mercredi 27 février 2019

Les Méfaits du Tabac monologue Anton Tchekhov ( Théâtre Russie )

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franceculture.fr



                                         Les Méfaits du Tabac


                                    Scène-monologue en un acte

            Le personnage :
                                       Ivan Ivanovitch Nioukhine, mari de la femme, directrice d'une école de musique et d'un pensionnat pour jeunes filles 
            Décor :
                        L'estrade d'un cercle provincial.

            Nioukhine, longs favoris, pas de moustache, vêtu d'un vieil habit râpé.
                                
                                 Il entre avec majesté, salue et arrange son gilet.

            - Mesdames... et, en quelque sorte, messieurs... ( Il lisse ses favoris ) On avait demandé à ma femme que je fasse une conférence sur un sujet ou un autre, et dans un but de bienfaisance. Et donc, pour une conférence, en ce qui me concerne, cela m'est bien égal. Evidemment je ne suis pas professeur, loin de moi tout titre scientifique, nonobstant voilà trente ans déjà que je travaille on peut dire sans discontinuer et au détriment de ma santé, etc., sur des questions de caractère strictement scientifique. J'y réfléchis et j'écris, imaginez-vous, des articles scientifiques, c'est-à-dire non, pas vraiment scientifiques mais, passez-moi l'expression, comme qui dirait scientifiques. Ces jours-ci j'ai, entre autres, écrit un immense article intitulé : " Sur la nocivité de certains insectes. " Mes filles l'ont beaucoup apprécié et, en particulier, la partie où il est question de punaises. Mais moi, après l'avoir lu je l'ai déchiré.
            De toute façon, et quoi qu'on écrive, on ne peut se passer de poudre insecticide.
            Chez nous, il y a des punaises jusque dans le piano...
            Aujourd'hui, le sujet de ma conférence sera le danger que représente pour l'humanité l'usage du tabac.
            En ce qui me concerne je fume, mais ma femme m'a dit de faire ma conférence sur les méfaits du tabac, alors il n'y a plus à discuter.                                                          enerzine.com
Image associée            Va pour le tabac, cela m'est bien égal. Quant à vous, chers Messieurs, je vous proposerai d'écouter la-dite conférence avec tout le sérieux qui s'impose, sans quoi, on ne sait jamais.
            Ceux qu'i craignent la sécheresse d'un exposé scientifique, ceux qui n'aiment pas ça, peuvent ne pas m'écouter et sortir.
            ( Il arrange son gilet ).
            Je m'adresse tout particulièrement aux médecins ici présents, je leur demande toute leur attention, car il pourrait glaner dans ma conférence des renseignements utiles, le tabac, en dehors de ses méfaits s'employant aussi en médecine. Ainsi, par exemple, si on enfermait une mouche dans une tabatière, il se pourrait qu'elle y crève de dépression nerveuse.
            Le tabac c'est principalement une plante...
            Lorsque je fais une conférence, j'ai habituellement l'oeil droit qui se met à cligner, n'y faites pas attention, c'est l'émotion. Je suis un homme très nerveux en général, et je me suis mis à cligner de l'oeil en 1889, le 13 septembre, le jour même où ma femme a, en quelque sorte, donné le jour à ma quatrième fille, Varvara. Mais ( il regarde sa montre ) comme je n'ai que peu de temps ne dévions pas du sujet de la conférence. J'attire votre attention sur le fait que ma femme dirige une école de musique et un pensionnat pour jeunes filles, c'est-à-dire, pas vraiment un pensionnat, mais tout comme.
            Entre nous, ma femme aime pleurer misère, mais en fait elle a mis de côté un petit magot de quarante ou cinquante mille roubles, tandis que moi je n'ai pas un sou vaillant... enfin, que voulez-vous... Je suis l'économe du pensionnat. J'achète les provisions, je surveille les domestiques, je marque les dépenses, je confectionne les cahiers, je fais la chasse aux punaises, je promène le petit chien de ma femme, j'attrape les souris... Hier soir j'ai pesé la farine et le beurre pour la cuisinière car on devait faire des crêpes. Bref, aujourd'hui, quand les crêpes étaient prêtes, ma femme est venue à la cuisine annoncer que trois de ses pensionnaires souffrant des amygdales ne mangeraient pas de crêpes. C'est pourquoi nous avions quelques crêpes de trop. Que fallait-il en faire ? Ma femme a tout d'abord donné l'ordre de les mettre à la cave,mais, après réflexion, elle a changé d'avis et dit :
            - Mange-les toi-même, espèce d'empaillé.
            Quand elle est de mauvaise humeur elle me traite d'empaillé, ou de monstre, ou de démon. Qu'est-ce que j'ai de démoniaque, pourtant ? Elle est toujours de mauvaise humeur. Et ces crêpes, je ne les ai pas mangées, mais avalées sans mastiquer, parce que j'ai toujours faim. Hier, par exemple, elle ne m'a pas permis de dîner :                                                                   fabricademagie.ro
            - Il n'y a pas de raison de te nourrir, espèce d'empaillé...
            Mais ( il regarde sa montre ) nous bavardons, nous              bavardons et nous nous sommes un peu éloignés du sujet. Continuons. Bien que vous auriez sûrement préféré entendre une romance ou, comme qui dirait, une symphonie, un air d'opéra... ( Il chante )
            " Au coeur du combat nous ne cillerons pas... "
            Je ne me rappelle plus d'où ça sort... A propos j'ai oublié de vous dire qu'à l'école de musique de ma femme, en dehors de mes obligations domestiques, je suis également chargé d'enseigner les mathématiques, la chimie, la géographie, l'histoire, le solfège, la littérature, etc. Pour les leçons de chant, de danse, de dessin, ma femme fait payer un supplément, bien que ce soit également moi qui enseigne. Notre école de musique est située dans l'impasse des Cinq-Chiens, au numéro 13, et notre maison a 13 fenêtres... que voulez-vous... Enfin, pour tous renseignements adressez-vous à ma femme que vous trouverez chez elle à n'importe quelle heure. Quant au programme de l'école, vous pouvez, si vous le désirez, vous le procurer chez le concierge, à raison de 30 kopeks l'exemplaire.
            ( Il sort de sa poche quelques brochures )
            Je peux vous en céder quelques-uns moi-même. 30 kopeks l'exemplaire ! Personne n'en veut?
           ( Une pause )
           Personne ? Bon, 20 kopeks pièce !
           ( Une pause )
           Tant pis. Oui, nous habitons au numéro 13. Je ne réussis jamais rien, j'ai vieilli, je suis abruti.
           Me voilà en train de faire une conférence, et j'ai l'air content comme ça quant, en réalité, j'ai envie de hurler ou de me trouver à mille lieues d'ici. Et personne à qui vider mon coeur... c'est à pleurer... Vous me direz, vos filles... Les filles ? Quand je leur en parle ça les fait rire, et c'est tout... Ma femme a sept filles... Non, excusez-moi, six, si je ne me trompe...
            ( Vivement )
           Sept ! L'aînée, Anna, a vingt-sept ans, la plus jeune en a dix-sept. Messieurs... Mesdames...
           ( Après un coup d'oeil vers la coulisse )
           Je suis malheureux, je ne suis plus qu'un abruti, qu'un minus, mais, en fait, vous avez devant vous le plus heureux des pères. En fait, cela devrait être ainsi et je ne saurais dire autre chose. Si vous saviez ! J'ai vécu avec ma femme trente-trois ans, et je dois dire que c'étaient là les années les plus heureuses de ma vie. Pas vraiment les plus heureuses, mais je parle en général. Elles se sont évanouies comme un seul, bref instant de bonheur, que le diable les emporte.
            ( Un coup d'oeil vers la coulisse )
            Mais je crois bien qu'elle n'est pas encore arrivée, elle n'est pas là et je peux dire tout ce que bon me semble... J'ai horriblement peur, peur de son regard. Oui, c'est bien comme je le dis : mes filles ne se marient pas, parce qu'elles sont timides et parce que les hommes ne les voient jamais. Ma femme ne veut pas donner de soirées, elle n'invite jamais personne à un repas. C'est une dame très avare, hargneuse et méchante, c'est pourquoi personne ne vient jamais nous voir, mais... je vais vous le dire sous sceau du secret...
            ( Il s'approche de la rampe )
            On peut rencontrer les filles de ma femme lors des grandes fêtes de l'année chez leur tante, Nathalia Semionovna, celle qui a des rhumatismes et porte une sorte de robe jaune à dessins noirs, à croire qu'elle est couverte de cafards. Chez elle on sert des hors-d'oeuvre, et quand ma femme n'y est pas, on peut même se permettre de...
            ( Il fait le geste de boire )
            Il faut vous dire qu'il me suffit d'un petit verre pour être ivre, et cela me fait chaud au coeur, et en même temps ça me rend si triste que je ne saurais même pas l'exprimer. Soudain, on ne sait trop pourquoi, votre jeunesse vous remonte et, on ne sait trop pourquoi, on a envie de prendre la fuite. Ah ! si vous saviez comme on peut en avoir envie !
   chantalserriere.blog.lemonde.fr                                                          ( Il s'enflamme )
tolstoi.1272643847.jpg             Fuir, laisser tomber tout ça et fuir sans se retourner... où ? N'importe où, pourvu qu'on se sorte de cette sale petite vie sordide, de cette vie au rabais qui a fait de moi un vieil imbécile pitoyable, un pitoyable vieil idiot, fuir cette bonne femme avare, sotte, mesquine, méchante, méchante, méchante, fuir ma femme qui m'a tourmenté pendant trente-trois ans, fuir la musique, la cuisine, l'argent de ma femme, fuir toutes ces sottises, toute cette vulgarité... et s'arrêter quelque part, très, très loin, au milieu d'un champ, rester debout, comme un arbre, un poteau, un épouvantail de potager, sous un grand ciel et, toute la nuit, contempler au-dessus de sa tête, le croissant de lune calme et serin, et oublier, oublier... Oh ! comme j'aurais aimé ne plus me souvenir !... Comme j'aurais voulu m'arracher ce sale habit râpé, que je portais à mon mariage, il y a trente ans...
            ( Il arrache  son habit )
            Que je porte toujours quand je fais des conférences dans un but de bienfaisance... Tiens, voilà pour toi !
            ( Il piétine son habit )
            Voilà pour toi !. Je suis vieux, pauvre, minable comme ce gilet avec son dos usé, élimé...
             ( Il montre son dos )
            Je ne demande rien ! Je suis au-dessus de tout cela, plus propre que ça,. Il fut un temps j'étais jeune, intelligent, je faisais mes études à l'Université, je rêvais, je me considérais comme un être humain.. . Maintenant, je ne demande plus rien ! Rien que le repos... que le repos.
            ( Il jette un coup d'oeil vers la coulisse et remet rapidement son habit )
            Cependant, voilà ma femme qui arrive dans les coulisses... Elle y est, elle m'y attend...
            ( Il regarde sa montre )
           Il est l'heure... Si elle vous demandait quelque chose, dites-lui, je vous prie, que la conférence a eu lieu... que l'espèce d'empaillé, c'est-à-dire moi, s'est tenu convenablement/
            ( Il jette un coup d'oeil dans la coulisse, s'éclaircit la voix )
            Elle regarde par ici.
            ( Il élève la voix )
            A partir de la donnée que le tabac contient le poison terrible dont je viens de vous parler, il découle qu'il ne faut fumer sous aucun prétexte, et je me permettrai, en quelque sorte, d'espérer que la conférence sur " les méfaits du tabac " que je viens de faire, aura eu son utilité. C'est tout ce que j'avais à dire. Dixit et  animam levavi !

                                                             ( Il salue et sort avec majesté )

                                                      Anton Tchekhov

                                                                     ( 1902 )   
                                                  


                               


                              

samedi 23 février 2019

Palimpsestes Alexandra Lun ( Roman Belgique )


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                                                      Palimpsestes

            Czeslaw Przesnicki se définit comme un écrivain antarctique ( ! ), écrivain raté ( il n'a vendu que 6 exemplaires de son premier roman Wampir ), mais écrivain aussi a-t-il commencé à écrire son second roman Kaskader sur les vieilles feuilles du journal Standaard, enfermé dans la salle de bains de l'hôpital psychiatrique, à Liège, où il est momentanément interné, en très bonne compagnie. Son compagnon de chambre, le père Kalinowski arrivé de Pologne pour d'obscures raisons, insomniaque il prie et parle au pape et bénit son voisin. Mais " .......... je ne pouvais lutter contre la pulsion créatrice dans un lieu aussi lié à la folie et à la littérature......... " Car dans ce lieu circulent assez librement des grands noms de littérature et lors de la visite quotidienne à la doctoresse qui prétend soigner ses étonnants et intelligents patients avec des soins bartlebiens. 
            Sous l'apparent ridicule du sujet et des situations, scènes et propos récurrents d'un chapitre l'autre, le livre court est drôle et les pensées profondes abondent.
            Un jour notre héros s'aperçoit qu'il ne se souvient plus de certains adjectifs de sa langue maternelle, l'antarctique, par contre il n'a pas oublié les moments passés avec Hemingway. De son rêve de vétérinaire à la pratique des langues étrangères " ........ Les langues, à l'exception de notre langue maternelle, sont comme les chats. Pour comprendre pourquoi je ne compare pas les langues étrangères aux chiens............. Les chiens sont l'image stéréotypée de la fidélité......... Ni un chat, ni une langue étrangère ne perd son temps avec quelqu'un qui ne lui voue pas un culte quotidien, et seuls les langues maternelles et les chiens peuvent défier l'oubli............. "
            Dans le cabinet de la doctoresse, Czeslaw croise Nabokov agité crie ;
            " - Et qu'allez-vous faire de nous les immigrants littéraires ? Nous expulser de votre pays d'écrivains natifs ?.......... Parce que nous sommes des écrivains illégaux ?................ Passer du russe à l'anglais comme langue d'écriture a été une expérience très douloureuse. Comme si j'avais dû réapprendre à m'emparer des objets......... Ma tête parle anglais et mon coeur, russe ! et mon ouïe, français !.................."
            Dans le cabinet de la doctoresse l'auteur ( c'est écrit à la 1re personne ) croise Conrad qui interpelle comme dans ses livres, en marin, Cioran, l'écrivain roumain qui écrit en français :
            " - ............ Il m'a été difficile d'écrire en français...... parce que par tempérament cette langue ne me convient pas. Il me faut une langue sauvage, une langue d'ivrogne. Le français a été pour moi une camisole de force........... "
            " Samuel Becket pour vous servir....... " Formule répétée  plusieurs fois.
            Que dire à une femme qui a déjà combattu un lion, écrit en anglais ".... parce que ça lui rapporte davantage....... " Karen Blixen.
             Ionesco, père roumain et mère française, et d'autres internés provisoires seront peut-être membres de l'association qui veut protéger les auteurs de langues maternelles, de langues marâtres.
             Alexandra Lun, née en Pologne, vit en Belgique, écrit en Espagnol, publie en France ce premier roman.
           







            

mardi 19 février 2019

Mozart Lettres à sa soeur ( extraits ) 5 ( Correspondance Allemagne )


cineclubdecaen.com

                                   Leopold Mozart à Lorenz Hagenauer à Salzbourg

                                   Vienne, le 29 juin 1768

            .......................
            J'aurais bon nombre de choses à vous raconter au sujet des complots les plus perfides et des persécutions les plus cyniques dont nous sommes l'objet, mais je suis trop fatigué pour y réfléchir et préfère me réserver pour " une conversation de vive voix qui ne saurait tarder ".
            ..................
            Nous sommes, Dieu merci, en bonne santé, même si les envieux nous attaquent de tous côtés. Vous le savez je m'en tiens à ma vieille maxime : " in te Domine speravi, etc., fiat voluntas tua, etc." Ma femme, Wolfgang, Nannerl et moi vous faisons à tous nos compliments et espérons bientôt recevoir de vos nouvelles, sinon nous viendrons les chercher nous-mêmes. Nos compliments à tous nos bons amis et amies, et je suis le vieux...



                                      Leopold Mozart à id..

                                      Vienne, le 30 juillet 1768

            ....................... En ce qui concerne notre si long séjour à Vienne, nous sommes extrêmement mécontents. Oui, seul notre honneur nous retient ici, sinon nous serions depuis longtemps de retour à Salzbourg. Voudriez-vous en effet que tout Vienne dise que Wolfgang n'a pas été capable de terminer l'opéra, ou qu'il était si mauvais qu'il ne put être mis en scène, ou encore qu'il ne l'avait pas composé lui-même mais que son père l'avait écrit, etc. Voudriez-vous que nous attendions de sang-froid que l'on répande de telles calomnies dans le monde entier ?...........
            Je ne peux ici qu'esquisser brièvement l'affaire, car il est impossible de la décrire dans tous ses détails, mais vous allez comprendre. Si j'avais su tout ce que je sais maintenant et si j'avais pu me douter de ce qui allait se passer, Wolfgang n'aurait pas écrit une seule note et serait depuis longtemps à la maison.
            Le théâtre est donné en bail ou plutôt livré à un certain Affligio. Celui-ci paye quelques milliers de florins à des gens que la cour devrait sans cela rémunérer, et l'empereur et la famille impériale ne paient rien pour leurs loges. Par suite la cour n'a pas un mot à dire dans les affaires de cet Affligio, du fait que l'entreprise est à ses risques et périls et qu'il risque vraiment de courir à sa perte, comme vous allez bientôt l'apprendre.                                                                     repro-tableaux.com
            Sa Majesté avait demandé à notre Wolfgang s'il voulait écrire un opéra, et dit qu'il aimerait le voir diriger lui-même au clavecin. Sa Majesté en fit prévenir Affligio qui se mit d'accord avec nous pour nous verser 100 ducats. L'opéra devait être écrit pour Pâques, mais le poète fut le premier à l'empêcher en tardant toujours plus à apporter les modifications nécessaires ici ou là, de sorte qu'à Pâques nous n'avions reçu de lui que deux airs corrigés. On remit alors à la Pentecôte.......  C'est alors que les masques tombèrent. Car entre temps tous les compositeurs, Glück en particulier avaient tout mis en oeuvre pour empêcher l'opéra d'avancer. On embobina les chanteurs, on ameuta l'orchestre et l'on fit tout pour bloquer sa mise en scène. Les chanteurs qui savent de toute façon à peine lire leurs notes et dont certains doivent apprendre d'oreille leurs rôles, ont dû affirmer qu'ils ne pouvaient pas chanter leurs airs alors qu'ils les avaient auparavant entendus chez nous, les avaient approuvés, applaudis et dit qu'ils leur convenaient. L'orchestre ne voulait plus être dirigé par un enfant, et cent objections de ce genre.
            Entre temps, certains firent courir le bruit que la musique ne valait pas un clou, d'autres affirmèrent qu'elle ne suivait pas les paroles ni la prosodie car l'enfant ne comprenait pas suffisamment l'italien.
            Dès que j'entendis cela je me mis à apporter la preuve, dans divers endroits bien en vue, que le père de la musique, Hasse et le grand Metastasio avaient déclaré que les calomniateurs n'avaient qu'à venir les trouver pour entendre de leur bouche que 30 opéras étaient donnés à Vienne qui ne valaient pas celui du petit garçon, et qu'ils avaient tous deux la plus grande admiration pour lui.
            On dit alors que ce n'était pas l'enfant qui avait composé l'opéra, mais le père.
            Mais ici les calomniateurs perdirent tout crédit......... et s'assirent dans la moutarde.
            Je fis prendre le premier volume venu des oeuvres de Metastasio, fis ouvrir le livre et présenter à Wolfgang............ il prit la plume et, sans trop réfléchir, et devant de nombreuses personnes de qualité, il composa à une vitesse étonnante la musique de cet air et un accompagnement de nombreux instruments..........
            Cent fois j'ai voulu faire mes malles et m'en aller, si cet opéra avait été un " opéra seria " .......... mais comme c'est un opéra buffa...........
Nous sommes des gens honnêtes qui font connaître au monde pour la gloire de leur prince..... un miracle que Dieu a fait naître à Salzbourg. Je dois cette reconnaissance à Dieu, sinon je serais la personne la plus ingrate qui soit..............
            Vous voyez comme nous devons nous battre en ce monde. Si l'homme n'a aucun talent, il est suffisamment malheureux, mais s'il en possède un les envieux le poursuivent en proportion de son talent...........



                                               Leopold Mozart à id.

 repro-tableaux.com                                               Vienne, le 6 août 1768

            ;.............................. Avez-vous entendu parler du succès de l'innoculation de la variole ?
            A Meidling, près de Schönbrunn, l'impératrice a mis une maison à la disposition des enfants traités par " l'inoculateur anglais ".
            Il s'agit d'enfant pauvres  qui reçoivent chacun, ou plutôt leurs parents, un ducat à leur admission.
            40 ont déjà été inoculés avec succès. L'empereur et l'impératrice viennent presque chaque jour leur rendre visite et soutiennent de toutes leurs forces cette entreprise.
            En revanche, presque tous les médecins sont furieux.
            Ce n'est pas étonnant, cette maladie et le traitement rapportaient généralement gros, quelle qu'en soit l'issue.
            Dieu merci, notre inoculateur était " le meilleur ".



                                              Leopold Mozart à id..
        
                                              Vienne, le 14 septembre 1768

            ... En ce qui concerne l'opéra de Wolfgang, je ne puis en bref rien vous dire d'autre, si ce n'est que tout l'enfer musical s'est déchaîné pour empêcher que soit constaté le talent d'un enfant. Je ne peux faire pression pour que l'on monte l'opéra, car si cela devait être, on m'a juré qu'il serait interprété de manière misérable afin qu'il échoue. Je dois attendre l'arrivée de l'empereur, sinon la bataille aurait commencé depuis longtemps. Je ne laisserai rien passer, croyez-moi, qui puisse sauver l'honneur de mon enfant. Je le savais depuis longtemps, mais je le redoutais depuis longtemps encore. Je l'ai d'ailleurs déjà dit à Son Excellence le comte von Zeil qui croyait pourtant tous les musiciens prévenus en faveur de Wolfgang, car il portait son jugement sur les apparences et ignorait la méchanceté de ces animaux. Patience, le temps éclairera cette affaire et Dieu ne permet rien en vain
            Adieu, je suis le vieux.



                                            Species Facti de Leopold Mozart

                                            Vienne, le 21 septembre 1768

            Species Facti                                                                                                jaime.litalie.free.fr
            Après que la noblesse viennoise se fut convaincue du talent extraordinaire de mon fils, tant par les nouvelles reçues de l'extérieur que par ses propres investigations et après l'avoir mis à l'épreuve, on fut généralement d'avis qu'il serait merveilleux qu'un enfant de 12 ans écrivit un opéra et le dirigeât lui-même, ce qui ne s'est jamais vu, ni actuellement ni dans le passé. Un article paru dans une revue scientifique de Paris renforça cette opinion car, après une description détaillée du génie de mon fils, l'auteur affirme ; " je ne désespère pas qu'avant qu'il ait atteint l'âge de 12 ans il n'ait déjà fait jouer un opéra sur quelque théâtre d'Italie ", et chacun croyait qu'il devait réserver une telle gloire à sa patrie.......... Le ministre hollandais, le comte von Degenfeld,fut le premier a en faire la proposition à l'imprésario Affligio........... le chanteur Caratoli fut le second à en parler à Affligio, et l'affaire fut conclue avec l'imprésario chez le médecin Laugier............
            Je demandai à Caratoli de venir l'entendre......... il vint et son admiration fut telle qu'il revint le lendemain en compagnie de Garibaldi..............
L'opéra était donc fini depuis quelques semaines............. mon fils avait à diverses occasions interprété au piano devant la noblesse l'un ou l'autre air...... à l'émerveillement de tous................
            Seulement, comment aurais-je pu l'imaginer !, c'est alors que commencèrent les persécutions  contre mon fils......................
            Mais ici,...........  les chanteurs n'avaient pas encore suffisamment appris leurs rôles et n'avaient eu aucune répétition au piano, n'avaient pas étudié ensemble les " finali ", et pourtant on fit une répétition du premier acte avec tout l'orchestre, pour conférer dès le début un aspect confus et amoindri de cette oeuvre.............
            Après la répétition Affligio me dit : " que c'était bien, mais.......... il convenait d'y apporter quelques modifications........... "
            On modifia donc............ Finalement le terme était passé et j'entendis dire qu'Affligio avait fait distribuer aux chanteurs les parties d'un autre opéra. On dit même qu'Affligio n'avait pas l'intention de monter l'opéra et qu'il avait laissé entendre que les chanteurs n'étaient pas en mesure de le chanter, alors que ces derniers l'avaient approuvé auparavant et en avaient chanté les louanges.
            Pour assurer ma position contre ces racontas mon fils interpréta tout l'opéra au piano devant........ des mélomanes. Tous s'étonnèrent........ ils ne comprenaient pas cette attitude méchante, fausse et peu chrétienne.............. qu'au lieu d'encourager un talent surnaturel, il était étonnant de découvrir une cabale dont le seul but était d'empêcher un enfant innocent d'acquérir la gloire et l'honneur qu'il mérite.
            Je me rendis chez l'imprésario pour essayer d'apprendre la vérité. Il me dit :
            " Qu'il n'avait jamais été contre la mise en scène de l'opéra, mais que je ne pouvais lui tenir rigueur s'il voyait d'abord ses intérêts. On lui avait fait part de quelques doutes quant au succès qu'il pourrait remporter, qu'il donnait actuellement la Cecchina........qu'après il ferait tout de suite donner l'opéra de l'enfant........... il aurait au moins deux opéras à proposer............. "
            Mais les ennemis du pauvre enfant, quels qu'ils soient, ont une fois de plus contrecarré le plan. Je voulus m'en assurer et je me rendis chez lui et il me confirma la chose suivante
           " Il avait convoqué les chanteurs, ceux-ci avaient certes reconnu que la musique de l'opéra était incomparable, mais qu'elle manquait de caractère théâtral et qu'ils ne pouvaient donc pas le jouer
            Je ne compris absolument rien à ce discours............ Je lui répondis " qu'il ne pouvait exiger que l'enfant se soit donné pour rien la peine de composer un opéra. Je lui rappelai son accord et lui fis comprendre qu'il nous avait tenus en haleine pendant quatre mois, ce qui avait entraîné des frais........"
            Devant mes exigences bien justifiées, il me donna une réponse incroyable qui prouve bien son embarras à se sortir, je ne sais comment, de toute cette affaire et prit congé de moi avec des mots méchants et scandaleux, disant que " si je voulais prostituer mon enfant, il ferait huer et siffler l'opéra." 
            Coltellini en est témoin. Telle serait donc la récompense proposée à mon fils pour la peine qu'il s'est donné d'écrire un opéra ( son manuscrit comporte 558 pages) pour le temps perdu............ Quelles que soient ces balivernes et ces contradictions elles pourraient s'évanouir en fumée, à la honte des diffamateurs envieux et déshonorants, si l'on soumettait à un examen minutieux les facultés musicales de mon fils, ce que je demande humblement de faire entreprendre à l'occasion afin de rétablir son honneur.
            Chacun pourra alors constater qu'il ne s'était agi que de persécuter, dans la capitale de sa patrie allemande, et de faire le malheur d'une créature à laquelle Dieu a conféré un talent extraordinaire, que d'autres nations ont admiré et encouragé.


                                                                    à suivre................
         

   
          





dimanche 17 février 2019

Mozart Lettres à sa soeur ( extraits ) 4 ( Correspondance Allemagne )


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                                      Mozart Correspondance avec sa soeur

            Leopold Mozart à id..

            Londres le 9 juillet 1765

            Monsieur !

            Vous pensez sans aucun doute tous que nous avons déjà traversé la mer. Mais cela n'a pas encore été possible, et lorsque nous en partirons, ce ne sera pas pour revenir en Angleterre 3 jours après, bien qu'on ne doive jamais jurer de rien............
            Je vous demande de faire dire 6 saintes messes dès que vous recevrez cette lettre...........Elles doivent nous préparer le chemin en mer. Je vous demande aussi de préparer les poêles dans notre appartement............ Je vous demande de faire vérifier aussi les serrures des trois pièces, celles des enfants en particulier........... je compte m'asseoir à Salzbourg auprès d'un vrai poêle............



             Le Secrétaire du British Museum à Léopold Mozart à Londres

            Monsieur. J'ai reçu l'ordre du " Comité permanent des Administrateurs du British Museum"de porter à votre connaissance " qu'ils ont reçu les compositions musicales de votre fils si talentueux ", dont vous avez eu l'obligeance de leur faire cadeau, et dont ils vous remercient.

                                                                                                          M. Maty
                                                                                                        Secrétaire



            Leopold Mozart à id..

             à la La Haye le 12 Décembre 1765

              Monsieur.
              Afin de vous ôter immédiatement tout souci, sachez que nous sommes encore tous en vie, Dieu merci.  Je pense même pouvoir dire que nous sommes tous en bonne santé : car notre cher Wolfgangerl a lui aussi surmonté une terrible épreuve et se trouve en voie de guérison.
            A peine ma fille était-elle sortie du lit depuis 8 jours et avait-elle appris à se mouvoir seule dans la chambre que Wolfgangerl fut, le 15 nov. pris de malaises qui le mirent en 4 semaines en un état si misérable qu'il est absolument méconnaissable et n'a plus que la peau fragile sur les os. Mais depuis 5 jours on peut le sortir du lit et le porter dans un fauteuil. Hier et aujourd'hui nous lui avons même fait faire quelques pas dans la chambre de façon à ce qu'il réapprenne à bouger les jambes et à se tenir debout  tout seul. Vous voulez savoir ce qu'il a eu ? Dieu seul le sait !
            J'en ai assez de vous décrire des maladies.
             Cela a commencé par des vapeurs. Nous n'avions plus de poudre noire et lui avons donné, selon notre habitude, 3 fois de suite un peu de poudre du margrave, mais sans obtenir d'effet. Je pensais que c'était une sorte de fièvre aiguë, et c'était bien cela... Plus ces médicaments le faisaient transpirer, plus il devait boire, de l'eau et du pain trempé, et un faible thé. Le 23 on lui donna un clystère et les médecins eurent très peur. Le 30 il semblait en grand danger, mais le 1er décembre cela alla mieux et il resta 8 jours au lit sans prononcer une parole. On dit que la fièvre était passée mais il fallait veiller à ce qu'il récupère  les forces qu'il avait perdues... En un mot après qu'il eût dormi pendant presque 8 jours, sans prononcer un mot, il reprit enfin ses esprits et quelques forces. Il se mit alors à parler nuit et jour, sans que l'on comprenne ce qu'il disait.
           Maintenant cela va bien ( Dieu merci ). Pendant sa maladie il fallut surveiller particulièrement sa langue, car elle était la plupart du temps sèche comme du bois et très chargée de sorte qu'il fallait la lui nettoyer. Ses lèvres pelèrent 3 fois et leur peau devint dure et noire. Nos veillées reprirent de la même manière que lors de la maladie de ma fille. C'est d'ailleurs une grande grâce que nous ayons pu surmonter tout cela, ma femme en particulier..Maintenant patience ! ............ Je ne dois pas penser aux frais, au diable l'argent si l'on sauve sa peau. Je ne veux pas vous décrire l'état dans lequel nous nous trouvons depuis 3 mois. Sans une grâce extraordinaire de Dieu, mes enfants n'auraient pu surmonter ces graves maladies et nous n'aurions pu survivre à ces accidents...........
             Ma fille va si bien maintenant qu'on ne remarque plus qu'elle a été malade. Je prie Dieu que notre Wolfgang aille mieux lui aussi dans quelques semaines, car la jeunesse guérit vite...........
            La maladie de mes enfants n'a pas attristé que nous, mais tous nos bons amis ici, en particulier la maladie de notre Wolfgang, car on ne connaît pas encore ma fille puisqu'elle est tombée malade le lendemain de notre arrivée............
            ............  Nous nous recommandons encore à vos prières en espérant pouvoir vous revoir, avec l'aide de Dieu, je suis, ainsi que ma femme prisonnière de notre logis ainsi que nos deux enfants ressuscités des morts... le vieux.............

rocbor.net

                                                                1766


            Leopold Mozart à id..

            Paris, mai 1766

            ...... Bien que pendant notre présence à Amsterdam toute représentation publique ait été interdite à cause du carême, nous fûmes autorisés à donner un concert pour la raison bien pieuse et sage que la représentation des dons exceptionnels sert à la louange de Dieu. On ne donna d'ailleurs que de la musique composée par Wolfgang..................



            Leopold Mozart à id..

             Paris, le 16 mai 1766

              Monsieur !
              Vous devez être sans doute extrêmement étonné de ne pas avoir reçu de lettres depuis si longtemps............ La maladie de mes enfants est la seule raison pour laquelle je ne vous ai pas donné de description exacte de la Hollande, comme j'avais pris l'habitude de le faire en France et en Angleterre. Nous sommes retournés d'Amsterdam à La Haye pour la fête du prince d'Orange, qui eut lieu le 11 mars et dura quelque temps,, où l'on demanda à notre petit compositeur d'écrire 6 Sonates pour le clavier avec l'accompagnement d'un violon pour la soeur du prince, la princesse von Nassau-Weilburg, sonates qui ont été immédiatement gravées. Il dut de plus écrire quelque chose pour le concert du prince et composer des airs pour la princesse, etc. Vous verrez tout cela lorsque nous serons de retour. J'ai demandé à M. Kulman de vous envoyer une petite caisse à Salzbourg.. Dès que vous la recevrez je vous prie de l'ouvrir et d'y chercher le petit paquet large et non scellé sur lequel est écrit Musica. Vous y trouverez 2 exemplaires des Sonates gravées à La Haye. Vous en prendrez un avec la partie de violon respective, ferez relier séparément la partie de violon et aurez l'obligeance de les présenter respectueusement de notre part à Sa Grâce le Prince Archevêque, etc., etc. Dans le paquet en question se trouvent encore deux séries de variations que Wolfgang a dû faire sur un air ( pour l'installation du prince à sa majorité ) et l'autre qu'il a écrite rapidement sur une mélodie que tout le monde chante, joue et siffle en Hollande.
            Ce ne sont que des bagatelles.................

         
            ................................
            ..................................

           Leopold Mozart à id..
          
           Munich, le 15 novembre 1766  
                                                                                                                     peinturesetpoesies.blog50.com
            S'il ne tenait qu'à moi....... je serais à Ratisbonne pour répondre au désir insistant du prince Louis de Wurtemberg, tout comme à celui du prince de Furstenberg et de son Altesse le prince Taxis. Ce n'est qu'à deux pas d'ici et je serais rentré à la maison par Landshut et Altotting. C'est d'ailleurs le chemin que nous prendrons....... Mais je doute fort que nous passions par Ratisbonne, car je dois tout d'abord attendre la guérison totale de notre Wolfgangerl et nous ne savons toujours pas quand nous pourrons partir. Entre temps le climat ne fait qu'empirer. Notre chère madame Hagenauer se rappellera que notre Wolfganglerl est tombé malade à notre retour de Vienne et qu'il alla si mal que l'on craignît la variole. A la fin cela se porta sur les jambes, qui le firent souffrir, etc.
            Cela recommence maintenant il n'a pu mettre un pied par terre, ni remuer le moindre orteil ni les genoux. Personne ne pouvait le toucher et il a passé 4 nuits sans dormir. Cela l'a terriblement affaibli et nous a causé d'autant plus de soucis que vers le soir, en particulier, il était pris de vapeurs et de fièvre. Aujourd'hui il va visiblement mieux, mais il s'écoulera bien encore 8 jours avant qu'il ne soit complètement rétabli. Mon Dieu, 100 florins sont vite dépensés, et je suis déjà habitué à ces mauvaises plaisanteries...........Je ne manquerai pas de vous annoncer la date de notre retour................



             Leopold Mozart à id..

             Munich, le 22 novembre 1766

              Je commence moi-même à perdre patience. Jusqu'à maintenant Wolfgangerl était souffrant, il est sorti hier pour la première fois, et aujourd'hui le prince électeur a un concert auquel nous devons nous rendre. L'impatience dont je parle vient de l'usage fort désagréable à la présente cour de faire attendre les gens bien longtemps. Je peux vous assurer que je ne me serais pas montré chez son Altesse si j'avais pu m'en abstenir avec bienséance. Mais comme son Altesse avait insisté lors de notre dernier passage pour que nous lui rendions visite à notre retour, et mes enfants ont fait une telle sensation dans une grande partie de l'Europe que je ne puis guère passer ici sans m'arrêter..............
            Par ailleurs, je ne peux vous cacher que plus je m'approche de Salzbourg, plus me parviennent aux oreilles des ragots infantiles dont j'aurais aimé être épargné. J'ai, Dieu merci, été à l'abri de ces farces pendant quelques années et souhaite le rester. En particulier on parle d'une manière très étonnante de l'accueil qui nous est réservé à notre cour. Je vous assure que cela me semble étrange et que cela aurait un effet auquel certains ne s'attendent pas, car après de grands honneurs, je ne serais absolument pas en mesure de digérer des grossièretés.



                                                              1767


            Leopold Mozart à id..

            Olmütz, le 10 novembre 1767

            Le Petit!

            Wolfanglerl a surmonté la variole !
             Et où ? ---- A Olmütz !
             Et chez qui ? --- A la Résidence de Son Excellence monsieur le comte Podstatsky.............
             .........................
             J'ai encore un souci, que ma fille ait aussi la variole, car qui sait si les diverses maladies qu'elle a eues étaient bien la variole ......................


            Leopold Mozart à id..

            Olmütz, le 29 novembre 1767

            Je reçois à l'instant votre lettre.
            
            plusieurs fois
            Le Petit!
            Ma fille a heureusement guéri de la variole !
            ...........................



                                                                          1768


            Leopold Mozart à id..

             Vienne, le 30 janvier 1768

             ....................                                                                        peintres.celebres.free.fr
            Il est temps de vous donner plus amples et plus claires nouvelles sur notre situation, bonne ou non, je n'en sais rien, et de prendre votre conseil amical. Si l'argent est le seul bonheur de l'homme, nous sommes alors bien à plaindre du fait que nous avons dépensé une grande partie de notre capital, ainsi que vous le savez, et qu'il n'y a apparemment que peu d'espoir de nous refaire un peu. En revanche, si la santé et la connaissance des sciences constituent les plus grands biens de l'homme, nous nous en tirons alors assez bien, Dieu soit loué, . La tempête la plus dangereuse est passée, nous sommes tous en bonne santé, par la grâce de Dieu, et mes enfants non seulement n'ont rien oublié, mais, comme vous le verrez, ont fait de grands progrès. 
            Rien ne vous semblera plus incompréhensible, je le sais, que d'apprendre que nos affaires ne suivent pas un meilleur cours. Je vais vous l'expliquer aussi bien que possible, même si je dois omettre certaines choses qu'on ne peut confier à la plume.
            Il est bien connu que les Viennois, " in genere ", ne sont guère avides de spectacles sérieux et raisonnables, qu'ils ne s'en font guère d'idée et ne veulent voir que des choses faciles, des danses, des diables, des fantômes..............   Alors que je réfléchissais à cette affaire et pensais que j'avais déjà dépensé tant d'argent qu'il serait peut-être folie de rentrer à la maison sans avoir attendu autre chose, il survint un tout autre événement. J'ai appris que tous les clavecinistes et compositeurs de Viennes s'opposent à la réussite de nos projets, à la seule exception de Wagenseil, mais comme il est malade et ne peut sortir de chez lui, il ne peut guère nous aider ni contribuer à nous soutenir. La principale maxime de ces gens consiste à éviter prudemment toute éventualité de rencontre ou de confrontation avec la science de Wolfgangerl, et pourquoi ? Pour pouvoir répondre chaque fois qu'on leur demande s'ils ont entendu le petit garçon, et ce qu'ils en pensent, qu'ils ne l'ont pas entendu et que cela ne peut en aucun cas être vrai, qu'il s'agit de simulacres et d'arquelinades, de choses préparées qu'on lui donne à jouer de la musique qu'il connaît déjà, qu'il est ridicule de croire qu'il compose, etc., etc. Voyez-vous c'est pour cela qu'ils nous évitent, car celui qui l'a vu et entendu ne peut parler ainsi courir le danger de se déshonorer.
            J'ai pris au piège un de ces personnages. Nous étions convenus avec quelqu'un qu'il nous fasse discrètement savoir lorsqu'il serait présent. Il devait venir et soumettre à cette personne un concerto extrêmement difficile que l'on présenterait à Wolfgangerl et il eut l'occasion d'entendre Wolfgangerl jouer son concerto comme s'il l'avait su par coeur. L'étonnement de ce claveciniste et compositeur fut tel que les expressions et le langage qu'il employa pour faire part de sa surprise nous permirent à tous de comprendre ce que je viens de vous dire plus haut. Et finalement il dit :
            " - Je ne peux rien dire de plus, en tant qu'honnête homme, sinon que cet enfant est le plus grand homme qui soit au monde actuellement. Il m'était impossible de le croire. "
            Donc pour convaincre le public de ce qu'il en est, j'ai pris la décision d'apporter une preuve extraordinaire : il écrira un opéra pour le théâtre.
            Quel bruit cela n'a-t-il pas fait dans la coulisse, parmi ces compositeurs ! Quoi ? un opéra ?
            Aujourd'hui on verra un Glück et demain un garçon de 12 ans assis au piano et diriger ? Oui, malgré tous les envieux ! J'ai même amené Glück à nous soutenir, de sorte que même s'il ne le fait pas de très bon coeur, il ne peut rien laisser paraître, car ses protecteurs sont aussi les nôtres.............. Les suites de cette entreprise, si Dieu permet de la mener à bien, sont si importantes et si évidentes qu'il n'est pas besoin de plus d'explications. Maintenant je ne peux me montrer avare, car cela me sera remboursé aujourd'hui ou demain. Qui ne risque rien n'a rien. Je dois mener à bien ce projet.. Ça marche ou ça casse ! Et quel endroit s'y prête le mieux que le théâtre ? L'opéra ne se donnera toutefois qu'après Pâques, cela va de soi............ On ne trouve pas de chanteurs pour les opéras sérieux, ici, même l'opéra triste de Glück, Alceste, est interprété par des chanteurs de "l'opéra buffa ".............. Qu'en dîtes-vous ? La gloire d'avoir écrit un opéra pour le théâtre de Vienne ne constitue-t-elle pas le meilleur moyen de nous procurer du crédit non seulement en Allemagne, mais aussi en Italie ? Adieu
             
            
                                                                                 
                                                                               à suivre...................



                     
                


                       
         






















samedi 16 février 2019

Le lièvre et le moineau Esope jouant Phèdre ( Poème Fran consice )





                                 Le lièvre et le moineau


            Ne pas prendre garde à soi et conseiller les autres
            Est une sottise ; quelques vers le montreront.

            Terrassé par un aigle, à travers ses sanglots,
            Le lièvre subissait les reproches d'un moineau :
            " Où est ta célérité ? Avais-tu le pied si lent ? "
            Le moineau parlait encore, lorsque soudain l'épervier
            L'attrape et le tue, malgré ses cris et ses plaintes.
            Et le lièvre, à demi-mort : " Cela, dit-il, me console.
            Tout à l'heure, à l'abri, tu riais de mes maux,
            Comme moi, à présent, tu pleures et plains ton sort. "


                                                  Phèdre
                                                            ( env. 7 avt J.C. - env. 50 ap. J.C. )



                                         Passer ad leporem consiliator

            Sibi non cavere et aliis consilium dare
            stultum esse paucis ostendemus versibus.
    
            Oppressum ab aquila, fletus edentem graves,
            leporem objurgabat passer : " Ubi pernicitas
            nota, inquit, illa est ? quid ita cessarum pedes ? "
            Dum loquitur, ipsum accipiter necopinium rapit
            questuque vano clamitantem interficit.
            Lepus semianimus : " Mortis en solactum,
            Qui modo securus nostra irridebas mala,
            simili querela fata deploras tua. "


                                        

                                  
                                             Phaedrus
                                   ( trad. voir La Femme en travail ) 



                                                                                                                                   humourenpj.net                                       Esope jouant

                               ( Sur le jeu et le sérieux )

            Voyant au milieu d'une bande de gamins
            Esope jouant aux noix, un Athénien goguenard
            Le traita de fou. Le vieillard, qui l'aperçut,
            Plus porté à se moquer qu'à subir les moqueries,
            Mit au centre de la rue un arc détendu ;
            " Hé, dit-il, l'homme sérieux : explique ce que j'ai fait. " 
            Aussitôt les gens accourent ; l'homme se creuse l'esprit
            Longtemps, sans trouver la solution de l'énigme.
            A la fin, il y renonce. Le sage, alors, victorieux :
            " Si ton arc reste tendu, tu l'auras vite rompu.
            Détends-le, il restera utilisable à ton gré.
            Donne ainsi à ton esprit des moments de détente,
            Et tu le retrouveras plus dispos pour réfléchir. "


                                                 Phèdre
                                                            ( env. 7 avt J.C. - env. 50 ap. J.C. )


                                    Aesopus ludens

                              ( De lusu et severitate )
            Puerorum in turba quidam ludentem Atticus
            Aesopus nucibus cum vidisset, restitit
            et quasi delirum risit. Quod sensit simul
            derisor potius quam deridendus senex,
            arcum retensum posuit in media via ;
            " Heus ! inquit sapiens, expedi quid fecerium. "
            Concurrit populus. Ille se torques diu
            nec questionis positae causam intellegit.
            Novissime succumbit. Tum victor sophus :
            " Cito rumpes arcum semper si tensum habueris ;
            at si laxaris, cum votes erit utilis.
            Sic lusus animo debent aliquendo dari,
            ad cogitendum melior ut redeat tibi. "


                                           Phaedrus
                                   ( trad. voir La Femme en travail ) 
             


                                         
                                       
                                               



            
                                              
             
            


lundi 11 février 2019

Mozart Lettres à sa soeur ( extraits ) 3 ( Correspondance Allemagne )


lidicel.free.fr


                                       Correspondance Mozart avec sa soeur

            Leopold Mozart à Maria Theresa Hagenauer à Salzbourg en Bavière

            Paris, le 1er février 1764

             Madame !
             On ne doit pas toujours écrire aux hommes, mais aussi se souvenir du beau et pieux sexe. Je ne puis vraiment vous dire si les femmes sont belles à Paris, car elles sont peintes, contre toute nature, comme les poupées de Berchtesgaden, de sorte que même celles qui sont belles à l'origine deviennent insupportables aux yeux d'un honnête Allemand à cause de cette repoussante élégance. Pour ce qui est de la piété, je peux vous assurer que l'on aura guère de mal à étudier les miracles des saintes françaises. Les plus grandes merveilles sont effectuées par celles qui ne sont ni vierges, ni épouses, ni veuves, et elles ont toutes lieu de leur vivant. Nous reparlerons de cela plus clairement en son temps. Bref ! on a ici quelque peine à découvrir qui est la maîtresse de maison, car chacun vit à son gré........
            ........ Ici tout va à pas de tortue, encore plus que dans les autres cours, et surtout que tout doit être organisé par les Menu des plaisirs, il faut avoir de la patience.
            Si la reconnaissance est égale au plaisir que mes enfants ont procuré à la cour, le résultat sera excellent.
            Il convient de remarquer qu'il n'est ici nullement d'usage de baiser la main des altesses royales ni de les importuner en leur remettant des requêtes, encore moins de leur adresser la parole, " au passage ", comme l'on dit ici, lorsqu'elles se rendent à l'église par la galerie ou aux appartements royaux. Il n'est pas non plus usuel de rendre hommage au roi ou à quiconque de la famille royale en courbant la tête, ou en faisant une révérence, mais on reste droit, sans bouger, on a ainsi le loisir de voir passer le roi et sa famille jute devant soi. Vous pouvez de ce fait facilement vous imaginer l'effet et l'étonnement produits sur les Français si imbus de leurs usages de cour, lorsque les filles du roi, dans leurs appartements tout comme au passage public, se sont arrêtés à la vue de mes enfants, s'en sont approchées et non seulement se sont laissé baiser la main, mais les ont embrassés et se sont fait embrasser par eux en un nombre incalculable de fois. Madame Dauphine a également fait de même.
            Mais le plus extraordinaire pour MM. les Français a eu lieu " au grand couvert ", le soir du Jour de l'An, où l'on a dû non seulement nous faire place jusqu'à la table royale, mais où mon Wolfgangus a eu l'honneur de se tenir tout le temps près de la reine avec qui il put converser et s'entretenir, lui baiser souvent la main et prendre la nourriture qu'elle lui donnait de la table et la manger à côté d'elle. La reine parle allemand comme vous et moi. Mais comme le roi n'y entend rien,elle lui traduisit tout ce que disait notre héroïque Wolfgang..................
            Vous ne pouvez me demander de vous décrire Versailles. Je ne peux vous dire qu'une chose : nous y sommes arrivés le soir de Noël et avons assisté à la messe de Noël et aux trois saintes messes      tapisseriedefrance.fr                            à la chapelle royale.
            A Versailles on ne trouve ni carrosse de remise ni fiacre, mais uniquement des chaises porteur. Chaque course coûte 12 sols. Vous comprendrez donc bien vite que nous ayons dû payer parfois un Laubthaler et plus, puisque nous devons prendre 3, du moins toujours 2 chaises à porteurs, car i a toujours fait mauvais. Si vous y ajoutez 4 nouveaux costumes noirs, vous ne vous étonnerez plus que notre voyage à Versailles nous ait coûté 26 à 27 louis d'or. Mais nous verrons ce que nous obtiendrons de la cour en retour. En dehors de ce que nous espérons recevoir de la cour, nous n'avons guère gagné plus de 12 louis d'or à Versailles. Toutefois, mon maître Wolfgang a reçu de Mme la comtesse de Tessé une tabatière en or, une montre en or très précieuse du fait de sa petite taille...........  Puis Nannerl a eu une boîte à cure-dents en or massif extraordinairement belle. Une autre dame a donné à Wolfgang un écritoire de voyage en argent et à Nannerl une petite tabatière en écaille de tortue étonnamment fine et tapissée d'or, et.............. A Paris il faut plus de temps qu'à Maxglan pour se faire bien connaître. Et je peux vous assurer que l'on constate partout, sans avoir besoin de lunettes, les dégâts de la dernière guerre. Car les Français veulent continuer à afficher leur magnificence extérieure, et par suite seuls les fermiers sont riches, les seigneurs sont criblés de dettes. Une centaine de personnes se partagent les grandes fortunes, ce sont de grands " Banquiers et Fermiers généraux ".........  on voit ici.......... des folies étonnantes. Les femmes ne garnissent pas seulement en hiver leurs vêtements de fourrure, mais également en mettent comme cols ou tours du cou et, au lieu de fleurs dans les cheveux, elles y mettent de la fourrure, etc........
            Outre cette mode folle dans tous les domaines il faut noter le grand abandonne à la commodité qui entraîne cette nation à ne plus entendre la voix de la nature. C'est pourquoi tout le monde à Paris donne les nouveau-nés à élever à la campagne............ Mais on en constate aussi les conséquences........... Passons à autre chose !
            Ici il y a une guerre continue entre la musique italienne et la musique française. Toute la musique française ne vaut pas de D(iable, nte de l'éd. )............ Ce sont les Allemands qui sont les maîtres dans le domaine de la publication de leurs compositions........
            Maintenant 4 sonates de M. Wolfgang Mozart sont chez le graveur.
            Imaginez-vous le bruit que feront les sonates lorsqu'on verra sur la page de titre que c'est l'oeuvre d'un enfant de 7 ans et que les incrédules seront invités à venir faire eux-mêmes la vérification. Cela a d'ailleurs déjà eu lieu lorsqu'il a demandé à quelqu'un d'écrire un menuet ou quelque autre chose et a immédiatement écrit la basse, et si l'on veut, également le 2è violon ( sans toucher au clavecin ). vous entendrez en son temps combien ces sonates sont bonnes. Il y a un Andante d'un goût tout particulier.
            Et je peux vous dire, chère Madame Hagenauer, que Dieu accomplit tous les jours de nouveaux prodiges dans cet enfant. D'ici à ce que nous rentrions à la maison ( si Dieu le veut ), il sera en état de prendre du service à la cour. Il accompagne toujours véritablement dans les concerts publics, il sait même transposer " à prima vista " les airs qu'il doit accompagner, et partout on lui donne tantôt des pièces italiennes, tantôt des pièces françaises, qu'il déchiffre. Cela immédiatement.
            Ma fille joue les morceaux les plus difficiles que nous avons reçues de Schobert et
d'Eckard, etc., et elle interprète les composition d'Eckard, qui sont les plus délicates, avec une précision incroyable, de sorte que l'" infâme Schobert " n'a pu cacher sa " jalousie " et son envie, et s'est ainsi couvert de ridicule devant M. Eckart qui est un honnête homme............
            Voici maintenant quelque chose de très triste et même de très affligeant. Nous avons tous extrêmement peur et sommes troublés. Bref ! -- La Comtesse van Eyck est dans un état très dangereux........ elle vomit du sang, on l'a saignée.........   Madame la comtesse n'a pas dormi la nuit dernière, mais son état n'a pas empiré......... Cela suffit, nous ne sommes que de misérables humains que nous soyons à Salzbourg ou à Paris.............
            Adieu, remerciez Dieu que le papier soit terminé, sinon il vous faudrait prendre des lunettes. Je suis, avec les compliments de mes enfants et de ma femme, votre resp-S-Mozart




            Leopold Mozart à Lorenz Hagenauer à Salzbourg

             Paris, le 22 février 1764

              Monsieur                                                                                          artvalue.com     
                           Il ne peut pas toujours faire soleil, il passe souvent des nuages qui finissent par se dissiper.
              Je n'ai pas eu de hâte à annoncer le décès de madame la comtesse van Eyck.......... Lorsque j'aurai quitté Paris, je ne manquerai pas de rapporter quelques détails.........
            J'ai, pour ma part, été bientôt plongé dans le désarroi par un événement soudain et inattendu. Mon cher Wolfgang a été pris de maux de gorge subits et de catarrhe, si fortement qu'après en avoir ressenti les premiers symptômes le 16 au matin, il eut la nuit une telle inflammation de la gorge qu'il menaçait d'étouffer, et les mucosités qu'il ne pouvait rejeter refluaient dans l'estomac. Je dus alors le sortir rapidement du lit et le promener dans la chambre. Il avait une fièvre étonnante que je fis tomber peu à peu avec de la " pulvre antispasm Hallen et Dieu merci il put se lever dès le quatrième jour et se sent maintenant bien mieux. Par mesure de sécurité j'avais écrit par la petite poste à notre ami le médecin allemand Herrenschwand qui est médecin des gardes suisses. Mais il n'a pas cru nécessaire de venir plus de 2 fois. J'ai ensuite fait prendre à Wolfgang un laxatif avec de l'aqua laxat. Vien, cela va bien maintenant, grâce à Dieu. Ma petite fille a également été importunée par un rhume, mais  de ssans fièvre. Ce n'est pas étonnant, car nous sommes arrivés à Paris le 18 nov., et il y a eu alors quelques jours avec une forte neige qui a immédiatement disparu........ le temps était toujours brumeux, humide et si doux que l'automne semble plus froid en Allemagne, nous avons même eu quelques jours extraordinairement beaux et chauds qui se transformèrent subitement en un temps affreux et pluvieux, de sorte que presque personne ne sort sans emporter de parapluie de soie. C'est la raison pour laquelle on a inventé ces parapluies de soie si pratiques, car le temps à Paris correspond totalement aux états d'âme des habitants et est soumis à des changements constants.
            Les rhumes sont ici plus dangereux qu'en Allemagne, ils sont généralement accompagnés de fièvre et comme messieurs les médecins aiment pratiquer les saignées, ils envoient ainsi plus d'un patient dans l'éternité.
            Je vous prie donc de faire dire dès que possible saintes messes à Maria Plain et 1 sainte messe à l'autel du Petit Jésus de Loreto........ et de les porter à mon compte..........
            Nous retournerons à Versailles avant quinze jours pour présenter à madame Victoire, deuxième fille du roi, à qui elle sera dédiée, " l'oeuvre 1er " des sonates gravées du grand monsieur Wolfgang. L" 'Oeuvre 2 " sera je crois dédiée à madame la comtesse de Tessé.................
P.S.
            La place de Grève est ici le lieu où l'on envoie les malfaiteurs dans l'autre monde. Quiconque aime à voir les exécutions a presque tous les jours quelque chose à voir............
            Ma femme et mes enfants qui sont tous en bonne santé, grâce à Dieu, vous font leurs compliments ainsi que leur père.



            Leopold Mozart à id..

            Paris, le 1er avril 1764

            Monsieur,
            Nous sommes tous en bonne santé et rendons grâce à Dieu. Et maintenant j'ai le plaisir de vous dire que j'espère pouvoir donner d'ici quelques jours au banquier Tourton et Baur 200 louis d'or pour les déposer en mains sûres et pouvoir les transférer à Salzbourg en son temps...........
            Personne ne paie rien à l'entrée du concert. Celui qui n'a pas de billet n'est pas admis quel que soit son nom. Mes amis distribuent les billets 8 jours à l'avance, chacun coûte 1 Laubthaler, c'est-à-dire 1/4 de louis d'or, et ils se les font payer............. Et maintenant autre chose.
            Je vous prie de faire dire une sainte messe tous les jours pendant 8 jours de suite, en commençant le 12, puis les 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19 avril. Vous pouvez les répartir à votre gré, quant à l'église et l'autel, mais j'en voudrais 4 à Loreto, à l'autel de l'Enfant Jésus, et 4 à un autel de la Vierge, que ce soit à la paroisse ou ailleurs..........
            Dans quelques jours les sonates que monsieur Wolfgang a dédié à Mme la comtesse de Tessé   la mesure.fr                                                                                   seront prêtes..................
            Il faut maintenant que je vous apprenne qui est cet homme, mon meilleur ami, ce M. Grimm, grâce à qui j'obtiens tout ici. Il est secrétaire du duc d'Orléans........ originaire de Ratisbonne, mais il y a déjà plus de 15 ans qu'il est à Paris et il sait diriger les choses dans la bonne direction pour obtenir le résultat qu'il souhaite. Je vous ai déjà écrit de faire parvenir mon courrier à son adresse :


                                                      Chez Mr Grimm Secrétaire de S.A. Monseigneur le Duc d'Orléans
                                                        Rue Neuve du Luxembourg à Paris
            ........................ Je vous fais mes compliments ainsi qu'à tout Salzbourg et suis votre vieux serviteur.............



            Leopold Mozart à id..

            Londres, le 25 avril 1764

            Copia
            Nous avons, Dieu soit loué, traversé le ruisseau de Maxglan  sans encombre, mais cela n'a pas été ( salve venia ) sans vomir........ Nous sommes, Dieu merci, tous en bonne santé. Mais celui qui a trop d'argent, n'a qu'à entreprendre un voyage de Paris à Londres, on ne manquera pas d'alléger sa bourse................. A Londres tout le monde me semble déguisé, et à quoi croyez-vous que nous ressemblons, ma femme et Nannerl en chapeau anglais, et moi et le grand Wolfgang en costume anglais...... Nous vous saluons.

                                                                                          Mozart



           Leopold Mozart à id..

             
            Londres, le 8 juin 1764

            Monsieur
             ......................
            Nous avons pu nous confesser pour Pâques le jeudi saint chez les pères capucins de Calais, ici nous allons à l'église la plus proche, chez l'ambassadeur de France à qui nous avons été recommandés de Versailles et chez qui nous avons déjà dîné........... Je vous ai déjà écrit que tout le monde est absent de la ville en ce moment. Le 5 juin était le seul jour où l'on pouvait tenter quelque chose, car le 4 était l'anniversaire du roi. C'était plutôt pour faire connaissance, et voyez, en 8 jours.......... il faut 4 à 8 semaines pour distribuer les billets que l'on nomme ici " tickets ", nous n'avons eu, contre toute attente, que 200 personnes, certes, mais les toutes premières personnalités de Londres........... Je ne peux encore dire si le bénéfice sera de 100 guinées........ par ailleurs les frais sont étonnamment élevés. Mais cela ne fera pas moins de 90...........
            En ce qui concerne les 200 louis qui sont déposés à Paris chez les banquiers Tourton & Baur, je suis d'accord pour que vous les repreniez à 2 250 florins et me donniez un intérêt de 3 p. cent. Je ne manquerai pas d'écrire demain à Paris.........
            ....... Il suffit de dire que ma fille est l'une des plus habiles pianistes en Europe, bien qu'elle n'ait que 12 ans et que mon fils sait, à 8 ans, tout ce que l'on peut attendre d'un homme de 40. Bref quiconque ne le voit ou l'entend ne peut le croire. Vous-même et tout le monde à Salzbourg n'en savez rien, car tout est différent maintenant.
            Je dois clore car la poste part, et suis votre obéissant serviteur.

            P.S. Moi-même, ma femme, Nannerl et notre puissant Wolfgangus vous faisons nos compliments, à vous, toute la maison et tout Salzbourg.



            Leopold Mozart à id..
            
            Chelsea près de Londres, le 13 septembre 1764

            Monsieur
            ............  Je vous remercie humblement d'avoir suivi mes instructions quant aux saintes messes et peux vous dire que je me sens mieux de jour en jour, mais très lentement toutefois, de sorte que je peux au moins espérer ne pas avoir subi de dommages intérieurs.
            Mais il faut que je vous raconte les débuts de ma maladie. Je dois vous dire tout d'abord qu'il existe ici une sorte de mal du pays que l'on nomme " refroidissement  ". C'est la raison pour laquelle presque personne ne porte de vêtements d'été, mais seulement des vêtements de drap. Ce refroidissement est si dangereux pour les gens qui ne sont pas de bonne constitution qu'il peut en résulter une consomption, et pour ces gens la seule possibilité est de quitter l'Angleterre et de rentrer par la mer sur le continent.......................
            Si le bon Dieu nous donne seulement la santé, nous n'avons pas de soucis à nous faire pour les guinées. Cela ne m'ennuie que trop de devoir consommer ce que j'aurais pu épargner. Mais à la grâce de Dieu....... ....
            Je vais avoir fort affaire dans les quelques mois qui suivent pour mettre la noblesse de mon côté. Cela coûte bien des démarches et des efforts. Mais si j'obtiens ce que je pense je ferai une bonne pioche en guinées....



            Leopold Mozart à id..

            Londres, le 27 novembre 1764                                                        la mesure.fr

            Monsieur !
            Ne vous étonnez pas que je vous réponde un peu tard, j'ai plus à faire qu'on ne l'imagine généralement, bien que la noblesse ne soit pas encore de retour à la ville et le Parlement, contre son habitude, ne doive se réunir que le 10 janvier............
            On dit ici " en ville " ou, dans le langage d'ici " city ". J'habite en effet dans le quartier de Westminster où se trouvent la cour, les ambassades et la plupart des membres de la noblesse, de même que tous les opéras et théâtres. Mais Londres est constitué de 3 villes, aux noms différents, Westminster, Londres et Southwark, mais qui forment une seule ville affreusement étendue.............
            Nous vous prions de faire nos compliments respectueux à M. Speckner et de lui dire que bien que les contredanses soient originaires de ce pays, elles ne sont rien moins que bien construites et encore moins bien dansées. Les airs, en revanche, sont assez bien. J'en rapporterai tout un livre....
            P.S. Ô mon Dieu, combien aurais-je à écrire !........ Veuillez faire mes compliments à M. Vogt et lui dire que je le remercie infiniment ainsi que tous les miens. - Que Paris et Londres sont remplis de violons de Mittenwald et que les droits de douane sont extraordinairement élevés pour toutes choses, ici surtout. Mais je peux déjà lui dire que les violons sont très fortement encordés, ici et à Paris, et que le mi a la grosseur d'un faible la. Il faut donc qu'il prévoie son violon en cette mesure, sinon il n'y a rien à faire. En revanche, et surtout à Paris, la tonalité, ou le diapason, est très bas. J'aurai une correspondance suffisante en temps voulu. Mais je dois trouver un biais pour la douane, ce qui est le plus difficile.   Addieu.



            Leopold Mozart à id..

            Londres, le 19 mars 1765

            Monsieur !,
            Je ne doute pas que ma dernière courte lettre soit arrivée avant la fin de la foire de printemps de Salzbourg, donc encore à temps.
            Mon concert que j'avais pensé donner le 15 écoulé n'a eu lieu que le 21 et n'a pas rassemblé le  public que j'attendais, à cause du nombre extrême de " plaisirs " qui, par leur nombre finit par lasser. Mais nous avons encaissé environ 130 guinées, et comme les frais se montent à plus de 27 guinées, il n'en reste guère plus de 100.
            Mais je sais aussi où le bât blesse et pourquoi on ne nous traite pas avec plus de " générosité " bien que nous ayons reçu quelques centaines de guinées depuis que nous sommes ici. Je n'ai pas accepté une proposition qui m'avait été faite. Mais à quoi sert-il de parler d'une décision prise après mûre réflexion et après avoir passé quelques nuits blanches.
            La chose est entendue, je ne veux pas élever mes enfants en un lieu si dangereux, où la plupart des gens n'ont absolument aucune religion et où l'on a que de mauvais exemples devant les yeux. Si vous pouviez voir l'éducation donnée ici aux enfants, vous seriez étonné. Sans parler des autres domaines touchant la religion.                                                  lamesure.fr
Coryphee            Je dois malgré tout vous raconter rapidement une belle histoire.
            Il est d'usage ici, lorsqu'un enfant doit être baptisé, que les personnages principaux soient,
1. les parrains et 2. les marraines, à côté des autres amis. On a l'habitude de ne faire baptiser l'enfant que plusieurs jours ou même plusieurs semaines après la naissance, et toujours à la maison. Un marchand de musique, qui vend aussi des instruments, un Allemand de Hesse, dont la femme est Suissesse, a demandé à ma femme d'être marraine pour le baptême de son enfant en même temps qu'à un Allemand et à une jeune Allemande. Nous avons toujours refusé jusqu'à ce que le parrain allemand, un commissaire de Braunschweig, nous le demande lui-même. Le baptême eut lieu 4 semaines après la naissance, un soir à 5 heures. Le caractère remarquable de ce baptême tient au fait que le " père " de l'enfant n'a aucune religion et que ses raisons reposent seulement sur le fait que " l'on doit adorer Dieu, l'aimer ainsi que son prochain et être un honnête homme. La mère, qui était présente, est calviniste et pratique encore passablement sa religion. Monsieur le parrain est luthérien,
la jeune marraine calviniste, ma femme, comme 2è marraine, une bonne catholique salzbourgeoise, et monsieur le Pasteur, comme on nomme ici l'officiant, est de religion anglicane.
            Cette compagnie de baptême vous plaît-elle ?
            Pour nous autres catholiques le baptême n'avait en soi rien d'étonnant, car le Je crois en Dieu et le Notre Père, dits ici, dans l'église anglicane, sont mot à mot identiques aux nôtres. Mais les luthériens et les calvinistes ont dû faire quelque chose d'inhabituel pour eux, s'agenouiller, car dans l'église anglicane on prie à genoux. N'est-il pas dommage qu'il n'y ait eu encore un juif au moins dans cette compagnie ? Si monsieur Zuns, juif et commissaire de Paderborn, qui nous rend souvent visite, l'avait su, il serait au moins venu au souper de baptême........
            Il se pourrait que je parte d'ici  vers le début de mai. Vous parlez d'un tissu écarlate pour un manteau, mais je ne peux emporter de drap, car en France on examine les bagages avec attention. Et au détail, c'est-à-dire à l'aune, ce n'est pas d'un prix intéressant..............Je pense devoir probablement envoyer une partie de mes bagages à Francfort en passant par la Hollande. Bien que j'aie laissé de nombreux bagages et les choses les plus précieuses à Paris, pour environ 300 louis d'or, le volume de mes bagages a bien augmenté ici. Et cela m'ennuie surtout pour les beaux vêtements ! Mon costume de velours noir ou le costume très riche, dont le fond est tissé de feuilles d'argent et d'or ne s'arrangent pas en voyage, même si l'on y fait très attention. Ce dernier a coûté 59 louis d'or à Paris et je l'ai eu par " hasard " n.b.  : neuf, c'est-à-dire qu'il n'avait pas été porté deux fois et par une chance miraculeuse, d'un gentilhomme dont j'avais fait la connaissance à Francfort
            La reine a fait cadeau de 50 guinées à notre Wolfgango pour la dédicace de ses sonates.
            P.S. :
            Mon compliment, ainsi que de nous tous. Nous avons fait la connaissance M. Bach ! Je dois clore, il est temps, le courrier part bientôt.................


                                                                à suivre.............