samedi 2 mars 2013

Le coq de basse-cour et le coq de girouette - Le schilling d'argent Andersen ( nouvelle Danemark )





                                                    Le coq de basse-cour et
                                                                      le coq de girouette

            Il y avait deux coqs, l'un sur le tas de fumier et l'autre sur le toit, orgueilleux l'un et l'autre ; mais lequel se rendait le plus utile ? Donne-nous ton avis... nous conserverons le nôtre malgré tout.
            Une palissade séparait la basse-cour d'une autre ferme où il y avait un tas de fumier et sur celui-ci poussait un gros concombre qui était conscient d'être une plante de couche :
            " On est né pour cela, disait une voix en lui-même. Tout le monde ne peut pas naître concombre, il faut aussi qu'il y ait d'autres espèces vivantes ! Les poules, les canards et tout le bétail de la ferme d'à côté sont aussi des créatures. J'ai beaucoup de considération pour le coq de basse-cour sur la palissade, il est vraiment autrement important que le coq de girouette qui a été placé si haut et qui ne sait même pas grincer, et encore moins chanter ! Il n'a ni poules ni poussins, il ne pense qu'à lui-même et sue du vert-de-gris ! Non, le coq de basse-cour, ça c'est un coq ! Regardez-le marcher au pas, c'est de la danse ! Écoutez-le chanter, c'est de la musique ! Partout où il va on sait ce que c'est qu'un clairon ! S'il venait ici et s'il me dévorait avec mes feuilles et ma tige, si j'étais absorbé dans son corps, ce serait une bien belle mort ! " dit le concombre.
            Au cours de la nuit, il y eut un orage terrible : les poules, les poussins et le coq lui-même cherchèrent où se mettre à l'abri ; la palissade entre les deux fermes fut renversée par le vent au milieu d'un grand vacarme ; les tuiles tombèrent, mais le coq de girouette ne bougea pas, il ne tourna même pas, il ne pouvait pas, et pourtant, il était jeune, avait été fondu récemment, mais il était réfléchi et posé ; il était né vieux, ne ressemblait pas aux oiseaux du ciel qui voletaient, aux mouettes et aux hirondelles, il les méprisait, ses " petits oiseaux de faible taille et tout à fait ordinaires ! " Les pigeons étaient gros, luisants et brillants comme de la nacre, ils faisaient penser à une sorte de coq de girouette, mais ils étaient gras et bêtes, toutes leurs pensées se limitaient à se mettre quelque chose dans le ventre, disait le coq de girouette, on s'ennuyait à leur contact. Les oiseaux migrateurs étaient aussi venus en visite, avaient parlé de pays étrangers, de caravanes aériennes et d'épouvantables histoires de brigands et d'oiseaux de proie, c'était nouveau et intéressant la première fois, mais le coq de girouette savait qu'ils se répétaient par la suite, que c'était toujours la même chose, et ça c'est ennuyeux ! Ils étaient ennuyeux et tout était ennuyeux, il n'y avait personne à fréquenter, tout le monde était insipide et dénué d'intérêt.
            - Le monde ne vaut rien, dit-il. Tout n'est qu'un fatras de sottises !
            Le coq de girouette était ce qu'on appelle, blasé, et cela l'aurait certainement rendu intéressant pour le concombre si ce dernier avait été au courant, mais il n'avait de considération que pour le coq de basse-cour et voilà qu'il était maintenant dans sa ferme, tout près de la palissade renversée par le vent, mais les éclairs et le tonnerre avait cessé.
            - Que dites-vous de ce chant de coq ? dit le coq de basse-cour aux poules et aux poussins. C'était un peu vulgaire, ça manquait d'élégance.
            Et les poules et les poussins vinrent sur le tas de fumier, le coq arriva en marchant au pas de cavalier
            - Plante de jardin, dit-il au concombre, et par ce seul mot celui-ci mesura l'étendue de sa culture et oublia qu'il lui donnait des coups de bec et qu'il le mangeait.
            Une bien belle mort !
            Et les poules vinrent, et les poussins vinrent, et quand l'un court les autres courent aussi, et ils gloussaient et ils pépiaient et ils regardaient le coq, ils étaient fiers de lui, il était de leur espèce.
           - Cocorico ! chanta-t-il. Les poussins se transforment tout de suite en grandes poules : il suffit pour cela que je le dise dans la basse-cour du monde !
           Et les poules et les poussins le suivaient en gloussant et en pépiant.
           Et le coq annonça une grande nouvelle.
           - Un coq peut pondre un oeuf ! Et savez-vous ce qu'il y a dans cet oeuf ? Il y a un basilic ! Personne ne peut en supporter la vue, les hommes le savent et maintenant, vous le savez aussi, vous savez ce qui habite en moi... vous savez que je suis un gaillard du tonnerre !
           Et le coq de basse-cour battit des ailes, dressa sa crête et chanta de nouveau, et un frémissement parcourut toutes les poules et tous les petits poussins, mais ils étaient terriblement fiers de ce que l'un des leurs était un gaillard du tonnerre. Ils gloussèrent et ils pépièrent tant et si bien que le coq de girouette fut obligé de l'entendre, et il l'entendit, mais il ne bougea pas pour autant.
            - Tout n'est qu'un fatras de sottises ! disait une voix à l'intérieur du coq de girouette. Le coq de basse-cour ne pond jamais d'oeufs et moi, je n'en ai aucune envie ! Si je le voulais je pourrais sûrement pondre un oeuf clair ! Tous n'est qu'un fatras de sottises !!! Maintenant je n'ai même plus envie de rester là !
            A ces mots le coq de girouette se cassa, mais il ne tua pas le coq de basse-cour, - bien qu'il ait tout calculé pour cela ! - dirent les poules. Et que dit la morale ?
            " Il est tout de même préférable de chanter que d'être blasé et de se casser. "


                                                                                                             ( parut en 1859 )

                                                                          **************
                                                              Le schilling d'argent

             Il y avait un schilling, il sortait tout brillant de la Monnaie, il sautait et il tintait: " Hourra ! disait-il, je vais partir dans le vaste monde ! " et c'est ce qu' il fit.
            L'enfant le serrait dans ses mains chaudes, et l'avare dans ses mains froides et moites. Le vieillard le tournait et le retournait de nombreuses fois, tandis que la jeunesse le laissait tout de suite filer entre ses doigts. Le schilling était en argent, il avait très peu de cuivre en lui, et cela faisait déjà toute une année qu'il était dans le monde, c'est-à-dire qu'il circulait dans le pays où il avait été frappé. Puis il fit un voyage hors du pays, c'était la dernière pièce du pays, c'était la dernière pièce de monnaie du pays qui restait dans le porte-monnaie que son maître avait emportée avec lui. Celui-ci ne savait pas lui-même qu'il l'avait, jusqu'au moment où il lui vint entre les doigts.
            " Voilà un schilling de chez nous ! dit-il. Il va pouvoir être du voyage, lui aussi ! "et le schilling tinta et sauta de joie lorsqu'il le remit dans le porte-monnaie. Il y resta, parmi des camarades étrangers qui allaient et venaient. L'un faisait place à l'autre, mais le schilling qui venait de chez nous restait toujours, c'était une distinction.
            Plusieurs semaines avaient déjà passé et le schilling était loin dans le monde, sans bien savoir où. Il entendait les autres pièces dire qu'elles étaient françaises et italiennes. L'une disait qu'ils étaient maintenant dans telle ville, l'autre disait qu'ils étaient dans telle autre, mais le schilling ne pouvait pas s'en faire une idée. On ne voit pas le monde quand on passe son temps dans un sac, et c'était bien son cas. Mais un jour, alors qu'il était là, il remarqua que le porte-monnaie n'était pas fermé, et il se glissa jusqu'à l'ouverture pour jeter un petit coup d'œil à l'extérieur. Il n'aurait pas dû le faire, mais il était curieux, ce genre de choses ne restent pas impunies. Il glissa dans la poche du pantalon, et lorsque le soir on rangea le porte-monnaie le schilling était encore où il était et il sortit avec les habits dans le couloir, et là il tomba tout de suite sur le plancher. Personne ne l'entendit, personne ne le vit.
            Le matin les habits entrèrent,  le monsieur les mit, s'en alla, et le schilling ne suivit pas. Quelqu'un le trouva, il dût reprendre du service, il sortit  avec trois autres pièces.
            " C'est tout de même bien de voir un peu le monde ! Pensait le schilling, de faire connaissance avec d'autres gens, d'autres mœurs !
            - Qu'est-ce que ce schilling,  dit quelqu'un aussitôt. Ce n'est pas une pièce du pays ! Elle est fausse ! Elle ne vaut rien!
            Et c'est maintenant que commence l'histoire du schilling, telle qu'il l'a racontée par la suite.
            - Fausse elle ne vaut rien !
            - Un frisson m'a parcouru, dit le schilling.  Je savais que j'étais fait de bon argent,  que je tintais bien et que ma frappe était authentique. Les autres se trompaient certainement, ce n'était pas à moi qu'ils pouvaient penser, mais c'était pourtant bien à moi  qu'ils pensaient ! C'est moi qu'ils trouvaient faux, je ne valais rien !
            - Il faut que je l'écoule dans le noir ! dit l'homme qui m'avait en sa possession, et on m'écoule dans le noir puis on pesta à nouveau contre moi lorsque le jour fut revenu...
            - Fausse ! Ne vaut rien ! Il faut faire en sorte de s'en débarrasser.
            Et le schilling tremblait entre les doigts à chaque fois qu'on voulait l'écouler mine de rien et le faire  passer pour de la monnaie du pays.
            " Pauvre schilling que je suis, à quoi me servent mon argent, ma valeur, ma frappe, si les gens n'y accordent aucune importance. C'est ce que le monde pense de nous qui détermine ce que nous sommes pour lui ! Ce doit être terrible d'avoir mauvaise conscience, d'employer la ruse pour avancer sur la voie du mal, quand on pense que le simple fait de donner cette impression me met dans cet état, moi, qui suis pourtant tout à fait innocent !... À chaque fois qu' on me sortait j'avais peur des yeux qui allaient me voir. Je savais que je serais rejeté, jeté sur la table comme si j'avais été un mensonge et une supercherie.
            Une fois je suis arrivé chez une pauvre femme pour récompenser le dur labeur d'une journée, mais elle n'arriva pas à se débarrasser de moi. Personne ne voulait m'accepter, j'étais un vrai malheur pour elle.
            - Je vais être obligée de tromper quelqu'un avec cette pièce, dit-elle. Je n'ai pas les moyens de garder un faux schilling. Je vais le donner au riche boulanger, c'est lui qui pourra le mieux supporter ça.  Mais c'est tout de même une injustice ce que je vais  faire là.
          " Faut-il maintenant que je pèse sur la conscience de cette femme ! Soupira le schilling.  Est-que j'ai tellement changé, maintenant que je suis devenu vieux ?
            Et la femme alla chez le riche boulanger, mais il connaissait trop bien les schillings qui avaient cours, on ne me permit pas de rester là où j'étais, on me jeta à la face de la femme. Je ne pus pas lui servir à acheter du pain, et je fus profondément attristé d'être ainsi fait que je créais des ennuis aux autres moi qui, dans ma jeunesse avais été plein d'entrain et d'assurance conscient de ma valeur et de ma frappe authentique. Je devins aussi mélancolique que peut l'être un pauvre schilling quand personne ne veut de lui.
Mais la femme me rapporta chez elle, me regarda avec beaucoup de tendresse,  de douceur et de gentillesse.
             - Non, je ne veux tromper personne avec toi, dit-elle, je vais te percer d'un trou pour que chacun puisse voir que tu es faux, et pourtant... voilà que ça me vient tout d'un coup... tu es peut-être un schilling porte-bonheur. Oui, je le crois bien ! Cette pensée me vient comme ça subitement. Je perce un trou dans le schilling, je passe un cordon par le trou et je mets le schilling autour du cou du petit enfant de la voisine pour lui servir de porte-bonheur.
            Et elle fit un trou en moi. Ce n'est jamais agréable d'être percé d'un trou, mais quand l'intention est bonne on peut en supporter des choses ! On passa un cordon à travers moi, j'étais devenu une sorte de médaille à porter. On me pendit au cou du petit enfant, et l'enfant me sourit, m'embrassa, et je reposai toute une nuit sur la poitrine chaude et innocente de l'enfant.
           Le matin, la mère me prit entre ses doigts, me regarda et elle avait sa petite idée, je m'en aperçus tout de suite. Elle sortit une paire de ciseaux et coupa le cordon.
           - Schilling porte-bonheur, dit-elle, et bien nous allons voir. Et elle me mit dans l'acide pour que je devienne vert. Ensuite elle boucha le trou, me frotta un peu et se rendit au crépuscule chez le marchand  de billets de loterie pour se procurer un billet qui devait porter bonheur.
            " Comme je me sentais mal ! Je ressentais un pincement comme si j'allais me casser en deux. Je savais qu' on dirait que j'étais faux et qu' on rejetterait, publiquement en présence d'une quantité de schillings et d'autres pièces de monnaie qui avaient des inscriptions et des effigies dont ils pouvaient être fiers. Mais je m'en sortis bien, il y avait tellement de gens chez le marchand de billets, il était tellement occupé, je disparus en tintant dans le tiroir, parmi les autres pièces.  Je ne sais pas si ce fut un billet gagnant, mais je sais en revanche que dès le lendemain on me reconnut comme  étant un faux schilling, on me mit de coté et je fus employé pour tromper et encore tromper.  C'est insupportable quand on a un fond honnête, et je ne peux pas nier que ce soit le cas.
            Pendant des années je passai d'une main à l'autre,  d'une maison à l'autre, toujours en butte aux rebuffades, toujours mal vu. Personne ne me croyait et je ne croyais ni à moi-même, ni au monde. Ce fut une période difficile.
            Un jour, un voyageur arriva, on m'avait bien sûr donné à lui en trichant, et il fut assez naïf pour me prendre pour de la monnaie qui avait cours, mais voilà qu' il voulut m'utiliser pour payer, et j'entendis alors de nouveau ces cris : " Ne vaut rien ! Faux !"
            - On me l'a donné pour authentique, dit l'homme en m'examinant soigneusement. Un sourire lui vint alors sur le visage, d'habitude ça n'arrivait jamais aux visages qui m'examinaient soigneusement.
           - Voyez-vous cela, dit-il c'est une des pièces de monnaie de notre propre pays, un bon et honnête schilling bien de chez nous, dans lequel on a fait un trou et qu'on fait passer pour faux.Voilà qui est amusant ! Je vais te garder et te ramener à la maison.
            " Cela me remplit de joie, on disait que j'étais un bon et honnête schilling,  que j'étais de bon argent et que ma frappe était authentique.  Pour un peu j'aurais produit des étincelles de joie, mais ce n'est pas mon genre de faire des étincelles, l'acier peut le faire, mais pas l'argent.
            On m'enveloppa dans du fin papier blanc pour ne ne pas me mélanger avec les autres pièces et pour ne pas me perdre. Et ce n'est qu'à des occasions particulières, quand on se rencontrait entre compatriotes qu'on me montrait  et qu'on disait énormément de bien de moi. Les gens trouvaient que j'étais intéressant. C'est amusant de pouvoir être intéressant sans dire un seul mot !
            Et puis je revins à la maison, c'en était fini de toute ma détresse, ma joie commençait, j'étais de bon argent en effet, ma frappe était authentique, et cela ne m'ennuyait pas du tout  qu'on m'ait percé d'un trou pour montrer que j'étais faux. Ça ne fait rien quand on ne l'est pas ! Il faut persévérer jusqu'au bout. A la longue on finit par faire reconnaître sa valeur. C'est du moins ce que je crois, dit le schilling !





                                                                                                              Hans Christian Andersen

                                                                                                             ( parut en 1862 )

lundi 25 février 2013

Lettres à Madeleine 64 Apollinaire




                                                       Lettre à Madeleine

                                                                                                          23 fév. 1916

             Mon amour très chéri,
             J'ai de tes lettres. Je t'adore mon petit Madelon.
             Il fait froid, il a neigé toute la journée.
             J'ai fait ce soir un petit tour vu de jolis balcons, jolie maison à mansarde, et avant marché dans les terrains labourés.
             Le pays est plantureux et plein d'agréables perspectives. Mais enfin c'est toujours la guerre.
             Les habitants, car il y en a, sont habitués. Nous aussi d'ailleurs.
             J'ai commencé la lecture d'une chose bien démodée et bien tordantes : " Les Chasses du fameux tueur de lions Gérard ". En ce temps-là les lions devaient se balader du côté de Lamur !
             J'ai vu aussi un journal qui m'a montré que les Boches doivent travailler salement l'opinion. Ce journal qui s'appelle Le journal du peuple est à mon avis une ignominie et que de choses louches il révèle !
Ça m'a dégoûté.
             Ah ! la suppression de la presse aurait été à mon sens plus habile que sa censure et le trop grand nombre d'embusqués permet à ce mauvais état d'esprit sûrement entretenu, attiser pour ainsi dire, de se faire jour.
             D'un côté on voit trop de particularisme réactionnaire chercher à monopoliser le patriotisme, d'un autre côté les journaux bourgeois racontent des fumisteries comme si les soldats étaient assez bêtes pour les croire. Ces 2 extrêmes ont facilité la naissance d'un mauvais esprit qui perce et qu'on devrait vite étouffer de n'importe quelle façon mais le supprimer.
            On n'imagine pas ce que les cajoleries faites aux neutres nous font du tort.
            Aimables et inflexibles voilà ce que devraient être nos gouvernements à l'égard des neutres.
            Jean ne doit pas être mal à Salonique.
            Vous a-t-il écrit depuis son arrivée ?
            Comment vont les petits ?
            Je te prends doucement dans mes bras, mon amour, et te berce, je t'aime.


                                                                                                                 Ton Gui


                                                                                                  Aux Armées 23 fév. 1916

            Mon amour très chéri,
            Flapi par trois jours de marche. Le repos est fini.
            Serons-nous dans un bon secteur ? J'ai guéri ma grippe avec du rhum et je vais bien maintenant. Suis frais et dispos.
            Pendant tout ce temps, mon amour, pas pu t'écrire. On est comme inexistants, des Bohémiens. Je lisais tes lettres et n'avais pas le temps pas la force de répondre. J'ai couché dans des hameaux invraisemblables. Il me semble même que je t'ai écrit en route, mais n'en suis pas sûr. Si bien qu'en tout ceci je vis dans un rêve. Il me semble que je traîne mes pieds dans la boue des grands chemins depuis un temps infini. Je deviens un automate, sans pensée véritable. J'ai oublié les noms. Si tu veux te rendre compte de cela lis Servitude et Grandeur militaires de Vigny. Quel admirable chose ! quel livre. Dire que je n'avais pas lu cet ouvrage qui est peut-être le chef-d'oeuvre de la littérature française au 19è siècle. Je le lis par petits bouts avant de dormir et il détruit l'admiration ( moyenne au demeurant ) pour Villiers de l'Isles-Adam qui sort entier de là. Mais Vigny quel merveilleux conteur qui pense et sait, dire que la scène historique du pape et de Napoléon n'est que là. Dire que chaque ligne de ce livre est un merveilleux enseignement. Que je regrette de ne m'être pas pénétré de cette merveilleuse chose avant la guerre. Comme je l'eusse encore mieux connue que je ne la connais.
            Toi mon amour sois calme, ne m'écris pas de choses inquiètes. Sois gentille. Écris-moi des choses littéraires ou autres qui peuvent élever nos pensées.
            Mais mon amour Le poète assassiné n'est pas un livre terrible : c'est un recueil comme l'Hérésiarque, mais qui contient plus de choses humoristiques que l'Hérésiarque. Il a pris titre de la première nouvelle qui est plus longue au demeurant que celle de l'Hérésiarque, et d'un genre nouveau, c'est un essai de nouvelle lyrique je l'ai tenté déjà dans " Que Vlo-ve ? " et " La Serviette des poètes " et ici c'est une tentative de nouvelle plus lyrique avec un élément de satire. J'oublie si vite en ce moment que j'ai complètement oublié les poèmes sur " Paris "  et le " Vigneron " dont tu me parles.
            L'histoire des Praille m'a amusé mais je n'aime pas autant Maupassant qu'on fait d'habitude.. Je ne sais pourquoi par exemple, mais c'est comme ça. C'est un conteur vigoureux mais son ton est à mon avis de ce ton bourgeois de nouvelles journalistiques du 19è siècle qui ne me plaisent point quoique j'en reconnaisse les mérites.
            Ne te préoccupe pas des permissions puisque je ne suis pas au moment d'en avoir.
            Je ne me souviens plus de l'histoire de la femme du chef de gare.
            D'autre par, mon cher Madelon, ta jalousie n'est pas gentille. Je te défends d'être jalouse.
            J'ai vu ce matin une jolie porte Louis XIII pas mièvre du tout, à gauche une femme mythologique à demi-nue avec tunique sous les seins jusqu'à mi-jambes et de l'autre côté un personnage Louis XIII costume du temps du Menteur, de Corneille.
            Hier dans un autre patelin une église pas très curieuse mais avec une jolie sculpture encastrée dans la muraille.
            Je crois que  bientôt j'aurai le temps de t'écrire très longuement et d'écrire longuement pour moi aussi.
            Je prends ta bouche.


                                                                                                           Gui

                                                       
                                                                                                           25 fév. 1916

            Mon amour,
            J'ai reçu les cigarettes et le carnet.
            Les permissions pr l'Algérie sont rétablies.
            Je n'ai pas le temps de t'écrire longuement, mon petit amour chéri.
            Je le ferai dès que je pourrai.
            Neige, mais ne t'inquiète pas surtout ne t'inquiète pas.
            En effet la guerre devient violente. Ce sont peut-être, qui sait ses dernières convulsions.
            Je t'enverrai désormais, des cartes ou enveloppes avec des cachets de secteur postal pr en faire collection. Ramasse-les aussi. Il faut les enveloppes ou les cartes entières.
            Je t'adore.


                                                                                                                  Ton Gui


                                                                                                               27 fév. 1916

            Mon amour, balade dans la neige. J'ai tes lettres des 19 et du 20 - l'histoire de la dame à l'esprit ouvert et de sa bonne est drôle. A ce propos, sais-tu bien ce que signifie l'expression " en bataille "  que tu as employée à propos du nez de cette dame ? Cette expression s'applique à une formation de cavalerie, dans l'infanterie on dit " en ligne ". Le contraire est en colonne. Les gendarmes portaient le bicorne " en bataille " les généraux le portent " en colonne ". Tu es mignonne comme tout, mon amour et ta lettre est très gentille. Je vais cesser de t'écrire parce que je suis fatigué et vais aller me coucher. Demain je ne sais où nous irons. Peut-être pas dans un bon endroit. Je t'embrasse ma chérie. Je t'embrasse gentiment. Je ne veux pas que Marthe t'arrache les cheveux. Je ne comprends pas qu'une fille si spirituelle qu'elle et qui a un sens si fin de la coquetterie s'amuse à se déformer le nez, arrache les cheveux etc...
            Quand je viendrai en permission c'est moi qui la tartinerai d'importance mais pas sur le visage.
            Je t'embrasse passionnément. Louise est bien gentille de faire la jolie photographie.
            Je prends ta bouche.


                                                                                                                      Gui

                                                                                                                28 février 1916

            Mon amour, je t'avise en toute hâte de notre changement de secteur postal. C'est maintenant Secteur 130 ( cent trente ).
            Je t'écrirai plus longuement demain je l'espère.

                                                                                                             Ton Gui à toi


                                                                                                                  6 mars 1916

            Mon amour
            ne t'inquiète pas. Je n'ai pas eu le temps de t'écrire. Dès que je pourrai le ferai. J'ai reçu tes chères lettres. Écris toujours et ne t'inquiète pas.
            Il fait froid. Il y a de la neige, je ne suis plus grippé. Je vais très bien mais n'ai pas de temps du tout.
            Baisers.

                                                                                                                Ton Gui

           Remets Secteur 139


                                                                                                           10 mars 1916

            Mon amour, j'ai tellement marché que je n'ai pu écrire. Une carte il y a quelques jours. C'est tout. J'ai eu tes lettres exquises. J'ai vu la ville royale, sa cathédrale et j'ai ramassé des fragments de vitraux. J'ai vécu 2 jours de cette vie singulière de la ville sous les obus. J'ai visité la cathédrale avec le gardien M. Huart l'architecte et M. Gulden, un anglais propriétaire de la marque Heidsieck. J'ai déjeuné au Lion d'Or en face, à l'intérieur la cathédrale a peu souffert au-dehors tout ce qui a été fait en bois a brûlé. Un seul obus de 77 a troué la voûte d'un très petit trou qu'on ne voit qu'à peine près d'un pilier. A l'intérieur les boiseries Louis XV près du porche ont brûlé ( incendie pas obus ) et ont découvert des statues que le feu a malheureusement très endommagées, la rose de vitrail qui était si belle a été en partie détruite du fait de l'incendie, les vitraux du choeur dits de St Louis ( 1227 ) sont quasi intacts ainsi que l'ecclesia remensis. Du reste de nos cantonnements n'ai rien à dire et n'en peux parler mais vu la jolie église. Nous repartons demain sur les routes du front et cette situation d'Errant vous crée une mentalité très détachée de tout.
            J'ai fait aujourd'hui, ce matin, quelques petits poèmes pr peintres. Il y avait longtemps que je n'avais plus rien fait.


                                                           Poèmes de Peintures
1
            2 lacs nègres
                           Entre une forêt
                                            Et une chemise qui sèche

2
            Bouche ouverte sur un Harmonium
                           C'était une voix faite d'yeux
                                     Tandis qu'il traîne de petites gens

3
            Une petite vieille au nez pointu
                        J'admire la bouillotte d'émail bleu
                                   Une femme qui a une gorge épatante

4
            Un monsieur qui se rase près de la fenêtre
                       Il est en bras de chemise
                                    Et il chante un petit air qu'il ne sait pas très bien
              Ça tout un opéra

              Inscriptions à broder sur un 
                                   ( avec d'autres ornements )

            Je suis la discrète balance
            De ce que pèse ta beauté

                                                       Inscription pour des gravures

1
            Vous qui m'écoutez Belle
            Bien que je sois bien loin

2
            Comme un grave empereur
            Qui saurait l'avenir
                                                                                                                   
3
            Une créole à La Havane
            Créée par Dieu l'amour la damne

4
            Allô la Destinée
            Comment envoyer des baisers

            Mon amour chéri, on avait parlé avec ta mère de la D.E.S. la Déesse comme on dit et on n'avait pas trouvé la signification  de cette abréviation païenne ; ça signifie Direction des Étapes et Services.
            Je t'adore mon amour et ferme ma lettre parce que je dois faire ma cantine.
            Je t'aime mon amour.


                                                                                                                     Gui

           





































           
           






























































       

jeudi 21 février 2013

Anecdotes et Réflexions 12 d'hier pour aujourd'hui Samuel Pepys ( journal Angleterre )



 cambridge
                                                                    Journal
                                                                                                               " 25 fév. "

            Nous deux arrivâmes à Cambridge vers 8 heures du matin et descendîmes au Faucon dans Petty Cury. Nous y retrouvâmes mon père et mon frère, qui allaient très bien. Je m'habillai et vers 10 heures mon père, mon frère et moi allâmes voir Mr Widdrington à Christ's College ; il nous reçut très civilement et fit procéder aux formalités d'admission de mon frère ; cependant que mon père, lui et moi devisions. Cela fait nous prîmes congé. Mon père et mon frère allèrent rendre visite à quelques amis, des Pepys qui sont membres de l'université de Cambridge. Pendant ce temps, j'allai à Magdalene college voir Mr Hill : je retrouvai auprès de lui Mr Zanchy, Mr Burton, et Mr Hollins qui me reçurent on ne pouvait plus civilement; je pris congé en leur promettant de venir souper avec eux, et revins à mon auberge, où je dînai avec quelques autres personnes présentes à la table d'hôte. Après dîner, mon frère se rendit au collège et mon père et moi allâmes voir mes cousins Angier : Mr Fairbrother nous y rejoignit. Nous restâmes un moment bavarder avec eux. Mon père alla s'occuper de ses affaires chez le transporteur et de la chambre de mon frère, tandis que j'allais avec Mr Fairbrother, mon cousin Angier et Mr Zanchy, que j'avais rencontrés à la boutique de Mr Morton ( où j'achetai " Elenchus Motuum ", ayant donné mon précédent exemplaire à Mr Downing lors de sa visite ), aux Trois Tonnes, où nous bûmes pas mal à la santé du roi, etc., jusqu'à ce qu'il fit presque nuit ; puis nous nous quittâmes et moi et Mr Zanchy nous rendîmes à Magdalene College où nous attendait un fort bon souper dans la chambre de Mr Hill ; je suppose qu'ils ont un club. Dans leurs propos, je découvris qu'il ne restait absolument rien de l'ancien formalisme de leurs discours, en particulier le samedi soir. Mr Zanch me confia que de pareilles choses ne se produisent plus jamais de nos jours parmi eux. Après souper et après avoir conversé quelque temps, rentrai à l'auberge ; je trouvai mon père dans sa chambre ; nous bavardâmes un peu; il était très satisfait des activités de cette journée, puis nous allâmes nous coucher ; mon frère partageait mon lit car ses affaires n'étaient pas arrivées par le porteur et il ne pouvait pas coucher au collège.


                                                                                                    dimanche,   26 février 1660

            Mon frère se rendit au service religieux du collège.
            Mon père et moi allâmes ce matin marcher dans les champs derrière King's College et dans la cour de la chapelle de King's College ; nous y rencontrâmes Mr Fairbrother. Il nous emmena à l'église de Butolph où nous entendîmes un sermon de Mr Nichols de Queen's College ( que je connaissais de mon temps, comme ayant un grand succès lorsqu'il menait les débats les jours de remise des diplômes ) sur le texte ! " Car tes commandements sont grands ".Ensuite mon père et moi allâmes dîner dans la chambre de Mr Widdrington : à nouveau, il nous traita très courtoisement et invita deux boursiers chargés de cours à dîner avec nous, ainsi que Mr Pepper, membre comme lui de Christ's College. Après dîner, tandis que nous devisions près du feu, le domestique de Mr Pearse vint me dire que son maître était arrivé en ville ; mon père et moi prîmes donc congé et retrouvâmes Mr Pearse à l'auberge ; il nous dit qu'il s'était déplacé pour rien, car milord avait quitté Hinchingbrooke pour Londres jeudi dernier, ce qui me surprit quelque peu. Ensuite, après avoir pris un verre je me rendis à Magdalene College pour obtenir le certificat d'admission de mon frère, afin qu'il puisse ne pas perdre son année. Dans la cour je rencontrai Mr Burton qui m'emmena jusqu'à la chambre de Mr Pechell qui se trouvait là avec Mr Zanchy ; finalement Mr Pechell, Mr Zanchy et moi sortîmes ; Mr Pechell se rendit à l'église. Zanchy et moi à la taverne de la Rose, et nous restâmes à boire jusqu'à la fin du sermon ; puis Mr Pechell vint nous rejoindre et nous bûmes tous les trois à la santé du roi et de toute la famille jusqu'à ce qu'il commence à faire noir. Nous nous quittâmes alors ; Zanchy et moi allâmes à mon logement à l'auberge, où nous trouvâmes mon père et Mr Pearse à la porte ; je les emmenai tous les deux ainsi que Mr Blayton, à la taverne de la Rose ; je leur offris un quart ou deux de vin, sans leur dire que nous y avions déjà été. Ensuite nous nous quittâmes : mon père, Mr Zanchy et moi allâmes souper chez mes cousins Angier, où je fis apporter deux bouteilles de vin de la taverne de la Rose ; mais comme j'étais ivre je n'eus pas l'esprit de leur faire savoir à table que je prenais ce vin à mon compte, de sorte qu'ils ne m'ont pas remercié. Après souper, Mr Fairbrother qui soupait avec nous me prit à part dans une pièce avec lui et me montra un misérable exemplaire d'un poème sur Mr Prynne qu'il estimait très bon et qu'il désirait que je fasse remettre à Mr Prynne, dans l'espoir qu'en retour il lui procurerait quelque place ; je promis de m'en occuper mais je ris sous cape de sa sottise, bien qu'il s'agit d'un homme qui m'avait toujours témoigné une grande civilité. Après quoi,nous restâmes à bavarder ; puis je pris congé de tous mes amis et retournai à mon auberge. Après avoir écrit un mot pour Mr Widdrington et y avoir joint le certificat, je souhaitai bonne nuit à mon père et John et moi allâmes nous coucher ; mais je restai debout un moment à batifoler avec la fille de la maison à la porte de la chambre ; puis, au lit.


                                                                                                             27 février 1660

            Debout à 4 heures ; après m'être préparé je pris congé de mon père qui était encore au lit, ainsi que de mon frère John, à qui je donnai 10 shillings. Mr Blayton et moi montâmes à cheval et droit sur Saffron Walden, où nous remisâmes nos chevaux au Cerf Blanc et demandâmes au maître du logis de nous montrer le château d'Audley End ; nous avons traversé le parc à pied pour nous y rendre et le gardien nous a fait visiter toute la demeure ; la majesté des plafonds, des cheminées et l'architecture dans son ensemble valaient vraiment la visite. Il nous fit descendre à la cave, où nous bûmes un vin des plus admirables, à la santé du roi. Je jouai un morceau sur mon flageolet, car il y avait un excellent écho. Il nous a montré de très beaux tableaux : deux en particulier qui représentent les quatre évangiles de Henri VIII. Après quoi, je donnai à l'homme 2 shillings pour sa peine et nous nous en retournâmes. En chemin, mon hôte nous fit passer par un très vieil hôpital ou hospice où on entretenait 40 pauvres ; c'était une très vieille fondation et au-dessus de la cheminée, sur le linteau il y avait une inscription en cuivre : " Orate pro animal Thomas bird " etc ; le tronc pour les pauvres se trouvait également placé sur le chambranle de la même cheminée ; il avait une porte en fer et des cadenas ; j'y mis 6 pence ; ils m'apportèrent un verre de leur boisson dans un bol marron bordé d'argent dans lequel je bus ; au fond, il y avait une image de la Vierge à l'enfant exécutée en argent. Puis nous sommes rentrés à notre auberge et, après avoir mangé un morceau et embrassé la fille de la maison, qui était très jolie, nous prîmes congé ; et, par une assez bonne route, mais un temps pluvieux, nous arrivâmes le soir à Eping. Nous y jouâmes aux dames ; après souper et après avoir joyeusement bavardé avec une servante pas très jolie mais hardie, nous allâmes au lit.


                                                                                                          28 février 1660

            Debout dès le matin; nous mangeâmes des harengs saurs pour notre déjeuner pendant qu'on réparait mon talon de botte, mais le garçon me la rendit avec un trou aussi grand qu'avant. Puis, en selle, direction Londres, à travers la forêt ; la route était bonne, à l'exception d'un chemin que nous avons suivi comme si nous traversions une bauge tout du long.
            Nous trouvâmes toutes les boutiques fermées et la milice du régiment rouge en armes à l'ancienne bourse ; parmi les soldats je reconnus Nicolas Osborne et lui parlai : il me dit que c'était une journée d'actions de grâces dans toute la Cité pour le retour du Parlement. A Saint-Paul, je mis pied à terre et Mr Blayton tint mon cheval ; je trouvai le Dr Reynolds en chaire, en présence du général Monck qui devait donner une grande réception à la compagnie des épiciers. Puis, à la maison, où ma femme allait bien, ainsi que tout le reste. Me changeai, puis me rendis chez Mr Crew et ensuite chez sir Harry Wright, où je trouvai milord en train de dîner ; il m'appela et fut heureux de me voir. Il y avait à dîner également Mr John Wright et sa femme, une très jolie personne, qui est la fille de l'échevin Allen. Je dînai avec William Howe et après dîner sortis avec lui acheter un chapeau ( je m'arrêtai en chemin dire bonjour à ma mère ) ; nous achetâmes le chapeau à la Charrue dans Fleet Street, selon les instructions de milord, mais sans dire que c'était pour lui. En nous y rendant, juste en sortant de chez ma mère, nous rencontrâmes Mr Pearse ; il nous emmena à la taverne du Lévrier, et nous offrit une pinte de vin ; comme tous les officiers de marine il dit à nouveau grand bien de milord. Après nous être occupés du chapeau, nous rentrâmes, lui chez Mr Crew et moi chez Mrs Jemima et je restai un moment avec elle. Puis, à la maison où je trouvai Mr Shipley presque ivre qui était venu me voir ; puis Mr Spong vint je montai avec lui jouer un duo ou deux, puis bonne nuit.
            Je ne dis rien, mais je fus quelque peu fâché de l'attitude de Mr Shipley qui a forcé la porte de mon cabinet personnel simplement pour prendre la clef de la porte de l'escalier de milord dont il aurait pu tout aussi bien forcer le verrou plutôt que le mien.


                                                                                                               29 fév.

            Au bureau, puis je pris un verre chez Will avec Mr Moore qui me raconta que milord a été choisi comme amiral par le Conseil et qu'on dit que Monck va le rejoindre à ce même poste.
            A la maison pour dîner ; après dîner, ma femme et moi nous rendîmes à Londres par le fleuve et de là chez Herrings, le marchand de Coleman Street, au sujet de 50 livres qu'il me promet que j'aurai samedi prochain. Ensuite, chez ma mère, puis chez Mrs Turner dont je pris congé ( tout comme ses autres amis ), car elle doit quitter la ville demain avec Mr Pepys pour aller dans le Norfolk. Mon cousin Norton m'a offert un bon verre d'hydromel, le premier que j'ai bu. Chez ma mère , où je restai souper ; elle me montra une lettre que mon oncle a envoyée à mon père, par laquelle il l'invite à venir à Brampton pendant qu'il réside à la campagne. Puis à la maison, et au lit.
            Aujourd'hui milord est venu à la Chambre pour la première fois depuis qu'il est en ville ; mais auparavant , il était allé au Conseil


samedi 16 février 2013

Comment l'Homme est venu Aron Lutski ( Poème Anthologie Yiddish )



                                  Comment l'Homme est Venu


                                  L'Inquiétude s'en vint, grosse de l'Homme,
                                  Et l'Inquiétude contempla le Sans-Espoir,
                                  Le Doute l'entendit avec Perplexité,
                                  La Perplexité fut indécise face au Qui-Sait,
                                  Le Qui-Sait discuta avec le Peut-Être,
                                  Et le Peut-Être interrogea le Si-Jamais,
                                  Le Si-Jamais creusa vers le Probable,
                                  Le Probable en conclut c'est Possible,
                                  Le Possible montra le Vraisemblable,
                                  Le Vraisemblable fit un signe au Pourquoi-pas,
                                  Le Pourquoi-pas se faufila vers le Vraiment
                                  Le vraiment chuchota Certainement,
                                  Certainement railla l'Indubitable,
                                  L'Indubitable tempêta le Défini,
                                  Le Défini frappa du poing : Assurément,
                                  Assurément se jeta sur le Vrai,
                                  Et le Vrai tomba sur le Coeur.
                                  - C'est ainsi qu'est advenu l'Homme,
                                  C'est ainsi qu'a Survécu l'Homme
                                  Avec toutes sortes de Doutes
                                  Toutes Vérités jamais Sûres.


                                                                                            Aron Lutski
                                                                      in Au milieu de la Genèse, Prologue VII

                                    Aron Zucker -Lutski né en Ukraine en 1894 part aux USA à 20 ans vit dès
                                   lors à NewYork, aborde divers métiers comptabilité, camelot , d'une famille
                                   de mélomanes il sera aussi professeur de violon. Engagé dans l'armée  
                                   américaine durant la guerre 14/18, son écriture évolue.        

vendredi 15 février 2013

Anecdotes et Réflexions 11 d'hier pour aujourd'hui Samuel Pepys ( journal Angleterre )


Samuel Pepys


                                                         Journal

                                                                                                         21 février 1600

            Ce matin, en sortant je vis de nombreux soldats se diriger vers Westminster ; on me dit qu'ils allaient procéder à la réadmission des députés exclus. Me redis donc au palais de Westminster, et dans Chancery Row je vis environ 20 de ceux qui avaient été à Whitehall avec le général Monck, qui était venu ce matin et avait prononcé un discours à leur intention : il leur avait recommandé d'opter pour la république contre Charles Stuart. Ils arrivèrent à la Chambre et entrèrent l'un après l'autre ; le président entra en dernier mais il est très étrange que cela se soit passé de manière si secrète que les autres députés de la Chambre n'en aient rien su avant de les voir installer à la Chambre d'autant qu'ils croyaient que les soldats qui se tenaient là pour faire entrer les députés exclus étaient les soldats qui avaient reçu l'ordre de se tenir là pour les empêcher d'entrer. Mr Prynne vint avec une vieille épée au côté, et fut très acclamé lors de son entrée au Parlement. Ils siégèrent jusqu'à midi ; lorsqu'ils sortirent Mr Crew m'aperçut et m'invita à venir chez lui ; j'y allai et il insista pour me garder à dîner ; j'acceptai, ce qui lui fit très plaisir. Il me dit que la Chambre avait proclamé le général Monck général en chef de toutes les forces armées d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande. Et que, selon le souhait de Monck, en remerciement du service que Lawson lui avait dernièrement rendu en démantelant le Comité de sécurité, il l'avait nommé commandant de la marine, jusqu'à nouvel ordre.Il me conseilla d'envoyer chercher milord immédiatement, et me dit qu'il pouvait désormais, s'il le souhaitait, reprendre du service ; et que la Chambre entend ne rien faire d'autre qu'envoyer les convocations et poser les bases en vue d'un Parlement libre. Après dîner revins au palais de Westminster avec lui, dans sa voiture. J'y retrouvai Mr Lock et Mr Purcell, maîtres de musique ; j'allai avec eux au café dans une salle qui donne sur le fleuve où nous étions seulement entre nous ; nous y passâmes une
heure ou deux jusqu'à ce que le capitaine Taylor nous rejoigne et nous apprenne que la Chambre avait voté qu'il fallait reconstruire les portes de la Cité et que les membres du conseil municipal de Londres qui étaient en prison devaient être libérés ; et que l'affaire de George Booth devait être jugée demain par la Chambre.
            Au café nous chantâmes tout un choix de chansons italiennes et espagnoles et un canon à 8 voix que Mr Lock venait de composer sur les paroles Domine Salvum fac Regem : c'est une oeuvre admirable.
            Toujours au café, le capitaine Taylor se mit à nous parler d'une oeuvre qu'il vient d'écrire sur Gavelkind en réponse à quelqu'un qui a écrit un ouvrage sur le même sujet. En vérité son discours révélait sa grande éruditions. De cette pièce, par la fenêtre, c'était un spectacle des plus plaisants de voir la Cité baignée d'un bout à l'autre dans une sorte de gloire, tant la lumière des feux de joie était forte et tant il faisait noir autour de la Cité, cependant que les cloches carillonnaient de toutes parts. De là, à la maison où j'écrivis à milord ; je descendis ensuite et trouvai Mr Hunt ( ennuyé de ce changement ) et Mr Spong ; ils restèrent tard avec moi à chanter des chansons, puis nous quittâmes. Comme ma femme n'était pas très bien, elle alla se coucher avant moi.
            Ce matin, je rencontrai à Westminster, Mr Fuller de Christ's College. Lui fis part de mon intention d'aller à Cambridge et à quel collège. Il me parla très librement du caractère de Mr Widdrington et me raconta qu'il se querellait avec tous ses collègues, et qu'il avait des positions très éloignées de tous les autres ; j'en fus attristé, car il m'annonça que mon frère ne souffrit d'être son élève.


                                                                                                          22 Février 1600

            Ce matin j'avais l'intention d'aller voir Mr Crew pour emprunter quelque argent ; mais comme il pleuvait j'y renonçai et me rendis au domicile de milord où je vérifiai que tout allait bien. Puis, à la maison où je chantai une chanson en m'accompagnant à la viole ; puis au bureau et chez Will où Mr Pearse vint me voir et me dit qu'il m'accompagnerait à Cambridge, où le régiment du colonel Eyres, dont il est chirurgien, est stationné. En me promenant à Westminster j'ai vu le major Browne qui, pendant longtemps a été banni par le Parlement croupion ; mais maintenant il a une très longue barbe, et sort en ville, et il a été siéger à la Chambre.
            Chez mon père pour dîner ; il n'y avait pas grand-chose d'autre qu'un petit plat de salaison de boeuf et un plat de carottes, car toute la maisonnée était affairée à préparer les effets de mon frère John qui part demain.
Les volailles pour Noël : des valeurs sûres !            Après dîner, ma femme resta chez mon père et moi j'allai chez Mr Crew et j'empruntai 5 livres à Mr Andrew ; puis chez Mrs Jemima qui porte maintenant sa minerve autour du cou : en vérité ce la la change beaucoup et elle tient sa tête droite. Je payai à sa domestique 50 shillings sur l'argent que m'a remis Mr Andrew.
            Rentrai ensuite à la maison et, dans mon cabinet écrivis ces quelques lignes dans ce journal, puis repartis pour Whitehall ; je rencontrai William Simons et Mr Mabbott chez Marsh ; ils m'apprirent que la Chambre avait voté aujourd'hui que les portes de la ville de Londres devraient être reconstruites aux frais de l'Etat. Et que la proclamation déclarant que le major général Browne était un traître  avait été annulée, et plusieurs autres événements de même nature.
            A la maison pour prendre ma lanterne et ensuite chez mon père, où je donnai des conseils à John sur quels livres emporter à Cambridge.
            Après cela nous soupâmes avec mon oncle Fenner, ma tante Théophila Turner et Joyce, d'un bon jarret de veau rôti, et nous nous réjouîmes du départ de John pour Cambridge. J'ai pu constater aujourd'hui que les fenêtres de Barbone ont été terriblement endommagées la nuit dernière. A 9 heures et demie ma femme et moi sommes rentrés à la maison.


                                                                                                        23 février 1600

           Jeudi - jour de mon anniversaire : j'ai maintenant 27 ans.
           Assez belle matinée ; me levai, et après avoir écrit un peu dans mon cabinet, je sortis. Au bureau où je fis part à Mr Hawley de mes projets de quitter la ville demain. Mr Fuller et mon oncle Thomas vinrent me voir ; je les emmenai boire un verre et me débarrassai ainsi de mon oncle. Ensuite, je revins à la maison avec Mr Fuller et je le gardai à dîner. Il nous raconta, à ma femme et à moi, nombre d'histoires sur ses mésaventures depuis les troubles qui l'ont forcé à voyager dans des pays catholiques, etc. Il me montra ses notes de frais, mais je n'avais pas d'argent pour le payer. Nous nous quittâmes et j'allai à Whitehall où je devais voir le cheval que Mr Garthwayt me prête pour demain. Puis à la maison où Mr Pearse vint me voir pour fixer le lieu et l'heure où nous devons nous retrouver demain. Puis, au palais de Westminster où, après l'ajournement de la séance de la Chambre, je retrouvai Mr Crew qui m'apprit que milord avait été élu membre du Conseil d'Etat par 73 voix. Mr Pierpoint avait été élu avec 101 voix, et ensuite lui-même avec 100 voix. Il me ramena à la maison en voiture en compagnie de Mr Annesley. Je repartis à Westminster et je restai un grand moment dans la boutique de Mrs Mitchell à bavarder avec elle et avec ma Chapelaine Mrs Mumford, et je bus une ou deux chopes de bière à la suite d'un pari comme quoi Mr Prynne ne faisait pas partie du Conseil. A la maison, où j'écrivis à milord par la poste les nouvelles concernant la composition du Conseil. Ensuite, au lit.


                                                                                                                24 février

            Je me levai très tôt. Après avoir pris mon cheval à Scotland Yard, à l'écurie de Mr Garthwayt, je me rendis chez Mr Pearse qui se leva en un quart-d'heure, laissant sa femme au lit ( avec laquelle il m'a semblé que  Mr Lucy prenait des libertés tandis qu'elle était au lit ), nous avions tous deux enfourché nos chevaux, et nous nous mîmes en route vers 7 heures. Il faisait mauvais temps et la route était mauvaise. Aux environs de Wayre nous rejoignîmes Mr Blayton, le beau-frère de Dick Vines, et nous continuâmes la route avec lui. Nous nous arrêtâmes à Puckridge pour nous restaurer. Nous prîmes une selle de mouton sautée et nous nous régalâmes ; mais la route depuis Ware était fort mauvaise. Puis à nouveau en selle jusqu'à Foulmer, à 3 lieues environ de Cambridge, car ma jument était très fatiguée. Nous fîmes étape à l'Echiquier. Nous jouâmes aux cartes jusqu'au souper qui consista en une poitrine de veau rôtie. Je partageai le lit de Mr Pearse que nous quittâmes le lendemain car il se rendait à Hinchingbrooke pour parler avec milord avant sa venue à Londres.


                                                                                                       Samuel Pepys