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16 janvier 1664
Levé et après avoir payé ce matin à mon oncle Thomas une partie de sa pension annuelle, au bureau où réunion toute la matinée. A midi à la Bourse au sujet de certains écus espagnols pour sir John Lawson, et là j'entends dire que le colonel Turner est jugé coupable de forfait, aux assises, dans l'affaire de Mrs Tryan, ce qui lui sauvera la vie.
Rentré chez moi je rencontrai James Harper venu rendre visite à sa parente, notre Jane. Je lui fis fête et l'invitai à dîner avec nous. Il parla simplement comme il en avait l'habitude. Après son départ j'allai par le fleuve à Westminster où je vis Mrs Lane, et de là au cabaret de la Cloche dans la rue du roy où, après des caresses je l'ai foutée sous de la chaise deux fois, et la deuxième avec grand plaisir. Mais j'ai grand peur que je l'ay fait faire aussi elle-même. Mais après cela elle commençait parler comme avant et je me rendis compte que je n'avais rien fait de danger à elle. Et avec ça ( nte de l'éd. texte en français ) bien que j'aie fait de grandes promesses à la contraire, nonobstant je ne la verrai pas longtemps.
Rentré à la maison et au bureau où Brown des Minories m'a apporté un instrument en forme de spirale, très utile pour presque toutes les questions d'arithmétique. Mais c'est à l'usage que j'en comprendrai mieux le maniement.
Rentré chez moi souper et, au lit. L'esprit un peu troublé pour ce que j'ai fait aujourd'hui. Mais j'espère que ce sera la dernière fois de toute ma vie.
17 janvier
Jour du Seigneur
Levé et avec ma femme à l'église où apparut Pembleton. Ce qui, Dieu me pardonne, me contraria, mais je n'en fis rien voir. Rentré dîner. Tantôt ma femme et moi à l'église française où nous entendîmes un bon sermon. C'était la première fois que ma femme et moi nous y trouvions ensemble. Nous étions assez près de trois soeurs, toutes fort jolies. Ce fut plaisant d'entendre que les enfants à catéchiser le dimanche suivant viendraient de Houndsdlitch et de Blanch Appleton. Rentré à la maison trouvai Ashwell venue voir ma femme ( puisque nous étions passés chez elle l'autre jour pour lui demander d'habiller ma femme lorsque milord Sandwich viendrait dîner ), toujours aussi gaie et elle parle avec toujours aussi peu de ressentiment du différend qui nous opposa à elle lorsqu'elle nous quitta. Après son départ, avec ma femme allâmes voir sir William Penn chez qui nous soupâmes, à contrecoeur car les mets étaient si épouvantablement mauvais que je ne pouvais supporter de les regarder.
Après souper, retour à la maison, prières et, au lit.
18 janvier
Levé chagriné de voir ma femme si prête à me voir sortir. Dieu me pardonne d'être jaloux, ce que je ne peux éviter. Pourtant Dieu sait que je n'ai aucune raison de l'être ou de m'attendre à la voir aussi fidèle que je le souhaite. Je sortis à Whitehall où la Cour portait le deuil de la duchesse de Savoie. Traité de nos affaires avec le Duc puis chez Will Howe dans les appartements de milord sans voir milord car il était sorti. Je consultai alors Will Howe sur l'invitation de milord à dîner. Il en aime l'idée, bien que cela me chagrine de devoir demander l'avis d'un domestique tel que lui, mais pour l'instant c'est nécessaire. Je rencontrai Mr Mallard et reçus de lui la transcription d'une mélodie connue pour " lyra viol ", qui sonne très bien. Rentré à la maison en voiture et à la Bourse après être allé au café où j'ai ouï dire que Turner est jugé coupable de forfait et de cambriolage et raconter d'étranges histoires sur son arrogance à la barre, malgré une argumentation peu judicieuse. Tous souhaitent le voir pendu.
Rentré à la maison où j'appris que Will avait été avec ma femme. Mais Seigneur ! pourquoi dois-je le prendre en mal, et pourtant je ne peux l'éviter. Mais renseignements pris, bien que je n'ai trouvé aucune raison de soupçon, cependant toute la journée et toute la nuit, je ne pus trouver un état de sérénité et de satisfaction au sujet de ma femme, et même, bien que je fusse allé avec elle me divertir chez mon oncle Wight où nous jouâmes aux cartes jusqu'à minuit, et rentrâmes sous une grande averse de pluie, alors qu'il n'avait guère plu auparavant. Il y avait là un certain Hollandais, Mr Benson, qui joua et soupa avec nous et qui prétend bien chanter. J'en attendais beaucoup mais n'y trouvai aucun plaisir. Rentré à la maison et, au lit. Mais l'esprit toujours contrarié.
19 janvier
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Levé sans aucune tendresse pour ma femme, puis au bureau où réunion toute la matinée. A midi à la Bourse et de là chez Mr Cutler avec sir William Rider à dîner. Ensuite avec lui au vieux Jacques au sujet de notre recommandation de Mr Bland, et après nous être réunis une demi-heure sur ce sujet nous nous quittâmes. Retour à la maison où je trouve Madame Turner et sa soeur Dike venues nous rendre visite jusqu'à une heure tardive, et ma vue commence à faiblir et mes yeux à souffrir, ce qui ne m'était jamais arrivé auparavant et que j'attribue au fait de veiller pour travailler et lire à la lueur d'une chandelle.
A la maison souper et, au lit.
20 janvier
Levé et en voiture chez milord Sandwich et après avoir longtemps attendu qu'il descende, car il ne me faisait pas monter, mais peut-être ne savait-il pas que j'étais là, il descendit et j'allai avec lui au jeu de tennis où je le laissai regarder jouer le roi. Dans ses appartements était venue ce matin la jolie épouse de Mr William Montagu, ce qui amena milord à me parler d'une affaire pour un de ses amis censé être un cadet de la marine. Milord m'a fait ses recommandations pour cette affaire. Mrs Montagu est jolie et assurée, mais pas aussi belle que je le croyais naguère. Milord a aussi signé un bail pour la maison qu'il prend à Lincoln's Fields, un loyer de 250 livres par an.
Puis en bateau chez mon frère que je trouve au lit, souffrant, pense-t-on, de consomption. Je crains qu'il ne soit pas bien, mais il ne se plaint ni ne souhaite rien prendre. Puis je rendis visite à Mr Honeywood, qui est boiteux, pour le remercier de la visite qu'il me rendit l'autre jour alors que tous deux étions sortis. Ensuite chez Mr Commander de Warwick Lane pour lui parler de la rédaction de mon testament, à ce propos il me rencontrera dans un ou deux jours. A la Bourse d'où je revins avec sir Richard Ford. Il me dit que Turner doit être pendu demain et avec quelle effronterie il conduisit son procès. Mais hier soir, lorsqu'on lui annonça sa mort, il devint plus sensé et se mit à verser des larmes. Il espère mourir contrit, ayant déjà tout confessé. Mais il dit qu'il commit ce crime par plaisanterie, et en partie pour avoir l'occasion d'obliger le vieillard à lui rendre ses affaires, car il espérait s'enrichir de ses biens à sa mort.
Rentré dîner et après en bateau avec ma femme, ce qui ne nous est pas arrivé depuis longtemps, soit l'été dernier, mais il fait très doux maintenant. La laissai à Axe Yard et allai à Whitehall. Rencontrant Mr Pearse me promenai avec lui une heure dans la grande galerie. Il me dit que milady Castlemaine n'est pas du tout abandonnée du roi, mais qu'il est fou de la seule Mrs Stuart, au point de négliger tout travail et de manquer ouvertement d'égards à la reine. Qui le voit ou se trouve près de lui lui importe peu lorsqu'il badine avec elle ouvertement, et puis en privé dans la chambre de la dame à l'étage inférieur, où même les sentinelles le voient entrer ou sortir si couramment que le Duc ou les nobles lorsqu'ils veulent demander où se trouve le roi, disent habituellement :
" - Le roi est-il en haut ou en bas ? " voulant dire avec Mrs Stuart.
....... Milady Castlemaine vient à la Cour, mais milord Fitzharding et les Hamilton, et quelquefois, dit-on, milord Sandwich ont de brèves aventures avec elle. Mais il dit que milord Sandwich va la quérir dans ses appartements dans le plus grand mystère et dans le plus grand secret et qu'il la ramène à l'entrée des appartements de la reine, pour se montrer le moins possible.
Que le roi est toujours immodérément entiché du duc de Monmouth, à tel point que seuls le roi, le duc d'York, le prince Rupert et le duc de Monmouth portent encore le grand deuil de la duchesse de Savoie, c'est-à-dire de longues capes........... Le duc d'York se consacre aux affaires et sera probablement un grand prince. A vrai dire je souhaite de tout coeur qu'il en soit ainsi.
Il dit que l'on pense et que l'on espère que l'on prend soin d'entasser un trésor secret pour le roi en prévision des mauvais jours. Je prie Dieu qu'il en soit ainsi, mais je serais plus heureux si le roi lui-même s'occupait des affaires, ce qui ne semble pas le soucier le moins du monde.
Un peu plus tard arrivai auprès de Mr Coventry, nous nous quittâmes donc, puis milord Sandwich vint me parler. Mon retour avec lui dans cette partie de la ville avait essentiellement pour but de l'inviter à dîner chez moi, afin de voir comment il allait me répondre. Mais tout comme ce matin, bien que je l'aie accompagné chez lui, lui offrant ainsi l'occasion de s'entretenir avec moi, il me traite cependant avec courtoisie certes, mais comme un étranger, sans l'intimité et l'amitié d'autrefois. Je crains que jamais, parce qu'il a trop conscience de ses fautes, jamais plus il ne me les témoigne ce qui, je dois l'avouer, me chagrine presque plus que tout au monde, car je n'ai pas besoin, ni maintenant ni à l'avenir d'être ainsi chagriné. Et même, en outre, bien que je ne pense pas qu'il me refuse son amitié en cas de besoin, c'est seulement qu'il n'a pas le coeur d'être libre avec moi et qu'il considère comme un rappel de sa vanité passée et un espion de sa conduite présente. Car je vois que Pickering lui est de nouveau lié, et qu'il a fait une grande faveur à Mr Pearse, le chirurgien, un présent d'une grande valeur, bien que j'aie mentionné leurs deux noms, et aucun autre, dans l'affaire qui a provoqué ce différend entre milord et moi.
J'ai cependant décidé d'attendre pour dépenser de l'argent dans un dîner, de le voir dans de meilleures dispositions et de lui laisser entendre par mon attitude grave mais réservée, quoique fière, que je n'ai pas besoin de lui. Cela ne le rendra que mieux disposé à me rendre son amitié, je crois, aussi vite que possible, sans que je verse dans l'insolence flagrante ni ne m'impose comme d'autres, ou que j'abuse de lui, ce que je ne puis et n'entreprendrai pas non plus.
Rentré chez moi passant avec ma femme voir mon frère qui était levé et marche bien dans la maison. Mais je pense vraiment qu'il souffre de consomption.
A la maison l'esprit chagriné par ces incidents avec milord, mais j'ai décidé de mieux m'occuper de mes affaires, de mieux voler de mes propres ailes, d'épargner ainsi que de gagner de l'argent. J'espère, entre autres, avoir une part de l'argent de Creed avant longtemps, sinon ce sera un désastre.
Travaillé au bureau. Rentré à la maison souper et, au lit. Après m'être rasé à la lueur de la chandelle et avoir coupé toute ma moustache, ce qui me facilitera beaucoup la tâche pour me raser.
21 janvier
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Levé et, après avoir envoyé ma femme chez ma tante Wight retenir une place pour voir pendre Turner, allai au bureau et réunion toute la matinée. A midi, allant à la Bourse et voyant la foule affluer dans cette direction, je me renseignai et appris que Turner n'était pas encore pendu, et donc je suivis la foule à Leadenhall Street au bout de Lime Street, près de l'endroit où le vol fut commis, jusqu'à St Mary Axe où il vivait, et là, pour un shilling j'obtins de monter sur la roue d'une charrette où je demeurai fort péniblement pendant plus d'une heure avant l'exécution. Il essayait de gagner du temps par de longs discours et des prières interminables, dans l'espoir d'être gracié. Mais rien ne vint et il portait encore sa cape lorsqu'on fit basculer l'échelle. C'était un bel homme, il garda bonne contenance jusqu'à la fin, il me fit pitié. On affirme qu'il y avait au moins 12 ou 14 000 personnes dans la rue.
Je rentrai chez moi tout en sueur et dînai tout seul. Après au vieux Jacques où retrouvai sir William Rider et Mr Cutler à dîner et dînai de nouveau avec eux. D'autres arrivèrent et nous discutâmes............. Puis au café où j'entendis tout le discours de Turner sur la charrette...... le roi était décidé à n'accorder aucune grâce. J'eus ensuite une agréable conversation avec un négociant assez jeune, ce dont j'eus grand plaisir. Travaillai au bureau puis chez ma tante Wight chercher ma femme pour la ramener chez nous où le Dr Burnet nous raconta comment les shérifs s'étaient en vain efforcés de faire rendre un bijou par Turner après sa condamnation, comme s'il leur revenait au lieu de le rendre à son véritable propriétaire, Mr Tryan. Mais il en fut jugé autrement à leur grand déshonneur, bien qu'ils plaident que ce bijou peut, autant qu'ils sachent appartenir à quelqu'un d'autre que Tryan.
Après souper, rentré à la maison, ma femme me raconta en grand détail les propos affectueux et aimables que mon oncle lui tint aujourd'hui, ce qui me confirme ses intentions de générosité à notre endroit, car il répète toujours son désir de la voir enceinte. Je ne puis imaginer qu'il ait des pensées coupables à son égard. Après le travail au bureau, rentré, souper, prières et, au lit.
22 janvier 1664
Levé, comme c'était une belle matinée, par le fleuve, en yole à Woolwich où à la corderie comme à l'arsenal travaillai beaucoup. Puis à Greenwich pour voir Mr Pett et d'autre évaluer les sculptures de la Henriette. Dieu sait que leur évaluation n'est pas favorable au roi ! Puis à Deptford où vis le vaisseau de sir William Petty qui a l'air étrange, mais pas autant qu'on le dit. Je pense qu'il n'en aurait pas tant parlé s'il n'était meilleur que d'autres vaisseaux, et donc je crois qu'il fut insulté l'autre jour par des gens qui parlent, j'en suis sûr, avant d'en connaître qualités et défauts. Je suis désolé de trouver son ingéniosité ainsi découragée.
Retour à la maison en lisant tout le long du chemin un bon livre, rentré dîner et après leçon à ma femme sur les sphères, puis au bureau, jusque 10 ou 11 heures du soir. Rentré, souper et, au lit.
23 janvier
Levé et au bureau où nous fûmes en réunion toute la matinée. A midi rentré dîner à la maison où Hawley vint nous voir et dîner avec nous. Après vint Mr Mallard et après qu'il eut mangé quelque chose je descendis ma viole dont il joua, le premier maître qui l'eût jamais touchée. Elle se révèle très bonne et sera, je pense, un instrument admirable. Il joua quelques très jolies choses de sa composition, mais je craignais de le louer trop vivement de peur qu'il m'offre de les recopier et que je fusse obligé de lui donner ou de lui prêter quelque chose. Au bureau dans la soirée où Mr Commander vint m'entretenir de mon testament que je suis décidé à améliorer la semaine prochaine, par la grâce de Dieu. Après son départ écrivis des lettres et travaillai tard. Rentré, souper et, au lit.
24 janvier
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Grasse matinée, puis levé et désirant accomplir les résolutions que j'ai prises récemment, parmi d'autres à accomplir ce mois-ci, j'allai au bureau où j'entrepris de rédiger, à partir de mon carnet, une partie de mon second journal ( nte de l'éd. le carnet a disparu ) qui n'était pas rédigé depuis plus de deux ans, jusqu'au dîner et m'y remis après jusqu'à la nuit, puis rentré, souper, et après souper lire à ma femme un exposé sur les sphères puis prières et, au lit. Dans la soirée j'ai aussi rédigé un brouillon de ce qui sera je pense, mon dernier testament.
25 janvier
Levé, en voiture à Whitehall dans les appartements de milord. Voyant que tout en me sachant arrivé milord ne me faisant pas monter, j'allai dans les appartements du Duc pendant qu'il se préparait. Entre-temps arriva milord Sandwich, donc nous nous rendîmes tous dans son cabinet de travail pour traiter de nos affaires communes. Nous nous quittâmes et je retournai dans la direction de la maison, en voiture avec sir William Batten. Descendis à Warwick Lane, rendis visite à Mr Commander et lui donnai mon dernier testament pour qu'il le mît en forme. Puis à la Bourse où je traitai diverses affaires. Rentré dîner et à la fin arriva Llewellyn et nous lui donnâmes quelque chose à manger. Je le laissai avec ma femme et allai au bureau pour une réunion spéciale de la Compagnie des Indes orientales, où je crois que je servis bien les intérêts du roi, à l'encontre de ceux de la Compagnie, en ce qui concerne le retour de nos navires..... Et pourtant, Dieu me pardonne ! je trouve que je me laisserais volontiers acheter, si on me le proposait, pour celer les arguments que je formule contre elle, étant donné qu'aucun de mes collègues, dont c'est le devoir plus que le mien, n'avait jamais étudié cette affaire, ni ne l'entend à l'heure actuelle. C'est moi seul qui dois m'en occuper
Cela fait Mr Povey et Bland vinrent me parler de leur affaire de l'arbitrage, qui va encore me causer des ennuis, mais je n'y puis rien, d'ailleurs j'espère user de Mr Povey à mon avantage.
Après le bureau, rentré chez moi, souper, puis étude des sphères avec ma femme et, au lit, l'esprit quelque peu chagriné à la pensée que milord Sandwich continue de me traiter avec cette distance qu'à mon avis il mit aujourd'hui, plus encore que lorsque l'affaire était récente.
26 janvier
Levé et au bureau réunion toute la matinée. A midi à la Bourse après une visite au café où j'étais assis à côté de Tom Killigrew. Il nous rapporta qu'un incendie s'était déclaré dans les appartements de milady Castlemaine. Elle promit 40 livres à qui se risquerait à aller rechercher un meuble, ce qui finit par se faire. L'incendie fut finalement maîtrisé sans avoir provoqué grand dommage.
A la Bourse où travaillai beaucoup, rentré dîner, puis au bureau tout l'après-midi. Le soir ma tante Wight et Mrs Buggins vinrent tenir compagnie à ma femme et je rentrai pour rester avec elles toute la soirée, mon oncle venant plus tard, et après lui Mr Benson, le Hollandais, homme franc et gai. Nous étions fort gais et jouâmes aux cartes jusqu'à une heure tardive avant de nous quitter. Puis au lit, avec bon espoir que cette amitié avec mon oncle et ma tante se termine bien.
27 janvier
Levé et au bureau. A midi au café où j'étais assis à côté de sir George Ayscue et sir William Petty qui, à mon avis, a la conversation la plus rationnelle que j'aie jamais entendue, toutes ses idées étant très précises et très claires. Il dit, entre autres, que de toute sa vie les trois livres les plus estimés et les plus généralement appréciés pour leur esprit étaient : Religio Medici, les Conseils à un fils d'Osborne et Hudibras. Il dit que dans ces ouvrages, et en particulier dans les deux premiers, l'esprit consiste à confirmer des pensées bien venues qui ressemblent généralement à des paradoxes, par un argument tourné élégamment et plaisamment, ce qui prend bien avec les gens qui ne se soucient guère d'examiner la force de l'argument dont la forme leur plaît sur un sujet qu'ils apprécient. Tandis que, comme le montre maint exemple, il critiqua effectivement de nombreux arguments d'Osborne et démontra leur faiblesse, de sorte qu'ils n'auraient pas de point dans un vrai débat, du moins seulement dans la mesure où ils pourraient être affaiblis et plus pertinents dans leur contexte d'origine. Il montra bien pourquoi les bons auteurs ne sont pas admirés par notre siècle : c'est parce que très peu de gens dans un siècle donné s'intéressent à ce qui est abstrus et curieux, et donc, en attendant que quelqu'un fasse un juste éloge et le publie, la plupart des gens se contentent des plaisirs du monde, tels que manger, boire, danser, chasser, faire de l'escrime où nous voyons que s'illustrent les hommes les plus simples, ceux qui en font profession.
Un gentilhomme ne danse jamais aussi bien qu'un maître à danser, et un violonneux ordinaire joue de la meilleure musique pour un shilling qu'un gentilhomme en ayant dépensé quarante. Il en va ainsi dans presque tous les plaisirs du monde.
Puis à la Bourse et après beaucoup de travail rentré à la maison ramenant avec moi le commissaire Pett. Dînâmes tous ensemble. Il me raconta mainte histoire de l'arsenal, mais je le connais si bien...... que je saurai apprécier ce qu'il dit de l'amitié ou de toute autre affaire. Il m'a entretenu avec le plus grand sérieux de ce qui résulterait de la mise en service du bateau de sir William Petty...... cela risquerait de nous faire perdre la maîtrise des mers et notre commerce, tandis que les Turcs et d'autres en bénéficieraient. Sans aucun doute ayant plus de voile il irait plus vite que tout autre bateau, mais comme ce n'est point un bâtiment de charge nos négociants ne pourraient en user et seraient donc à la merci de leurs ennemis. J'observe donc que Pett a peur qu'on porte atteinte à l'honneur de la construction navale, bien qu'il prétende que cette considération entrave le développement de cette invention, ce qui est vrai.
Après son départ je pris une voiture avec ma femme pour aller à Covent Garden, acheter un masque pour elle à la maison française, chez Madame Charett, observant en chemin que la rue était pleine de voitures devant le théâtre où se jouait la nouvelle pièce, La Reine des Indiens qui, dit-on, dépasse Henry VIII pour le spectacle.
De retour chez Mrs Turner, restai un moment avec eux, parlant de théâtre et de je ne sais quoi, puis passai voir Tom, mais il n'était pas chez lui, bien qu'on le dise souffrant de consomption aiguë, et que Mrs Turner et Dick et d'autres disent qu'il ne vivra pas deux mois.
Rentré chez moi et au bureau, puis souper et, au lit.
28 janvier 1664
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Levé et au bureau réunion toute la matinée. A midi à la Bourse pour différentes choses et de là chez sir George Carteret à dîner, de mon propre chef. Descendis ensuite avec Mr Waith à Deptford traiter de plusieurs affaires et revins par voie de terre car il faisait très froid, le bateau venant me chercher après que je l'eus attendu quelque temps à une taverne près des escaliers de Rotherhithe. Rentré chez moi, surpris Will sortant par ma porte, ce qui me troubla légèrement. Je reprochai à ma femme de le retenir loin du bureau. Pourtant Dieu sait mon esprit bassement jaloux qui en fut la cause. Cela sembla la contrarier. C'était seulement pour lui demander de trouver une place pour son frère. Donc au bureau tard. Mr Commander venant relire mon testament pour en coucher les clauses.
Puis m'occupai d'autres affaires, principalement de préparer des documents contre Creed dans mon intérêt, puis rentré souper et, au lit. Ayant été incommodé à l'oeil gauche toute la soirée, à cause d'une poussière qui s'y était mise.
29 janvier
Levé. Après m'être rasé, voici deux fois de suite que je me coupe profondément, mais je pense que cela vient du manque de tranchant du rasoir, Mr Deane vint me voir pour parler un moment des mâts. Il m'a prévenu à plusieurs égards contre Mr Wood et aussi contre le bateau de sir William Petty, dont il dit que cela doit nécessairement se révéler être une folie, bien que je ne le pense pas, sauf s'il advient que le roi n'encourage pas cette entreprise.
A midi, comme convenu, vinrent Mr Hartlib et sa femme et, peu avant eux Mr Langley et Bostock, de vieilles connaissances à Westminster, des commis. Après leur avoir montré la maison et bu nous partîmes avec eux, ma femme et moi, par le fleuve, jusqu'à Wapping, à bord du Crown, navire marchand commandé par le capitaine Lloyd, personne très courtoise. Se trouvait là le vice-amiral Goodson, et plus je le connais plus je l'apprécie pour son sérieux et sa loyauté. Il y avait aussi Whistler, le fabricant de pavillons, ce qui me contraria, mais cela n'importait guère. Il y avait aussi des personnes de piètre compagnie et la conversation fut médiocre, nous n'eûmes donc aucun plaisir du tout, sauf de voir, Dieu merci, et de constater la différence qui sépare notre situation actuelle de la précédente, lorsque nous étions très inférieurs non seulement à Hartlib à tous égards, mais même à ces deux personnes sus-nommées. J'ai honte que mon éducation m'ait jamais amené en si basse compagnie. Mais ce n'est que la bonté de Dieu, qu'il en soit loué !
Les quittai après dîner et revins à la maison avec ma femme. De là à la taverne de la Toison dans Cornhill, comme convenu, pour rencontrer milord Marlborough, gentilhomme sérieux et digne d'estime qui, après avoir traité de notre affaire à propos de la Compagnie des Indes et du capitaine Browne, se mit à parler avec eux de la situation des Hollandais en Inde qui, vraisemblablement, sera bientôt incontrôlée, car nous sommes perdus là-bas, et les Portugais sont en aussi mauvaise posture.
Puis au café où la conversation était intéressante, spécialement celle du lieutenant-colonel Baron au sujet des moeurs du gouvernement des Turcs chez qui il a longtemps vécu. Puis chez mon oncle Wight, où jouai tard aux cartes, et rentré.
30 janvier
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Piètre sermon d'un jeune homme que j'ai connu à Cambridge, mais on a commémoré solennellement l'exécution du roi ( Charles Ier ) et je suis resté toute la journée à la maison à ranger mes dossiers de Brampton. Mr Commander vint le soir. Nous avons mis au point, signé et scellé mon testament. Il est tellement à mon goût et, j'espère, au gré de Dieu tout-puissant, que j'éprouve une grande joie de l'avoir fait, et j'ai ainsi l'esprit bien en repos. Ce soir souper et, au lit.
< Dans la soirée étant d'humeur de tout mettre en ordre dans ce monde, je déchirai de vieux papiers, entre autres une romance intitulée L'amour est un leurre, que j'avais commencé à Cambridge, il y a dix ans, et maintenant, en la relisant ce soir, je la trouvai très bien et m'émerveillai quelque peu de l'inspiration que j'avais à l'époque où je la rédigeai, doutant fort d'être capable d'en faire autant maintenant si j'essayais. >
31 janvier
Joue du Seigneur
Levé. Dans ma chambre toute la journée, sauf un moment pour dîner, à arrêter tous mes comptes de Brampton et à les mettre en ordre, car je m'étais obligé, par serment, à le faire avant la fin de ce mois. Je préparai aussi avec un soin extrême un état de mes biens et l'annexai à mon testament qui est maintenant parfait. Enfin, je fis mes comptes pour le mois et trouvai que j'avais gagné plus de 50 livres net. Ma fortune s'élève donc à 858 livres net, ce qui représente la plus grande somme d'argent que j'aie jamais possédée.
Relus également mes résolutions habituelles, comme je le fais chaque dimanche, mais avec plus de sérieux que d'ordinaire. J'espère que chaque jour j'aurai de plus en plus de plaisir de m'occuper de mes affaires et d'amasser de l'argent. Dieu soit loué pour ce que j'ai déjà pu faire par sa grâce ! Puis souper et, au lit, l'esprit fort tranquille et satisfait, mais la tête très pleine de pensées et d'affaires à expédier le mois prochain également. Je devrai, entre autres, m'apprêter à répondre à l’Échiquier de mon oncle, receveur général es-qualité pour l'année 1647, et dont je suis, pour l'instant, complètement incapable. Je dois trouver le temps de regarder dans tous ces papiers.
à suivre................
1er Février 1664
Debout, mes...................