lundi 20 mai 2013

Tempête sur Beersheva Shoulamit Lapid Israël ( policier )



Détails sur le produit


                                               Tempête sur
                                                              Beersheva

            Si la plus forte tempête de sable des dernières décennies n'avait soufflé ces jours-là, venue du Néguev elle envahissait tout, s'introduisait dans les maisons aux volets clos, dans les rares voitures circulant dans les rues désertées, si Lisie Badikhi journaliste aux Nouvelles du Sud n'avait décidé de glaner quelques informations sur la fermeture de l'usine de textile et le licenciement des très nombreuses ouvrières, et si elle ne s'était pas penchée sur la chatte et ses trois chatons assoiffés cachés sous la tente des grévistes absents pour cause de vent de sable, la jeune femme n'aurait pas frappé à la porte du vieil autobus qui servait de logis à Oved, dit le Prophète, vieil original installé sur une parcelle de la Maillerie, et disait-on propriétaire avec les Tarshish de l'espace et de l'usine démantelée pour cause de profits annoncés si le lieu, dans son intégralité était vendu à un investisseur désireux d'installer des activités entrant dans le cadre des nouvelles lois du gouvernement, c'est-à-dire, détaxé, et le cadavre d'un inconnu porteur d'une Rolex n'aurait pas été découvert si rapidement, le vent ayant fait son ouvrage. Et nous entrons dans Beersheva, les commissaires,  l'enquête, les petits métiers, les nouveaux émigrants russes, les moeurs typiques, surtout les ravages et dissensions dans les familles lors des partages d'un héritage, semblables d'un pays à l'autre. Un jeune homme aux santiags éculées, riche fils de famille, enquête pour le compte d'une compagnie d'assurances sur le vol d'un sac de diamants, si trois jours de Tempête sur Beershéva n'avait soufflé les deux enquêtes se seraient croisées ? Il suffit d'un grand coup de vent pour faire resurgir les souvenirs des hommes et des femmes venus en Israël en 47, certains hurlant la nuit rescapés des camps. Lisie Badikhi, journaliste est à nouveau l'héroïne d'une des aventures policières de Shulamit Lapid, dans un environnement bien précis, Beershéva.







                                                   

dimanche 19 mai 2013

Musique Le pornographe du phonographe Brassens ( chanteur France )



                                            
Pour l'écouter : ==> cliquez ici 
                                                         Le Pornographe
                                                                           du Phonographe   


 Autrefois, quand j'étais marmot
J'avais la phobie des gros mots
Et si j'pensais " merde " tout bas
Je ne le disais pas
Mais
Aujourd'hui que mon gagne-pain
C'est d'parler comme un turlupin
Je n'pense plus " merde ", pardi
Mais je le dis

J'suis l'pornographe                                         
Du phonographe
Le polisson
De la chanson

Afin d'amuser la gal'rie
Je crache des gauloiseries
Des pleines bouches de mots crus
Tout à fait incongrus
Mais
En m'retrouvant seul sous mon toit
Dans ma psyché j'me montre au doigt
Et m'crie: " Va t'faire, homme incorrec'
Voir par les Grecs "

+R:

Tous les sam'dis j'vais à confess'
M'accuser d'avoir parlé d'fess's
Et j'promets ferme au marabout
De les mettre tabou
Mais
Craignant, si je n'en parle plus
D'finir à l'Armée du Salut
Je r'mets bientôt sur le tapis
Les fesses impies

+R:                                                      

Ma femme est, soit dit en passant            fragonard
D'un naturel concupiscent
Qui l'incite à se coucher nue
Sous le premier venu
Mais
M'est-il permis, soyons sincèr's
D'en parler au café-concert
Sans dire qu'elle a, suraigu
Le feu au cul ?

+R:

J'aurais sans doute du bonheur
Et peut-être la Croix d'Honneur
A chanter avec décorum
L'amour qui mène à Rom'
Mais
Mon ang' m'a dit : " Turlututu
Chanter l'amour t'est défendu
S'il n'éclôt pas sur le destin
D'une putain "

+R:

Et quand j'entonne, guilleret
A un patron de cabaret
Une adorable bucolique
Il est mélancolique
Et
Me dit, la voix noyée de pleurs
" S'il vous plaît de chanter les fleurs
Qu'ell's poussent au moins rue Blondel
Dans un bordel "

+R:                                                                                                                    
Chaque soir avant le dîner caillebotte
A mon balcon mettant le nez                                   
Je contemple les bonnes gens
Dans le soleil couchant
Mais
N'me d'mandez pas d'chanter ça, si
Vous redoutez d'entendre ici
Que j'aime à voir, de mon balcon
Passer les cons

+R:

Les bonnes âmes d'ici bas
Comptent ferme qu'à mon trépas
Satan va venir embrocher
Ce mort mal embouché
Mais
Mais veuille le grand manitou
Pour qui le mot n'est rien du tout
Admettre en sa Jérusalem
A l'heure blême

Le pornographe
Du phonographe
Le polisson
De la chanson

                       Georges Brassens

vendredi 17 mai 2013

Dernière nuit à Twisted River John Irving ( roman EtatsUnis )



                                     Dernière nuit à Twisted River


            Les eaux folles de la rivière vont engloutirent le jeune Angel, qui danse sur les grumes et Ketchum ne se le pardonnera pas. New Hampshire 1954, dans ce comté où le monde rude des bûcherons acclimatés au froid, à la neige et à la boue du dégel, Dominic cuisine dans une cantine aménagée pour les gros besoins en nourriture des hommes, aidés par des femmes indiennes, aux moeurs aussi rudes que celles des dravers gros buveurs et pour certains assoiffés de vengeance tel Carl, shérif. Mais aux fourneaux Dom façonne sa pâte à pizza au miel, et si fine qu'elle fait sa réputation et sera pour une part à l'origine de sa dernière heure. Dans ce pays où les femmes sont immenses, à l'exception de " presque cousine Rosie " institutrice, épouse de Dominic, mère de Danny futur écrivain, héros du livre, où le territoire appartient autant aux hommes qu'aux ours et aux cerfs, il arrive que l'animal soit confondu avec une femme et assommé d'un coup de poêle à frire. Et Dominic et Danny vont fuir jusqu'à Boston où le cuisinier se perfectionne dans des restaurants chinois, italiens, et Daniel étudiera. 1967. L'auteur écrit son douzième roman et l'un des meilleurs certainement, s'il nous raconte l'histoire d'une amitié solide entre l'anar Ketchum resté à Coos, qui apprit tard à lire et à écrire usa ensuite du fax pour s'inquiéter du cuistot, et sa grosse affection pour Danny il décrit l'Amérique et la politique qu'il critique. Guerre du Vietnam et ses séquelles. Le livre pouvait n'être que le roman de cette fraternité, de ces trois hommes, un peu celle de Joe, de Dominic qui fait " dosido " avec des femmes de différentes ethnies, mais Irving a toujours apporté son point de vue sur les événements marquants aux EtatsUnis. 1983 " J'ai la mémoire qui flanche... Aux abords de la soixantaine il boitait plus bas qu'autrefois et il essayait de se rappeler ces marchés... dans Chinatown. " Devenu propriétaire de son propre resto l'Avellino, Dom sera rattrapé par son passé, parce que sa pâte à pizza a un goût sans pareil. Alors le père et le fils fuiront et ce sera 2001 à Toronto, et le terrible attentat contre les tours du World Trade Center. Évènement raconté par d'anciennes familles de bûcherons qui vivent dans un coin éloigné dans des mobil home, et assistent à l'événement. N'oublions pas les quelques passages où Danny explique comment écrire un roman, lui-même commence par la fin et termine par la phrase qui ouvre le livre. Le livre foisonne d'une multitude de faits en apparence anodins qui accompagnent le lecteur avec les héros, sans oublier " Héros " chien valeureux, péteux, ronfleur, blessé à l'oreille par un ours, à l'oeil par un berger allemand. 2005, réapparition du faux-ange. 50 années passent sous nos yeux affectueux, des personnages vivent et subissent ce que chacun connaît, leurs aventures et mésaventures, faits quotidiens. Un très, très bon livre sur les flotteurs de bois, un cuistot et un écrivain, tous héros sympathiques. A chacun son Amérique.


           

samedi 11 mai 2013

Un anarchiste 3 Joseph Conrad ( nouvelle Angleterre )7





                                                           Un anarchiste

            - Par la déportation à Cayenne ! répondit-il.
            Il semblait croire qu'on  avait dénoncé le complot. Pendant qu'il montait la garde dans la rue, sac en main, la police lui tomba dessus. Ces imbéciles le flanquèrent par terre sans faire attention à ce qu'il tenait dans la main. Il se demanda comment la bombe avait pu ne pas exploser dans sa chute. En tout cas elle n'explosa pas.
            - J'ai essayé de raconter mon histoire aux assises. Il y avait des idiots qui riaient dans l'auditoire.
            J'exprimai l'espoir que d'autres de ses compagnons s'étaient fait prendre aussi. Il eut un léger frisson avant de répondre que deux d'entre eux avaient été arrêtés : Simon, dit Biscuit, l'ajusteur qui lui avait parlé dans la rue, et un nommé Mafile, un des étrangers sympathiques qui avaient applaudi à ses sentiments et apaisé ses chagrins humanitaires, au café quand il était saoul.
            - Oui, poursuivit-il avec un effort, j'ai eu l'avantage de leur compagnie, là-bas, sur l'île Saint-Joseph, où nous étions relégués avec quatre-vingt ou quatre-vingt dix autres forçats. Nous étions tous classés comme dangereux.
            L'île Saint-Joseph est la plus pittoresque des îles du Salut. C'est un îlot rocheux et verdoyant, avec des ravins, des buissons, des fourrés, des massifs de manguiers et des bouquets de palmiers emplumés. Six gardiens armés de revolvers et de carabines sont préposés à la garde des forçats.
            Une chaloupe à huit rameurs assure pendant le jour, à travers un bras de mer de quatre à cinq cents mètres, les communications avec l'île Royale, où se tient un poste militaire. Elle fait son premier voyage à six heures du matin. A quatre heures de l'après-midi son service prend fin, et on l'amarre à une petite jetée de l'île Royale. Une sentinelle veille sur la chaloupe et d'autres petits canots. Depuis cette heure-là jusqu'au lendemain matin, l'île Saint-Joseph est coupée du monde. Les gardiens patrouillent à tour de rôle sur le sentier qui va de la maison de garde aux baraques des forçats, et autour de l'île une multitude de requins font le guet en mer.
            C'est dans ces conditions que les forçats projetèrent une révolte. On n'avait encore jamais rêvé rien de pareil au pénitencier. Pourtant leur plan n'était pas en avoir quelque chance de succès. Les gardiens devaient être assaillis à l'improviste et tués pendant la nuit. Avec leurs armes les forçats pourraient abattre les rameurs de la chaloupe quand elle approcherait le lendemain matin. Une fois maître de cette embarcation, ils s'empareraient d'autres bateaux, et toute la bande filerait en remontant la côte.
            A la nuit tombante les deux gardiens de service firent l'appel de rigueur, puis procédèrent à l'inspection des baraques pour s'assurer que tout était en ordre. Dans la seconde où ils entrèrent ils furent attaqués, et littéralement étouffés sous le nombre des assaillants. L'ombre descendait rapidement. C'était la nouvelle lune et un gros nuage noir étalé sur la côte ajoutait encore à l'épaisseur des ténèbres. Rassemblés en plein air les forçats discutaient la suite de leur entreprise, et délibéraient à voix basse.
            - Vous avez joué un rôle dans la rébellion, demandai-je ?
            - Non, je savais naturellement ce qui allait se passer. Mais pourquoi aurais-je tué ces gardiens ? Je n'avais rien contre eux, seulement j'avais peur des autres. Quoi qu'il advînt je ne pouvais pas leur échapper. Je me tenais à l'écart, assis sur une souche, la tête dans les mains, écoeuré à la pensée d'une liberté qui ne pouvait être qu'une dérision pour moi. Tout à coup je tressaillis en voyant une ombre sur le sentier tout proche. L'homme se tenait parfaitement immobile. Bientôt sa silhouette s'effaça dans la nuit. Ce devait être le gardien-chef venu voir ce que faisaient ses deux hommes. Personne ne l'aperçut. Les forçats continuaient à se quereller sur leurs projets respectifs. Les meneurs ne pouvaient pas se faire obéir. Le murmure féroce de cette masse sombre était terrifiant.
            Ils finirent pas se diviser en deux groupes et se mirent en route. Quand ils passèrent devant moi je me levai, le corps tout endolori. Le sentier qui menait à la maison des gardiens était sombre et silencieux, et de chaque côté les fourrés frémissaient doucement. Tout à coup j''aperçus devant moi un mince filet de lumière. Le gardien-chef, suivi pas ses trois hommes, s'avançait prudemment. Mais il n'avait pas bien fermé sa lanterne sourde. Les forçats virent comme moi la petite lueur. Il y eut un affreux hurlement sauvage, des remous dans l'ombre sur le sentier, des coups de feu, de poing, des plaintes, le bruit de branches brisées puis, avec des cris d'oiseaux de proie et des clameurs de bêtes traquées, la chasse à l'homme, la chasse au gardien, passa devant moi, pour aller vers le coeur de l'île. J'étais seul, et je vous assure Monsieur, que j'étais indifférent à tout. Je restai un instant immobile, puis je me mis à suivre machinalement le sentier. Tout à coup mon pied buta contre un objet dur. Je me baissai et ramassai le revolver d'un gardien. Je sentis à tâtons qu'il était encore chargé de cinq balles. Les bouffées de vent m'apportaient les cris des forçats qui se hélaient dans le lointain, puis de brusques roulements de tonnerre éteignaient le sifflement et la chanson des branches. Soudain je vis courir au ras du sol une grosse lumière qui me laissa distinguer une jupe de femme et le bord d'un tablier. 
*            Je savais que la personne qui portait la lanterne devait être la femme du gardien-chef. Les forçats l'avaient complètement oubliée, semble-t-il. Un coup de feu parti de l'intérieur de l'île lui arracha un cri. Elle passa devant moi en courant. Je suivis et la revis bientôt. Elle tirait d'une main la cloche d'alarme pendue au bout de la jetée, et de l'autre balançait sa grosse lanterne. C'est le signal convenu avec l'île Royale pour demander assistance en cas d'alarme nocturne. Le vent emportait le bruit de la cloche et la lumière était cachée par les quelques arbres plantés près de la maison des gardiens.
            Je m'approchai d'elle par derrière. Elle continuait à tirer sa cloche sans arrêt, sans un regard de côté, comme si elle avait été seule sur l'île. Une femme courageuse, Monsieur. Je cachai le revolver sous ma blouse bleue, et j'attendis. Un éclair et un coup de tonnerre éteignirent un instant la lumière et le bruit, tandis que la femme continuait sans défaillance à tirer sa corde et balancer sa lanterne avec un régularité de machine. C'était une belle femme de trente ans, pas plus. Je me dis : " Tout ça ne sert à rien par une nuit pareille ". Et je résolus si un groupe de forçats arrivait à la jetée, ce qui ne pouvait guère tarder, de lui brûler la cervelle avant de me tuer. Je connaissais trop " les camarades ". Cette idée-là redonnait un peu d'intérêt à ma vie, Monsieur. Et soudain, au lieu de rester stupidement en vue sur la jetée, je reculai de quelques pas et me cachai derrière un buisson. Je ne voulais pas me laisser sauter dessus par mégarde, et empêcher de rendre au moins ce suprême service à une créature humaine avant de mourir.
            Il faut croire que le signal avait été perçu, car la chaloupe de l'île Royale arriva en un temps incroyablement court. La femme persista jusqu'au moment où sa lanterne éclaira l'officier commandant le peloton et les baïonnettes des soldats de la chaloupe. Puis elle s'assit et se mit à pleurer.
            Elle n'avait plus besoin de moi. Je ne bougeai pas. Certains des soldats étaient en manches de chemises, d'autres pieds nus, comme l'appel aux armes les avait trouvés. Ils passèrent à coté de mon buisson au pas de charge. La chaloupe était repartie chercher des renforts, et la femme pleurait, toute seule au bout de la jetée, la lanterne posée à terre à côté d'elle.
            Alors, tout à coup, je distinguai dans la lumière le rouge de deux pantalons. J'en restai stupéfait. Eux aussi filèrent au pas de course. Leurs tuniques déboutonnées battaient au vent et ils avaient la tête nue. L'un d'eux cria à l'autre d'une voix essoufflée : " Tout droit ! Tout droit ! "
            D'où diable sortaient-ils ? Je ne savais rien. Je m'avançai furtivement sur la courte jetée. Je vis la silhouette de la femme toute secouée de sanglots, et l'entendis gémir de plus en plus nettement : " Oh ! mon homme ! mon pauvre homme ! mon pauvre homme ! " J'approchai doucement. Elle ne voyait et n'entendait rien. Le tablier jeté sur la tête, elle se balançait d'avant en arrière, tout à son chagrin. Et soudain, j'aperçus un canot au bout de la jetée.
            Les deux hommes, des sous-officiers sans doute, avaient dû sauter dans le canot, après avoir manqué le départ de la chaloupe. Il était incroyable que le sentiment du devoir leur eût ainsi fait violer toutes les consignes. Ils avaient agi stupidement. Je n'en croyais pas mes yeux, quand je mis le pied dans la barque.
            Je longeai lentement le rivage. Un nuage noir surplombait les îles du Salut. J'entendis des coups de feu, des cris. C'était une nouvelle chasse, la chasse aux forçats. Les avirons étaient trop longs pour se laisser manier convenablement, et j'avais peine à faire avancer le canot, malgré sa légèreté. Puis, lorsque j'eus contourné l'île et gagné son extrémité opposée, je fus assailli par une bourrasque de vent et de pluie à laquelle je ne pus tenir tête. Je laissai le bateau dériver jusqu'à la berge et l'y amarrai.
            Je connaissais l'endroit. Il y avait un vieux hangar en ruine près de l'eau. Je m'y glissai et j'entendis bientôt à travers le vacarme du vent et des averses, le bruit de gens qui se frayaient un chemin à travers les fourrés. Ils descendaient à la côte. Des soldats, peut-être ? Un éclair donna un relief saisissant à tout ce qui m'entourait. Deux forçats !
            Et aussitôt une voix s'écria avec stupeur : " Un miracle ". C'était la voix de Simon, dit Biscuit.
            Une autre voix gronda : " Qu'est-ce que c'est ton miracle ?
                                                - Il y a un canot, là !
                                                - Tu es fou, Simon. Et si, c'est vrai... Un canot ? "
            Le saisissement les fit taire un instant. Le second forçat était Mafile. Il reprit avec circonspection ;:
                                                - Il est attaché, il doit y avoir quelqu'un tout près.
            Alors j'élevai la voix à mon tour : " Je suis ici, fis-je, du hangar.
            Ils me rejoignirent et...


         
                                                                                                me firent......./
                                                                                                            suite et fin in 4
                                                                                                                  


* gauguin le forçat et l'évèque
                              

jeudi 9 mai 2013

L'ennemi - A propos d'un importun - La soupe et les nuages Charles Baudelaire ( poèmes * Les fleurs du mal * Spleen de Paris *France )


                                                        L'ennemi


                                            Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
                                            Traversé çà et là par de brillants soleils ;
                                            Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
                                            Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

                                             Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
                                             Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
                                             Pour rassembler à neuf les terres inondées,
      Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

                                              Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
                                              Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
                                              Le mystique aliment qui ferait leur vigueur
                  
                                              - Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
                                              Et l'obscur ennemi qui nous ronge le coeur
                                              Du sang que nous perdons croît et se fortifie !



                                                                                                         Baudelaire
                                           
                                                                                                         ( Les fleurs du mal 1861 )

                                                                     
                                                         **************

                                                     A propos d'un importun
                                                                                 qui se disait son  ami
    *                                                                     A Mr Eugène Fromentin


                                                 Il me dit qu'il était très riche,        
                                                 Mais qu'il craignait le choléra ;
                                                 - Que de son or il était chiche,
                                                 Mais qu'il goûtait fort l'Opéra ;

                                                 - Qu'il raffolait de la nature,
                                                 Ayant connu Mr Corot ;
                                                 - Qu'il n'avait pas encore voiture,
                                                 Mais que cela viendrait bientôt ;

                                                  - Qu'il aimait le marbre et la brique,
                                                  Les bois noirs et les bois dorés ;
                                                  - Qu'il possédait dans sa fabrique
                                                  Trois contremaîtres décorés ;

                                                  - Qu'il avait, sans compter le reste,
                                                  Vingt mille actions sur le * Nord * ;
                                                   Qu'il avait trouvé, pour un zeste,
                                                   Des encadrements d' Oppenord ;

                                                   Qu'il donnerait ( fut-ce à Luzarches ! )
                                                   Dans le bric-à-brac jusqu'au cou,
                                                   Et qu'au marché des Patriarches
                                                   Il avait fait plus d'un bon coup ;

                                                   Qu'il n'aimait pas beaucoup sa femme,
                                                   Ni sa mère ; - mais qu'il croyait
                                                   A l'immortalité de l'âme,
                                                   Et qu'il avait lu Niboyet !      *
                                                                                                               
                                                   - Qu'il penchait pour l'amour physique,
                                                   Et qu'à Rome, séjour d'ennui,             
                                                   Une femme, d'ailleurs phtisique,
                                                   Étant morte d'amour pour lui.

                                                   Pendant trois heures et demie,
                                                   Ce bavard, venu de Tournai,
                                                   M'a dégoisé toute sa vie ;
                                                   J'en ai le cerveau consterné.

                                                   S'il fallait décrire ma peine,
                                                   Ce serait à n'en plus finir ;
                                                   Je me disais, domptant ma haine :
                                                   " Au moins, si je pouvais dormir ! "

                                                   Comme un qui n'est pas à son aise,
                                                   Et qui n'ose pas s'en aller,
  *       Je frottais de mon cul ma chaise,
                                                 Rêvant de le faire empaler.

                                                  Ce monstre se nomme Bastogne ;
                                                  Il fuyait devant le fléau.
                                                  Moi, je fuirai jusqu'en Gascogne,
                                                  Ou j'irai me jeter à l'eau,

                                                   Si dans ce Paris, qu'il redoute,
                                                   Quand chacun sera retourné,
                                                   Je trouve encore sur ma route
                                                   Ce fléau, natif de Tournai.


                                                                                              Baudelaire

                                                                                              Bruxelles 1865
                                                     

* corot                                                 

                                                       

                                                         **************


                                                       La soupe et les nuages   



                         Ma petite folle bien-aimée me donnait à dîner, et par la fenêtre ouverte de la
              salle à manger je contemplais les mouvantes architectures que Dieu fait avec les vapeurs,
              les merveilleuses constructions de l'impalpable. Et je me disais, à travers ma contemplation :
                         - Toutes ces fantasmagories sont presque aussi belles que les yeux de ma belle
              bien-aimée, la petite folle monstrueuse aux yeux verts.
                         Et tout à coup je reçus un violent coup de poing dans le dos, et j'entendis une voix
              rauque et charmante, une voix hystérique et comme enrouée par l'eau-de-vie, la voix de ma
              chère petite bien-aimée, qui disait :
                         - Allez-vous bientôt manger votre soupe, s... b... de marchand de nuages ?


                                                                                        Charles Baudelaire
                                                    

mercredi 8 mai 2013

Un anarchiste Joseph Conrad 2 ( nouvelle Angleterre



barcelone
                                                     Un anarchiste
                                                                             ( suite 2 )

            C'est en ses termes que le digne régisseur du domaine de Maranon me raconta l'arrivée du supposé anarchiste. Il voulait le tenir ( au nom des intérêts de la Compagnie ) et le  répandaient l'histoire dans toute la ville quand ils partaient en congé. Ils ne savaient pas ce que c'est un anarchiste, pas plus qu'ils ne connaissaient Barcelone. Ils l'appelaient : " Anarchisto de Barcelona ", comme si c'était un nom et son prénom.Mais les gens de la ville qui avaient lu dans les journaux les exploits des anarchistes européens, se montraient for émus. L'adjonction de " Barcelona " faisait glousser de rire Mr Harry Gee de satisfaction.
            - C'est une espèce particulièrement meurtrière, hein ? Tous les propriétaires de scieries craignent d'autant plus d'avoir affaire à lui, comprenez-vous ? exultait-il sans fard. Je le tiens mieux avec ce nom-là que si je le tenais enchaîné par la jambe au pont de mon canot. Remarquez bien, d'ailleurs, ajoutait-il après un instant de silence, qu'il ne proteste pas. Je ne le calomnie en rien. De toute façon, d'une espèce ou d'une autre, c'est un forçat.
            - Je suppose cependant que vous lui donnez un salaire ? demandai-je.
            - Un salaire ! Qu'a-t-il besoin d'argent ici ? Il trouve à manger dans ma cuisine et des vêtements au magasin. Bien sûr, je lui donnerai quelque chose à la fin de l'année, mais vous ne croyez pas que je vais employer un forçat et lui donner les mêmes gages qu'à un honnête homme ? Je regarde avant tout aux intérêts de la Compagnie.
            Je reconnus qu'à une compagnie qui dépensait 50000 livres par an en publicité, la plus stricte économie s'imposait, évidemment. Le régisseur de l'estancia Maranon poussa un grognement approbateur.
            - Et puis écoutez, reprit-il, si j'étais certain que ce fût un anarchiste et qu'il eût le toupet de me réclamer de l'argent, je lui enverrais le bout de ma botte quelque part. Je lui accorde le bénéfice du doute. Je veux bien admettre qu'il se soit contenté de planter son couteau dans un dos quelconque, avec circonstances atténuantes, à la française, vous savez. Mais cette farce sanguinaire et subversive qui voudrait se défaire de toutes les lois et de l'ordre du monde, ça me fait bouillir le sang. C'est couper l'herbe sous le pied à tous les travailleurs honnêtes et respectables. Je vous dis qu'il faut protéger la conscience chez les gens qui en possèdent, comme vous et moi, sans quoi la première fripouille venue vaudrait autant que moi à tous égards. Jugez un peu, quelle absurdité !
            Il me regarda d'un oeil indigné. Je fis un petit signe de tête et murmurai qu'il y avait certainement beaucoup de vérité subtile dans cette façon de voir.

            La première vérité que l'on pouvait découvrir dans les idées de Paul le mécanicien, c'est qu'un détail futile suffit à causer la ruine d'un malheureux.
            - Il n'en faut pas beaucoup pour perdre un homme, me dit-il un soir d'un ton pensif.
            Je rapporte cette réflexion en français, car le pauvre garçon venait de Paris et pas du tout de Barcelone. Au Maranon il vivait à l'écart de la ferme, dans un petit appentis à toit de tôle et parois de paille qu'il appelait " mon atelier ". On y avait placé un établi, plusieurs couvertures de cheval et une selle, non qu'il eût jamais l'occasion de monter à cheval, mais parce que les employés de l'établissement qui étaient tous vaqueros, bouviers, ne connaissaient pas d'autre literie. Et comme un fils des plaines il dormait sur ce harnais de cavalier, couché au milieu de ses outils, entourée de ferraille rouillée, une forge portative sous l'établi qui retenait sa moustiquaire crasseuse. De temps à autre je lui apportais quelques bouts de chandelle arrachés à la maigre provision du régisseur. Il m'était très reconnaissant de ce cadeau, il n'aimait pas rester éveillé dans l'ombre. Il se plaignait d'insomnie
            - Le sommeil me fuit, déplorait-il avec l'habituel accent de stoïcisme résigné qui le rendait sympathique et touchant. Je lui avais fait comprendre que je n'attachais pas une importance excessive à sa condition d'ancien forçat.
            C'est ce qui l'amena un soir à me parler de lui-même. Comme un des bouts de chandelle placé sur l'établi menaçait de s'éteindre, il en alluma vivement un autre.
            Il avait fait son service militaire dans une garnison de province avant de retourner à Paris pour exercer son métier. C'était un travail bien payé. Il me conta avec orgueil qu'il était arrivé en peu de temps à se faire ses dix francs par jour. Il songeait à s'établir bientôt à son compte et à se marier.
            Là il poussa un profond soupir et se tut un instant. Puis avec un regain de stoïcisme :
            - Il faut croire que je ne me connaissais pas assez.
            Le jour de ses vingt-cinq ans deux camarades de l'atelier où il travaillait lui offrirent à dîner. Il fut profondément touché de cette attention.
            - J'étais un homme sérieux, m'expliqua-t-il, mais j'aimais autant la société qu'un autre.
            La fête projetée eut lieu dans un petit café du boulevard de la Chapelle. On but du vin cacheté, du vin excellent. Tout était excellent et le monde, selon son expression, semblait un endroit où il faisait bon vivre. Il avait un bel avenir, un peu d'argent de côté, et l'affection de deux excellents amis. Il offrit de payer toutes les consommations, après le dîner, ce qui était la moindre des politesses.
            Ils burent du vin, puis des liqueurs, du cognac, de la bière, des liqueurs encore, et encore du cognac. Deux étrangers assis à la table voisine le regardaient avec tant de cordialité, me dit-il, qu'il les invita à se joindre à leur groupe.
            De sa vie il n'avait tant bu. Il se trouvait rempli d'un enthousiasme sans borne et si délicieux, et que dès qu'il le sentait mollir il se dépêchait de commander de nouvelles consommations.
            - Il me semblait, disait-il de son ton paisible, en regardant à ses pieds dans le triste local plein d'ombre, il me semblait que j'allais atteindre un grand, un prodigieux bonheur. Un dernier verre, me semblait-il, et j'y serais. Les autres me soutenaient, bravement, verre pour verre.
            Puis il se passa quelque chose d'extraordinaire. Sur un mot des étrangers son exaltation tomba. Des pensées lugubres, des idées noires, se pressaient dans sa tête. Le monde à l'extérieur du café lui faisait l'effet d'un lieu sinistre et méchant, où une multitude de pauvres diables devaient travailler en esclaves, pour permettre à quelques individus de se pavaner dans des équipages, et de mener dans des palais une vie d'orgies. Il eut honte de son bonheur. La grande pitié de l'humanité douloureuse lui tordait le coeur. Il tenta, d'une voix étranglée par l'affliction d'exprimer ses sentiments. Il pleurait et jurait tour à tour.
            Les deux nouveaux venus se hâtèrent d'applaudir à son indignation humaine. Oui, la somme d'injustices du monde était scandaleuse. Il n'y avait qu'une façon de traiter une société pourrie. Il fallait démolir toute cette " sacrée boutique ", faire sauter ce monde d'iniquités.
            Leurs têtes se rapprochaient par-dessus la table. Ils lui soufflaient à l'oreille des paroles enflammées, sans s'attendre sans doute à l'effet de leur éloquence. Il était extrêmement ivre, fou d'ivresse. Tout à coup, avec un cri de rage, il bondit sur la table. Renversant à coups de pieds verres et bouteilles, il clama : " Vive l'anarchie ! Mort aux capitalistes ! " Il poussa ce cri à diverses reprises. Autour de lui les verres se brisaient, les chaises volaient, les gens se sautaient à la gorge. La police fit irruption. Il cogna, mordit, griffa, lutta jusqu'au moment où il reçut un coup violent sur la tête.
            Il revint à lui dans une cellule, emprisonné sous l'inculpation de voies de faits, de cris séditieux et de propagande anarchiste.
            Il fixait sur moi le regard de ses yeux liquides et brillants, qui semblaient très grands dans la pénombre.
            - Mauvaise affaire, fit-il lentement, mais j'aurais peut-être encore pu m'en tirer.
            J'en doute. En tout cas ses chances furent compromises par un jeune avocat socialiste qui s'offrit bénévolement à le défendre. Il eut beau affirmer qu'il n'était pas anarchiste, qu'il était un brave ouvrier paisible, uniquement soucieux de faire ses dix heures de travail quotidien, on le présenta au tribunal comme une victime de la société. On interpréta ses clameurs d'ivrogne comme l'expression d'une souffrance infinie. Le jeune avocat avait son chemin à faire, et cette affaire était exactement ce qu'il lui fallait pour démarrer. Sa plaidoirie fut fort admirée.
            Le pauvre garçon se tut, avala sa salive et conclut :
            - J'ai eu la peine maximale pour un premier délit.
            Je fis entendre un murmure apitoyé. Il pencha la tête et croisa les bras :
            - Quand on me relâcha, reprit-il doucement, je retournai naturellement à mon ancien atelier. Mon patron avait toujours eu de la sympathie pour moi mais, du plus loin qu'il me vit, il verdit de terreur, et me montra la porte d'une main tremblante.
            Tandis qu'il se tenait dans la rue, inquiet et déconfit, il fut abordé par un homme d'un certain âge, qui se présenta comme étant lui aussi mécanicien ajusteur.
            - Je te connais,dit-il, j'ai assisté à ton procès. Tu es un bon camarade et tu as des idées saines. Le diable, c'est que tu ne trouveras plus de travail nulle part, maintenant. Ces bourgeois vont conspirer pour te faire crever de faim. C'est comme ça qu'ils sont. Pas de pitié à attendre des riches.
            D'entendre ces paroles amicales en pleine rue le réconforta. Il était sûrement de ces êtres qui ont besoin d'appui de sympathie. L'idée de se retrouver sans travail l'avait complètement démoralisé. Si son patron qui le connaissait pour un ouvrier paisible, rangé et habile, ne voulait plus entendre parler de lui, personne d'autre ne l'emploierait, sûrement. C'était bien clair. La police qui le tenait à l'oeil s'empresserait de prévenir tous les patrons qui pourraient être tentés de lui donner de l'ouvrage. Désemparé, tout à coup; inquiet et oisif, il suivit l'homme dans un estaminet du coin, où il trouva d'autres bons compagnons. On lui affirma qu'on ne le laissera pas jeûner, avec ou sans travail. On but à la ronde, à la ruine de tous les exploiteurs du travail et à la destruction de la société.
            Il se mordait la lèvre.
            - Voilà comment je suis devenu " compagnon ", Monsieur, fit-il en passant sur son front une main tremblante. Tout de même il faut qu'il y ait quelque chose de mauvais dans un monde où un type peut être perdu pour un verre de trop.
            Il ne levait pas les yeux mais je voyais qu'il commençait à s'animer malgré sa tristesse. Il frappa l'établi de sa main ouverte.    
            - Non, cria-t-il, c'était une existence impossible. Surveillé par la police, surveillé par les camarades, je ne m'appartenais plus, je ne pouvais plus aller retirer quelques francs sur mes économies sans trouver un camarade rôdant près de la porte pour voir si je n'allais pas prendre la poudre d'escampette ! Et la plupart d'entre eux n'étaient ni plus ni moins que des cambrioleurs. Les plus intelligents en tous les cas. Ils volaient les riches. Ils ne faisaient que reprendre leur dû, proclamaient-ils. Quand j'avais bu, je les croyais. Il y avait aussi des imbéciles et des fous. Des exaltés, quoi ! Quand j'étais saoul je les aimais, et si je buvais davantage j'entrais en fureur contre le monde. C'étaient les meilleurs moments. La rage devenait un refuge contre la misère. Mais on ne peut pas toujours être saoul, n'est-ce pas Monsieur ? Et quand j'avais retrouvé ma tête je n'osais pas m'échapper. Ils m'auraient saigné comme un cochon.
            Il croisa de nouveau les bras et leva son menton osseux avec un sourire amer.
            - Un jour on me dit qu'il était temps de me mettre à l'ouvrage. L'ouvrage, c'était le sac d'une banque. L'affaire faite on jetterait une bombe pour démolir l'immeuble. Mon rôle de débutant serait de faire le guet dans une rue de derrière, et de veiller sur un sac noir contenant la bombe, jusqu'à ce qu'on en eût besoin. Après la réunion où l'affaire avait été arrangée, un camarade de confiance ne me lâcha plus d'une semelle. Je n'avais pas osé protester. J'avais peur de me faire estourbir en douce dans la pièce. Seulement en marchant à côté du compagnon, je me demandais si je ne ferais pas mieux de me jeter tout à coup dans la Seine. Mais, le temps de retourner cette idée dans ma tête, nous avions passé le pont, et l'occasion ne se retrouva plus.
            Dans la lueur du bout de chandelle, avec ses traits osseux, sa petite moustache et son visage ovale, il manifestait tout à coup une jeunesse fragile et gaie, et la vieillesse d'un être décrépit, douloureux, aux bras serrés sur la poitrine.
            - Eh bien ? Comment cela a-t-il fini ?



                                                                             - Par la............ ( à suivre in 3 )

                                                                                                         Conrad