dimanche 27 janvier 2013

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 10 ( journal Samuel Pepys Grande Bretagne )




violes fresques italie


                                                                                                         17 février 1660

            Ce matin, Tom, qui était le valet de pied de milord ; vint me voir et je lui remis 10 shillings sur son argent que je suis chargé de garder. Si bien que je n'ai plus maintenant que 35 shillings à lui. Ensuite Mr Hill le facteur d'instruments, vint et je discutai avec lui des possibilités de modifier mon luth et ma viole. Après son départ, j'allai dans mon cabinet et je fis mes comptes : il apparaît que j'ai 40livres devant moi. C'est là toute ma fortune. Puis au bureau d'où je ramenai Mr Hawley dîner à la maison ; après dîner j'écrivis une lettre à Mr Downing au sujet de son affaire, et je la remis à Hawley ; ensuite, j'allai à l'église de Mr Gunning pour son jeûne hebdomadaire ; j'y retrouvai Monsieur l'Impertinent et, après le sermon j'allai avec lui me promener dans le parc jusqu'à ce qu'il fasse nuit. Je jouai de ma flûte à l'Echo, puis nous prîmes une chope de bière chez Jacob. Ensuite, au palais de Westminster où il m'accompagna ; nous y apprîmes que certains députés étaient partis voir certains des députés exclus et le général Monck dans la Cité. Nous nous rendîmes ensuite à Whitehall espérant en apprendre plus. J'y rencontrai Mr Hunt, qui me rapporta que Monck avait fait transporter tous ses biens dans la Cité. Et, cependant, il m'a dit que certains des membres du Parlement avait emmagasiné du combustible dans leurs logements de Whitehall pour un bon bout de temps. De sorte que personne ne sait au juste ce qu'il va advenir, si Monck va continuer à soutenir le Parlement ou non. Puis Mr l'Impertinent et moi sommes allés chez Mr Harper et avons bu un verre ou deux en l'honneur du roi et à la santé de sa jolie soeur Frances dont nous avons beaucoup discuté ; sa beauté n'avait pas trop souffert de la petite vérole qu'elle avait eue l'été dernier. Puis à la maison, et au lit.
 Aujourd'hui nous étions invités à la réception donnée pour le vingt-septième anniversaire de mon oncle Fenner, mais nous n'y sommes pas allés. -
                                                                                                          18 février 1660


                                                                                                      violes et clavecin national museum allemagne
            J'ai consacré un grand moment à jouer de la viole et à travailler ma voix, et j'ai appris à chanter Fly boy, fly boy sans partition. ensuite au bureau où il n'y avait pas grand chose à faire. A Palais je rencontrai Mr Edlin et un certain Looker, jardinier renommé, domestique chez Mr Salisbury. Entre autre chose le jardinier nous raconta une étrange histoire vraie : Mr Edlin aurait jadis en sa compagnie mis le doigt qui, du fait qu'il avait un abcès, était recouvert d'un doigtier noir, dans le ventre d'une femme qu'il appelait Nan ( je crois deviner de qui il s'agit ) et aurait laissé le doigtier dans le ventre de cette femme. Mr Edlin rougit mais ne nia pas les faits. En vérité, cette histoire m'a vraiment navré et j'y ai longtemps pensé ensuite. A la maison pour dîner ; j'allai ensuite au logis de milord dans ma tourelle et j'y pris la plupart de mes livres que je fis rapporter chez moi par ma servante. Le capitaine Holland vint me voir là-bas et m'emmena ainsi que Mr Southorne le secrétaire de Blackborne, à la taverne de la Demi-Lune. Puis il m'emmena à la Mitre dans Fleet Street où ( dans une salle située au-dessus de la salle de musique ) nous entendîmes très bien à travers le plafond. Nous nous quittâmes, j'allai voir Mr Wotton et nous allâmes boire dans une taverne ; il me raconta nombre d'intrigues de comédies qu'il a jadis vu jouer et le nom des principaux acteurs, et il m'en fit un fort bon récit. Ensuite à Whitehall où je retrouvai Llewellyn ; dans le bureau du secrétaire du Conseil j'écrivis une lettre à milord. Puis à la maison et au lit. Aujourd'hui deux soldats ont été pendus dans le Strand, pour avoir participé à la mutinerie de Somerset House.


                                                                                                         19 février 1660
                                                                                                       jour du Seigneur

            De bon matin, je rangeai dans mon cabinet d'étude les livres que j'ai rapportés hier. Ensuite, j'allai chez Mr Harper boire de la bière chaude mélangée de genièvre ; Monsieur l'Impertinent m'y rejoignit, comme convenu ; il voulait, comme je l'en avais prié, m'accompagner à l'église Saint-Bathélémy pour écouter un certain Mr Sparkes ; mais comme il pleuvait très fort nous allâmes à l'église de Mr Gunning, où nous entendîmes un excellent sermon. A propos du portrait que font les Écritures d'Anne, mère de la bienheureuse Vierge Marie, il vanta abondamment les mérites du veuvage, par opposition à notre coutume d'épouser deux ou trois femmes ou maris, l'un après l'autre. A l'église je rencontrai Mr Moore et l'accompagnai chez lui pour dîner ; il me raconta les discussions entre les députés exclus et les députés qui siègent au Parlement en présence de Monck, vendredi dernier ; les députés exclus dirent qu'ils ne venaient pas dans l'intention de se venger des parlementaires, mais seulement pour les rencontrer et dissoudre le Parlement, afin d'envoyer les lettres pour procéder à l'élection d'un Parlement libre.
            Il me raconta que Hesilrige avait peur de se faire précéder d'un porte-torche, de crainte que les gens ne le reconnaissent et ne s'en prennent à lui. Et qu'il a peur de se montrer dans la Cité. Qu'il y a de grandes chances pour que les député exclus viennent, et qu'en conséquence Mr Crew et milord risquent de devenir de grands hommes, ce qui m'a réjoui.
            Après dîner, un nombre important de députés exclus vinrent chez Mr Crew : comme c'était le jour du Seigneur, Mr Moore en a déduit qu'il y avait là quelque chose d'extraordinaire.
            Je rentrai ensuite à la maison et emmenai ma femme entendre Mr Messum à l'église. En vérité, il fit un très bon sermon, quoique trop éloquent pour un prêche. Mr l'Impertinent m'aida à trouver un siège. Après le sermon, chez mon père, nous discutâmes de notre projet d'aller la semaine prochaine à Cambridge avec mon frère John.
            Chez Mr Turner où se trouvait son frère, Mr Edouard Pepys ; je restai un grand moment avec lui, à bavarder des affaires de l'Etat. Puis, chez mon père  pour souper ; pendant tout le repas nous avons discuté du départ de John pour Cambridge.
            Puis nous prîmes le chemin du retour ; comme il pleuvait ma femme mit le manteau de ratine de ma mère et le chapeau de mon frère John ; nous rentrâmes ainsi à la maison. Et au lit.


                                                                                                                  20 février 1660
                                                                                                                                
                                                                                                                               ange au luth fribourg
            Ce matin, je jouai de mon luth. Puis, au bureau où mon collègue et moi fîmes nos comptes.Le ramenai à la maison pour dîner et mon frère John vint dîner avec nous. Après le dîner je l'emmenai dans mon cabinet de travail personnel, puis au domicile de milord et je lui donnai quelques ouvrages et d'autres affaires en vue de son entrée à Cambridge. Après son départ je me rendis au palais de Westminster, où je rencontrai Chetwind, Simons et Gregory ; nous allâmes tous chez Marsh à Whiehall prendre un verre ; nous y restâmes un bon moment et nous y lûmes un pamphlet bien écrit, adressé au général Monck, qui faisait l'éloge de la forme de monarchie qui existait dans ce pays avant les guerres.
            Ils m'apprirent que le président Lenthall refuse de signer les convocations en vue de l'élection de nouveaux députés pour remplacer les députés exclus ; de sorte que les convocations ne partiraient pas aujourd'hui. Dans la soirée Simons et moi allâmes au club du Café où il ne se passait rien. J'y entendis seulement Mr Harrington, milord Dorset, et un autre lord, parler de trouver un autre local comme le Cockpit ; ils pensaient que cela pourrait se faire. Après une courte discussion  sur la question de savoir
si les sujets érudits sont préférables aux sujets non érudits, les membres du club se séparèrent pitoyablement et je ne crois pas qu'ils se réuniront à nouveau. Je partis avec Vines, etc. chez Will, et après un pot ou deux à la maison ; ensuite au lit.
                                                   

                                                                                                                     ..........

Lettres à Madeleine 61 Apollinaire




                                                                       Lettre à Madeleine                
                                                                                                                               11 fév. 1916    

            Mon amour je t'adore je t'envoie d'autre part le long poème que j'ai enfin terminé et que je vais envoyer à Paris.  ( Je t'envoie le brouillon.  )
             Je t'adore ma jolie chérie, pas de  lettre de toi aujourd'hui,  voudrais savoir si tu as reçu paquets, je vais en envoyer un autre. - Je t'adore,  mais aujourd'hui suis fatigué du poème.  Suis très enrhumé,  c'est pourquoi j'ai pu rester enfermé  à écrire le poème.
             Maintenir je suis fatigué.  Mais  je t'aime tout plein ma chérie et t'embrasse en baisant ta bouche
Bye
                                                                                                                        Gui


              Guillaume Apollinaire    DU COTON DANS LES OREILLES


        Tant d'explosifs sur le point VIF !

                                Les points d'impacts  dans mon âme toujours en guerre
                     ?         Ton troupeau féroce crache du feu    
                              Écris un mot si tu l'oses


                   OMÉGaphone     

         Et ceux qui revinrent de mort
         Ne s'attendaient qu'à la pareille
         Et tout ce qui venait du Nord     
         Allait obscurcir le soleil
        Mais que voulez-vous c'est son sort
                              Allô la truie

         C'est quand sonnera le réveil

     

          Courage
          Ivresse
          Vie

         Tralala
          
          allÔ
      caverne-abrI
           amouR 
          FrancE

          POPUL
          ALLÔ ALL
          ALLÔ ALL
          ALLÔ ALL

          RF
         
          AVENIR
          SOUVENIR
          LA TRUIE
          LA TRUIE

                    La sentinelle au long regard

          La sentinelle au long regard
          Et la cagnât s'appelait

          LES CÉNOBITES TRANQUILLES

          La sentinelle au long regard
          La sentinelle au long regard
          Allô la truie

          Tant et tant de coquelicots
          D'où tant de sang a-t-il coulé
          Qu' est-ce qu' il se met dans le coco
          Bon sang de bois il s'est saoulé
          Et sans pinard  et sans tacot
             Avec de l'eau
               Allô la truie
          Le silence des photographes
          Mitrailleuses des cinémas
          tout l'échelon là-bas piaffe                                                  
          Fleurs de feu  des lueurs-frimas
          Puisque le canon avait soif

              Allô

                      la truie

          Et les trajectoires cabrées
          Trébuchements des soleils-nains
          SUR  TANT de chansons déchirées

          Il a l'Étoile du Bénin

          Mais du singe en boîtes carrées

          Crois-tu qu' il y
                         aura la guerre
        
                         Allô la truie
          Ah ! S'il vous plaît
          Ami l'Anglais
          Ah ! Qu'il est laid
          Ton frère, ton frère ton  frère de lait
          
          Et je mangeais du pain de Gênes
          En respirant leurs gaz lacrymogènes
                        Mets du coton dans tes oreilles
                                D'siré

          Puis ce fut  cette fleur sans nom
          A peine un souffle un souvenir
          Quand s'en allèrent les canons
          Au tour des roues heure à courir

          La baleine a d'autres fanons

          (Éclatements qui nous fanons )

          Mais mets du coton dans tes oreilles

          Évidemment les fanions des signaleurs
          Allô la truie

          ( Ici la musique militaire joue quelque chose
          Et chacun se souvient d'une joue rose
          Parce que même les airs entraînants
          Ont quelque chose qui étreint le cœur
          Lorsqu'on les entend à la guerre ) 
          Allô la truie
                                                                                            
          Mettez du coton dans vos oreilles
          Ne prenez pas les feuillées
          Pour autre chose qu'elles ne sont
          Comme faisaient pas mal d'auteurs 
               avant
         
          la guerre

          mettez du coton dans vos oreilles
          Ce fut bien quand sonna le réveil            
                      
                   Et              la              et                 la
                 puis           pluie            d'              nuit
             regardez           si            au                 la
              tomber        douce        tres             pluie
                  la                la       souvenirs        tout
                pluie          pluie          qui              cela               la
                                    si              se                c'est             pluie
                               tendre    ressemblent     crème             si
                                  la         Madeleine         une            douce
                                pluie      reviennent      crème              ô
                                  si              sur               au          Madeleine
                               douce         l'eau         chocolat            la
                                               précieuse                           pluie
                                                     ô                                     si
                                                 pluie                               douce
                                                   si
                                                douce

          Les longs boyaux où tu chemines

          Adieu les cagnats d'artilleurs

          Tu retrouveras
          La tranchée en première ligne
          Les éléphants des pare-éclats
          Une girouette maligne
          Et le regard des guetteurs las
          Qui veillent le silence insigne

                      Ne vois-tu rien venir
                                   au
                                  Pé
                                  ris                                                                             
                                  co
                                  pe
            La balle qui froisse le silence
         Les projectiles d'artillerie qui glissent
                 Comme un fleuve aérien

         Ne mettez plus de coton dans les oreilles
         Ça ne vaut plus la peine
             



                                                                                                        Guillaume Apollinaire
          


          
       

mardi 22 janvier 2013

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 9 journal Samuel Pepys ( Grande Bretagne )





                                                                                      

                                                                                                             12 février 1660

            Ce matin,  jour du Seigneur,  Mr Pearse vint me demander  où les choses en étaient.    hogarth
Après le mariage, la lune de miel, 1745, William Hogarth, Londres, National GalleryNous bûmes notre bière matinale ensemble et de là à Whitehall où le Dr Holmes prêchait ; mais je ne restai    pas l'écouter ; je me promenai dans la cour du palais et j'appris que sir  Arthur Helsirige venait d'aller voir Monck dans la Cité et que la femme de Monck avait quitté Whitehall la nuit dernière. A la maison à nouveau, où à midi sur mon invitation, mon cousin Thomas Pepys et sa partenaire vinrent dîner avec moi ; avant le dîner, nous allâmes faire une marche dans le parc car il faisait un temps des plus plaisants.  Après dîner nous nous rendîmes tous trois à Londres où j'appris que Monck s'était rendu à Saint Paul ce matin et que le peuple l'avait beaucoup acclamé à sa  sortie de l'église.  Dans l'après-midi, il est allé dans  une église dans Broadstreet, près d 'où il loge. Mais ne sachant  comment le voir, nous allâmes marcher dans Moorfields, où il y avait foule tellement il faisait beau. Je les y quittai pour me rendre à Saint-Paul ; je rencontrai l'apprenti de Mr Kirton, celui qui est difforme et je marchai avec lui pendant deux heures, en cherchant de temps à autre une taverne pour boire un verre, mais nous n'en trouvâmes aucune qui fût ouverte et nous n'osâmes pas frapper ; nous revînmes donc dans l'enclos de Saint-Paul, où il me dit qu'il avait vu la version imprimée de la lettre. De là,  chez Mrs Turner où je trouvai ma femme, ainsi que Mr Edward Pepys, Roger et Mr Armiger ; je leur fis un récit des événements aussi fidèle que possible.  Puis je me rendis chez mon père, où Charles Glascock ne cachait pas sa joie de la situation actuelle ; il me raconta que la nuit dernière la foule avait cassé les vitres de Barbone. Puis, à la maison ; en arrivant près de chez nous nous n'avons plus retrouver notre servante : me demandai où elle avait bien pu passer et nous rebroussâmes un grand bout de chemin pour la chercher ; ne la trouvant pas nous regagnâmes la maison où nous découvrîmes qu'elle nous attendait, ce qui nous surprit beaucoup. Au lit, où ma femme et moi nous sommes querellés à propos du chien que son frère lui a donné, car je lui ai annoncé mon intention de le jeter par la fenêtre s'il continue à pisser dans la maison.




                                                                                                  13 février 1660

Les Chambres du Parlement à Londres           Au bureau jusqu'à midi ; de là à la maison pour dîner, car le bouton que j'ai dans la bouche me fait mal et ma jambe gauche recommence à me faire souffrir. Après dîner j'allai voir Mrs Jemima, et en chemin je rencontrai Catau qui marchait dans la rue et je bavardai un peu avec elle.  Ensuite à la maison, puis j'emmenai ma femme chez mon père. En chemin j'allai chez Playford, contre deux ouvrages que j'avais, plus 6 shillings et 6 pence, j'achetai mon grand livre de chansons, qu'il continue à vendre pour quatorze shillings.. Je restai un moment chez mon père, tandis que ma mère envoyait sa servante, Bess, à Cheapside chercher des simples pour me faire une décoction pour soigner ma bouche. Puis voir Mr Cumberland ; après être resté un moment avec lui, je revins chez mon père et ramenai ma femme à la maison. Après souper, au lit.
            Aujourd'hui Monck a été invité à dîner à Whitehall par milord ; il ne semblait pas très désireux de s' y rendre,  et il a décline l'invitation.  De chez mon père j'allai voir Mr Fage, qui était cet après-midi avec Monck ; ce dernier a promis de vivre et de mourir  avec la Cité et défendre l'honneur de la Cité. En vérité, la Cité est très généreuse envers les soldats, au point qu'ils sont ivres toute  la journée, et ils reçoivent de l'argent. Il m'a donné un remède pour soigner ma bouche et je l'ai appliqué ce soir.



                                                                                                       14 février 1660
                                                                                                                  cathédrale saint-paul
La façade Sud de la Cathédrale St. Paul a Londres            Mr Moore vint me chercher ce matin chez moi ( ma femme l'entendant parler dans mon antichambre avec moi, se prépara, descendit et le choisit comme Valentin, puisque c'est aujourd'hui le jour ) pour aller au palais de Westminster, car il s'y fait de nombreuses nouvelles remontrances et déclarations émanant de nombreux comtés, et adressés à Monck et à la Cité ; l'une d'elles vient du Nord envoyée par sir Thomas Fairfax. De là je l'emmenai au Cygne et lui offris sa bière du matin. Puis au bureau  où Mr Hill du comté de Worcester vint nous voir moi et mon collègue, à notre bureau ; nous allâmes prendre un verre avec lui chez Will. A midi je passai à la maison puis chez Mr Crew : mais ils avaient dîné ; j'allai chez Mrs Jemima où je restai un moment,  puis retour à la maison, où je restai une heure ou  deux ( à jouer du luth ), avant de repartir pour le palais de Westminster, où j'appris que le Parlement a désormais commuer le serment tant discuté en une simple promesse ; et que l'un des critères requis des candidats à la députation est qu' un homme, ou le fils d'un homme qui a pris les armes contre le Parlement du vivant de son père ne pourra se présenter comme  candidat au Parlement. Chez Will, où je restai comme un benêt et  où je perdis 6 pence aux cartes. Rentrai ensuite à la maison écrire une lettre à milord par la poste ; puis après souper, au lit.
            Aujourd'hui,  par ordre de la Chambre, sir Henry Vane  a été banni de la capitale et envoyé dans sa résidence du Lincolnshire.
                                                                 


                                                                                                          15 février 1660
                                                                                                                 le caravage
            Ce matin, le  capitaine Holland et le capitaine Cuttance vinrent me chercher et nous allâmes chez Harper ; ensuite à mon bureau ; de là,  avec Mr Hill, de Worcester, chez Will, où je lui remis une lettre à l'intention de Nan Pepys, ainsi que quelques joyeux pamphlets contre le Parlement croupion,  pour qu' il les lui  porte dans sa campagne. Ensuite chez Mr Crew ; mais, comme  la salle à manger était pleine, Mr Walgrave et moi dînâmes en bas, à la cuisine entre nous, d'un bon plat de saumon au beurre.  De là chez Hering le marchand pour m'occuper de l'argent de milord dans le comté de Worcester, puis retour à l'enclos de Saint-Paul, où je restai lire des passages de l'histoire de l'Église d'Angleterre de Fuller pendant une heure ou deux. Ensuite chez mon père, où Mr Hill vint me voir ; je lui donnai des instructions sur ce qu' il devait faire à Worcester quant à l'argent. Ensuite chez milady  Wright,  à qui je remis une lettre de milord.  Puis chez Mrs Jemima,  avec qui je restai à bavarder : elle a dîné chez Mr Crew aujourd'hui et m'a raconté que, au moment où elle partait, au moins 40 gentilshommes ( je présume qu'il s'agit de des députés exclus, car Mr Walgrave m'a raconté qu'environ 30 d'entre eux s'étaient réunis chez Crew hier soir ) sont arrivés l'un après l'autre. De là à la maison ; j'ai écrit à la campagne afin d'envoyer ma lettre demain par porteur ; puis au lit.
            Chez mon père,  j'ai appris que ma cousine Kate Joyce avait fait une chute de cheval hier et s'était blessée.
            Aucune nouvelle aujourd'hui ; tout est calme ; on attend ce que va faire le Parlement demain à propos des injonctions de procéder à des élections, afin de remplir la Chambre conformément aux souhaits de Monck.



                                                                                                     16 février 1660
     hogarth
            Ce matin, jouai du luth. Shaw et Hawley vinrent ensuite et je leur offris leur bière du matin à la maison. Puis au bureau où j'écrivis à milord par porteur ; je scellai ma lettre chez Will et je la confiai au vieil East pour qu' il la remette au porteur (je le chargeai aussi de porter chez moi une  boîte d'oranges de Chine et deux petits tonneaux de coquilles Saint-Jacques, que le capitaine Cuttance m'a envoyés pour milord). Chez Will je rencontrai Osborne, Show et Spicer, et nous allâmes à la taverne du Soleil dans l'espoir d'y dîner ; on ne nous servit que deux plats de viande, dont nous nous régalâmes, cependant que vinrent nous rejoindre Mr Wade et son ami le capitaine Moyses ( qui nous fit part de ses espoirs de devenir propriétaire terrien simplement à cause de son patronyme ) ; nous restâmes jusqu'à 7 heures du soir et je gagnai un quart de Xérès à Shaw en pariant que l'un des plats de viande était de l'agneau alors que lui soutenait que c'était du veau. Comme je n'avais que 3 pence en poche, je m'arrangeai pour ne pas dépenser plus, alors que si j'avais eu plus j'aurais dépensé plus, comme tous les autres le firent. De sorte que je trouve qu'il y a un avantage certain à n'avoir que peu d'argent en poche.
            A la maison ; après souper et après avoir soupé et après avoir joué un moment de mon luth, j'allai au lit.

dimanche 20 janvier 2013

C'est tout à fait sûr - Demande à la marchande d'Amager - Le lin. Hans Christian Andersen ( Nouvelles Danemark )






                                                       C'est tout à fait sûr !
           
            - C'est une histoire affreuse ! dit une poule, et ce dans la partie du village où l'histoire ne s'était pas passée. Il y a eu une histoire affreuse dans le poulailler ! Je n'ose pas dormir toute seule cette nuit ! Heureusement que nous sommes beaucoup sur le perchoir !...
            Et elle raconta des choses qui firent que les plumes des poules se dressèrent et que la crête du coq s'affaissa. C'est tout à fait sûr !
            Mais commençons par le commencement, et c'était dans l'autre partie du village, dans un poulailler. Le soleil se coucha et les poules s'envolèrent. L'une d'entre elles qui avaient des plumes blanches et était courte de pattes pondait ses oeufs réglementaires et elle était respectable à tous égards en tant que poule. En arrivant sur le perchoir elle se nettoya les plumes avec son bec, et elle perdit une petite plume.
            - Tiens, elle est partie ! dit-elle. Plus je me nettoie les plumes, plus je deviens belle !
            Et elle dit cela en plaisantant, car elle était le boute-en-train des poules, mais comme nous le savons elle était au demeurant fort respectable. Et elle s'endormit.
            Tout autour il faisait sombre. Les poules étaient côte à côte et celle qui était la plus proche d'elle ne dormit pas. Elle entendit sans entendre comme il faut le faire dans ce monde si l'on veut garder sa sérénité. Mais il fallait bien qu'elle le dise à une autre voisine :
             - As-tu entendu ce qui a été dit ? Je ne nommerai personne, mais il y a une poule qui va se plumer pour avoir l'air belle ! Si j'étais coq, je la mépriserais !
             Et juste au-dessus des poules, il y avait la chouette avec monsieur Chouette et les enfants Chouette. Ils ont l'oreille fine, dans cette famille, ils avaient entendu toutes les paroles que la poule voisine avait dites et ils roulèrent des yeux et la maman chouette battit des ailes :
            - N'écoutez surtout pas ! mais vous avez certainement entendu ce qui a été dit ? Je l'ai entendu de mes propres oreilles, et les oreilles ne m'en tombent pas si facilement ! Une des poules a si bien oublié ce qui est convenable pour une poule qu'elle s'enlève toutes les plumes et laisse le coq regarder !
            - Prenez garde aux enfants ! dit le père Chouette en français, ce n'est pas pour les enfants.
            - Je vais tout de même le raconter à la chouette d'en face ! c'est une chouette très respectable en société !
            Et la mère s'envola.
            - Hou-ou ! hou-ou !, dirent-elles toutes les deux en hululant, de façon à être entendues par les pigeons dans le pigeonnier d'en face : Avez-vous entendu ça ! avez-vous entendu ça ! hou-ou ! il y a une poule qui s'est enlevé toutes les plumes à cause du coq ! elle va mourir de froid, si ça n'est pas déjà fait, hou-ou !
            - Où ça ? où ça ? roucoulètrnt les pigeons.
            - Dans la ferme d'en face ! Je l'ai pour ainsi dit vue mi-même ! C'est presque une histoire inconvenante ! Mais c'est tout à fait sûr !
            - Croyez, croyez chacune de ces paroles ! dirent les pigeons en roucoulant en direction de leur poulailler : il y a une poule, et certains disent même qu'il y en a deux qui s'est arraché toutes les plumes pour ne pas être comme les autres et pour attirer aussi l'attention du coq. C'est un jeu hasardeux, or on peut prendre froid  et mourir de fièvre, et elles sont mortes toutes les deux !
            - Réveillez-vous ! réveillez-vous ! chanta le coq en s'envolant sur la palissade, il avait encore les yeux pleins de sommeil, mais il chantait malgré tout : " Trois poules sont mortes parce qu'elles ont été malheureuses en amour avec un coq ! elles s'étaient arraché toutes les plumes ! c'est une histoire terrible, je ne veux pas la garder pour moi, qu'on se le dise !
            - Qu'on se le dise ! continuèrent les chauves-souris, pendaient que les poules caquetaient et que le coq chantait.  Qu'on se le dise ! qu'on se le dise ! et l'histoire passa alors de poulailler en poulailler et pour finir, elle revint à l'endroit d'où elle était partie.
            - Il y a cinq poules, disait-on, qui ont toutes arraché leurs plumes pour montrer qui d'entre elles était devenue la plus maigre à la suite de son chagrin d'amour avec le coq, et puis elles sont battues jusqu'au sang à coups de bec et elles sont tombées mortes, à la grande honte de leur famille et en faisant subir une lourde perte à leur propriétaire !
            Et la poule qui avait perdu la petite plume tombée toute seule ne reconnut évidemment pas sa propre histoire, et comme c'était une poule respectable, elle dit :
            - Je méprise ces poules ! mais il y en a d'autres de la même espèce ! Il ne faut pas cacher ces choses-là, et je vais faire ce qu'il faut pour qu'on parle de cette histoire dans le journal, comme cela elle parcourra tout le pays. Ces poules l'ont bien mérité, et la famille aussi !
            Et on en parla dans le journal et cela fut imprimé et c'est tout à fait sûr : une petite plume peut fort bien se transformer en cinq poules !


                                                                                  ( 1è publication 5 avril 1852 )
           

                                                                ***************


                                                     Demande à la marchande d'Amager !

            Il y avait une très vieille carotte.
            Biscornue, bien grosse et bien lourde.
            Elle avait un courage terrible.
            Elle voulait se marier avec une jeune,
            Une ravissante jeune petite carotte
            Du sang le plus noble par ses racines.                                       
            Et les noces eurent lieu.
            Le banquet fut d'une qualité inappréciable,
            Il ne coûta pas un sou ;
            Ils léchèrent le clair de lune et burent de la rosée,
            Prirent le pollen des fleurs
            Tel qu'il arrivait des champs et des prairies.
            La vieille carotte salua en faisant la révérence,
            Et parla à n'en plus finir.
            Ses paroles gargouillaient en faisant glouglou ;
            La jeune carotte ne pipa pas un mot,
            Resta sans faire un sourire, ni pousser un soupir,
            Jeune et belle.
                               Si tu ne le crois pas
                               Demande à la marchande d'Amager !
           Une tête de chou rouge fut leur pasteur,
           Et les filles d'honneur étaient des navets ;
           Les concombres et les asperges  étaient invités d'honneur,
           Les pommes de terre chantaient en choeur.                                                
           Et petits et grands dansèrent.
           Demande à la marchande d'Amager !
           La vieille carotte sautait sans bas ni chaussures,                                     
           Ho ! hé ! Elle se fendit dans le dos,
           Et elle était morte, elle ne pouvait plus pousser.
           La jeune carotte rit.
           C'est étrange comme la chance peut tourner,
           Elle était devenue veuve, elle était joyeuse,
           Maintenant, elle pouvait vivre comme bon lui semblait,
           Pouvait, comme demoiselle, nager dans la soupière,
           Jeune et joyeuse.
                         Si tu ne le crois pas,
                         Demande à la marchande d'Amager !


                                                                                ( 1è publication 1er octobre 1871 )

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                                                                    Le lin

            Le lin était en fleur. Il a de charmantes fleurs bleues aussi douces que les ailes d'une mite, mais bien plus délicates encore... Le soleil brillait sur le lin et les nuages de pluie l'arrosaient, et cela lui faisait autant de bien que lorsqu'on lave les petits enfants et que leur maman leur donne un baiser ; cela les rend beaucoup plus charmants. Et c'est ce qui se passait avec le lin.
            " Les gens disent que j'ai une superbe allure ! dit le lin, et que mes tiges seront bien longues, il sortira une magnifique de toile de moi ! Oh! comme je suis heureux ! Je suis certainement le plus heureux de tous ! Je vais très bien, et je vais devenir quelque chose ! Comme ce soleil ragaillardit et comme cette pluie a bon goût et comme elle rafraîchit ! Rien ne manque à mon bonheur, je suis le plus heureux !
             - Oui, oui, oui ! dirent les pieux de la clôture. Vous ne connaissez pas le monde, alors que nous, nous le connaissons, nous avons des noeuds ! et ils craquèrent lamentablement :
                                                                F-i, fi, n-i, ni,
                                                                Tirez le rideau
                                                                 La chanson est finie !
            " Non, elle n'est pas finie ! dit le lin. Le soleil brillera demain, la pluie me fait tant de bien, je m'entends grandir, je sens que j'ai des fleurs ! je suis le plus heureux ! "
            Mais un jour des gens vinrent, ils saisirent le lin par le haut et l'arrachèrent avec ses racines, cela lui fit mal, et on le mit dans l'eau comme si on avait voulu le noyer, et puis il fut mis sur du feu, comme si on avait voulu le rôtir, c'était épouvantable !
            " Ça ne peut pas toujours aller bien, dit le lin, il faut passer par des épreuves, et comme ça on sait quelque chose ! "
            Mais ce fut vraiment dur. Le lin fut brisé et broyé, teillé et peigné, il ne savait même pas comment on appelait tout cela ; il fut mis sur le rouet, vroum, vroum! Il était incapable de rassembler ses idées.
            " J'ai été extrêmement heureux ! pensait-il au milieu de tous ses tourments. Il faut être content du bien qu'on a eu ! Content, content, oh !... "  Et il disait encore cela quand il fut mis sur le métier à tisser... et il devint ensuite une superbe grande pièce de toile. Tout le lin, chacun des pieds, se transforma en cette unique pièce !
            " Eh bien ! C'est extraordinaire ! Je ne l'aurais jamais cru ! Oh ! comme j'ai de la chance !Les pieux de la clôture étaient vraiment bien informés avec leur
                                                                   F-i, fi, n-i, ni,
                                                                   La chanson est finie !
            " La chanson n'est pas du tout finie ! Elle ne fait que commencer ! C'est extraordinaire ! Si j'ai souffert, je suis tout de même devenu quelque chose, je suis le plus heureux de tous!... Je suis si fort, si doux, si blanc et si long ! C'est autre chose que de n'être que des plantes, même si on porte des fleurs ! On est laissé sans soins, et on n'a de l'eau que quand il pleut. Maintenant on s'occupe de moi ! La servante me retourne tous les matins et tous les soirs, je suis inondée de pluie avec l'arrosoir ; la femme du pasteur en personne a fait un discours sur moi en disant que j'étais la plus belle pièce de la paroisse. Je ne peux pas devenir plus heureux ! "
            Et puis la toile arriva dans une maison, et elle passa sous les ciseaux. Comme on la coupa, comme on la tailla, comme on la piqua avec des aiguilles à coudre, car c'est bien ce qu'on fît : Ça n'avait rien de plaisant. Mais la toile se transforma en douze de ces vêtements dont on ne parle pas mais que tout le monde doit porter ; ils étaient au nombre de douze.
            " Eh bien ! Ce n'est que maintenant que je suis devenu quelque chose ! C'était donc à cela que j'étais destiné ! Mais c'est excellent ! Maintenant je suis utile dans le monde, et c'est cela qu'il faut, c'est cela qui fait vraiment plaisir. Nous sommes devenus douze pièces, mais nous somme malgré tout une seule et même chose, nous sommes une douzaine ! Quel bonheur extraordinaire ! "
            Et des années passèrent... et puis elle n'y tint plus.
            " Il faut bien que cela finisse un jour, dit chaque pièce, j'aimerais bien tenir encore un peu, mais il ne faut pas demander l'impossible ! " Et elles furent alors déchirées, transformées en chiffons, elles crurent que tout était définitivement terminé, car elles furent hachées et broyées et bouillies, elles ne savaient pas elle-même à quoi s'en tenir... et puis elles devinrent du beau papier blanc et fin !
            " Eh bien ! quelle surprise ! Et c'est une surprise agréable ! dit le papier. Je suis maintenant plus fin qu'avant, et on va écrire sur moi ! On va pouvoir en écrire des choses ! C'est tout de même un bonheur extraordinaire ! " Et on écrivit sur lui  les plus belles histoires, et les gens entendirent ce qui était écrit, et c'était très juste et bon, cela rendit les gens beaucoup plus sages et bien meilleurs ; c'est une grande bénédiction qui avait été donnée à ces papiers sous forme de mots.
            " C'est mieux que ce dont je rêvais quand j'étais une petite fleur bleue dans le champ  ! Comment aurais-je pu penser que j'apporterais de la joie et des connaissances aux hommes. Je ne peux pas le comprendre moi-même ! Mais il en va pourtant vraiment ainsi ! Notre-Seigneur sait que je n'ai moi-même rien fait d'autre que ce que mes faibles moyens  m'imposaient de faire pour exister. Et il me transporte ainsi de joie en joie et d'honneurs en honneurs ; à chaque fois que je pense : " La chanson est finie! ", elle se transforme justement en quelque chose de plus élevé et de meilleur  ; maintenant je vais sans doute partir en voyage, on va m'envoyer dans le monde entier, pour que tous les homme puissent me lire ! C'est ce qu'il y a de plus raisonnable ! Avant j'avais des fleurs bleues, maintenant à la place de chacune de mes fleurs, j'ai les pensées les plus belles  ! Je suis le plus heureux ! "
            Mais le papier ne partit pas en voyage, il alla chez l'imprimeur, et là,  tout ce qui avait été écrit sur lui fut imprimé et on en fit un livre, et même des centaines de livres, car cela pouvait ainsi réjouir infiniment plus de gens et leur profiter, que si le seul papier sur lequel on avait écrit avait fait le tour du monde, et avait été complètement usé à mi-chemin.
            " Oui, c'est bien ce qu'il y a de plus raisonnable ! pensa le papier sur lequel on avait écrit. Je n'y avais pas du tout pensé ! Je vais rester chez moi et on m'honorera comme un vieux grand-père ! C'est sur moi qu'on a écrit, les mots sont sortis de la plume et sont entrés directement en moi. Je reste et les livres vont courir partout ! Il va y avoir vraiment à faire, maintenant ! Oh comme je suis content, comme je suis heureux ! "
            Puis on entassa le papier et on le mit sur une étagère. " Cela fait du bien de se reposer une fois le travail accompli", dit le papier. Il est tout à fait juste de se concentrer et de réfléchir à ce qu'on a en soi. Ce n'est que maintenant que je sais vraiment ce qui est en moi ! et se connaître soi-même voilà le vrai progrès. Que va-t-il se passer maintenant, ça va avancer, ça avance toujours !... "
            Un jour, tout le papier fut mis dans la cheminée, on voulait le brûler, car on ne voulait pas qu'il soit vendu au charcutier pour emballer le beurre et le sucre en poudre. Et tous les enfants de la maison l'entouraient, ils voulaient le voir prendre feu, ils voulaient voir dans la cendre les nombreuses étincelles qui semblaient partir en courant et s'éteindre, l'une après l'autre, si rapidement... Ce sont les enfants qui vont à l'école, et la toute dernière étincelle est le maître d'école ; on croit souvent qu'il est parti, mais il arrive souvent un peu après tous les autres.
            Et tout le papier était en tas sur le feu. Oh ! comme il s'enflamma. " Oh ! " fit-il, et au même moment il se transforma en une flamme qui monta plus haut que le lin aurait jamais pu élever sa petite fleur bleue, et il brilla plus fort que la pièce de toile blanche aurait jamais pu briller ; toutes les lettres de l'alphabet qui avaient été écrites devinrent en un instant toutes rouges, et tous les mots et toutes les pensées s'évanouirent dans les flammes. 
            " Maintenant je vais monter jusqu'au soleil " entendit-on dans la flamme, et c'était comme si des milliers de voix disaient toutes la même chose, et la flamme sortit tout en haut de la cheminée... et, plus fins que la flamme, tout à fait invisibles aux yeux des hommes, de tout petits êtres flottaient, aussi nombreux que les fleurs que le lin avait eues. Ils étaient encore plus légers que la flamme qui les portait, et quand elle s'éteignit et qu'il ne resta du papier que la cendre noire, ils passèrent encore une fois en dansant au-dessus d'elle et aux endroits qu'ils touchaient on voyait les traces de leurs pas, c'étaient les étincelles rouges ! " Les enfants ont quitté l'école et le maître d'école était le dernier " ; c'était un plaisir de voir ça et les enfants de la maison chantaient devant la cendre morte :
                                                                  F-i, fi, n-i, ni,
                                                                  Tirez le rideau
                                                                   La chanson est finie !
            Mais chacun des petits êtres invisibles disait ; " La chanson n'est jamais finie ! C'est ce qu'il y a de plus beau dans tout cela ! Je le sais ! Et c'est pour cela que je suis le plus heureux ! "
            Mais cela les enfants ne pouvaient ni l'entendre, ni le comprendre, et il ne le fallait pas d'ailleurs, car les enfants ne doivent pas tout savoir.


                                                                                            ( 1è parution 3 avril 1849 )


                                                                                            Hans Christian Andersen