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1er Mars 1664
Levé et au bureau réunion toute la matinée. A midi à la Bourse fort affairé. Après avoir rencontré mon oncle Wight..... rentré dîner en compagnie de Creed et de Mr Hunt. Après un bon dîner fort agréable, Mr Hunt prit congé et j'emmenai Mr Creed et ma femme à Deptford, car il faisait fort beau. Restâmes jusqu'au soir à deviser de choses et d'autres avec les officiers. Rentré à pied au clair de lune, ce qui était fort plaisant. A la maison et au bureau où fus occupé jusqu'à une heure tardive à bien comprendre l'affaire des mâts. Rentré chez moi puis, au lit, l'oeil très gêné par un écoulement d'humeur.
2 mars
Levé, l'oeil fort mal en point. Je m'efforçai cependant d'aller en voiture présenter mes respects à milord Sandwich, mais l'ayant rencontré dans Chaucery Lane qui se dirigeait vers la Cité, je m'arrêtai et rentrai sans me presser à pied chez moi, m'arrêtant à l'enclos de Saint-Paul où examinai un joli poème burlesque intitulé Scarronide ou le Virgile travesti, fort remarquable. Chez moi au bureau jusqu'à dîner. Après dîner ma femme dut me couper les cheveux redevenus très longs. Puis au bureau travaillai jusqu'à neuf heures. Cet après-midi nous avons reçu un beau cadeau, de la langue et du lard, de Mr Shales de Portsmouth. Le soir rentré souper chez moi puis, fort incommodé par mon œil, au lit.
Ce matin, Mr Burgby, l'un des secrétaires du Conseil privé, était avec moi pour affaires. C'est un homme qui s'y connaît. Il se plaint de ce que les lords du Conseil s'occupent d'eux-mêmes et de leurs propres intérêts mais nullement du bien public, sauf sir Edward Nicholas. Sir Geroge Carteret est diligent, mais seulement dans son propre intérêt et pour son profit personnel. Milord du Sceau privé ruine les affaires de chacun et n'est d'aucun service pour les affaires publiques. L'archevêque de Cantorbury parle très peu et n'agit guère, étant maintenant arrivé au sommet de ses espérances. Mr Burgby me dit qu'à son avis Digby va porter en haut lieu l'affaire contre le chancelier et qu'il y aura des révélations désagréables. Il parle beaucoup du fait que le chancelier délaisse le roi et oblige le roi de courir le voir chaque jour, alors qu'il se porte assez bien pour rendre visite à son cousin, Hyde, président du Banc du roi. Il loue grandement l'action de milord d'Ormond en Irlande, mais s'insurge violemment contre sir George Lane pour sa corruption et pour avoir déshonoré milord en vendant les charges maintenant toutes reprises, si bien que les pauvres malheureux sont près de mourir de faim. Il dit que presque personne ne comprend ou ne juge les affaires mieux que le roi, s'il n'avait le même défaut que son père, à savoir qu'il n'a pas confiance en lui et de se faire facilement influencer. Que milord Lauderdale est toujours près du roi pour se faire entendre ou pour le conseiller et qu'il est très rusé. Dans l'ensemble il trouve que tout va mal partout, et que même au sein du Conseil personne n'a cure du bien public.
3 mars
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Levé d'assez bonne heure puis au bureau réunion toute la matinée, occupés à rédiger un très grand contrat avec sir William Warren pour des subsistances pour l'année qui vient. Rentré chez moi et trouve Will Howe venu dîner avec moi. Avant nous promenâmes et devisâmes ensemble dans le jardin. Il m'a confirmé ce qu'il m'avait dit l'autre jour, que milord avait parlé de moi en termes si élogieux pour me recommander auprès de milord Peterborough et de Povey, ce qui laisse entendre que milord a encore très bonne opinion de moi. Il me dit aussi que milord et milady étaient tous deux très heureux que leurs enfants soient chez mon père, et aussi lorsque leurs aînés s'y trouvaient il y a quelque temps, ce qui me réjouit fort. Il prit congé après dîner. Je l'avais entretenu de l'avancement de ses connaissances. Je remarque qu'il est très attentif et qu'il tient son registre avec soin afin d'obtenir, grâce à milord, un avancement et, j'espère, d'évincer Creed de son secrétariat, car il me dit être convaincu que milord ne l'aime ni ne lui fait confiance dans aucune affaire confidentielle, tant il agit toujours avec ruse et artifice.
Puis sortis avec ma femme, pensant aller voir une pièce de théâtre, mais lorsque nous vînmes prendre une voiture, on nous dit qu'il n'y en avait pas, puisque c'est la première semaine de carême. Mais grand Dieu ! comme je suis, en mon for intérieur, impatient de voir une pièce, alors que je suis libre d'y aller une fois par mois ! Je crois que j'ai pris la meilleure méthode possible.
Retour au bureau, fort affairé avec plusieurs personnes jusqu'au soir. Rentré chez moi ne voulant pas veillé à cause de mon œil pas encore remis de l'écoulement d'humeur. Souper et, au lit.
4 mars
Levé, l’œil allant fort bien, puis en voiture chez milord Sandwich à qui je parlai, me promenant assez longtemps avec lui dans son jardin très beau ainsi que sa maison. M'entretins avec lui des comptes de milord Peterboroug. Il est inquiet tout à la fois de la sottise et des désagréments qui peuvent résulter des déclarations inopportunes de milord Peterborough, comme de révéler ses gains inutilement. Nous avons parlé longtemps et amicalement de sorte que, je l'espère, le pire est passé et que tout ira bien. Il y avait plusieurs personnes alentour, essayant une nouvelle sorte de fusil que milord apporta ce matin pour tirer souvent, coup après coup, sans ennui et sans danger, magnifique.
Puis au quartier du Temple ou pris le bateau de White et descendis à Woolwich, prenant au passage Mr Sish à Deptford. J'eus avec lui une conversation intéressante sur des questions de marine, ainsi qu'avec Mr Pett d'autres affaires, et rentrai à pied. A Greenwich remarquai les fondations posées pour une très grande maison pour le roi, qui va coûter très cher.
Rentré dîner chez moi. Après l'arrivée de mon oncle Wight allâmes avec ma femme et en sa compagnie en voiture, le déposant en chemin en me rendant chez Mr Maes, allâmes tous deux chez milord Sandwich rendre visite à milady avec qui je laissai ma femme s'entretenir et allai à Whitehall où le duc d'York qui m'avait aperçu me fit appeler et m'entretint assez longtemps du nouveau navire que l'on construisait en toute diligence à Woolwich. Parlant du prix, il dit toujours que la meilleure qualité est meilleur marché, prenant comme exemple les fusils français que l'on peut acheter pour 4 pistoles en France et qui sont aussi beaux à voir que d'autres valant 16, mais ne rendaient pas le même service.
Je n'ai jamais tant parlé au Duc, et jusqu'à présent craignais toujours de le rencontrer..........
Puis chez milord, ramenai ma femme que milady a reçu avec sa gentillesse et son amabilité d'antan, reprîmes le chemin de notre domicile et elle rentra chez nous, mais je descendis en chemin. Rencontré mon oncle Wight à la Bourse et lui fis part de mon entretien avec sir George Carteret à propos de l'affaire Maes, mais à son grand déplaisir. Après un café, chez moi et à mon bureau un bon moment avec sir William Warren, parlant avec grand plaisir de nombreuses affaires, puis rentré souper. Ma femme et moi mangeâmes une bonne volaille, puis retournai au bureau, puis à la maison, l'esprit bien aise de penser que milord et milady nous traitent de nouveau avec considération, et que milady vante la manière dont mon père s'est occupé de ses enfants et la qualité de l'air là-bas, que reflète le visage des jeune filles à leur retour, dit-elle. Et bien aise aussi d'être nommé à la commission des pêcheries, ce dont je dois remercier milord. Donc, rentré chez moi puis, au lit, avec un gros rhume de cerveau et mal à la gorge ce soir, car je me suis fait récemment couper les cheveux très ras, mais j'espère que cela se terminera vite.
5 mars 1664
Levé et au bureau où, quoique fort enrhumé, je dus beaucoup parler à l'occasion d'une réunion publique de la Compagnie des Indes orientales tenue dans notre bureau, nos gens s'y trouvaient tous......... Nous levâmes la séance sans arriver à une conclusion définitive en l'absence de milord Marlborough.
La séance levée, à la Bourse et de boire un café en compagnie de plusieurs personnes et de mon oncle Wight. Rentré dîner puis au bureau tout l'après-midi, ayant très mal à l’œil et à la gorge, et le rhume s'aggravant tant que je ne pouvais presque pas parler le soir. Rentré souper, c'est-à-dire prendre un lait chaud et, au lit.
6 mars
Jour du Seigneur
Levé avec toujours un très gros rhume, je ne pus aller à l'église et restai toute la journée, excepté un court moment pour dîner, dans mon petit cabinet, dans mon bureau jusqu'au soir, à rédiger une seconde lettre à Mr Coventry au sujet de la longueur des mâts, à ma grande satisfaction. Rentré chez moi le soir, mon oncle et ma tante vinrent souper, avec force gaieté, si ce n'est que le rhume m'indisposait. Le soir, avec le rhume et l’œil encore tout irrité, au lit.
7 mars
Levé tôt, le Duc étant sorti aujourd'hui comme nous l'apprit un messager, je passai toute la matinée au bureau à recopier le travail d'hier, jusque près de deux heures.........
Après avoir mangé un morceau, ma femme et moi allâmes par le fleuve au Théâtre du Duc voir Les Amants infortunés. J'ignore si je suis devenu plus exigeant, mais je n'ai guère aimé cette pièce, bien que je ne sache ce qui n'allait pas, si ce n'est que le théâtre était très vide à cause d'une nouvelle pièce à l'autre théâtre. Pourtant milady Castlemaine était dans une loge. Il fut plaisant d'entendre une dame ordinaire qui se trouvait proche de nous et qui, apparemment, ne l'avait jamais vue, dire, quand elle apprit qui c'était, qu'elle n'était pas mal du tout..
Rentré chez moi, terminé et envoyé ma lettre à Mr Coventry, après l'avoir lue à sir William Warren, et lui avoir demandé son opinion sur cette affaire. Rentré à la maison, souper et, au lit. Le rhume presque passé mais l’œil encore irrité et chassieux, l’œil droit n'ayant rien, je me demande ce que c'est.
8 mars
Levé, assez mécontent de ma femme lorsqu'elle dit qu'elle s'était procuré de l'urine de jeune chien et qu'elle l'avait utilisée. L'idée lui en a été donnée par ma tante Wight qui en cherchait et qui veut, à l'issue de son mari, en trouver pour son visage disgracieux.
Au bureau réunion toute la matinée, n'avançant guère le travail en raison du trop grand nombre de conseillers se gênant les uns les autres, c'est exactement ce que me dit Mr Coventry dans sa voiture en nous rendant à la Bourse. Mais je m'étonne qu'il ne m'ait remercié de ma lettre d'hier soir, je crois qu'il a simplement oublié de le faire.
Rentré chez moi, Llewellyn vint dîner, mais nous ne nous attardâmes pas, car on donne Heraclius ( nte de l'éd. traduction d'une pièce de Corneille ) que ma femme et moi souhaitons ardemment voir. Nous décidons, bien que cela corresponde dans l'ensemble à l'esprit plutôt qu'à la lettre de ma résolution, d'aller voir une autre pièce ce mois-ci. Nous irons là plutôt qu'au théâtre de la Cour, où l'on a pas donné de pièce décente que nous puissions voir depuis ma résolution, et il n'y en aura vraisemblablement pas non plus pendant le carême. Au fait nous sommes rentrés à pied afin de ne pas dépenser plus que si nous étions allés à la Cour. Je sais en conscience que j'entends par mes serments
seulement éviter les pertes de temps et d'argent. Cette sortie ne m'a coûté davantage ni de l'un ni de l'autre, aussi, la conscience tranquille devant Dieu, après mure réflexion et après la décision de payer mon gage si ma conscience m'accusait d'avoir enfreint ma résolution, je n'ai pas la moindre crainte d'avoir failli à mes serments.
La pièce a un très bon passage, très bien mis en scène, où l'on voit deux personnes prétendant être le fils du tyran Phocas, tout en sachant ne pas l'être, et qui sont en fait héritiers de Maurice, donc du trône. Très beaux costumes à la romaine, avec l'empereur entouré de sa suite, tous figés dans des attitudes différentes en costume romain. C'était bien au-dessus de ce que j'avais jamais vu au théâtre. Rentré chez moi à pied, passant rendre visite à mon frère Tom qui est alité et, je crois, très malade, de consomption. Au bureau quelque temps, à la maison, souper et, au lit.
9 mars
Levé assez tôt puis au bureau toute la journée, mais rentré quelque temps chez moi dîner, derechef au bureau à finir tout ce qui concerne le contrat de Mr Wood pour les mâts. Je suis sûr que je vais épargner 400 livres au roi avant d'avoir terminé. Le soir à la maison, souper, au lit.
10 mars
Levé et au bureau où travaillé toute la matinée. A midi à la Bourse, fort embesogné. Rentré chez moi dîner avec ma femme de bons abats de porc, viande que j'adore mais que je n'ai pas mangé, je crois, depuis sept ans. Sortis après dîner en voiture, déposai ma femme chez Mrs Hunt et allai à Whitehall. Au bureau du Sceau privé m'enquis du projet de loi sur la corporation des pêcheries royales, et l'obtins. Le duc d'York en est fait le gouverneur et d'autres personnes de haut rang, au nombre de 32, sont désignées comme ses assistants à vie. Par la grâce de milord Sandwich, j'en fais partie. Je considère que non seulement cela m'honore mais que je pourrai en tirer bénéfice. Donc, extrêmement satisfait, allai chercher ma femme. Rentré à la maison, puis au bureau où fus embesogné jusque fort tard. A la maison, souper, au lit.
11 mars 1664
wikipedia.org
Levé puis en voiture chez milord Sandwich. Comme il n'était pas levé je restai bavarder avec Mr Moore jusqu'à ce que milord fut prêt. Mais il descendit et sortit directement sans me faire aucun signe ni voir personne d'autre. Je ne sais s'il savait que j'y étais, mais j'ai tendance à penser que non, parce que, même s'il m'avait fait cet affront, il n'eut pas voulu le faire aux autres personnes qui se trouvaient là.
Je retournai donc sur mes pas, ne faisant que m'entretenir avec Mr Moore qui semble, d'après sa conversation, s'être enrichi. A vrai dire il ne me traite plus avec autant de respect qu'autrefois, mais plutôt d'égal à égal. Il m'a présenté à leur chapelain, homme digne et compétent. Rentré chez moi, tantôt au café puis à la Bourse et à la maison, dîner, après un brin de conversation avec ma femme, au bureau tout l'après-midi, embesogné jusque fort tard. A la maison, souper, au lit. - Espérant devant Dieu tirer profit de ma diligence, comme elle sert vraiment bien le roi. En attendant j'ai l'esprit fort aise de me voir croître chaque jour en savoir et en réputation.
12 mars
Grasse matinée, m'entretenant plaisamment avec ma femme, puis levé, au bureau, travaillai jusqu'à midi, fort contrarié de voir que sir John Mennes mérite plus de pitié pour son gâtisme et pour sa sottise qu'un poste à haut salaire pour la perte des affaires du roi.
A midi à la Bourse, rentré dîner chez moi, puis descendis travailler un peu à Deptford. Alors que je rentrais à pied il se mit à pleuvoir à verse. M'arrêtai donc à la taverne de la Demi-Etape, rencontré Mr Stacey en compagnie de jolies dames. Je le pris à part et m'entretins avec lui des diverses sortes de goudron. Sur ces entrefaites pris congé et rentrai à pied. Au bureau jusque fort tard, à la maison, souper, au lit.
13 mars
Jour du Seigneur
Je fis la grasse matinée devisant avec ma femme, puis levé ne sachant si je devais aller voir Mr Coventry qui est malade depuis deux ou trois jours, mais comme il faisait mauvais temps je suis resté à l'intérieur. Au bureau passai toute la matinée à étudier la Common Law. Je m'y consacrerai un peu de temps à autre, car j'en ai grand besoin. A midi rentré à la maison dîner puis après m'être entretenu avec ma femme retournai au bureau. Tantôt visite de sir William Penn après le sermon, nous nous promenâmes dans le jardin, puis on me dit qu'Anthony et William Joyce étaient venus me voir, j'entrai donc avec eux et leur fis fête. Nous étions donc de fort belle humeur, mais je m'aperçois que l'objet de leur visite était de me conseiller de prendre une femme pour s'occuper de mon frère Tom dont ils disent qu'il est très malade et qu'il semble désirer ardemment me voir. J'en tombé d'accord et leur demandai de faire chercher quelqu'un par leur épouse. Sur ce ils me souhaitèrent le bonsoir. Mais dès qu'ils furent sortis arriva le petit valet de Mrs Turner avec un billet m'informant que mon frère Tom était si gravement malade que l'on craignait qu'il n'ait plus longtemps à vivre et que je devrais aller le voir. Je les rappelai donc et ils revinrent. William Joyce souhaitant me parler en particulier, je le fis monter et là il me dit très crûment, à ma grande stupéfaction, que mon frère est mourant et que l'objet principal de leur visite était de me l'annoncer. Pire, il est atteint de la vérole qu'il a attrapée autrefois et n'a pas soignée, et voici ce qui en résulte. Il en est sûr, bien que ce soit un secret confié à son beau-père Fenner par le docteur qu'il recommanda à mon frère.
Nonobstant mon chagrin je jugeai utile d'y aller, par crainte des propos que les gens pourraient tenir et donc je les accompagnai à pied. En chemin passai voir mon oncle Fenner, chez qui je ne suis pas allé depuis au moins 12 mois, et lui demandai conseil. Arrivé chez mon frère alité et délire. Il ne put que dire qu'il me reconnaissait et puis recommença à parler d'autre chose. Il a le visage d'un homme en train de mourir, c'est l'opinion de Mrs Turner qui se trouvait là, et d'autres.
Après le départ des visiteurs je fis venir la servante qui semble une femme très sérieuse et réfléchie et, en présence de William Joyce lui demandai où en étaient les affaires de son maître. Elle me dit beaucoup de choses avec grand discernement et m'affirma qu'elle avait tous ses papiers et registres ainsi que la clef de son atelier de tailleur. Elle me montra aussi un sac dont je comptai le contenu avec William Joyce, arrivant à un total de 5 livres et 14 shillings, que nous avons laissé à sa garde.
Après lui avoir donné de bons conseils, ainsi qu'aux petits valets, et avoir vu une garde-malade choisie par Mrs Holden, je pris congé et rentrai chez moi à pied, bien préoccupé de l'état de mon frère et de tous les ennuis que vont me causer sa mort ou sa maladie.
A la maison, l'esprit affligé, au lit.
14 mars
Levé, allai à pied chez mon frère. J'apprends qu'il a continué de délirer toute la nuit. Il ne me reconnaît plus, ce qui me chagrine beaucoup. Je descendis et parlai fort longtemps en tête à tête avec la servante. Elle me parla en détail des agissements de son maître dans l'exercice de sa profession. Elle en conclut qu'il est très en retard et endetté et qu'il se fait harceler par plusieurs créanciers, parmi lesquels un dénommé Cave, par le mari et par la femme, mais elle ne sait si c'est pour l'argent ou pour quelque chose de pire. Mais il y a un certain Cranburne, je crois que c'est ainsi qu'elle l'a nommé, dans Fleet Lane, qu'il a souvent reçu en privé, mais elle ne sait quels étaient leurs rapports, mais croit qu'ils étaient vicieux. Et puis il a veillé deux samedis de suite quand toute la maisonnée était couchée, à se faire quelque chose tout seul. Elle soupçonne maintenant ce que c'était, mais n'en savait rien à l'époque. Elle me dit qu'il a très mal géré son temps et qu'elle lui en a souvent fait la remarque.
De sorte que dans l'ensemble, qu'il vive ou qu'il meure, je crois que c'est un homme perdu. Quels ennuis cela va me créer, je l'ignore. leparisien.fr
Puis à Whitehall. Dans l'antichambre du Duc, pendant qu'il s'habillait, deux personnes de qualité racontèrent à Son Altesse que l'autre nuit, vers minuit, dans Holborn, alors que l'on jouait aux cartes, un jeune porteur de flambeau entre précipitamment dans une maison et annonça à ses occupants que la maison s'écroulait. A cette nouvelle, toute la famille croyant que le jeune homme criait au feu fut prise de frayeur, laissant leurs cartes à l'étage. L'un d'eux voulait sauter par la fenêtre, mais elle n'était pas ouverte, l'autre monta chercher ses enfants qui étaient couchés. Tous sortirent donc de la maison, mais aussitôt elle s'écroula effectivement de haut en bas. Selon toute vraisemblance l'égout de milord Southampton arrivait trop près des fondations et affaiblissait la maison au point qu'elle s'affaissa. Voilà, à tous égards, un événements stupéfiant.
Sur ces entrefaites nous entrons dans le cabinet du Duc et expédions nos affaires avec lui. Mais je n'arrive pas à régler aussi rapidement que je l'espérais une affaire concernant la façon de procéder pour acheter du chanvre cette année, ce qui me contraria. Mais cela provient seulement de mon orgueil qui me fait toujours espérer que tout s'ordonne comme je l'entends. Pourtant il n'y avait pas d'erreur de ma part. C'était qu'ils n'étaient pas disposés à entendre ni à examiner ce que j'avais à proposer.
La séance levée je suivis milord Sandwich et le remerciai de m'avoir fait nommer à la corporation des pêcheries. Je crois qu'il s'y attendait, il s'écria :
" - Ah oui, les pêcheries ! je vous avais dit que je penserais à vous à ce propos. "
Sans ajouter rien de plus. Lorsque je lui demandai s'il avait des ordres pour moi à ce sujet, je crus l'entendre dire " non ", comme s'il ne souhaitait pas poursuivre la conversation.
Cela m'a contrarié toute la journée, je me trouve pourtant bien ridicule de ne pas m'en tenir à ma résolution, de bien m'habiller et d'avoir grand air, c'est ce qui convient puisque je ne peux plus compter sur milord. Puis en voiture vers la Cité, avec sir William Batten et de son fils Castle qui tient des propos très violents sur le capitaine Taylor, qu'il traite de fripon et, à ce que je vois, son vieux père qui l'adore se fait mener par le bout du nez et parle dans les mêmes termes que le fils, à moins que le fils ne parle comme le souhaite son père.
Descendis, puis chez Mr Moxon où vis la fabrication des globes pour notre bureau. Ce sera très beau, mais coûtera cher, puis au café, entretien très agréable avec Mr Hill le négociant, homme jeune, élégant et posé.
A la Bourse, puis rentré à la maison. Me querellai avec ma femme parce que je refuse un galon d'or pour sa robe, et voudrais dépenser la même somme, ou davantage, pour lui acheter une robe neuve mais simple. Elle me quitta avec un mouvement d'indignation que je ne lui avais jamais vu auparavant et que je ne saurais tolérer. Aussi allé au bureau bien qu'elle se soit habillée pour aller voir milady Sandwich. Bientôt elle me suit, folle de rage et vient me dire avec dépit, comme une mégère, et le regard plein de rancœur, qu'elle irait s'en acheter une neuve, avec un galon d'or, et que je serais obligé de payer, quitte à la brûler ensuite, si je voulais, puis sortit comme une furie.
J'en fus vivement irrité, mais comme j'étais fort affairé, je n'avais pas loisir pour m'arrêter, réfléchir à ce que je devais faire. Peu après, après avoir vu, je suppose, que je ne l'avais pas suivie, elle revint au bureau où je la fis attendre une demi-heure car j'étais occupé avec quelqu'un. Sa colère s'étant calmée nous fûmes bientôt réconciliés. Donc, quand j'eus terminé mon travail au bureau, nous allâmes en voiture chez milady Sandwich où je laissai ma femme. Puis à Whitehall où rencontrai Mr de Critz, le peintre. Après une heure d'entretien avec lui ne rencontrai personne avec qui traiter d'autres affaires, retournai chez milady et après une demi-heure de conversation avec elle, allai chez mon frère qui est dans le même état, sinon pire. Les docteurs le disent perdu et tous ceux qui le voient sont d'accord. Il ne dit pas deux mots sensés maintenant. Et j'avoue que cela m'a fait pleurer de voir qu'il était incapable de dire, à ma demande, qui j'étais.
J'allai chez Mrs Turner. Depuis l'entretien que lui a accordé le docteur de mon frère, Mr Powell, je m'aperçois qu'elle est fortement affectée par le mal dont souffre mon frère. Elle en parle beaucoup, ce qui me désole car il y a d'autres personnes présentes. Mais je trouve qu'il faudrait, pour son honneur à elle, s'abstenir d'en parler. La honte qui s'y attache, je l'avoue, me chagrine plus que tout. magnoliabox.com
De retour chez mon frère, emmenai ma femme chez mon oncle Fenner, m'entretins longuement avec lui en privé. Il me rapporte les paroles du docteur selon qui mon frère a peu d'espoir de guérir. Puis me dit longuement ce qu'il pense de la mauvaise gestion des affaires de mon frère. Il croit que mon frère a beaucoup de dettes, par exemple envers mon cousin Scott, je ne sais quelle somme, et le docteur Thomas Pepys, 30 livres, mais le docteur reconnaît avoir déjà reçu 20 livres. Si l'on ajoute ce qu'il me doit et à mon père, ses affaires sont dans un état déplorable. S'il survit je ne pourrai marcher la tête haute, ce qui sera une très grande honte pour moi.
Retrouvai ensuite ma femme, chez ma tante, ainsi qu'Anthony Joyce et sa femme qui se trouvaient là par hasard, et bus. Rentrai chez moi l'esprit et le cœur affligés, mais j'espère que cela sera bientôt terminé, d'une manière ou d'une autre.
Après avoir travaillé quelque peu au bureau, à la maison, souper et, au lit.
Par suite de nouvelles que mon oncle Fenner a données à mon père la semaine dernière sur l'état de mon frère, ma mère va venir à Londres, ce qui me chagrine également.
L'affaire entre milord le chancelier et Bristol est, dit-on, étouffée. Ce dernier est parti, ou va partir avec l'autorisation du roi, en France.
15 mars
Levé et au bureau réunion toute la matinée. A midi Madame Turner vint me voir avec sa fille Theophilia. L'objet principal de sa visite était de me dire qu'elle a demandé à son médecin, le docteur Whitherley, d'examiner la bouche de mon frère, où Mr Powell dit qu'il a un ulcère, d"où il en conclut qu'il a la vérole. Mais ce médecin affirme qu'il ne l'a pas et qu'il ne l'a jamais eue. Et comme mon frère était alors tout à fait lucide, ce qui est une bonne nouvelle pour moi, il en discuta avec lui, et nia formellement avoir jamais eu cette maladie et avoir jamais dit à Powell l'avoir jamais contractée. Tout cela me réconforta beaucoup. Il n'y a plus lieu de le couvrir d'opprobre. J'envoyai donc chercher une bourriche d'huîtres pour dîner. Nous nous en donnâmes à cœur joie, car j'étais tout disposé à la gaieté à cause de ces bonnes nouvelles.
Après dîner en voiture chez mon frère. Contrairement à mon attente il était toujours mal, ou même plus mal, délirant et ne reconnaissant plus aucun d'entre nous. Nous restâmes fort longtemps et je ne cessai de monter et de descendre pour m'occuper de diverses choses. Le soir, le docteur Whitherley revint et je mandai Mr Powell, après avoir d'abord examiné avec le docteur les parties viriles de mon frère : la peau était aussi nette que celle d'un nouveau-né, et le docteur était d'avis qu'il en avait toujours été ainsi. Nous discutâmes tous trois, en particulier de cette affaire. Ce fat nous expliqua les raisons de ce qu'il avait dit. Le docteur les réfuta et prit congé de ce paltoquet, lui disant seulement qu'il devrait cesser de faire courir de tels bruits et que ce qu'il avait dit provenait, autant qu'il en puisse juger, des propos tenus par mon frère et de l'ulcère qu'il avait prétendument à la bouche. Je le menaçai d'obtenir réparation si j'entendais encore de tels propos. Leur souhaitai donc le bonsoir à tous les deux, donnai une pièce au docteur pour ses honoraires, mais rien à l'autre.
Retournai chez mon frère où se trouvaient Mrs Turner et ses gens, ainsi que Mrs Croxton, ma femme et Mrs Holding. Vers 8 heures mon frère se mit à saliver avec peine et à parler moins distinctement, quoique toujours autant, jusqu'à ce que, le phlegme l'étouffant, il se mît, semblait-il, à râler. Je ne tenais pas à le voir mourir, et comme nous pensions que cela arriverait vite, je me retirai et raccompagnai Mrs Tuner chez elle. Quand je revins, moins d'un quart d'heure plus tard, mon frère était mort. Je montai et trouvai la garde-malade en train de lui fermer les yeux. Et lui, pauvre malheureux, gisait là, la mâchoire pendante. A ce triste spectacle j'entrai bientôt dans de douloureux transports et me mis à pleurer. C'était vraiment un triste spectacle de voir ce pauvre malheureux gisant ainsi, immobile et blanc comme un linge. Je restai jusqu'à ce qu'il fût presque froid, tandis que Mrs Croxton, Holden et les autres le déshabillaient et l'étendaient, en l'observant, elles n'avaient jamais vu de cadavre avec la peau aussi nette, me dirent-elles plus tard. Ainsi finit mon pauvre frère, continuant de délirer et les lèvres remuant jusqu'à la dernière extrémité, lorsque le phlegme l'empêcha de respirer, enfin sa respiration cessa, ce qui le fit rejeter beaucoup de phlegme et de pituite, et il mourut.
Ce soir, au cours de sa conversation, il dit beaucoup de choses en français, , s'exprimant fort bien, entre autres : " quand un homme boit, quand il n'a poynt d'inclinaction à boire il ne luy fait jamais de bien. " A un moment je lui parlai de son état et lui demandai s'il pensait partir. L'esprit dérangé, il me dit :
" - Pourquoi ? où irais-je ? il n'y a que deux chemins. Si je prends la mauvaise voie, je dois en rendre grâces à Dieu. Mais si je prends l'autre voie, je dois encore plus en rendre grâces à Dieu. J'espère que je n'ai pas manqué à mes devoirs et été si ingrat dans ma vie que je ne puisse espérer prendre cette voie-là. " meisterdrucke.fr
Ce fut la seule réflexion, valable ou non, que je pus obtenir de lui aujourd'hui.
Je laissai ma femme assister à la toilette du mort, et rentrai en voiture emportant les papiers de mon frère, tout ce que je pus trouver, avec moi. Après avoir écrit une lettre à mon père pour l'aviser de ce qu'on avait dit, je revins en voiture, alors qu'il était fort tard et qu'il faisait nuit noire, chez mon frère. Mais tous étaient partis, la toilette du mort était faite et ma femme se trouvait chez Mrs Turner, où j'allai, et là, après une heure de conversation, nous montâmes nous coucher, ma femme et moi, dans la petite chambre bleue. Je me couchai serré tout contre ma femme, si plein de désarroi et de chagrin à cause de mon frère, que je ne pus dormir ni rester éveillé sans angoisse. Finis par dormir jusqu'à 5 ou 6 heures. Puis levé et debout laissant ma femme
16 mars 1664 - au lit, allai chez mon frère où je mis les domestiques à nettoyer la maison. Ma femme venant peu après pour s'en occuper, fis des allées et venues chez mon cousin Stradwick et chez mon oncle Fenner pour discuter de l'enterrement que j'ai décidé de remettre jusqu'à vendredi prochain.
Rentré chez moi me rasai, puis à la Bourse, annonçant à mon oncle Wight la mort de mon frère. Puis en voiture chez mon cousin Turner où dînai très bien. Mais ma femme étant indisposée aujourd'hui et souffrant beaucoup, nous dûmes nous lever de table précipitamment. Je la ramenai à la maison dans la voiture de Mrs Turner et la mis au lit. De retour chez Mrs Turner en compagnie de mon cousin Norton restai quelque temps à parler avec le Dr Pepys, ce freluquet que je n'eus pas la patience d'écouter. Pris donc congé et allai m'occuper d'affaires chez mon frère, vis le cercueil arriver. Peu après Mrs Holden vint assister à sa mise en bière. Puis William Joyce me rendit visite, à demi ivre, et j'eus beaucoup de peine à lui annoncer que mon frère avait été lavé de tout soupçon, car il m'interrompait de propos oiseux, s'écriait que mon frère était gentil et disait du bien d'autrui, et Dieu sait quoi. Enfin, las de l'entendre je le congédiai et me rendis chez Mrs Turner où, quoique j'eusse encore le coeur gros de penser à mon pauvre frère, je pus donner libre cours à mon souhait d'entendre Mrs Theophilia jouer du clavecin, mais la musique ne me fit pas plaisir non plus.
Chez mon frère où les trouvai occupés avec ma servante Elizabeth, à faire l'inventaire des biens se trouvant dans la maison, ce qui me plut fort.. Je suis très redevable au serviteur de Mr Honywood de l'avoir fait. Il s'appelle Herbert et affirme qu'il avait fait ma connaissance lorsqu'il vivait chez sir Samuel Morland, mais je l'ai oublié. Je les laissai donc faire et en voiture à la maison, puis au bureau pour travailler un peu. Mais, Dieu m'en est témoin ! j'ai l'esprit et le coeur si occupés de la mort de mon frère et de ses conséquences, que je ne peux faire grand-chose, ni comprendre ce que je fais.
Rentré souper. Après avoir parcouru des papiers dans mon cabinet de travail, au lit avec ma femme toujours alitée et continue de souffrir.
Aujourd'hui Mr Barrow m'a fait présent d'une grande bourriche d'huîtres, 16 fois plus grande que les autres. Je l'emportai en voiture chez Mrs Turner et la lui donnai.
Aujourd'hui le Parlement s'est de nouveau réuni, après une longue prorogation, mais je n'ai pas eu l'occasion d'apprendre ce qui s'y est fait.
à suivre..............
17 mars 1664
Levé puis..............