mercredi 10 juin 2015

Richie Gabrielle Bacqué ( biographie France )

Richie


                                             Richie

            Richard il s'appelait Descoings Richard, mais lorsqu'il obtint ce qu'il désirait le plus, la direction de l'Ecole des Sciences Politiques il devint Richie, parce que ses élèves l'adulèrent, qu'il voulait être aimé, ainsi lorsqu'il traversait l'amphithéâtre de Sciences Po les élèves l'acclamaient "Richie... Richie. " Issu d'une famille de bons bourgeois, avec ses secrets, il passa trois fois l'examen d'entrée à Sciences Po avant d'être admis. A l'ENA il se révéla brillant aux examens de fin d'études. Il faut sortir dans la botte pour ne pas se perdre dans des postes de peu d'avenir. Il entra au Conseil d'Etat, fit bonne figure, ne montra son visage de joyeux fêtard que la nuit, se débarrassant du costume-cravate pour endosser gilet et pantalon de cuir. Sous l'aspect sérieux de l'habit d'hommes travaillant dans les grandes administrations, plusieurs se reconnurent. Leur homosexualité les rapprochait, mais ils connurent les désastres des années Sida. Descoings participa activement à l'aide et aux soins balbutiants que l'on pouvait apporter aux malades. Il rencontra à ce moment celui qui sera son compagnon jusqu'à la fin de sa vie, Guillaume Pépy, actuel directeur de la SNCF. Du Palace aux boîtes du Marais, aux Bains, Richie use ses forces, boit, fume, demande à la cocaïne de l'aider à tenir jusqu'au petit matin. Mais son grand désir est de réformer l'Ecole. Faire d'elle un Harvard à la française. Pour cela il faut des moyens, de très gros budgets vont surgir l'agrandissement de la rue Saint-Guillaume. Des antennes s'ouvrent en province. Les noms des dirigeants des plus grandes sociétés parcourent le livre. Bouygyes s'occupent des caméras. Richard Descoings conserve un petit logement rue des Canettes mais partage un appartement avec Guillaume Pépy. Ensemble ils achètent une maison à Saunières. Plus tard avec Nadia, devenue son épouse, tous trois achètent une maison dans le Vaucluse. Descoings mène une vie de plus en plus agitée, la transformation de l'école est en cours, elle s'ouvre aux élèves venus de lycées et de familles peu favorisés. Les budgets, les salaires, les primes ne sont plus contenus.  Descoings victime de crises graves, notamment à Berlin, est  hospitalisé. Pressenti pour le poste de ministre de l'éducation, Nicolas Sarkozy, qui l'apprécie, craint qu'il n'ait le cuir assez dur pour entrer en politique, lui-même rejette l'idée de devenir la cible des Guignols. Richie regrettait de ne pouvoir avoir des enfants, sa rencontre avec Nadia, mère de trois enfants, sera son épouse, et une très étroite collaboratrice, mais aussi critique et critiquée. Sa vie est un roman, sa mort glaçante à NewYork. L'auteur Raphaëlle Bacqué issue du sérail et journaliste au Monde, connait bien les rouages et les personnages, politiques de tous bords qui traversent cette vie vécue au bord d'un précipice, alors que le but voulu fut en partie atteint, jusqu'à l'excès et la fin.

mardi 9 juin 2015

Prévert, inventeur 1921/30 Cailleaux Bourhis ( B.D. France )

jacques prévert, inventeur tome 1 première époque - cadavre



                                             Prévert, Inventeur
                                             1921 - 1930    

                 1921. Jacques Prévert a 21 ans et fait son service militaire à Istamboul.Il se lie d'une amitié qui sera durable avec un autre Parisien, Marcel Duhamel. Les deux caporaux apprécient l'été, se promènent s'égarent à Ayastefanos, chassés par les nudistes, mais découvrent Prinkipio. Les hivers sont noirs de brumes et d'orages, de neige. Au bout d'un an retour à Paris où Prévert va retrouver Tanguy. Tous trois décident de partager une maison rue du Château. Si Marcel Duhamel travaille chez son oncle propriétaire d'un hôtel les autres vivotent plutôt mal. " Yves et moi n'avons aucun goût pour le travail, et par-dessus le marché on ne sait pas faire grand-chose. On n'a pas le sou et on passerait bien nos journées saouls à deviser en terrasse des cafés. Seulement voilà, il faut bien vivre, à défaut de vivre bien. " Jeu de mots, collages, Prévert prêt, pas compris. Duhamel emmène un jour ses amis chez Adrienne Monnier, rue de l'Odéon, " abbesse plantureuse ". La libraire fait découvrir à ces " jeune curieux mais incultes, la littérature du jour. Les mots, tous jouent avec. Au groupe se sont joints André Breton descendu de son 9è, Robert Desnos, Aragon. Ils se retrouvent à Montparnasse. Boire et fumer. Un jour la maison de la rue du Château est vendue, et un temps ils vivent chez l'un ou l'autre, notamment Prévert et son épouse Simone chez Giacometti plusieurs semaines. Ce dernier aussi fauché qu'eux demande à Prévert comment il trouve sa sculpture " ... Trop maigre ", répond le poète. Plus d'argent, le couple se retrouve à la rue, dormir sur un banc parfois, ils s'y résolvent. Mais toujours les mots tracent leur chemin dans l'esprit de Jacques Prévert. Il écrit le scénario d'un court métrage que son frère Pierre tourne. " .... Cadavres exquis... " que faire de cet embryon de phrase qui trotte dans sa tête. Un jour il trouvera. Cette délicieuse B.D. pas conventionnelle, sans case, les personnages et les bulles posées là par hasard, peut-on croire, racontée dans de jolis bleus et un peu d'ocre où Prévert clope au coin des lèvres semble nous interpeller. Premier volume d'une trilogie annoncée. Attendons le deuxième tome puisque Grimault et Trauner sont apparus.

dimanche 7 juin 2015

Ombre Edgar Allan Poe ( nouvelle EtatsUnis )

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tim-burton.net

                                                 Ombre
                                                        En vérité, quoique je marche à travers la vallée de l'Ombre...
                                                                                                    Psaumes de David XXIII

            Vous qui me lisez, vous êtes encore parmi les vivants, mais moi qui écris, je serai depuis longtemps parti pour la région des ombres. Car, en vérité, d'étranges choses arriveront, bien des choses secrètes seront révélées, et bien des siècles passeront avant que ces notes soient vues par les hommes. Et quand il les auront vues, les uns ne croiront pas, les autres douteront, et bien peu d'entre eux trouveront matière à méditation dans les caractères que je grave sur ces tablettes avec un stylus de fer.
            L'année avait été une année de terreur, pleine de sentiments plus intenses que la terreur, pour lesquels il n'y a pas de nom sur la terre. Car beaucoup de prodiges et signes avaient eu lieu, et de tous côtés, sur la terre et sur la mer, les ailes noires de la Peste s'étaient largement déployées. Ceux-là néanmoins qui étaient savants dans les étoiles n'ignoraient pas que les cieux avaient un aspect de malheur  et pour moi, entre autres, le Grec Oinos, il était évident que nous touchions au retour de cette sept cent quatre-vingt-quatorzième année, où, à l'entrée du Bélier, la planète Jupiter fait sa conjonction avec le rouge anneau du terrible Saturne. L'esprit particulier des cieux, si je ne me trompe grandement, manifestait sa puissance non-seulement sur le globe physique de la terre, mais aussi sur les âmes, les pensées et les méditations de l'humanité. light11.fr                                                                             hellokids.com  

Résultat de recherche d'images pour "lampes 7 flammes"            Une nuit, nous étions sept, au fond d'un noble palais, dans une sombre cité appelée Ptolémaïs, assis autour de quelques flacons d'un vin pourpre de Chios. Et notre chambre n'avait pas d'autre entrée qu'une haute porte d'airain et la porte avait été façonnée par l'artisan Corinnos, et elle était d'une rare main-d'oeuvre, et fermait en dedans. Pareillement, de noires draperies, protégeant cette chambre mélancolique, nous épargnaient l'aspect de la lune, des étoiles lugubres et des rues dépeuplées, mais le pressentiment et le souvenir du Fléau n'avaient pas pu être exclus aussi facilement. Il y avait autour de nous, auprès de nous, des choses dont je ne puis rendre distinctement compte, des choses matérielles et spirituelles, une pesanteur dans l'atmosphère, une sensation d'étouffement, une angoisse, et, par-dessus tout, ce terrible mode d'existence que subissent les gens nerveux, quand les sens sont cruellement vivants et éveillés, et les facultés de l'esprit assoupies et mornes. Un poids mortel nous écrasait. Il s'étendait sur nos membres, sur l'ameublement de la salle, sur les verres dans lesquels nous buvions, et toutes choses semblaient opprimées et prostrées dans cet accablement, tout, excepté les flammes des sept lampes de fer qui éclairaient notre orgie. S'allongeant en minces filets de lumière, elles restaient toutes ainsi, et brûlaient pâles et immobiles, et, dans la table ronde d'ébène autour de laquelle nous assis, et leur éclat transformait en miroir, chacun des convives contemplait la pâleur de sa propre figure et l'éclair inquiet des yeux mornes de ses camarades. Cependant, nous poussions nos rires, et nous étions gais à notre façon, une façon hystérique et nous chantions les chansons d'Anacréon, que ne sont que folie, et nous buvions largement, quoique la pourpre du vin nous rappelât la pourpre du sang. Car il y avait dans la chambre un huitième personnage, le jeune Zoïlus. Mort, étendu tout de son long, et enseveli, il était le génie et le démon de la scène. Hélas ! il n'avait point sa part de notre divertissement, sauf que sa figure convulsée par le mal, et ses yeux, dans lesquels la mort n'avait éteint qu'à moitié le feu de la peste, semblaient prendre à notre joie autant d'intérêt que les morts sont capables d'en prendre à la joie de ceux qui doivent mourir. Mais, bien que moi, Oinos, je sentisse les yeux du défunt fixés sur moi, cependant je m'efforçais de ne pas comprendre l'amertume de leur expression, et, regardant opiniâtrement dans les profondeurs du miroir d'ébène, je chantais d'une voix haute et sonore les chansons du poète de Téos. Mais graduellement mon chant cessa, et les échos, roulant au loin parmi les noires draperies de la chambre, devinrent faibles, indistincts, et s'évanouirent. Et voici que du fond de ces draperies noires où allait mourir le bruit de la chanson s'éleva une ombre, sombre, indéfinie, une ombre semblable à celle que la lune, quand elle est basse dans le ciel, peut dessiner d'après le corps d'un homme, mais ce n'était l'ombre ni d'un homme, ni d'n Dieu, ni d'aucun être connu. Et frissonnant un instant parmi les draperies, elle resta enfin, visible et droite, sur la surface la porte d'airain. Mais l'ombre était vague, sans forme, indéfinie, ce n'était l'ombre ni d'un homme, ni d'un Dieu, ni d'un Dieu de Grèce, ni d'un Dieu de Chaldée, ni d'aucun Dieu égyptien. Et l'ombre reposait sur la grande porte de bronze et sous la corniche cintrée, et elle ne bougeait pas, et elle ne prononçait pas une parole, mais elle se fixait de plus en plus, et elle resta immobile. Et la porte sur laquelle l'ombre reposait était, si je m'en souviens bien, tout contre les pieds du jeune Zoïlus enseveli. Mais nous, les sept compagnons, ayant vu l'ombre, comme elle sortait des draperies, nous n'osions pas la contempler fixement, mais nous baissions les yeux, et nous regardions toujours dans les profondeurs du miroir d'ébène. Et, à la longue, moi, Oinos, je me hasardai à prononcer quelques mots à voix basse, et je demandai à l'ombre sa demeure et son nom. Et l'ombre répondit :
            - Je suis OMBRE, et ma demeure est à côté des Catacombes de Ptolémaïs, et tout près de ces sombres plaines infernales qui enserrent l'impur canal de Charon !
            Et alors, tous les sept, nous nous dressâmes d'horreur sur nos sièges, et nous nous tenions tremblants, frissonnants, effarés, car le timbre de la voix de l'ombre n'était pas le timbre d'un seul individu, mais d'une multitude d'êtres et cette voix, variant ses inflexions de syllabe en syllabe, tombait confusément dans nos oreilles en imitant les accents connus de mille amis.                                                                                                                                                                                                                



                                                                                          Edgar Allan Poe
                                                                                                         1833
                                                                          ( traduction Charles Baudelaire )

dimanche 31 mai 2015

Mémoires d'un père Marmontel ( extraits 10 France )


lemondedesarts.com

                                                 Livre dixième

            Tant que le Ciel m'avait laissé dans madame Odde une soeur tendrement chérie, et qui m'aimait plutôt d'un amour filial que d'une amitié fraternelle, sûr d'avoir dans son digne et vertueux époux un véritable ami, dont la maison serait la mienne, dont les enfants seraient les miens, je savais où vieillir en paix..... n'eût-il fait que conserver l'emploi qu'il avait à Saumur, ma petite fortune ajoutée à la sienne nous aurait fait vivre dans une honnête aisance.....
            Mais lorsque j'eus perdu ma soeur et ses enfants. Lorsque dans sa douleur, Odde abandonnant une ville où il ne voyait plus que des tombeaux et, renonçant à son emploi, se fut retiré dans sa patrie, mon avenir, si serein jusqu'alors, s'obscurcit à mes yeux. Je ne vis plus pour moi que les dangers du mariage ou que la solitude d'un triste célibat et d'une vieillesse abandonnée.
            Je redoutais dans le mariage des chagrins domestiques qu'il m'aurait été impossible d'essuyer sans mourir, et dont je voyais mille exemples. Mais un malheur plus effrayant encore était celui d'un vieillard obligé, ou d'être le rebut du monde en y traînant une ennuyeuse et infirme caducité, ou de rester seul délaissé, à la merci de ses valets, livré à leur dure insolence et à leur servile domination.
            Dans cette situation pénible,j'avais tenté plus d'une fois de me donner une compagne, et d'adopter une famille qui me tînt lieu de celle que la mort avait moissonnée autour de moi. Mais, par une heureuse fatalité, aucun de mes projets ne m'avait réussi lorsque je vis arriver à Paris la soeur et la nièce de mes amis MM Morellet : ce fut un coup du Ciel.
            Cependant tout aimables qu'elles me semblaient l'une et l'autre...... je n'imaginais pas qu'à cinquante ans passés je fusse un mari convenable à une personne qui n'avait guère que dix-huit ans. Ce qui m'éblouissait en elle..... était ce qui devait éloigner de moi l'espérance, et avec l'espérance, le désir de la posséder.
            Je ne vis donc pour moi, dans cette agréable aventure, que l'avantage d'une nouvelle et charmante société.
            Soit que madame de Montigny fût prévenue en ma faveur, soit que ma bonhomie lui convînt au premier abord, elle fut bientôt avec l'ami de ses frères comme avec un ancien ami qu'elle-même aurait retrouvé. Nous soupâmes ensemble. La joie qu'ils avaient tous d'être réunis anima ce souper. J'y pris la même part que si j'eusse été l'un des leurs. Je fus invité à dîner pour le lendemain et successivement se forma l'habitude de nous voir presque tous les jours......                                        Frantz Hals
            Un matin, l'un de mes amis et des amis de MM Morellet, l'abbé Maury, vint me voir et me dit :
            " - Voulez-vous que je vous apprenne une nouvelle ? Mademoiselle de Montigny se marie.
              - Elle se marie ? avec qui ?
              - Avec vous.
              - Avec moi
              - Oui, avec vous-même.
              - Vous êtes fou, ou vous rêvez.
              - Je ne rêve pas, et ce n'est point une folie. C'est une chose très sensée et dont aucun de vos amis ne se doute.                                          
            - Ecoutez-moi, lui dis-je, et croyez-moi car je vous parle sérieusement. Mademoiselle de Montigny est charmante. Je la crois accomplie et c'est pour cela même que je n'ai jamais eu la folle idée de prétendre au bonheur d'être un époux.
            - Eh bien, vous le serez sans y avoir prétendu !
            - A mon âge !
            - Bon ! A votre âge ! Vous êtes jeune encore, et en pleine santé.                              
            Alors le voilà qui déploie toute son éloquence à me prouver que rien n'était plus convenable, que je serais aimé, que nous ferions un bon ménage et, d'un ton de prophète, il m'annonça que nous aurions de beaux enfants.
            Après cette saillie il me laissa livré à mes réflexions et, tout en me disant à moi-même qu'il était fou, je commençai à n'être pas plus sage.
            Mes cinquante-quatre ans ne me semblèrent plus un obstacle si effrayant. La santé à cet âge pouvait tenir lieu de jeunesse. Je commençai à croire que je pouvais inspirer, non pas de l'amour mais une bonne et tendre amitié, et je me rappelai ce que disaient les sages : " Que l'amitié fait plus de bons ménages que l'amour. "
            Je n'étais pas riche, mais cent trente mille francs solidement placés étaient le fruit de mes épargnes.....
*            J'étais engagé ce jour-là à dîner chez MM Morellet. Je m'y rendis avec une émotion qui m'était inconnue. Je crois même me souvenir que je mis un peu plus de soin à ma toilette, et dès lors je donnai une attention sérieuse à ce qui commençait à m'intéresser vivement. Aucun mot n'était négligé, aucun regard ne m'échappait. Je faisais délicatement des avances imperceptibles et des tentatives légères sur les esprits et sur les âmes. L'abbé ne semblait pas y faire attention, mais sa soeur, son frère et sa nièce me paraissaient sensibles à tout ce qui venait de moi.
            Vers ce temps, l'abbé fit un voyage à Brienne en Champagne chez les malheureux Loménie avec lesquels il était lié depuis sa jeunesse et, en son absence, la société devint plus familière, plus intime.....
            Je savais quelle illusion pouvait faire la grâce unie à la beauté. Deux ou trois mois de connaissance et de société étaient bien peu pour s'assurer du caractère d'une jeune personne. J'en avais vu plus d'une dans le monde que l'on avait instruite qu'à feindre et à dissimuler. Mais on m'avait dit tant de bien de celle-ci...... il fallait donc me méfier de tout et ne croire jamais à rien.
            Une promenade aux jardins de Sceaux acheva de me décider...... Jusque-là le plaisir des sens avait été le seul attrait qui m'eût conduit..... Mon émotion était d'autant plus vive qu'elle était retenue, je brûlais d'en faire l'aveu, mais à qui l'adresser ? et comment serait-il reçu ? La bonne mère y donna lieu. Dans l'allée où nous nous promenions elle était à deux pas de nous avec son frère.
            " - Il faut, me dit-elle en souriant, que j'aie bien de la confiance en vous, pour vous laisser ainsi causer avec ma fille, tête à tête.
            - Madame, lui dis-je, il est juste que je réponde à cette confiance en vous disant de quoi nous nous entretenons.. Mademoiselle me faisait la peinture du bonheur que vous goûtez à vivre ensemble tous les quatre en famille, et moi, à qui cela faisait envie, j'allais vous demander si une cinquième, comme moi par exemple, gâterait la société.                                                                **
Résultat de recherche d'images pour "parc de sceaux cerisiers"            - Je ne crois pas, me répondit-elle, demandez plutôt à mon frère.
            - Moi, dit le frère avec franchise, je trouverais cela très bon.
            - Et vous, mademoiselle ?
            - Moi, dit-elle, j'espère que mon oncle l'abbé sera de l'avis de maman. Mais jusqu'à son retour permettez-moi de garder le silence. "
            ....... L'abbé se fit attendre. Enfin il arriva. Et quoique tout se fut arrangé sans son aveu, il le donna. Le lendemain le contrat fut signé. Il y institua sa nièce son héritière après sa mort et après la mort de sa soeur
et moi, dans cet acte dressé et rédigé par leur notaire, je ne pris d'autre soin que de rendre, après moi, ma femme heureuse et indépendante de ses enfants.
            Jamais mariage ne s'est fait sous de meilleurs auspices..... Nous étions bien persuadés l'un l'autre du voeu que nous allions faire à l'autel .....
            Le dîner après la toilette fut animé d'une gaieté du bon vieux temps. Les convives étaient d'Alembert, Chastellux..... Tous étaient occupés de la nouvelle épouse, et comme moi, ils en étaient si charmés, si joyeux, qu'à les voir, on eût dit que chacun en était l'époux.
            Au sortir de table on passa dans un salon en galerie dont la riche bibliothèque de l'abbé Morellet formait la décoration. Là, un clavecin, des pupitres annonçaient bien de la musique, mais quelle musique nouvelle et ravissante on allait entendre ! L'opéra de Roland, le premier opéra français qui eût été mis en musique italienne, et pour l'exécuter, les plus belles voix et l'élite de l'orchestre de l'Opéra.
            L'émotion qu'excita cette nouveauté eut tout le charme de la surprise. Piccini était au clavecin. Il animait l'orchestre et les acteurs du feu de son génie et de son âme. L'ambassadeur de Suède et l'ambassadeur de Naples assistèrent à ce concert, ils en étaient ravis. Le maréchal Beauvau fut aussi de la fête. Cet espèce d'enchantement dura jusqu'au souper où furent invités les chanteurs et les symphonistes......
            Il était convenu que nous habiterions ensemble, les deux oncles, la mère et nous, que nous paierions un cinquième par tête dans la dépense du ménage, et cet arrangement me convenait à tous égards. Il réunissait l'avantage d'une société domestique à celui d'une société toute formée du dehors et dont nous n'avions qu'à jouir.   Necker
           J'ai fait connaître une partie de ceux que nous pouvions appeler nos amis, mais il en est encore dont je n'ai pas voulu parler comme en passant et sur lesquels mes souvenirs se plaisent à se reposer.
4471074678_b806acfa09_o.jpeg            " Vous avez, mes enfants, entendu dire mille fois par votre mère et dans sa famille quelle était pour nous l'agrément de vivre avec M de Saint-Lambert et madame la comtesse d'Houdretot, son amie. Et quelle était le charme d'une société où l'esprit, le goût, l'amour des lettres, toutes les qualités du coeur les plus essentielles et les plus désirables nous attiraient, nous attachaient, soit auprès du sage d'Eaubonne, soit dans l'agréable retraite de la Sévigné de Sanois....
            Nous avions été, Saint-Lambert et moi, des sociétés du baron d'Holbach, d'Helvétius, de madame Geoffrin. Nous fûmes aussi constamment de celle de madame Necker. Mais, dans celle-ci, je datais de plus loin que lui, j'en étais presque le doyen.
            C'est dans un bal bourgeois, circonstance assez singulière, que j'avais fait connaissance avec madame Necker. Jeune alors, assez belle et d'une fraîcheur éclatante, dansant mal mais de tout son coeur.
            A peine m'eut-elle entendu nommer qu'elle vint à moi, avec l'air naïf de la joie.
            " - En arrivant à Paris, me dit-elle, l'un de mes désirs a été de connaître l'auteur des Contes moraux.
Je ne croyais pas faire au bal une si heureuse rencontre. Necker, dit-elle à son mari en l'appelant, venez vous joindre à moi pour engager M Marmontel, l'auteur des Contes moraux, à nous faire l'honneur de nous venir voir.
            M Necker fut très civil dans son invitation. Je m'y rendis. Thomas était le seul homme de lettres qu'ils eussent connu avant moi. Mais bientôt, dans le bel hôtel où ils allèrent s'établir, madame Necker, sur le modèle de la société de madame Geoffrin, choisit et composa la sienne.
            Etrangère aux moeurs de Paris, madame Necker n'avait aucun des agréments d'une jeune Française. Dans ses manières, dans son langage, ce n'était ni l'air, ni le ton d'une femme élevée à l'école des arts, formée à l'école du monde. Sans goût pour sa parure, sans aisance dans son maintien, sans attrait dans sa politesse, son esprit comme sa contenance, était trop ajusté pour avoir de la grâce.
            Mais un charme plus digne d'elle était celui de décence, de la candeur, de la bonté. Une éducation vertueuse et des études solitaires lui avaient donné tout ce que la culture peut ajouter dans l'âme à un excellent naturel. Le sentiment en elle était parfait mais, dans sa tête la pensée était souvent confuse et vague. Au lieu d'éclaircir ses idées, la méditation les troublait. En les exagérant elle croyait les agrandir. Pour les étendre elle s'égarait dans des abstractions ou dans des hyperboles. Elle semblait ne voir certains objets qu'à travers un brouillard qui les grossissait à ses yeux, et alors son expression s'enflait tellement que l'emphase en eût été risible, si l'on n'avait pas su qu'elle était ingénue.
            Le goût était moins en elle un sentiment qu'un résultat d'opinions recueillies et transcrites sur ses tablettes. Sans qu'elle eût cité ses exemples, il eût été facile de dire d'après qui et sur quoi son jugement s'était formé. Dans l'art d'écrire elle n'estimait que l'élévation, la majesté, la pompe. Les gradations, les nuances, les variétés de couleur et de ton la touchaient faiblement. Elle avait entendu louer la naïveté de La Fontaine, le naturel de Sévigné. Elle en parlait par ouï-dire mais elle y était peu sensible. Les grâces de la négligence, la facilité, l'abandon lui étaient inconnus. Dans la conversation même la familiarité lui déplaisait. Je m'amusais souvent à voir jusqu'où elle portait cette délicatesse. Un jour je lui citais quelques expressions familières que je croyais, disais-je, pouvoir être reçues dans le style élevé comme :
            " Faire l'amour - aller voir ses amours - commencer à voir clair - prendre votre parti - pour bien faire il faudrait - non, vois-tu - faisons mieux, etc. "
            Elle les rejeta comme indignes du style noble.
            " - Racine, lui dis-je, a été moins difficile que vous. Il les a toutes employées. "
            Et je lui en fis voir les exemples. Mais son opinion une fois établie était invariable, et l'autorité de Thomas ou celle de Buffon était pour elle un article de foi......
            Ce n'était point pour nous, ce n'était point pour elle qu'elle se donnait tous ces soins, c'était pour son mari. Nous le faire connaître, lui concilier nos esprits, faire parler de lui avec éloge dans le monde et commencer sa renommée ; tel fut le principal objet de la fondation de sa société littéraire. Mais il fallait encore que son salon, que son dîner, fussent pour son mari un délassement, un spectacle. Car, en effet, il n'était là qu'un spectateur silencieux et froid. Hormis quelques mots fins qu'il plaçait ça et là, personnage muet il laissait à sa femme le soin de soutenir la conversation. Elle y faisait bien son possible, mais son esprit n'avait rien d'avenant à des propos de table. Jamais une saillie, jamais un mot piquant, jamais un trait qui pût réveiller
les esprits. Soucieuse, inquiète, sitôt qu'elle voyait la scène et le dialogue languir, ses regards en cherchaient la cause dans nos yeux......
            Les attentions de madame Necker et tout son désir de nous plaire n'auraient pu vaincre le dégoût de n'être à ses dîners que pour amuser son mari. Mais il en était de ses dîners comme de beaucoup d'autres où la société jouissant d'elle-même dispense l'hôte d'être aimable, pourvu qu'il la dispense de s'occuper de lui.
            Lorsque Necker a été ministre, ceux qui ne l'avaient pas connu dans sa vie privée ont attribué son silence, sa gravité, son air de tête à l'arrogance de son nouvel état. Mais je puis attester qu'avant même qu'il eût fait fortune, simple associé du banquier Thélusson, il avait le même air, le même caractère silencieux et grave, et qu'il n'était ni plus liant, ni plus familier avec nous. Il recevait civilement sa compagnie, mais il n'avait avec aucun de nous cette cordialité qui flatte et qui donne à la politesse une apparence d'amitié.
            Sa fille a dit de lui qu'il " savait tenir son monde à distance "..... Mais la vérité simple était qu'un homme accoutumé, dès sa jeunesse, aux opérations mystérieuses d'une banque, et enfoncé dans les calculs des spéculations commerciales, connaissant peu le monde, fréquentant peu les hommes, très peu même les livres, superficiellement et vaguement instruit de ce qui n'était pas la science de son état, devait, par discrétion, par prudence, par amour-propre, se tenir réservé pour ne pas donner sa mesure......
            Heureux dans mes sociétés, plus heureux dans mon intérieur domestique, j'attendais, après dix-huit mois de mariage, les premières couches de ma femme comme l'événement qui mettrait le comble à mes voeux. Hélas !..... cet enfant si ardemment désiré était mort en venant au monde..... Sa mère étonnée, inquiète de ne pas entendre ses cris, demanda à le voir, et moi immobile et tremblant, j'étais encore dans le salon voisin à attendre sa délivrance, lorsque ma belle-mère vint me dire :
            " - Venez embrasser votre femme et la sauver du désespoir, votre enfant est mort en naissant. "..... Pâle et glacé, me soutenant à peine, je me traînai jusqu'au lit de ma femme, et là, faisant un effort sur moi-même :
***         " - Ma bonne amie, lui dis-je, voici le moment de me prouver que vous vivez pour moi. Notre enfant n'est plus. Il est mort avant d'avoir vu la lumière. "
            La malheureuse jeta un cri qui me perça le coeur, et tomba évanouie entre mes bras. Comme elle lira ces Mémoires, passons sur ces moments cruels.....
            A son second enfant, je la vis résolue à le nourrir de son lait. Je m'y opposai, je la croyais trop faible encore. La nourrice que nous avions choisie était, en apparence, la meilleure possible. L'air de la santé, la fraîcheur, un teint, une bouche de rose, de belles dents, le plus beau sein, elle avait tout, hormis du lait. Ce sein était de marbre. L'enfant dépérissait, il était à Saint-Cloud et, en attendant que sa mère fut en état d'aller le voir, le curé du village nous avait promis d'y veiller. Il nous en donnait des nouvelles. Mais le cruel nous abusait.
            En arrivant chez la nourrice nous fûmes douloureusement détrompés.
           " - Mon enfant pâtit, me dit sa mère. Vois comme ses mains sont flétries. Il me regarde avec des yeux qui implorent ma pitié. Je veux que cette femme me l'apporte à Paris et que mon accoucheur le voie. "
            Elle vint, il fut appelé, il visita son sein, il n'y trouva point de lait. Sur-le-champ il alla nous chercher une autre nourrice, et aussitôt que l'enfant eut pris ce nouveau sein, où il puisait à pleine source, il en trouva le lait si bon, qu'il ne pouvait s'en rassasier. Quelle fut notre joie de le voir revenir à vue d'oeil et se ranimer comme une plante desséchée et mourante que l'on arrose ! ce cher enfant était Albert, et nous semblons avoir un doux pressentiment des consolations qu'il nous donne......                                                                            A mesure que le bon lait de notre jeune Bourguignonne faisait couler la santé dans ses veines, nous voyions sur son petit corps, sur tous ses membres délicats, les chairs s'arrondir, s'affermir, nous voyions ses yeux s'animer, nous voyions son visage se colorer et s'embellir.Nous croyions aussi voir sa petite âme se développer et son intelligence éclore. Déjà il semblait nous entendre et commençait à nous connaître, son sourire et sa voix répondaient au sourire, à la voix de sa mère. Je le voyais aussi se réjouir de mes caresses. Bientôt sa langue essaya ses premiers mots de la nature, ces noms si doux qui, des lèvres de l'enfant, vont droit au coeur du père et de la mère.                                                           memo.fr
            Je n'oublierai jamais le moment où, dans le jardin de notre petite maison, mon enfant qui n'avait encore osé marcher sans ses lisières, me voyant à trois pas de lui à genoux, lui tendant les mains, se détacha des bras de sa nourrice et, d'un pied chancelant mais résolu, vint se jeter entre mes bras...... Une femme de nos amis disait de moi, assez plaisamment : " Il croit qu'il n'y a que lui au monde qui soit père. "...... Vous concevez qu'auprès de notre enfant nous n'avions l'un et l'autre à désirer aucun autre spectacle, aucune autre société.
            Notre famille cependant et quelques-uns de nos amis venaient nous voir les jours de fête......
            Nous faisions assez fréquemment des promenades solitaires, et le but de ces promenades était communément cette châtaigneraie de Montmorency que Rousseau a rendu célèbre.
            " - C'est ici, disais-je à ma femme, qu'il a rêvé de ce roman d'Héloïse dans lequel il a mis tant d'art et d'éloquence à farder le vice d'une couleur d'honnêteté et d'une teinte de vertu. "
            Ma femme avait du faible pour Rousseau. Elle lui savait un gré infini d'avoir persuadé aux femmes de nourrir leurs enfants et d'avoir pris soin de rendre heureux ce premier âge de la vie.
            " - Il faut, disait-elle, pardonner quelque chose à celui qui nous a appris à être mères. "
Résultat de recherche d'images pour "voltaire" ****       Mais moi qui n'avais vu dans la conduite et dans les écrits de Rousseau qu'un contraste perpétuel de beau langage et de vilaines moeurs. Moi qui l'avais vu s'annoncer pour être l'apôtre et le martyre de la vérité et s'en jouer sans cesse avec d'adroits sophismes, se délivrer par la calomnie du fardeau de la reconnaissance. Prendre dans son humeur farouche et dans ses visions sinistres les plus fausses couleurs pour noircir ses amis. Diffamer ceux des gens de lettres dont il avait le plus à se louer pour se signaler seul et les effacer tous, je faisais sentir à ma femme, par le bien même que Rousseau avait fait, tout le mal qu'il aurait pu s'abstenir de faire si, au lieu d'employer son art à servir ses passions, à colorer ses haines, ses vengeances, ses cruelles ingratitudes, à donner à ses calomnies des apparences spécieuses, il eût travaillé sur lui-même à dompter son orgueil, son humeur irascible, ses sombres défiances, ses tristes animosités, et à redevenir ce que l'avait fait la nature, innocemment sensible, équitable, sincère et bon......

            ..... Si j'avais eu la passion de la célébrité deux grands exemples m'en auraient guéri, celui de Voltaire et celui de Rousseau. Exemples différents, opposés sous bien des rapports, mais pareils en ce point, que la même soif de louanges et de renommée avait été le tourment de leur vie.
            Voltaire, que je venais de voir mourir, avait cherché la gloire par toutes les routes ouvertes au génie, et l'avait méritée par d'immenses travaux et par des succès éclatants. Mais sur toutes ces routes il avait rencontré l'envie et toutes les furies dont elle est escortée. Jamais homme de lettres n'avait essuyé tant d'outrages, sans autre crime que de grands talents et l'ardeur de les signaler. On croyait être ses rivaux en se montrant ses ennemis. Ceux qu'en passant il foulait aux pieds l'insultaient encore dans leur fange. Sa vie entière fut une lutte, et il y fut infatigable. Le combat ne fut pas toujours digne de lui et il eut encore plus d'insectes à écraser que de serpents à étouffer. Mais il ne sut jamais ni dédaigner ni provoquer l'offense. Les plus vils de ses agresseurs ont été flétris de sa main. L'arme du ridicule fut l'instrument de ses vengeances, et il s'en fit un jeu redoutable et cruel. Mais le plus grand des biens, le repos, lui fut inconnu. Il est vrai que l'envie parut enfin lasse de le poursuivre et l'épargner au moins sur le bord du tombeau.
Résultat de recherche d'images pour "rousseau voltaire et montesquieu"            Dans le voyage qu'on lui permit de faire à Paris après un long exil, il jouit de sa renommée et de l'enthousiasme de tout un peuple reconnaissant des plaisirs qu'il lui avait donnés. Le débile et dernier effort qu'il faisait pour lui plaire, Irène, fut applaudie comme l'avait été Zaïre, et ce spectacle où il fut couronné fut pour lui le plus beau triomphe. Mais dans quel moment lui venait cette consolation, ce prix de tant de veilles !                                                                              *****
Le lendemain je le vis dans son lit :
            " - Eh bien ! lui dis-je, enfin, êtes-vous rassasié de gloire ?
              - Ah, mon ami ! s'écria-t-il, vous me parlez de gloire et je suis au supplice, et je me meurs dans des
tourments affreux ! "
            Ainsi finit l'un des hommes les plus illustres dans les lettres et le plus aimable dans la société. Il était sensible çà l'injure, mais il l'était à l'amitié. Celle dont il a honoré ma jeunesse fut la même jusqu'à sa mort et, un dernier témoignage qu'il m'en donna fut l'accueil plein de grâce et de bonté qu'il fit à ma femme lorsque je la lui présentai. Sa maison ne désemplissait pas du monde qui venait le voir, et nous étions témoins de la fatigue qu'il se donnait pour répondre convenablement à chacun. Cette attention continuelle épuisait ses forces et, pour ses vrais amis, c'était un spectacle pénible. Mais nous étions de ses soupers et là nous jouissions des dernières lueurs de cet esprit qui allait s'éteindre.
            Rousseau était malheureux comme lui et par la même passion. Mais l'ambition de Voltaire avait un fonds de modestie. Vous pouvez le voir dans ses lettres, au lieu que celle de Rousseau était pétrie d'orgueil. La preuve en est dans ses écrits.
            Je l'avais vu dans la société des gens de lettres les plus estimables, accueilli et considéré. Ce ne fut pas assez pour lui. Leur célébrité l'offusquait, il les crut jaloux de la sienne. Leur bienveillance lui fut suspecte. Il commença par les soupçonner, et il finit par les noircir. Il eut malgré lui des amis, ces amis lui firent du bien. Leur bonté lui fut importune. Il reçut leurs bienfaits, mais il les accusa d'avoir voulu l'humilier, le déshonorer, l'avilir. Et la plus odieuse diffamation fut le prix de leur bienfaisance.
            On ne parlait de lui dans le monde qu'avec un intérêt sensible. La critique elle-même était pour lui pleine d'égards et tempérée par des éloges. Elle n'en était, disait-il, que plus adroite et plus perfide. Dans le repos le plus tranquille, il voulait toujours, ou se croire, ou se dire persécuté. Sa maladie était d'imaginer dans les événements les plus fortuits, dans les rencontres les plus communes, quelque intention de lui nuire, comme si dans le monde tous les yeux de l'envie avaient été attachés sur lui.
            Si le duc de Choiseul avait fait conquérir la Corse, ç'avait été pour lui ôter la gloire d'en être le législateur. Si le même allait souper à Montmorency chez la maréchale de Luxembourg, c'était pour usurper la place qu'il avait coutume d'occuper auprès d'elle à table. Hume, à l'entendre, avait été envieux de l'accueil que lui avait fait le prince de Conti. Il ne pardonnait pas à Grimm d'avoir eu sur lui quelque préséance chez madame d'Epinay, et l'on peut voir dans ses mémoires comment son âpre vanité s'est vengée de cette offense.
            ....... Assurément à aucun prix je n'aurais voulu de la condition de Rousseau. Il n'avait pu l'endurer lui-même et, après avoir empoisonné ses jours, je ne suis point surpris qu'il en ait volontairement abrégé la truste durée.
            Pour Voltaire, j'avoue que je trouvais sa gloire encore trop chèrement payée par toutes les tribulations qu'elle lui avait fait éprouver, et je disais encore : " Moins d'éclat et plus de repos ". 

            J'ai dit quelle était, depuis quarante ans, mon amitié pour d'Alembert, et quel prix je devais attacher à la sienne. Depuis la mort de mademoiselle l'Espinasse, il était consumé d'ennui et de tristesse.......
            Thomas semblait encore avoir longtemps à vivre pour la gloire et pour l'amitié.
            Mais d'Alembert commençait à sentir les déchirements de la pierre, et bientôt il n'exista plus que pour souffrir et mourir lentement dans les plus cruelles douleurs.
            Dans une faible esquisse de son éloge j'ai essayé de peindre la douce égalité de ce caractère.....
            En le pleurant, j'étais loin de penser à lui succéder dans la place de secrétaire perpétuel de l'Académie française.

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                                                                           suite et fin livre onzième....../
            A notre retour à Paris......
                     
         
                                                         

samedi 30 mai 2015

Flash Mots d'auteurs Chamfort 2 ( France )


wikipedia.fr

                                            Caractères et Anecdotes

            Fontenelle avait été refusé trois fois de l'Académie, et le racontait souvent. il ajoutait :
            " J'ai fait cette histoire à tous ceux que j'ai vus s'affliger d'un refus de l'Académie, et je n'ai consolé personne. "

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            Lorsque Mme Du Barry et le duc d'Aiguillon firent renvoyer M. de Choiseul, les places que sa retraite laissait vacantes n'étaient point encore données. Le roi ne voulait point de M. d'Aiguillon pour ministre des Affaires Etrangères, M. le prince de Condé  portait M. de Vergennes qu'il avait connu en Bourgogne, Mme Du Barry portait le cardinal de Rohan qui s'était attaché à elle. M. d'Aiguillon, alors son amant, voulut les écarter l'un et l'autre, et c'est ce qui fit donner l'ambassade de Suède à M. de Vergennes, alors oublié et retiré dans ses terres, et l'ambassade de Vienne au cardinal de Rohan, alors le prince Louis.


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                                                                                                                         pinterest.com
            Le duc de La Vallière voyant à l'Opéra la petite Lacour sans diamants, s'approche d'elle et lui demande comment cela se fait .
            - C'est lui dit-elle, que les diamants sont la croix de Saint-Louis de notre état.
            Sur ce mot il devint amoureux fou d'elle. Il a vécu avec elle longtemps. Elle le subjuguait par les mêmes moyens qui réussirent à Mme Du Barry près de Louis XV. Elle lui ôtait son cordon bleu, le mettait à terre et lui disait :
            " - Mets-toi à genoux là-dessus, vieille Ducaille. "


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            Mme Du Barry étant à Lucienne eut la fantaisie de voir le Val, maison de M. de Beauvau. Elle fit demander à celui-ci si cela ne déplairait pas à Mme de Beauvau. Mme de Beauvau crut plaisant de s'y trouver et d'en faire les honneurs. On parla de ce qui s'était passé sous Louis XV. Mme Du Barry se plaignit de différentes choses qui semblaient faire voir qu'on haïssait sa personne.
            - Point du tout, dit Mme de Beauvau, nous n'en voulions qu'à votre place.
            Après cet aveu naïf on demanda à Mme Du Barry si Louis XV ne disait pas beaucoup de mal d'elle ( Mme de Beauvau ) et de Mme de Gramont.
            - Oh ! beaucoup.
            - Eh bien ! quel mal, de moi par exemple ?
            - De vous, Madame, que vous étiez hautaine, intrigante, que vous meniez votre mari par le nez.
            M. de Beauvau était présent. On se hâta de changer de conversation.


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            Dans les dernières années du règne de Louis XV, le roi étant à la chasse et ayant peut-être de l'humeur contre Mme Du Barry, s'avisa de dire un mot contre les femmes. Le maréchal de Noailles se répandit en invectives contre elles, et dit que quand on avait fait d'elles ce qu'il faut en faire, elles n'étaient plus bonnes qu'à renvoyer. Après la chasse le maître et le valet se retrouvèrent chez Mme Du Barry à qui M. de Noailles dit mille jolies choses.
            - Ne le croyez pas, dit le roi.
            Et alors il répéta ce qu'avait dit le maréchal à la chasse. Mme Du Barry se mit en colère, et le maréchal lui répondit :
            - Madame, à la vérité, j'ai dit cela au roi. Mais c'était à propos des dames de Saint-Germain, et non pas de celles de Versailles.
            Les dames de Saint-Germain étaient sa femme, Mme de Tessé, Mme de Duras, etc. Cette anecdote m'a été contée par le maréchal de Duras, témoin oculaire.


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            C'est un fait certain et connu des amis de M. d'Aiguillon que le roi ne l'a jamais nommé ministre des Affaires Etrangères. Ce fut Mme Du Barry qui lui dit :
            " - Il faut que tout ceci finisse, et je veux que vous alliez demain matin remercier le roi de vous avoir nommé à la place. "
            Elle dit au roi :
            " - M. d'Aiguillon ira demain vous remercier de sa nomination à la place de secrétaire d'Etat des Affaires Etrangères. "
            Le roi ne dit mot.
            M. d'Aiguillon n'osait pas y aller. Mme Du Barry le lui ordonna, il y alla.
            Le roi ne lui dit rien, et M. d'Aiguillon entra en fonction sur-le-champ.


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            Fontenelle avait fait un opéra où il y avait un choeur de prêtres qui scandalisa les dévots. L'archevêque de Paris voulut le faire supprimer.
            - Je ne me mêle point de son clergé, dit Fontenelle, qu'il ne se mêle pas du mien.


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            Le roi de Pologne Stanislas avait des bontés pour l'abbé Porquet et n'avait encore rien fait pour lui. L'abbé lui en faisait l'observation ;
            - Mais, mon cher abbé, lui dit le roi, il y a beaucoup de votre faute. Vous tenez des discours très libres. On prétend que vous ne croyez pas en Dieu, il faut vous modérer. Tâchez d'y croire. Je vous donne un an pour cela.


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                                                                                                                  donarussia.eklablog.fr

            Louis XV ayant refusé vingt-cinq mille francs de sa cassette à Lebel, son valet de chambre, pour la dépense de ses petits appartements, et lui disant de s'adresser au Trésor Royal, Lebel répondit :
            - Pourquoi m'exposerais-je au refus et aux tracasseries de ces gens-là, tandis que vous avez là plusieurs millions ?
            Le roi lui répondit :
            - Je n'aime point à me dessaisir, il faut toujours avoir de quoi vivre.
            ( Anecdote contée par Lebel à M. Buscher ).


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            On s'étonnait de voir le duc de Choiseul se soutenir aussi longtemps contre Mme Du Barry. Son secret était simple : au moment où il paraissait le plus chanceler, il se procurait une audience ou un travail avec le roi et lui demandait ses ordres relativement à cinq ou six millions d'économie qu'il avait faite dans les départements de la guerre, observant qu'il n'était pas convenable de les envoyer au Trésor Royal. Le roi entendait ce que cela voulait dire et lui répondait :
            " - Parlez à Bertin, donnez-lui trois millions en tels effets. Je vous fais présent du reste. "
            Le roi partageait ainsi avec le ministre et, n'étant pas sûr que son successeur lui offrît les mêmes facilités, gardait M. de Choiseul malgré les intrigues de Mme Du Barry.


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                        Je causais un jour avec M. de V... qui paraît vivre sans illusions dans un âge où l'on en est encore susceptible. Je lui témoignais la surprise qu'on avait de son indifférence. Il me répondit gravement :
            - On ne peut pas être et avoir été. J'ai été dans mon temps tout comme un autre, l'amant d'une femme galante, le jouet d'une coquette, le passe-temps d'une femme frivole, l'instrument d'une intrigante. Que peut-on être de plus ?
            - L'amie d'une femme sensible.
            - Ah! nous voilà dans les romans.


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            M...., homme de lettres connu, n'avait fait aucune démarche pour voir tous ces princes voyageurs qui, dans l'espace de trois ans, sont venus en France l'un après l'autre. Je lui demandai la raison de ce peu d'empressement, il me répondit :
            - Je n'aime, dans les scènes de la vie, que ce qui met les hommes dans un rapport simple et vrai les uns avec les autres. Je sais, par exemple, ce que c'est qu'un père et un fils, un amant et une maîtresse, un ami et un ami, un protecteur et un protégé et même un acheteur et un vendeur, etc.. Mais ces visites produisant des scènes sans objet, où tout est comme réglé par l'étiquette, dont le dialogue est comme écrit d'avance, je n'en fais aucun cas. J'aime mieux un canevas italien qui a du moins le mérite d'être joué à l'impromptu.



                                                                                          Chamfort

                                                                        extraits de Maximes et Pensées

jeudi 28 mai 2015

Flash Mots d'auteur Chamfort ( France )



                                                 Caractères et Anecdotes

            Marmontel dans sa jeunesse recherchait beaucoup le vieux Boindin célèbre par son esprit et son incrédulité. Le vieillard lui dit :
            - Trouvez-vous au café Procope .
            - Mais nous ne pourrons pas parler de matières philosophiques.
            - Si fait, en convenant d'une langue particulière, d'un argot.
            Alors, ils firent leur dictionnaire.
            L'Âme s'appelait " Margot ", la Religion "Javotte ", la Liberté "Jeanneton "et le Père Éternel " M. de l'Etre ".
            Les voilà discutant et s'entendant très bien. Un homme en habit noir avec une fort mauvaise mine se mêlant à la conversation dit à Boindin :
            - Monsieur, oserais-je vous demander ce que c'était que ce monsieur de l'Etre qui s'est si souvent mal conduit et dont vous êtes si mécontent ?
            - Monsieur, reprit Boindin, c'était un espion de police.
            On peut juger de l'éclat de rire, cet homme étant lui-même du métier.

           
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            Dans ma première jeunesse j'eus occasion d'aller voir dans la même journée M. Marmontel et
M. d'Alembert. J'allai le matin chez M. Marmontel, qui demeurait alors chez Mme Geoffrin. Je frappe en me trompant de porte, je demande M. Marmontel. Le Suisse me répond :
            - M de Montmartel ne demeure plus dans ces quartiers-ci, et il me donna son adresse.
            Le soir je vais chez M; d'Alembert, rue Saint-Dominique. Je demande l'adresse à un Suisse qui me dit :
           - M. Staremberg ambassadeur de Venise ? La troisième porte.
           - Non, M. d'Alembert, de l'Académie Française.
           - Je ne connais pas.

                                                                                                                           larousse.fr
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                                             Des Savants et des Gens de Lettres

            Il y a une certaine énergie ardente, mère ou compagne de telle espèce de talents, laquelle pour l'ordinaire condamne ceux qui les possèdent au malheur, non pas d'être sans morale, de n'avoir pas de très beaux mouvements, mais de se livrer fréquemment à des écarts qui supposeraient l'absence de toute morale. C'est une âpreté dévorante dont ils ne sont pas maîtres et qui les rend très odieux. On s'afflige, en songeant que Pope et Swift en Angleterre, Voltaire et Rousseau en France, jugés par la haine non par la haine mais par l'équité, par la bienveillance sur la foi des faits attestés ou avoués par leurs amis et par leurs admirateurs, seraient atteints et convaincus d'actions très condamnables, de sentiments très pervers. O Altitudo !


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            J.-J. Rousseau passe pour avoir eu Mme la comtesse de Boufflers, et même ( qu'on me passe ce terme ) pour l'avoir manquée, ce qui leur donna beaucoup d'humeur l'un comme l'autre. Un jour on disait devant eux que l'amour du genre humain éteignait l'amour de la patrie.
            - Pour moi, dit-elle, je sais, par mon exemple, et je sens que cela n'est pas vrai. Je suis très bonne Française, et je ne m'intéresse pas moins au bonheur de tous les peuples.
             - Oui, je vous entends, dit Rousseau, vous êtes Française par votre buste et cosmopolite du reste de votre personne.


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            M. de Castries, dans le temps de la querelle de Diderot et de Rousseau, dit avec impatience à M. de R... qui me l'a répété : " Cela est incroyable, on ne parle que de ces gens-là, gens sans état, qui n'ont point de maison, logé dans un grenier, on ne s'accoutume point à cela. "


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            Le philosophe qui fait tout pour la vanité a-t-il droit de mépriser le courtisan qui fait tout pour
 l'intérêt ? Il me semble que l'un emporte les louis d'or et que l'autre se retire content après en avoir entendu le bruit. D'Alembert courtisan de Voltaire par un intérêt de vanité, est-il bien au-dessus de tel ou tel courtisan de Louis XIV, qui voulait une pension ou un gouvernement ?


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            On croit communément que Pierre le Grand se réveilla un jour avec l'idée de tout créer en Russie. M. de Voltaire avoue lui-même que son père, Alexis, forma le dessein d'y transporter les Arts. Il y a dans tout une maturité qu'il faut attendre. Heureux l'homme qui arrive dans le moment de cette maturité.


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            L'Assemblée Nationale de 1789 a donné au peuple français une constitution plus forte que lui. Il faut qu'elle se hâte d'élever la nation à cette hauteur, par une bonne éducation publique. Les législateurs doivent faire comme ces médecins habiles qui, traitant un malade épuisé, font passer les restaurants à l'aide des stomachiques.


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Résultat de recherche d'images pour "voltaire"            M. de Voltaire voyant la religion tomber tous les jours disait une fois :
            - Cela est pourtant fâcheux, car de quoi nous moquerons-nous ?
            - Oh ! lui dit M. Sabatier de Cabre, consolez-vous, les occasions ne vous manqueront pas plus que les moyens.
            - Ah ! monsieur, reprit douloureusement M. de Voltaire, hors de l'église point de salut.


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            M. le Régent avait promis de faire " quelque chose " du jeune Arouet, c'est-à-dire d'en faire un important et de le placer. Le jeune poète attendit le prince au sortir du Conseil, au moment où il était suivi des quatre secrétaires d'Etat. Le Régent le vit et lui dit :
            - Arouet, je ne t'ai pas oublié, et je te destine le département des " Niaiseries ".
            - Monseigneur, dit le jeune Arouet, j'aurais trop de rivaux : en voilà quatre.
            Le prince pensa étouffer de rire.


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            M. de Voltaire étant chez Mme du Châtelet et même dans sa chambre, s'amusait avec l'abbé Mignot, encore enfant, et qu'il tenait sur ses genoux. Il se mit à jaser avec lui et à lui donner des instructions.
            - Mon ami, lui dit-il, pour réussir avec les hommes il faut avoir les femmes pour soi. Pour avoir les femmes pour soi, il faut les connaître. Vous saurez donc que toutes les femmes sont fausses et catins...
            - Que dîtes-vous là monsieur, dit Mme du Châtelet en colère.
            - Madame, dit M. de Voltaire, il ne faut pas tromper l'enfance.


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            Un homme disait à M. de Voltaire qu'il abusait du travail et du café, et qu'il se tuait.
            - Je suis né tué, répondit-il.


                                                                                    Chamfort

                                   "extraits de Maximes et Pensées Caractères et Anecdotes "
                                                               




                  

dimanche 24 mai 2015

La gaieté Justine Lévy ( récit France )

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                                   La Gaieté

            La tristesse, oubliée la tristesse. Abolir ce lourd sentiment qui s'enroule autour d'elle, détruit les lueurs du jour. Etre " gaiegaiegaie ". Justine Lévy retrouve Louise, qui n'est autre qu'elle-même, quittée dans        
" Mauvaise fille " alors que sa mère meurt d'un cancer à l'hôpital et qu'elle accouche de son premier enfant, Angèle. Elle ne veut pas offrir à son enfant la tristesse que lui inspirait sa mère, déchue de son titre, de son rôle. La vie quotidienne la confronte sans cesse à des souvenirs douloureux, partagée entre l'éducation de ses deux enfants, le second un garçon, Paul, sa vie d'épouse de Pablo, son travail d'éditrice. Le moment du petit déjeuner peut être porteur de crise de réminiscences, une invitation à un goûter d'anniversaire le rappel des mots cuisants, durs, si mal supportés par la petite fille élevée dorénavant par son père souvent absent, auprès de belle-mère souvent changées, jalouses du souvenir de la maman de Louise belle, ancien mannequin, avant d'être arrêtée pour de sombres histoires. "... La belle-mère bientôt déchue continuait de soliloquer, ta mère ta mère ta mère, et moi je ne regardais plus que ses incisives petites, pointues... " Malgré ses efforts, son père rassurant toujours libre pour l'écouter aussi éloigné soit-il, " ... le chagrin ne disparaît pas quand il s'en va, il passe d'une personne à l'autre, comme un rhume..... cette peine qu'elle m'a refilée, c'est pour ça que moi j'ai décidé d'arrêter la contagion... " Louise combat ses tourments. " Bien sûr que j'adorerais partir en promenade avec un enfant dans chaque main, le nez au vent.... ne pas toujours prévoir les catastrophes. Il y a une photo idiote qui me fascine, on y voit Brad Pitt avec deux de ses enfants, un air cool et un biberon qui dépasse de la poche de son jean... " Cette mère morte neuf ans plus tôt est omniprésente,
" .... maman.... elle me manque toujours et ça me tord le ventre.... ce n'est pas un doudou, ce qui me rapproche d'elle c'est le manque.... " Après la tristesse reconstruire avec la gaieté de la tendresse qu'elle porte à ses enfants. De son premier livre on a dit " ne le secouez pas trop, il est plein de larmes ". De celui-ci dire qu'il est plein de coups qui traversent les pages, empêchent l'auteur de fermer la porte aux souvenirs douloureux. 

vendredi 22 mai 2015

Que ta volonté soit faite Maxime Chattam ( roman France

Que ta volonté soit faite

                                       Que ta volonté soit faite  

            " Qui je suis n'a que peu d'importance, ce qui compte c'est ce que je sais et comment je vais vous le raconter. " Et l'histoire qui nous est contée est rude, l'histoire d'un homme qui aime faire mal. Une folie, mais il n'est pas fou. Lucide, il tue les animaux, viole les filles, mais leur donne un coquelicot en les quittant. L'écriture est simple, hors quelques mots qui demandent une recherche, le sujet nous porte, tourner la page.
Carson Mills petite ville proche de Wichita, n'a pas grandi, restée repliée, avec la grand'rue, un cinéma, les maisons cossues du sud de la ville, les plus pauvres au nord, et alentour les forêts où gambadent lapins et autres animaux qui trouveront là le cimetière que leur creuse Jon Petersen., enfant élevé par son grand-père, entouré de ses tantes. Sa sexualité ne trouve d'issue que dans la violence. Son déséquilibre dans la course folle qu'il mène contre tout ce qui vit. Équarrisseur un temps il frappe les carcasses. Mais le mal creuse en lui son trou, il devient l'effroi des habitants de la petite ville. Petite ville mais où cohabitent deux églises, les luthériens et les méthodistes, et il y a le shérif Jarvis marié à Rosie. Les viols sont-ils tous le fait de Jon, le doute effleure parfois. Riley, fils de ce père pervers, a dix, onze, douze ans, fuit l'école, sa mère "... est une enseigne déglinguée par le temps... ". Y aura-t-il une issue ? "... Nos vies.... une accumulation de petits interrupteurs... l'un ouvert, le suivant fermé... ce sont simplement les aléas du quotidien, des rencontres des actes manqués... des réussites, des échecs....Certains appellent cela le " destin " d'autres le " choix de Dieu ".
La fin curieuse est-elle à la hauteur du roman, surprenant ou comme l'auteur l'a voulu, n'oubliez pas ce petit coin du Minnesota, ces champs de maïs et ses habitants qui découvriront bientôt les recherches sur ordinateur.