardit et comme cette pluie a bon goût et comme elle rafraîchit ! Rien ne manque à mon bonheur, je suis le plus heureux !
             - Oui, oui, oui ! dirent les pieux de la clôture. Vous ne connaissez pas le monde, alors que nous, nous le connaissons, nous avons des noeuds ! et ils craquèrent lamentablement :
                                                                F-i, fi, n-i, ni,
                                                                Tirez le rideau
                                                                 La chanson est finie !
            " Non, elle n'est pas finie ! dit le lin. Le soleil brillera demain, la pluie me fait tant de bien, je m'entends grandir, je sens que j'ai des fleurs ! je suis le plus heureux ! "
            Mais un jour des gens vinrent, ils saisirent le lin par le haut et l'arrachèrent avec ses racines, cela lui fit mal, et on le mit dans l'eau comme si on avait voulu le noyer, et puis il fut mis sur du feu, comme si on avait voulu le rôtir, c'était épouvantable !
            " Ça ne peut pas toujours aller bien, dit le lin, il faut passer par des épreuves, et comme ça on sait quelque chose ! "
            Mais ce fut vraiment dur. Le lin fut brisé et broyé, teillé et peigné, il ne savait même pas comment on appelait tout cela ; il fut mis sur le rouet, vroum, vroum! Il était incapable de rassembler ses idées.
            " J'ai été extrêmement heureux ! pensait-il au milieu de tous ses tourments. Il faut être content du bien qu'on a eu ! Content, content, oh !... "  Et il disait encore cela quand il fut mis sur le métier à tisser... et il devint ensuite une superbe grande pièce de toile. Tout le lin, chacun des pieds, se transforma en cette unique pièce !
            " Eh bien ! C'est extraordinaire ! Je ne l'aurais jamais cru ! Oh ! comme j'ai de la chance !Les pieux de la clôture étaient vraiment bien informés avec leur
                                                                   F-i, fi, n-i, ni,
                                                                   La chanson est finie !
            " La chanson n'est pas du tout finie ! Elle ne fait que commencer ! C'est extraordinaire ! Si j'ai souffert, je suis tout de même devenu quelque chose, je suis le plus heureux de tous!... Je suis si fort, si doux, si blanc et si long ! C'est autre chose que de n'être que des plantes, même si on porte des fleurs ! On est laissé sans soins, et on n'a de l'eau que quand il pleut. Maintenant on s'occupe de moi ! La servante me retourne tous les matins et tous les soirs, je suis inondée de pluie avec l'arrosoir ; la femme du pasteur en personne a fait un discours sur moi en disant que j'étais la plus belle pièce de la paroisse. Je ne peux pas devenir plus heureux ! "
            Et puis la toile arriva dans une maison, et elle passa sous les ciseaux. Comme on la coupa, comme on la tailla, comme on la piqua avec des aiguilles à coudre, car c'est bien ce qu'on fît : Ça n'avait rien de plaisant. Mais la toile se transforma en douze de ces vêtements dont on ne parle pas mais que tout le monde doit porter ; ils étaient au nombre de douze.
            " Eh bien ! Ce n'est que maintenant que je suis devenu quelque chose ! C'était donc à cela que j'étais destiné ! Mais c'est excellent ! Maintenant je suis utile dans le monde, et c'est cela qu'il faut, c'est cela qui fait vraiment plaisir. Nous sommes devenus douze pièces, mais nous somme malgré tout une seule et même chose, nous sommes une douzaine ! Quel bonheur extraordinaire ! "
            Et des années passèrent... et puis elle n'y tint plus.
            " Il faut bien que cela finisse un jour, dit chaque pièce, j'aimerais bien tenir encore un peu, mais il ne faut pas demander l'impossible ! " Et elles furent alors déchirées, transformées en chiffons, elles crurent que tout était définitivement terminé, car elles furent hachées et broyées et bouillies, elles ne savaient pas elle-même à quoi s'en tenir... et puis elles devinrent du beau papier blanc et fin !
            " Eh bien ! quelle surprise ! Et c'est une surprise agréable ! dit le papier. Je suis maintenant plus fin qu'avant, et on va écrire sur moi ! On va pouvoir en écrire des choses ! C'est tout de même un bonheur extraordinaire ! " Et on écrivit sur lui  les plus belles histoires, et les gens entendirent ce qui était écrit, et c'était très juste et bon, cela rendit les gens beaucoup plus sages et bien meilleurs ; c'est une grande bénédiction qui avait été donnée à ces papiers sous forme de mots.
            " C'est mieux que ce dont je rêvais quand j'étais une petite fleur bleue dans le champ  ! Comment aurais-je pu penser que j'apporterais de la joie et des connaissances aux hommes. Je ne peux pas le comprendre moi-même ! Mais il en va pourtant vraiment ainsi ! Notre-Seigneur sait que je n'ai moi-même rien fait d'autre que ce que mes faibles moyens  m'imposaient de faire pour exister. Et il me transporte ainsi de joie en joie et d'honneurs en honneurs ; à chaque fois que je pense : " La chanson est finie! ", elle se transforme justement en quelque chose de plus élevé et de meilleur  ; maintenant je vais sans doute partir en voyage, on va m'envoyer dans le monde entier, pour que tous les homme puissent me lire ! C'est ce qu'il y a de plus raisonnable ! Avant j'avais des fleurs bleues, maintenant à la place de chacune de mes fleurs, j'ai les pensées les plus belles  ! Je suis le plus heureux ! "
            Mais le papier ne partit pas en voyage, il alla chez l'imprimeur, et là,  tout ce qui avait été écrit sur lui fut imprimé et on en fit un livre, et même des centaines de livres, car cela pouvait ainsi réjouir infiniment plus de gens et leur profiter, que si le seul papier sur lequel on avait écrit avait fait le tour du monde, et avait été complètement usé à mi-chemin.
            " Oui, c'est bien ce qu'il y a de plus raisonnable ! pensa le papier sur lequel on avait écrit. Je n'y avais pas du tout pensé ! Je vais rester chez moi et on m'honorera comme un vieux grand-père ! C'est sur moi qu'on a écrit, les mots sont sortis de la plume et sont entrés directement en moi. Je reste et les livres vont courir partout ! Il va y avoir vraiment à faire, maintenant ! Oh comme je suis content, comme je suis heureux ! "
            Puis on entassa le papier et on le mit sur une étagère. " Cela fait du bien de se reposer une fois le travail accompli", dit le papier. Il est tout à fait juste de se concentrer et de réfléchir à ce qu'on a en soi. Ce n'est que maintenant que je sais vraiment ce qui est en moi ! et se connaître soi-même voilà le vrai progrès. Que va-t-il se passer maintenant, ça va avancer, ça avance toujours !... "
            Un jour, tout le papier fut mis dans la cheminée, on voulait le brûler, car on ne voulait pas qu'il soit vendu au charcutier pour emballer le beurre et le sucre en poudre. Et tous les enfants de la maison l'entouraient, ils voulaient le voir prendre feu, ils voulaient voir dans la cendre les nombreuses étincelles qui semblaient partir en courant et s'éteindre, l'une après l'autre, si rapidement... Ce sont les enfants qui vont à l'école, et la toute dernière étincelle est le maître d'école ; on croit souvent qu'il est parti, mais il arrive souvent un peu après tous les autres.
            Et tout le papier était en tas sur le feu. Oh ! comme il s'enflamma. " Oh ! " fit-il, et au même moment il se transforma en une flamme qui monta plus haut que le lin aurait jamais pu élever sa petite fleur bleue, et il brilla plus fort que la pièce de toile blanche aurait jamais pu briller ; toutes les lettres de l'alphabet qui avaient été écrites devinrent en un instant toutes rouges, et tous les mots et toutes les pensées s'évanouirent dans les flammes. 
            " Maintenant je vais monter jusqu'au soleil " entendit-on dans la flamme, et c'était comme si des milliers de voix disaient toutes la même chose, et la flamme sortit tout en haut de la cheminée... et, plus fins que la flamme, tout à fait invisibles aux yeux des hommes, de tout petits êtres flottaient, aussi nombreux que les fleurs que le lin avait eues. Ils étaient encore plus légers que la flamme qui les portait, et quand elle s'éteignit et qu'il ne resta du papier que la cendre noire, ils passèrent encore une fois en dansant au-dessus d'elle et aux endroits qu'ils touchaient on voyait les traces de leurs pas, c'étaient les étincelles rouges ! " Les enfants ont quitté l'école et le maître d'école était le dernier " ; c'était un plaisir de voir ça et les enfants de la maison chantaient devant la cendre morte :
                                                                  F-i, fi, n-i, ni,
                                                                  Tirez le rideau
                                                                   La chanson est finie !
            Mais chacun des petits êtres invisibles disait ; " La chanson n'est jamais finie ! C'est ce qu'il y a de plus beau dans tout cela ! Je le sais ! Et c'est pour cela que je suis le plus heureux ! "
            Mais cela les enfants ne pouvaient ni l'entendre, ni le comprendre, et il ne le fallait pas d'ailleurs, car les enfants ne doivent pas tout savoir.


                                                                                            ( 1è parution 3 avril 1849 )


                                                                                            Hans Christian Andersen    



           
          




vendredi 18 janvier 2013

Anecdotes et réflexions d'hier pour aujourd'hui Choses vues



         zurbaran



                                                         Choses vues*

                                                    D'après nature , Nuit du 23 au 24 février

              ...Elle avait un collier de perles fines et un châle qui était un cachemire  rouge d'une beauté étrange.  Les palmes, au lieu d'être en couleur étaient brodées en or et en argent, et trainaient sur ses talons ; de sorte qu'elle avait le charmant à son cou et l'éblouissant à ses pieds, symbole complet de cette femme qui introduisait volontiers un poète dans son alcôve et laissait un prince dans son antichambre.
            Elle entra, jeta son châle sur un canapé et vint s'asseoir à la table qui était toute servie près du feu. Un poulet froid, une salade et quelques bouteilles de vin de Champagne et de vin du Rhin.
            Elle fit asseoir son peintre à sa gauche et, me montrant une chaise à sa droite :
            - Mettez-vous là, me dit-elle, près de moi et ne me faites pas le pied ; il ne faut pas trahir ce bêta. Si vous saviez, c'est moi qui suis bête, je l'aime, vous le voyez, il est très laid.
            En parlant ainsi elle regardait Serion avec des yeux enivrés.
            - C'est vrai, reprit-elle, qu'il a du talent, un grand talent même, mais imaginez-vous qu'il m'a prise d'une drôle de façon. Depuis quelque temps je le voyais dans les coulisses rôder et je disait : " Qu'est-ce que c'est donc que ce monsieur qui est si laid ? je dis cela au prince Cafrasti, qui me l'amena un soir souper. Quand je le vis de près je dis : "C'est un singe ". Lui me regardait je ne sais pas comment. A la fin du souper je lui pressai la main en lui présentant une assiette. En prenant congé il me demanda très bas : - Quel jour voulez-vous que je revienne ?
            Je lui répondis : - Quel jour ? Ne venez pas le jour, vous êtes trop laid, venez la nuit. Il vint un soir. Je fis éteindre toutes les bougies. Il revint le lendemain et puis encore le lendemain, comme cela pendant trois nuits. Je ne savais pas ce que j'avais. Le quatrième jour je dis à ma maîtresse de piano : - Je ne sais pas ce que j'ai, il y a un homme que je ne connais pas - je ne savais pas son nom - qui vient tous les soirs. Il me prend la tête sur sa poitrine et puis me parle doucement, si doucement. Il est très pauvre, il n'a pas le sou, il a deux soeurs qui n'ont rien, il est malade, il a des palpitations. J'ai une peur de chien d'être amoureuse folle de lui. Ma maîtresse de piano me dit: - Bah ! - Le cinquième jour, il me sembla que cela s'en allait. Je dis à la maîtresse de piano - Mais c'est qu'il commence à m'ennuyer beaucoup, ce monsieur ! Elle me dit
- Bah ! - Je ne savais plus du tout où j'en étais. Monsieur, cela dure depuis trente-deux jours. Et figurez-vous que lui, il ne dort pas. Le matin je le chasse à grands coups de pied.
            - C'est rai, interrompit Serio mélancoliquement, elle rue.
            Elle se pencha vers lui et lui dit avec idolâtrie.
            - Tu es vraiment trop laid, vois-tu, pour avoir une jolie femme comme moi. Au fait Monsieur, poursuivit-elle en se tournant de mon côté, vous ne pouvez pas me juger, ma figure est une figure chiffonnée voilà tout, mais j'ai vraiment de bien jolies choses. Dis donc Serio, veux-tu que je lui montre ma gorge ?
            - Faites, dit le peintre.
            Je regardai Serio. Il était pâle. Elle de son côté écartait lentement, d'un mouvement plein de coquetterie et d'hésitation sa robe entrouverte, et en même temps interrogeait Serio avec des yeux qui l'adoraient et un sourire qui se moquait de lui :
             - Qu'est-ce que cela te fait que je lui montre ma gorge ? dis Serio. Il faut bien qu'il voie. Aussi bien je serai à lui quelqu'un de ces jours. Je vais lui montrer, veux-tu ?
             - Faites, répondit Serio.
             Sa voix était gutturale. Il était vert. Il souffrait horriblement. Elle éclata de rire.
             - Tiens, dit-elle, quand il verrait ma gorge, Serio ! Tout le monde l'a vue.                                                                                                                  alice ozy par chasseriau
             Et en même temps elle saisissait résolument sa robe des deux mains et, comme elle n'avait pas de corset, sa chemise fendue par-devant laissa voir une de ces admirables gorges que chantent les poètes et que les banquiers achètent. Danaé devait avoir cette posture et cette chemise ouverte le jour où Jupiter se métamorphosa en Rotschild pour entrer chez elle.
            Eh bien ! en ce moment-là, je ne regardai pas Zubiri. Je regardai Serio.
            Il tremblait de rage et de douleur. Tout à coup il se mit à ricaner comme un misérable qui a une agonie dans le coeur.
            - Mais regardez-la donc, me dit-il. La gorge d'une vierge et le sourire d'une fille !
            J'ai oublié de dire que pendant que tout cela se passait je ne sais lequel de nous avait découpé le poulet et nous soupions.
            Zubiri laissa sa robe se refermer et s'écria :
            - Ah ! tu sais bien que je t'aime. Ne te fâche pas. Parce que tu n'as eu jusqu'à présent que des vieilles femmes, tu n'as pas accoutumé à nous autres. Pardi ! c'est tout simple, les vieilles elles n'avaient rien à montrer. C'est vrai mon pauvre garçon, tu n'as encore eu que des vieilles femmes. Tu es si laid ! Eh bien ! qu'est-ce que tu veux qu'elles montrent, ta princesse de Belle-Joyeuse ce spectre ! ta comtesse d'Agosta, cette sorcière ! et ton grand diable de bas-bleu de quarante-cinq ans, qui a des cheveux blondasses ! Voulez-vous bien vous cacher ! A propos Monsieur, vous n'avez pas vu mes jambes.
            Et avant que Serio eût pu faire un geste, elle avait posé son talon sur la table et sa robe relevée laissait voir jusqu'à la jarretière. La plus jolie jambe du monde chaussée d'un bas de soie transparent.
            Je me tournai vers Serio. Il ne parlait plus, il ne bougeait plus. Sa tête s'était renversée sur sa chaise. Il était évanoui.
            Zubiri se leva ou plutôt se dressa debout. Son regard qui, la minute d'auparavant exprimait toutes les coquetteries, exprimait maintenant toutes les angoisses.
            - Qu'a-t-il ? cria-t-elle, eh bien es-tu bête !
            Elle se jeta sur lui, l'appela, lui frappa dans les mains, lui jeta de l'eau au visage ; en un clin d'oeil, fioles, flacons, cassolettes, élixirs, vinaigres couvrirent la table mêlé aux verres à moitié vides et au poulet à demi-mangé. Serio rouvrit lentement les yeux.
            Zubiri s'affaissa sur elle-même et s'assit sur les pieds de Serio. En même temps elle prenait les deux mains du peintre dans ses petites mains blanches et qu'on eût dit modelées par Coustou. Tout en fixant sur les paupières de Serio qui se rouvraient des yeux éperdus, elle murmurait :
Les mains - Moise Kisling            - Cette canaille ! se trouver mal parce que je montre ma jambe. Ah bien ! s'il me connaissait seulement depuis six mois, il en aurait eu des évanouissements ! Mais enfin tu n'es pas un crétin cependant. Serio ! tu sais bien que Zurbaran a fait mon portrait nue...
            - Oui, interrompit languissamment Serio. Et il a fait une grosse femme lourde, une Flamande. C'est bien mauvais.   sapajou                                                                                                              kiesling   
            - C'est un animal, reprit Zubiri. Et comme je n'avais pas d'argent pour payer le portrait, il l'offre à ce moment-ci à je ne sais plus qui, pour une pendule ! Eh bien ! tu vois bien il ne faut pas te fâcher. Qu'est-ce que c'est qu'une jambe ? D'ailleurs, il est certain que ton ami sera mon amant. Après toi, vois-tu. Oh ! en ce moment-ci, monsieur, je ne pourrais pas. Vous seriez Louis XIV que je ne pourrais pas. ON me donnerait cinquante mille francs que je ne pourrais pas tromper Serio. Tenez, j'ai le prince Cafrasti qui reviendra un de ces jours. Et puis un autre encore. Vous savez, on a toujours un fonds de commerce. Et puis il y a des gens qui ont envie de moi. Il y a toujours des curieux qui ont de l'argent et qui disent : " Tiens, je voudrais bien passer une nuit avec cette créature, avec cette fille, avec ces yeux, avec ces épaules, avec cette effronterie, avec ce cynisme. Ça doit être drôle de voir de près cette Zubiri-là. Eh bien ! personne ! je ne veux de personne ! Je suis accoutumée à Cafrasti. Monsieur ; quand Cafrasti reviendra je ne pourrai pas le supporter plus de dix minutes. S'il reste un quart d'heure, je le tue, voilà où j'en suis. J'adore celui-là. Est-il canaille de s'être trouvé mal et de m'avoir fait peur comme cela. J'aurais dû réveiller Coelina. Ma femme de chambre s'appelle Coelina. Une femme du monde l'aurait réveillée, mais nous autres filles, nous les laissons dormir ces filles. Nous sommes bonnes, n'ayant rien autre chose. Ah ! voilà qu'il se remet tout à fait. O mon vieux pauvre ! si tu savais comme je t'aime ! Monsieur, il me réveille toutes les nuits à quatre heures du matin et il me parle de sa famille, de sa pauvreté et du grand tableau qu'il a fait pour le Conseil d'Etat. Je ne sais pas ce que j'ai, cela me fait frissonner, cela me fait pleurer. Après cela il se fiche peut-être de moi avec ses jérémiades, c'est peut-être une balançoire qu'il avait aussi avec ses vieilles femmes. Tous ces hommes sont si gredins ! Je suis bien bête de me laisser prendre à tout cela, n'est-ce pas ? vous vous moquez de moi, n'est-ce pas ? c'est égal cela me prend... Je pense à lui dans le jour, comme c'est bizarre ! Il y a des moments où je suis toute triste. Savez-vous ? J'ai envie de mourir. Au fait je vais avoir vingt-quatre ans, je vais être vieille aussi, moi. A quoi bon se rider, se faner et se défaire peu à peu ? Il vaut mieux s'en aller tout d'un coup. Cela fait dire au moins à quelques flâneurs qui fument leur cigare devant Tortoni : " Tiens ! vous savez cette jolie fille, elle est morte : " Tandis que plus tard on dit : " Quand donc mourra-t-elle cette affreuse sorcière ? Qu'est-ce qu'elle a donc à vivre comme cela ! c'est ennuyeux ! Voilà les élégies que je me fais. Oh ! mais c'est que je suis amoureuse pour de bon. Amoureuse de sapajou de Serio ! Oui monsieur, de ce sapajou de Serio ! Enfin, figurez-vous que je l'appelle ma mère ! "
            Ici elle leva les yeux vers Serio. Lui levait les yeux au ciel. Elle lui demanda doucement :
            - Qu'est-ce que tu fais ?
            - Il répondit :
            - Je t'écoute.
            - Eh bien ! qu'est-ce que tu entends ?
            - J'entends un hymne, dit Serio.



* Zabiri est Alice Ozy
   Serio est le                                                                                             
peintre Chasseriau                                                                                                                                  alice ozy peinture théophile gautier
                                                                      







jeudi 17 janvier 2013

Stephen King de A à Z George Beahm ( Album EtatsUnis )



  
                                                              Stephen King de A à Z

            1973, année de publication de Carrie permet à Stephen King de quitter " la caravane qu'il louait à Hermon pour occuper un petit meublé dans le Maine ", Réussite après s'être vu refuser six romans " l'une d'elles lui disant qu'il devrait peut-être choisir un autre métier... ". Mais King " ... j'étais professeur, j'écrivais quand je rentrais chez moi pendant une heure et demie. Je m'en voulais... ma femme s'occupait de nos enfants et j'avais toutes ces copies dans mon cartable que j'aurais du corriger... " De * Accident à Winter douglas * ce grand et bel album répertorie les principaux titres, les principaux événements de l'itinéraire de l'auteur le plus important dans le genre surnaturel des dernières décennies. Parmi les questions les plus souvent posées : " ... Comment se procurer des livres rares de l'auteur... est-ce que sa maison est hantée... d'autres pseudonymes que Bachman ou Swithen... " * Livres au placard *, parmi les différents essais il est une forme que King se résolut à abandonner, * le Western *, malgré son goût pour ces films. King grand auteur à succès que tout fan connaît, ne convaiquit ni critiques ni public avec l'adaptation en comédie musicale de Carrie. Le mot Impôts ne figure pas à la lettre I mais à L * Liste Mondale Ferraro * Stephen et Tabitha King écrivent le 5 novembre 1984 "... 2 500 000 dollars c'est ce que ma femme et moi avons payé en impôts depuis que Ronald Reagan est au pouvoir. Personne n'aime les impôts... " et l'auteur poursuit affirmant son amour pour son pays et son désir de rembourser la dette qu'il lui doit néanmoins " l'utilisation qui a été faite de notre argent... " suit la liste des reproches adressés au gouvernement et en conclusion "... Nous croyons que l'Amérique est assez forte pour offrir... une main tendue et non un pistolet." Il votèrent donc Mondale. Qui est King "... Il trimballe des idées comme d'autres ont de la monnaie dans leurs poches. " S ou K Shinning mis en scène Kubrick. Bibliographie et filmographie terminent ce beau volume passionnant pour tout fan, mais Stephen King refuse le fan-club.


mardi 15 janvier 2013

Anecdotes et réflexions d'hier pour aujourd'hui 8 Samuel Pepys ( Angleterre )



                                                              Journal
                                           
                                                                                                    9 février 1660

            A peine debout, j'écrivis des  lettres  pour la campagne, que j'envoyai par porteur dans la journée.  Avant de me lever, j'entendis que les soldats s' agitaient dès le matin : ils préparaient leurs chevaux à la taverne d'Hilton, mais j'ignorais alors le pourquoi de ces préparatifs.
Traitor's Gate . Tour de Londres            Après avoir écrit mes lettres,  j'allai à Westminster ; j'y arpentai les couloirs ; je fis quelques pas en compagnie de Mr Swan et lui parlai de l'affaire de Mr Downing. Me rendis avec lui au domicile de Mr Phelps, où il avait un litige à régler ; nous y rencontrâmes Mr Roger mon voisin,  qui était contre lui dans ce litige et qui le prit violemment à partie, proclamant que même si on lui donnait 1 000 livres  il refuserait d'être associé  à une affaire menée par Swan. Swan se fâcha très fort , mais je crois qu'il n'avait pas les mains blanches. À Westminster, j'ai appris que Monck est entré dans Londres ce matin avec son armée ; j'ai rencontré Mr  Fage, qui m'a confié qu'il croit que Monck est allé s' assurer du soutien de certains membres du conseil municipal de la Cité, qui étaient très remontés hier et qui avaient voté une motion comme quoi ils refuseraient de payer des impôts tant que la Chambre ne serait pas au complet. Je montai ensuite au bureau où j'écrivis à milord après être passé au  tribunal, où sir Robert Pye, détenu à la tour de Londres, est venu ce matin demander sa libération ; mais on l'a lui a refusée. Après quoi j'allai rendre visite à Mrs Jemima, à qui j'avais promis de l'accompagner chez sa tante Wright ; mais elle était sortie. Je repartis donc et, après avoir bu un verre de xéres, je retournai vers Westminster ; je rencontrai Mr Pearse, le chirurgien, qui insista pour m'emmener chez lui où il avait à dîner Mr Lucy, Mr Burrell et d'autres. Après dîner je repassai à la maison puis à Westminster : je recontrai Swan et allai avec lui par le fleuve jusqu'au Temple voir notre avocat ; nous lui payâmes des honoraires pour qu' il prenne la défense de Mr  Downing demain  à l'Échiquier ; et de là au tribunal où j'entendis une cause très bien plaidée : l'affaire opposait milord Dorset et d'autres nobles personnes;  son épouse et d'autres dames de qualité étaient présentes ; il s'agissait de 330 livres par an qui devaient être payées à un pauvre hospice ; cette somme avait été donnée par plusieurs de ses ancêtres,  et avait été donnée de son côté.  De là Swan et moi nous rendîmes dans une taverne près de la barrière du Temple : tandis qu' il écrivait,  je jouai du flageolet en attendant qu' on nous servît un plat d'œufs pochés ; après avoir mangé,  nous rentrâmes en fiacre. Je m'arrêtai chez Mr Harper qui me rapporta que Monck avait mis aujourd'hui sous les verrous une bonne partie du conseil municipal de Londres, que le Parlement avait voté qu'il  devrait démolir leurs portes et leurs herses, leurs poteaux avec leurs chaînes ( ce qu'il a l'intention de faire ) et qu' il campe dans la Cité cette nuit.  Je rentrai à la maison et j'appliquai de la poudre d'alun dans ma bouche car j'ai un bouton qui commence ; je mis également un emplatre sur le furoncle que j'ai sous le menton.
                                                                                                           
                                                                                                          10 février 1660

            Ce matin, j'allai voir Mr Swan, qui m'emmena à la cour des tutelles ; j'y vis les trois commissaires traiter d'une cause dans laquelle Mr Scobell est impliqué : milord Fountaine le reprit très rudement à propos d'une déclaration qu'il a faite. Après cela, nous allâmes à l'Echiquier, où les juges tenaient audience : j'y déclarai par écrit et sous serment que Mr Downing était allé en Hollande sur ordre du Conseil d'Etat et je remis cette déposition écrite à Mr Stevens, notre homme de loi. De là, au bureau, où je demandai à Mr Hawley de l'argent pour payer l'homme de loi ; Mr Leonard, l'un des secrétaires dh Conseil privé, était là et je l'emmenai au Cygne où je lui offris sa bière du matin.
La Tour de Londres, coté Tower Hill, avec ses imposantes murailles de pierre.            Puis, à la maison pour dîner, et après cela à l'Echiquier, où, tout l'après-midi, notre affaire fut appelée et Squibb apporta le preuve incontestable, par lettres patentes, que les maisons et le bureau étaient bien désormais sa propriété. Notre avocat opposa quelques arguments à ses prétentions, mais en vain  ; le jugement fut donc prononcé contre nous et le président du jury proposa 10 livres de dommages et intérêts ; mais tous les membres du tribunal crièrent au scandale et il demanda donc 12 pence. Je revins ensuite à la maison, ennuyé de toute cette affaire : j'y trouvai Mr Moore et repartis avec lui en direction de Londres pour consulter Mr Fage sur le bouton que j'ai dans la bouche, qui commence à m'inquiéter ; il me donna quelque chose pour le soigner, et me raconta aussi ce que Monck avait fait dans la Cité. Comment il avait fait démolir le plus grand nombre de portes et de chaînes qu'il était possible de détruire ; et qu'il était maintenant revenu à Whitehall. La ville de Londres est fort abattue et ne sait quoi faire, car le Parlement a aujourd'hui donné l'ordre que le conseil municipal ne siège plus, et que de nouveaux conseillers soient choisis selon des critères que le Parlement doit lui-même établir. De là, je suis allé prendre un verre avec Mr Moore au Pain de sucre près de la barrière du Temple, où j'étais hier soir avec Swan, puis nous nous sommes quittés. A la maison je trouvai Mr Hunt qui resta un moment bavarder avec moi ; puis au lit.

                                                                                                              11 février

            Ce matin, je restai tard au lit ; puis, au bureau où je lus tout le matin mon livre espagnol sur Rome. A midi je me rendis à pied à Westminster où j'entendis parler d'une lettre de Monck, qui était à nouveau entré dans Londres, bien décidé à y rester jusqu'à ce que la Chambre des communes soit au complet ; c'était étrange de constater comment, en une demi-heure de temps, le visage des hommes qui se trouvaient à Westminster était transfiguré par la joie. Je me rendis dans les couloirs de la Chambre et je pus apercevoir le président qui lisait la lettre ; après cette lecture, sir Arthur Hesilrige sortit, très en colère et, comme Billing se trouvait à la porte, ce dernier le prit par le bras et cria :
            - Toi mon gaillard, ta bête refuse de te porter, n'est-ce pas ? Alors, tu dois tomber.
            Peu après, la Chambre leva la séance et décida de se réunir à nouveau à 3 heures. Je descendis alors dans la Grande Salle où je rencontrai Mr Chetwind, qui n'avait pas davantage dîné que moi-même ; nous nous dirigeâmes donc vers Londres nous arrêtant en chemin dans deux ou trois boutiques, mais impossible de dîner ; enfin dans le quartier du Temple nous trouvâmes un poulet tout rôti et nous pûmes dîner. Après cela, Chetwind se rendit à son bureau dans Chancery Lane ; il s'arrêta à la Chambre des rôles et j'assistai aux plaidoiries des avocats ; puis à son bureau où je restai à chanter dans son cabinet particulier en l'attendant, cependant qu'il réglait une affaire avec son domestique ( le fils de Mr Powell ). Nous prîmes ensuite un fiacre pour nous rendre dans la Cité, à l'Hôtel de Ville, qui était rempli de gens qui attendaient l'arrivée de Monck et du lord-maire et qui étaient tous très joyeux. Nous y restâmes un grand moment ; finalement nous rencontrâmes un de ses amis et nous allâmes à la taverne des Trois Tonnes boire une demi-pinte de vin ; comme le vin ne nous plaisait pas, nous allâmes dans une taverne à bière où nous retrouvâmes des amis de ce troisième homme et où nous bûmes une ou deux chopes ; puis, je retournai seul à l'Hôtel de Ville voir si Monck était déjà arrivé ou non, et je le vis sortir de la salle où il avait discuté avec le lord-maire et les échevins ; de toute ma vie je n'ai jamais entendu un cri comme celui qui l'accueillit :
            - Dieu bénisse votre Excellence !
Description de cette image, également commentée ci-après            Je rencontrai Mr Lock et je l'emmenai dans une taverne où je le laissai pour partir à la recherche de Chetwind ; quand je le retrouvai Lock nous révéla la substance de la lettre que Monck avait adressée au Parlement. Dans cette lettre, après s'être plaint du fait que lui-même et ses officiers étaient chargés auprès de la Cité de besognes qu'ils ne pouvaient exécuter de bon gré ou sans déshonneur, il disait que de nombreux députés de la Chambre actuelle ont appartenu à l'ancien Comité de sécurité qui avait été tyrannique, que Lambert et Vane sont actuellement en ville, contrairement à ce que le Parlement a voté ; que de nombreux députés des Communes font pression pour que l'on impose de nouveaux serments, alors qu'il y a plutôt lieu de se désoler des nombreux serments que nous avons déjà prêtés et que nous n'avons pas respectés, que la dernière pétition des fanatiques présentée par Barbone, visant à obliger toutes sortes de gens à prêter serment, avait été reçue favorablement par la Chambre ; qu'en conséquence, il désire que toutes les injonctions de procéder à des élections, afin de remplir les sièges vacants à la Chambre soient envoyées d'ici vendredi prochain, et       
qu'entre-temps se retirerait dans la Cité et laisserait seulement des gardes pour assurer la sécurité de la Chambre et du Conseil. L'occasion de cette lettre était l'ordre qu'il avait reçu la nuit dernière d'entrer dans la Cité, d'en désarmer les habitants et de leur retirer leur charte de privilèges ; par cet ordre lui et ses officiers avaient compris que le Parlement avaient l'intention de leur faire faire des choses qui les rendraient odieux, de manière à pouvoir ensuite faire d'eux ce que bon lui semblerait. Il nous dit que le Parlement avait envoyé Scott et Robinson parler à Monck cet après-midi mais qu'il avait refusé de les recevoir. Et que le lord-maire et les échevins lui avaient offert leurs propres demeures pour lui-même et ses officiers, et que ses soldats ne manqueraient de rien. Et en vérité j'ai vu nombre de gens donner de l'argent et à boire aux soldats et crier tout au long des rues :
             - Que Dieu les bénisse !
             Et autres paroles très bienveillantes. De là nous nous rendîmes tous trois chez un marchand qui tenait boutique près de là ; Lock rédigea une note et nous quitta ; je rencontrai sir Nicolas Crisp ; nous allâmes à la taverne de l'Etoile ( Monck se trouvait alors chez Benson ), nous y bûmes et j'écrivis une lettre pour milord. A Cheapside il y avait partout des feux de joie et comme nous revenions les cloches de St Mary-le-Bow et toutes les cloches de toutes les églises sonnèrent à la volée. Nous prîmes le chemin du retour vers 10 heures. Quelle liesse générale on pouvait voir de tous côtés ! Que de feux de joie ! Il y en avait 14 entre St Dunstan et la barrière du Temple. Et au pont du Strand, d'un seul regard je pouvais compter 31 feux Dans King Street, sept ou huit et sur toute la longueur de la rue on brûlait, on rôtissait et on buvait à la chûte des croupions ( on pouvait voir des croupions attachés à des bâtons et promenés d'une extrémité de la rue ). Au mât de cocagne du Strand les bouchers firent carillonner leurs couteaux avant de procéder au sacrifice du croupion. Sur la colline de Ludgate un homme faisait tourner une broche sur laquelle était empalé un croupion qu'un autre arrosait de sa graisse. En vérité cela dépassait l'imagination, qu'il s'agît de l'ampleur ou de la soudaineté de tout cela. A un bout de la rue on aurait dit qu'il y avait une allée de feu, et il faisait si chaud qu'on avait envie de rester à l'autre bout, rien qu'à cause de la chaleur. Nous arrivâmes à l'Echiquier, à Charing Cross ; Chetwind y écrivit une lettre et moi je lui rapportai ce que j'avais consigné par écrit pour qu'il l'écrivît. De là à la maison d'où je fis porter ma lettre à la poste de Londres puis ( après que Mr Hunt que j'avais trouvé chez moi à m'attendre fut parti ), je ressortis avec ma femme pour lui montrer les feux ; nous marchâmes jusqu'à la Bourse, puis nous rentrâmes, et au lit.