dimanche 17 février 2019

Mozart Lettres à sa soeur ( extraits ) 4 ( Correspondance Allemagne )


artcademie@free.fr
     

                                      Mozart Correspondance avec sa soeur

            Leopold Mozart à id..

            Londres le 9 juillet 1765

            Monsieur !

            Vous pensez sans aucun doute tous que nous avons déjà traversé la mer. Mais cela n'a pas encore été possible, et lorsque nous en partirons, ce ne sera pas pour revenir en Angleterre 3 jours après, bien qu'on ne doive jamais jurer de rien............
            Je vous demande de faire dire 6 saintes messes dès que vous recevrez cette lettre...........Elles doivent nous préparer le chemin en mer. Je vous demande aussi de préparer les poêles dans notre appartement............ Je vous demande de faire vérifier aussi les serrures des trois pièces, celles des enfants en particulier........... je compte m'asseoir à Salzbourg auprès d'un vrai poêle............



             Le Secrétaire du British Museum à Léopold Mozart à Londres

            Monsieur. J'ai reçu l'ordre du " Comité permanent des Administrateurs du British Museum"de porter à votre connaissance " qu'ils ont reçu les compositions musicales de votre fils si talentueux ", dont vous avez eu l'obligeance de leur faire cadeau, et dont ils vous remercient.

                                                                                                          M. Maty
                                                                                                        Secrétaire



            Leopold Mozart à id..

             à la La Haye le 12 Décembre 1765

              Monsieur.
              Afin de vous ôter immédiatement tout souci, sachez que nous sommes encore tous en vie, Dieu merci.  Je pense même pouvoir dire que nous sommes tous en bonne santé : car notre cher Wolfgangerl a lui aussi surmonté une terrible épreuve et se trouve en voie de guérison.
            A peine ma fille était-elle sortie du lit depuis 8 jours et avait-elle appris à se mouvoir seule dans la chambre que Wolfgangerl fut, le 15 nov. pris de malaises qui le mirent en 4 semaines en un état si misérable qu'il est absolument méconnaissable et n'a plus que la peau fragile sur les os. Mais depuis 5 jours on peut le sortir du lit et le porter dans un fauteuil. Hier et aujourd'hui nous lui avons même fait faire quelques pas dans la chambre de façon à ce qu'il réapprenne à bouger les jambes et à se tenir debout  tout seul. Vous voulez savoir ce qu'il a eu ? Dieu seul le sait !
            J'en ai assez de vous décrire des maladies.
             Cela a commencé par des vapeurs. Nous n'avions plus de poudre noire et lui avons donné, selon notre habitude, 3 fois de suite un peu de poudre du margrave, mais sans obtenir d'effet. Je pensais que c'était une sorte de fièvre aiguë, et c'était bien cela... Plus ces médicaments le faisaient transpirer, plus il devait boire, de l'eau et du pain trempé, et un faible thé. Le 23 on lui donna un clystère et les médecins eurent très peur. Le 30 il semblait en grand danger, mais le 1er décembre cela alla mieux et il resta 8 jours au lit sans prononcer une parole. On dit que la fièvre était passée mais il fallait veiller à ce qu'il récupère  les forces qu'il avait perdues... En un mot après qu'il eût dormi pendant presque 8 jours, sans prononcer un mot, il reprit enfin ses esprits et quelques forces. Il se mit alors à parler nuit et jour, sans que l'on comprenne ce qu'il disait.
           Maintenant cela va bien ( Dieu merci ). Pendant sa maladie il fallut surveiller particulièrement sa langue, car elle était la plupart du temps sèche comme du bois et très chargée de sorte qu'il fallait la lui nettoyer. Ses lèvres pelèrent 3 fois et leur peau devint dure et noire. Nos veillées reprirent de la même manière que lors de la maladie de ma fille. C'est d'ailleurs une grande grâce que nous ayons pu surmonter tout cela, ma femme en particulier..Maintenant patience ! ............ Je ne dois pas penser aux frais, au diable l'argent si l'on sauve sa peau. Je ne veux pas vous décrire l'état dans lequel nous nous trouvons depuis 3 mois. Sans une grâce extraordinaire de Dieu, mes enfants n'auraient pu surmonter ces graves maladies et nous n'aurions pu survivre à ces accidents...........
             Ma fille va si bien maintenant qu'on ne remarque plus qu'elle a été malade. Je prie Dieu que notre Wolfgang aille mieux lui aussi dans quelques semaines, car la jeunesse guérit vite...........
            La maladie de mes enfants n'a pas attristé que nous, mais tous nos bons amis ici, en particulier la maladie de notre Wolfgang, car on ne connaît pas encore ma fille puisqu'elle est tombée malade le lendemain de notre arrivée............
            ............  Nous nous recommandons encore à vos prières en espérant pouvoir vous revoir, avec l'aide de Dieu, je suis, ainsi que ma femme prisonnière de notre logis ainsi que nos deux enfants ressuscités des morts... le vieux.............

rocbor.net

                                                                1766


            Leopold Mozart à id..

            Paris, mai 1766

            ...... Bien que pendant notre présence à Amsterdam toute représentation publique ait été interdite à cause du carême, nous fûmes autorisés à donner un concert pour la raison bien pieuse et sage que la représentation des dons exceptionnels sert à la louange de Dieu. On ne donna d'ailleurs que de la musique composée par Wolfgang..................



            Leopold Mozart à id..

             Paris, le 16 mai 1766

              Monsieur !
              Vous devez être sans doute extrêmement étonné de ne pas avoir reçu de lettres depuis si longtemps............ La maladie de mes enfants est la seule raison pour laquelle je ne vous ai pas donné de description exacte de la Hollande, comme j'avais pris l'habitude de le faire en France et en Angleterre. Nous sommes retournés d'Amsterdam à La Haye pour la fête du prince d'Orange, qui eut lieu le 11 mars et dura quelque temps,, où l'on demanda à notre petit compositeur d'écrire 6 Sonates pour le clavier avec l'accompagnement d'un violon pour la soeur du prince, la princesse von Nassau-Weilburg, sonates qui ont été immédiatement gravées. Il dut de plus écrire quelque chose pour le concert du prince et composer des airs pour la princesse, etc. Vous verrez tout cela lorsque nous serons de retour. J'ai demandé à M. Kulman de vous envoyer une petite caisse à Salzbourg.. Dès que vous la recevrez je vous prie de l'ouvrir et d'y chercher le petit paquet large et non scellé sur lequel est écrit Musica. Vous y trouverez 2 exemplaires des Sonates gravées à La Haye. Vous en prendrez un avec la partie de violon respective, ferez relier séparément la partie de violon et aurez l'obligeance de les présenter respectueusement de notre part à Sa Grâce le Prince Archevêque, etc., etc. Dans le paquet en question se trouvent encore deux séries de variations que Wolfgang a dû faire sur un air ( pour l'installation du prince à sa majorité ) et l'autre qu'il a écrite rapidement sur une mélodie que tout le monde chante, joue et siffle en Hollande.
            Ce ne sont que des bagatelles.................

         
            ................................
            ..................................

           Leopold Mozart à id..
          
           Munich, le 15 novembre 1766  
                                                                                                                     peinturesetpoesies.blog50.com
            S'il ne tenait qu'à moi....... je serais à Ratisbonne pour répondre au désir insistant du prince Louis de Wurtemberg, tout comme à celui du prince de Furstenberg et de son Altesse le prince Taxis. Ce n'est qu'à deux pas d'ici et je serais rentré à la maison par Landshut et Altotting. C'est d'ailleurs le chemin que nous prendrons....... Mais je doute fort que nous passions par Ratisbonne, car je dois tout d'abord attendre la guérison totale de notre Wolfgangerl et nous ne savons toujours pas quand nous pourrons partir. Entre temps le climat ne fait qu'empirer. Notre chère madame Hagenauer se rappellera que notre Wolfganglerl est tombé malade à notre retour de Vienne et qu'il alla si mal que l'on craignît la variole. A la fin cela se porta sur les jambes, qui le firent souffrir, etc.
            Cela recommence maintenant il n'a pu mettre un pied par terre, ni remuer le moindre orteil ni les genoux. Personne ne pouvait le toucher et il a passé 4 nuits sans dormir. Cela l'a terriblement affaibli et nous a causé d'autant plus de soucis que vers le soir, en particulier, il était pris de vapeurs et de fièvre. Aujourd'hui il va visiblement mieux, mais il s'écoulera bien encore 8 jours avant qu'il ne soit complètement rétabli. Mon Dieu, 100 florins sont vite dépensés, et je suis déjà habitué à ces mauvaises plaisanteries...........Je ne manquerai pas de vous annoncer la date de notre retour................



             Leopold Mozart à id..

             Munich, le 22 novembre 1766

              Je commence moi-même à perdre patience. Jusqu'à maintenant Wolfgangerl était souffrant, il est sorti hier pour la première fois, et aujourd'hui le prince électeur a un concert auquel nous devons nous rendre. L'impatience dont je parle vient de l'usage fort désagréable à la présente cour de faire attendre les gens bien longtemps. Je peux vous assurer que je ne me serais pas montré chez son Altesse si j'avais pu m'en abstenir avec bienséance. Mais comme son Altesse avait insisté lors de notre dernier passage pour que nous lui rendions visite à notre retour, et mes enfants ont fait une telle sensation dans une grande partie de l'Europe que je ne puis guère passer ici sans m'arrêter..............
            Par ailleurs, je ne peux vous cacher que plus je m'approche de Salzbourg, plus me parviennent aux oreilles des ragots infantiles dont j'aurais aimé être épargné. J'ai, Dieu merci, été à l'abri de ces farces pendant quelques années et souhaite le rester. En particulier on parle d'une manière très étonnante de l'accueil qui nous est réservé à notre cour. Je vous assure que cela me semble étrange et que cela aurait un effet auquel certains ne s'attendent pas, car après de grands honneurs, je ne serais absolument pas en mesure de digérer des grossièretés.



                                                              1767


            Leopold Mozart à id..

            Olmütz, le 10 novembre 1767

            Le Petit!

            Wolfanglerl a surmonté la variole !
             Et où ? ---- A Olmütz !
             Et chez qui ? --- A la Résidence de Son Excellence monsieur le comte Podstatsky.............
             .........................
             J'ai encore un souci, que ma fille ait aussi la variole, car qui sait si les diverses maladies qu'elle a eues étaient bien la variole ......................


            Leopold Mozart à id..

            Olmütz, le 29 novembre 1767

            Je reçois à l'instant votre lettre.
            
            plusieurs fois
            Le Petit!
            Ma fille a heureusement guéri de la variole !
            ...........................



                                                                          1768


            Leopold Mozart à id..

             Vienne, le 30 janvier 1768

             ....................                                                                        peintres.celebres.free.fr
            Il est temps de vous donner plus amples et plus claires nouvelles sur notre situation, bonne ou non, je n'en sais rien, et de prendre votre conseil amical. Si l'argent est le seul bonheur de l'homme, nous sommes alors bien à plaindre du fait que nous avons dépensé une grande partie de notre capital, ainsi que vous le savez, et qu'il n'y a apparemment que peu d'espoir de nous refaire un peu. En revanche, si la santé et la connaissance des sciences constituent les plus grands biens de l'homme, nous nous en tirons alors assez bien, Dieu soit loué, . La tempête la plus dangereuse est passée, nous sommes tous en bonne santé, par la grâce de Dieu, et mes enfants non seulement n'ont rien oublié, mais, comme vous le verrez, ont fait de grands progrès. 
            Rien ne vous semblera plus incompréhensible, je le sais, que d'apprendre que nos affaires ne suivent pas un meilleur cours. Je vais vous l'expliquer aussi bien que possible, même si je dois omettre certaines choses qu'on ne peut confier à la plume.
            Il est bien connu que les Viennois, " in genere ", ne sont guère avides de spectacles sérieux et raisonnables, qu'ils ne s'en font guère d'idée et ne veulent voir que des choses faciles, des danses, des diables, des fantômes..............   Alors que je réfléchissais à cette affaire et pensais que j'avais déjà dépensé tant d'argent qu'il serait peut-être folie de rentrer à la maison sans avoir attendu autre chose, il survint un tout autre événement. J'ai appris que tous les clavecinistes et compositeurs de Viennes s'opposent à la réussite de nos projets, à la seule exception de Wagenseil, mais comme il est malade et ne peut sortir de chez lui, il ne peut guère nous aider ni contribuer à nous soutenir. La principale maxime de ces gens consiste à éviter prudemment toute éventualité de rencontre ou de confrontation avec la science de Wolfgangerl, et pourquoi ? Pour pouvoir répondre chaque fois qu'on leur demande s'ils ont entendu le petit garçon, et ce qu'ils en pensent, qu'ils ne l'ont pas entendu et que cela ne peut en aucun cas être vrai, qu'il s'agit de simulacres et d'arquelinades, de choses préparées qu'on lui donne à jouer de la musique qu'il connaît déjà, qu'il est ridicule de croire qu'il compose, etc., etc. Voyez-vous c'est pour cela qu'ils nous évitent, car celui qui l'a vu et entendu ne peut parler ainsi courir le danger de se déshonorer.
            J'ai pris au piège un de ces personnages. Nous étions convenus avec quelqu'un qu'il nous fasse discrètement savoir lorsqu'il serait présent. Il devait venir et soumettre à cette personne un concerto extrêmement difficile que l'on présenterait à Wolfgangerl et il eut l'occasion d'entendre Wolfgangerl jouer son concerto comme s'il l'avait su par coeur. L'étonnement de ce claveciniste et compositeur fut tel que les expressions et le langage qu'il employa pour faire part de sa surprise nous permirent à tous de comprendre ce que je viens de vous dire plus haut. Et finalement il dit :
            " - Je ne peux rien dire de plus, en tant qu'honnête homme, sinon que cet enfant est le plus grand homme qui soit au monde actuellement. Il m'était impossible de le croire. "
            Donc pour convaincre le public de ce qu'il en est, j'ai pris la décision d'apporter une preuve extraordinaire : il écrira un opéra pour le théâtre.
            Quel bruit cela n'a-t-il pas fait dans la coulisse, parmi ces compositeurs ! Quoi ? un opéra ?
            Aujourd'hui on verra un Glück et demain un garçon de 12 ans assis au piano et diriger ? Oui, malgré tous les envieux ! J'ai même amené Glück à nous soutenir, de sorte que même s'il ne le fait pas de très bon coeur, il ne peut rien laisser paraître, car ses protecteurs sont aussi les nôtres.............. Les suites de cette entreprise, si Dieu permet de la mener à bien, sont si importantes et si évidentes qu'il n'est pas besoin de plus d'explications. Maintenant je ne peux me montrer avare, car cela me sera remboursé aujourd'hui ou demain. Qui ne risque rien n'a rien. Je dois mener à bien ce projet.. Ça marche ou ça casse ! Et quel endroit s'y prête le mieux que le théâtre ? L'opéra ne se donnera toutefois qu'après Pâques, cela va de soi............ On ne trouve pas de chanteurs pour les opéras sérieux, ici, même l'opéra triste de Glück, Alceste, est interprété par des chanteurs de "l'opéra buffa ".............. Qu'en dîtes-vous ? La gloire d'avoir écrit un opéra pour le théâtre de Vienne ne constitue-t-elle pas le meilleur moyen de nous procurer du crédit non seulement en Allemagne, mais aussi en Italie ? Adieu
             
            
                                                                                 
                                                                               à suivre...................



                     
                


                       
         






















samedi 16 février 2019

Le lièvre et le moineau Esope jouant Phèdre ( Poème Fran consice )





                                 Le lièvre et le moineau


            Ne pas prendre garde à soi et conseiller les autres
            Est une sottise ; quelques vers le montreront.

            Terrassé par un aigle, à travers ses sanglots,
            Le lièvre subissait les reproches d'un moineau :
            " Où est ta célérité ? Avais-tu le pied si lent ? "
            Le moineau parlait encore, lorsque soudain l'épervier
            L'attrape et le tue, malgré ses cris et ses plaintes.
            Et le lièvre, à demi-mort : " Cela, dit-il, me console.
            Tout à l'heure, à l'abri, tu riais de mes maux,
            Comme moi, à présent, tu pleures et plains ton sort. "


                                                  Phèdre
                                                            ( env. 7 avt J.C. - env. 50 ap. J.C. )



                                         Passer ad leporem consiliator

            Sibi non cavere et aliis consilium dare
            stultum esse paucis ostendemus versibus.
    
            Oppressum ab aquila, fletus edentem graves,
            leporem objurgabat passer : " Ubi pernicitas
            nota, inquit, illa est ? quid ita cessarum pedes ? "
            Dum loquitur, ipsum accipiter necopinium rapit
            questuque vano clamitantem interficit.
            Lepus semianimus : " Mortis en solactum,
            Qui modo securus nostra irridebas mala,
            simili querela fata deploras tua. "


                                        

                                  
                                             Phaedrus
                                   ( trad. voir La Femme en travail ) 



                                                                                                                                   humourenpj.net                                       Esope jouant

                               ( Sur le jeu et le sérieux )

            Voyant au milieu d'une bande de gamins
            Esope jouant aux noix, un Athénien goguenard
            Le traita de fou. Le vieillard, qui l'aperçut,
            Plus porté à se moquer qu'à subir les moqueries,
            Mit au centre de la rue un arc détendu ;
            " Hé, dit-il, l'homme sérieux : explique ce que j'ai fait. " 
            Aussitôt les gens accourent ; l'homme se creuse l'esprit
            Longtemps, sans trouver la solution de l'énigme.
            A la fin, il y renonce. Le sage, alors, victorieux :
            " Si ton arc reste tendu, tu l'auras vite rompu.
            Détends-le, il restera utilisable à ton gré.
            Donne ainsi à ton esprit des moments de détente,
            Et tu le retrouveras plus dispos pour réfléchir. "


                                                 Phèdre
                                                            ( env. 7 avt J.C. - env. 50 ap. J.C. )


                                    Aesopus ludens

                              ( De lusu et severitate )
            Puerorum in turba quidam ludentem Atticus
            Aesopus nucibus cum vidisset, restitit
            et quasi delirum risit. Quod sensit simul
            derisor potius quam deridendus senex,
            arcum retensum posuit in media via ;
            " Heus ! inquit sapiens, expedi quid fecerium. "
            Concurrit populus. Ille se torques diu
            nec questionis positae causam intellegit.
            Novissime succumbit. Tum victor sophus :
            " Cito rumpes arcum semper si tensum habueris ;
            at si laxaris, cum votes erit utilis.
            Sic lusus animo debent aliquendo dari,
            ad cogitendum melior ut redeat tibi. "


                                           Phaedrus
                                   ( trad. voir La Femme en travail ) 
             


                                         
                                       
                                               



            
                                              
             
            


lundi 11 février 2019

Mozart Lettres à sa soeur ( extraits ) 3 ( Correspondance Allemagne )


lidicel.free.fr


                                       Correspondance Mozart avec sa soeur

            Leopold Mozart à Maria Theresa Hagenauer à Salzbourg en Bavière

            Paris, le 1er février 1764

             Madame !
             On ne doit pas toujours écrire aux hommes, mais aussi se souvenir du beau et pieux sexe. Je ne puis vraiment vous dire si les femmes sont belles à Paris, car elles sont peintes, contre toute nature, comme les poupées de Berchtesgaden, de sorte que même celles qui sont belles à l'origine deviennent insupportables aux yeux d'un honnête Allemand à cause de cette repoussante élégance. Pour ce qui est de la piété, je peux vous assurer que l'on aura guère de mal à étudier les miracles des saintes françaises. Les plus grandes merveilles sont effectuées par celles qui ne sont ni vierges, ni épouses, ni veuves, et elles ont toutes lieu de leur vivant. Nous reparlerons de cela plus clairement en son temps. Bref ! on a ici quelque peine à découvrir qui est la maîtresse de maison, car chacun vit à son gré........
            ........ Ici tout va à pas de tortue, encore plus que dans les autres cours, et surtout que tout doit être organisé par les Menu des plaisirs, il faut avoir de la patience.
            Si la reconnaissance est égale au plaisir que mes enfants ont procuré à la cour, le résultat sera excellent.
            Il convient de remarquer qu'il n'est ici nullement d'usage de baiser la main des altesses royales ni de les importuner en leur remettant des requêtes, encore moins de leur adresser la parole, " au passage ", comme l'on dit ici, lorsqu'elles se rendent à l'église par la galerie ou aux appartements royaux. Il n'est pas non plus usuel de rendre hommage au roi ou à quiconque de la famille royale en courbant la tête, ou en faisant une révérence, mais on reste droit, sans bouger, on a ainsi le loisir de voir passer le roi et sa famille jute devant soi. Vous pouvez de ce fait facilement vous imaginer l'effet et l'étonnement produits sur les Français si imbus de leurs usages de cour, lorsque les filles du roi, dans leurs appartements tout comme au passage public, se sont arrêtés à la vue de mes enfants, s'en sont approchées et non seulement se sont laissé baiser la main, mais les ont embrassés et se sont fait embrasser par eux en un nombre incalculable de fois. Madame Dauphine a également fait de même.
            Mais le plus extraordinaire pour MM. les Français a eu lieu " au grand couvert ", le soir du Jour de l'An, où l'on a dû non seulement nous faire place jusqu'à la table royale, mais où mon Wolfgangus a eu l'honneur de se tenir tout le temps près de la reine avec qui il put converser et s'entretenir, lui baiser souvent la main et prendre la nourriture qu'elle lui donnait de la table et la manger à côté d'elle. La reine parle allemand comme vous et moi. Mais comme le roi n'y entend rien,elle lui traduisit tout ce que disait notre héroïque Wolfgang..................
            Vous ne pouvez me demander de vous décrire Versailles. Je ne peux vous dire qu'une chose : nous y sommes arrivés le soir de Noël et avons assisté à la messe de Noël et aux trois saintes messes      tapisseriedefrance.fr                            à la chapelle royale.
            A Versailles on ne trouve ni carrosse de remise ni fiacre, mais uniquement des chaises porteur. Chaque course coûte 12 sols. Vous comprendrez donc bien vite que nous ayons dû payer parfois un Laubthaler et plus, puisque nous devons prendre 3, du moins toujours 2 chaises à porteurs, car i a toujours fait mauvais. Si vous y ajoutez 4 nouveaux costumes noirs, vous ne vous étonnerez plus que notre voyage à Versailles nous ait coûté 26 à 27 louis d'or. Mais nous verrons ce que nous obtiendrons de la cour en retour. En dehors de ce que nous espérons recevoir de la cour, nous n'avons guère gagné plus de 12 louis d'or à Versailles. Toutefois, mon maître Wolfgang a reçu de Mme la comtesse de Tessé une tabatière en or, une montre en or très précieuse du fait de sa petite taille...........  Puis Nannerl a eu une boîte à cure-dents en or massif extraordinairement belle. Une autre dame a donné à Wolfgang un écritoire de voyage en argent et à Nannerl une petite tabatière en écaille de tortue étonnamment fine et tapissée d'or, et.............. A Paris il faut plus de temps qu'à Maxglan pour se faire bien connaître. Et je peux vous assurer que l'on constate partout, sans avoir besoin de lunettes, les dégâts de la dernière guerre. Car les Français veulent continuer à afficher leur magnificence extérieure, et par suite seuls les fermiers sont riches, les seigneurs sont criblés de dettes. Une centaine de personnes se partagent les grandes fortunes, ce sont de grands " Banquiers et Fermiers généraux ".........  on voit ici.......... des folies étonnantes. Les femmes ne garnissent pas seulement en hiver leurs vêtements de fourrure, mais également en mettent comme cols ou tours du cou et, au lieu de fleurs dans les cheveux, elles y mettent de la fourrure, etc........
            Outre cette mode folle dans tous les domaines il faut noter le grand abandonne à la commodité qui entraîne cette nation à ne plus entendre la voix de la nature. C'est pourquoi tout le monde à Paris donne les nouveau-nés à élever à la campagne............ Mais on en constate aussi les conséquences........... Passons à autre chose !
            Ici il y a une guerre continue entre la musique italienne et la musique française. Toute la musique française ne vaut pas de D(iable, nte de l'éd. )............ Ce sont les Allemands qui sont les maîtres dans le domaine de la publication de leurs compositions........
            Maintenant 4 sonates de M. Wolfgang Mozart sont chez le graveur.
            Imaginez-vous le bruit que feront les sonates lorsqu'on verra sur la page de titre que c'est l'oeuvre d'un enfant de 7 ans et que les incrédules seront invités à venir faire eux-mêmes la vérification. Cela a d'ailleurs déjà eu lieu lorsqu'il a demandé à quelqu'un d'écrire un menuet ou quelque autre chose et a immédiatement écrit la basse, et si l'on veut, également le 2è violon ( sans toucher au clavecin ). vous entendrez en son temps combien ces sonates sont bonnes. Il y a un Andante d'un goût tout particulier.
            Et je peux vous dire, chère Madame Hagenauer, que Dieu accomplit tous les jours de nouveaux prodiges dans cet enfant. D'ici à ce que nous rentrions à la maison ( si Dieu le veut ), il sera en état de prendre du service à la cour. Il accompagne toujours véritablement dans les concerts publics, il sait même transposer " à prima vista " les airs qu'il doit accompagner, et partout on lui donne tantôt des pièces italiennes, tantôt des pièces françaises, qu'il déchiffre. Cela immédiatement.
            Ma fille joue les morceaux les plus difficiles que nous avons reçues de Schobert et
d'Eckard, etc., et elle interprète les composition d'Eckard, qui sont les plus délicates, avec une précision incroyable, de sorte que l'" infâme Schobert " n'a pu cacher sa " jalousie " et son envie, et s'est ainsi couvert de ridicule devant M. Eckart qui est un honnête homme............
            Voici maintenant quelque chose de très triste et même de très affligeant. Nous avons tous extrêmement peur et sommes troublés. Bref ! -- La Comtesse van Eyck est dans un état très dangereux........ elle vomit du sang, on l'a saignée.........   Madame la comtesse n'a pas dormi la nuit dernière, mais son état n'a pas empiré......... Cela suffit, nous ne sommes que de misérables humains que nous soyons à Salzbourg ou à Paris.............
            Adieu, remerciez Dieu que le papier soit terminé, sinon il vous faudrait prendre des lunettes. Je suis, avec les compliments de mes enfants et de ma femme, votre resp-S-Mozart




            Leopold Mozart à Lorenz Hagenauer à Salzbourg

             Paris, le 22 février 1764

              Monsieur                                                                                          artvalue.com     
                           Il ne peut pas toujours faire soleil, il passe souvent des nuages qui finissent par se dissiper.
              Je n'ai pas eu de hâte à annoncer le décès de madame la comtesse van Eyck.......... Lorsque j'aurai quitté Paris, je ne manquerai pas de rapporter quelques détails.........
            J'ai, pour ma part, été bientôt plongé dans le désarroi par un événement soudain et inattendu. Mon cher Wolfgang a été pris de maux de gorge subits et de catarrhe, si fortement qu'après en avoir ressenti les premiers symptômes le 16 au matin, il eut la nuit une telle inflammation de la gorge qu'il menaçait d'étouffer, et les mucosités qu'il ne pouvait rejeter refluaient dans l'estomac. Je dus alors le sortir rapidement du lit et le promener dans la chambre. Il avait une fièvre étonnante que je fis tomber peu à peu avec de la " pulvre antispasm Hallen et Dieu merci il put se lever dès le quatrième jour et se sent maintenant bien mieux. Par mesure de sécurité j'avais écrit par la petite poste à notre ami le médecin allemand Herrenschwand qui est médecin des gardes suisses. Mais il n'a pas cru nécessaire de venir plus de 2 fois. J'ai ensuite fait prendre à Wolfgang un laxatif avec de l'aqua laxat. Vien, cela va bien maintenant, grâce à Dieu. Ma petite fille a également été importunée par un rhume, mais  de ssans fièvre. Ce n'est pas étonnant, car nous sommes arrivés à Paris le 18 nov., et il y a eu alors quelques jours avec une forte neige qui a immédiatement disparu........ le temps était toujours brumeux, humide et si doux que l'automne semble plus froid en Allemagne, nous avons même eu quelques jours extraordinairement beaux et chauds qui se transformèrent subitement en un temps affreux et pluvieux, de sorte que presque personne ne sort sans emporter de parapluie de soie. C'est la raison pour laquelle on a inventé ces parapluies de soie si pratiques, car le temps à Paris correspond totalement aux états d'âme des habitants et est soumis à des changements constants.
            Les rhumes sont ici plus dangereux qu'en Allemagne, ils sont généralement accompagnés de fièvre et comme messieurs les médecins aiment pratiquer les saignées, ils envoient ainsi plus d'un patient dans l'éternité.
            Je vous prie donc de faire dire dès que possible saintes messes à Maria Plain et 1 sainte messe à l'autel du Petit Jésus de Loreto........ et de les porter à mon compte..........
            Nous retournerons à Versailles avant quinze jours pour présenter à madame Victoire, deuxième fille du roi, à qui elle sera dédiée, " l'oeuvre 1er " des sonates gravées du grand monsieur Wolfgang. L" 'Oeuvre 2 " sera je crois dédiée à madame la comtesse de Tessé.................
P.S.
            La place de Grève est ici le lieu où l'on envoie les malfaiteurs dans l'autre monde. Quiconque aime à voir les exécutions a presque tous les jours quelque chose à voir............
            Ma femme et mes enfants qui sont tous en bonne santé, grâce à Dieu, vous font leurs compliments ainsi que leur père.



            Leopold Mozart à id..

            Paris, le 1er avril 1764

            Monsieur,
            Nous sommes tous en bonne santé et rendons grâce à Dieu. Et maintenant j'ai le plaisir de vous dire que j'espère pouvoir donner d'ici quelques jours au banquier Tourton et Baur 200 louis d'or pour les déposer en mains sûres et pouvoir les transférer à Salzbourg en son temps...........
            Personne ne paie rien à l'entrée du concert. Celui qui n'a pas de billet n'est pas admis quel que soit son nom. Mes amis distribuent les billets 8 jours à l'avance, chacun coûte 1 Laubthaler, c'est-à-dire 1/4 de louis d'or, et ils se les font payer............. Et maintenant autre chose.
            Je vous prie de faire dire une sainte messe tous les jours pendant 8 jours de suite, en commençant le 12, puis les 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19 avril. Vous pouvez les répartir à votre gré, quant à l'église et l'autel, mais j'en voudrais 4 à Loreto, à l'autel de l'Enfant Jésus, et 4 à un autel de la Vierge, que ce soit à la paroisse ou ailleurs..........
            Dans quelques jours les sonates que monsieur Wolfgang a dédié à Mme la comtesse de Tessé   la mesure.fr                                                                                   seront prêtes..................
            Il faut maintenant que je vous apprenne qui est cet homme, mon meilleur ami, ce M. Grimm, grâce à qui j'obtiens tout ici. Il est secrétaire du duc d'Orléans........ originaire de Ratisbonne, mais il y a déjà plus de 15 ans qu'il est à Paris et il sait diriger les choses dans la bonne direction pour obtenir le résultat qu'il souhaite. Je vous ai déjà écrit de faire parvenir mon courrier à son adresse :


                                                      Chez Mr Grimm Secrétaire de S.A. Monseigneur le Duc d'Orléans
                                                        Rue Neuve du Luxembourg à Paris
            ........................ Je vous fais mes compliments ainsi qu'à tout Salzbourg et suis votre vieux serviteur.............



            Leopold Mozart à id..

            Londres, le 25 avril 1764

            Copia
            Nous avons, Dieu soit loué, traversé le ruisseau de Maxglan  sans encombre, mais cela n'a pas été ( salve venia ) sans vomir........ Nous sommes, Dieu merci, tous en bonne santé. Mais celui qui a trop d'argent, n'a qu'à entreprendre un voyage de Paris à Londres, on ne manquera pas d'alléger sa bourse................. A Londres tout le monde me semble déguisé, et à quoi croyez-vous que nous ressemblons, ma femme et Nannerl en chapeau anglais, et moi et le grand Wolfgang en costume anglais...... Nous vous saluons.

                                                                                          Mozart



           Leopold Mozart à id..

             
            Londres, le 8 juin 1764

            Monsieur
             ......................
            Nous avons pu nous confesser pour Pâques le jeudi saint chez les pères capucins de Calais, ici nous allons à l'église la plus proche, chez l'ambassadeur de France à qui nous avons été recommandés de Versailles et chez qui nous avons déjà dîné........... Je vous ai déjà écrit que tout le monde est absent de la ville en ce moment. Le 5 juin était le seul jour où l'on pouvait tenter quelque chose, car le 4 était l'anniversaire du roi. C'était plutôt pour faire connaissance, et voyez, en 8 jours.......... il faut 4 à 8 semaines pour distribuer les billets que l'on nomme ici " tickets ", nous n'avons eu, contre toute attente, que 200 personnes, certes, mais les toutes premières personnalités de Londres........... Je ne peux encore dire si le bénéfice sera de 100 guinées........ par ailleurs les frais sont étonnamment élevés. Mais cela ne fera pas moins de 90...........
            En ce qui concerne les 200 louis qui sont déposés à Paris chez les banquiers Tourton & Baur, je suis d'accord pour que vous les repreniez à 2 250 florins et me donniez un intérêt de 3 p. cent. Je ne manquerai pas d'écrire demain à Paris.........
            ....... Il suffit de dire que ma fille est l'une des plus habiles pianistes en Europe, bien qu'elle n'ait que 12 ans et que mon fils sait, à 8 ans, tout ce que l'on peut attendre d'un homme de 40. Bref quiconque ne le voit ou l'entend ne peut le croire. Vous-même et tout le monde à Salzbourg n'en savez rien, car tout est différent maintenant.
            Je dois clore car la poste part, et suis votre obéissant serviteur.

            P.S. Moi-même, ma femme, Nannerl et notre puissant Wolfgangus vous faisons nos compliments, à vous, toute la maison et tout Salzbourg.



            Leopold Mozart à id..
            
            Chelsea près de Londres, le 13 septembre 1764

            Monsieur
            ............  Je vous remercie humblement d'avoir suivi mes instructions quant aux saintes messes et peux vous dire que je me sens mieux de jour en jour, mais très lentement toutefois, de sorte que je peux au moins espérer ne pas avoir subi de dommages intérieurs.
            Mais il faut que je vous raconte les débuts de ma maladie. Je dois vous dire tout d'abord qu'il existe ici une sorte de mal du pays que l'on nomme " refroidissement  ". C'est la raison pour laquelle presque personne ne porte de vêtements d'été, mais seulement des vêtements de drap. Ce refroidissement est si dangereux pour les gens qui ne sont pas de bonne constitution qu'il peut en résulter une consomption, et pour ces gens la seule possibilité est de quitter l'Angleterre et de rentrer par la mer sur le continent.......................
            Si le bon Dieu nous donne seulement la santé, nous n'avons pas de soucis à nous faire pour les guinées. Cela ne m'ennuie que trop de devoir consommer ce que j'aurais pu épargner. Mais à la grâce de Dieu....... ....
            Je vais avoir fort affaire dans les quelques mois qui suivent pour mettre la noblesse de mon côté. Cela coûte bien des démarches et des efforts. Mais si j'obtiens ce que je pense je ferai une bonne pioche en guinées....



            Leopold Mozart à id..

            Londres, le 27 novembre 1764                                                        la mesure.fr

            Monsieur !
            Ne vous étonnez pas que je vous réponde un peu tard, j'ai plus à faire qu'on ne l'imagine généralement, bien que la noblesse ne soit pas encore de retour à la ville et le Parlement, contre son habitude, ne doive se réunir que le 10 janvier............
            On dit ici " en ville " ou, dans le langage d'ici " city ". J'habite en effet dans le quartier de Westminster où se trouvent la cour, les ambassades et la plupart des membres de la noblesse, de même que tous les opéras et théâtres. Mais Londres est constitué de 3 villes, aux noms différents, Westminster, Londres et Southwark, mais qui forment une seule ville affreusement étendue.............
            Nous vous prions de faire nos compliments respectueux à M. Speckner et de lui dire que bien que les contredanses soient originaires de ce pays, elles ne sont rien moins que bien construites et encore moins bien dansées. Les airs, en revanche, sont assez bien. J'en rapporterai tout un livre....
            P.S. Ô mon Dieu, combien aurais-je à écrire !........ Veuillez faire mes compliments à M. Vogt et lui dire que je le remercie infiniment ainsi que tous les miens. - Que Paris et Londres sont remplis de violons de Mittenwald et que les droits de douane sont extraordinairement élevés pour toutes choses, ici surtout. Mais je peux déjà lui dire que les violons sont très fortement encordés, ici et à Paris, et que le mi a la grosseur d'un faible la. Il faut donc qu'il prévoie son violon en cette mesure, sinon il n'y a rien à faire. En revanche, et surtout à Paris, la tonalité, ou le diapason, est très bas. J'aurai une correspondance suffisante en temps voulu. Mais je dois trouver un biais pour la douane, ce qui est le plus difficile.   Addieu.



            Leopold Mozart à id..

            Londres, le 19 mars 1765

            Monsieur !,
            Je ne doute pas que ma dernière courte lettre soit arrivée avant la fin de la foire de printemps de Salzbourg, donc encore à temps.
            Mon concert que j'avais pensé donner le 15 écoulé n'a eu lieu que le 21 et n'a pas rassemblé le  public que j'attendais, à cause du nombre extrême de " plaisirs " qui, par leur nombre finit par lasser. Mais nous avons encaissé environ 130 guinées, et comme les frais se montent à plus de 27 guinées, il n'en reste guère plus de 100.
            Mais je sais aussi où le bât blesse et pourquoi on ne nous traite pas avec plus de " générosité " bien que nous ayons reçu quelques centaines de guinées depuis que nous sommes ici. Je n'ai pas accepté une proposition qui m'avait été faite. Mais à quoi sert-il de parler d'une décision prise après mûre réflexion et après avoir passé quelques nuits blanches.
            La chose est entendue, je ne veux pas élever mes enfants en un lieu si dangereux, où la plupart des gens n'ont absolument aucune religion et où l'on a que de mauvais exemples devant les yeux. Si vous pouviez voir l'éducation donnée ici aux enfants, vous seriez étonné. Sans parler des autres domaines touchant la religion.                                                  lamesure.fr
Coryphee            Je dois malgré tout vous raconter rapidement une belle histoire.
            Il est d'usage ici, lorsqu'un enfant doit être baptisé, que les personnages principaux soient,
1. les parrains et 2. les marraines, à côté des autres amis. On a l'habitude de ne faire baptiser l'enfant que plusieurs jours ou même plusieurs semaines après la naissance, et toujours à la maison. Un marchand de musique, qui vend aussi des instruments, un Allemand de Hesse, dont la femme est Suissesse, a demandé à ma femme d'être marraine pour le baptême de son enfant en même temps qu'à un Allemand et à une jeune Allemande. Nous avons toujours refusé jusqu'à ce que le parrain allemand, un commissaire de Braunschweig, nous le demande lui-même. Le baptême eut lieu 4 semaines après la naissance, un soir à 5 heures. Le caractère remarquable de ce baptême tient au fait que le " père " de l'enfant n'a aucune religion et que ses raisons reposent seulement sur le fait que " l'on doit adorer Dieu, l'aimer ainsi que son prochain et être un honnête homme. La mère, qui était présente, est calviniste et pratique encore passablement sa religion. Monsieur le parrain est luthérien,
la jeune marraine calviniste, ma femme, comme 2è marraine, une bonne catholique salzbourgeoise, et monsieur le Pasteur, comme on nomme ici l'officiant, est de religion anglicane.
            Cette compagnie de baptême vous plaît-elle ?
            Pour nous autres catholiques le baptême n'avait en soi rien d'étonnant, car le Je crois en Dieu et le Notre Père, dits ici, dans l'église anglicane, sont mot à mot identiques aux nôtres. Mais les luthériens et les calvinistes ont dû faire quelque chose d'inhabituel pour eux, s'agenouiller, car dans l'église anglicane on prie à genoux. N'est-il pas dommage qu'il n'y ait eu encore un juif au moins dans cette compagnie ? Si monsieur Zuns, juif et commissaire de Paderborn, qui nous rend souvent visite, l'avait su, il serait au moins venu au souper de baptême........
            Il se pourrait que je parte d'ici  vers le début de mai. Vous parlez d'un tissu écarlate pour un manteau, mais je ne peux emporter de drap, car en France on examine les bagages avec attention. Et au détail, c'est-à-dire à l'aune, ce n'est pas d'un prix intéressant..............Je pense devoir probablement envoyer une partie de mes bagages à Francfort en passant par la Hollande. Bien que j'aie laissé de nombreux bagages et les choses les plus précieuses à Paris, pour environ 300 louis d'or, le volume de mes bagages a bien augmenté ici. Et cela m'ennuie surtout pour les beaux vêtements ! Mon costume de velours noir ou le costume très riche, dont le fond est tissé de feuilles d'argent et d'or ne s'arrangent pas en voyage, même si l'on y fait très attention. Ce dernier a coûté 59 louis d'or à Paris et je l'ai eu par " hasard " n.b.  : neuf, c'est-à-dire qu'il n'avait pas été porté deux fois et par une chance miraculeuse, d'un gentilhomme dont j'avais fait la connaissance à Francfort
            La reine a fait cadeau de 50 guinées à notre Wolfgango pour la dédicace de ses sonates.
            P.S. :
            Mon compliment, ainsi que de nous tous. Nous avons fait la connaissance M. Bach ! Je dois clore, il est temps, le courrier part bientôt.................


                                                                à suivre.............
            




samedi 2 février 2019

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 92 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )


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                                                                                                                        1er Mai 1663

            Levés de bonne heure, mon père et moi toute la matinée avec Will Stankes, seuls dans le petit salon de ma femme à l'étage, pour régler nos affaires concernant notre domaine de Brampton, etc. Il m'apparaît que le revenu des terres, après que toutes les dettes, pas plus de 100 livres, auront été payées, se montera à 50 livres net par an pour les dépenses de mon père en plus des rentes, 25 livres par an, pour mon oncle Thomas et ma tante Perkin. Quoique me réjouissant dans mon for intérieur, je ne pensai point qu'il convînt d'en informer exactement mon père. Il alla ensuite visiter mon oncle Thomas et le ramena avec lui pour dîner. Après dîner je priai mon père et mon frère Tom de se joindre à moi et je leur peignis de la situation un tableau plus sombre et promis à mon père 20 livres de ma propre bourse pour atteindre les 50 livres, proposant de vendre Stiltoe, ce qui permettrait de lui verser 200 livres qui lui reviennent, et d'utiliser le reste pour payer dettes et legs. Pour être franc j'ai peur que mon père ne meurt avant que les dettes ne soient payées, auquel cas cette terre reviendrait à Tom et la charge de payer toutes les dettes retomberait sur les terres restantes. Ce n'est pas que je veuille causer aucun tort véritable à mon frère. Je recommandai à mon père de gérer prudemment ses affaires et de borner ses dépenses à 50 livres pas an, et j'employai des mots si affectueux que, non seulement les larmes lui vinrent aux yeux, mais à moi aussi. J'espère que mes conseils auront un bon effet.
            Cela réglé et aucun point n'étant contesté nous descendîmes et, après un verre de vin, nous montâmes tous à cheval et je l'accompagnai, ayant loué un cheval à Mr Game, jusqu'à la sortie de Londres, au bout de Bishopsgate Street, puis fis demi-tour et me frayai avec peine un chemin à travers champs puis dans Holborne, etc., vers Hyde Park où, semble-t-il le monde entier s'est donné rendez-vous. Sur ma route rencontrai William Howe qui venait en sens inverse, au galop sur un petit cheval noir essorillé, apparemment celui que l'on a pris sur une terre appartenant à milord, et que son maître, un voleur, avait laissé là par quelque accident. On l'avait trouvé affublé d'oreilles en tissu noire et d'une fausse crinière, car il en était dépourvu. Je retournai avec lui à l'auberge de Chequer à Charing Cross où je laissai ma pauvre rosse et, suivant son conseil, enfourchai un bel étalon  appartenant au capitaine Ferrer. Et ainsi chevauchai en grand apparat vers le parc. Mais comme je me trouvais au milieu d'une foule de chevaux pour regarder les cavaliers du roi faire des exercices de voltige très curieux, mon étalon se montra fort indocile et commença de se battre avec d'autres chevaux, nous mettant en danger. Je me dégageai à grand peine et me tins à l'écart.
            Je ne vis rien d'intéressant.............Les quelques jolis visages qui se trouvaient là disparaissaient au milieu de nombreux laiderons, car il y avait toute espèce de gens dans les voitures, plusieurs milliers je crois.                                                                                     
            .............                                                                                   abcgallery.com
            Plus tard, m'en retournai, changeai à nouveau de cheval et me dirigeai vers la maison au milieu d'un grand embarras de voitures qui allait presque jusqu'à l'autre bout de la ville. Sur mon chemin, dans Leadenhall Street on dansait la " morris dance ", ce que j &e n'avais pas vu depuis longtemps. Ramenai mon cheval chez Game, payai 5 shillings, puis rentrai à la maison voir sir John Mennes qui est rétabli et, après avoir causé un moment je pris congé et allai écouter la fille de Mrs Turner, chez qui Sir John Mennes couche ce soir, jouer du clavecin. Mais, Seigneur ! il y avait de quoi vous rendre malade de l'entendre. Je fus cependant bien obligé de lui faire force compliments.
            Puis à la maison, souper et au lit. Miss Ashwell joua très bien du virginal avant que j'allasse me coucher.
            Aujourd'hui le capitaine Grove m'a envoyé des côtes de porc, ce qui, assurément est le cadeau le plus étrange qui se puisse faire. La prochaine fois, je me souviens l'avoir dit à ma femme, je crois que ce sera une livre de chandelles ou une épaule de mouton. Mais cet homme fait cela par courtoisie
et je suis son obligé.
            Puis au lit, fort las et un peu écorché par manque d'habitude d'aller à cheval, priant Dieu que mon père fasse bon voyage. Je me soucie pour lui car a été repris par son mal, il y a si peu de temps !


                                                                                                                2 mai

            A cause de ma fatigue d'hier soir j'ai dormi jusqu'à presque 7 heures, ce qui ne m'était pas arrivé depuis bien des jours. Lever et à mon bureau, après m'être querellé avec ma femme car elle ne tient pas la maison assez propre. Je la traitai de " va-nu-pieds " et elle m'appela " tire-l'aiguille " ( nte de l'édit. Pepys était fils de tailleur et sa femme Elisabeth n'avait pas apporté de dot ), ce qui m'irrita. et passai là toute la matinée. Puis à la Bourse et retour à la maison où, fort gai et très satisfait de ma femme, et de nouveau au bureau, réunion extraordinaire pour établir la liste des dettes de la marine pour milord le trésorier. La séance levée montai chez sir William Penn pour boire un verre de mauvais cidre dans sa nouvelle salle à manger qui est basse de plafond et fort élégante, puis à la maison où je trouve le capitaine Ferrer et sa femme venus rendre visite à ma femme. Il doit se rendre en France au début de la semaine prochaine pour voir, et je pense pour ramener le jeune lord Hinchingbrooke. Après leur départ allai à mon bureau pour écrire le courrier. Puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                   3 mai
                                                                                             Jour du Seigneur
            Levé avant 5 heures et demeurai seul à mettre en ordre mes papiers concernant Brampton en accord avec nos calculs et nos décisions de l'autre jour, à ma grande satisfaction, il m'apparaît qu'il nous reviendra 50 livres net par an. Le seul ennui est que la dette pourrait se monter à 100 livres.
M'habillai et à l'office où sir William Penn me montra la jeune fille que le jeune Dawes, qui occupe le nouveau banc d'angle dans l'église, à enlevée à sir Andrew Riccard, son tuteur. Elle a 1 000 livres de rente en belles et bonnes terres et de l'argent, et c'est une très belle jeune fille fort bien élevée. Lui, je le crains, n'est qu'un sot, cependant il a eu la bonne fortune d'obtenir sa main et il s'en faut de peu, ma foi, que je lui envie cette chance de tout mon coeur. Retour dîner à la maison avec ma femme qui, souffrant, ne s'est pas habillée de toute la journée et n'a pas quitté la maison, puis à l'office l'après-midi, et retour à la maison enseigner un peu à Miss Ashwell la notation de la mesure et d'autres choses au virginal et apprendre un psaume excellemment, car elle a une bonne oreille et la main adroite. Puis un moment à mon bureau et ensuite à la maison, souper, prières et, au lit.
            Ma femme et moi nous sommes un peu disputés parce que je n'ai pas voulu interrompre notre conversation en bas avec elle et Miss Ashwell pour monter causer seul avec elle de quelque chose qu'elle avait à me dire. Elle me reprocha de préférer parler avec n'importe qui plutôt qu'avec elle. Ce qui montre, je pense qu'elle est jalouse de ma familiarité avec Miss Ashwell. Je dois éviter de lui en donner l'occasion.


                                                                                                               4 mai
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            Levé de bonne heure, mis de l'ordre dans mes papiers de Brampton, examinai ma garde-robe en prévision de l'été et mis de côté des habits à envoyer à mon frère pour qu'il les transforme.
            Un peu plus tard pris une barque pour me rendre à Woolwich, mais voyant que je ne pourrais pas rentrer à temps pour dîner, je rebroussai chemin où arriva bientôt le maître à danser. J'assistai à la leçon qu'il donnait à ma femme et quand il eut terminé sir William voulut à toute force me faire essayer les pas d'une courante, et il insista tant et ma femme me pressa avec tant d'obstination que je commençai et fus donc obligé de lui verser 10 shillings d'acompte, et me voilà devenu son élève.
            A la vérité, je crois que c'est un art très utile pour un gentilhomme, et je peux avoir l'occasion d'en faire usage, bien que cela me coûte de l'argent, ce dont je suis bien fâché, sans compter que je dois, au terme de mes résolutions, donner la moitié autant aux pauvres. Je suis cependant résolu à recouvrer cet argent de quelque autre façon et de toute manière cela ne durera pas plus de un ou deux mois et donc, quoique à mon corps défendant je vais essayer quelque temps. Si je vois que cela me crée trop de désagréments ou de dépenses j'arrêterai. Après que j'eus commencé à apprendre, ce qu'à mon avis je n'aurai pas de peine, il partit et nous allâmes dîner.
            Un peu plus tard nous sortîmes en fiacre, je laissai ma femme chez milord Crew, et visite à milady Jemima Montagu qui vient d'arriver en ville. Me rendis à St James où avec  Mr Coventry et sir William Penn attendîmes un bon moment le Duc, mais comme il ne vint pas nous nous rendîmes à Whitehall. Nous rencontrâmes le roi que nous suivîmes dans le parc où Mr Coventry et lui causèrent de la construction d'un nouveau yacht, que le roi est résolu à faire construire sur sa cassette personnelle, car il a quelque plan de son cru. Après cette conversation nous repartîmes vers Whitehall, laissant le roi dans le parc, et en chemin nous rencontrâmes le Duc qui se dirigeait vers St James pour nous rejoindre. Nous nous rendîmes à son cabinet de travail à Whitehall, et là en présence de milord Sandwich nous nous acquittâmes de notre tâche hebdomadaire et nous séparâmes. Milord Sandwich et moi descendîmes dans le jardin après avoir passé une heure en réunion à la commission de Tanger.  Après avoir parlé longuement des affaires qui le concernent nous causâmes de la situation à la Cour. Bien qu'il ne m'ait rien dit de tel en termes clairs, je soupçonne que tout ne va pas pour le mieux entre le roi et le Duc, et que c'est l'affection du roi pour le petit duc qui en est la cause. Peut-être craint-on qu'il ne soit fait héritier de la Couronne, mais cela milord ne me l'a pas dit, ce n'est qu'une déduction. Et il est certain que la chute de milord le chancelier est inéluctable.
            Milord partit pour Chelsea en carrosse, et je me rendis chez lui où m'attendait ma femme. Elle alla ensuite voir Mrs Pearse et m'appela à l'embarcadère de Whitehall, où je m'étais rendu à pied pour savoir s'il y avait une pièce à la Cour ce soir. Comme il n'y en avait pas, elle, moi et Mr Creed nous rendîmes à la Bourse où elle fit quelque emplette, puis, par le fleuve à Whitefriars et ma femme rendit visite à Mrs Turner puis me rejoignit chez mon frère à qui je donnai mes instructions concernant mes habits d'été. Puis en fiacre à la maison et après souper au lit avec ma femme, avec qui je n'avais pas couché depuis que je partageai mon lit avec mon père.


                                                                                                               5 mai

            Levé de bonne heure et à mon bureau, occupé toute la matinée. Entre autres, me promenai un bon moment avec sir John Mennes qui m'a raconté maintes vieilles histoires sur la marine et sur la situation de la marine au début des troubles d'autrefois, et je suis fort chagriné en
pensant à l'échec de la cause du roi, mais ne pourrai plus m'en étonner à l'avenir sachant qu'un coquin de son espèce, si ce qu'il dit est vrai, avait le commandement de toute la flotte et que reposait sur lui le plan d'abattre milord de Warwick et de rallier la flotte au roi, tâche à laquelle il échoua lamentablement, causant la perte de son souverain.
            Dînai à la maison et montai ensuite étudier mes pas de danse, puis retour au bureau, et réunion tout l'après-midi. Le soir, Deane de Woolwich m'accompagna chez moi et me montra comment utiliser une petite règle à mesurer, plus petite que celle que j'ai achetée l'autre jour, la même que celle-là mais plus aisément portable néanmoins. Je fis mine de n'y rien comprendre et même de n'avoir jamais vu pareil instrument auparavant. Mais je trouve l'homme ingénieux et pense qu'il sert bien le roi à son poste.                                                                                                  onlinekunst.de
            Puis à mon bureau occupé à écrire des lettres. Arriva sir William Warren qui attendit que l'on eût fini une lettre pour ses affaires. Nous causâmes marchandises, commerce et manières de gagner de l'argent. Je me préoccupai de savoir de quelles façons un homme de mon éducation peut parvenir à comprendre quoi que ce soit au commerce. Il me donna sur tout de très judicieuses réponses, me montrant quel danger il y aurait pour moi de l'aller occuper de vaisseaux ou de marchandises de quelque sorte que ce fût, ou d'effets publics, mais que je devrais placer ce que j'ai à intérêt, ce qui est une manière excellente, discrète et facile de s'enrichir et, de temps en temps l'occasion se présente, pour qui a de l'argent disponible d'en faire usage de fort profitable manière. Je suis bien de son avis.. Je le quittai tard, ayant tiré beaucoup de plaisir et de satisfaction de sa conversation. Puis à la maison, souper et, au lit.
             Il a fait très chaud cet après-midi ainsi que ce soir et vers onze heures du soir, alors que j'allais me coucher, il commença de tonner et de faire des éclairs, les plus grands, qui illuminaient la cour toute entière, que j'avais jamais vus de ma vie.
         

                                                                                                               6 mai 1663

            Levé de bonne heure et à mon bureau. Passai un bon moment à étudier mes nouvelles règles, puis au travail. Vers midi à la Bourse avec Creed. Nous rencontrâmes John Mennes qui revenait dans son carrosse de Westminster. Fort échauffé il nous dit que, par le ciel ! le Parlement s'apprête à commettre une folie, que l'on va interdire à tous ceux qui ont porté les armes contre le roi durant les troubles d'autrefois toute charge civile ou militaire, à l'exception de certaines personnes. Si c'est le cas, ce que je ne souhaite pas, cela va causer bien du mécontentement et je crains que rien n'en sorte, que du mal.
            Je les laissai à la Bourse et me rendis à pied à l'enclos de Saint-Paul pour feuilleter un livre ou deux, puis m'en retournai et allai dîner à Trinity House.
            Parmi diverses histoires intéressantes contées par les vieux marins, ils nous dirent avoir souvent, alors qu'ils pêchaient au Groenland, attrapé des baleines, et les grappins de fer qui avaient pénétré dans le corps des animaux étaient couverts de graisse. Il leur était arrivé de tirer 11 barils d'huile de la langue d'une baleine.
            Après dîner, à la maison et à mon bureau occupé jusqu'au soir, et à la maison et souper et arrive Mr Pembleton. Après souper montâmes dans notre salle de danse, exécutâmes trois ou quatre danses campagnardes, puis m'exerçai à danser la courante. Je commence à penser que dans quelque temps je pourrai en faire quelque chose d'assez bien. Tard et fort gaiement à danser puis fatigué au lit.


                                                                                                                    7 mai

            Levé de bonne heure, un moment à mon bureau. Ensuite pris une barque avec ma femme, la laissai à la nouvelle Bourse, tandis que j'allais voir le Dr Williams pour l'affaire qui m'oppose à Tom Trice. Puis chez mon frère que je trouve fort soigneux ces temps-ci dans son travail et en bonne voie de bien réussir. Puis à Westminster où je fis les cent pas de la Grand-Salle au vestibule de la Chambre car le Parlement était en séance. Me rendis ensuite en fiacre chez milord Crew et dînai avec lui. Il me parle de l'ordre qu'a donné la chambre des Communes pour que fût rédigé un projet de loi réservant promotions et charges publiques aux seules personnes qui ont été loyales et fidèles au roi et l'Eglise, ce qui sera fatal à maintes gens et me fait craindre que je pourrais moi-même être concerné, malgré mon innocence totale à cette époque, car j'étais employé à l'Echiquier. Mais j'espère que Dieu me protègera.
            C'est aujourd'hui l'ouverture du nouveau théâtre royal qui présente avec des décors " Le lieutenant fantasque ", mais je n'ai pas le temps d'aller voir la pièce. Je n'ai pas pu rester non plus voir milady Jemima qui vient d'arriver en ville et qui se trouvait dans la maison mais dînait en haut avec sa grand-mère. J'allai chercher ma femme chez mon frère en fiacre et rentrai à la maison, mais comme les officiers se trouvaient à Deptford pour verser des soldes, la réunion était annulée. Je partis alors avec ma femme faire une promenade en barque et passai ainsi la soirée. Puis à la maison, fort content, pour souper et, au lit.
            Sir Thomas Crew me dit aujourd'hui que la reine en apprenant que l'on avait soumis, parmi les autres dépenses de la Couronne, la question de ses 40 000 livres par an, à la commission parlementaire, a fait en sorte de les informer de ce qu'elle n'a encore reçu que 4 000 livres pour l'entretien de toute sa maison. Acte remarquable car il dénote un fort caractère, et qui, je le crois, est tout à fait vrai.


                                                                                                                  9 mai

            Levé très tôt et à mon bureau où préparai pour mon père des lettres de grande importance pour ce qui est du règlement de nos affaires et de la manière de bien gérer son bien. Je lui promets de compléter sa rente de ma poche pour la porter à  50 livres par an, jusqu'à ce que la mort de mon oncle Thomas ou l'obtention d'une place à le Garde-Robe lui assure d'autres revenus.
            Cela fait, me rendis en barque jusqu'au Strand où observai les travaux de la reine-mère à l'hôtel de Somerset. Puis au nouveau théâtre, mais ne puis entrer le voir. Ensuite visitai milady Jemima, qui a beaucoup grandi depuis que je l'avais vue, mais qui a besoin d'apprendre les façons de la Cour pour se mettre en valeur.                                                                 cosmovision.com
            De là au quartier du Temple où restai jusqu'à une heure chez Playford à lire dans Le fondement de la théologie du Dr Husher ce qu'il écrit sur les Ecritures. Nul, dans aucun livre, n'en a dit plus que lui sur le sujet. Il y a pourtant là matière à critique, si un homme n'a que faire de la tradition de l'Eglise qui est la sienne depuis sa naissance, je crois que c'est un aussi bon argument que la plupart de ceux que l'on avance pour bien des choses, et il peut s'appliquer ici, entre autres.
            Puis chez mon frère chercher ma femme et Miss Ashwell pour les emmener au Théâtre royal qui est ouvert depuis deux jours. La salle est extraordinairement bien conçue, quoiqu'elle présente quelques défauts, tels que l'étroitesse des portes d'accès au parterre, et la distance qui sépare la scène des loges, d'où j'en suis certain, l'on ne peut rien entendre. Mais cela excepté, tout est bien. A part que, et c'est la pire, comme les musiciens sont en bas, et que la plupart d'entre eux jouent sous la scène même, il est tout à fait impossible d'entendre les graves, et les aigus ne sont pas très audibles, chose à laquelle il faudra assurément remédier.
            On présentait Le lieutenant fantasque, une pièce médiocre tout comme est médiocrement joué le rôle même que Lacy, par ordre du roi, interprète maintenant à la place de Clun. Lors du ballet la danse du démon était fort réussie.
             La pièce terminée rentrâmes à la maison en barque. J'ai été un peu honteux que ma femme et sa dame de compagnie fussent si négligées dans leur toilette car, me semble-t-il, toutes les dames du parterre étaient plus richement et plus élégamment vêtues qu'à l'accoutumée.
            A mon bureau pour noter les événements de ce jour, et bien que n'étant pas contraint par mes résolutions de ne point aller au théâtre, de ne pas le fréquenter, parce qu'il n'existait pas alors, je crois cependant qu'à l'époque je voulais parler de tous les théâtres publics et je suis résolu à renoncer aux deux pièces à la Cour qui restaient à mon crédit pour les mois de mars et d'avril, ce qui compensera largement l'excès d'aujourd'hui. De sorte que ce mois de mai est le premier où j'aurai le droit d'aller voir une pièce à la Cour, au terme de mes résolutions.
            Souper à la maison, et arrive Pembleton. Ensuite montâmes tous danser jusqu'à une heure avancée, puis nous nous séparâmes et, au lit. On me dit que j'ai l'étoffe d'un bon danseur.


                                                                                                               9 mai 1663

            Levé de bonne heure et à mon bureau où, plus tôt que de coutume arrive Mr Hayter, la mine défaite. Il désirait me dire un mot en particulier, ce qui m'étonna fort. Le pauvre homme me dit que le sort avait voulu qu'il se trouva dimanche dernier à une assemblée d'amis qui faisaient leurs dévotions, et qu'ils fussent surpris,et lui emmenés à la prison du Comptoir être relâché par la suite. Cependant, ayant appris que sir William Batten en avait été informé, il a jugé bon de me rapporter l'affaire de crainte que cela ne me porte préjudice.
            Son récit me causa une surprise extraordinaire et du tourment pour lui car, sachant que maintenant les faits sont connus, il m'est impossible de les dissimuler ou de le garder à mon service sans danger pour moi. J'examinai toutes les possibilités et lui donnai les meilleurs conseils que je pus. Comme je lui demandais si je pouvais promettre qu'il ne recommencerait pas, il me dit qu'il préférait que je m'abstinsse de faire une telle promesse, car il n'osait s'y engager, quel que soit le sort que lui réservât la providence divine et que, pour ce qui me concerne, il rendait grâce à Dieu et me remerciait pour toute l'affection et la bonté que je lui avais témoignée. Je ne pus poursuivre notre conversation sans avoir les larmes aux yeux, mais je décidai de finalement dire toute la vérité à Mt Coventry, dès que je le pourrais, et dans ce dessein usai de stratagèmes pour empêcher sir William Batten, arrivé hier soir en ville, d'aller là-bas aujourd'hui de crainte qu'il n'en parlât à sir George Carteret ou à Mr Coventry avant moi. Je parvins à mes fins et le gardai au bureau toute la matinée.
            A midi dînai à la maison, le coeur lourd pour le pauvre homme. Sortis ensuite voir mon frère, puis à Westminster, chez Mr Jervas, mon ancien barbier. J'essayai deux ou trois postiches et perruques, car j'ai l'intention d'en porter, bien que je n'en ai guère envie, si ce n'est que cela me coûte trop de peine de garder mes cheveux propres. Il me rasa et finalement je m'en allai ayant presque changé d'avis à cause des problèmes que pose aussi, je le prévois, le port d'une perruque. Puis en barque à la maison et au bureau où travaillai tard. A la maison souper et, au lit l'esprit fort préoccupé au sujet de Thomas Hayter.


                                                                                                                          10 mai
                                                                                                      Jour du Seigneur
            Levé de bonne heure et revêtis un costume de drap noir avec dessous des caleçons blancs dépassant des chausses, comme c'est la mode. Puis prêt me rendis à St James où je m'entretins avec Mr Coventry tandis qu'il s'habillait, à propos de diverses affaires de la marine. Après le départ du Duc
nous nous rendîmes à Whitehall en passant par le parc, et je lui rapportai les propos de Tom Hayter. Il semble en être fort marri, mais me dit que si l'affaire ne s'ébruite pas trop il ne sera pas nécessaire de le renvoyer pour le moment, il suffira de lui donner un bon avertissement pour l'avenir. Il va cependant en parler au Duc pour connaître son bon plaisir.
            Je le quittai  là et retournai à St James où assistai à la messe et fus forcé de m'agenouiller dans la foule ( nte de l'édit. chapelle de la reine qui est catholique ) . Après la messe à la table d'hôte de la Tête du Roi. J'envoyai quérir Mr Creed pour dîner. Là beaucoup de membres du Parlement, qui parlaient principalement des nouvelles d'Ecosse selon lesquelles l'évêque de Galloway a été assiégé dans sa maison par des femmes qui ont manqué lui faire subir des outrages mais, je ne sais comment, il a été sauvé. De mauvaises nouvelles qui rappellent exactement le début des troubles d'autrefois. Ils en vinrent ensuite à parler de rébellion et je vois qu'ils érigent en grand principe de s'assurer le contrôle de la Cité de Londres, quoi qu'il advienne, et passèrent à d'autres sujets. Entre autres, comme on causait des tables d'hôte, disant qu'elles sont fort commodes, car on sait ce qu'il faudra payer, quelqu'un exprima le souhait que, parmi bien des mauvaises choses, nous puissions en apprendre deux bonnes des Français : d'abord de ne pas juger indigne d'un gentilhomme ou d'une personne honorable de marchander le prix de son repas dans leur taverne avant de la manger. Et ensuite de ne point engager de domestique sans certificat d'un ami ou d'un gentilhomme attestant sa bonne conduite ou ses capacités.
            De là avec Creed au parc de St James où nous promenâmes tout l'après-midi, et retour à la maison à pied. Après avoir passé un petit moment à mon bureau, fis un tout dans le jardin avec ma femme. Puis à la maison souper et, après les prières, au lit. Mon frère Tom soupa avec moi et aurait dû amener ma tante Ellen, mais elle n'était pas libre.


                                                                                                                     11 mai
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            Levé de bonne heure et en barque jusqu'à Woolwich, montai à bord du Royal James pour voir de quelle façon il va être amené jusqu'à Chatham, puis un moment à l'arsenal et ensuite à pied jusqu'à Greenwich. En chemin je fus attaqué par un gros chien qui me saisit par les jarretières et aurait pu me faire du mal. Mais, Seigneur, dans quelle confusion était mon esprit, quand j'avais sur moi mon épée pour n'y avoir pas pensé un seul instant, ni avoir eu le coeur de m'en servir au risque de me faire mettre en pièces pour avoir manqué de courage !
            M'embarquai et à la maison et, à l'aller comme au retour, répétai mes leçons sur ma règle à cuber le bois, ce que je crois pouvoir entreprendre de faire avec succès maintenant.
            A la maison, comme Pembleton était là, je dansai et je pense que dans assez peu de temps j'arriverai à quelque chose.
            Après dîner à St James en voiture avec sir William Penn, laissant sa fille à Clerkenwell, nous mîmes au service du duc d'York. Une grande dispute m'opposa à sir George Carteret au sujet des différentes valeurs de la pièce de huit, estimée par Mr Creed à 4 shillings 5 pence et par Pitts à 4 shillings 9 pence. Il soutenait que le prix le plus élevé était le plus avantageux pour le roi, ce qui est la pire ineptie. Il fut cependant décidé que le sujet serait discuté au Conseil et la conclusion rapportée au Duc la semaine prochaine, ce qui tournera, je l'espère, à mon avantage.
            Puis à la commission de Tanger où nous aurions dû décider l'envoi du capitaine Cuttance et des autres à Tanger pour délibérer sur le plan du môle avant le début des travaux, mais il n'y eut pas de réunion ( milord avait l'intention de venir mais avait été retenu chez milady Castlemaine ) je partis pour la maison après une brève conversation avec Mr Pearse le chirurgien. Il me dit que milady Castlemaine a maintenant un appartement à côté de la chambre du roi à la Cour, et que l'autre jour le Dr Clarke et lui ont disséqué deux cadavres, un homme et une femme, devant le roi, à la grande satisfaction de ce dernier.
            Pris une barque et rendis visite à Tom Trice chez qui j'avais rendez-vous avec le Dr Williams. Mais le docteur ne vint pas, apparemment à la demande de Tom Trice, pensant qu'il n'aurait pas le temps. Nonobstant, pour l'essentiel il fut question de notre affaire et il ne m'apparaît pas qu'il puisse accepter de descendre en-dessous de 150 livres, et je pense que je ne les lui donnerai que si le tribunal m'y contraint. Nous nous séparâmes et je rendis visite à Mr Cromleholme et lui donnai les 10 shillings que je n'avais pas encore versés sur les 5 livres que je lui avais promises pour l'école et acheter ainsi des attaches et des lettres d'or pour les livres que je leur ai donnés. Je demeurai avec lui et sa femme à deviser un bon moment. Cette dernière est une jolie femme qui n'a pas encore eu d'enfant et, parfois, quand elle regarde certains de ses élèves, il me semble que l'eau lui vient à la bouche.
            Puis je les quittai et me rendis chez Tom Pepys, le tourneur, pour lui demander, à lui et à son père, d'écrire une lettre à Pigott, dans laquelle ils donneraient leur consentement à la vente de la terre de ce dernier afin qu'il nous paie l'argent qu'il nous doit. Puis à la maison, et comme Pembleton était là, nous dansâmes jusqu'à une heure avancée, puis souper et, au lit.


                                                                                                                       12 mai

            Levé entre 4 et 5 heures, m'habillai et ensuite à mon bureau afin de préparer mon travail pour cet après-midi. Restai toute la matinée et à midi dînai à la maison, où me fâchai un tantinet contre ma femme car elle ne pense plus qu'au maître à danser, qu'elle fait venir deux fois par jour, ce qui est une folie.
            Retour à mon bureau, réunion jusqu'à une heure avancée, principalement occupés à régler le l'histoire des pièces de huit. C'est moi qui l'ai emporté et ils se sont tous ralliés à mon avis, ce dont je suis fier.
            Restai tard à écrire des lettres, puis à la maison, souper et, au lit. Là je trouve Creed qui m'attendait, et donc, après le souper je le retins pour la nuit, et il dormit avec moi. Nous causâmes principalement de nos deux chevaliers radoteurs, dont j'ai bien honte.


                                                                                                                         13 mai

            Au lit jusqu'à 6 heures et lever. Après avoir bavardé quelque peu et fort gaiement il s'en alla, et me rendis à mon bureau où, occupé toute la matinée. A midi dîner à la maison, après Pembleton arriva et je m'exerçai. Mais Seigneur, quand je vois comme ma femme s'obstine à faire comme si elle n'avait aucun besoin de mes remarques, ni de celles de Miss Ashwell tout en plaidant qu'elle n'apprend que depuis un mois ! C'est la cause de bien des chamailleries entre nous. Puis à mon bureau où je reçus la visite de Cooper le borgne. Il me montra, à ma requête, comment utiliser les plans et comprendre les tracés, et comment trouver la façon dont la membrure est agencée, etc., à ma grande satisfaction.
            Puis arriva Mr Barrow, magasinier de Chatham, qui me conta bien des choses sur la façon méprisable dont sir William Batten s'est conduit envers lui, comme dans tout ce qu'il fait, en radoteur emporté, au grand détriment du roi. Que Dieu nous aide ! car si je ne sais point comment le roi est servi ailleurs, je suis sûr que la marine va bien mal.
            A la maison pour souper. Joué aux cartes et, au lit.


                                                                                                                             14 mai
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            Levé de bonne heure et préparé certaines choses pour les envoyer à Brampton, puis allai dans le quartier du Temple et en divers lieux pour affaires. Rencontrai Mr Moore et entrai avec lui dans une taverne de Holborn. Au cours de notre conversation il me dit craindre que le roi ne soit tenté de faire du petit duc l'héritier de la Couronne, ce qui pourrait engendrer des troubles.
            Fasse le ciel qu'il n'en soit rien, sauf s'il y a droit !
            Il me dit que milord commence à se remettre aux affaires, ce qui me réjouit car il ne lui faut pas se retirer du service du roi maintenant qu'il a réglé ses affaires privées en assurant sa fortune, et que l'autre jour le roi l'a mandé chez milady Castlemaine pour jouer aux cartes, où il a perdu 50 livres. Ce qui me désole, quoique milord me dise qu'il en était content et avait dit qu'il serait toujours heureux de perdre 50 livres afin que le roi le mandât pour jouer, ce qui ne me plaît guère.
            Puis à la maison et après dîner à mon bureau, réunion jusqu'au soir, puis terminai mes papiers et mon courrier, ensuite à la maison pour danser avec Pembleton.
            Aujourd'hui nous avons reçu un panier de ma soeur Pall, qu'elle avait elle-même confectionné avec du papier et est fort élaboré pour un simple ouvrage fait à la campagne.
            Après souper, au lit. Et au moment de me mettre au lit, reçus une lettre de Mr Coventry, requérant ma venue chez lui demain matin. Je me demandai avec inquiétude de quoi il pouvait bien s'agir, craignant que ce ne fût quelque mauvaise nouvelle au sujet de l'affaire de Tom Hayter.


                                                                                                                          15 mai

             Chez Mr Coventry je m'assis à son chevet et il me dit qu'il m'avait mandé pour m'entretenir des émoluments de milord Sandwich au titre de ses diverses charges, et de son opinion sur ce que demande milord, matières qu'il  ne pouvait permettre d'aborder en tête à tête avec lui, car ce ne serait point aussi convenable que si je m'en chargeais. Et il me rendit compte très amicalement et très franchement de tout, disant qu'il serait fort imprudent dans les conditions présentes, alors que les actes de chacun et ceux de milord en particulier, font l'objet de commentaires........ alors que le roi s'est déjà montré si généreux, ce que tout le monde remarque et cause même quelques murmures ( nte de l'édit. Sandwich en 1660 a obtenu du roi le titre de comte et une rente de 4 000 livres ). Il me pria de m'entretenir de tout cela avec milord, ce que je promis de faire.
            Nous causâmes aussi de notre bureau en général, il me dit qu'il n'en était plus du tout aussi satisfait qu'auparavant. J'avoue lui avoir dit que les choses sont dans un tel état que nous allons inéluctablement à l'effondrement à brève échéance.
            Ensuite il me parla de Mr Hayter. L'opinion du Duc était, en deux mots, qu'il avait un bon serviteur, un anabaptiste, et qu'à moins qu'il ne se conduisît de manière plus susceptible de jeter le discrédit sur le bureau, il garderait le même avis jusqu'à plus ample informé, ce qui me réjouit extrêmement.
            Puis marchai jusqu'à Westminster, me promenai dans la Grand-Salle et le Parlement toute la matinée. A midi me rendis en fiacre chez milord Crew, ayant appris que milord Sandwich y dînait. Je lui rapportai la conversation que j'avais eue avec Mr Coventry. Il ne fit pas d'objection, mais je vis bien qu'il n'était guère content. Et je crois que milord voit d'autres choses qui ne vont pas comme il le voudrait au Parlement car, dans la motion proposée par milord Bruce, nul ne pourrait se voir confier de charge à part ceux qui ont montré une constante loyauté envers le roi et l'Eglise. Il était mentionné que cela ne s'appliquerait ni au général, ni à milord. Depuis milord Bruce est allé voir milord pour se disculper.......... dînai avec lui en compagnie, un bon dîner.
            On parla d'une querelle ridicule il y a deux jours chez milord d'Oxford lors d'un divertissement. Etaient présents milord d'Albemarle, Lindsay..... et d'autres. Il y eut des mots, des coups, et des perruques arrachées, jusqu'à ce que milord Monk ôtât à certains leurs épées et envoyât chercher des soldats pour protéger la maison jusqu'à la fin de la mêlée. A quelle degré de folie la noblesse de notre époque n'a-t-elle pas atteint !
            Je montai voir sir Thomas Crew couché à l'étage car il a des maux de tête et est affligé de vapeurs et d'étourdissements. Je passai là tout l'après-midi à causer. Principalement de la funeste situation dans laquelle nous nous trouvons, de ce que le roi ne pense qu'aux plaisirs et exècre la seule vue ou la seule pensée des affaires publiques. De ce que milady Castlemaine a sur lui un empire absolu. Celle-ci, d'après lui, connaît tous les artifices de l'Arétin qu'il faut mettre en oeuvre pour donner du plaisir, ce à quoi il n'est que trop expert parce qu'il a une grosse "........ " Mais le malheur c'est que comme dit le proverbe italien, " Cazzo dritto non vuolt consiglio " ( verge dressée n'a pas d'oreilles - nte de l'édit. )
            Si l'un de ses conseillers lui donne de sages avis et le pousse à agir de façon qui serve son intérêt et son honneur, l'autre partie, c'est-à-dire les conseillers de son plaisir l'entreprennent quand il est avec milady Castlemaine et enclin au plaisir, et le persuade ensuite qu'il ne devrait ni entendre ni écouter l'avis de ces vieux radoteurs ou conseillers qui étaient naguère ses ennemis, quand Dieu sait que ce sont eux maintenant qui ont le plus grand soin de son honneur.
            Il semble aujourd'hui que les favoris du moment soient milord Bristol, le duc de Buckingham, sir Henry Bennet, milord Ashley et sir Charles Berkeley qui, ensemble, ont mis à terre milord le chancelier qui n'a plus d'espoir de s'en relever. Il ne lui reste maintenant que fort peu à faire, et il va à la Cour et attend de pouvoir parler au roi, comme les autres.
            Je prie le ciel que cela puisse s'avérer bénéfique, car l'on craint que la même chose n'advienne bientôt à milord le trésorier général. Mais il est bien étrange d'entendre que milord Ashley, par l'entremise de milord Bristol ( il a rallié le parti catholique contre les évêques auxquels il voue une haine mortelle et contre qui il invective publiquement. Ce n'est pas qu'il se soit fait catholique, il est simplement opposé aux évêques. Et pourtant, d'après ce que j'entends, l'évêque de Londres est toujours aussi en faveur auprès du roi ), jouit maintenant d'une faveur si grande que l'on pense, car c'est un homme publique d'importance tout en étant un bon vivant qui aime plaisanter, qu'il va être nommé lord trésorier général, à la mort ou au renvoi du cher vieil homme.
            .............
            On se demande fort si le roi ne veut pas faire légitimer le duc de Monmouth, mais assurément la Chambre des communes d'Angleterre ne le fera jamais, et le duc d'York ne le souffrira point. La femme de ce dernier, dit-on, le gêne extrêmement par sa jalousie. Mais c'est grande merveille que sir Charles Berkeley soit toujours si bien en cour, non seulement auprès du roi, mais aussi auprès du Duc, après avoir juré avec tant de véhémence, avoir couché avec elle, et un autre, un certain Armorer, avait affirmé avoir chevauché assis devant elle, en Hollande, je crois, tandis qu'elle lui tenait la "..... "
dans sa main.
            Il me semble que nul ne se préoccupe de l'enjeu principal, que ce soit pour favoriser le maintien de bonnes relations ou l'affrontement des hommes, Dieu sait qu'un conflit est prêt à éclater si l'un de ces hommes, Dieu nous en préserve ! s'avisait de commencer, cela parce que le roi et tout son entourage pensent trop à leurs plaisirs ou à leur profit.
            Milord Hinchingbrooke, ai-je appris, a eu le malheur de tuer son petit valet, son fusil étant parti tout seul alors qu'il chassait les oiseaux. L'arme était chargé de petit plomb, et le valet a été atteint à la face et aux tempes, et a survécu quatre jours.
            Ecosse : apparemment, et bien que les gazettes nous disent chaque semaine que tout est parfaitement calme et que toutes les affaires de l'Eglise sont réglées, les vieilles femmes de l'autre jour ont manqué tuer l'évêque de Galloway, et moins de la moitié des églises de tout le royaume font acte de conformité.
            Bien étranges ont été les effets du tonnerre et de la foudre accompagnés de fortes pluies, il y a environ une semaine, à Northampton. L'orage a causé en quelques heures des inondations extraordinaires qui ont emporté des ponts et noyé bêtes et gens. Alors que deux hommes passaient sur un pont à cheval, les arches devant et derrière eux furent emportées, et seule demeura celle sur laquelle ils se trouvaient. Cependant un des chevaux tomba et fut noyé. Des tas de fagots soulevés aussi haut qu'un clocher, et autres choses terribles. Sir Thomas Crew me montra des lettres que Mr Freemantle et d'autres lui avaient écrites, tout est parfaitement vrai.
            Les Portugais nous ont grugés, semble-t-il, sur l'île de Bombay dans les Indes orientales car, après qu'un grand nombre de vaisseaux ont été envoyés là-bas avec la commission pleine et entière délivrée par le roi du Portugal pour en prendre possession, le gouverneur, sous quelque prétexte, refuse de remettre l'île à sir Abraham Shipman, l'envoyé du roi, ou à milord Marlborough, ce que le roi prend fort mal et je crains que notre reine n'ait à en subir les conséquences.
            En Inde, la puissance des Hollandais décline considérablement et l'on pense que leurs gens vont se révolter contre eux là-bas et qu'il leur faudra renoncer à leur commerce. C'est ce qui se dit parmi nous, mais je ne peux juger si c'est vrai.
            Sir Thomas m'a montré son portrait et celui de sir Antoine Van Dyck exécuté au pastel en petit, et d'une facture admirable.
            Après avoir ainsi parlé librement avec lui, et abordé bien d'autres sujets, je me retirai. Pris un fiacre jusqu'à St James où rendis compte à Mr Coventry de ma conversation avec milord, à ma grande satisfaction. Ensuite, fort content, à la maison. Je rentre pour trouver la nuit presque tombée, et ma femme et le maître à danser, seuls en haut, occupés non pas à danser, mais à marcher. Eh bien, je suis si mortellement jaloux que j'en ai le coeur et la tête tout tourmentés et dans une agitation extrême, au point que je suis incapable de faire le moindre travail, et partis au bureau. Ensuite retour à la maison à une heure avancée, d'humeur à redire à tout. Puis, sans tarder, au lit.
            Je pus à peine fermer l'oeil, sans toutefois oser rien dire. Mais je fus forcé de prétendre que j'avais reçu du Duc de mauvaises nouvelles au sujet de Tom Hayter, pour m'excuser auprès de ma femme à qui j'ai moi-même, sot que je suis, donné trop d'occasions de se trouver avec cet homme. C'est un bel homme brun et élégant, mais il est marié
            Mais à quelle mortelle folie et à quel supplice ne me condamné-je point en étant si jaloux, et aussi en donnant moi-même à ma femme, qui n'en désirait pas tant, un second mois de leçons de danse, auxquelles, cependant, je vais mettre fin dès que je pourrai.
            J'ai honte de penser à la façon dont j'ai agi, quand je me suis couché par terre pour voir si ma femme portait comme d'habitude un caleçon aujourd'hui, et me suis livré à d'autres choses propres à augmenter les soupçons que j'ai sur elle, mais je n'ai rien trouvé qui les confirmât.



                                                                      à suivre.............

                                                                               
                                                                                                Le 16 mai 1663

            Levé l'esprit inquiet et................