Lettre à Madeleine
12 nov 1915
Mon amour. Je t'adore, nous sommes toujours si mal installés que je ne peux encore travailler comme je voudrais. Il y a ici des millions de souris. Elles ont toujours dû prospérer sur les champs de bataille, lors des longues guerres dans les légendes médiévales, en France, en Allemagne, en Pologne surtout, elles représentent les invasions normandes ; on voit un vieux roi assiégé dans son château, souvent dans une île, assiégé dis-je par les souris ces souris sont les Normands et ce symbole vient évidemment de la réalité, c'est que les pays ravagés par la guerre sont infestés de souris. Elles bouffent tout et le chocolat avec frénésie, beaucoup de livrets militaires sont dévorés des rats ou des souris.
La nuit les souris commencent leur danse et j'imagine que leur rumeur nocturne, leurs cris ont dû donner origine au Sabbat des sorcières. Elles mangent le pain, laissent leurs crottes partout ( les souris pas les sorcières ). Ces animaux sont la plaie du front, chez nous les servants les appellent " les belles petite " sans doute pour se les concilier, de même que les Grecs donnaient l'épithète d'Euménides aux Furies comme si en les appelant bonnes on pouvait les apaiser. Je n'ai pas eu de lettre de toi aujourd'hui, mon amour, alors le jour n'a pas été gai. J'espère que demain j'aurai plusieurs lettres. J'ai rêvé une bonne partie de la nuit à ta chair ferme, aux roses rouges de tes seins et de ta bouche à ta toison, à ton être intime à tes cuisses adorables, à tes yeux à ton joli petit nez mutin que j'adore à tes oreilles dont tu ne m'as pas encore parlé.
Mon amour, je te fais ce soir des caresses d'une douceur infinie. Ma langue parcourt en l'effleurant ton épine dorsale et je mordille les chers frisons de tes aisselles, je m'enivre de ton odeur et comme le fils du roi, j'écarte les rameaux de la forêt vierge triangulaire où, dans un palais à porte de corail dort ma belle au bois dormant et quand j'y pénètre armé de la flèche de l'amour
tout s'éveille, tes nerfs, ta chair, tes seins palpitent, ta croupe se contracte et s'agite, tes yeux se noient ta
bouche cherche la mienne et tes cheveux mêmes deviennent sensibles. Je t'envahis avec une lenteur qui te fait te pâmer. Les dattes étaient délicieuses mon amour. Je me sers en ce moment de ta pâte à dents elle est bonne semble-t-il. En général je me sers de bioxyde en boîte de voyage, on dit que c'est le meilleur produit mais il est encore peu connu dans le public, mais ce que tu m'as envoyé est bon. J'avais emporté 2 boîtes de bioxyde en partant aux Armées et j'avais fini la 1er boîte juste quand j'ai reçu celle que tu m'as envoyée. Aussi gardé-je pr le moment la bioxyde intacte.
Le 9è Poème Secret
J'adore ta toison qui est le parfait triangle
De la divinité
Je suis le bûcheron de l'unique forêt vierge
Ô mon Eldorado
Je suis le seul poisson de ton océan voluptueux
Toi ma belle sirène
Je suis l'alpiniste de tes montagnes neigeuses
Ô mon alpe très blanche
Je suis l'archer divin de ta bouche si belle
Ô mon très cher carquois
Et je suis le haleur de tes cheveux nocturnes
Ô beau navire sur le canal de mes baisers
Et les lys de tes bras m'appellent par des signes
Ô mon jardin d'été
Les fruits de ta poitrine mûrissent pour moi leur douceur
Ô mon verger parfumé
Et je te dresse ô Madeleine ô ma beauté sur le monde
Comme la torche de toute lumière
Gui
Ma chérie j'ai oublié de parler des chers rubans bleus qui sont ma gloire et tes couleurs, le vert et le bleu, vert de tes enveloppes, bleu de tes rubans. Je pâme sur ta bouche.
Gui