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Le bal en robe de chambre
Episode de la vie du grand monde - Eugène Labiche et Marc-Michel
Décor
Un petit salon richement meublé - Au fond de la scène trois grandes portes s'ouvrent sur un grand salon - A droite deux portes - A gauche une porte en arrière-plan - Au premier-plan une cheminée - Des fauteuils, un tapis - A droite et à gauche des girandoles avec des bougies.
Scène 1ère
Félix seul tenant un bougeoir. - Mam'zelle qui vient de me dire d'allumer ; depuis trois jours elle me fait porter des lettres à toutes les connaissances de M. Vertgazon, son papa... Est-ce qu'elle voudrait donner une soirée ? Que je suis bête ! une enfant de six ans qui fait ses dents de sept.
( Musique ) Air de La Colonne
C'tte enfant pas plus haut que ma botte
Depuis trois jours me fait trotter...
Avec sa bonne elle complote...
Quoi donc qu'elle peut comploter ?
Monsieur lui-même n'a pas l'air d'sen douter.
Pourquoi ce soir veut-elle donc que j'éclaire ?
J'ai beau m'creuser, ma foi j'n'y comprends rien ;
Mais éclairons, c'est le meilleur moyen
Pour y voir clair dans ce mystère.
( Il allume ) Après ça... qu'est-ce que ça me fait ? On m'a dit d'allumer, j'allume... ( il allume le côté droit du salon et passe au côté gauche ) Je ne serai pas fâché de savoir ce que monsieur dira en rentrant. ( Il allume à gauche )
Scène II
Félix, Vertgazon
Vertgazon, entre par le fond, ne voit pas Félix. - Je ne suis pas à mon aise... Je me fais une fête de me coucher de bonne heure. ( Il aperçoit les bougies allumées à droite ) Tiens ! qu'est-ce qui a donc allumé mes bougies ? ( Il souffle toutes les bougies du côté droit )
Félix, il a allumé le côté gauche et repasse à droite ) Là... voilà qui est fait. ( Il aperçoit les bougies éteintes ) Tiens !... le vent qui vient d'éteindre. ( Il rallume à droite pendant que Vertgazon souffle à gauche )
Vertgazon - Là... ( Il passe à droite et aperçoit les bougies rallumées ) Ah !
Félix, aperçoit le côté gauche éteint - Oh !
Vertgazon - C'est toi, imbécile, qui brûle mes bougies.
Félix -Monsieur... ce sont les ordres de mademoiselle.
Vertgazon - Ma fille ! c'est ma fille qui t'a dit d'allumer ? Pourquoi ça ?
Félix - Je n'en sais rien.
Vertgazon - Fais-la venir... Je vais lui laver la tête.
Félix - La voici.
( Il sort ) youtube.com
Scène III
Vertgazon, Cécile
Cécile - Bonjour, mon papa.
Vertgazon - Approchez, mademoiselle... je suis très mécontent, je suis fort surpris...
Cécile - Tu veux faire comme si ru étais en colère, mais tu ne l'es pas.
Vertgazon - Comment ?
Cécile - Non, ton nez remue.
Vertgazon - C'est vrai ! mon nez remue... alors embrasse-moi. ( Il s'assied )
Cécile - Avec plaisir. ( Elle se met sur ses genoux ) Dis donc, mon petit papa, as-tu réfléchi à ce que je t'ai demandé ?...
Vertgazon - Quoi ?
Cécile - Tu sais bien, M. Roquentin, mon pauvre vieux maître de danse... il a attrapé une entorse... il paraît que ça l'empêche de danser... de donner des leçons.
Vertgazon - Oui... les entorses produisent cet effet, dit-on, sur les maîtres de danse.
Cécile - Alors il ne peut plus payer son loyer, et son propriétaire veut le mettre à la porte... dans la rue... c'est bien froid !
Vertgazon - L'hiver, je n'en disconviens pas, mais en été...
Cécile, câline - Mon petit papa, tu ne veux donc pas me donner ces huit cents francs... pour payer le loyer de M. Roquentin ?
Vertgazon - Non, ma fille, pour la vingtième fois non ! M. Roquentin est un vieux sauteur auquel je ne m'intéresse nullement... il t'a donné des leçons de danse, c'est vrai ; mais je lui ai payé ses cachets... donc je ne lui dois rien, donc, laisse-moi tranquille.
Cécile, le quitte en boudant - C'est bien... je m'y attendais ; aussi j'ai trouvé un moyen.
Vertgazon - Qu'est-ce que c'est ?
Cécile - C'est mon secret... mais, puisque tu ne veux pas payer... je paierai, moi.
Vertgazon - Avec quoi ?
Cécile - Tiens, avec ma bourse... J'ai quinze francs... papa, combien me manque-t-il ?
Vertgazon - Plus tard, ma fille, vous apprendrez les mathématiques. ( A lui-même ) Il ne faut pas fatiguer les enfants.
Cécile - Une fois... deux fois... tu ne veux pas ?
Vertgazon
Air : Du haut en bas
Je suis de roc !
Cécile
Ce pauvre homme est dans la misère !
Vertgazon
Je suis de roc !
Je suis plus têtu qu'un vieux coq !
Cécile ( le câline et lui tapote la joue )
Allons ! écoute ma prière...
Je t'aimerai bien, p'tit pépère !
Vertgazon - Je suis de roc !
Cécile, sérieuse - Alors, c'est toi qui l'auras voulu... Je ne me repens pas de ce que j'ai fait.
Vertgazon - Qu'as-tu fait ?
Cécile - Tu le verras.
Vertgazon - Dis-le moi... je t'en prie.
Cécile ( même air )
Je suis de roc !
Vertgazon
Cède à la voix de la nature !... Cécile
Je suis de roc !
Vertgazon
Eh bien ! voyons !... faisons un troc :
Dis-moi ton secret, j't'en conjure... Et j'te donne... un pot de confiture !
Cécile, après un moment d'hésitation - Je suis de roc !
Vertgazon - Ah ! elle me prend mes mots ! est-elle spirituelle !
Cécile - Tout ce que je puis te dire... c'est que je paierai... avec mon travail... avec mes talents... et il ne t'en coûtera rien du tout.
Vertgazon, riant - Avec ses talents... 800 francs !... Ah ! je rirais... si je n'avais pas envie de dormir... Bonsoir, ma fille.
Cécile - Bonsoir, papa. J'ai idée que tu ne dormiras pas bien cette nuit !
Vertgazon - Pourquoi ?
Cécile - Parce que tu as été méchant avec ta petite fille.
Vertgazon, à part - C'est un prodige !... Madame de Staël !
Ensemble
Air de L'homme aux Souris.
Va te coucher, ma chère ;
Je vais chercher par là
Un livre qui, j'espère,
Bientôt m'assoupira.
Cécile
Bonne nuit, méchant père,
Va donc chercher par là
Un livre qui, j'espère,
De peu te servira.
Vertgazon sort à droite.
Scène IV
Cécile, Félix
Cécile sonne, Félix portant sur son bras une robe de chambre et un bonnet de coton. Cécile - Allumez lez bougies.
Félix - Mais, Mamz'elle, Monsieur votre père m'a défendu...
Cécile - Mais allumez donc, quand on vous le dit ! - Dieu ! qu'on est mal servi
aujourd'hui ! - Qu'est-ce que vous tenez là ?
Félix - C'est Monsieur qui m'a dit de lui donner sa robe de chambre...
Cécile - Vous lui donnerez son habit noir... et son claque.
Félix - Pour se coucher.
pinterest.fr Cécile - Dieu ! que vous êtes raisonneur ! Voilà un vilain défaut...
Félix, à part - Faut pas lui en vouloir... elle fait ses dents.
Cécile - Vous direz à Dominique de prendre dans la salle à manger un plat d'argent...
Félix - Dominique prendre un plat d'argent ! C'est un honnête garçon, mademoiselle ! Cécile, avec impatience - Mais écoutez-moi donc !... il se tiendra toute la nuit à la porte de l'antichambre avec son plat.
Félix - Ah ! Ah ! elle est bonne celle-là !
Cécile - Je n'aime pas qu'on rie de ce qu'on ne comprend pas... Mais allumez donc ! il faudra peut-être que j'allume moi-même !
Félix - Voilà, mademoiselle, voilà.
Cécile, elle sort - Dieu qu'on est mal servi aujourd'hui !
Elle sort au fond.
Scène V
Félix seul, puis Vertgazon
Félix - Mademoiselle me dit de rallumer... moi je veux bien... rallumons. ( Il rallume )
Vertgazon, rentrant sans voir Félix, montrant le livre qu'il tient. - J'ai fait choix d'un narcotique efficace et puissant... des tragédies ! ( Il voit les bougies allumées à droite. ) Hein ! Encore cette illumination a giorno ! ( il souffle à droite, pendant que Félix allume à gauche. ) Cet anima de Félix s'entend bien certainement avec le marchand de bougies. ( Il passe à gauche. )
Félix, à droite - Tiens ! c'est r'éteint ! ( Il rallume )
Vertgazon , à gauche - Tiens ! c'est rallumé ! Ah ! ça mais, sapristi !... ( Il souffle )
Félix, l'aperçoit - Vous resoufflez, monsieur ?
Vertgazon - Imbécile ! butor!... ça ne va donc par finir ?
Félix - C'est mam'zelle qui me l'a dit...
Vertgazon - Va te promener.
Félix - Oui, monsieur. ( Fausse sortie )
Vertgazon - Arrive ici.
Félix - Oui, m'sieu.
Vertgazon - Allume la veilleuse.
Félix, obéissant. - Bien, m'sieu !... ( A lui-même ) Moi, j'veux bien !
Vertgazon - Ce garçon-là est stupide ! ( A Félix qui va sortir ) Eh bien ! Où vas-tu ?
Félix - Nune part, m'sieu.
Vertgazon -Nune part ! Donne-moi ma robe de chambre... ( Il ôte son paletot )
Félix, apportant un habit noir -Votre robe de chambre ; c'est-à-dire... Voilà... ( Il lui passe son habit )
Vertgazon - Qu'est-ce que c'est que ça !
Félix - Mam'zelle m'a dit de vous mettre votre habit noir.
Vertgazon - Mais tu m'ennuies, mais tu m'agaces... mais tu me portes sur les nerfs ! Ma robe de chambre, drôle !
Félix, la lui passant - Voilà, m'sieu. ( A part ) Moi, je veux bien.
Vertgazon - Prends ma perruque et donne-moi mon bonnet de coton.
Félix, lui offrant son claque - Non, m'sieu, votre claque.
Vertgazon - Des claques ; en voilà, animal ! ( Il lui donne une tape ).
Félix - Mam'zelle m'a dit...
Vertgazon - Mon bonnet de nuit !
Félix - Voilà ! ( A part ) Qu'est-ce que ça me fait !
Vertgazon, met son bonnet de coton - Emporte ma perruque... Va bassiner mon lit... et prépare-moi mon jus d'herbe... pendant que je vais lire quelques scènes de ce volume de tragédies... Morphée s'en trouvera bien. ( Il s'assied au coin du feu ) Eh bien ! va donc !
Félix - Qu'est-ce que ça me fait !... moi, je veux bien !... ( Il sort )
Scène VI
Vertgazon, puis Le Baron et la Baronne de Rochepot
en grande toilette de bal
Vertgazon, lisant - La Veuve du Malabar ou l'Empire des Costumes, ( il se reprend ). Non, des coutumes. " Un illustre indien a terminé sa vie... "
Un domestique, ouvrant la porte du fond et annonçant - Monsieur le baron et la baronne de Rochepot.
Vertgazon - Hein ? Une visite ? Je n'y suis pas. ( Il appelle ) Félix, ma perruque, Félix ! ma... ( il se trouve devant la baronne ) Madame, j'ai l'honneur de vous présenter mes hommages... ( A part )
Sapristi ! pinterest.fr
La Baronne, à part - En robe de chambre !
Le Baron, de même -En bonnet de coton !
Vertgazon, s'efforce d'être aimable - Monsieur le baron... je suis bien aise... oh ! mais bien aise... de vous voir... ( A part ) Que le diable les emporte !
Le Baron - Nous venons trop tôt, n'est-ce pas ?
Vertgazon, très galant - Comment donc, madame... Il n'est jamais trop tôt !... ( A part, il s'arrête tout court ) Sapristi ! je suis en bonnet de coton !... ( Il y met la main pour l'ôter ) Et pas de perruque !... ( Renfonçant son bonnet ) Laissons-leur croire que j'ai des cheveux !
Le Baron - C'est la baronne qui m'a pressé... Elle craignait d'être en retard.
Vertgazon, étonné - Ah ! madame craignait ? Quelle heure est-il donc ?...
Le Baron - Onze heures...
Vertgazon, vivement - Vous retardez...
Le Baron - Vous croyez ? ( Bas, à la Baronne ) Ah çà, rien n'annonce les préparatifs d'un bal.
La Baronne, bas - Je n'y comprends rien.
Vertgazon, à part - Mais quel motif peut les amener ?...
Le Baron - Vicomte, c'est bien aujourd'hui jeudi, n'est-ce pas ?
Vertgazon - Oui... sans doute... ( A part ) Si c'est pour me demander ça...
Le Baron - Ah ! c'est que madame la Baronne craignait que ce ne fût pas aujourd'hui jeudi...
La Baronne - Oui... en entrant...
Le Baron - Mais du moment que d'est aujourd'hui jeudi, très bien... très bien !... Nous sommes tranquilles.
Ils s'asseyent
Vertgazon, à part - Comment, ils s'installent !...
La Baronne - J'ai dit à mon cocher de revenir me prendre à trois heures...
Vertgazon - Comment !
Le Baron - Oui... Nous nous retirons de bonne heure !
Vertgazon, très aimable - Ah ! tant pis ! Ah ! tant pis ! ( A part, en s'asseyant ) Il faut avoir la rage des visites !... Je ne connais que les chauves-souris pour se faire des politesses à pareille heure...
La Baronne, bas, au Baron - Dites donc est-ce qu'il ne va pas aller s'habiller ?
Le Baron, de même - J'espère bien que si ! ( Haut ) Nous vous gênons, peut-être ?
Vertgazon - Moi, pas du tout...
La Baronne - Si vous avez quelque chose à faire...
Vertgazon - Non... je n'ai rien à faire... rien du tout... J'ai ma soirée.
La Baronne, à part - Elle est jolie sa soirée !
Le Baron
Air : Un homme pour faire un tableau
Cher vicomte, pas de façons !
Agissez sans cérémonie.
Vertgazon - Je n'en fais pas.
La Baronne - Nous vous gênons !...
Vertgazon - Pas du tout.
Le Baron - Allez, je vous prie...
Vertgazon - Que j'aille... où çà ?...
Le Baron - S'il vous plaisait de faire un tour dans votre chambre ?
Vertgazon - Non !
La Baronne, étonnée - Plaît-il ?
Le Baron, bas, à la baronne - Je vois ce que c'est... C''est un bal en robe de chambre.
Le Baron, bas - Je suis fâché d'avoir mis des gants neufs.
La Baronne, bas - C'est mal éclairé !... ( Vertgazon s'endort )
Le Baron ( de même ) - Je crois bien... deux bougies... et une veilleuse.
La Baronne - Aujourd'hui les riches boudent.
Le Baron, à part - Ce n'est pas possible, nous nous sommes trompés de jour.
La Baronne, bas - Regardez votre lettre d'invitation.
Le Baron, parcourant sa lettre, bas - " De venir passer la soirée chez lui, le jeudi 16 mars... "
La Baronne - C'est inconcevable.
Le Baron, à Vertgazon qui dort - Pardon, vicomte, c'est bien aujourd'hui jeudi... 16 mars ?
Vertgazon, s'éveillant - Oui, 16 mars, le marronnier des Tuileries fleurit dans quatre jours. ( A part ) Nous allons recommencer.
Le Baron - C'est que la baronne craignait que ce ne fût pas aujourd'hui le 16 mars ; mais du moment que c'est aujourd'hui le 16 mars, très bien, très bien... nous sommes tranquilles.
Vertgazon, à part - Qu'est-ce que je disais ?... Nous recommençons ; ça va aller comme ça jusqu'à trois heures du matin.
Scène VII
Les Mêmes, Un Domestique annonce
Le Domestique - M. et Mme Farruch de Pontcastor.
Vertgazon, à part - Hein ! ( Grandes salutations de tout le monde ) Encore une visite ; ils se sont donné le mot.
Mme de Pontcastor, bas - Quelle singulière toilette !
M. de Pontcastor - Seriez-vous indisposé, cher vicomte ?
Vertgazon - Mille fois trop bon ! au contraire. ( Ils s'asseyent )
Mme de Pontcastor - Pardon ! c'est bien aujourd'hui jeudi ?
Vertgazon - Oui ! ( A part ) Qu'est-ce qu'ils ont donc avec leur jeudi.
La Baronne - Aurez-vous Levassor... l'acteur ?
Vertgazon - Moi ! Pourquoi faire ? Je ne crois pas.
Le Baron - Ah ! fâcheux, fâcheux ! je l'aime beaucoup... je l'ai vu dans
Robert le Diable... il joue le rôle du diable comme un ange.
pinterest.fr La Baronne - C'est Levasseur, mon ami.
Le Baron - Qu'est-ce que ça fait ? Levassor... Levasseur ils se ressemblent, n'est-ce pas ?
Vertgazon Parbleu !
Le Baron, à part - Drôle de bal ! ça manque d'entrain... et de sirop... je suis bien fâché d'avoir mis des gants neufs... je les ôte !
Scène VIII
Les mêmes, Félix
Félix, entre avec une tasse de tisane à la main et une bassinoire sous le bras
- Voilà, Monsieur, voilà.
Le Baron, se levant - Enfin, voici des rafraîchissements !
Félix, s'arrête - Tiens, des visites !
Le Baron, prend la tasse - Qu'est-ce que c'est que ça ? du chocolat ?
Félix - C'est du jus d'herbes.
Le Baron - Hein ?
La Baronne - Et une bassinoire !
Le Baron, à part - Quel drôle de bal !
Vertgazon - Je vous demande pardon... c'est cet imbécile...
Le Baron - Non ! C'est impossible ! ce n'est pas aujourd'hui jeudi !
La Baronne - 16 mars.
Vertgazon, à part - Nous recommençons... très bien !
Scène IX
Les mêmes, Invités, Musiciens
Un domestique ouvre la porte du fond et annonce les invités qui entrent successivement.
Le Domestique - Monsieur, Madame et Mademoiselle Olivarès de la Moselle !
Vertgazon - Pristi ! ( A Félix ) Ma perruque !
Le Domestique - Madame la chanoinesse de Criqueboeuf.
Vertgazon - Corneboeuf ! ( A Félix ) Ma perruque !
Félix - Elle est par là !... Voici votre claque.
Vertgazon, ôte son bonnet de coton et met son claque - Messieurs... Mesdames... enchanté... ravi...
Choeur
Air : Valse de Satan
Vertgazon
Ah ! morbleu ! c'est une gageure !
Qui diable à l'heure que voici,
Peut donc, je m'y perds, je le jure.
Amener tout ce monde ici ?
Les Invités
Ah ! vraiment ! c'est une gageure !
Rien n'est plus plaisant que ceci ;
Quel costume ! et quelle coiffure !
Pourtant c'est aujourd'hui jeudi.
Tous - Ce costume !
Vertgazon - Je vous demande un million... mais je ne m'attendais pas à l'honneur !
Le Baron - Comment ! Et votre invitation de bal ?
Vertgazon - Mon invitation ?
Le Baron - Parbleu ! la voici... ( Chacun lui donne sa lettre )
Vertgazon - C'est un peu fort ! ( Il lit ) " Monsieur le vicomte de Vertgazon vous prie de lui faire l'honneur de venir passer la soirée chez lui le jeudi 16 mars. Prix d'entrée : un cavalier, 5 francs... un cavalier et une dame, 7 francs. "
Le Baron - Ca met les dames à 40 sous.
Vertgazon - Mais qu'est-ce que cela signifie ?
Le Baron - Dam ! il y a dans l'antichambre un grand escogriffe avec un plat d'argent, et qui reçoit le prix des places.
Vertgazon - Comment !
Le Baron - Entre nous... je crois que vous couvrirez vos dépenses...
Les trois portes du fond s'ouvrent
Vertgazon - Mais c'est affreux ! faire payer à ma porte ! je suis déshonoré. ( Il se retourne et aperçoit le salon éclairé, garni de guirlandes de fleurs ) Hein ! qu'est-ce que c'est que ça ? ( Apercevant des musiciens ) Un orchestre !... c'est un rêve ! je deviens stupide ! qu'est-ce qui m'expliquera tout ça ?
Scène X
Les mêmes, la petite Cécile habillée en hussarde
Cécile - Moi, papa !
Vertgazon - Ma fille !
Choeur pinterest.fr
Air : La belle fille
La belle fille !
Qu'elle est gentille !
La grâce brille
Dans tous ses traits.
Qu'elle est jolie !
L'âme attendrie !
Se sent ravie
Par tant d'attraits.
Vertgazon - Mademoiselle, me direz-vous ?
Cécile - C'est un bal que je donne au profit de mon maître de danse... vos amis sont venus à mon invitation, je vous disais bien qu'il aurait ses 800 francs !
Vertgazon - Ah ! petite coquine !... mais pourquoi ce costume ?...
Cécile - Pour danser au profit de mon professeur de polka hussarde qu'il m'a apprise...
Tous - Oui ! oui!
Cécile - Vous avez payé en entrant... mais si vous êtes contents... personne ne vous empêchera de recommencer en sortant.
Vertgazon, à part - Ah ! elle est pétrie d'esprit !... Madame de Staël ! Je la mettrai dans le commerce.
Les personnages se rangent des deux côtés de la scène, la petite danse une polka hussarde. -
Après la danse, tous les personnages applaudissent et crient bravo ! - Le rideau tombe
FIN
Eugène Labiche - Marc-Michel
Première Représentation le 12 octobre 1850 au Théâtre du Palais Royal.