jeudi 1 novembre 2012

Souvenir d'Auteuil Guillaume Apollinaire ( nouvelle France )



                                                       Souvenir d'Auteuil

            Les hommes ne se séparent de rien sans regret, et même les lieux, les choses et les gens qui les rendirent le plus malheureux, ils ne les abandonnent point sans douleur.
            C'est ainsi qu'en 1912, je ne vous quittai pas sans amertume, lointain Auteuil, quartier charmant de mes grandes tristesses. Je n'y devais revenir qu'en l'an 1916 pour être trépané à la Villa Molière.
            Lorsque je m'installai à Auteuil en 1909, la rue Raynouard ressemblait encore à ce qu'elle était du temps de Balzac. Elle est bien laide maintenant. Il reste la rue Berton, qu'éclairent des lampes à pétrole, mais bientôt, sans doute, on changera cela.
            C'est une vieille rue située entre les quartiers de Passy et d'Auteuil. Sans la guerre elle aurait disparue ou du moins serait devenue méconnaissable.
            La municipalité avait décidé d'en modifier l'aspect général, de l'élargir et de la rendre carrossable.
            On eût supprimé ainsi l'un des coins les plus pittoresques de Paris.bld2
            C'était primitivement un chemin qui, des berges de la Seine, montait au sommet des coteaux de Passy à travers les vignobles.
            La physionomie de la rue n'a guère changé depuis le temps où Balzac la suivait lorsque, pour échapper à quelque importun il allait prendre la patache de Saint-Cloud qui l'amenait à Paris.
            Le passant qui, du quai de Passy remarque la rue Berton, n'aperçoit qu'une voie mal tenue, pleine de cailloux et d'ornières et que bordent des murs ruineux, clôture à gauche d'un parc admirable et à droite d'un terrain qui a été destiné par ceux qui le possèdent à des fins diverses et bien singulières. Une partie est aménagée en jardin ; ailleurs se trouve un potager ; il y a encore des matériaux et d'une grande porte donnant sur le quai part un large chemin sablé qui mène à un grand théâtre en bois. Monument bien imprévu à cet endroit et que l'on appelle la salle Jeanne d'Arc. Des lambeaux d'affiches déjà anciennes montraient, en 1914, qu'une fois, il y avait peut-être cinq ou six ans La Passion de N.S. Jésus -Christ y avait été représentée. Auteuil villa dietz monin.jpgLes acteurs, c'étaient peut-être des gens du monde  et vous avez peut-être rencontré dans un salon le Christ d'Auteuil : un baron de la Bourse converti y joua peut-être à la perfection le rôle ingrat de ce saint caïnite, Judas, qui commença par la finance, continua par l'apostolat et finit en sycophante.
            Mais que le passant entre dans la rue Berton, il verra d'abord que les rue qui la bordent sont surchargées d'inscriptions, de graffiti, pour parler comme les antiquaires. Vous apprendrez ainsi que Lili d'Auteuil aime Totor du Point du Jour et que pour le marquer elle a tracé un coeur percé d'une flèche et la date 1884. Hélas ! pauvre Lili, tant d'années écoulées depuis ce témoignage d'amour doivent avoir guéri la blessure qui stigmatisait ce coeur. Des anonymes ont manifesté tout l'élan de leurs âmes par ce cri profondément gravé : Vive les Ménesses !.
            Et voici une exclamation plus tragique : Maudit soit le 4 juin 1903 et celui qui l'a donné.Les graffiti patibulaires ou joyeux continuent ainsi jusqu'à une construction ancienne qui offre, à gauche, une porte cochère superbe flanquée de deux pavillons à toiture en pente ; puis on arrive à un rond-point où s'ouvre la grille d'entrée du parc merveilleux qui contient une maison de santé célèbre, et c'est là que l'on trouve aussi l'unique chose qui relie - mais si peu, puisque la poste est si mal faite - la rue Berton à la vie parisienne : une boîte à lettres.
            Un peu plus haut, on trouve des décombres au-dessus desquels se dresse un grand chien de plâtre. Ce moulage est intacte et je l'ai toujours vu à la même place, où il demeurera vraisemblablement jusqu'au moment où les terrassiers viendront modifier la rue Berton. Elle tourne ensuite à angle droit et, avant le tournant, c'est encore une grille d'où l'on voit une villa moderne,encaissée dans une faille du coteau. Elle parait misérablement neuve dans cette vieille rue, qui dès le tournant apparaît dans toute sa beauté ancienne et imprévue. Elle devient étroite, un ruisseau court au milieu, et par-dessus les murs qui l'enserrent ce sont des frondaisons touffues qui débordent du grand jardin de la vieille maison de santé du docteur Blanche, toute une végétation luxuriante qui jette une ombre fraîche sur le vieux chemin.
            Des bornes, de place en place, se dressent contre les murs et au-dessus de l'une d'elles on a apposé une plaque de marbre marquant que là se trouvait autrefois la limite des seigneuries de Passy et d'Auteuil.
            On arrive ensuite derrière la maison de Balzac. L'entrée principale qui mène à cette maison se trouve dans un immeuble de la rue Raynouard. Il faut descendre deux étages et, grâce à l'obligeance de feu M. de Royaumont, conservateur du musée de Balzac, on pouvait sinon descendre l'escalier même que prenait Balzac pour aller rue Berton et qui est maintenant condamné, du moins prendre un autre escalier qui mène dans la cour que devait traverser le romancier et passer sous la porte qui le faisait déboucher dans la rue Berton.
            On arrive, après cela, en un lieu où la rue s'élargit et où elle est habitée. On y trouve une maison adossée contre la rue Raynouard et qui la surplombe. Une vigne grimpe le long de la maison et, dans des caisses poussent des fushias. A cet endroit un escalier très étroit et très raide mène rue Raynouard en face de la neuve voie qui est l'ancienne avenue Mercédes, nommée aujourd'hui avenue du Colonel Bonnet, et qui est l'une des artères les plus modernes de Paris.
            Mais il vaut mieux suivre la rue Berton qui s'en va mourant entre deux murs affreux derrière lesquels ne se montre aucune végétation, jusqu'à un carrefour où la vieille rue rejoint la rue Guillon et la rue Raynouard, en face d'une fabrique de glace qui grelotte nuit et jour d'un bruit d'eau agitée.
            Ceux qui passent rue Berton au moment où elle est la plus belle, un peu avant l'aube, entendent un merle harmonieux y donner un merveilleux concert qu'accompagnent de leur musique des milliers d'oiseaux, et, avant la guerre, palpitaient encore à cette heure les pâles flammes de quelques lampes à pétrole qui éclairaient ici les réverbères et qu'on n'a pas remplacées.
            La dernière fois qu'avant la guerre j'ai passé rue Berton, c'était il y a bien longtemps déjà et en la compagnie de René Dalize, de Lucien Rolmer et d'André Dupont, tous trois morts au champ d'honneur.
            Mais il y a bien d'autres choses charmantes et curieuses à Auteuil.

            Il y a encore, entre la rue Raynouard et la rue La Fontaine, une petite place si simple et si proprette que l'on ne saurait rien voir de plus joli.
            On y voit une grille derrière laquelle se trouve le dernier Hôtel des Haricots !... Ce nom évoque l'Empire et la garde nationale. C'est là que l'on envoyait les gardes nationaux punis. Ils étaient bien logés. Ils y menaient joyeuse vie, et aller à l'Hôtel des Haricots était considéré comme une partie de plaisir plutôt que comme une punition.
            Lorsque la garde nationale fut supprimée, lHôtel des Haricots se trouva sans destinataire, et la Ville y fît son dépôt de l'éclairage. Tel quel, il constitue un musée assez curieux, propre à éclairer - c'est le mot - sur la façon dont s'illuminent la nuit les rues parisiennes.
            Il n'y a plus que très peu de lanternes anciennes. On les a vendues aux communes suburbaines, mais en revanche, quelle forêt sans ombre, de fûts en fonte, de lyres, de réverbères à gaz et à l'électricité !
            On n'y voit guère de bronze ; il n'y a de réverbères en cet alliage coûteux qu'à l'Opéra. Autrefois, on cuivrait la fonte, et ce cuivrage revenait à près de 200 francs par réverbère.
            Aujourd'hui, la Ville est plus économe, on peint seulement les réverbères avec une couleur bronzée, et l'opération revient à 3 francs environ.
            Les plus hauts et les plus grands réverbères, ce sont ceux du modèle dit des boulevards. Voici encore les consoles qui servent aux angles et dans les rues à trottoirs étroits.
            Mais on peut regretter que la Ville n'ait pas conservé, dans son dépôt, au lieu de les vendre, un spécimen au moins de chaque appareil d'éclairage.
            Il y en a bien quelques-uns à Carnavalet, mais si peu, et quelques photographies de certains modèles se trouvent encore à la bibliothèque Lepelletier de Saint-Fargeau.
            En été, une visite au musée de l'éclairage n'est pas recommandable. Il n'y a pas plus d'ombrage, dans ce bocage métallique, que dans une forêt australienne.

            Mais il y a de l'ombre sur la petite place.
            C'est là, sur un banc situé devant la grille, qu'Alexandre Treutens, au retour de ses pérégrinations, venait faire des vers.
            Ce poète populaire plus pauvre que les plus pauvres. Il composait des poèmes vaguement humanitaires qu'il récitait aux terrassiers, dans les bistrots. Quelles obscures raisons avaient amené ce petit homme triste à délaisser son métier de cordonnier pour la poésie ? Il errait aux environs de Paris, et, quand il s'arrêtait dans une localité, il avait un tel souci de respecter l'autorité, qu'il subordonnait son inspiration au bon plaisir du maire de l'endroit. J'ai vu, de mes yeux vu, une pièce authentique délivrée par la mairie d'Enghien et donnant au nommé Alexandre Treutens la permission d'exercer " pendant un jour ", dans la commune d'Enghien, " la profession de poète ambulant ".

            Dans la rue La Fontaine, du côté gauche, il y un long mur gris sombre. Une porte qu'on ne franchit pas sans difficultés donne accès dans une cour où quelques poules se promènent gravement. A gauche en entrant, on a entassé de singulières choses qui sont, je crois, les cerceaux des anciennes crinolines.
             Cette cour est encombrée de statues. Il y en a de toutes formes et de toutes grandeurs, en marbre ou en bronze.                                                                 
             Il paraît qu'il y a une oeuvre de Rosso ; les grands cerfs de bronze du salon de 1911 ont été apportés là et se tiennent auprès de " La Fiancée du Lion ", oeuvre bizarre inspirée par un passage de Chamisso :
                Parée de myrtes et de roses, la fille du gardien, avant de suivre au loin et contre son coeur
                          l'époux qui la réclame, vient faire ses adieux à son royal ami d'enfance et lui donner
                          le dernier baiser. Fou de douleur, le lion l'anéantit dans la poussière, puis se couche
                          sur le cadavre attendant la balle qui va le frapper au coeur.
            Le bâtiment de droite est une sorte de musée inconnu où l'on voit un grand tableau de Philippe de Champaigne, un Le Nain : Saint Jacques, beau tableau qui serait bien au Louvre, et un grand nombre de tableaux modernes.
            Quelques salles sont pleines de christs que l'on a enlevés au Palais de Justice.
            Celui d'Elie Delaunay mériterait qu'on l'exposât au Petit Palais. La profusion de ces christs a quelque chose de touchant. On dirait d'un congrès de crucifiés. C'est qu'ils subissent en commun leur exil administratif.
            Il me semble qu'au lieu de les abandonner ainsi on ferait mieux de les donner à des églises pauvres.
            Ce musée fait partie d'une grande cité mystérieuse composée de l'ancien Hôtel des Haricots, derrière lequel se trouve la forêt des réverbères. Il y a aussi la Salle des tirages de la Ville de Paris, et, plus loin, dans une plaine immense, s'élèvent des pyramides de pavés. On les défait sans cesse et on les refait et parfois une de ces pyramides s'écroule, avec le bruit dans des galets quand la vague se retire.
           
            Séparée de cette cité édilitaire par la rue de Boulainvilliers, une usine à gaz occupe, avec ses gazomètres, ses différentes constructions, ses montagnes de charbon, ses crassiers, ses petits jardins potagers, un terrain qui s'étend jusqu'à la rue du Ranelagh, à l'endroit où elle est une des plus désertes de l'univers. C'est là qu'habite M. Pierre Mac Orlan, cet auteur gai, dont l'imagination est pleine de cow-boys et de soldats de la Légion étrangère. La maison où il demeure n'a rien de remarquable à l'extérieur. Mais quand on entre, c'est un dédale de couloirs, d'escaliers, de cours, de balcons où l'on se retrouve à grand-peine. La porte de M. Pierre Mac Orlan donne au fond du couloir le plus sombre de l'immeuble. L'appartement est meublé avec une riche simplicité. Beaucoup de livres, mais bien choisis. Un policeman en laine rembourrée varie ses attitudes et change de place selon l'humeur du maître de la maison. Au-dessus de la cheminée de la pièce principale se trouve une toute petite caricature de moi-même par Picasso. De grandes fenêtres s'ouvrent sur un mur situé à trois mètres environ, et, si l'on se penche un peu, on voit à gauche les gazomètres dont l'altitude n'est jamais la même, et, à droite, la voie du chemin de fer. La nuit, six cheminées gigantesques de l'usine à gaz flambent merveilleusement : couleur de lune, couleur de sang, flammes vertes ou flammes bleues. Ô Pierre Mac Orlan, Baudelaire eût aimé le singulier paysage minéral que vous avez découvert à Auteuil quartier des jardins !

            Si M. Riciotto Canudo n'avait déménagé d'Auteuil, pour aller fonder Mont-joie  dans le centre de Paris, une légende se serait formée à Auteuil à propos de la chambre qu'il habitait dans un hôtel situé à l'angle de la rue Raynouard et de la rue Boulainvilliers. Je n'ai jamais vu cette chambre, mais beaucoup d'habitants d'Auteuil ont eu l'occasion d'y regarder et il n'était jadis question que de cela dans les cafés du quartier, en autobus et dans le métro. Ce qui étonnait les habitants d'Auteuil, c'est que M. Canudo, qui habitait le même hôtel, n'y logeait point en garni. Il paraît qu'en effet il était dans ses meubles, c'est-à-dire un petit lit, une table, une chaise et une étagère supportant des livres. Le lit, disait-on, était fort étroit et j'ai entendu un habitant d'Auteuil dire en parlant d'une femme maigre : " Elle ressemble au lit de M. Canudo ".
            On disait aussi que les rideaux de cette chambre étaient toujours tirés et que nuit et jour il y brûlait un grand nombre de bougies. Si bien que l'on prenait M. Canudo pour le grand prêtre d'une religion nouvelle dont il accomplissait les rites dans sa chambre. Quelques feuilles de lierre répandues ça et là donnaient lieu à des suppositions singulières, et celle qui rencontrait le plus de crédit était que M. Canudo se servait du lierre dans des opérations magiques dont on n'avait pas encore deviné le but.
            Et c'est ainsi qu'à Auteuil les bonnes gens voyageaient agréablement et curieusement autour de la chambre de M. Canudo.

            Mais descendons vers la Seine. C'est un fleuve adorable. On ne se lasse point de le regarder. Je l'ai chantée bien souvent en ses aspects diurnes et nocturnes. Après le pont Mirabeau la promenade n'attire que les poètes, les gens du quartier et les ouvriers endimanchés.
            Peu de Parisiens connaissent le nouveau quai d'Auteuil. En 1909 il n'existait pas encore. Les berges aux bouges crapuleux qu'aimait Jean Lorrain ont disparu. " Grand Neptune, Petit Neptune, " guinguettes du bord de l'eau qu'êtes-vous devenus ? Le quai s'est élevé à la hauteur du premier étage. Les rez-de-chaussée sont enterrés et l'on entre maintenant par les fenêtres.
           Mais le coin le plus mélancolique d'Auteuil se trouve entre le Port-Louis et l'avenue de Versailles. Théophile Gautier habita au rond-point de Boulainvilliers, mais sans doute n'y avait-il pas alors à cet endroit tant de ferraille qu'aujourd'hui et le Port-Louis n'existait point avec sa flottille de bélandres bariolées de couleurs vives. Sur le pont sont rangés des pots de géraniums, de fushias ; dans des caisses poussent des arbres verts autour d'un petit cercueil d'enfant. Et quand le soleil brille, le petit cercueil des bélandres n'est pas du tout lugubre.


                                                                                        Apollinaire
                                                                        ( in Le flâneur des deux rives )
           







dimanche 28 octobre 2012

Lettres à Madeleine 51 Apollinaire




La Collecte - Centerblog
                                                Lettre à Madeleine

                                              Dans ses lettres des 5 et 6 décembre Apollinaire remercie Madeleine de lui apporter tous les mots qui lui permettent de traverser l'épreuve de la guerre et " ... c'est la 1è fois que la messe est dite tout à fait en 1è ligne. On l'a déjà dite dans les lignes de repli, mais pas encore en toute 1è ligne. A midi visite du colonel. Il a compris mon explication si nette et m'a dit que je partirai en permission le 3è... dans les 1ers jours de janvier... Il faut avoir vécu cette pénible vie pr s'en rendre compte. Amour, je t'adore... Peut-être irai-je à l'attaque ce soir à la tête de ma section... Le cadavre a été enlevé. Tant mieux on s'y habituait trop. Les hommes suspendaient leur musette à ses pieds... - Le 6 ... J'ai eu amour, l'indicible joie de ta lettre du 22, ta lettre volupté...

                                                                                                              7 Décembre 1915

            Ci-inclus, mon amour le portrait des 2 Russes dont je te parlais l'autre jour et qui avaient passé par ma batterie d'alors, ils ont été trouvés par ma Cie actuelle où on m'a donné leur photo que je t'envoie.

                                                 La Tranchée

                       Je suis la blanche tranchée au corps creux et blanc
                       Et j'habite toute la terre dévastée
                       Viens avec moi jeune dans mon sexe qui est tout mon corps
                       Viens avec moi pénètre-moi pour que je sois heureuse de volupté sanglante
                       Je guérirai tes peines, tes soucis, tes désirs ta mélancolie
                       Avec la chanson fine et nette des balles et l'orchestre d'artillerie
                       Vois comme je suis blanche, plus blanche que les corps les plus blancs
                       Couche-toi dans mon sein comme sur un ventre bien-aimé
                       Je veux te donner un amour sans second, sans sommeil, sans paroles
                       J'ai tant aimé de jeunes gens
                       Je les aime comme les aime Morgane
                       En son castel sans retour
                       Au haut du mont Gibel
                       Qui est l'Etna dont s'éloignent vite nos soldats destinés à la Serbie
                       Je les ai aimés et ils sont morts et je n'aime que les vivants
                       Allons viens dans mon sexe plus long que le plus long serpent, long
                               comme tous les corps des morts mis l'un devant l'autre
                       Viens écoute les chants métalliques que je chante bouche blanche
                               que je suis
                       Viens ceux qui m'aiment sont là armés de fusils de crapouillots de bombes
                               de grenades et ils jouent silencieusement

            Mon amour,, je n'ai pas eu de lettre de toi aujourd'hui. Je t'adore. Je me demande s'il n'y aura pas de lettres perdues pour toi ou moi. Je pense que non. Je prends ta bouche.


                                                Le... Poème Secret

                        Voilà de quoi est fait le chant symphonique de l'amour qui bruit
                                 dans la conque de Vénus
                         Il y a le chant de l'amour de jadis
                         Le bruit des baisers éperdus des amants illustres
                         Les cris d'amour des mortelles violées par les dieux
                         Les virilités des héros fabuleux érigés comme des cierges vont et viennent
                                 comme une rumeur obscène
                         Il y a aussi les cris de folie des bacchantes folles d'amour pour avoir mangé
                                 l'hippomane sécrété par la vulve des juments en chaleur
                         Les cris d'amour des félins dans les jongles
                         La rumeur sourde des sèves montant dans les plantes tropicales
                         Le fracas des marées
                         Le tonnerre des artilleries où la forme obscène des canons accomplit
                                  le terrible amour des peuples
                          Les vagues de la mer où naît la vie et la beauté
                          Et le chant victorieux que les premiers rayons de soleil faisaient chanter
                                  à Memnon l'immobile
                         Il y a le cri des Sabines au moment de l'enlèvement
                         Le chant nuptial de la Sulamite
                         Je suis belle mais noire
                         Et le hurlement précieux de Jason
                         Quand  il trouva la toison
                         Et le mortel chant du cygne quand son duvet se pressait entre
                                  les cuisses blanches de Léda
                         Il y a le chant de tout l'amour du monde
                         Il y a entre tes cuisses adorées
                                  Madeleine
                         La rumeur de tout l'amour comme le chant sacré de la mer
                                  bruit tout entier dans le coquillage


                                                                                                                         Gui

samedi 27 octobre 2012

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui journal 2 Samuel Pepys ( Angleterre )




                                                                Journal
                                                                             1660 -  Janvier

            8 - Dimanche. - Ce matin je me suis rendu chez Mr Gunning ; il fit un bon sermon dans lequel il raconta la vie du Christ et nous donna toutes les preuves pour nous convaincre que le Christ a, en vérité, appris le métier de son père et fut charpentier jusqu'à sa trentième année. Allai ensuite déjeuner chez mon père où je retrouvai ma femme contrainte de venir y déjeuner du fait que nous n'avions pas un morceau de charbon à la maison et qu'il faisait un temps glacial. L'après-midi, comme mon père devait se rendre chez quelqu'un pour réclamer de l'argent qui était dû à ma tante Bell, ma femme et moi nous rendîmes chez Mr Messom où un docteur en théologie fit un très bon sermon. Puis j'envoyai ma femme chez mon père et j'allai passer quelque temps chez Mrs Turner. En revenant chez mon père j'y trouvai Mr Shipley. Après souper nous revînmes ensemble à la maison. J'ai appris que Mr Palmer était mort et qu'on devait l'enterrer demain à Westminster.

           11 - Alors que je me trouvais chez Will avec le capitaine Barker qui m'a remis ce matin 300 livres au bureau, voici qu'entre mon père ; je l'accompagnai à pied et le laissai chez W. Joyce, j'allai quant à moi jusque chez Mr Crew, mais j'arrivai trop tard pour dîner. Après une partie de volant avec Mr Walgrave et Mr Edward je retournai chercher mon père chez W. Joyce qui était lui-même sorti. Nous étant renseignés auprès d'un portier nous allâmes dans une taverne et après un verre ou deux nous nous quittâmes. Je m'acheminai vers Londres et en chemin je passai voir Crowley qui est devenu un très grand lion parfaitement apprivoisé. Je me rendis ensuite chez Mr Stevens avec une paire de mouchettes en argent, j'y achetai une paire de cisailles pour couper l'argent et m'en retournai à la maison.Home Décor Creepy Halloween Punk de vapeur Vintage 1900 Antique de 1900 victorienne gothique Snuffer Bougie Silver Plate
            De chez moi, allai rendre visite à Mrs Jemima. Les médecins avaient maintenant confirmé qu'elle avait la petite vérole.
            Retour à la maison, puis au café où je ne m'attardai pas, et rentrai à la maison.


                                                                                                      Samuel Pepys

vendredi 26 octobre 2012

Voyage au pays des Ze-Ka Julius Margolin ( Récit Autobiographie Israël )

     
Julius Margolin, Voyage au pays des Ze-Ka, jaquette
                                        Voyage au pays des Ze-Ka
                                                                          ( traduction du russe Nina Berberova, Mina Journot
                                                                            revu par Luba Jurgenson )

            " Pour nous les petites gens le 23 août 1939 est une date fatale... " Julius Margolin a 39 ans, né en Biélorussie il vit à Tel-Aviv depuis 1936, de passage en Pologne où demeurent sa mère et son père, il sera pris dans les filets inextricables des ordres allemands, polonais, russes "...  journaliste indépendant, père de famille citoyen polonais...qui n'a rien à voir avec l'Union Soviétique et n'a commis aucun délit contre ce pays est retenu par l' Armée Rouge sur le Territoire Polonais... il est constaté qu'il n'est ni espion, ni voleur ni assassin... " Julius Margolin est docteur en philosophie, il parle russe, sera détenu jusqu'en 1945 dans les camps en Sibérie, détruit physiquement atteint moralement lorsque le froid et la faim étaient extrêmes, au point de voler le pain de son ami. A son retour, le premier il nommera ces lieux où sont parqués des hommes de toutes origines, tant voleurs, les ourkis, que des êtres acquis à la cause communiste, dans l'obligation d'apporter leur force à l'ouvrage collectif soit le Plan, le Goulag. Ils coupent le bois des forêts, scient le bois, dans le froid sibérien, à peine vêtus, nourris d'une soupe liquide et parfois de kacha, d'un morceau de pain. Volés, abrutis de fatigue, les hommes en manque de nourriture, dorment sur des bas-flancs. L'inracontable est écrit, décrit avec minutie, les faits et gestes du quotidien. Le froid sibérien, la cruauté, l'amitié devenue inimitié devant la gamelle vide. Plus que Soljenitsine dans " La journée d'Ivan Denissovitch " Margolin nous enchaîne à sa suite, son écriture simple même si parfois il a tendance à nous emmener vers Marx et Hegel nous absorbe. La faim tuait ces hommes obligés de tuer à l'aide d'aiguilles à tricoter les chenilles énormes ou invisibles qui couvrent les feuilles de choux, asservissement. Auteur il reconnaît " s'il n'avait pas été interné il n'aurait pu témoigner de cet esclavagisme. " Ecrit en dix mois " parut sous le titre La Condition Inhumaine ". Plusieurs chapitres manquaient qui furent rajoutés au fil des rééditions. Inoubliables ces Ze-Ka nom donné aux travailleurs forcés dans ces camps aux abords de la Mer blanche et du Canal Baltique où mourraient plus vite les Géorgiens habitués à une température plus douce.



           

jeudi 25 octobre 2012

L'histoire se répète Mark Twain ( Conte humoristique USA )



    gorfou macaroni                                                                L'histoire se répète


            Ce qui suit je l'ai trouvé dans un journal des Îles Sandwich qui me fut envoyé par un ami du fond de cette paisible retraite. La coïncidence entre ma propre expérience  et celle dont parle ici feu M. Benton est si frappante que je ne puis m'empêcher de publier et de commenter ce paragraphe. Voici le texte du journal Sandwich :
            " Combien touchant, le tribut payé par feu l'honorable T.H. Benton à l'influence de sa mère.
            " - Ma mère me demanda de ne jamais fumer. Je n'ai jamais touché de tabac depuis ce jour-là jusqu'à aujourd'hui. Elle me demanda de ne plus jouer. Je n'ai plus jamais touché une carte. Je suis incapable quand j'ai vu jouer de dire qui a perdu. Elle me mit en garde aussi contre la boisson. Si j'ai quelques qualités              joueurs  de cartes cézanne
d'endurance actuellement, si j'ai pu me rendre quelque peu utile dans la vie je l'attribue à mon obéissance à ses voeux pieux et corrects. Quand j'avais sept ans elle me demanda de ne pas boire, et je fis alors le voeu d'abstinence absolue. Si j'y fus constamment fidèle c'est à ma mère que je le dois. "
            Je n'ai jamais rien vu de si curieux. C'est presque un bref résumé de ma propre carrière morale, en substituant simplement une grand-mère à une mère. Combien je me rappelle ma grand-mère me demandant de ne pas fumer ! Vieille chère âme " Je vous y prends, affreux roquet !  Bon ! Que je ne vous y prenne encore à mâcher du tabac avant le dîner ! Et je vous parie que je vous donne le fouet jusqu'à vous laisser pour mort. "
            De ce jour à aujourd'hui je n'ai jamais plus fumé dans la matinée.
            Elle me demanda de ne pas jouer. Elle me chuchota " Jetez-moi ces damnées cartes, tout de suite. Deux paires et un valet, idiot, et l'autre à une séquence. "
           Je n'ai plus joué depuis ce jour, jamais plus, sans un jeu de rechange dans la poche. Je ne puis pas même dire qui doit perdre une partie quand je n'ai pas fait moi-même  le jeu.
           Quand j'avais deux ans elle me demanda de ne pas boire. Je fis le voeu d'abstinence complète.
           Si je suis resté fidèle et si j'ai ressenti les effets bienfaisants de cette fidélité, jusqu'à ce jour, c'est à ma grand-mère que je le dois. Je n'ai jamais bu, depuis, une goutte de quelque sorte d'eau que ce soit.

           


                                                                 Mark Twain
















































           

lundi 22 octobre 2012

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui - Choses vues Victor Hugo


                                                     
                                                   Choses vues

                                                                                                                Novembre 1849

            Les ministres actuels sont des carreaux de vitres. On voit le président au travers.

                                              Le Vice-Président de la République

            M. Boulay de la Meurthe était un bon gros homme, chauve, ventru, petit, énorme avec le nez très court et l'esprit pas très long. Il était l'ami de Harel auquel il disait : " mon cher " et de Jérôme Bonaparte auquel il disait : " Votre Majesté ".
            L'Assemblée le fit, le 20 janvier, vice-président de la République.
            La chose fut un peu brusque et inattendue pour tout le monde, excepté pour lui. On s'en aperçut au long discours appris par coeur qu'il débita après avoir prêté serment. Quand il eut fini L'Assemblée applaudit puis à l'applaudissement succéda un éclat de rire. Tout le monde riait, lui aussi ; l'Assemblée par ironie, lui de bonne foi.
            Odilon Barrot qui, depuis la veille au soir, regrettait vivement de ne pas s'être laissé faire vice-président, regardait cette scène avec un haussement d'épaules et un sourire amer.
            L'Assemblée suivait du regard Boulay de la Meurthe  félicité et satisfait, et dans tous les yeux on lisait ceci : " Tiens ! Il se prend au sérieux ! "
            Au moment où il prêta serment d'une voix tonnante qui fit sourire, Boulay de la Meurthe avait l'air ébloui de la République, et l'Assemblée n'avait pas l'air éblouie de Boulay de la Meurthe.
            Ses concurrents étaient Vivien et Baraguay-d'Hilliers, le brave général manchot, lequel n'eut qu'une voix. Vivien avait beaucoup compté sur la chose. Quelques moments avant la proclamation du scrutin on le vit quitter son banc et s'en aller à côté du général Cavaignac. Le président manqué consola le vice-président raté. Je n'aimais pas Vivien parce qu'il était honteux de son père ancien maître d'études, pion, chien de cour, comme disent les gamins à la pension Cordier-Decotte, rue Sainte-Marguerite n° 41. Ceci m fit voter pour Boulay de la Meurthe.
            J'avais passé trois années de mon enfance, 1815, 1816 et 1817 dans cette pension Decotte.
            Ce père Vivien était un personnage à part. C'était un vieillard ébouriffé, flottant dans un habit à grandes basques. L'habit était râpé, le bonhomme était maigre, le tout était piteux. Le père Vivien avait été dans l'Inde et en avait rapporté des sparteries assez curieuses dont était tapissé le cabinet où son fils, élève gratuit, travaillait avec mon frère Eugène et moi. Ce cabinet n'était autre chose qu'un compartiment de la classe réservé aux grands. Vivien fils avait cinq ou six ans de plus que moi. C'était un grand beau jeune homme rose aux yeux bleus, clairs et brillants ; il avait sur le front deux petites bosses comme les faons dont les cornes vont pousser. Il était fort en discours latin. Il semblait humilié d'être " le fils du pion ". Ainsi le nommais la moquerie indifférente et féroce des enfants. Au sortir de la pension Decotte nous nous perdîmes de vue. Je le revis trente ans plus tard en 1847 ; lui avait été ministre et était député ; j'étais pair de France. Ma rencontre lui fut désagréable ; j'avais connu son père.
            Pendant que le vice-président pérorait à la tribune je causais avec Lamartine. Nous parlions architecture. Il tenait pour Saint Pierre de Rome, moi pour mes cathédrales. Il me disait ; " Je hais vos églises
sombres ; Saint-Pierre est vaste, magnifique, lumineux, éclatant, splendide. " Et je lui répondais : " Saint-Pierre de Rome n'est que le grand ; Notre-Dame, c'est l'infini. "
                                               
                  
                                               Monsieur le duc D'Harcourt
  
            M. le duc d'Harcourt venait à l'épaule de M. Thiers. Il était impossible de voir un plus petit homme et un plus grand nom. M. d'Harcourt avait l'oeil vif, le nez pointu, les cheveux gris, le sourire fin, les manières aisées et simples, l'air d'un grand seigneur et d'un bon homme. Ses opinions dépassaient le libéralisme. Un jour à propos de la Pologne il fit contre les rois d'Europe une telle sortie que M. Pasquier le rappela à l'ordre. M.d'Harcourt se contenta de lui jeter un regard d'ancien duc à nouveau duc.
            A la Chambre des pairs, il ne restait jamais en place ; il allait et venait sans cesse, ses deux mains dans les goussets de son pantalon gris, le collet de son habit de pair rabattu sur ses épaules, un bonnet de velours vert sur la tête. Un de ses fils, Jean d'Harcourt, était dans la marine et bon officier.
            M. d'Harcourt, presque républicain, affectait certaines façons suprêmes ; il faisait partie du groupe de pairs qui portait le collet de velours noir à broderie étroite ; ce velours noir était ménagé à dessein par les anciens pairs pour laisser voir la place des fleurs de lys, ce qui indiquait la date de leur pairie.          





              Sous la Restauration le collet et les parements des pairs  étaient brodés de fleurs de lys d'or et le collet et les parements des députés de fleurs de lys d'argent. Les pairs, depuis 1830, couvraient collet et parement de broderies qui laissaient à peine voir le velours. Ce collet séparait les anciens orgueils des vanités nouvelles. M. d'Harcourt n'était pas inaccessible à ces misères. Du reste intelligent, cordial, généreux, il ne battait personne à terre. Il fut clément pour Teste. La tribune lui venait au menton, mais il avait des idées, de la chaleur d'âme et se haussait peu à peu. Il commençait par être petit  et finissait par être grand. Au rebours des opinions reçues, il avait une haute idée de la Chambre des pairs comme pouvoir. Il me dit un jour : " Si cette Chambre voulait, elle ferait tout, elle a la parole comme la Chambre des députés et la durée comme le roi. "
            La République de Février le fit ambassadeur à Rome. M. d'Harcourt était fort laborieux A Gaëte, pendant l'exil du pape, il recopiait lui-même de sa main toutes ses dépêches. Il est vrai que la légation était désorganisée et qu'il n'avait pas de secrétaire.                        Gaëte ortie royale                                                                      
               Même à travers les choses folles et violentes que   
la réaction lui imposait contre les républicains de Rome, son vieux levain anti-monarchique lui restait. Le jour de la fête du roi de Naples, il se dispensa d'aller au baise-main et, par son ordre, le Tenare qui était mouillé dans la rade, ne se pavoisa ni ne salua.
               Cette haine lui venait, disait-on, d'un mot de Louis XVIII. Louis XVIII l'avait surnommé le duc-mouche. M. d'Harcourt dit : " La mouche piquera. " Par représailles il appelait Louis XVIII le roi-cachalot.


                                                                                                        Hugo


                                             


           

samedi 20 octobre 2012

Anecdotes et Réflexionsd'hier pour Aujourd'hui - Choses vues Victor Hugo ( France )


Fichier:Alexandre Dumas 1.jpg
               Dumas                                                  Choses vues

                                                                                                                          Octobre 1846

            On vient d'envoyer Alexandre Dumas en Espagne comme " historiographe du mariage " de M. de Montpensier. Voici comment ont été faits les fonds pour ce voyage : le ministère de l'Instruction publique a donné quinze cents francs, pris sur " les encouragements et secours aux gens de lettres" ; puis quinze cents francs sur " les Missions littéraires " ; le ministre de l'Intérieur a donné trois mille francs pris sur la caisse des fonds particuliers ; M. de Montpensier a donné douze mille francs ; au total dix-huit mille francs. En recevant la somme, Dumas a dit : - " Bon ! cela paiera toujours mes guides ! "                                                   
                                     

                                                                                                               1er Octobre

            Le tabac fameux de la Civette doit sa réputation d'excellence à l'idée qu'eut la débitante de cette boutique de mettre son tabac en dépôt dans une tinette. De là un goût qui fit les délices des priseurs et la fortune du marchand. De temps en temps il envoie sa tinette à rétamer.
                                          
                                         
    
                                                                                                                 9 Octobre 1847

            Ma femme est tombée malade aujourd'hui de la maladie de Toto. Fièvre typhoïde. Dieu nous    
            ait en pitié.


                                                                                                                  18 Octobre
            Aujourd'hui lundi, ma femme est hors de danger. Dieu soit loué.


                                                                                                                  21 Octobre

            La première nuit de la maladie de ma femme, je la veillais. Je m'étais étendu dans un fauteuil près de son lit, les yeux fermés. Depuis un certain temps, je l'entendais s'agiter et je sentais qu'elle ne dormait pas. tout à coup elle poussa un cri terrible, j'ouvre les yeux et je la vois sur son séant. Je me lève.
            - Ah ! dit-elle, vous vous levez ! C'est  bon ! Je rêvais que j'étais morte et que j'étais en enfer. Et voici quel était mon enfer ; je vous voyais toujours et vous ne remuiez jamais.
            Cet enfer m'est resté dans l'esprit et m'a paru effrayant.
                                        Rue de la Tour-d'Auvergne . © Photothèque des musées de la ville de Paris *
                                         1848 rue de la tour-d'auvergne                                                                          
                                                                                                                    15 octobre 1848
            J'ai quitté le n°5 dela rue d'Isly pour le n°37 de la rue de la Tour-d'Auvergne.
            Pendant que mes meubles déménagent de la rue d'Isly, les principes déménagent de la Constitution. Je m'occupe le plus que je peux du premier de ces déménagements pour ne pas prendre part à l'autre.
            Du reste, Lord Byron, Rossini et Paganini auraient refusé d'entrer chez moi dans les circonstances où j'y entre : J'ai quitté ma chambre à coucher de la place Royale le vendredi 23 juin, mes premiers meubles sont entrés dans ma chambre à coucher de la rue de la Tour-d'Auvergne le vendredi 13 octobre. En déposant la glace de la cheminée de cette chambre, on a trouvé écrit au charbon derrière cette glace le n°13
La chambre - mansarde que j'occupe provisoirement dans la maison, au quatrième, porte le n°13. Les présages sont mauvais comme dit Nuno Saledo.


                                                                                                             Hugo


mercredi 17 octobre 2012

Notes sur Paris Mark Twain ( Contes humoristiques USA )



           Caillebotte
                                                              Notes sur Paris


            Le Parisien voyage très peu, ne connaît pas d'autre langue que la sienne, ne lit pas d'autre littérature que la sienne. Ainsi a-t-il l'esprit très étroit et très suffisant.Cependant, ne soyons pas trop sévères. Il y a des Français qui connaissent une autre langue que la leur, ce sont les garçons d'hôtel. Entre autres ils savent l'anglais. C'est à dire qu'ils le savent à la façon européenne. - Ils le parlent, mais ne le comprennent pas. Ils se font comprendre facilement, mais il est presque impossible de prononcer une phrase anglaise de telle sorte qu'ils puissent en saisir le sens. Ils croient le saisir. Ils le prétendent. Mais non.Voici une conversation que j'ai eue avec une de ces créatures. Je l'ai notée aussitôt pour en avoir le texte exact.
            Moi - Ces oranges sont fort belles, d'où viennent-elles ?
            Lui - D'autres. Parfaitement. Je vais en chercher.
            Moi - Non, je n'en demande pas d'autres.Je voudrais seulement savoir d'où elles viennent, où elles ont poussé.
            Lui - Oui ( la mine imperturbable et le ton assuré ).
            Moi - Pouvez-vous me dire de quel pays elles viennent ?
            Lui - Oui ( l'air aimable, la voix énergique ).
            Moi ( découragé ) - Elles sont excellentes.
            Lui - Bonne nuit, Monsieur ( il se retire en saluant tout à fait satisfait de lui-même ).
            Ce jeune homme aurait pu apprendre très convenablement l'anglais, en prenant la peine, mais il était français et ne voulait pas. Combien différents sont les gens de chez nous ! Ils ne négligent aucun moyen. Il y a quelques soi-disant protestants français à Paris. Ils ont construit une jolie petite église sur l'une des grandes avenues qui partent de l'Arc de Triomphe, se proposant d'y aller écouter la bonne parole, prêchée en bonne et due forme dans leur bonne langue française, et d'être heureux. Mais leur petite ruse n'a pas réussi. Le dimanche les Anglais arrivent toujours là les premiers et prennent toute la place.Quand le ministre se lève pour prêcher il voit sa maison pleine de dévots étrangers, tous sérieux et attentifs, avec un petit livre dans les mains. C'est une bible reliée en maroquin, semble-t-il. Mais il s'agit seulement d'une apparence. En réalité c'est un admirable et très complet petit dictionnaire français-anglais qui, de forme, de reliure et de dimension
 est juste comme une bible. Et ces Anglais sont là                                                                               
 pour apprendre le français. Ce temple a été surnommé : l'église des cours gratuits de français.
              D'ailleurs les assistants doivent acquérir plutôt la connaissance des mots qu'une instruction générale. Car, m'a-t-on dit, un sermon français est                                                                         
 comme un discours français. Il ne cite jamais un événement    
historique, mais seulement la date. Si vous n'êtes pas fort sur les dates, vous n'y comprenez rien. Un discours en France est quelque chose dans ce genre :
            - Camarades, citoyens, frères, nobles, membre de la seule sublime et parfaite nation, n'oublions pas que le 10 août nous a délivrés de la honteuse présence des espions étrangers, que le 5 septembre s'est justifié lui-même à la face du ciel et de l'humanité, que le 18 Brumaire contenait les germes de sa propre punition, que le 14 juillet a été la voix puissante de la liberté proclamant la résurrection, le jour nouveau et invitant les peuples opprimés de la terre à contempler la France divine de la France et à vivre. Et n'oublions pas nos griefs éternels contre l'homme du 2 Décembre, et déclarons sur un ton de tonnerre, le ton habituel en France, que sans lui il n'y aurait pas eu dans l'histoire de 17 mars, de 12 octobre, de 19 janvier, de 22 avril, de 16 novembre, de 30 septembre, de 2 juillet, de 14 février, de 29 juin, de 15 août, de 31 mai, que sans la France, ce pays pur, noble et sans pair, aurait un calendrier serein et vide jusqu'à ce jour !
             J'ai entendu un sermon français qui finissait par ces paroles éloquentes et bizarres :
            - Mes frères, nous avons de triste motifs de nous rappeler l'homme du 13 janvier. Les suites du crime du 13 janvier ont été en justes proportions avec l'énormité du forfait. Sans lui n'eût pas été de 30 novembre, triste spectacle ! Le forfait du 16 juin n'eût pas lui-même existé.C'est à lui seul que nous devons le 3 septembre et le fatal 12  octobre. Serons-nous donc reconnaissants au 13 janvier qui soumit au joug de la mort vous et moi et tout ce qui respire ? Oui mes frères, car c'est à lui aussi que nous devons aussi le jour qui ne fut jamais venu sans lui, le 25 décembre béni !
             Il serait peut-être bon de donner quelques explications,   René Magritte
bien que pour beaucoup de mes lecteurs cela soit peu nécessaire : l'homme du 13 Janvier est Adam. Le crime à cette date fut celui de la pomme mangée. Le désolant spectacle du 30 novembre est l'expulsion de l'Eden, le forfait du 16 juin le meurtre d'Abel, l'événement du 3 septembre le départ en exil de Caïn pour la terre de Nod, le 12 octobre les derniers sommets de montagnes disparurent sous les eaux du déluge. Quand vous irez à l'église en France, emportez un calendrier, - annoté.



                                                                                                    Mark Twain
                                                                                          ( in contes humoristiques )

lundi 15 octobre 2012

Lettre à Madeleine 50 Apollinaire


              
                       Pioupious jeunes recrues 14/18
                                                      Lettre à Madeleine

                                                                                                          2 décembre au soir 1915

            Je m'étais trompé de date hier, mon amour, c'était le 1er. Aujourd'hui pas de lettre encore, pas de journaux, pas de ravitaillement. Les officiers ça va encore, parce que notre cuisinier se débrouille, mais les hommes ! Ils sont admirables d'héroïsme simple .Le ravitaillement n'arrivera je crois que cette nuit à 4 heures du matin. Je me suis fait installer une planche par les pionniers pr pouvoir écrire. Ici le temps est vraiment long. Éboulements perpétuels, les hommes ne dorment plus, travaillent tout le temps. La vie de tranchées en hiver a quelque chose de si simple qu'on sent ce que pouvait être la vie des Troglodytes de la préhistoire. Nous sommes au demeurant de véritables Troglodytes.
            J'ai ici deux camarades agréables dont l'un est mon supérieur, le lieutnt qui fait fonction de capitaine et commande la compagnie et un de mes sergents. Le premier est distingué et un causeur aimable assez au courant des choses des lettres et des arts et le second est un simple extrêmement rusé, adroit, malin et brave, il conduit très bien les hommes.. Ici on sent ce que c'est que l'autorité et ce qu'elle peut faire faire quand elle est à la fois douce et ferme. Je fais coucher avec moi mes deux sergents et j'ai pris aussi un petit garçon de la classe 15 innocent et brave à qui j'apprends à lire car il l'ignore.
            Mon sergent Jean-Marie est donc très bien. Il est en outre un grognard de 1è classe, mais on sent qu'on peut se fier à lui et cependant il rouspète tout le temps. Mais quel type amusant !
Mon amour les éléphants pare-éclats s'effritent de plus par la base et leur apparence d'éléphants se marque de plus en plus.
            Mon amour dans l'horreur mystérieuse métallique muette mais non silencieuse à cause des bruits épouvantables des engins qui sifflent geignent éclatent formidablement notre amour est la seule étoile, un ange parfumé qui flotte plus haut que la fumée noire ou jaune des bombes qui explosent.
            Il sourit au fond des sapes où il fait l'écoute anxieuse, il veille aux créneaux repérés que la balle ennemie traverse à intervalles réguliers, il plane sur le mystère ineffable des premières lignes dont l'horreur blanche fait rêver d'un paysage lunaire. Effrayante monotonie d'où l'eau, même l'eau non potable est absente. Ö pures tranchées comme des lys qui fleurissent en terre au lieu de fleurir vers le ciel. C'est la terre même qui fleurit. Pour utiliser le très peu de charbon que j'ai j'ai fait faire un encensoir avec une vieille gamelle percée de trous.On la balance au bout d'un fil de fer.
                                                                                                          site 14/18 grognard
                Écris-moi de l'amour, sois-moi ma panthère pour me remettre dans la vie de notre cher amour.
            Songe à quel point dans la vie de tranchées on est privé de tout ce qui vous retient à l'univers, on est qu'une poitrine qui s'offre à l'ennemi.
            Comme un rempart de chair vivante.
            Comme on se rend compte que la guerre des artilleurs est un véritable plaisir une partie de campagne, une excursion dont les risques ne sont pas beaucoup plus grands que ceux de l'Alpinisme. Ici le lien est solennel et désolé. La végétation ne l'orne même pas on est plus bas que terre.
            Je termine ce soir mon quatrième jour de 1res lignes. On a tué aujourd'hui un Boche qui s'est hasardé sur le parapet vers le mystère des hexaèdres, des chevaux de frise et des sphères.
           Je sens vivement maintenant toute l'horreur de cette guerre secrète sans stratégie mais dont les stratagèmes sont épouvantables et atroces.
            Mon amour je pense à ton corps exquis, divinement toisonné, et je prends mille fois ta bouche et ta langue.
                                                                                                                 Gui
                    
   hexaèdre                                                                                                                                            4 décembre 1915

            Mon amour, j'ai enfin tes deux lettres adorées du 23 et du 24 nov. Je crois d'après ce que je lis dans ta lettre du 23 que tu m'as écrit une lettre datée du 22 une lettre volupté que je n'ai pas eue. Comme je t'accuse toujours réception de tes lettres tu verras facilement si je t'ai parlé de celle-là et si je ne m'abuse en la pensant égarée. Si elle est perdue tu me la remplaceras dis ? Tes 2 lettres ont transfiguré pour moi la tranchée, je t'adore. J'ai fait ma demande de permission, le colonel m'avait demandé si j'avais de la famille à Oran ou si j'y avais mon domicile légal. J'ai répondu que je comptais y aller dans la famille de ma fiancée professeur au lycée de jeunes filles d'Oran et le maire d'Oran pouvait en témoigner. J'espère qu'il le fera puisque c'est la vérité. En ce cas, je pense que ma permission ne tardera pas. Je ne demande pas mieux que la guerre finisse vite d'après ce que tu prévois, mais je n'aperçois pas encore cette fin. Je commence aujourd'hui mon 5è jour de tranchée. Boue, éboulements contre lesquels on lutte jour et nuit comme Sisyphe contre son rocher. Je t'adore, mon amour, et ton amour me console de tout.Oui, je sens tes caresses, je sens contre moi le corps souple de ma Madeleine, je te serre contre moi, nous ne faisons qu'un, je sens ta douce chaleur qui me pénètre et la douceur de tes membres qui s'enroulent aux miens et l'odeur de ton corps qui m'enivre. A moi aussi la volupté venant de toi est une, par la caresse la plus ardente et la plus profonde. J'adore tes reins qui se cambrent, ton ventre et tes seins tendus vers mon baiser. Je te prends, mon amour, avec une violence surhumaine.iJe suis follement gourmand de toi,
                                                                      Le Titien
Madelon et je te dévore. J'adore tes ongles, ta porcelaine délicate. J'aime ma petite Madeleine caméléon. J'aime les ongles pointus de tes mains et les ongles ronds de tes orteils. J'adore ton cou au ton chaud. J'y mordrai follement à ce cou rond et flexible. Je dévorerai tes frisons, mon amour exquis. Je les ferai tomber de ton chignon bas. Je lécherai follement tes narines voluptueuses qui palpitent comme des moineaux dans la main.
            Mon amour ce que tu m'apprends du petit ermite me réjouit follement. Je l'adore, durci comme il était. C'est bien lui, tu l'as trouvé, mon amour chéri. J'adore ta langue, ta belle langue. Oui je suis fou de tes seins et je les mange. Je donne à ta bouche ma virilité durcie. Puis je te pénètre profondément. La folle caresse que tu as inventée est exquise. Oui, amour nous avons la même nature J' adore la dînette que tu inventes. Merci amour de ce que je prendrai pendant la perm. Je te mange. Tout jouit en moi quand je pense à toi. Oui, amour, je commence à sentir l'étreinte à distance, tu commences à me la rendre sensible tant tu mets d'art voluptueux dans tes lettres. Oui tu es ma toute fleur et je t'adore, je t'adore, je prends ton derrière et je le baise de toutes mes forces et de toutes ma volupté douce et insistante. Je te prends dans mes bras amour et t'empale moi debout, toi les jambes croisées autour de mes reins les bras passés autour de mon cou et mes bras et mes mains soutiennent ton superbe derrière qu'elles claquent ouvrent et caressent la porte secrète, un doigt y pénètre pr occuper le plus de tes portes et ma bouche est attachée à la tienne, je t'adore follement, je t'aime, je te veux follement. Ta toison est la seule végétation dont je me souvienne ici où il n'y a pas de végétation. Je prends ta bouche et le petit ermite durci se donne aussi ensuite à ma bouche affolée.


                                                                                                             Gui