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1er juillet 1665
Fus réveillé de bonne heure, encore las et endormi, par Mr Povey et le colonel Norwood venus, comme convenu, m'entretenir du règlement de diverses factures de Tanger. Après leur départ, à mon bureau toute la matinée. Dînai chez moi à midi, puis à mon rendez-vous chez le duc d'Albemarle. Lui dressai un rapport sur l'échauffourée qui avait eu lieu sur les chantiers de construction navale à Portsmouth, des ouvriers ayant de leur propre chef décidé de quitter le chantier, n'étant point payés, pour aller travailler aux champs ou gagner leur pain de quelque autre façon.
Puis à Westminster où j'apprends que la maladie gagne du terrain, puis à la taverne de la Harpe et la Balle voir Mary et bavarder avec elle. Elle me confia en toute franchise qu'elle avait perdu son premier amoureux du temps où elle habitait la campagne, au Pays de Galles, et qu'elle était venue ici sans le dire à ses amis. Le docteur Williams semble lui faire la cour, je l'ai d'ailleurs vu ici plusieurs fois
En voiture, à mon bureau, travaillai tard puis, au lit. Attristé d'apprendre qu'on a fait fermer sept ou huit maisons dans Basinghall Street, à cause de la peste.
2 juillet
Dimanche
Levé. Ai passé la matinée à chercher où suspendre, dans le petit cabinet de mon bureau, ma fort belle gravure. La voici bien placée et ce sera un plaisir d'y travailler, encore que, Dieu merci, j'ai su m'en passer jusque-là.
A midi dînai chez moi, puis je fis mes comptes. Il s'avère que, bien que ce mois-ci j'ai dépensé plus de 90 livres, j'en ai épargné 17, et ma fortune se monte à 1450 £. Dieu en soit remercié !
Le soir visite de milady Penn et sa fille, qui restèrent dîner. Puis vint un messager de Chatham envoyé par sir George Carteret au sujet d'une affaire de bureau. Il me fit dire, en outre, qu'entre lui et milord l'affaire était entendue, que le roi et le duc d'York y sont favorables, et me confie la vive joie qu'il éprouve à cette nouvelle. Après leur départ, au lit.
J'apprends ce soir qu'on a enterré sir John Lawson, tard hier soir, à St Dunstan, tout près de chez nous, et qu'il n'y avait pas la moindre compagnie, la famille étant dans la misère. Je consens à les plaindre, encore qu'il n'ait jamais eu pour moi la moindre parole ni le moindre geste tant soit peu obligeant.
3 juillet
Levé et par le fleuve, avec sir William Batten et sir John Mennes, en barque à Whitehall chez le duc d'Albemarle. Réglâmes diverses questions, puis on se retira et me rendis à la taverne de la Harpe et la Balle, bavardai un peu avec Mary, puis rentrai dîner chez moi. Après, derechef chez le duc d'Albemarle et de là au Cygne où " demeurais un peu de temps con la fille ", et à la Harpe et la Balle où étant seul demeurais un peu de temps, besandola. Revins, fis mon courrier, tard à mon bureau, puis rentrai ayant résolu dès ce soir de cacheter toutes mes lettres et d'achever toute besogne au bureau si possible avant la tombée de la nuit, promesse que je m'efforcerai de tenir, outre celle d'ordonner mes papiers personnels. Les temps sont si malsains qu'il est à craindre que nul n'échappe au sort qui guette chacun. Dieu m'en préserve ou m'aide à l'accepter.
Après souper, au lit. J'eus le sommeil agité, car toute la nuit j'ai rêvé à Jock Cole, mon ancien camarade d'école, mort il n'y a guère, né la même année que moi. Nous pensions alors que nos fortunes se valaient à tous égards. Dieu me prépare au pire.
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Levé, travaillai à mon bureau toute la matinée. A midi, à la Bourse puis à la taverne du Dauphin. Ce fut un bon dîner, aux frais de Mr Osbaston qui perdit jadis un pari avec sir William Batten, sir William Rider et sir Richard Ford. Le voilà à présent honoré. Le pari était que pas une seule de nos escadres ne livrerait assaut à une escadre ennemie d'ici à la Saint-Michel. D'autres joyeux drilles vinrent ensuite grossir notre compagnie puis, en dernier, Mr Buckworth, noble gentilhomme, originaire du Huntingdonshire.
A mon bureau ensuite, où je restai tout l'après-midi, puis chez moi mettre en ordre certains comptes de Tanger, entre autres. J'apprends aujourd'hui que le Duc et le prince Rupert sont de retour de mer, et qu'ils ne repartent pas ce qui, pour le second, me surprend, mais c'est pourtant ce qu'on entend dire à Londres, et je m'en réjouis.
Ce matin fis du bon travail avec sir William Warren, avons conclu notre affaire de gabares qui, sans la moindre malhonnêteté de ma part devrait me rapporter largement plus de 100 £.
Banckert est, dit-on, rentré au port, ainsi que la flottille qu'il avait mise à la mer et avec laquelle il n'a rien fait, si bien que nous n'avons plus l'ombre d'un ennemi en mer. Nous avons grand espoir de rencontrer la flotte hollandaise de la Cie des Indes orientales, fort riche, ou de Ruyter qui l'est aussi.
Aujourd'hui sir Richard Ford me rapporta plaisamment, à table, que les Hollandais manquèrent être débordés par le père de l'actuel Prince d'Orange et qu'Amsterdam faillit être assiégé, que ce dernier avait levé une armée de fantassins dans le bourg et de cavaliers dans les faubourgs, en pleine nuit, à environ deux lieux de là, et ils ne s'aperçurent de rien. Le courier de Hambourg rencontra par hasard ces cavaliers de nuit, et comprit leur dessein. Connaissant mieux qu'eux le chemin par une nuit pluvieuse, il leur faussa compagnie afin d'avertir la ville avant que les autres ne pussent l'atteindre, et la ville fut sauvée. Ce de Witt et une autre famille, celle des Bicker, auraient été parmi les principaux ennemis du prince qui plus tard décima, jusqu'à ce qu'à son tour, dit-on, il fut empoisonné. Puis ils firent de nouveau opposition au parti du jeune Prince, et ce jusqu'à ce jour. Il y a de cela douze ou quatorze ans. De Witt est à leur tête.
5 juillet 1665
Levé. M'avisai d'envoyer aujourd'hui la literie et les affaires de ma femme à Woolwich afin qu'elle puisse s'y installer. A mon bureau toute la matinée. A midi à la Bourse, puis dîner chez moi. L'après-midi partis pour St James, vis longuement Mr Coventry afin d'être informé du tour que prennent les choses dans la marine. Milord Sandwich passe amiral avec, sous ses ordres, sir George Ayscue et sir Thomas Teddeman. Sir William Penn devient vice-amiral, d'autres également changent de titre...... Avons parlé de la flotte en général, il me dit entre autres qu'il s'est récemment entretenu avec sir George Carteret, à qui il a fait part de sa résolution de lui être réconcilié et de la promesse de son amitié, qu'il compte tenir du mieux qu'il peut, encore qu'il craigne, m'a-t-il dit, devoir l'offenser en plusieurs occasions qui peuvent se présenter. Dans l'ensemble Mr Coventry paraît écouter d'une oreille plus distraite les doléances dues au manque d'argent, et est moins enthousiaste à y porter remède. S'il commence à regarder à la dépense, m'est avis qu'il est grand temps que je fasse de même.
De là fis un détour à pied jusqu'à Whitehall. Le parc est entièrement fermé et je vis également condamnée sur le mail de St James, une maison où, du temps de Cromwell, nous tenions entre jeunes gens, nos cercles hebdomadaires. Puis à Whitehall chez sir George Carteret rentré aujourd'hui de Chatham et fort heureux de me voir. Avons commencé de reparler de notre fameuse affaire d'alliance, qui avance rondement. Par commodité prîmes une barque pour regagner Lambeth d'où sa diligence nous conduisit à Deptford, et devisâmes en chemin, d'abord de ce que tout est arrangé au mieux entre milord et lui, conclu, signé et scellé. La visite de milady Sandwich est prévue pour demain ou après-demain, on fera venir la demoiselle et ce sera affaire conclue entre eux d'ici fort peu de temps, et ce à la plus grande satisfaction des deux parties, ainsi qu'à celle du roi, du Duc et de milord le chancelier.
Il me dit que milord s'était vu offrir à Chatham de partager le commandement de la flotte avec le prince, et qu'ils avaient bien volontiers accepté. Mais le prince, apprenant la chose, s'était déclaré farouchement opposé, jugeant impossible, de cette façon, d'exercer la moindre autorité, et pensant qu'il serait préférable de disposer de deux flottes, dont aucune ne serait sous la tutelle de l'autre, ce qu'il ne trouvait guère à son gré. Cette réponse déplut au roi qui, sans rancœur, ordonna cependant que la flotte fût aux ordres des susnommés pour ce qui est des amiraux et des commandants. Le prince gagna donc la partie et sir George Carteret fit, je me souviens, cette réflexion :
" - Ainsi, bien que le roi ait signifié que ce ne serait que pour cette expédition, m'est avis qu'il conservera ce poste pour de bon. "
Il dit aussi que milord était fort mécontent que sir William Penn fût appelé à servir, car il semble qu'il doive partir pour Solebay, et ce avec la meilleure flotte qu'il puisse engager, sans qu'il fût me moins du monde question que milord Sandwich l'accompagnât et eût autorité sur lui. Mais Mr Coventry, après quelque discours, parvint, dit-il, à rasséréner milord si bien qu'ils se quittèrent en excellents termes, sur ce chapitre et sur l'autre sujet de mécontentement de milord, dont Mr Coventry l'entretint en premier, à savoir que milord avait tout à fait raison de s'offenser de n'avoir point été cité dans le compte rendu de la bataille qu'en donnait la gazette. Il fit savoir à milord que ce n'était point de son fait, ce qui apaisa milord, et je m'en réjouis fort, car j'aurais gros à perdre qu'eux deux, entre tous, fussent brouillés.
Arrivés à Deptford, milady n'y étant point, nous prîmes congé et je repartis par le fleuve à Woolwich où ma femme et ses deux domestiques sont arrivées. Elles seront fort bien logées. Les quittai à l'heure du souper, chagrin d'être séparé de ma femme, car elle me manquera, si grand est l'embarras d'avoir la charge d'une maisonnée en ces temps de peste. Les adieux faits pris une barque; William Hewey une autre et rentrai tard à la maison, le courant étant contraire, mais aussi parce que nous étions allés à pied, de nuit, à Greenwich.
Chez moi tard et, au lit, esseulé.
6 juillet
Levé. Sortis passer commande à ma jolie épicière qui, me dit son mari, part le jour même passer l'été à la campagne. Commandai du sucre, etc. pour mon père, puis chez moi, à mon bureau où je passai la matinée. Dinai à midi puis par le fleuve à Whitehall trouver sir George Carteret au sujet des besoins d'argent du bureau. Triste pensée que celle de la faillite qui nous menace d'ici peu, l'hiver arrivant à grands pas et avec lui le moment où il faudra débourser gros pour payer une partie de la solde de la flotte. Nous sommes si loin d'en disposer que nous n'avons même pas de quoi faire taire les pauvres, ni de quoi empêcher leurs poings arriver jusqu'à la porte du bureau nous chauffer les oreilles. Dieu nous aide à y pourvoir.
Sir George Carteret m'apprit ce fait extraordinaire : l'échevin Backwell part en mission à l'étranger pour affaire privée muni d'une forte somme. J'ai d'ailleurs été l'instrument de son départ par mer l'autre jour. Il semblerait que plusieurs de ses créanciers aient été mis au fait, et qu'hier, en son absence, il ait frôlé la ruine. Sir George Carteret me dit que le roi et le royaume durent lui venir en aide et que le roi dut s'efforcer de trouver 4 000 £ pour faire face aux créanciers de Backwell, faute de quoi celui-ci était en faillite, ce qui me fut dit dans le plus grand secret, et je suis fort marri de la nouvelle.
Après avoir gaiement parlé mariage on se quitta. Me rendis en voiture en divers endroits, entre autres chez milord Broucker souffrant et trouvai alité, si bien qu'il ne put me recevoir, et j'en perdis d'ailleurs toute envie voyant qu'on avait fait fermer l'une des grandes maisons qui se trouvent à deux pas de chez lui. Seigneur ! que de maisons infestées ai-je vues en une journée, un peu partout dans Londres, en faisant un crochet par Long Lane et les ramparts de Londres.
Rentrai, puis à mon bureau. Chez sir William Batten où je restai souper le soir. Il fut question, entre autres, du manque de jugement de sir John Lawson qui a élevé sa fille avec tant de hauteur et d'arrogance, il l'a refusée à un homme de bien, sir William Berkeley, pour la marier à un triste sire, le fils du colonel Norton, qui n'a ni bien, ni bonté, ni générosité, et qui a doté sa fille de 6 000 £, alors que l'autre la lui aurait prise avec seulement 2 000. Alors qu'il se savait le plus démuni du monde il lui a fait cette dot, et maintenant que le voilà mort il laisse sa femme et ses deux filles sans un liard, tandis que la troisième est partie avec ses 6 000 £, mais sans grande satisfaction, étant donné les méchantes dispositions du beau-père et du mari qui, semble-t-il, malgré la beauté de sa femme, a signé le contrat comme s'il eût acheté un cheval. Pis encore, il n'est d'aucun avantage pour la mère et les deux jeunes sœurs à la Cour, au lieu que l'autre aurait fait tout son possible pour elles. Ainsi se défait l'honneur d'une famille qui avait tout pour réussir et y serait parvenu, moyennant quelques efforts.
Puis, las de ce discours, je n'ai jamais entendu parler d'un acte aussi irréfléchi, pris congé de lui. Chez moi et, au lit.
Sir William Penn, semble-t-il, a quitté hier soir le port avec environ 60 voiles, milord Sandwich à bord du Prince et d'autres, dit-on, à sa suite, pour essayer de les devancer, car m'est avis que milord Sandwich fera porter tous ses efforts pour avoir le pas sur eux et sera sincèrement contrit de n'y point parvenir.
7 juillet
Levé. Ayant convenu avec mon voisin Mr Hudson, le tonnelier, de me tirer un tierçon de vin afin d'en envoyer un peu à ma femme, je sortis songeant à la condition qui, grâce à Dieu, est la mienne, à savoir que me voici à la tête de deux tierçons de clairet, deux quartauts de vin des Canaries, un tonnelet de vin d'Espagne, un fût d'Alicante, un autre de malaga et un troisième de vin blanc, tout cela dans ma propre cave. A ma connaissance nul dans mon entourage, les miens, n'en a jamais possédé une telle quantité à la fois.
A Westminster où avec Mr Povey et Creed parlâmes de nos affaires de Tanger. Je fis bientôt venir Creed à l'écart et lui rapportai ce que George Carteret m'avait dit l'autre jour au sujet de Backwell qui a entre ses mains de l'argent à lui.
A la maison où je revins avec de nouveaux ouvrages d'une valeur de 5 £, et je m'en réjouis. Passai le reste de la journée chez moi, fort embesogné. L'après-midi entendis les sages paroles et les bons conseils de sir William Warren. Rentrai le soir lire mes livres puis, au lit, tard.
8 juillet
Eus fort à faire au bureau toute la journée. Finis mon courrier à neuf heures le soir, m'apprêtai et rendis visite à ma femme à Woolwich. Ce que je fis après être allé chez sir George Carteret à Deptford où j'apprends que milady Sandwich est bien arrivée, mais souffrante. A Woolwich vers minuit. Trouvai ma femme endormie au lit. Chose curieuse, à l'aller j'avais voyagé par une nuit clémente, mais à peine étais-je revenu à l'embarcadère que des rafales de vent et de pluie d'une violence extrême firent rage pendant un quart d'heure, si bien que je rebroussai chemin. Au lit. C'est la première fois que je rends visite à ma femme. Elle est fort bien logée.
9 juillet
Jour du Seigneur
Tins compagnie à ma femme et à ses domestiques tandis qu'elle faisait toilette. Vers dix heures, par le fleuve chez sir George Carteret, où je trouve milady gardant la chambre, elle est dolente et je lui ai rarement vu aussi mauvaise mine. Les eaux qu'elle prit à Tunbridge manquèrent, dit-on, la faire mourir, au point qu'il fallut un violent remède pour les lui faire évacuer. Fûmes aimablement reçus par milady Carteret et ses enfants, chez qui nous fîmes fort bonne chère. Sir George Carteret est allé à la Cour ce matin. Après dîner pus m'entretenir longuement avec Mr Philip Carteret que je crois plein de modestie et, ma foi, d'un naturel excellent et d'une grande finesse. Il me fit le récit détaillé de la bataille contre les Hollandais. Milady Sandwich dîna dans sa chambre.
Vers trois heures laissai là ma femme, pris une barque et rentrai chez moi où j'endossai mon habit de soie noire et, comme promis hier, me rendis chez Harman. La maison et la compagnie me parurent fort quelconques. Sa femme est fort malade et je ne pus la voir. Puis, moi-même ainsi que Joyce, également fort malade, et son père, devinrent les parrain et marraine de leur fils qu'on baptisa William. Mr Meriton célébra le baptême. Lui et son clerc me racontèrent la chose la plus surprenante que j'aie entendue et qui me rassura, à savoir que dans la paroisse de St Michael à Cornhill, l'une des plus au cœur de la ville et des plus étendues, personne, homme, femme ou enfant n'y a été enterré d'aucune maladie depuis les treize derniers mois, malgré l'épidémie, ce qui est, ma foi, fort singulier. Et on me dit qu'il en va de même pour beaucoup d'autres paroisses, hormis celles qui sont touchées par la peste. Mais ici on y meurt ni de la peste ni d'autre maladie, quelle qu'elle soit.
Revins chez moi, rechangeai d'habit, et redescendis chez milady Carteret. On s'y divertit le plus gaiement du monde, milady Sandwich, les jeunes demoiselles et moi, étions tous fort gais, n'ayant jamais eu aussi belle occasion de nous ébaudir tous ensemble que depuis l'annonce de ce mariage. De plus, je trouvai charmantes les craintes de cette pauvre milady Sandwich quand nous fûmes en tête à tête, car elle se demandait si la chose plairait ou non à sa fille, et ce doute la plonge dans le pire des tourments. N'ayant pour ma part pas la moindre inquiétude, je la priai de ne point s'en soucier davantage. Mais combien ces craintes sont touchantes et délicates.
Restai tard. Après quoi, ma femme et moi ayant reçu les plus chaleureuses marques d'affection de milady Carteret, rentrâmes par le fleuve à Woolwich où nous arrivâmes vers minuit puis, au lit.
10 juillet 1665
Levé, vis plaisant spectacle, une nichée de jeunes chiens chez Mr Sheldon. Ils plaisent beaucoup à ma femme à qui il promit d'en donner un. Sur quoi je fis mes adieux et par le fleuve chez le duc d'Albemarle qui me demanda de me rendre dès que possible à Hampton Court.
Chez moi consulter mes documents de Tanger, puis étant attendu par l'une des voitures de Mr Povey afin d'aller au dîner auquel j'étais convié à sa maison de campagne de Brentford, où il s'est installé avec sa famille. Je m'y rendis avec Mr Tasborough, dans sa voiture, jolie calèche mais fort incommode car les chevaux vous envoient dans l'œil ou sur votre habit toute la crotte et la poussière du chemin. Passai un quart d'heure dans cette voiture, Creed était aussi du voyage. Je n'y pus guère travailler, mais tant mieux. Creed chevauchait en tête et nous le suivions Povey et moi. Povey me déposa près de la cloture de son parc où m'attendait un de ses chevaux de selle. Il n'osa, quant à lui, ni entrer ni se montrer parce qu'un domestique de sa maison avait la peste. Il n'est point encore mort mais n'a plus jamais été accepté dans la maison une fois malade. Certains saisirent cette occasion pour nuire à Povey et le voilà calomnié de la plus vile manière par certains. Sa fortune serait en péril s'il n'avait le courage de leur tenir tête ou la finesse de taire le malheur qui l'afflige.
Chez lui, vis Mr Coventry, puis nous fûmes entendus par milord le chancelier et milord le trésorier général sur la question de l'argent de Tanger. Milord le trésorier général m'enjoignit d'abord de renoncer aux 15 OOO £ qu'il m'avait proposées l'autre jour, mais après que nous leur eûmes de nouveau soumis l'affaire, ils nous réitérèrent leur proposition, si bien que j'ai quelque espoir d'obtenir cet argent. Mais il faut encore le consentement de milord le Général, car c'est à lui que cet argent avait été promis, et la proposition ne manquera guère de le mettre fort en colère.
Bien qu'il y ait longtemps que je n'ai pas été à la Cour, je n'ai point le temps de m'y attarder, outre que je trouve déplaisant de m'y trouver, car chacun se méfie de son voisin et se méfie de la peste. Repartis donc à cheval jusqu'à Kingston à bribe abattue, où j'eus toutes les peines du monde à convaincre deux solides gaillards de me porter en chaise à Londres. Arrivé à l'embarcadère rencontrai Mr Charnock, secrétaire de sir Philip Warwick qui revenait de quelque bombance, ivre au dernier degré.
Je le pris dans mon canot et nous nous rendîmes à Richmond d'où, de nuit, nous allâmes à pied jusqu'à Mortlake, agréable promenade. Passâmes un bon moment entrecoupé de conversations et de chatteries avec la servante Nan qui nous a dit être femme de marin, puis lui souhaitâmes le bonsoir.
11 juillet
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Redescendis donc de nuit la Tamise, ce qui fut fort plaisant.. Débarquai vers deux heures, puis à pied chez moi depuis le Vieux Cygne et rentrai me coucher, avec mon William, fort las. Il loge chez moi depuis que je le lui ai demandé.
A 6 heures lever et à Westminster où, comme partout en ville, la peste gagne du terrain. Comme il était trop tôt pour aller chez le duc d'Albemarle, me rendis à la taverne de la Harpe et la Balle où j'obtins de Mary qu'elle acceptât de me suivre, plus tard dans l'après-midi. Elle consentit non sans barguigner. Puis chez le duc d'Albemarle qui consentit, après force chicanes, que me fût versé en partie l'argent promis pour Tanger, quant au reste il ne voulut point me l'accorder.
Mécontent de cette nouvelle, revins à mon bureau travailler seul un moment. Puis, sur invitation officielle, à Trinity House. Dîner et compagnie excellents. On fêtait la nomination du capitaine Dobbins au titre de frère aîné de la corporation. Mais je partis avant la fin du repas et me rendis en barque, comme convenu, à la Harpe et la Balle. Demandai à Mary de me retrouver à la nouvelle Bourse d'où nous prîmes une voiture. J'eus grand plaisir à prendre l'air à Highgate, puis de la allâmes à Hampstead. J'étais fort content de sa compagnie. Elle est jolie, innocente et je pris d'elle tout le plaisir ou presque qu'il me plut. Le soir, fatigués et en sueur, car il faisait chaud au-delà du supportable, nous revînmes, et je la déposai dans St Martins Lane.
Me rendis le soir à la Bourse où j'apprends, car la ville bourdonne de cette rumeur, qu'Ostende nous a été livré, et que c'était la raison du voyage de l'échevin Backwell qui avait emporté 50 000 £, mais ne sais ce qu'il en est au juste. Ce voyage me semble tout de même fort singulier.
A mon bureau, avançai mon courrier du mieux que je pus, puis rentrai me coucher, après m'être changé et avoir pris de la mélasse de Venise, car je me sentais souffrir puis, au lit.
12 juillet
Le matin travaillai de mon mieux, aujourd'hui étant jour de jeûne solennel contre l'aggravation de la peste. Puis descendis par barque à Deptford où je passai une ou deux heures fort agréables au chevet de milady Sandwich, coquettement allongée sur son lit, afin de lui dire que milady Jemima n'était pas chez milady Pickering quand nos lettres lui parvinrent, mais qu'elle se trouvait alors en visite à Broughton chez milord Montagu.
Je dois avouer qu'en vérité j'avais reçu deux lettres deux jours plus tôt, mais que, les ayant égarées, j'éprouvai le plus grand embarras, ne sachant comment les retrouver ni que dire à milady. Je les fis chercher partout : à Mortlake où j'avais passé la soirée précédente et où on les trouva, et elles me furent retournées à ma grande joie. Milady et moi étions heureux de ce dénouement. Mais je constatai que milady Carteret fur fort contrariée de ce contretemps, surtout à cause de la peste, qui rend peu sût un séjour prolongé à Deptford.
Mangeai un morceau, milady Carteret est la plus généreuse dame qui soit. Pris un canot, puis un autre depuis la Tour en amont de la Tamise, à contrecourant tout au long du trajet, car j'avais laissé passer le flot à force d'être resté jaboter avec milady. Parti avant une heure il était sept heures à ma montre que nous n'étions point encore arrivés à Hampton Court. Lorsque j'arrivai toutes affaires avaient cessé. Il me restait à aller trouver Mr Coventry. Je le rejoignis dans ses appartements, un long moment et on acheva diverses tâches et pris congé et rejoignis mon canot. Passai la nuit sur le fleuve, puis quelque temps avec Nan à Mortlake, enjoué et fort heureux de sa compagnie. Repartis et arrivai chez moi vers deux heures et, au lit. Avons passé le Pont en pleine nuit. Ne trouvai point William car il passe la nuit à Woolwich pour pouvoir accompagner sa femme demain à un dîner chez milady Carteret.
< Aujourd'hui j'ai entendu Mr Williamson répandre à Hampton Court cette nouvelle : le roi de France aurait rendu un arrêt en commandement à l'encontre du pape, acte jugé plein de hauteur et d'arrogance. >
13 juillet
Dormis tard, ayant encore sommeil, puis levé et à mon bureau car milord Brouncker est de retour, et je fis ce que je devais, puis par le fleuve le soir tard chez sir George Carteret. Ne trouvant point de barque libre je dus louer un canotier qui transportait déjà un gentilhomme qui s'avéra être grand amateur de musique, si bien qu'on chanta tous les deux au fil de la Tamise avec grand plaisir, et quelle rencontre hors du commun ! Arrivai trop tard pour le dîner déjà terminé, mais milady me fit apporter le dîner, et je mangeai fort bien et fort gaiement, surtout en compagnie de milady Slany, de la crème et du pain bis pour lequel elle a le même faible que moi. Bavardâmes longuement avec eux, puis prîmes congé. Ma femme m'avait rejoint comme convenu. Fis un bout de chemin avec elle. Je constate avec regret que la séparation est source de froideur plutôt qu'un regain de tendresse. On se quitta, chez moi finir des lettres et, au lit. On a compté cette semaine plus de 700 morts de la peste.
14 juillet 1665
Levé, à l'Echiquier toute la matinée dans l'espoir de faire encocher des tailles et d'obtenir de l'argent pour Tanger, fort contrarié par l'accueil que je reçus, certains ont quitté Londres, d'autres dorment encore et d'autres encore disent que c'est trop tard, et le service du roi pâtit dix fois plus que ce à quoi on pourrait s'attendre. Je n'ai plus qu'à revenir demain. pinterest.dk
Par le fleuve à l'ancienne Bourse où j'ai commandé deux chemises à ma jolie couturière qui m'a dit qu'elle comptait Jack Fenn au nombre de ses chalands. A la Bourse on ne parle que du grondement des canons et de la nouvelle, colportée par un Danois, selon laquelle milord aurait repéré Ruyter. Mais je n'en crois pas un mot.
Rentrai dîner avec Povey puis nous parlâmes de nos affaires de Tanger, des bénéfices que nous prendrons sur la solde et le service des subsistances de la garnison, au cas où les entrepreneurs actuels cesseraient de traiter avec nous . Je me refuse à commettre ce qui est indigne de moi ou de quiconque d'honnête. Mais comme les avitailleurs sont prêts à se désintéresser de l'affaire, je ne peux que laisser Povey opérer de son mieux avec Mr Gauden et au mieux de notre avantage. Parlâmes ensuite de régler certaines sommes d'argent et d'encaisser des tailles, ce qui fut mené assez rondement.
Quand il fut parti me rendis dans la soirée, par le fleuve, chez sir George Carteret, je trouvai milady Sandwich occupée à divers achats pour le mariage de milady Jemima. Celle-ci, au-delà de toute attente, s'est rendue à Dagnams où Mr Carteret doit aller la visiter demain. Ma proposition de le seconder, car il y serait allé seul, n'était familier avec personne, fut bien reçue, et je l'accompagnerai donc. Seigneur ! que de bontés milady Carteret a pour elle. Elle lui envoie de magnifiques bijoux, lui offre le plus luxueux trousseau, parures de lit et autres. Elle se montre si généreuse avec chacun que nous en perdons la tête. C'est à croire qu'ils essaient d'acheter la jeune demoiselle.
Repartis chez moi, prévoyant de m'absenter deux jours, veillai tard afin de rédiger des lettres. Au lit, afin d'être debout de bonne heure grâce à mon réveille-matin, par chance j'ai pu l'emprunter à mon horloger aujourd'hui en attendant que le mien soit réparé.
15 juillet
Levé et au bureau une fois ma besogne achevée, et bien qu'il fût tard, me mis en chemin pour Deptford. Mais avant de sortir de mon bureau vis la jeune femme de Bagwell qui était revenue. Je n'avais guère le loisir de lui parler, malgré ma grande envie. Il y avait aussi là une autre grande dame, à en juger par ses beaux atours, qui attendait que je lui signasse un billet, ce que je fis après lui avoir fait traverser le jardin jusqu'à mon bureau où je lui signai son billet et pris un baiser.
Par barque à Rotherhithe et à pied. Après dîner arrivai chez George Carteret où on m'avait attendu pour dîner jusqu'à près de trois heures. Sur ce pris un bateau avec Mr Carteret jusqu'à l'embarcadère du bac de Greenwich où il fallut patienter une heure, le temps de faire traverser l'eau aux chevaux et à notre voiture, puis nous partîmes pour Dagenham. Seigneur ! quelle conversation inepte nous eûmes en cours de route en matière d'amour, c'est le plus grand nigaud à cet égard. Arrivâmes enfin à la tombée du jour. Fûmes aimablement reçus par milady Wright et milord Crew qui entamèrent la conversation, milord s'adressant à Mr Carteret, lui parlant de ses voyages, à quoi il répondait assez bien en peu de mots, mais il n'eut pas une parole pour la demoiselle. Milord aurait aimé que je consentisse à laisser les jeunes gens seul à seul ce soir, afin qu'ils puissent se consacrer à leurs amours, la visite de Mr Carteret étant si brève, mais je le lui déconseillai de peur que la demoiselle ne fût effarouchée. Si bien qu'il fut conduit à l'étage, dans sa chambre où je demeurai quelque temps afin de savoir s'il trouvait la demoiselle à son goût. Il me fit savoir qu'elle lui plaisait assez, mais Seigneur, jamais je n'ai entendu d'amoureux parler d'aussi mièvre manière ni avec une telle fadeur. Lui souhaitai donc le bonsoir et redescendis donc me joindre aux prières de la famille de milord Crew au grand complet
Les prières dites, milord, milady Wright et moi avisâmes de la conduite à suivre. Il fut finalement entendu qu'on les laisserait aller ensemble à l'église, comme la famille avait l'habitude de faire, encore qu'on objecta que le jeune homme boîtait. Finalement milady Jem me fit dire par milady Wright que le mieux était de ne rien changer à leurs habitudes et qu'elle désirait se rendre à l'église. Il en fut décidé ainsi.
à suivre..........
16 juillet 1665
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