Le vilain ânier
Il arriva à Montpellier qu'un vilain avait l'habitude de ramasser, avec deux ânes, du fumier pour fumer sa terre. Un jour, ayant chargé ses bêtes, il entre bientôt dans la ville, poussant devant lui les deux ânes, souvent contraint de crier : " Hue ! " Il arrive enfin dans la rue où sont les marchands épiciers : les garçons battent les mortiers. Mais sitôt qu'il sent les épices, lui donnât-on cent marcs d'argent qu'il n'avancerait plus d'un pas. Il tombe aussitôt évanoui, si bien qu'on peut le croire mort. A cette vue, on se désole ; des gens disent : " Mon Dieu, pitié ! Voyez ici cet homme mort. " Mais aucun n'en sait le pourquoi. Les ânes restent arrêtés bien tranquillement dans la rue ; car l'âne n'a guère coutume d'avancer qu'on ne l'y invite. Un brave homme du voisinage, s'étant trouvé là par hasard, vient et demande aux gens qu'il voit : " Qui veut faire guérir cet homme ? Je m'en chargerais pour pas cher. " Alors un bourgeois lui répond : " Guérissez-le-moi tout de suite ; vous aurez vingt sous de ma poche " ; et l'autre dit : " Bien volontiers ! " Avec la fourche que portait le vilain en poussant ses ânes, il prend un paquet de fumier et va le lui porter au nez . Humant le parfum du fumier, l'homme oublie l'odeur des épices : il ouvre les yeux et se dit tout à fait guéri ; et, bien content, de déclarer : " Je n'irai plus jamais par là, si j'arrive à passer ailleurs. "
Je veux montrer par cet exemple que n'a ni bon sens ni mesure qui veut renier sa nature ; chacun doit rester ce qu'il est.
MR
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