vendredi 1 novembre 2019

Lappin et Lapinova Virginia Woolf ( Nouvelle Grande Bretagne )


letemps.ch
                           















                                                        Lappin et Lapinova

             Ils étaient mariés.
             La marche nuptiale retentissait.
             Les pigeons voletaient.
             Des petits garçons avec leurs uniformes d'Eton lançaient du riz, un fox terrier bondissait dans l'allée et Ernest Thorburn conduisait son épouse jusqu'à la voiture, se frayant un passage parmi ces badauds londoniens totalement inconnus, mais que ne manquent jamais d'attirer le bonheur ou le malheur d'autrui.
            Pas de doute, il était beau et elle avait l'air timide.
            On jeta encore du riz et la voiture démarra.
            Cela se passait le mardi. On était maintenant le samedi. Rosalind devait encore s'habituer à être Mrs Ernest Thorburn.
            Peut-être ne s'habituerait-elle jamais à être Mrs Ernest Qui-que-ce soit, pensait-elle, assise devant la baie vitrée de l'hôtel qui donnait sur les montagnes de l'autre côté du lac, attendant que son mari descende prendre son déjeuner.
            Ernest est un nom auquel il fallait un certain temps pour s'habituer. Pas le nom qu'elle eût choisi. Elle aurait préféré Thimothy, Antony ou Peter. Lui non plus n'aimait pas Ernest. Ce nom lui faisait penser au mémorial du prince Albert, à des buffets d'acajou, à des chalcographies du prince consort avec sa famille. Bref, la salle à manger de sa belle-mère à Porchester Terrace.
            Enfin le voilà. Dieu merci il n'avait pas l'air d'un Ernest. Mais de quoi avait-il l'air ? Elle le regarda à la dérobée. Eh bien, en mangeant son pain grillé, il avait l'air d'un rabbit.
            Personne d'autre n'aurait perçu une ressemblance avec un animal aussi chétif et si timide chez ce jeune homme si net et si musclé, avec son nez rectiligne, ses yeux bleus et sa bouche volontaire. Mais ce n'en était que plus amusant. En mangeant il fronçait imperceptiblement le nez, comme le petit rabbit de Rosalind. Ce froncement de nez la fascinait et, quand il la surprit l'observant, elle dut lui expliquer pourquoi elle riait.                                                              pixabay.com
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            - C'est parce que tu as l'air d'un rabbit, Ernest, d'un rabbit de garenne, ajouta-t-elle en le regardant. Un rabbit chasseur. Un rabbit royal, un rabbit qui fait la loi à tous les autres.
            Ernest ne voyait aucun inconvénient à être un rabbit de cette sorte, et si cela amusait Rosalind de le voir froncer le nez ( il n'avait jamais su qu'il fronçait le nez), il le fit exprès.
            Elle rit à gorge déployée, et il rit aussi, si bien que les vieilles demoiselles et le pêcheur et le serveur suisse à la veste noire toute graisseuse, devinèrent juste : ils étaient très heureux.
             Mais, ce bonheur-là, se demandaient-ils, il y en a pour combien de temps ? Et chacun répondait selon son expérience personnelle.
            A l'heure du déjeuner, assise sur une touffe de bruyère près du lac :
            -  Laitue, rabbit ? demanda Rosalind en présentant la laitue destinée à accompagner les œufs durs. Viens la manger dans ma main, ajouta-t-elle, et Ernest tendit le cou pour grignoter la laitue en fronçant le nez.
            - Gentil, gentil rabbit, dit-elle en le tapotant comme elle tapotait son rabbit apprivoisé chez elle. Mais c'était un geste absurde. De toute façon, il n'était pas un rabbit apprivoisé. Elle résolut de le franciser et de l'appeler " lapin ".
            Mais de toute façon ce n'était pas un rabbit français. Il était anglais de la tête aux pieds, né à Porchester Terrace, ancien élève de rugby, et maintenant fonctionnaire au service de Sa Majesté.
            Alors elle essaya Bunny. Mais c'était pire.
            - Bunny était une personne dodue, douce et enjouée. Lui était mince, dur et grave. Quand même il fronçait du nez. " Lapin ", s'écria-t-elle tout à coup, et elle poussa un petit cri, comme si elle venait de tomber juste sur le mot qu'elle cherchait.
            - Lappin, Lappin, Roi Lappin, répondit-elle. Cela lui allait comme un gant : il n'était pas Ernest, il était Roi Lappin. Pourquoi ? Elle n'en savait rien.
            Quand ils n'avaient pas de nouveau sujet de conversation au cours de leurs longues promenades solitaires, qu'il pleuvait, tout le monde les avait prévenus qu'il pleuvrait, ou le soir, quand ils se tenaient près du feu, car il faisait froid et les vieilles demoiselles étaient parties, le pêcheur aussi, et le serveur ne venait que si on le sonnait, alors son imagination jouait avec l'histoire de la tribu Lappiren. damstime.com
Résultat de recherche d'images pour "images lapins animés""            Sous ses mains, elle cousait et Ernest lisait, ils devenaient très réels, très colorés, très amusants. Ernest posa son journal pour l'aider.
            Il y avait les lapins noirs et rouges : les ennemis et les amis. Il y avait le bois où ils vivaient, les prairies environnantes et le marécage. Surtout, il y avait Roi Lappin qui, loin de n'avoir pour seul signe particulier son froncement de nez, acquit au fil des jours une très forte personnalité. Rosalind ne cessait de le doter de nouvelles qualités. C'était avant tout un grand chasseur.
            - Et, demanda Rosalind le dernier jour de leur lune de miel, qu'est-ce que le roi a fait aujourd'hui ?
            En réalité ils avaient passé toute la journée en montagne et elle avait une ampoule au talon. Mais ce n'était pas de cela qu'elle parlait.
            - Aujourd'hui, répondit Ernest qui fronçait le nez en tranchant des dents l'extrémité de son cigare, il a poursuivi un lièvre. Il se tut, craqua une allumette et fronça de nouveau. Un lièvre femme, précisa-t-il.
            - Un lièvre blanc, s'écria Rosalind, comme si elle s'attendait à cette nouvelle. Plutôt petit, gris argenté, de grands yeux brillants ?
            - Oui, dit Ernest en la regardant de la même façon qu'elle l'avait regardé, un animal de taille modeste avec des yeux protubérants et deux petites pattes de devant qui pendillent.
            Rosalind était assise exactement ainsi, son ouvrage pendillant entre ses mains, et ses yeux, si grands et si brillants, étaient effectivement un peu protubérants.
            - Ah, murmura Rosalind-Lapinova.
            - C'est ainsi qu'on l'appelle ? demanda Ernest. La véritable Rosalind ? Il la regarda, il était vraiment très amoureux.
            - Oui, dit Rosalind, c'est ainsi qu'on l'appelle, Lapinova.
            Et ce soir-là, avant d'aller se coucher, ils avaient réglé la question.
            Il était Roi Lappin et elle Reine Lapinova. Ils étaient tout le contraire l'un de l'autre : lui téméraire et volontaire, elle prudente et capricieuse. Il dirigeait les activités du monde des lapins, elle vivait dans un monde désert, mystérieux, qu'elle visitait surtout au clair de lune. Néanmoins leurs territoires se touchaient, ils étaient roi et reine.                                                   pinterest.it                       
Résultat de recherche d'images pour "PEYNET"            Ainsi, au retour de leur lune de miel, ils possédaient un univers privé, entièrement peuplé de lapins, à la seule exception d'un lièvre blanc. Personne n'en soupçonnait l'existence, ce qui n'en était que plus amusant. Grâce à cela, plus encore que la plupart des jeunes couples, ils se sentaient solidaires contre le reste du monde. Ils échangeaient souvent un regard complice quand on parlait autour d'eux de lapins, de bois, de pièges et de chasse. A table ils échangeaient un clin d'oeil furtif quand la tante Mary déclarait qu'elle ne pourrait pas souffrir de voir un lièvre dans un plat, il ressemblait tant à un bébé, ou quand le frère d'Ernest, John le chasseur, leur disait les prix qu'atteignaient les lapins cet automne-là dans le Wiltshire, viande et peaux comprises. Parfois, quand ils avaient besoin d'un garde-chasse, ou d'un braconnier, ou encore d'un châtelain, ils s'amusaient à distribuer les rôles à leurs amis. Le rôle du squire, par exemple, allait comme un gant à Mrs Reginald Thorburn, la mère d'Ernest. Mais tout cela demeurait secret, c'est cela qui comptait, personne en-dehors d'eux ne savait qu'un tel monde existait.
            Rosalind se demandait souvent comment, sans ce monde-là, elle aurait pu passer l'hiver. Ainsi, il y avait eu la réception des noces d'or, quand tous les Thorburn s'étaient retrouvés à Porchester Terrace pour fêter le cinquantième anniversaire de cette union tellement bénie, n'avait-elle produit Ernest Thorburn, et tellement féconde, n'avait-elle pas produit neuf autres fils et filles par-dessus le marché, dont la plupart étaient mariés et féconds eux aussi ?
             Elle avait redouté cette réception. Mais elle n'avait pas pu s'y soustraire. En gravissant l'escalier elle songea, non sans amertume, qu'elle était fille unique, orpheline par surcroît. Une goutte d'eau parmi tous ces Thorburn dans le grand salon tapissé d'un brillant papier satiné, tout reluisant de portraits de famille. Les Thorburn vivants ressemblaient beaucoup aux Thorburn peints, à ceci près qu'ils n'avaient pas des lèvres peintes, mais de vraies lèvres, qu'ils rappelaient des plaisanteries, des plaisanteries d'écoliers. La fois où l'on avait ôté la chaise quand la gouvernante s'asseyait. La fois où l'on avait glissé des grenouilles entre les draps virginaux des vieilles filles. Pour sa part Rosalind n'avait même jamais fait un lit en portefeuille.
            Son cadeau à la main elle s'avança vers sa belle-mère somptueusement vêtue de satin jaune, et de son beau-père dont la boutonnière était ornée d'un œillet jaune foncé. Sur les tables et sur les fauteuils étaient déposées des offrandes d'or, les unes nichées dans du coton, d'autres déployant leur rutilance : bougeoirs, étuis à cigares, chaînes, toutes dûment estampillées par l'orfèvre, pour preuve qu'il s'agissait d'or massif, poinçonné, authentique.
            Mais le cadeau de Rosalind était seulement une petite boîte de pacotille percée de trous : un vieux sablier, une relique du XVIIIè siècle que l'on utilisait pour sécher l'encre sur le papier. Un cadeau plutôt absurde, pensa-t-elle, à une époque où l'on se sert du buvard. Et en le présentant, elle revit devant elle, comme au temps de ses fiançailles, l'écriture hérissée et noire de sa belle-mère formulant " l'espoir que mon fils vous rendra heureuse ".
            Non, elle n'était pas heureuse. Pas heureuse du tout. Elle regarda Ernest, raide comme un piquet, avec un nez pareil à tous les nez des portraits de famille, un nez qui ne se fronçait jamais.
Résultat de recherche d'images pour "lapin yeux roses""            Ensuite on descendit dîner. Rosalind était à moitié cachée par les grands chrysanthèmes qui ourlaient leurs pétales rouges et or en grosses boules serrées. Tout était de l'or. Un carton doré sur tranche avec des initiales dorées entrelacées détaillait la liste de tous les plats qui leur seraient successivement servis. Elle plongea sa cuillère dans une assiette emplie d'un liquide clair et doré. A la lumière des lampes la blancheur crue du brouillard au-dehors devenait une résille dorée qui estompait le rebord des plats et rendait l'écorce des ananas rugueuse et dorée. Elle seule, dans la robe blanche de son mariage, regardait loin devant elle, de ses yeux à fleur de tête, semblait aussi peu soluble qu'un glaçon.
            Pourtant, au cours du dîner, une vapeur chaude envahit la salle. La sueur perlait au front des hommes. Rosalind sentit le glaçon se liquéfier. On la faisait fondre, se répandre, se dissoudre dans le néant, au bord de l'évanouissement. C'est alors que, à travers la houle dans sa tête et le vacarme dans ses oreilles, elle entendit une femme s'écrier :
            - Mais ils sont si prolifiques !
            Elle fit écho à la remarque. Les Thorburn, en effet, ils sont prolifiques, et elle regardait ces faces rubicondes que son vertige lui faisait voir deux fois plus grosses, et agrandies par la brume dorée qui leur faisait un halo. " Ils sont prolifiques. " Alors John brailla :
            - Ces petits démons !... Tirez-les ! Écrasez-les avec de grosses bottes ! C'est le seul moyen avec ces foutus lapins !
            A ce mot, ce mot magique, elle revint à la vie. Jetant un œil entre les chrysanthèmes, elle vit se froncer le nez d'Ernest. Il frémissait en froncements répétés. Et c'est alors qu'une mystérieuse catastrophe s'abattit sur les Thorburn. La table dorée se métamorphosa en une lande couverte d'ajoncs en fleur, le vacarme des voix fut changé en une trille d'alouette cascadant du haut du ciel. Un ciel d'azur où lentement passaient des nuages. Et les Thorburn, ils étaient tous transformés. Rosalind regarda son beau-père, un petit homme furtif, aux moustaches teintes. Il avait le goût des collections, cachets, boîtes émaillées, bibelots de coiffeuses du XVIIIè siècle qu'il cachait à sa femme dans les tiroirs de son bureau. Rosalind le vit maintenant tel qu'il était : un  braconnier qui se sauvait, son manteau bourré de faisans et de perdrix qu'il irait, en cachette, enfourner dans un pot à trois pieds au fond de sa chaumière enfumée. Voilà ce qu'était vraiment son beau-père : un braconnier. Et Célia, la fille célibataire, qui fourrait toujours son nez dans les secrets d'autrui, dans les petites choses qu'ils désiraient cacher, c'était un furet blanc, aux yeux roses et au museau tout crotté à cause de son horrible manie de fouiller dans la boue et d'en tripoter. Dans un filet, jetée en travers des épaules des hommes et balancée dans un trou quelle existence pitoyable que celle de Célia. Ce n'était pas sa faute. C'est ainsi qu'elle voyait Célia. Puis elle regarda sa belle-mère que l'on surnommait le " squire ". Cramoisie, grossière, tyrannique, elle était tout cela, tandis que, debout, elle adressait des remerciements, mais maintenant que Rosalind, ou plutôt Lapinova la voyait, elle aperçut derrière cette femme la décrépitude de sa demeure familiale, le plâtre qui s'écaillait des murs, et elle l'entendit adresser avec des sanglots dans la voix, à ses enfants qui la détestaient, des remerciements pour un monde qui avait cessé d'exister. Il y eut un brusque silence. Tous étaient debout, leur verre levé. Tous burent, c'était fini.
             - Oh, Roi Lappin, s'écria-t-elle, comme ils rentraient ensemble chez eux dans le brouillard, si tu n'avais pas froncé le nez à ce moment précis, j'étais prise au piège.
            - Mais tu es saine et sauve, répondit Roi Lappin en lui étreignant la patte.
            - Oui, saine et sauve.                                                                      
            Et le fiacre les ramena en traversant Hyde Park, roi et reine du marais, de la brume et de la lande qui sentait bon les ajoncs.
            Ainsi le temps passa. Une année, deux années de temps. Et un soir d'hiver qui, par coïncidence était le jour anniversaire des noces d'or, mais Mrs Reginald Thorburn était morte, la maison à louer et seul un gardien l'habitait, Ernest revint du bureau. Ils avaient un gentil petit intérieur, la moitié d'une maison au-dessus d'une boutique de sellerie dans South Kensington, à proximité du métro. Il faisait froid, du brouillard dans l'air, et Rosalind cousait, assise près du feu.
            - Devine ce qui m'est arrivé aujourd'hui, commença-t-elle sitôt qu'Ernest se fut installé, les jambes allongées vers le feu. Je traversais le ruisseau quand...
            - Quel ruisseau ? interrompit Ernest.
            - Le ruisseau du fond à la limite de notre bois et du bois noir, expliqua Rosalind.
            Un instant Ernest eut l'air complètement ahuri.
            - Mais, que me chantes-tu là ?
            - Ernest chéri ! s'écria-t-elle consternée. Roi Lappin, ajouta-t-elle en ballottant ses petites pattes de devant à la lueur du feu.
            Mais le nez d'Ernest ne se fronça pas. Les mains de Rosalind, c'était redevenu des mains, s'agrippèrent sur l'étoffe. Ses yeux sortaient presque des orbites. Quant à Ernest il lui fallut au moins cinq minutes pour redevenir Roi Lappin et, dans cette attente, Rosalind sentit un poids sur sa nuque, comme si on allait lui tordre le cou. Enfin Roi Lappin apparut, son nez se fronça, tous deux passèrent la soirée à errer dans les bois, comme à l'accoutumée.
            Mais elle dormit mal. Au milieu de la nuit elle s'éveilla avec l'impression qu'il lui arrivait quelque chose de bizarre. Elle était raide et avait froid. Elle finit par allumer et regarda Ernest, allongé à ses côtés. Il dormait profondément, il ronflait. Mais même en ronflant son nez restait parfaitement immobile. On aurait dit qu'il ne s'était jamais froncé.
            Était-ce vraiment Ernest ? Était-elle vraiment mariée à Ernest ? La vision de la salle à manger de sa belle-mère surgit devant elle : ils étaient assis là, tous les deux, Ernest et elle, vieux, sous les gravures, devant le buffet... Le jour de leurs noces d'or. Vision insupportable.
            - Lappin, chuchota-t-elle, Roi Lappin !
            Et un instant il eut l'air de froncer le nez spontanément. Mais il dormait toujours.
            - Réveille-toi Lappin, réveille-toi, s'écria Rosalind.
            Ernest s'éveilla et, la voyant assise toute droite près de lui, il demanda :
            - Que se passe-t-il ?
            - J'ai cru que mon lapin était mort ! dit-elle d'un ton pleurnichard.
            Ernest était furieux.
            - Arrête de dire ces idioties, Rosalind. Allonge-toi et dors.             youtube.com
Résultat de recherche d'images pour "peynet animaux""            Il se retourna. Un instant plus tard il ronflait, profondément endormi.
            Mais elle ne pouvait pas dormir. Recroquevillée dans son coin de lit, elle reposait comme un lièvre en son gîte. Elle avait éteint, mais au plafond sur le faible reflet du lampadaire de la rue, se dessinaient comme un réseau de dentelle les ombres du feuillage au-dehors, un bosquet au plafond dans lequel elle errait, faisait mille tours et détours, tantôt chassait ou était poursuivie, entendait les mugissements de la meute et des cors, fuyant, s'échappant... jusqu'à l'heure où la femme de chambre vint ouvrir les volets et leur porter leur première tasse de thé.
            Le lendemain elle ne put se mettre à rien. Comme si elle avait perdu quelque chose. Comme si son corps s'était ratatiné, avait rapetissé, noirci, durci. Ses articulations lui semblaient raidies et en se regardant dans la glace, ce qu'elle fit à plusieurs reprises en errant dans l'appartement, elle eut l'impression que ses yeux lui sortaient de la tête, comme les raisins d'un petit pain. Les pièces semblaient pareillement rétrécies. Elle se heurtait à tous les angles contre d'énormes meubles. Elle finit par mettre son chapeau et sortit.
            Elle descendit Cromwell Road, et quand elle jetait un coup d'oeil à l'intérieur des maisons devant lesquelles elle passait, il lui semblait toujours voir une salle à manger avec de lourds rideaux de dentelle jaune, des buffets d'acajou, et où des gens étaient à table sous les chalcographies accrochées au mur. Elle arriva au Muséum d'histoire naturelle. Enfant elle aimait y aller. Mais en entrant le premier objet qu'elle vit était un lièvre empaillé avec des yeux de verre roses, dressé sur de la fausse neige. Elle en trembla de tous ses membres. Peut-être les choses iraient-elles mieux à la nuit tombante.
            Elle rentra chez elle, s'assit devant le feu sans allumer la moindre lumière. Elle tenta d'imaginer qu'elle se trouvait seule sur la lande, et qu'il y avait un ruisseau rapide, et plus loin un bois obscur. Mais elle ne put pas aller plus loin que ce ruisseau. Elle finit par s'accroupir sur la berge, sur l'herbe mouillée et resta recroquevillée dans son fauteuil, les mains ballantes, vide, et ses yeux brillaient comme du verre à la lueur des flammes. Puis un coup de feu retentit... Elle sursauta comme si elle avait été touchée.
            C'était simplement Ernest faisant tourner sa clé dans la serrure de l'entrée. Rosalind attendait en tremblant. Il entra, alluma la lumière. Resta debout bien droit et bien bâti, se frottant les mains rougies par le froid.
            - Assise dans le noir ?
            - Oh, Ernest, Ernest ! s'écria-t-elle en se redressant brusquement.
            - Eh bien, qu'est-ce donc maintenant ? demanda-t-il d'un ton bref, en se réchauffant les mains au feu.
            - C'est Lapinova... bredouilla Rosalind. Ses grands yeux lui jetaient un regard affolé. Elle est partie, Ernest, je l'ai perdue.
           Ernest fronça les sourcils. Serra les lèvres
           - C'est donc cela ? dit-il, décochant à sa femme un sourire sardonique. Il resta là, debout et silencieux dix bonnes secondes. Elle attendait, éprouvant la sensation de doigts qui lui étreignaient la nuque.
            - Oui, dit-il enfin, pauvre Lapinova...
            Il ajusta sa cravate devant le miroir au-dessus de la cheminée.
            - Prise dans un piège, dit-il, tuée.
            Et il s'assit pour lire le journal.
            Et ce fut la fin de ce mariage-là.

raymond-peynet-gravure 

                                                                    Virginia Woolf

                                           ( in Romans et Nouvelles - La Pochothèque )
            

mardi 29 octobre 2019

Vie et Opinions philosophiques d'un chat 7 et fin Taine ( Nouvelles France )

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                                          Vie et Opinions philosophiques d'un Chat
              
                                                                         7

            Peu à peu l'esprit se dégage des préjugés dans lesquels on l'a nourri, la lumière se fait. Il pense par lui-même. C'est ainsi que j'ai atteint la véritable explication des choses.
            Nos premiers ancêtres ( et les chats de gouttière ont gardé cette croyance ) disaient que le ciel est un grenier extrêmement élevé, bien couvert, où le soleil ne fait jamais mal aux yeux.
            " - Dans ce grenier, disait ma tante, il y a un troupeau de rats si gras qu'ils marchent à peine, et plus on en mange, plus il en revient. "
            Mais il est évident que ceci est une opinion de pauvres hères, lesquels, n'ayant jamais mangé que du rat, n'imaginaient pas une meilleure cuisine. Puis les greniers sont couleur de bois ou gris, et le ciel est bleu, ce qui achève de les confondre.                                             lapresse.ca
Résultat de recherche d'images pour "chats et rats""            A la vérité ils appuyaient leur opinion d'une remarque assez fine.
            " - Il est visible, disaient-ils, que le ciel est un grenier à paille ou à farine, car il en sort très souvent des nuages blonds, comme lorsqu'on vanne le blé, ou blancs, comme lorsqu'on saupoudre le pain dans la huche. "
            Mais je leur réponds que les nuages ne sont point formés par les écailles de grain ou par une poussière de farine. Car, lorsqu'ils tombent, c'est de l'eau qu'on reçoit.
            D'autres, plus policés, ont prétendu que la rôtissoire était Dieu, disant qu'elle est la source de toutes les bonnes choses, qu'elle tourne toujours, elle va au feu sans se brûler, et qu'il suffit de la regarder pour tomber en extase.
            A mon avis, ils n'ont erré ainsi que parce qu'ils la voyaient à travers la fenêtre, de loin, dans une fumée poétique, colorée, étincelante, aussi belle que le soleil du soir. Mais moi qui me suis assis près d'elle pendant des heures entières, je sais qu'on l'éponge, qu'on la raccommode, qu'on la torchonne, et j'ai perdu en acquérant la science les naïves illusions de l'estomac et du coeur.
            Il faut ouvrir son esprit à des conceptions plus vastes et raisonner par des voies plus certaines.
            La nature se ressemble partout à elle-même, et offre dans les petites choses l'image des grandes.                                                                                                          atlantico.fr
Résultat de recherche d'images pour "chats savants rats""            De quoi sortent tous les animaux ? D'un oeuf. La terre est donc un très grand oeuf cassé.
            On s'en convaincra si on examine la forme et les limites de cette vallée qui est le monde visible. Elle est concave, comme un oeuf, et les bords aigus par lesquels elle rejoint le ciel sont dentelés, tranchants et blancs, comme ceux d'une coquille cassée.
            Le blanc et le jaune s'étant resserrés en grumeaux ont fait des blocs de pierre, ces maisons et toute la terre solide. Plusieurs parties sont restées molles, et font la couche que les hommes labourent. Le reste coule en eau et forme les mares, les rivières. Chaque printemps il en coule un peu de nouvelle.
Résultat de recherche d'images pour "chats oeufs"" *         Quant au soleil, personne ne peut douter de son emploi : c'est un grand brandon rouge qu'on promène au-dessus de l'oeuf pour le cuire doucement. On a cassé l'oeuf exprès, pour qu'il s'imprègne mieux de la chaleur. La cuisinière fait toujours ainsi.
            Le monde est un grand oeuf brouillé.
            Arrivé à ce degré de sagesse, je n'ai plus rien à demander à la nature, ni aux hommes, ni à personne, excepté peut-être quelques petits gueuletons à la rôtissoire. Je n'ai plus qu'à m'endormir dans ma sagesse. Car ma perfection est sublime, et nul chat pensant n'a pénétré dans le secret des choses aussi avant que moi.

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                                                         Fin

                                              Hippolyte Taine

Correspondance André Gide Léon Blum

                                                

                                          Correspondance André Gide  Léon Blum 1890 - 1951

                                         (établie, présentée, annotée Pierre Lachasse éd. PULFrance )

            Octobre 1888 Léon Blum et André Gide se rencontrent devant le Lycée HenrI IV. L'élève venu de la rive droite, lycée Condorcet termine brillamment sa scolarité avant de suivre les cours de la faculté de droit à la Sorbonne, de Sciences PO. Gide, scolarité chaotique, passe par l'Ecole Alsacienne ne pense déjà qu'à sa future oeuvre.
            La littérature réunit deux hommes exceptionnels. 57 lettres et 14 enveloppes rapprochées et commentées racontent leur parcours, leurs différends. Gide ne comprend pas l'entrée en politique de son ami, sceptique sur la défense de Dreyfus, alors que Zola écrit " J'accuse ", blesse Blum dans une lettre. Blum entré au Conseil d'Etat, esthète et mondain participe à la vie culturelle à travers des revues, la Revue Blanche, critique théâtral et littéraire.
            Gide publie le Voyage d'Urien, en juillet 1892 Blum écrit sur " l'Apolitique en France ", puis " Interrogation  sur la quête du Bonheur, l'Action pour réaliser son Idéal, sur l'amitié".
             Gide poursuit son journal, les Cahiers d'André Walter. Gide éternel nomade voyage, Blum suivra quelques fois le même parcours que l'écrivain, tous deux à la poursuite de Stendhal, Goëthe, Nietzsche, en Allemagne, Suisse, Italie. Polémique avec Barres, la guerre de 1914, Correspondance croisée de deux intellectuels.
            Importance de la vie française et évolution de deux hommes aux caractères bien différents.                  Gide et l'Afrique.
             Blum écrit sur le Socialisme,
             1920. L'amitié des deux hommes distendue, surtout de la part de Gide, se resserrera lors que ce dernier appréciera le député Blum et ira l'écouter à la Chambre. De plus après " le Voyage au Congo ", très impressionné par ce qu'il voit il écrit à Blum "... le pays ne pourra guérir aussi longtemps qu'on ne l'aura pas délivré de ces sangsues que sont les grandes compagnies concessionnaires... " Puis arrivent le Front Populaire et la guerre de 1940. Blum, juif arrêté, emprisonné et déporté à Buchenwald, Gide réfugié à Cabris, et leur retour à Paris annoncent les dernières années de deux grands hommes.























dimanche 27 octobre 2019

La pyramide de boue Andrea Camilleri ( Roman Italie )

La Pyramide de boue par [CAMILLERI, Andrea]
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                                           La Pyramide de boue

            Sous le ciel sicilien, bruyant de tonnerre, Salvo Montalbano, commissaire vieillissant, doit chausser des bottes et quitter sa maison du bord de mer pour se rendre dans une campagne un peu éloignée de Vigata où son adjoint Fazio le conduit sur un chantier peut-être abandonné. La pluie continue sur la terre molle et un monticule, une pyramide de boue s'est formée. Un peu plus loin un tunnel abandonné, à l'extrémité le corps d'un homme vêtu de ses seuls sous-vêtements, le visage dans la boue, un vélo jeté à terre sur le chemin. Et débute l'enquête. Et le plaisir du lecteur à la lecture de la traduction de l'italien en France par Serge Quadruppani du texte de Camilleri : premières syllabes avalées, répliques de Caracalla toujours embrouillées. Mais meurtre il y a et les motivations des uns, partage des travaux sur différents chantier, écroulement de quelques bâtiments en raison d'emplois de matériaux non conformes ou avariés, ouvriers payés en espèces car les enquêteurs le démontrent si la Région accorde subventions et droits de construire et de les refuser, les deux familles qui se partagent les chantiers ont les personnes à tous les niveaux introduites auprès soit des ministres, soit des services comptables, et blanchiment d'argent probable car un très gros coffre a été découvert et plus tard des traces de billets, et cela chez l'homme en sous-vêtements, qui s'avère être l'honnête comptable de l'une ou l'autre société. Certains pensent que c'est une histoire de mari trompé, car marié à Inge jolie femme sulfureuse, et disent-ils en Sicile, les meurtres sont toujours " une histoire de cocus ". Pas ce jour-là, un drôle de personnage, grand, gros, fort, craint les ordres de sa mère, pleure la disparition d'Inge. L'enquête suit un cours un peu brumeux, mais toujours plaisant, le robuste " 'pétit " de Montalbano, les exactions immobilières sensibles partout, ( l'auteur précise qu'il s'agit d'une fiction bien sûr ), on ne se lasse pas des livres et des sujets de Camilleri.

            

            

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 101 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                                                                       16 septembre 1663

            Levé de bonne heure et emmenai ma femme à Hinchingbrooke voir milady qui doit rejoindre milord ce matin. Je rebroussai chemin et au tribunal. Entendis sir Robert Bernard énoncer les chefs d'accusation à la cour baron et à la cour lete ( nte de l'éd. juridiction civile et juridiction criminelle ) ce qui dura jusqu'à midi et valait la peine d'être entendu. Après avoir engagé mon affaire, retrouvai mon père pour dîner.
            Après le repas, au tribunal où sir Robert et son fils ne tardèrent pas à revenir et l'on attaqua notre affaire. Mon père et moi lui ayant remis un billet à ordre pour les 21 livres que Pigott lui devait, mon oncle Thomas accepta sans difficulté d'abandonner à notre profit les terres hypothéquées pour la somme totale de notre créance, et sir Robert ajouta les intérêts, ce qui fait 209 livres à payer dans les six mois. Mais quand je vins à mentionner d'autres terres qui devaient nous être cédées, qui avaient à voir avec la femme de Pigott présente pour donner son consentement, sir Robert ne voulut point en entendre parler, mais dit avec véhémence que nous étions fort cruels et que nous avions une caution suffisante pour notre argent et, qu'en conscience il ne pouvait laisser cette femme y consentir, et il reprocha à mon oncle et à mon cousin de tirer des intérêts excessifs de cette créance.
            Je répondis à tous ces arguments, et parlai si bien et lui donnai tant de fils à retordre que le tribunal tout entier se tut pour nous écouter. Et, à ce qu'on m'a rapporté depuis, tous reconnaissent n'avoir jamais rien entendu de tel en ce lieu. Mais mon oncle nous ayant habilement soutiré un billet à ordre, je me contentai d'obtenir autant que je le pouvais, même s'il ne m'était pas possible de tout avoir, et j'acceptai donc la cession de Pigott sans la caution de sa femme et avec le consentement de sir Robert, déclarai à la cour que si l'argent n'était pas versé à temps et si les garanties se révélaient insuffisantes, j'en conclurais que sir Robert m'avait causé du tort. Et il m'accorda que je serais fondé à le faire.
            Cela nous occupa jusqu'au soir, mais je suis profondément heureux que cela se soit si bien terminé du côté de mon oncle qui a très volontiers consenti à cela et à l'affaire de la petite maison de Prior. La séance levée, mon père, Mr Shipley et moi allâmes chez la mère Gorham boire quelque chose, puis je les quittai et me rendis à l'auberge du Taureau où se trouvait mon oncle, pour entendre ce que lui et les gens disaient de notre affaire, et je n'entendis rien qui ne me fût fort agréable.
            Peu après à la maison et souper et, l'esprit tout à fait détendu, au lit.


                                                                                                           17 septembre

            Lever et, comme mon père s'était couché malade hier soir et l'était toujours ce matin, je fus forcé pour la première fois de me poser la question de savoir s'il convenait ou non de laisser mon oncle et son fils se rendre seuls à Wisbech au sujet de l'héritage de mon oncle Day. Je conclus que ce n'était pas souhaitable et décidai de les accompagner. Je laissai ma femme à Brampton et partis avec eux.
            Avec bien des difficultés nous traversâmes les marais, longeâmes des fossés où parfois nos chevaux manquaient s'enfoncer jusqu'au ventre, et en nous démenant comme de beaux diables et en pressant nos montures, arrivâmes à la nuit à Parson Drove, un endroit perdu où je trouvai ma tante et mon oncle Perkin, ainsi que leurs filles, les malheureuses créatures dans une misérable chaumière, pareille à une méchante grange ou une écurie, occupés à tailler du chanvre, pauvrement vêtus. Nous les emmenâmes à notre misérable auberge où, après une longue attente, nous écoutâmes leur fils Frank, le meunier, jouer de sa gambe, comme il l'appelle, grâce à laquelle il gagne en partie sa vie, et chanter une chanson paillarde de la campagne, nous nous mîmes à table pour souper. La compagnie au complet, avec la femme et les enfants de Frank, piètres commensaux dont j'avais honte, soupa avec nous.
            Après le repas, je causai avec ma tante de ses déclarations concernant le testament et l'acte de cession de mon oncle Day. Mais elle me dit des choses si différentes de ce qu'elle écrit et affirme à d'autres, et qui déçoivent tant mon attente, que je crains qu'il ne sorte de tout cela presque rien qui en vaille la peine.
            Sur ces entrefaites on nous annonça qu'un de nos chevaux avait été volé dans l'écurie. Il semble que c'était celui de mon oncle, ce dont je me réjouis dans mon for intérieur. Je veux dire de ce que ce n'était pas le mien. Nous ne savions que faire en cette occasion. Comme on soupçonnait une personne qui logeait dans la maison voisine, un Londonien, quelque clerc d'avoué, nous le fîmes arrêter dans son lit et fîmes prendre des mesures pour mettre la main sur le cheval. Vers minuit, peut-être un peu passé, au lit dans un méchante chambre, triste et froide. Heureusement la servante était passablement jolie et je lui pris un ou deux baisers, puis me couchai.
            Peu après que je me fus endormi on me réveilla pour me dire que le cheval était retrouvé, ce qui était une bonne nouvelle. Me rendormis jusqu'au matin. Mais je fus cruellement piqué et, ce qui m'étonne, aucun des autres ne le fut, par les moustiques.


                                                                                                              18 septembre
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"Le passé", huile sur toile de Thomas Cole (1801-1848, United Kingdom)            Lever et rassemblai mes compagnons le plus vite possible et, après avoir mangé un plat de crème froide, qui fut également mon souper d'hier soir, nous prîmes congé de nos hôtes dépenaillés, qui ont pourtant l'air d'être aussi de braves gens. Nous traversâmes de bien tristes marais, et tout le chemin nous observâmes quelle triste vie mènent les gens de cette région ( s'ils sont natifs d'ici sont appelés les " indigènes " de l'endroit ), allant d'un endroit à l'autre, parfois en barque, et ensuite en passant à gué, pour arriver à Wisbech, une jolie ville dotée d'une belle église et d'une bibliothèque où se trouvent divers manuscrits très anciens provenant d'abbayes, et un beau manoir construit par le secrétaire d'Etat Thurloe, sur les terres de l'église, et une belle galerie construite pour lui dans l'église. Mais maintenant tout cela est entre les mains de l'évêque d'Ely.
            Sortîmes de la ville après avoir visité l'église etc., sur les indications d'un inconnu, à la recherche d'un certain Blinkehorne, un meunier de qui nous espérions apprendre quelque chose de la façon dont le vieux Day avait partagé ses biens, et dans quelles mains ceux-ci se trouvaient à présent. Par un heureux hasard nous le rencontrâmes et l'emmenâmes à notre auberge pour dîner. Mais au lieu de nous informer sur les biens de l'oncle Day, l'homme nous apprit qu'il était le suivant dans l'ordre de succession, ce qui nous fit bien rire mon cousin Thomas et moi, de voir un tel homme nous couper l'herbe sous le pied. Car il est le fils de la fille du frère de Day, alors que nous sommes seulement fils et petits-fils de sa soeur. De sorte qu'en fin de compte nous fûmes bien forcés de lui exposer notre affaire, et d'obtenir de lui qu'il nous permît de nous en occuper. Il fut convenu qu'il aurait un tiers et nous les deux autres tiers de ce qui serait recouvré de l'héritage. Après avoir un peu causé et payé notre dû, nous nous remîmes en selle et chevauchâmes, riant fort de notre insuccès, jusqu'à Chatteris. Mon oncle était reclus de fatigue. Après le souper je contai trois histoires de fantômes qui leur plurent fort. Puis, tous trois dans une même chambre, nous nous mîmes au lit.


                                                                                                           19 septembre

            Levés de fort bonne heure et, après avoir mangé, nous nous mîmes en route. J'étais d'accord pour les accompagner, mais j'allai par erreur jusqu'à St Ives, et là, comme nous savions qu'ils pouvaient prendre la route la plus courte pour Londres, je pris congé d'eux et allai à Brampton. Je trouvai mon père toujours alité et Mrs Norbury ( j'eus honte de les baiser, elle, sa jolie fille et sa soeur, car j'avais la lèvre irritée par le vent du voyage et des piqûres de moustiques, mais je le fis quand même ) arrivée depuis peu à Huntingdon, qui était venue voir mon père et ma mère. Après une courte visite elles s'en furent, et je rendis compte à mon père du résultat de notre entreprise.
            Après dîner, ma femme et moi partîmes faire une promenade à cheval, et je passai une heure merveilleuse, la première et la seule heure agréable que j'eusse jamais passée dans cette propriété depuis que j'ai eu à m'en occuper. Nous allâmes jusqu'au bois de Brampton que nous traversâmes en ramassant des noisettes en chemin. Puis, à Grafham nous nous arrêtâmes boire quelque chose chez une vieille femme chez qui ma femme avait coutume d'aller.
            Alors que je chevauchais tout m'enchanta, la façon dont ma femme monte à cheval et l'agrément de sa compagnie. Je poursuivis ma route et elle me montra la rivière derrière la maison de mon père qui est fort agréable. Puis je la raccompagnai à la maison et me rendis directement à Huntingdon où je rencontrai Mr Shipley et à l'auberge de la Couronne ( ayant fait reconduire par Stankes mon cheval à la maison ), où un barbier vint me raser. De là à pied à Hinchingbrooke où milord et les dames viennent à l'instant de mettre pied à terre. Je me joignis à eux, et milord fut heureux de me voir, ainsi que tous les autres. Je restai souper avec eux et, après avoir longuement causé, remarquant toutefois que milord n'est pas tout aussi ravi de son séjour et de son entourage à la campagne que je m'y attendais et l'espérais, je pris congé d'eux. Me promenai dans la cour sans lumière avec William Howe qui me dit que milord ne se plaît ni ne s'amuse comme à l'accoutumée, mais veut se hâter de rentrer à Londres, et qu'il est résolu à retourner à Chelsea, ce dont nous sommes profondément affligés, et que nous sommes soucieux d'empêcher si c'est possible.
            Je remontai à cheval, car on m'en avait réservé un, et aussi un valet pour me servir, et à la maison où ma femme et ma soeur veillaient en attendant mon retour. Puis au lit, tourmenté par ce que l'on me dit de milord.


                                                                                                                  20 septembre 1663
                                                                                                    Jour du Seigneur
           Lever. Je trouve mon père un peu mieux et me rendis à pied à l'église Huntingdon. J'entendis le sermon assis sur le banc de milord, avec les jeunes demoiselles, milord m'ayant lui-même indiqué ma place. Puis à pied à Hinchingbrooke avec Mr Shipley et le Dr King qui passe ici pour un homme d'esprit ainsi qu'un bon médecin. Là, milord m'emmena, avec tous les autres, par les allées de son jardin et, en particulier, me demanda mon opinion sur la façon de redresser le mur tout de guingois, sur la colline. Ensuite dîner. Il y avait le colonel Williams et de nombreuses autres personnes, et le dîner fut splendide. Cependant, après avoir obtenu de milord la permission de voyager aujourd'hui, ce dont je fus fort content, car on avait lu hier à Huntingdon une proclamation s'y opposant, je pris congé et les quittai encore à table.
            Je revins seul à pied chez mon père, et après avoir échangé quelques mots avec lui et ma mère, ma femme et moi nous mîmes en selle, et accompagnés du petit valet de mon père, monté sur un cheval que j'avais emprunté au capitaine Ferrer, chevauchâmes jusqu'à Biggleswade, quoiqu'il commençât à faite très sombre, avec l'aide de deux paysans qui nous guidèrent à travers d'immenses étendues couvertes d'eau et dangereuses, à cause des fossés de chaque côté. Là nous soupâmes d'une bonne poitrine de mouton rôtie pour nous et, au lit.


                                                                                                                    21 septembre
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        pxhere.com
maison ancienne escaliers le coucher du soleil ciel champ prairie nuage prairie zone rurale herbe Matin soir Aube Prairie paysage arbre lumière du soleil la tour Famille d'herbe plaine Phénomène météorologique Écorégion ferme Ordinateur, papier peint            Levés de très bonne heure, au point du jour, et fis lever ma femme découragée à la pensée du long voyage et, après avoir mangé quelque chose et changé une pièce d'or pour payer notre dû, nous nous mîmes en selle. Traversâmes Baldock où se tient aujourd'hui une foire fameuse pour ses fromages et autres denrées de cette sorte. Poursuivîmes jusqu'à Hartfield, le temps changeant de très curieuse façon entre le moment de notre départ et celui de notre arrivée chez nous. Nous parvînmes à midi à Hartfield où nous dînâmes. Comme ma femme était fort lasse et que je pensai qu'il serait difficile de la ramener à la maison ce soir, et qu'il me coûterait fort cher de prolonger notre voyage, je profitai de ce qu'une diligence vide  devait partir pour Londres et la laissai rentrer par ce moyen, pour une demi-couronne. Puis le petit valet et moi rentrâmes à la maison le plus vite que nous pûmes, et il faisait déjà nuit quand nous arrivâmes, de sorte que je considère comme une grande chance que nous ayons fait ce choix. Comme j'étais moi-même recru de fatigue, ma femme l'aurait été encore bien davantage. A la maison je trouvai tout le monde en bonne santé et ma maison bien en ordre.
            Allai voir sir William Penn qui se porte très bien, et sir John Mennes qui boite un peu d'une jambe. Tous les autres sont allés à Chatham, c'est-à-dire sir George Carteret et sir William Batten qui a, en mon absence, violemment attaqué le contrat que j'ai passé l'autre jour avec Warren pour l'achat de ses mâts. En cela sir William Batten est un gredin, et j'aurai de quoi triompher, mais cela me fâche un peu. Un peu plus tard ma femme arrive sans encombre en voiture. Nous avions préparé une bonne volaille en prévision de sa venue, et mangeâmes de bon appétit.
            Puis, bien contents et fort aises, nous couchâmes dans notre propre lit, et rien ne nous paraissait plus agréable que d'être dans notre propre maison après nous en être éloignés quelque temps.


                                                                                                           22 septembre

            Me levai bien reposé après mon voyage, et à mon bureau pour mettre certaines choses en ordre, puis réunion avec sir William Penn. A midi dîner à la maison, puis en barque avec ma femme jusqu'à Westminster. Elle alla voir son père et sa mère, puis nous nous retrouvâmes chez milord, et retour à la maison par le fleuve. Nous rencontrâmes à la porte sir William Penn et sa fille. Après leur visite j'allai à mon bureau et, après une conversation très satisfaisante avec sir William Warren à propos de notre commande de mâts, j'écrivis mon courrier, puis à la maison, souper et, au lit.
            Aujourd'hui ma femme m'a montré des affiches imprimées annonçant que son père, sir John Colladon et sir Edward Ford ont un brevet pour un procédé destiné à empêcher les cheminées de fumer. Je leur souhaite de faire de bonnes affaires, mais crains que leur projet ne s'avère boiteux.
            Aujourd'hui le roi et la reine doivent arriver à Oxford. J'ai entendu dire, comme une chose certaine, que milady Castlemaine est allée à Oxford le retrouver après être restée alitée ici, sans sortir de chez elle une ou deux semaines. On suppose qu'elle a fait une fausse couche. Mais il est certain qu'elle jouit d'une faveur aussi grande que par le passé, c'est du moins ce que dit Mrs Sarah, chez milord, car elle a toutes les nouvelles par les gens de milady Castlemaine.
            Chaque jour apporte des nouvelles de l'avancée des Turcs qui se sont emparés de la Hongrie, en Allemagne ( nte de l'éd. c'était l'Autriche ), réveillant tous les princes chrétiens des alentours
            Je m'occupe à présent de meubler le petit salon de ma femme et ma maison et de lui commander un manteau de velours, et pour moi un nouvel habit de drap noir, un manteau et une cape. Et aussi de faire mes comptes du mieux que je le pourrai en prévision du terme de la Saint-Michel, et j'espère malgré tout avoir un solde aussi important ou plus grand que je n'en ai jamais eu.


                                                                                                                    23 septembre
Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle
Résultat de recherche d'images pour "maison anglaise 18è siècle""            Levé de bonne heure et à mon bureau, rédigeai mon journal depuis mon départ à la campagne jusqu'à ce jour. A midi, par le fleuve, chez Mr Crew, dînai avec lui et sir Thomas pensant qu'ils allaient me questionner sur le retour de milord à Chelsea, ou quelque chose de ce  genre. Mais ils ne le firent pas et ne semblent pas s'en soucier. A leur guise, mais il serait peut-être meilleur pour milord et pour eux aussi, qu'il en fût autrement. De cette façon nous pourrions délibérer ensemble pour trouver la meilleure issue, ce qui ne peut se faire tant que nous feindrons l'ignorance, et il ne convient point que je parle le premier.
            Me rendis ensuite dans différents endroits pour affaires, puis à la Grand-Salle de Westminster, pour retrouver Mrs Lane. C'est là ma grande folie à présent. Mais je dois y mettre bon ordre. Elle n'était pas là.
            Retour en barque à la maison et à mon bureau. Peu après, mon frère John, qui doit retourner à Cambridge, vint me trouver, et je lui fis de très sévères réprimandes pour le piètre rapport qu'il me fait de ses études. Je le fis avec emportement et des paroles cinglantes, que je regrettai d'avoir à employer, mais je pense que c'est pour son bien. Je jurai de ne plus rien faire pour lui et que ce qu'il a reçu de moi jusqu'ici, et aujourd'hui, c'est à contrecoeur que je le lui ai donné, et qu'il en sera de même à l'avenir jusqu'à ce qu'il me rende meilleur compte de ses études. Je fus fâché qu'il ne me répondît pas, mais à ce que je vois il m'écouta sans grand ressentiment, et comme je l'aurais fait moi-même à sa place. Mais j'ai fait mon devoir, qu'il fasse le sien, car je suis résolu à tenir parole. Après nous être promenés deux heures dans le jardin, jusqu'après la tombée de la nuit, j'en finis avec lui. Puis à mon bureau où je mis des papiers en ordre, et souper, moi et ma pauvre femme qui a fort à faire à la maison pour arranger son petit salon et, au lit.


                                                                                                                    24 septembre 1663

            Levé de bonne heure et, après avoir fait mes adieux à mon frère, John, parti aujourd'hui chez mon père, j'allai en barque chez sir Philip Warwick, et passai un bon moment avec lui. Au cours de la conversation il me dit et me montra que le roi ne pouvait être redevable à la Marine, en ce moment, de 5 000 livres. Je suis d'avis que c'est plutôt George Carteret qui doit de l'argent au roi, et que toute la dette de la Marine est payée, et je le quittai, craignant de n'avoir point parlé avec la gravité et la persuasion nécessaires dans une si grande affaire. Mais j'espère qu'il ne s'agit que de mon manque de confiance en moi et du fait qu'il était pressé, car des personnes fort importantes l'attendaient dehors tandis qu'il était avec moi, de sorte qu'il était désireux de s'en aller. Retour en barque au bureau et réunion, mais nous fîmes fort peu de choses, maintenant que Mr Coventry n'est plus là. Cela ne servit qu'à m'irriter, de voir quels sots nous faisons quand il n'est pas là pour mener des affaires telles que les nôtres.
            L'après-midi, ayant dit à ma femme que je me rendais à Deptford, j'allai en barque au palais de Westminster. Je trouvai Mrs Lane, l'emmenai à Lambeth, au même endroit que naguère, et fis là ce que je voulais avec elle, sauf le principal, à quoi elle ne voulut consentir, Dieu soit loué ! et pourtant, j'en fus si près, j'étais si excité que j'éjaculai. Mais avec l'aide de Dieu je ne recommencerai jamais tant que je vivrai. Quand je fus las de sa compagnie je la ramenai à Whitehall.
            Puis à la maison et à mon bureau, écris des lettres, presque jusqu'à minuit. A la maison pour souper et me coucher et trouvai ma pauvre femme qui travaillait d'arrache-pied. J'eus le coeur navré d'abuser une si bonne créature, et Dieu est juste de la rendre méchante envers moi en punition du tort que je lui cause. Mais je suis résolu à ne jamais rien refaire de tel. Puis au lit.


                                                                                                                  25 septembre
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            Me levai assez tard puis à mon bureau toute la matinée jusqu'à ce que sir John Mennes et sir William Batten me vinssent appeler et je les accompagnai en barque à Deptford où tout d'un coup il se mit à tonner et faire des éclairs, et la pluie commença de tomber, de sorte que nous ne pûmes rien faire d'autre que rester chez Davies. Un peu plus tard sir John Mennes et moi retournâmes à la maison par le fleuve et j'allai chez moi pour dîner. Ensuite au bureau seul jusqu'au soir, car aucun de mes commis n'était là à travailler, puis à la maison et, au lit.


                                                                                                                    26 septembre

            Lever et à mon bureau jusqu'à midi, puis à la Bourse, mais fis peu de chose. Rencontrai Mr Rawlinson qui voulut m'inviter à dîner, et comme Mr Deane de Woolwich était avec moi, j'allai avec lui et nous dînâmes fort bien du repas préparé pour lui seul, l'invitation étant improvisée. Mais je pris peu de plaisir car je pensais à ma femme seule à la maison et je rentrai donc le plus vite que je pus, et fus obligé de dîner une seconde fois avec elle, car je ne veux point la négliger, ni qu'elle sache que je dîne dehors. Ce que j'avais fait dans le seul dessein que Deane dînât à la maison avec moi, car je ne savais pas ce qu'il y avait à manger. Ensuite au bureau où je demeurai jusqu'à une heure avancée de la nuit, puis à la maison, souper et, au lit, fort content de trouver ma femme si soigneuse de sa maison.


                                                                                                               27 septembre
                                                                                               Jour du Seigneur
            Restai un bon moment au lit à bavarder avec ma femme, puis me levai et m'habillai et à l'office sans mon domestique William que je n'ai pas vu aujourd'hui, ce dont je ne me soucie guère. Mais peut-être ne serais-je pas mécontent que par sa conduite il s'attirât assez de mon déplaisir pour ne pas être étonné si je le renvoyais. Puis dîner à la maison, un peu contrarié d'avoir vu Pembleton jeter un coup d'oeil dans l'église comme à son habitude et ressortir, ma femme n'étant pas là, mais je ne discerne pas chez ma femme le moindre souvenir de lui.
            Dînai puis un moment à mon bureau et derechef à l'office où entendis un sermon ennuyeux, puis à la maison pour passer la soirée avec ma pauvre femme. Nous nous consultâmes sur son petit salon, ses habits et d'autres choses. A la nuit tombée souper, mais fort incommodé, car ma tête et ma poitrine me faisaient très mal et, ce qui me tourmente le plus, je suis presque sourd de l'oreille droite. C'est un rhume que Dieu-tout-puissant m'a justement envoyé tandis que je me livrais l'autre jour à des ébats lubriques avec Mrs Lane, l'air m'arrivant sur la nuque par le carreau cassé. Je me mis au lit avec un posset, fort mélancolique à la pensée que j'ai perdu l'ouïe.


                                                                                                                    28 septembre
                                                                                                                       
Résultat de recherche d'images pour "posset 17è siècle""            Levé mais avec mal à la tête, à l'estomac et à l'oreille et tellement sourd qu'allant en voiture à Whitehall avec sir John Mennes je m'arrêtai chez Mr Hollier qui me donna des pilules et m'assura que j'allais recouvrer l'ouïe et la santé. Puis passai une heure à Whitehall avec sir John Mennes, dans la galerie, à regarder les tableaux, il s'y connaît assez bien.
            La commission de Tanger se réunit bientôt et milord Teviot et le capitaine Cuttance, le capitaine Evans et John Moore convoqués à cet effet, nous apportèrent une superbe épure du môle qui doit être construit là-bas, et nous disent que Tanger va sûrement devenir la place la plus importante que le roi d'Angleterre possède. Je suis enclin à le croire.
            Après avoir parlé de cela et de cavaliers supplémentaires pour la garnison, nous levâmes la séance. Sir John Mennes et moi retournâmes à la maison et trouvâmes la rue autour de notre bâtiment emplie de monde, car c'est aujourd'hui que sir Richard Ford prend ses fonctions de shérif. Avec sa maison et les nôtres qui viennent d'être repeintes, la rue commence à avoir bien meilleure apparence que par le passé, et elle est aussi plus élégante.
            A la maison où mangeâmes un morceau de viande, puis par le fleuve avec lui et sir William Batten à une vente d'anciens approvisionnements à Deptford, qui se tint chez le capitaine Badiley, et rapporta 6 ou 700 livres. Mais je ne suis pas satisfait des méthodes employées.
            Retour en barque à la maison et, après avoir passé un court moment à mon bureau et rendu visite à sir William Penn qui souffre de nouveau de ses anciennes douleurs, à la maison pour souper. J'avais faim et mon oreille et mon rhume vont mieux, je crois. Puis au lit après avoir pris une de mes pilules.
            On donne pour certain que le roi rentrera de province jeudi prochain.


                                                                                                                       29 septembre 1663

            Pris deux pillules de plus ce matin qui ont fait de l'effet toute la journée et je ne suis pas sorti. Dînai vers midi, puis transportai plusieurs choses fort lourdes avec ma femme par les escaliers, car nous allons installer notre chambre à coucher en haut et Will déménagera en bas dans la garde-robe. Cela me donna une violente suée, je fis donc allumer du feu. Quand je fus de nouveau sec, ma femme et moi accrochâmes de fort jolis dessins sur papier dans la chambre rouge où nous allons coucher, et la carte de Paris. Puis, dans la soirée vers la tombée de la nuit, il commença à tonner avec des éclairs et à pleuvoir avec une telle violence que ma maison fut tout inondée. Je montai sous l'averse voir les gouttières, m'affairai sous la pluie, tout trempé, une demi-heure, de quoi vous tuer un homme. Quand j'eus fini descendis pour me sécher de nouveau. Puis arriva Mr Simpson pour installer la cheminée de ma femme, qui me plaît bien, dans son petit salon. Quand il eut fini, je dînai et au lit, après m'être changé des pieds à la tête, et craignant d'avoir attrapé du mal.


                                                                                                                        30 septembre

            Je me lève me sentant fort bien, et j'entends de nouveau assez bien, puis à mon bureau. Un peu plus tard arriva Mr Hollier et m'examina l'oreille. J'espère que tout ira bien quoique je n'entende pas encore aussi bien qu'avant de mon oreille droite.
            A mon bureau jusqu'à midi et à la maison pour dîner. L'après-midi me rendis par le fleuve à Whitehall pour la réunion de la commission de Tanger. Milord Teviot apporta ses comptes.
            Je suis fâché de voir que, quoique nous soyons supposés les examiner, pas un des grands qui siègent à la commission, par civilité, ne veut trouver la moindre chose à redire à ses comptes et donc aucune des personnes de moindre importance ne s'y risque. Ainsi le roi est-il trompé.
            Retour à la maison par le fleuve avec sir William Rider, puis à mon bureau, restai tard à faire mes comptes de ce mois. Et, Dieu soit loué ! il m'apparaît que j'ai 760 livres à mon crédit, bien que j'aie dépensé en habits pour ma femme et moi, et en fournitures pour son petit salon, 47 livres ce mois-ci. Et je rentrai chez moi où je trouvai notre nouvelle cuisinière, Elizabeth, que ma femme n'avait jamais vue, et moi seulement une fois et de loin, mais elle est chaudement recommandée par Mr Creed. J'espère qu'elle sera une bonne servante. Puis souper, prières et, au lit.
            Ce soir Mr Coventry est resté à St James, mais je ne suis pas allé le voir. Et demain le roi, la reine, le Duc et la Duchesse, et la Cour tout entière rentreront de leur voyage.
            Moi et ma famille sommes en bonne santé, à part mon père qui est malade à la campagne.
            Il n'est bruit que de l'avancée des Turcs en Hongrie, etc.


                                                                                    à suivre...........

                                                                                                                   1er Octobre 1663

            Lever et...........
         
                                                                                   

mercredi 23 octobre 2019

Joe DiMaggio Jérome Charyn ( Document EtatsUnis )


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                                                 Joe DiMaggio
                                                 
                                         Portrait de l'artiste en joueur de base-ball

            Né en 1914 près de San Francisco dans une famille d'immigrés italiens, avant-dernier d'une fratrie de neuf enfants, DiMaggio arrête ses études à son entrée à Yale. Il ne sera pas pêcheur comme son père, mais son goût, sa haute taille et ses dons physiques, sa force de frappe lui permettent d'intégrer les équipes de base-ball, tout d'abord à San Francisco puis les Yankees. Froid, taiseux, il reste le plus célèbre joueur à ce jour, de ce sport qui a environ 150 ans. Acclamé partout pour ses performances, les matchs sont parfaitement détaillés tout au long des pages, il reste un solitaire, sur le stade et dans la vie. Néanmoins, son goût pour les belles filles, danseuses de préférence, blondes, il épouse Dorothy, ils auront un petit Joe, mal aimé. Plus proche d'un très petit groupe d'hommes, il n'hésite pas à laisser à la maison femme et enfant et fuit dans son antre newyorkaise, chez Tooth qui empêche les importuns de l'approcher. Rares sont les épouses à franchir la porte du restaurant, sauf parfois Dorothy, puis Marilyn et Ava Gardner avec Sinatra, lui aussi pilier de l'endroit. Mais surtout Jérome Charyn nous conte les multiples blessures que ces hommes supportent pour continuer à jouer passé trente ans. " Il devait connaître six années de gloire entre 1936 et 1941..... Il remporta à deux reprises le prix du meilleur joueur........ il frappa 46 coups de circuit..... marqua 167 points comme coureur, seulement dépassé par Greenberg.... " Divorcé, souvent accompagné de blondes ex-Miss Amérique, il rencontre dans un rendez-vous à l'aveugle, pour lui, Marilyn Monroe. Ils resteront mariés sept mois, il lui donne des coups, elle le trompe et le quitte. Mais elle restera son obsession, il la poursuit, la sauve, mais on connaît l'issue. Le livre n'est pas très long, mais très chargé en détails sur les grands joueurs de l'époque DiMaggio. " Si le base-ball est métaphysique et magie, il n'en est pas moins enraciné dans un temps réel assorti d'une histoire peut nous ramener cent cinquante ans en arrière, que le premier match ait eu lieu à Weehawken ou Dieu sait où. Mais une équipe paraît dominer cette histoire depuis le jour où Babe Ruth endossa l'uniforme Yankee en 1920.......... sous le règne des Ruth, DiMaggio et Mantle, les Bombers remportèrent 29 fanions et 20 séries mondiales. Il n'est pas surprenant que ces joueurs occupent une telle part de l'espace psychique et physique du base-ball. "
            Le DiMaggio décrit reste aussi sympathique que Marilyn, pour ses fans, malgré ses petits travers et son goût pour l'argent. Il n'aima que l'argent et Marilyn qu'il n'abandonna jamais, et durant les trente-sept ans qui suivirent la mort de l'actrice. Il joua même avec une douleur intense au talon. " Il était un bateleur au salaire faramineux......... " Sport, personnages, livre très attachants, bonne lecture.

mardi 22 octobre 2019

Soif Amélie Nothomb ( Roman France )


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                                                       Soif      
      Étonnant, surprenant roman sous la plume d'Amélie Nothomb qui, à son habitude ne s'encombre pas de phrases et de détails superflus. Vie et mort de Jésus. Improbable sujet pour la romancière qui tient bien son histoire. Pourquoi Jésus, connu pour ses divers miracles n'intervient-il pas pour éviter la crucifixion que les Romains infligent habituellement aux assassins et autres délinquants. Les Romains accusent sur dénonciation et ne reculent pas. Durant les trois jours qui précèdent la mise en croix l'homme s'interroge. Sa mère est présente, Joseph est mort, et Madeleine en pleurs. Petite scène idyllique entre la femme qu'il a trouvée si extraordinairement belle et lui, lui qui secrètement pensait que la mort arriverait à l'heure dite et qu'il n'y échapperait pas. Une vie loin de tous avec Madeleine, un rêve irréalisable. Le poids de la croix, la soif. Pour surpasser la souffrance, il songe à la soif, très réelle sous le soleil brillant. " Les filles de Jérusalem se pressent autour de moi, en pleurs. J'essaie de les convaincre de sécher leurs larmes......... Je ne crois pas un mot de ce que je dis....... " Des récits et de leurs auteurs, qui croire. " Le seul évangéliste à avoir manifesté un talent d'écrivain digne de ce nom est Jean. C'est aussi pour cette raison que sa parole est la moins fiable........ " Nothomb conservait l'histoire de Jésus qu'on lui raconte, explique, depuis l'enfance et réussit enfin à écrire ce livre qu'elle considère comme le meilleur de ses ouvrages. Le considérant comme très humain, si ses derniers mots sont " J'ai soif ", qu'y a-t-il de plus humain. Profondément imprégnée, fidèle à ses conclusions, l'histoire évidemment interroge, ne laisse pas indifférent. Sur la liste des Goncourt.

lundi 21 octobre 2019

Sensation de Haschisch Charles Cros ( Poème France )


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toypro.com



                             Sensation de Haschisch

            Tiède et blanc était le sein.
            Toute blanche était la chatte.
            Le sein soulevait la chatte.
            La chatte griffait le sein.                                                                                 deneulin.fr
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            Les oreilles de la chatte
            Faisaient ombre sur le sein.
            Rose était le bout du sein,
            Comme le nez de la chatte.
                                                       

            Un signe noir sur le sein
            Intrigua longtemps la chatte ;
            Puis, vers d'autres jeux, la chatte
            Courut, laissant nu le sein.


                                                                 Charles Cros

                                                                            ( in Le Coffret de Santal ) 

dimanche 20 octobre 2019

Le tunnel Franc Nohain ( Poème France )


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lesgravereaux.marret.co


                       Le Tunnel

            Enfants, chantez la ritournelle,                         
            Voici la ronde des Tunnels :

             C'est Tony avec Toinon,
             - Tournez Toinon,Tony - tunnel ! -
             C'est Tony avec Toinon,             
             Qui s'aimaient de passion.

              Avaient des parents barbares,
              - Tournez - Toinon - Tony - tunnel ! -
               Avaient des parents barbares,
               Employés dedans la gare.
                                                                                                                                ubaye-en-cartes.e-monsite

Image associée               Leur défendirent se voir,
                - Tournez Toinon,Tony - tunnel ! -
                Leur défendirent se voir,
                Ce qui fit leur désespoir,

                 Mais pour le joli péché,
                 - Tournez - Toinon - Tony - tunnel ! -
                 Mais pour le joli péché,
                 Au tunnel se sont cachés.

                 Quand un train, passant près d'eux,
                   - Tournez Toinon,Tony - tunnel ! -
                   Quand un train passant près d'eux,
                   Coupa l'amoureuse en deux.

                    Le pauvre Tony pleura,
                    - Tournez - Toinon - Tony - tunnel ! -
                    Le pauvre Tony pleura,
                    Mais il avait de bons bras :

                     Et de Toinon, tristement,                                                                pinterest.com
Image associée                      - Tournez Toinon,Tony - tunnel ! -
                      Et de Toinon, tristement,
                      Rapporta les deux fragments.
                                          
                      Sous les tunnels, comme quoi.
                        - Tournez Toinon,Tony - tunnel ! -
                        Sous les tunnels, comme quoi,
                        On part deux, on revient trois.

                          Voilà, petites demoiselles,
                           La ronde des tunnels.

            ( Les enfants tournent deux à deux, en se tenant par la main, les uns derrière les autres. Au mot " tunnel " chaque couple s'arrêtant de tourner lève les bras en l'air, de façon à former une sorte de pont sous lequel passe un dernier couple en traînant les pieds et en imitant le bruit de la locomotive. Au huitième couplet tous les enfants se couchent par terre. )


                                     Franc Nohain

samedi 19 octobre 2019

Vie et Opinions philosophiques d'un Chat 5 Taine ( Nouvelle France )

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                                          Vie et Opinions politiques d'un Chat

                                                                    5

            J'ai beaucoup pensé au bonheur idéal, et je pense avoir fait là-dessus des découvertes notables.
            Évidemment il consiste, lorsqu'il fait chaud, à sommeiller près de la mare. Une odeur délicieuse sort du fumier qui fermente. Les brins de paille lustrés luisent au soleil. Les dindons tournent l'oeil amoureusement, et laissent tomber sur leur bec leur panache de chair rouge. Les poules creusent la paille et enfoncent leur large ventre pour aspirer la chaleur qui monte. La mare scintille fourmillant d'insectes qui grouillent et font lever des bulles à sa surface. L'âpre blancheur des murs rend plus profonds les enfoncements bleuâtres où les moucherons bruissent.      woopets.fr
Résultat de recherche d'images pour "chat sommeil cuisine"            Les yeux demi-fermés, on rêve et, comme on ne pense plus guère, on ne souhaite plus rien.
            L'hiver, la félicité est d'être assis au coin du feu, dans la cuisine. Les petites langues de la flamme lèchent la bûche et se dardent parmi des pétillements, les sarments craquent et se tordent, et la fumée enroulée monte dans le conduit noir jusqu'au ciel.
            Cependant la broche tourne, d'un tic-tac harmonieux et caressant. La volaille embrochée roussit, brunit, devient splendide. La graisse qui l'humecte adoucit ses teintes. Une odeur réjouissante vient picoter l'odorat : on passe involontairement sa langue sur les lèvres. On respire les divines émanations du lard.
            Les yeux au ciel, dans une grave extase, on attend que la cuisinière débroche la bête et vous en offre ce qui vous revient.
            Celui qui mange est heureux.
            Celui qui digère est plus heureux.
            Celui qui sommeille en digérant est plus heureux encore.
            Tout le reste n'est que vanité et impatience d'esprit.
             Le mortel fortuné est celui qui, chaudement roulé en boule et le ventre plein, sent son estomac qui opère et sa peau qui s'épanouit. Un chatouillement exquis pénètre et remue doucement      luida.centerblog.net                                   les fibres. 
Image associée            Le dehors et le dedans jouissent par tous leurs nerfs.
            Certainement si le monde est un grand Dieu bienheureux, comme nos sages le disent, la terre doit être un ventre immense occupé de toute éternité à digérer les créatures et à chauffer sa peau ronde au soleil.


                                            Hippolyte Taine

vendredi 18 octobre 2019

Croquis Charles Cros ( Poème France )

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memoiresdeguerre.com


                                    Croquis

                                     Sonnet

            Beau corps, mais mauvais caractère.
            Elle ne veut jamais se taire,                                                                           
            Disant, d'ailleurs d'un ton charmant,                                                 
            Des choses absurdes vraiment.                                                                       pinterest.fr
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            N'ayant presque rien de la terre,
            Douce au tact comme une panthère.
            Il est dur d'être son amant,
            Mais, qui ne s'en dit pas fou, ment.               

            Pour dire tout ce qu'on en pense
            De bien et de mal, la science
            Essaie et n'a pas réussi.

            Et pourquoi faire ? Elle se moque
            De ce qu'on dit. Drôle d'époque
            Où les anges sont faits ainsi.


                                Charles Cros

                                     ( in Le Coffret de Santal )

vendredi 11 octobre 2019

Vie et Opinions philosophiques d'un Chat 4 Taine ( Nouvelles France )

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                                            Vie et Opinions Philosophiques d'un Chat

                                                                              4

            La musique est un art céleste, il est certain que notre race en a le privilège. Elle sort du plus profond de nos entrailles. Les hommes le savent si bien qu'ils nous les empruntent quand, avec leurs violons, ils veulent nous imiter.
            Deux choses nous inspirent ces chants célestes : la vue des étoiles et l'amour. Les hommes, maladroits copistes, s'entassent ridiculement dans une salle basse, et sautillent, croyant nous égaler.
            C'est sur la cime des toits, dans la splendeur des nuits, quand tout le poil frissonne, que peut s'exhaler la mélodie divine.                                                              ohmymag.com
Résultat de recherche d'images pour "chat musique"            Par jalousie ils nous maudissent et nous jettent des pierres. Qu'ils crèvent de rage. Jamais leur voix fade n'atteindra ces graves grondements, ces perçantes notes, ces folles arabesques, ces fantaisies inspirées et imprévues qui amollissent l'âme de la chatte la plus rebelle, et nous la livrent frémissante, pendant que là-haut les voluptueuses étoiles tremblent, et que la lune pâlit d'amour.
Image associée *           Que la jeunesse est heureuse, et qu'il est dure de perdre les illusions saintes !
            Et moi aussi j'ai aimé et j'ai couru sur les toits en modulant des roulements de basse. Une de mes cousines en fut touchée et, deux mois après, mit au monde six petits chats blanc et rose. J'accourus et voulus les manger : c'était bien mon droit, puisque j'étais leur père. Qui le croirait ? ma cousine, mon épouse, à qui je voulais faire sa part du festin, me sauta aux yeux.
            Cette brutalité m'indigna et je l'étranglai sur la place. Après quoi, j'engloutis la portée tout entière.
            Mais les malheureux petits drôles n'étaient bons à rien, pas même à nourrir leur père : leur chair flasque me pesa trois jours sur l'estomac.
            Dégoûté des grandes passions, je renonçai à la musique, et m'en retournai à la cuisine


animaals.com

                                                                   Taine
         





                                  

Elévation Stephen King ( Roman EtatsUnis )

Elevation

                       fnac.com

                                            Élévation

                 Étrange et perturbant, évident signé Stephen King. A peine 150 pages pour apprendre que Scott homme imposant, grand et fort avec bourrelet par-dessus la ceinture, 120 kilos un peu avant qu'il ne conte son aventure, sa mésaventure ? à son ami Bob, médecin retraité. Il sera le premier à tenter de comprendre sans pouvoir lui proposer de soins hors une entrée en clinique, à l'hôpital ou à la NASA pour des recherches. De quoi souffre donc cet habitant de Castle Rock, dans le Maine ? Scott s'aperçoit, après s'être pesé à deux reprises pour des raisons banales, qu'il pesait autant habillé que nu. Surpris quelques jours plus tard il vérifia ce phénomène : la balance indiquait une baisse de poids de plusieurs livres, alors qu'il ne ressentait aucun changement. Bon appétit, bon pied, bon oeil, pourtant se pesant avec divers objets, dont des haltères puis mains nues, ou avec bottes et gros manteau, déshabillé il pesait le même poids, tout en perdant chaque jours régulièrement des livres. Dans le même temps, Stephen King suit l'évolution de la société, Scott embarrassé par les problèmes de déjections que laissent sur sa pelouse les deux chiens de ses nouvelles voisines, DeeDee et Deirdre, nouvelles propriétaires d'un restaurant végétarien mexicain. Les deux femmes sont le point de mire de la petite société de la petite ville de Castle Rock car Deirdre a présenté DeeDee comme son épouse. Couple de femmes mariées, cela gêne, et les critiques pleuvent, et le restaurant en pâtit. Et Scott l'ayant appris compatit. Pas du tout aidé par Deirdre, braquée contre tous. Mais la fin de l'année, Halloween approchent et une nouvelle fois " La course à la dinde " réunit quelques centaines de coureurs, et Deidre et Scott. Et Stephen King a visiblement de la sympathie pour " les vieux qui montrent leurs talons aux jeunes laissés sur place durant la course. " En fait, est-ce l'amorce d'une fin de vie ? Rire ou pleurer, ou tourner les pages sans plus peut-être, mais auteur et lecteur ont de la sympathie pour les personnages.