vendredi 10 mai 2019

Persona 1 Erik Axl Sund ( Roman Policier Suède )


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                                                            Persona

                                           Les visages de Victoria Bergman 1

            Stockholm. C'est l'histoire d'histoires abominables. Personnalités troubles et troublantes. La plus simple Jeanette, inspecteur de police, mère de Johan adolescent, épouse de Ake, peintre sans ressource jusqu'à... cela est à venir. Sophia, psychologue, vie privée désastreuse. Ici et ailleurs la société est complice de faits cachés, connus, selon la force des personnalités. Ce jour-là, l'été est proche, entre soleil et orages, un appel téléphonique anonyme au commissariat signale un corps caché dans les buissons près d'une station de métro. Ce sera le premier des quelques cadavres de jeunes hommes émasculés, Youri Krylov, ou le visage méconnaissable. Tous semblent venus de pays lointains. L'un vient de Sierra Leone, où les enfants, drogués, se battent les armes à la main, tuent, à peine conscients de leurs actes. Alors certains d'entre eux fuient " ..... L'Europe grouillait d'enfants réfugiés clandestins. Il y avait partout des enfants qui arrivaient et disparaissaient sans que personne ne sache où ils étaient passés. Et même si on le savait personne ne faisait rien. Au fond ce n'étaient que des enfants....... " Un millier d'entre eux sont en Suède. Et quittant l'enquête durant quelques chapîtres ( ils sont courts ) on rencontre Victoria Bergham, victime, dès son jeune âge de la pédophilie de son père et de l'inertie maternelle. Suivre Victoria, son dégoût, et son ami le petit Martin, amitié farouche. Les pédophiles ont un réseau et des relations bien placées et impliquées, mais aussi des ordinateurs et des photos. De pédophilie en jeunes hommes affreusement torturés, le livre pourrait être trash, mais il est bien écrit. Arrive un incident qui fait se rejoindre Sophia et Jeanette. Une certaine réticence chez Sophia et elle repousse le rendez-vous. Et bientôt l'histoire bascule. Qui est Sophia ? Jeanette saturée de luttes et de découvertes éprouvantes " voudrait être ailleurs ". Et Victoria adulte ".... Des expériences nécessaires à la mémoire...... Leurs contours s'estompent et forment un bloc..... les mauvais traitements se confondent en un événement unique devenu une expérience, un savoir..... Qu'y a-t-il eu en elle qui n'y est plus ?.... " Où sont passée les hirondelles, tellement absentes de nos régions, à Stockholm "..... Les hirondelles qui plongent en piaillant en chasse d'insectes...... " et s'amorce la fin du premier volume. Les tomes 2 et 3 attendent les lecteurs. Une histoire très noire, mais bien écrite par deux auteurs, l'un ingénieur, l'autre musicien. Le rythme est rapide et les personnages bien perçus, circulent beaucoup dans la capitale suédoise.

lundi 6 mai 2019

Mozart Lettres à sa soeur 7 ( Corresondance Allemagne )



classiquenews.com

                                     

                                                                                             Milan 26 janvier 1770

                                              Léopold Mozart à sa femme à Salzbourg

            J'ai bien reçu le 12 ta lettre remise par M. Troger.
            Nous sommes arrivés à Milan le 23 à midi, le 24 arriva ta lettre...... Tu te plains de ne pas avoir reçu de lettres de moi pendant 3 semaines, alors que je t'ai écrit de Vérone et de Mantoue........
Nous avons quitté Vérone le 10 à midi et sommes arrivés le soir à Mantoue, je crois te l'avoir déjà écrit. Je regrette que tu n'aies pas vu l'endroit où était notre académie, le Teatro Accademia Filarmonica. Je n'ai jamais rien vu de plus beau dans ce genre, et comme j'espère que tu garderas précieusement toutes mes lettres, je te le décrirai en son temps.
            Ce n'est pas un théâtre mais une salle avec des loges, construit comme les opéras. Là où devrait être le théâtre se trouve un emplacement surélevé pour les musiciens et, derrière les musiciens, il y a encore une galerie pour les auditeurs, construite comme des loges.
            Je ne saurais te décrire suffisamment la foule énorme, les cris d'approbation, les applaudissements, le bruit et les bravo sur bravo, bref, l'enthousiasme général et l'admiration exprimée par les auditeurs..............
            Je t'envoie ci-joint le journal de Mantoue que nous n'avons reçu qu'ici, à Milan. Tu y trouveras le programme de ce qui a été donné à l'Academia. Mais il faut que tu saches que ni cette académie de Mantoue, ni celle de Vérone ne sont payantes. On y entre gratuitement. A Vérone seule la noblesse est admise, car c'est elle qui en supporte les frais. Mais à Mantoue, la noblesse, les militaires et la bourgeoisie bien située peuvent s'y rendre, car Sa Majesté l'Impératrice la patronne.
            Tu comprendras donc aisément que nous ne nous enrichirons guère en Italie, et tu sais qu'il suffit que l'on récupère les frais du voyage.......... Il y a déjà 6 semaines que nous avons quitté Salzbourg, et même si l'on ne prend que des menus tout préparés et que l'on déjeune rarement à la maison, le dîner, le bois, la chambre, etc., tout est si cher qu'aucune auberge ne permet de s'en sortir à moins de 6 ducats si l'on séjourne de 9 à 11 jours. Je remercie Dieu de vous avoir laissées à la maison...........
            Je t'ai écrit que Wolfgang avait les mains et le visage rougis par le froid et par le feu. Tout va bien maintenant. Madame Sartoretti, de Mantoue, lui a donné une pommade pour qu'il se frotte les mains chaque soir et en 3 jours cela s'est amélioré. Maintenant il est comme avant. Nous continuons d'ailleurs à bien nous porter, Dieu merci........ Nous ne verrons que difficilement M. Meissner jouer à Florence, car notre séjour n'y sera pas long, mais nous ferons plutôt un saut à Turin qui est proche. Nous séjournerons aussi brièvement à Parme et à Bologne, et ne serons donc que vers le début du carême à Florence.
            ... Mes compliments à tous mes amis et amies, à la maison et autour de vous. Je suis ton vieux et sincère                                                                                        L Mzt
            Nous vous embrassons toutes deux 100 000 fois.


                                                     Mozart à sa soeur à Salzbourg

                                                                                                            Milan 26 janvier 1770

            Je me réjouis de tout coeur que tu te sois tellement amusée à la course en traîneau et te souhaite mille occasions de divertissements afin que tu aies une vie bien gaie. Mais je suis bien contrarié que tu aies laissé M. Molk soupirer et souffrir indéfiniment, et que tu n'aies pas fait la course en traîneau avec lui pour qu'il te fasse verser. Combien de mouchoirs n'aura-t-il pas utilisés en ce jour pour essuyer ses larmes à cause de toi. Et il aura sûrement pris auparavant 2 demi-onces d'esprit-de-vin pour expulser les affreuses impuretés qui infestent son corps. Je ne sais rien de nouveau, si ce n'est que M. Gellert, le poète, est mort à Leipzig, et n'a donc pas écrit de poèmes depuis sa mort. Juste avant de commencer à rédiger cette lettre, j'ai écrit un air de Demetrio qui commence ainsi :
 cinemabalzac.com                                                                            Misero Tu non sei
                            Tu spieghi il Tuo Dolore ;
                             e se non desti amore ;
                             Ritrovi almen pietà.

                              Misera ben so io
                              che nel segretto laccio
                              amo,non spero e taccio
                              e l'idol mio non sà.

            L'opéra de Mantoue a été très réussi, ils ont joué Demetrio. La prima donna chante bien, mais tout doucement, de sorte que si on ne la voyait pas jouer et l'entendait seulement chanter, on pourrait penser qu'elle ne chante pas, car elle ne peut ouvrir la bouche et gémit simplement les sons. Mais cela n'est guère neuf pour nous. La seconda donna ressemble à un grenadier, a une forte voix et ne chante vraiment pas mal, surtout si l'on pense que c'est son premier rôle. Le primo uomo, le musico chante bien, mais il a une voix inégale, il se nomme Caselli. Le secondo uomo est déjà vieux et ne me plaît pas... ténor. L'un d'eux se nomme Uttini et ne chante pas mal, mais lourdement, comme tous les ténors italiens, et c'est l'un de nos très bons amis. J'ignore le nom de l'autre, il est encore jeune mais n'a rien d'extraordinaire. Primo ballerino, bon. Prima ballerina, bonne et l'on dit qu'elle n'est pas mal, mais je ne l'ai pas vue de près. Les autres sont comme toujours. Il y a eu un danseur grotesque qui saute bien mais ne sait pas écrire comme moi : comme pissent les cochons.
            L"orchestre n'a pas été mal. A Crémone l'orchestre est bon et le premier violon se nomme Spagnoletto. Prima donna, pas mal, assez vieille, je crois, et laide, elle ne chante pas aussi bien qu'elle joue. Elle est la femme d'un violoniste de l'opéra et s'appelle Masi. L'opéra a pour titre La Clemenza di Tito. Seconda donna, pas mal sur scène, jeune mais rien d'extraordinaire. Primo uomo, musico, Cicognani. Une jolie voix et un beau cantabile. Les deux autres castrats, jeunes et passables. Le ténor se nomme : non lo so. Une agréable tournure en soi et ressemble à Le Roi, de Vienne, qui est venu chez Lehmann. Primo ballerino : bon, prima ballerina : bonne et très grande. Il y a eu aussi une danseuse qui a fort bien dansé et qui, quel chef-d'oeuvre, n'est pas mal ni en dehors du théâtre, ni sur scène. Les autres, comme toujours. Il y avait aussi un danseur grotesque qui lâchait un pet à chaque saut.
            Je ne peux vraiment pas te dire grand-chose de Milan, nous n'avons pas encore été à l'opéra, mais avons entendu dire que ce n'est pas un succès. Aprile, le primo uomo, chante bien, a une belle voix égale, nous l'avons entendu dans une église où l'on donnait une grande fête. Madame Piccinelli, de Paris, qui a chanté lors de notre concert, joue dans l'opéra. Monsieur Picq, qui dansait à Vienne danse également à Milan. L'opéra se nomme Didone abbandonnata. Cet opéra sera bientôt retiré et Sig. Piccinni, qui écrit le prochain, est ici à Milan. J'ai entendu dire que son opéra a pour titre Cesare in Egitto. 
            Il y a aussi des feste di ballo ici, car dès que l'opéra est termine commencent les bals. L'intendante du comte de Firmian est une Viennoise. Nous avons dîné chez elle vendredi dernier et y retournerons dimanche prochain. Adieu, baise mille fois la main de maman in vece mia. Je reste jusque dans la mort ton frère fidèle


                                                                                         Wolfgang de Mozart
                                                                                      Seigneur de Hochenthal
                                                                                     Ami de la ligue du Nombre


                                                                                                         Milan 3 février 1770

                                             Léopold Mozart à sa femme à Salzbourg

            Je pensais bien que tu recevrais mes lettres l'une après l'autre....... Je n'ai rien à signaler, sinon que nous sommes, Dieu soit loué, en bonne santé, que nos mains et plus particulièrement celles de Wolfgang sont maintenant en ordre......... que depuis 15 jours il fait très beau, que Wolfgang se réjouit tous les jours de son lit bien chauffé, qu'il n'a pas le temps de t'écrire car il compose deux motets en latin pour 2 jeunes castrats, l'un âgé de 15 ans l'autre de 16, et qui l'ont prié de les écrire, et comme ils ont une belle voix et qu'ils sont se sont pris d'amitié, il ne peut rien leur refuser. Je regrette vivement de voir et d'entendre de tels jeunes gens tout en sachant que je ne peux les emmener à Salzbourg. Je pressens que nous resterons plus longtemps à Milan que ce que j'avais prévu........ j'ai découvert ces jours-ci encore quelque chose dans les journaux sur la manière dont les gens nous ont guettés à Bozzolo... Wolfgang remercie tout le monde pour les voeux... Je t'embrasse 1 000 fois ainsi que Nannerl, de la part de Wolfgang également, et je suis pour toujours ton

                                                                                              époux sincère
                                                                                                       Mozart
            ... Nannerl joue-t-elle du piano avec application ?...


    car-tours.ch                                            Léopold Mozart à sa femme à Salzbourse son
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                                                                                                              Milan 10 février 1
            J'espère que tu as reçu mes lettres des 27 janvier et 3 février, ainsi que celles de Mantoue. Je peux prédire à coup sûr que nous resterons jusqu'à la fin du carnaval. S. E. le comte v. Firmian va mieux maintenant et nous avons eu l'honneur de dîner pour la première fois à sa table mercredi dernier. Après le repas, S. E. a fait cadeau à Wolfgang des oeuvres de Metastasio en 9 volumes, une des plus belles éditions, celle de Turin, avec une très belle reliure. Tu peux facilement t'imaginer le plaisir procuré par ce cadeau, tant à Wolfgang qu'à moi. S. E. a été très impressionné par l'habileté de Wolfgang........... Tu sais bien comment cela se passe, tu en as été bien souvent témoin. Nous sommes en bonne santé, Dieu merci.
            Je suis contrarié de ne pas savoir si nous irons à Turin car, si nous voulons être à Rome pour la semaine sainte, il nous faudra renoncer au voyage à Turin pour pouvoir nous arrêter à Parme, Bologne et Florence sur le chemin de Rome. Je pense que nous ne pourrons partir avant la première semaine du carême. L'avantage est que nous avons un appartement sûr, pratique et agréable. Nous avons eu longtemps un très beau temps, puis le 6 s'est levé un vent terrible amplifié dans la nuit du 7 et a entraîné une telle neige que le 8 au matin tout était recouvert de neige. Mais comme ici elle ne tient pas les rues sont affreusement boueuses et quasiment impraticables.
            Nous avons eu l'occasion d'entendre divers concerts de musique sacrée. Entre autres, hier une messe des morts ou Requiem pour le vieux marquis Litta mort pendant le carnaval au déplaisir de sa nombreuse famille qui lui aurait volontiers souhaité de vivre jusqu'au carême........
            Ne t'attends pas à ce que je te décrive les services religieux pratiqués ici, je ne saurais le faire tant cela m'irrite. La majeure partie consiste en musique et ornements d'église, le reste est affreusement débraillé.
            Je reviens à l'instant des vêpres qui ont duré plus de 2 heures, de sorte que je n'ai eu que le temps de passer chercher cette lettre pour finir de l'écrire chez M. le Majordome du comte Firmian, car je voulais auparavant voir s'il n'y avait pas une lettre de toi. Je n'ai rien trouvé. Tu es très paresseuse. Il y a longtemps que nous sommes ici et la présente est la troisième lettre que je t'écris de Milan sans avoir eu de réponse. Je ne vois de meilleure solution que de ne plus écrire pendant quelques semaines. Wolfgang attend de courrier en courrier une lettre de toi, mais rien ne vient. Addio. Je suis le vieux

                                                                                                                             Mzt
Nos compliments à tous nos bons amis et amies, selon leur rang.

Post-Scriptum de Mozart
            Quand on parle du diable on en voit la queue. Je vais bien, Dieu merci, et brûle d'impatience de recevoir une réponse. Je baise la main de maman, envoie à ma soeur un baiser grassouillet, et demeure le même... mais qui ? le même guignol, Wolfgang en Allemagne, Amadeo en Italie              De Mozartini
 Post-Scriptum de Leopold Mozart
            Je t'embrasse, toi et Nannerl, mais une seule fois, puisque vous n'écrivez pas...


                                                Leopold Mozart à sa femme à Salzbourg

                                                                                                                    Milan 17 février 1770
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Image associée            J'ai bien reçu ta lettre du 9 février, j'espère que la toux vous aura quittées toi et Nannerl. Nous sommes, Dieu soit loué, tous deux en bonne santé. Je veux bien croire que l'été n'est pas aussi dangereux que l'hiver en Italie, mais nous espérons que Dieu nous protégera. Et si l'on ne gâche pas sa santé par quelque dérèglement en s'empiffrant et en s'enivrant, etc., et qu'on ne souffre pas de quelque faiblesse naturelle interne, il n'y a rien à craindre. Nous sommes partout dans la main de Dieu. Wolfgang ne mettra pas sa santé en danger en mangeant et en buvant, tu sais qu'il se contrôle bien lui-même et je peux t'assurer que je ne l'ai jamais vu aussi précautionneux de sa santé que dans ce pays. Il laisse de côté tout ce qui ne lui semble pas bon et mange très peu certains jours. Il est en bonne santé et bien en chair, gai et joyeux toute la journée.
            Je t'écris de chez le majordome de la maison du comte Firmian, Sgr. Ferdinando, notre excellent ami, et le tailleur vient de passer avec les manteaux et " bajute " que nous avons dû nous commander. Je me suis regardé dans la glace alors que nous faisions les essais et ai pensé :
            " Il ne manquait plus que de devoir faire ces folies sur mes vieux jours. "
             Cela va incomparablement bien à Wolfgang, et comme nous avons dû faire cette folle dépense, je me console à la pensée qu'on peut les utiliser pour autre chose, ne serait-ce que comme doublure, tablier, etc.
            Demain, S. A. le duc et la princesse de Modène, future épouse de l'archiduc Ferdinand, viennent chez S. E. le comte v. Firmian, pour entendre Wolfgang. Le soir nous irons " en masque " au
gala de l'opéra, à la suite sera donné un bal, puis le majordome et sa femme nous reconduiront à la maison en voiture. Vendredi prochain, il y aura une accademia pour tout le monde, nous verrons ce qui en sortira. Je ne peux donc rien t'écrire de notre situation avant que nous partions d'ici ou tout au moins avant que nous soyons sur le départ. Nous ne gagnerons pas grand-chose en Italie. Le seul plaisir est de voir la très grande curiosité et la compréhension que l'on rencontre ici et à constater que les Italiens reconnaissent les capacités de Wolfgang.
            Pour le reste, il faut bien sûr se contenter de se faire payer en admiration et en bravos. Mais je dois te dire que nous sommes en tous lieux reçus avec toute l'amabilité imaginable et nous sommes invités en toute occasion chez la noblesse...
            Mes compliments à tout Salzbourg. -- Je suis ton vieux
                                                                                           
                                                                                                                  Mozart
            Nous t'embrassons toi et Nannerl.

Post-Scriptum de Mozart à sa soeur :

            Me voici moi aussi, je suis tout à toi, Mariandel. Je suis heureux de tout mon cul que tu te sois si effroyablement -- amusée. Dis à Urscherl, la bonne d'enfant au cul froid, que je crois bien lui avoir rendu tous les lieder, mais que, de toute façon, si je les avais emportés avec moi en Italie, absorbé par mes hautes et importantes préoccupations, je ne manquerais pas de les insérer dans une lettre si je les retrouve. Addio les enfants, portez-vous bien, je baise mille fois les mains de maman, et à toi, j'envoie cent baisers, petits et gros, sur ton merveilleux visage de cheval. Per far il fine, je suis ton, etc.

Post-Scriptum de Leopold Mozart à sa fille :

            Nous n'avons pas emporté de cadences. Oui, oui, elles seront restées dans le concerto. Tu trouveras la partition dans mon armoire, en haut, là où se trouvent les symphonies, elles sont sous les copies des symphonies de Cannabich.
            Chantes-tu bien encore ?


                                                Leopold Mozart à sa femme à Salzbourg

                                                                                                   Milan, mardi gras 27 février 1770
                                                                                                                     perezartsplastiques.com
abichap6            Samedi dernier nous avons dû nous rendre à l'improviste à l'opéra et au bal avec M.le Majordome, je n'ai donc pu t'écrire. Notre accademia a eu lieu vendredi dernier. Elle a été comme partout..... Nous sommes en bonne santé, Dieu soit loué, et si nous ne sommes pas riches, nous avons au moins plus que le nécessaire. Lundi ou mardi de la 2è semaine du carême nous quitterons Milan, avec l'aide de Dieu, et nous rendrons à Parme. Nous partirions volontiers plus tôt, mais S. E. le Cte Firmian veut donner chez lui une grande académie pour les dames, au cours de la 1è semaine du carême, et il y a d'autres choses à mettre au point.
            Ici on mangera de la viande demain et jeudi. Il y a tous les jours opéra et bal, le dernier aura lieu samedi. Cela est autorisé par le rite ambrosien que suit toute la ville. Dans les cloîtres on suit le rite romain et le carême commence le Mercredi des Cendres, et jeudi tous les religieux quittent les cloîtres et se font inviter par leurs connaissances pour manger de la viande. Qu'en penses-tu ? Oh, avec le temps, j'aurai des centaines de ces belles histoires à te raconter, qui ne sont guère édifiantes, mais plutôt irritantes.
            Je suis très heureux que Salzbourg soit si vivant et que vous vous amusiez bien. Dis partout mon bon souvenir... Adieu, je dois clore ici. Wolfgang compose deux airs. Je t'embrasse 1 000 fois ainsi que Nannerl et suis
 
                                                                                     ton vieux Mzt.

Post-Scriptum de Mozart à sa soeur

             J'embrasse maman et toi. Je ne sais où donner de la tête à cause des " affaires " et ne peux absolument écrire davantage.


.........................

                                           Mozart à sa soeur à Salzbourg

                                                                                                             Milan 3 mars 1770
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Image associée            Cara sorella mia,
            Je me réjouis du fond du coeur que tu te sois tant amusée. Peut-être crois-tu que je ne me suis pas amusé, mais si. Je ne les ai pas comptées, mais je crois bien que nous sommes allés six ou sept fois à l'opéra, et ensuite à la " festa di ballo " qui commence, comme à Vienne, après l'opéra. La seule différence vient de ce qu'à Vienne on danse avec plus de discipline. Nous avons également vu la
" facchinata " et la " chiccherata " . La " facchinata " est une mascarade très belle à voir où les gens se déguisent en " facchini " , c'est-à-dire en valet. Une barque en contenait de nombreux, d'autres allaient à pied. Il y avait aussi 4 ou 6 ensembles de trompettes et timbales et un grand nombre et autres instruments. La " chiccherata " est aussi une mascarade que nous avons vue aujourd'hui. Les Milanais nomment " chicchera "  ceux que nous nommons " petits maîtres " ou hâbleurs. Ils allaie tous à cheval, c'était très joli. Je suis maintenant plus heureux que M. Von Amann va mieux que j'étais attristé en apprenant qu'il lui était arrivé malheur. Quel déguisement madame Rosa a-t-elle porté, et M. Von Mölk et le prince, et M.v.Schiedenhofen ? Je t'en prie, écris-moi si tu le sais, tu me feras un très grand plaisir. Aujourd'hui nous sommes invités chez M. le Majordome du comte Firmian pour fêter notre départ. Il y aura de quoi papoter. Addio, porte-toi bien, je t'enverrai une lettre de Milan par le prochain courrier. Je suis, etc.

                                                                                       Wolfgang Mozart
                                                                                               le 3 mars 1770
P.S. Baise pour moi la main de maman 1000 000 000 000 de fois. Fais mes compliments à tous mes bons amis et reçois, toi, mille compliments de Wanstenderwischtsohastenschon* et de Don Cacarella, surtout par derrière, et

* nte de l'édit. : L'éditeur, Flammarion : patois salzbourgeois : " si-tu-l'attrapes-oh-tu-l'as-déjà ", le 2è " diarrhée ".



samedi 4 mai 2019

Le peintre abandonné Dominique Fernandez ( Roman France )


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                                                Le peintre abandonné
            Perpignan. Le grand peintre espagnol a trouvé réussite et célébrité en France, à Paris, au Bâteau Lavoir où avec ses amis les meilleurs de sa génération il sera célébré après avoir connu la précarité. au tout début du siècle dernier. Il y a Derain Braque, Juan Gris, et lui Pablo. Passant et s'arrêtant à Céret ils sont frappés par le côté linéaire des maisons. Les peignant ainsi ils ont l'habileté
de rendre ce qu'ils ont sous les yeux dans ce nouveau style que l'on nommera cubisme. Vérité, fable ?
            Mais en ce début d'été le grand peintre, se réfugie chez des amis à Perpignan. Il a 72 ans et un problème d'homme adulé, mais aussi abandonné. Françoise lui écrit, elle le quitte." Françoise l'abandonne parce qu'il est trop vieux. Elle avait 21 ans lorsqu'ils se sont connus. A soixante et un ans, il portait encore beau............ " Françoise Gilot, la mère de Paloma et Claude qu'il a emmenés avec l'aîné Paulo, le fils d'Olga, ex-danseuse des ballets russes, Françoise lui écrit, séparation, partage des biens, quoique pas mariés, mais selon le code d'honneur catalan, elle le quitte " parce qu'il est devenu pour elle un vieux barbon........ A ton âge, mon vieux toutou aimé, je n'ai plus d'autre rôle que celui de maman ou d'infirmière..... et je n'ai pas ce tempérament. J'ai besoin de vivre......... " . L'auteur Dominique Fernandez, érudit, entoure les problèmes sentimentaux des habitants de l'hôtel particulier où logent Pablo Picasso, ses proches et ses hôtes, de l'histoire d'une fontaine, de l'art du toréador et de la rage du magnifique taureau. Le peintre est triste, il a choisi de loger dans les combles de l'hôtel, il s'y enferme et commence un tableau qu'il finira peut-être à la fin du livre, car le peintre abandonné est en colère, sa vanité blessée, ses amis les plus proches morts, Eluard le poète, il assiste à ses obsèques, Derain, Juan Gris, Braque et Matisse ne sauraient tarder. Matisse qui peint des fleurs, alors que lui Pablo n'aime pas la nature. Communiste, convoqué par Thorez à la mort de Staline, il peint quelque chose, une colombe pour certains, un pigeon pour d'autres, l'une est douce, l'autre carnassier. Un livre plein d'enseignement sur l'art, la nature de l'homme, assez court, le temps des quelques semaines que dure le séjour à Perpignan du grand peintre abandonné.









jeudi 2 mai 2019

Anecdotes et réflexions d'hier pour aujourd'hui 96 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )


                                                                                                                 16 juin 1663

                  Levé, mais pas aussi tôt que j'en ai l'intention, à compter d'aujourd'hui. A mon bureau travail toute la matinée. A midi, à sa requête, dînai avec sir William Batten, me dit que l'argent destiné au roi aura la forme d'un subside. Allai ensuite voir des tableaux avec sir John Mennes chez Brewer, censés être de bonne facture, mais ils ne me plaisent pas. Rentrai au bureau et de là chez Stacey, le marchand de goudron et dont le serviteur avec qui je m'étais entendu hier revient sur le marché. Au bureau nous en sommes tous contrariés, même sir William Batten tellement en faveur de Hill  Réunion jusqu'au soir, puis visitai sir William Penn toujours malade et à la maison et au lit vers 10 heures.


                                                                                                                    17 juin

              Debout avant 4 heures, heure à laquelle j'entends désormais me lever, et un moment à mon bureau. C'est avec grand plaisir que je me remets à mon travail. Un peu plus tard je pris de l'argent et me rendis chez mon marchand de goudron pour lui payer sa marchandise, qu'il refuse de me vendre. Mais maintenant son maître est de retour et il me parle fort civilement, et je crois que nous allons l'obtenir sans querelle. Je rapportai mon argent puis me rendis à Whitehall et parlai dans le jardin à milord Sandwich. Il porte son habit à boutons d'or, comme c'est la mode, et a belle allure. Le capitaine Ferrer est de retour de France......... Je rentrai à la maison en barque, dînai seul, jouai une demi-heure du violon et au bureau jusqu'à une heure avancée, et à la maison et au lit.
            J'ai aujourd'hui envoyé à la femme de mon cousin Pepys, chez ma cousine Turner, un cuissot de chevreuil que l'on m'a donné hier et demandé de me faire porter une douzaine de ses bouteilles pour les remplir de vin pour elle.............

                                             
                                                                                                                  18 juin

Levé à 4 heures et à mon bureau.......... Dînai seul à la maison content de mon travail mais triste de l'absence de ma femme. Une demi-heure à mon violon et réunion au bureau tout l'après-midi jusque tard, et à la maison et au lit. Eus ce matin la visite de Mr Cutler dans mon petit cabinet. Il parle excellemment car c'est un homme sage, et je m'aperçois, à ce qu'il dit et beaucoup d'autres, que ma diligence est remarquée. Je rends grâce à Dieu, et j'espère que ça continuera.............


                                                                                                                       19 juin.

            Au lit jusqu'à 6 heures, lever et à mon bureau. A midi me rendis à la Bourse. Au retour rencontrai Mr Creed que je ramenai chez moi pour dîner, puis arriva Mr Moore à qui je remis 30 livres. Sortîmes et prîmes une barque jusqu'à Lambeth pour voir la dépouille de l'archevêque mais pas encore exposée. Retour à Whitehall et au bureau du Sceau privé, examinai les registres et constatai que l'on avait octroyé une augmentation de salaire aux officiers de haut rang de la marine pour l'année 1639, 300 livres à répartir entre le contrôleur, le surintendant et le commis aux vaisseaux. Ensuite chez Wilkinson, après une bonne promenade dans le parc rencontrâmes le capitaine Ferrer à cheval, il nous dit que le roi de France est rétabli, qu'il l'a vu faire faire de l'exercice à ses gardes, tous de vaillants soldats, à Paris, et que, lorsqu'il se rend chez sa maîtresse, Mademoiselle de La Vallière, une jolie petite femme qui attend maintenant un enfant, il y va avec ses gardes, au vu et au su de tous, avec ses trompettes et ses timbales qui restent devant la maison. Et pourtant, dit-il, malgré tout cela la reine ne sait rien, car personne n'ose lui dire, mais cela j'ai peine à le croire.
            Chez Mr Wilkinson, où nous avions commandé un plat de petits pois, le repas fut fort gai et comme nous étions en compagnie du petit gentilhomme , un ami du capitaine Ferrer qui se trouvait au Théâtre avec ma femme et moi il y a quelques jours, nous nous rendîmes à la taverne Rhénane où il demanda un vin rouge du Rhin  appelé " bleakard ", un bon vin, et qui n'est pas un mélange, comme on dit.          fond-ecran-image.com
            Mr Moore nous montra comment en France on boit à la santé de quelqu'un : vous saluez celui qui a bu à votre santé, puis le mari de la dame à la santé de qui l'on boit, puis la personne à la santé de qui vous buvez. Ce que je ne savais pas avant, mais il semble que ce soit maintenant à la mode.
            Retour en barque à la maison, et au lit, après avoir joué du flageolet à la fenêtre de mon cabinet et avoir lu à Will un passage de la Bible en latin. Je vois que dans peu de temps il sera tout à fait accompli, s'il fait tant soit peu d'effort.


                                                                                                         20 juin 1663

            Lever et toute la matinée à mon bureau, dînai à la maison avec Mr Deane de Woolwich, et descendîmes par le fleuve jusqu'à un entrepôt de bois où passâmes tout l'après-midi à cuber du bois de charpente, ce qui n'a plus de secret pour moi et je serai dans peu de temps à même de servir très utilement le roi.
            Le soir retour à la maison et à mon bureau expédiai des affaires puis à la maison. Après avoir entendu Will lire un peu de Bible en latin, au lit.


                                                                                                           21 juin
                                                                                       Jour du Seigneur
            Lever de bonne heure et lecture de ma grammaire latine, ce dont j'ai bien besoin. Cela m'est apparu quand j'ai demandé à Will de lire un passage en latin. Je suis résolu à la relire entièrement.
            Après m'être fait raser, en barque à Whitehall, traversai le parc, il pleuvait fort, me rendis au cabinet de travail de Mr Coventry. Parlâmes des affaires de la marine, et bien content de ma visite il m'emmena dans son carrosse et me déposa à Whitehall d'où je m'embarquai immédiatement pour rentrer.......... A la maison, comme j'étais mouillé, changeai de cravate et mes affaires avant de dîner, montai ensuite faire quelques exercices sur mon virginal qui n'a pas de secret pour moi....... Puis à l'office où dormis pendant tout le sermon, car c'était l'Ecossais, à la voix duquel je ne peux vraiment pas m'habituer, qui prêchait.
            Ensuite avec sir John Mennes qui, le pauvre homme, avait oublié qu'il m'avait emmené l'autre jour chez le peintre voir certains tableaux qu'il a depuis achetés et ramenés chez lui, dans sa maison pour voir des oeuvres rares, comme il les appelle, de grands maîtres de la peinture. Je ne lui dis pas qu'il me les avait déjà montrés, mais j'en fis l'éloge et je les trouve, en effet, assez belles
             Puis allâmes voir sir William Penn qui souffre toujours de la goutte. Nous restâmes un bon moment, allai ensuite à mon bureau et relus mes résolutions avec sérieux et satisfaction. A la maison, prières et au lit.


                                                                                                                22 juin

            Levé de bonne heure et à mon bureau. Relus toutes les lettres que l'on a écrites depuis que je suis ici, afin de graver dans ma mémoire l'ensemble des affaires et d'en consigner dans mon manuscrit
certaines qui sont utiles et d'une portée générale. Ensuite à Westminster en fiacre avec sir William Batten. Je remarque que tout le long du chemin les boutiques sont alignées sur les façades des maisons, même dans les rues les plus larges, ce qui va grandement améliorer la Cité.
            Je me promenai dans la Grand-Salle, allant de l'un à l'autre. Il paraît que les Communes sont partagées quant à la façon de lever les subsides qu'elles entendent accorder au roi, tant pour ce qui est de la manière, de la date que du montant.
            Il semble que la Chambre consente à prier le roi d'avoir le bon plaisir de leur faire savoir le nom de la personne qui l'a informé des paroles de sir Richard Temple, qui étaient : " si le roi voulait le soutenir ou se laisser guider par lui et son parti, il ne manquerait point d'argent ". Mais comme on ne sait pas qui a rapporté cela au roi, on juge inopportun de demander à sir Richard Temple de rendre des comptes.
            Allai ensuite avec Creed acheter un homard et entrâmes dans une taverne. La servante est une fille gaie et sûre d'elle et, bien que vertueuse elle est fort aimable. Mangeâmes là notre homard, puis fîmes une longue promenade dans le parc, car le duc était parti chasser. Il revint peu après....... Prêt à nous recevoir, nous conversâmes longuement, mais les comptes de Mr Creed ne sont toujours pas jugés satisfaisants à cause de l'ignorance obstinée de sir George Carteret, sur qui je ne puis agir sans risque, comme je le voudrais.
            Retour dans le parc avec Creed, promenade une heure ou deux, jusqu'au soir. C'est une personne d'une telle intelligence et qui sait tant de choses que je ne puis m'empêcher d'aimer sa compagnie, quoique je n'aime point l'homme, car il est trop habile pour être un ami et n'agit que par intérêt et calcul. Mais on apprend beaucoup d'un tel homme. Ensuite à Whitehall et en barque dans le quartier du Temple. J'allai chez mon frère et chez d'autres personnes, mais ne trouvai personne. Rentrai à la maison, rencontrai Strutt, le commissaire de marine. Il me confie un secret : " Field lui a dit avoir obtenu un jugement contre moi à la Cour de l'Echiquier pour 400 livres. " J'allai donc trouver sir William Batten, pris un fiacre avec son fils, l'avocat, et me rendis chez Clerk notre avoué. Il m'assure qu'une telle chose est impossible. Eux deux ensemble sont résolus à bien s'occuper de cette affaire. Retour à la maison et à mon bureau pour noter les événements de la journée. Ayant reçu une lettre me disant que tout va bien à la campagne, à la maison pour souper, puis lecture avec Will d'un passage de la Bible en latin, et au lit.


                                                                                                        23 juin 1663
                                                                                                                  aluminumstatue.com
            Levé à 4 heures et à mon bureau. Mais avant de sortir, comme je demandais à voir le cahier de mon petit valet, je vis qu'il n'avait pas fait ses devoirs. Je le frappai et montai chercher ma garcette, mais quand je redescendis il n'était plus là. Je fouillai la cave à la lueur d'une chandelle, et ne pus le trouver nulle part dans la maison.                                                             
            Au bureau une heure ou deux, puis en barque dans le quartier du Temple voir mon cousin Roger qui, je le vois, parle terriblement haut dans les affaires du Parlement et contre la Cour. Il m'a montré comment l'on a calculé que le roi a dépensé, ou du moins reçu, environ 4 millions depuis son avènement.
            Quant à l'affaire de sir John Winter, il est si furieux qu'il me dit que l'homme mérite d'être pendu et use à son endroit des paroles les plus violentes, ce que je regrettai, mais je suis certain que ses intentions sont bonnes.
            Retour en barque à la maison et à la Bourse. Peu après arrivèrent le roi et les reines en grande pompe, et les rues se remplirent de monde. Je montai sur le balcon de Mr... Ils vont tous dîner chez milord le maire, mais je ne sais ce qu'il a prévu de leur servir ni où il les recevra.
            A la maison, dînai seul. J'appris que mon petit valet était parti, il était revenu chercher son chapeau et sa cravate et s'en était allé chez son frère. Je suis résolu à le laisser partir pour de bon.
            Retourné vite au bureau et eus une grande dispute avec sir William Batten et sir John Mennes qui, en vieux gâteux qu'il est, laisse l'autre le mener par le bout du nez. Il s'agissait de l'affaire du chanvre du capitaine Cocke, une duperie manifeste aux dépens du roi. Mais pour préserver la paix je consentis à me taire et à signer sa traite, mais à ma façon pour pouvoir me justifier. Et tout fut donc réglé. Mais cela me fait mal de voir que sir William Batten est un tel gredin. Restai tard à mon bureau puis à la maison, souper et au lit. Mon domestique Will est souffrant.


                                                                                                                    24 juin 

            Levé avant 4 heures, jouai du luth pendant plus d'une heure et après avoir pris une boisson du matin dans une taverne de Thames Street, me rendis dans le quartier du Temple, causai un moment de quelques affaires avec mon cousin Roger, puis en barque à St James où j'eus une conversation privée avec Mr Coventry, pendant plus d'une heure........... Nous censurâmes la corruption de sir William Batten........... Il a remarqué qu'il ne signe les traites que sous le signe de la colère et de la fureur, pour s'en débarrasser.
            A propos de sir George Carteret, dont je vois qu'il ne parle qu'avec dédain, qu'il diminue les mérites de son action au service du roi à Jersey, et dit qu'il a été bien récompensé et qu'il a obtenu des terres, des fermages et d'autres profits tout le temps qu'il est resté là-bas.........  Il me dit aussi que le duc d'York avait donné à sir George Carteret et à l'île ses revenus en tant qu'amiral, et d'autres choses, pour faire construire une jetée. Mais elle n'a jamais été bâtie, ni ne le sera jamais...........
            C'est un grand mal de renvoyer des hommes qui ont l'expérience des affaires, comme le chancelier......... Si les papistes, même s'ils sont par ailleurs des personnes de talent, étant par la loi écartés du service public depuis quatre-vingts ans, sont maintenant totalement incapables de s'occuper des affaires du royaume, il en est de même des Cavaliers mis à l'écart pendant 20 ans dont le plus grand nombre, d'après lui, se sont consacrés à leurs domaines ou aux affaires de la famille..........
" Voyons, dit-il, dans la marine il est impossible de faire quoi que ce soit sans eux, il n'y a, pour ainsi dire, pas plus de trois hommes, parmi tous ceux du parti du roi, capables de commander un vaisseau."
................. Me rendis ensuite dans les appartements de milord Sandwich......... parlai de Mr Coventry et Pett, de sir John Mennes et que l'estime dont ce dernier jouit n'est rien d'autre que celle que l'on porte à un bouffon ou à un rimailleur, ce qui fit rire milord............
            Cherchai ensuite avec Mr Creed une table d'hôte et comme il n'y avait plus de place à la Tête du Roi, nous allâmes à celle d'à côté, tenue par un homme de bonne mine, et la chère y est bonne et abondante, mais la clientèle et la salle sont si petites qu'il court à la banqueroute et il y manque l'agrément que l'on trouve dans la première.
            Dînait là, cependant, un vieux courtisan qui nous donna bien des exemples et des arguments prouvant qu'il est rare qu'un homme qui apporte quelque chose à la Cour obtienne quoi que ce soit, bien au contraire. Car comme il sait qu'il a de quoi vivre il ne va pas se rendre esclave de la nécessité de servir et de flatter, ni entrer dans la condition servile d'un courtisan. Tandis qu'un autre, qui n'apporte rien et ne demande qu'à tricher, mentir et flatter tous ceux, hommes et femmes, qui ont la moindre influence sur les gens bien en cour et peuvent tromper le roi, puisque l'on ne peut rien obtenir là-bas sans offenser Dieu et le roi, c'est celui-là surtout et seulement qui gagne quelque chose.
            Ensuite nous promenâmes deux ou trois heures au Parc de St James, en conversant, puis en barque à la maison voir si tout va bien. Ensuite à Greenwich, entrâmes dans un joli jardin public où jouâmes aux quilles, bûmes. Retour à la maison, tout transi et ayant attrapé un fort gros rhume, car c'est aujourd'hui la première fois de l'année que je mettais mon pourpoint de tabis.
            A la maison et après un souper léger, Creed et moi, au lit.
            Aujourd'hui j'ai remarqué que la maison que j'ai pris pour le nouveau court de tennis, récemment construite à côté des appartements de milord, s'était écroulée en raison de fondations insuffisantes ou de malfaçons. Ce que condamne mon cousin Roger........


                                                                                                                 25 juin
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            Levés très tôt tous les deux. A mon cabinet de travail où nous rédigeâmes une lettre à sir George Carteret pour justifier Creed et préparer notre entrevue avec le Duc au sujet des comptes. Je m'en chargeai et le résultat fut très satisfaisant. Je suis content de voir avec quelle ruse, quelle dissimulation et quels artifices variés ce Creed a mené son affaire, même à mon insu, et qu'il est contraint maintenant par cet accident de me les révéler. Il a, par exemple, soustrait au contrôleur, sans que nul ne s'en doutât, tous les documents importants pour le règlement de ses comptes, il sait que le contrôleur n'a pas de preuves affaire..... Visite de Mr Bland qui me dit que les Portugais ont laissé entrer les Espagnols par un stratagème, et comme ils étaient au milieu du pays et que nous croyions qu'ils allaient s'emparer de tout le Portugal, il y eut un soulèvement général et tout le corps d'armée a péri, près de 8 000 hommes. Don Juan d'Autriche, après avoir deux chevaux tués sous lui, a été contraint de s'enfuir avec un seul homme. ( nte de l'éd. ; Bataille d'Ameixial ).
            Une ancienne prophétie venue de France....... elle vient du roi de France, prédit que les Espagnols entreraient dans leur pays et qu'ils seraient tous tués dans une certaine vallée et que leur pays serait alors entièrement délivré des Espagnols. Cela se passait mardi dernier.
            Et hier sont arrivées les premières nouvelles : dans cette même vallée ils avaient ainsi mis en déroute et tué les Espagnols, ce qui est fort étrange, mais vrai.
            Tard au bureau, puis à la maison et au lit.
            Ce midi j'ai reçu une lettre de ma femme, et elle semble fort contente de la campagne. Dieu fasse que cela continue et qu'elle puisse s'amuser tout le temps qu'elle passera là-bas !
            Sur les conseils de milady, elle voudrait une jupe neuve dans cette nouvelle étoffe ornée de bandes de soie, et qui est fort belle. Je me rendis donc immédiatement à Paternoster Row et lui achetai du tissu, avec l'aide de Mr Creed. Une étoffe très belle et très riche, la plus belle que je trouvai, et bien meilleure qu'elle ne le désire ni ne s'y attend. Je la fis porter par Creed à Unthank pour que la jupe soit faite demain et que je puisse l'envoyer par un voiturier, car je croyais que nous n'étions que mercredi, mais je me trompais, de plus comme le tailleur était absent, cela ne put se faire et Creed me fit rapporter l'étoffe le soir afin que je fisse faire la jupe par quelqu'un d'autre, mais je vais la garder jusqu'à la semaine prochaine.


                                                                                                                    26 juin

            Levé de bonne heure, visite de Mr Moore. Parlâmes d'aller à Oxford pour la cérémonie de remise de diplôme à Mr Nathaniel Crew......... je m'arrangerai pour y aller.
            Puis, sous une forte pluie, dans le quartier du Temple, mais mon cousin Roger était absent, aussi nous nous promenâmes un bon moment parmi les arbres du Temple en parlant......
            Comme il pleuvait fort nous entrâmes au tribunal du Banc du roi........ jusqu'à la fin de l'averse. Quelle saison maussade ! On dit qu'il n'a pas fait une belle journée depuis trois mois ! Puis en barque à Westminster où je parlai à Roger Pepys........
            Retour à la maison en barque et, après avoir pris un petit moment pour me préparer, avec sir William Batten, sir John Mennes et milady Batten en voiture pour Bethnal Green où sir William Rider nous a invités à dîner. Bel endroit, aimable dame, la mère et leur fille, Mrs Middleton, une jolie femme. Dîner splendide et belle et joyeuse promenade seul avec les dames dans le jardin qui est fort agréable. La plus grande quantité de fraises que j'aie jamais vues, et bonnes. Puis collation. Nous nous sommes bien divertis en écoutant sir John Mennes lire fort joliment un livre de satires.
            La maison où nous étions a été construite par le célèbre mendiant aveugle de Bethnal Green.
.......... Nous avons bu beaucoup de vin et j'ai terminé sur un verre de bière, ce qui a manqué me soulever l'estomac.........
            Retour à la maison le soir, jouai un peu de mon virginal, et au lit.


                                                                                                               27 juin 1663
                                                                                           
            Levé à 4 heures et un moment à mon bureau et, comme convenu, arriva sir William Warren.....
Dans sa maison plus de deux heures à parler des dépenses de la marine et de la corruption de sir William Batten et de son compère Wood, à qui il fait obtenir, ou voudrait faire obtenir, les contrats pour vendre tout ce qu'il y a à vendre à la marine.
             Au bureau courte réunion et à la maison dînai seul. Me rendis ensuite, sous une grosse pluie, dans le quartier du Temple par le fleuve et me promenai à Lincoln's Inn pour voir un nouveau jardin que l'on y fait et qui va être fort joli. Me promenai ensuite sous la chapelle, fus rejoint par Mr Clerke, notre avoué........ Je lui demandai de conclure notre procès contre Field le meilleur et le plus rapide compromis possible.
            Retour à pied à la maison, m'arrêtant chez mon frère et ailleurs pour affaires, puis à la maison et à mon bureau où j'écris à mon père et à ma femme. A la maison, au lit après avoir pris trois pilules ce soir.


                                                                                                                 28 juin
                                                                                             Jour du Seigneur
            Tôt ce matin ma médecine d'hier a fait son effet et m'a fait une belle selle, je me levai et fis encore trois ou quatre selles et me promenai de long en large dans mon cabinet de travail. Puis ma servante se leva et me prépara un posset. Arrive Mr Creed et nous passâmes toute la matinée à parler en prévision de notre rencontre demain avec le Duc, de l'affaire de ses pièces de huit objet de tant de questions de la part du trésorier.
            A midi, ma purge ayant cessé de faire effet, je descendis dîner, puis remontâmes tous les deux et passâmes une grande partie de l'après-midi à lire du Cicéron et d'autres livres et à deviser agréablement, puis il s'en alla. Ensuite visite de mon frère Tom. Il me raconte que les Joyce se font faire de beaux habits en prévision des couches de Mary. Après son départ j'allai faire mes comptes de ce mois, et je suis bien contrarié de me trouver plus pauvre de 7 livres que le mois dernier, quoique je doive avouer que c'est parce que j'avais la dernière fois compté beaucoup de choses d'avance. Et pourtant je suis fâché de voir que je ne puis guère économiser grand-chose d'une fin de mois à l'autre, 4 ou 5 livres au plus, sauf en cas de gains extraordinaires. Mais je dois continuer à surveiller mes dépenses personnelles, ce que j'espère parvenir à faire.
            Entrepris ensuite à relire mes résolutions avec sérieux, puis souper. Ce soir est venu le frère de mon petit valet qui est à sa recherche, car il n'était pas à Londres cette semaine, et il est bien fâché qu'il soit parti, et moi de même, mais il ne reviendra plus ici. Puis prières et au lit.


                                                                                                                      29 juin

            Levé de bonne heure et à mon bureau et un peu plus tard dans le quartier du Temple, ou pris un rendez-vous pour ce soir au sujet de mon affaire, et rentrai à pied à la maison.
            Tout le long des rues on crie bien fort la grande victoire obtenue par les Portugais sur les Espagnols, au cours de laquelle 10 000 hommes ont péri, 3 ou 4 000 ont été faits prisonniers avec toute l'artillerie, le train, l'argent, etc. Et don Juan d'Autriche a été contraint de s'enfuir accompagné d'un ou deux hommes. Ce qui est une bien grande nouvelle.
            Retour à la maison et passai toute la matinée à mon bureau, puis dînai à la maison, ensuite en barque à St James, mais pas de réunion car c'est jour de fête........ A la Grand-Salle engageai la conversation avec Mrs Lane ( nte de l'éd. elle et sa soeur Doll furent longtemps la maîtresse de Pepys, elle tient une boutique de lingerie ). Après avoir protesté bien haut qu'il ne lui arrivait plus jamais de sortir avec un homme comme autrefois, je la persuadai d'un mot de sortir avec moi et de me retrouver à la deuxième taverne Rhénane où je lui offris un homard. Puis je la chiffonne et lui passe la main partout en la persuadant qu'elle a la peau si belle et si blanche ( elle a en effet la cuisse et la jambe fort blanches, mais monstrueusement grasses ). Quand je fus las je cessai. Quelqu'un ayant assisté à une partie de notre badinage s'écria tout haut dans la rue :
            " - Monsieur, pourquoi embrassez-vous tant cette dame ? " et jeta une pierre vers la fenêtre.
            J'en fus bien mécontent, mais je crois que l'on n'a pas pu me voir la chiffonner. Nous cessâmes donc et sortîmes par-derrière sans être vus, je crois. Elle se dirigea vers le Palais, et moi vers Whitehall où j'embarquai et me rendis dans le quartier du Temple, puis avec mon cousin Roger et
Mr Goldsborough à Gray's Inn pour rencontrer son avocat, Mr Raworth, un homme de fort belle mine
            La question était de savoir si en tant qu'exécuteur testamentaire je devais donner un mandat à Goldsborough pour la rétrocession du bien de sa mère à celle-ci, car c'était moi seul, contrairement aux actes du testeur, qui levais l'hypothèque. Mon cousin déclara qu'il n'avait jamais entendu demander cela, et l'autre partie qu'on le demandait toujours........... Ils finirent par se mettre d'accord pour en référer à l'avocat Maynard.
            Retour à la maison par le fleuve, puis allai manger chez sir William Batten. lui, sa femme et sir John Mennes ont descendu ce matin la Tamise pour aller voir les vaisseaux des Indes orientales qui viennent de rentrer ( nte de l'éd. Bombay dot de Catherine de Bragance ). Mais ils ne m'en ont rien dit.... Que Dieu les aide ! Puis à la maison et montai jouer du luth un long moment. Après avoir lu avec Will un petit passage de la Bible en latin, au lit. J'ai pris l'habitude, depuis le départ de ma femme, de faire mauvais usage de mon imagination à l'endroit de toutes les femmes dont j'ai envie. J'en ai honte et je vais essayer de m'arrêter. Puis m'endormis.


                                                                                                            30 juin 1663 

            Levé de bonne heure, aujourd'hui comme hier, la journée a commencé par un beau soleil radieux, et pourtant il a fait hier dans l'ensemble un temps affreux, comme depuis deux mois.
            A Whitehall par le fleuve puis chez milord comme convenu .............
            Notre réunion annulée, alors avec Creed, promenade à l'autre bout du parc pour ne pas être vus. Bientôt rejoints par milord Sandwich, nous nous promenâmes au moins deux heures, dans la galerie et enfin dans le jardin de Whitehall à parler des comptes de Mr Creed..... J'apprends que l'affaire porte sur 500 livres. Pourquoi devrai-ce être notre affaire à milord et à moi d'oeuvrer à son enrichissement au prix de tant de déshonneur, je ne sais. Cependant nous ferons ce que nous pourrons, bien qu'il ne le mérite point, car il n'est rien que l'on puisse obtenir de lui........ Je vois bien que sa nature n'est faite que de calcul. Je le laissai là, fâché dans mon for intérieur........
            Retour à la maison par le fleuve et dîner et au bureau réunion jusqu'au soir.............
            Rentrai à pied à la maison et retrouvai Creed en chemin. Je montrai peu d'empressement à parler de son affaire lui, par calcul fit de même pour voir ce que j'en dirais. Après avoir soupé en causant de choses et d'autres, au lit et nous endormîmes.
            Ainsi, par la grâce de Dieu, s'achève le livre de ces deux années. Ma santé est bonne en tous points, et je suis en bonne voie de réussir et de prospérer. Je parviens à mettre de l'argent de côté, mais pas beaucoup : ma fortune se monte maintenant à plus de 700 livres, sans compter toutes sortes de biens.........
            A mon bureau bonnes relations et bonne réputation. Mes rapports avec le Duc et Mr Coventry sont particulièrement bons. Néanmoins les autres officiers me jalousent, plutôt qu'ils ne m'aiment, car je leur fais souvent de l'ombre, en particulier à sir William Batten dont je contrecarre chaque jour les escroqueries, à sa grande irritation quoiqu'il me fasse force démonstration d'affection et semble tenir à mon amitié. Tandis que sir John Mennes, comme un gâteux se laisse par lui mener par le bout du nez.
            Ma femme et moi, du fait de ma jalousie pour laquelle je mérite vraiment d'être blâmé, ne ressentons plus l'un pour l'autre, comme nous le devrions, l'amour d'autrefois, et je crains qu'il ne soit perdu pour toujours, si je ne trouve pas les moyens de lui être agréable tout en conservant mon autorité.
            Les affaire publiques vont mal............
            Mon différend avec mon oncle Thomas, ainsi que d'autres difficultés, est apaisé, Dieu soit loué........
            Il pleut continûment depuis deux ou trois mois, ce qui est incroyable.........
            Le roi est toujours épris de Mrs Castlemaine et de Mrs Stuart. Veuille le Dieu du ciel mettre un terme à tout cela !
            Quant à moi je m'applique à apprendre tout ce que je puis de toutes les sciences nécessaires à ma charge d'officier du bureau de la Marine........
            Je passe beaucoup de temps avec Creed ces derniers mois à cause de ses comptes, mais je vois que c'est un homme à ce point calculateur et intrigant, qu'il est absolument impossible d'avoir une amitié sincère avec lui. Je dois donc renoncer à son commerce, bien qu'il soit d'une grande intelligence et qu'il y ait beaucoup à prendre de lui si l'on veut apprendre à connaître et à juger les gens. En outre, il m'apparaît de plus en plus clairement que je dois m'interdire tout moment de plaisir ou d'oisiveté pour m'appliquer à gagner de l'argent et préserver l'harmonie de ma famille qui pourrait, sans cela, être ruinée par les libertés que prend ma femme.


                                                                                   à suivre...........

                                                                                                                1er juillet 1663
            Ce matin il a...........

 

         

         














       
                   


         
                                                                                                                                                                           

lundi 29 avril 2019

Sans emploi Anton Tchékhov ( Nouvelle Russie )


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                                                Sans Emploi

            Assis à une table dans sa chambre d'hôtel, Pérépiolkine, licencié en droit, écrivait :

            " Cher oncle Ivan Nicolaïevitch,

            Tu aurais mieux fait d'aller au diable avec tes lettres de recommandation et tes conseils pratiques. J'aurais été mille fois mieux inspiré, plus digne de ma qualité d'homme, si je n'avais rien fait, au lieu de me nourrir de l'espoir d'un avenir brumeux, au lieu d'aller, puisqu'il le fallait, me baigner dans la boue froide et puante où tu me pousses par tes lettres et conseils. Ils me donnent une insupportable nausée, comme si j'avais mangé du poisson pourri. La plus ignoble des nausées, une nausée morale dont ni la vodka, ni le sommeil, ni les méditations les plus édifiantes ne sauraient vous débarrasser.
            Tu sais, mon oncle, malgré ton grand âge, tu es une fameuse ordure. Pourquoi ne m'as-tu pas prévenu que je devrais en passer par de telles infamies ? Quelle honte !
            Je te décris dans l'ordre toutes mes tribulations. Lis et repens-toi.
            En premier lieu, armé de ta lettre de recommandation, je me suis rendu chez Babkov. Je l'ai trouvé à la Direction de la Société X des chemins de fer. C'est un petit vieux complètement chauve à la figure jaune-gris, aux lèvres rasées et tordues : celle du haut est tournée à droite, celle du bas à gauche. Il a une table personnelle et lit le journal.                                 assietteaubeurre.org 
Un fonctionnaire lit un rapport en prenant un bain de pieds.            Tel Apollon Parnassien, il est entouré de dames juchées sur de hauts tabourets de boutique et penchées sur de gros registres. Elles portent des toilettes somptueuses : tournures, éventails, lourds bracelets. Comment arrivent-elles à marier leur chic vestimentaire avec le salaire de misère que touchent les femmes est difficile à concevoir. Ou elles viennent travailler pour tromper l'ennui, par caprice, protégées par leurs papas ou leurs tontons, ou la comptabilité n'est qu'un complément et la suite est sous-entendue. J'ai appris plus tard qu'elles ne fichaient rien, leur tâche passe à des supplétifs des hommes sans importance payés dix ou quinze roubles par mois.
            J'ai tendu la lettre à Babkov. Sans même m'inviter à m'asseoir, il a lentement chaussé un lorgnon antédiluvien, décacheté l'enveloppe encore plus lentement et s'est mis à lire :
            - Votre oncle sollicite une place à votre intention, dit-il en grattant son crâne chauve. Nous n'avons pas de vacance, et je doute qu'il s'en présente dans un proche avenir, mais en tous cas, pour votre oncle je ferai de mon mieux, j'informerai notre directeur de sa démarche. Nous trouverons peut-être quelque chose.
            J'ai failli sauter de joie et j'étais déjà prêt à me répandre en remerciements, quand soudain, mon ami ! j'entends ces mots :
            - Seulement voilà, jeune homme, si le dit poste était destiné à votre oncle en personne, je ne lui aurais rien demandé. Mais comme c'est pour vous... chose... je suis certain que vous me remercierez comme il faut... Vous comprenez ?
            Tu m'avais prévenu qu'on ne me donnerait rien gratis, que la place, je devrais la payer, mais tu ne m'avais pas dit un mot du fait que ces ignobles marchés se pratiquent à haute et intelligible voix, en public, sans vergogne... devant des dames.
            Ah, mon oncle, mon oncle ! Ces derniers mots de Babkov m'ont sidéré. J'ai failli mourir de dégoût. Je me suis senti aussi honteux que si c'était moi qui me faisais graisser la patte. J'ai rougi, bafouillé des sottises et, escorté des regards moqueurs d'une vingtaine de dames, j'ai reculé vers la sortie.
            A peine arrivé à l'antichambre j'ai été rejoint par un personnage sinistre, ravagé par l'alcool. Il m'a glissé qu'on n'avait pas besoin de Babkov pour se procurer une place.
            - Donnez-moi cinq roubles et je vous conduirai à Sakhar-Médovitch. Bien que ce monsieur ne soit pas fonctionnaire, il vous trouve des emplois. Et il ne prend pas cher : la moitié de votre traitement de la première année.
            J'aurais dû passer outre, me moquer, mais non : j'ai pris un air gêné, je l'ai remercié et j'ai dégringolé l'escalier comme un échaudé. De chez Babkov je me suis rendu chez Chmakovitch. C'est un petit gros, mou et grassouillet, au visage rubicond, débonnaire, aux mirettes huileuses. Huileuses à vous donner des haut-le-coeur, à croire qu'on les a enduites d'huile de ricin. En apprenant que j'étais ton neveu, il s'est montré follement heureux, en a même henni de plaisir. Il a abandonné ses occupations et m'a offert le thé. Un homme charmant ! Il ne détachait pas les yeux de ma figure, cherchant nos points de ressemblance. Il parla de toi les larmes aux yeux. Comme je lui rappelais le but de ma visite, il me porta une tape sur l'épaule et me dit :                 assietteaubeurre.org
            - On aura bien le temps de parler de votre affaire. Une affaire n'est pas un ours, elle ne se retire pas au fond des forêts. Où déjeunez-vous ? Si vous n'avez pas de préférence, allons chez Palkine. On causera.
            A cette lettre je joins la note de Palkine : soixante-seize roubles bus et mangés par ton ami Chmakovitch, révélé fin gourmet. C'est naturellement moi qui ai réglé l'addition. De chez Palkine Chmakovitch m'a traîné au théâtre. C'est moi qui ai pris les billets. Quoi encore ? Après le théâtre ta fripouille m'a proposé une promenade en banlieue, mais là, j'ai refusé, car j'étais presque à sec. En me quittant Chmakovitch m'a chargé de te faire ses amitiés et de te dire qu'il ne pourrait pas m'obtenir de place avant cinq mois.
            - Si je vous refuse cet emploi, c'est exprès, a-t-il plaisanté d'un air paterne en me tapant sur le ventre. Pourquoi tenez-vous tant, vous, diplômé de l'université, à entrer chez nous ? Vous feriez mieux d'entrer au service de l'Etat, je vous assure.
            - Pour ce qui est du service de l'Etat, je le sais sans vous. Mais trouvez-la moi, cette place au service de l'Etat !
            Nanti de ta troisième lettre, je me suis rendu chez ton compère Khalatov, à la direction des chemins de fer de Jivodiorovo-Khamskoï. Là, il s'est produit une chose ignoble, surpassant tous les Babkov et les Chmakovitch pris ensemble. Va-t-en au diable, je te le répète ! J'éprouve une monstrueuse nausée, et c'est ta faute... Je n'ai pas trouvé ton Khalatov, j'ai été reçu à sa place par un certain Odékolonov, un personnage étique, au museau grêlé de jésuite. Apprenant que j'étais en quête d'emploi, il m'a offert un siège et débité toute une conférence sur les difficultés auxquelles on se heurte, à l'heure actuelle, pour trouver une place. Après il m'a promis d'informer qui de droit de s'entremettre, de glisser un mot, etc.
            En lui disant au revoir, me rappelant que tu m'avais conseillé de graisser toutes les pattes possibles, et voyant qu'il ne cracherait pas sur un bakchich, je fourrai un petit cadeau dans la sienne...
Sa main preneuse me pressa le doigt, il fit un large sourire et déversa un nouveau flot de promesses, mais... voilà qu'en se retournant il aperçut des personnes étrangères auxquelles notre poignée de main ne pouvait pas avoir échappé. Troublé, le jésuite bafouilla :
            - Je vous promets de vous trouver une place, mais je n'accepte pas de remerciements... Jamais de la vie ! Reprenez ça ! Jamais de la vie ! Vous m'offensez !
            Desserrant le poing, il m'a rendu l'argent, mais... au lieu des vingt-cinq roubles que je lui avais glissés, il m'a remis un billet de trois roubles. Fameux, le tour de passe-passe ! Ces diables d'hommes doivent avoir tout un système de fils et de ressorts dans les manches, sinon, je ne comprends pas comment mon pauvre billet de vingt-cinq a pu se métamorphoser en ces misérables trois roubles.
            Le destinataire de ta quatrième lettre, Gryzodoubov, m'a paru relativement franc du collier, correct.
            Encore jeune, il était beau, distingué, vêtu avec chic. Il m'a reçu d'un air nonchalant, sans aucune envie, c'était évident, mais avec courtoisie. Nos entretiens suivants m'on appris qu'il était diplômé de l'université, mais que, lui aussi, dans le temps, il s'était débattu pour gagner son quignon de pain. Il a accueilli ma demande très chaleureusement, d'autant plus que son rêve était d'avoir des collaborateurs instruits. Je lui avais déjà rendu visite trois fois et, en trois fois, il ne m'avait rien dit de précis. Il mâchonnait, hésitait, éludait, comme confus, comme incapable de prendre un parti...
            Je t'ai juré de ne pas tomber dans la sensiblerie. Tu m'avais affirmé que les tricheurs ont d'ordinaire des manières distinguées et un toupet de grand seigneur. C'est peut-être vrai, mais comment distinguer les tricheurs des honnêtes gens ? C'est un piège à réduire le ciel en cendres. Je suis allé chez Gryzodoubov pour la quatrième fois aujourd'hui. Comme toujours je l'ai trouvé mâchonnant, ne disant rien de précis... J'ai éclaté... Le diable m'a rappelé que je t'avais donné ma parole d'honneur de graisser toutes les pattes sans exception, et cela fut comme si l'on me pressait du coude. De même que l'on se décide à plonger dans de l'eau froide ou à partir à l'assaut d'un sommet, de même je résolus de risquer le tout pour le tout et de lui glisser ma dîme dans la patte.
            Allons, advienne que pourra ! conclus-je. Essayons une fois dans notre vie...
            Si je m'étais risqué ce n'était pas tant pour obtenir un poste qu'au nom d'une nouvelle sensation : voir, ne serait-ce qu'une fois dans sa vie quel effet produit un " remerciement " à un                artcorusse.org                                        homme honnête.
            Seulement, ma sensation s'en est allée au diable. Je m'y suis pris comme un débutant, gauchement. J'ai sorti un bon de dépôt de ma poche et, rougissant, tremblant de tout le corps, j'ai profité d'un moment où Gryzodoubov ne me regardait pas pour le poser sur la table. Par bonheur, au même instant, Gryzodoubov y plaçait des livres qui le recouvrirent.
            Ainsi, c'était raté. Gryzodoubov n'avait pas remarqué le bon qui se perdrait parmi les papiers ou serait volé par les gardiens. S'il l'apercevait il allait certainement se vexer.
            Et voilà, mon oncle. L'argent était perdu et j'avais honte, honte à en avoir mal. Tout ça à cause de toi et de tes maudits conseils pratiques. Tu m'as perverti... "
            J'arrête ma lettre... On sonne.
            Je viens de recevoir un pli de Gryzodoubov. Il me dit qu'il y a une vacance à la Recette commerciale aux appointements de soixante roubles par mois.
            Donc, il avait vu le bon...


                                                                                Anton Tchékhov

                                                                                    ( 18 novembre 1885 )
                         

mercredi 24 avril 2019

La 16è Séduction James Patterson ( Roman Policier USA )


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                                                           La 16è Séduction

            San Francisco. Soirée calme et de retrouvailles pour Lindsay et Joe au restaurant sur l'Embarcadero. Tous deux policiers dans des secteurs différents. Ils n'ont guère le temps de s'attarder pour admirer le Musée Ci Tron, une première puis une deuxième déflagration anéantit le bâtiment. Un homme admire le bruit et la fureur de l'explosion, les couleurs au soleil couchant. Avoue-t-il être l'auteur de cet acte terrifiant à Lindsay ? Plus tard il le niera. Et l'enquête commence dans un San Francisco dont on connaît assez peu le sous-sol où pourtant, alors que l'enquête et le procès de l'homme sensé être l'auteur de l'explosion qui a fait 25 morts et de nombreux blessés, se poursuit, le docteur en médecine légale constate des similitudes dans des morts dites arrêt cardiaque. Et voici donc Neddie, sa vie mouvementée, parsemée de morts, il vit dans un hôpital psychiatrique avec des aménagements, et circule, adroit et agile, dans les sous-terrains. Il choisit ses victimes, et nous suivons parallèlement les suites de l'attentat et de la procédure. Qui est Grant, professeur de physique fasciné par les bombes. Un court intermède nous mène vers un haker, habile lui aussi, avec des comparses à partir d'ordinateurs dont les adresses IP ont été subtilisées il envoie des textes brûlants " Haight est du genre frugal....... mais lorsqu'il s'agit d'électronique il s'offre toujours le meilleur......... Il avait rejoint le
GAR dont il partageait les convictions....... porte-parole d'un mouvement visant à renverser les gouvernements corrompus.......... Il inspirait les loups solitaires........... " Les routes de Neddie, Grant, Haight se croisent durant quelques semaines. Mais quoi qu'ils aient fait ou pas, leur passé est marqué par des morts violentes, ou des discours violents, et ces trois hommes sont d'une habileté diabolique.
Le Woman-s Murder Club a repris du service à travers la ville, dans un circuit que l'on peut éventuellement suivre sur le net. Patterson et Maxine Paetro ont une fois encore réussi un roman si proche de la réalité.