mardi 17 septembre 2013

Anecdotes et réflexions d'hier pour aujourd'hui 23 Journal Samuel Pepys ( Angleterre )

                                                                                                                                                                                                                                                                                 
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 
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                                                             Journal

                                                                                                               23 mai 1660

            Le docteur et moi nous réveillâmes de fort bonne humeur. Cependant mon oeil était très rouge et me faisait très mal en me levant à cause du choc d'hier.
            Ce matin, une infinité de gens vinrent à bord envoyés par le roi afin de l'accompagner.
            Milord, Mr Crew et d'autres s'en furent à terre pour aller saluer le roi au moment de son embarquement.
            Là, il paraît que ( lorsque sir Robert Stayner fit monter Sa Majesté dans le bateau ) Sa Majesté embrassa milord avec beaucoup d'affection lors de cette première rencontre.
            Le roi en compagnie des deux ducs, de la reine de Bohême, de la princesse royale et du prince d'Orange monta à bord. A leur arrivée je baisai les mains du roi, de la reine et de la princesse ( j'avais déjà baisé les mains des ducs auparavant ). Les canons n'en finissaient pas de tirer des salves dans un désordre voulu. L'effet était plus plaisant ainsi qu'il n'eût été autrement.
            Rien d'autre toute la journée, que des lords et des personnes de qualité à bord. Notre navire regorgeait de monde.
            Dîner en très grande pompe. Le roi et les princes à part dans la chambre du conseil. C'était un divin spectacle que de les voir.
            Je dînai avec le Dr Clarke, le Dr Quartermain et Mr Darcy dans ma cabine.
            Ce matin, Mr Lucy vint à bord. Milord lui offrit pour lui et sa compagnie de gardes du roi logés dans un autre navire, trois douzaines de bouteilles de vin. Il nous réconcilia Mr Pearse et moi.
            Après dîner, le roi et le duc assis à la table du gaillard d'arrière, changèrent le nom de certains des navires...                                                                                          
            Cela fait, la reine, la princesse royale et le prince d'Orange prirent congé du roi et le duc d'York alla à bord du London et le duc de Gloucester à bord du Switsfure, sur quoi nous levâmes l'ancre et avec une brise fraîche et le meilleur temps possible nous fîmes voile vers l'Angleterre. Le roi se promena sur le navire et l'explora, très actif et fort alerte, tout le contraire de ce que je l'imaginais être.
            Sur le gaillard d'arrière il évoqua la façon dont il s'était enfui de Worcester. J'en eus les larmes aux yeux de l'entendre raconter les épreuves qu'il avait traversées : tel son parcours à pied pendant quatre jours et trois nuits avec à chaque pas de la boue jusqu'aux genoux et pour seul vêtement un manteau vert, une paire de culottes et une paire de chaussures de paysan qui lui faisaient tellement mal aux pieds qu'il pouvait à peine marcher.
            Il lui fallut pourtant s'enfuir en courant poursuivi par un meunier et d'autres personnes qui les avaient pris pour des malfaiteurs. Dans un endroit il s'assit à table avec le maître de maison qui ne l'avait pas vu depuis huit ans, mais qui le reconnut, ne souffla mot. Cependant qu'à la même table se trouvait un officier qui était dans son propre régiment à Worcester et qui ne le reconnut pas, qui le fit boire à la santé du roi et prétendit que le roi était au moins quatre doigts plus grand que lui. A un autre endroit, certains des domestiques de la maison l'obligèrent à boire, afin de s'assurer qu'il n'était pas une Tête Ronde, car ils juraient qu'il l'était.                                                                                            
            Dans un autre endroit dans son auberge le maître de maison, alors que le roi debout s'appuyait sur le dos d'une chaise près du feu, s'agenouilla et lui baisa les mains en privé disant qu'il ne lui demanderait pas qui il était mais qu'il priait Dieu de le bénir et de le protéger là où il allait. Ensuite les difficultés qu'il rencontra pour se procurer un bateau pour gagner la France, comment il dut comploter avec le capitaine afin de cacher son dessein aux quatre marins et au mousse, qui constituaient tout l'équipage du bateau, et comment il gagna ainsi Fécamp, en France.
            A Rouen il avait l'air si misérable que les gens allaient dans les chambres quand il quittait l'auberge pour voir s'il n'avait rien volé. Dans la soirée j'allai voir milord pour écrire des lettres à destination de l'Angleterre. Nous les envoyâmes en signalant notre retour, par l'entremise de Mr Pickering. Le roi soupa seul dans la chambre du conseil, après quoi j'allai chercher un plat et nous soupâmes tous les quatre dans ma cabine, comme à midi. Vers l'heure du coucher milord Berkeley, à qui j'avais proposé mes services auparavant, m'envoya chercher pour que je lui trouve un lit. Avec beaucoup de difficulté je parvins à lui trouver un lit auprès de milord Middlesex dans la grande cabine du pont inférieur, mais j'eus beaucoup de mal à le caser et à prendre congé de lui.
            Donc, retour à ma cabine où étaient toujours mes invité en train de raconter la suite des difficultés du roi, comment il avait dû manger un morceau de pain et de fromage qu'un garçon miséreux lui avait donné. Comment dans une demeure catholique il avait dû dormir pendant assez longtemps dans la cache prévue pour les prêtres afin de préserver son incognito.
            Après cela nous nous séparâmes et le docteur et moi allâmes nous coucher. Les lords commissaires sont à bord avec nous, ainsi qu'une nombreuse compagnie. Naviguâmes toute la nuit par un temps absolument splendide.

                                                                                                              

                                                                                                           24 mai 1660
                                                                                                                                                                           
                                  
            Debout je me vêtis de mes plus beaux atours, avec les bas de fil et les amples canons achetés l'autre jour à La Haye. Presse extraordinaire de personnages nobles et grande allégresse toute la journée. Le docteur Earle et Mr Hollis, le chapelain du roi, le dr Scarborough, le dr Quatermain et le dr Clarke, Mr Darcy et Mr Fox, très distingués gentilshommes au service du roi, dînèrent avec moi dans ma cabine, soit dans la cabine du charpentier. Excellente conversation.
            Promenade sur le pont tout l'après-midi en compagnie de personnes de qualité, entre autres Thomas Killigrew, un joyeux drille, mais gentilhomme fort prisé du roi. Il nous raconta que trois ou quatre jours auparavant il avait écrit une lettre à la princesse royale au sujet d'une reine douairière de Judée et de Palestine qui était à La Haye incognito, était la maîtresse du roi, etc..., la femme de Mr Cary, un courtisan, avait été nonne jadis, or les nonnes sont toujours mariées à Jésus.
            A souper les trois docteurs en médecine de nouveau dans ma cabine. Je rappelai au Dr Scarborough  ce que je l'avais entendu dire au sujet de la façon dont on se sert des yeux. Il confirma que les enfants dans la vie de tous les jours regardent dans plusieurs directions jusqu'à ce que l'expérience leur enseigne de faire autrement, et que nous ne voyons, devenus adultes, qu'avec un seul oeil, car nos yeux regardent selon des lignes parallèle.
            Après ces propos on m'appela pour rédiger un passeport pour milord Mandeville qui doit conduire des chevaux jusqu'à Londres. Je l'écrivis au nom du roi et le lui portai à signer. Ce fut le premier et le dernier document qu'il signa jamais à bord du " Charles ". Au lit, La terre en vue un peu avant la nuit.


                                                                                                                               
                                                                                                                   25 mai

                                                        
            Au matin nous nous trouvâmes près du rivage et tout le monde se prépara à débarquer. Le roi et les deux ducs prirent leur déjeuner avant de partir et, comme on leur avait servi un déjeuner de marin juste pour leur faire connaître le type de nourriture qu'on mange dans la marine, ils mangèrent uniquement des pois, du porc et du boeuf bouilli.
            J'invitai Mr Darcy et le dr Clarke dans ma cabine. Ils déjeunèrent avec moi et me racontèrent que le roi avait donné 500 livres pour les officiers et les marins du bateau. Je parlai de ma situation avec le duc d'York qui m'appela par mon nom, Pepys, et, à ma requête, me promit ses faveurs futures.
            Grands espoirs que le roi nommera certains chevaliers, mais personne ne fut nommé.Vers midi, bien que le brigantin construit par Beale fût là prêt à le transporter, il insista pour prendre le canot major de milord en compagnie des deux ducs. Notre capitaine était à la barre et milord l'accompagna seul. Moi-même avec Mr Mansell et l'un des valets du roi et un chien  que le roi affectionnait, qui chia dans le bateau ce qui nous fit rire et me fit penser qu'un roi, avec tout ce qui lui appartient n'est pas différent du reste des mortels, prîmes un autre bateau. Et ainsi nous gagnâmes le rivage en même temps que le roi qui fut accueilli par le général Monck avec toute l'affection et le respect imaginables, lorsqu'il mit pied sur le sol anglais à Douvres. Innombrable était la foule et quelle fière allure avait les cavaliers, les citoyens et les nobles de toutes sortes. Le maire de la ville vint lui remettre son bâton blanc qui est l'emblème de sa fonction et que le roi lui rendit. Le maire lui offrit également de la part de la ville une somptueuse Bible qu'il prit et dit que c'était la chose qu'il aimait par-dessus tout au monde.
            Un dais fut dressé pour abriter le roi qui se mit dessous. Il parla un moment avec le général Monck et d'autres, puis monta dans un carrosse d'apparat qui l'attendait. Il traversa alors la ville et se dirigea vers Cantorbéry sans s'attarder à Douvres.
            Les clameurs et la joie exprimés par tous passent l'imagination. Voyant que milord ne bougeait pas de son canot, je montai dans un bateau et le rejoignis... Mr John Crew vint à bord dire un mot ou deux à milord et s'en retourna. Nous rejoignîmes le navire, vîmes en chemin un homme en train de se noyer. Il était tombé de son bateau, mais on le remonta, non sans grande difficulté.
            Milord était quasiment transporté de joie d'avoir réussi tout cela sans avoir rencontré le moindre obstacle ou commis la moindre faute qui eut pu offenser certains, et avec le grand honneur qu'il pensait que cela représentait pour lui. Comme le brigantin nous dépassait, milord et moi quittâmes notre canot pour monter à son bord. Nous regagnâmes donc notre navire en compagnie de sir William Batten, du vice-amiral et du contre-amiral.
            Le soir milord alla souper en compagnie de Mr Thomas Crew avec le capitaine Stoakes. Je soupai avec le commandant qui m'apprit ce que le roi nous avait donné. Milord revint tard et, à son retour, me donna l'ordre de faire dorer la marque qu'il avait laissée et de faire graver une couronne et les lettres C.R. au haut bout de la table du gaillard d'arrière, là où le roi avait aujourd'hui de sa propre main indiqué sa taille. Je fis donc exécuter cette tâche au peintre. C'est maintenant chose faite, comme on peut le voir.



                                                                                                                26 mai


            Grâce à Dieu j'allai me coucher dans ma pauvre cabine à moi, et je dormis bien, jusqu'à 9 heures du matin.
            Toute la noble compagnie et Mr North et le dr Clarke partis, je me trouvai comme perdu toute la journée à cause de leur absence. Milord dîna avec le vice-amiral. Le pauvre homme est aussi soumis qu'un épagneul, mais je crois qu'il se donne du mal pour rien, car je ne pense pas qu'il gardera son poste.
            J'ai donc présidé le dîner à la table de la chambre du conseil, entouré de tous les officiers du navire, de Mr White de Douvres. Après une ou deux parties de quilles, au travail tout l'après-midi à rédiger plus de 20 ordres. Dans la soirée, milord qui était allé à terre, c'était la première fois qu'il avait quitté le " Hope " , car il s'était juré de ne pas mettre pied à terre tant qu'il n'aurait pas ramené Sa Majesté en Angleterre, revint à bord avec grand plaisir.
            Je soupai avec le commandant dans sa cabine en compagnie du jeune capitaine Cuttance. Ensuite, un messager vint de la part du roi avec une lettre, il se rendait en France. C'est ainsi que nous soupâmes de nouveau avec lui, à minuit.
            Ce soir le commandant m'a dit que milord m'avait accordé 30 livres sur les mille ducats que le roi avait donnés au navire, ce qui me réjouit le coeur.
            Au lit.

                                           
                                                  
                                                                                                                        27 mai
                                                                                                        Jour du Seigneur


            Je fus appelé par John Goods pour voir la jarretière et le blason qui se trouvent dans la chambre du conseil et qu'avait apporté sir Edward Walker, héraut d'armes, ce matin pour milord qui a rassemblé tous les commandants à bord de son navire pour qu'ils assistent à la cérémonie qui se déroulera comme suit :
            Sir Edward après avoir revêtu son manteau et déposé l'ordre de Saint-Georges et l'ordre de la Jarretière ainsi que la lettre du roi adressée à milord sur un coussin cramoisi, cependant que tous les commandants se tenaient debout dans la chambre du conseil, lui fait trois révérences tout en tenant le coussin dans ses bras. Ensuite, après avoir posé le coussin avec ses ornements sur un fauteuil, il prend la lettre et la remet à milord. Milord en rompt le sceau et la lui donne à lire. Elle était adressée à notre fidèle et bien-aimé Sir Edward Montagu, Chevalier, l'un de nos amiraux et notre Compagnon choisi pour appartenir à notre noble ordre de la Jarretière. Le contenu de la lettre a pour but de montrer que les rois d'Angleterre ont, pendant de nombreuses années, fait usage de cette distinction comme d'une marque spéciale de faveur envers les personnes de bonne lignée ayant fait preuve de vertu, et que de nombreux empereurs, rois et princes d'autres pays ont reçu cette distinction. Tandis que milord est d'une noble famille et a si bien servi le roi en mer, comme il vient de le faire, qu'il lui envoie cette croix de Saint-Georges et cette jarretière pour qu'il les porte en tant que chevalier de cet ordre, en le dispensant pour l'autre cérémonie de l'habit de l'ordre et d'autres choses jusqu'à ce qu'il puisse se les procurer.
            En conséquence, le héraut lui passa le ruban autour du cou et la jarretière autour de la jambe gauche, le salua avec joie en tant que chevalier de la jarretière, et ce fut tout.
            Cela fait, et après que le commandant et moi-même eûmes déjeuné avec sir Edward, tandis que milord rédigeait une lettre, il prit congé, regagna la terre et rejoignit le roi à Cantorbéry où, hier, il conféra la même distinction au général Monck. Ce sont les deux seules personnes depuis de nombreuses années à avoir reçu l'ordre de la jarretière avant d'avoir reçu d'autres distinctions comme, entre autres, le titre de comte, à l'exception du duc de Buckingham, qui n'était que sir Georges Villiers lorsqu'il fut fait chevalier de la Jarretière.
            Quelque temps après, Mr Thomas Crew et Mr John Pickering ( celui-ci était resté suffisamment longtemps pour que tout le monde se rendit compte qu'il était un benêt ) partirent en bateau pour Londres.
            De sorte qu'il ne reste plus désormais aucun inconnu avec milord, si ce n'est Mr Hetley qui était venu à notre bord la veille du jour où le roi nous a quittés.
            Milord et toutes les personnes à bord sur le pont inférieur, pour le sermon. Je restai là-haut pour écrire et examiner mon nouveau recueil de chansons que j'ai reçu hier soir de Londres en remplacement de celui que j'ai donné à milord. Comme tous les officiers se trouvaient à bord il n'y eut pas de place pour moi à table, je dînai donc dans ma cabine où, entre autres mets, Mr Dunn m'apporta un homard et une bouteille d'huile au lieu d'une bouteille de vinaigre, ce qui gâcha mon dîner.
            De nombreux ordres relatifs au positionnement des navires cet après-midi. Tard au sermon. Après quoi dans la cabine du lieutenant où Mr Shipley, moi-même et le curé soupâmes. Ensuite je descendis dans la cabine de William Howe où je chantai avec beaucoup de plaisir jusque très tard. Après cela, au lit.
                       


                                                                                                         28 mai
                                               
            Je fus réveillé à 2 heures du matin pour recevoir le courrier adressé à milord par le duc d'York, mais je me recouchai jusqu'à 5 heures. Me fis raser de bonne heure. Ce matin le commandant fit appeler tous les hommes du navire, sauf les mousses, et remit à chacun d'eux un ducat sur l'argent que le roi avait donné pour le navire. Il donna aux officiers selon leur rang.
            Pour ma part je reçus 60 ducats dans la cabine du commandant. Le reste de la matinée, occupé à écrire des lettres. De même que milord qui refusa de venir dîner.
            Après dîner, occupé à écrire de nouveau afin de pouvoir envoyer les lettres à Londres, mais milord n'arriva pas à finir son courrier et nous ne fîmes rien partir pour Londres aujourd'hui.
            Une grande partie de l'après-midi à jouer aux quilles avec Milord et Mr Hetley. Je perdis environ 4 shillings.
            Je soupai avec Milord. Ensuite de quoi, au lit.
            Cette nuit j'eus un rêve étrange, comme si je pissais au lit, ce que je fis vraiment. Après avoir repoussé les draps du pied j'eus froid et je me retrouvai au matin tout souillé et mouillé. J'eus grand peine à uriner, ce qui me consterna.

                                                          
                                                                                                             29 mai
                                                                                           Anniversaire du roi

            Occupé tout le matin à écrire des lettres pour Londres, entre autres pour Mr Chetwind pour qu'il me rende compte des honoraires dûs au héraut pour l'ordre de la Jarretière, dont milord désire savoir le montant
Après dîner, préparai tout et envoyai Mr Cooke à Londres avec une lettre et un présent pour ma femme, puis j'allai à terre avec milord, à son invitation car, me dit-il, j'avais eu beaucoup de travail ce mois-ci, ce qui était très vrai.
            A terre nous louâmes des chevaux, Milord, Mr Edward, Mr Hetley et moi ainsi que trois ou quatre domestiques, et nous eûmes grand plaisir à nous promener à cheval. Entre autres choses, milord me montra une demeure qui coûta beaucoup d'argent et qui fut construite dans un endroit si incommode et si désolé que milord l'appelle la demeure du fou.
    *        Enfin, nous atteignîmes une très haute falaise en bordure de mer. Comme nous chevauchions au pied de cette falaise nous fîmes des paris : moi-même et D. Mathews comme quoi elle n'était pas aussi haute que la cathédrale Saint-Paul. Milord et Mr Hetley qu'elle l'était. Comme nous nous trouvions en-dessous milord la mesura approximativement avec deux bâtons et découvrit qu'elle ne dépassait pas 105 pieds de haut alors que Saint-Paul est censée avoir quelques 270 pieds de haut.. De là nous regagnâmes notre canot. En chemin, nous vîmes les gens de Deal en train de préparer un feu de joie pour célébrer cette journée car c'était l'anniversaire du roi. Ils possédaient quelques canons qu'ils tirèrent en l'honneur de milord. Pour cela je leur donnai 20 shillings en partage pour qu'ils aillent boire.
            Alors que nous étions au sommet de la falaise, nous vîmes et entendîmes les canons de la flotte qui tiraient pour célébrer cette même fête, et comme il faisait très beau nous pûmes voir la France à plus de 20 milles.
            De retour à bord milord demanda à Mr Shipley de lui apporter son livre sur Saint-Paul qui nous permit de vérifier nos paris. Après cela, souper, musique n puis au lit.
            La douleur que j'avais ressentie la nuit dernière quand j'eus froid n'est pas encore partie et se fait sentir lorsque je pisse.
            Aujourd'hui le roi a dû entrer dans la cité de Londres.
                                                                                      


                                                                                                               30 mai


            Vers 8 heures du matin le lieutenant vint me voir pour savoir si je voulais manger un plat de maquereaux, frais pêchés de ce matin, pour mon déjeuner, j'acceptai et déjeunai en sa compagnie et celle du commandant dans la chambre du conseil.
            Toute la journée d'hier et celle d'aujourd'hui j'ai beaucoup souffert en traînant et j'ai eu mal au dos, ce qui m'a fait très peur. Mais il s'avère que j'avais seulement pris froid la nuit dernière.
            Toute la matinée j'ai fait mes comptes. J'ai calculé que maintenant je possède environ 80 livres, ce qui me réjouit, et j'en remerciai Dieu.
             De nombreux habitants de Douvres vinrent dîner avec milord, il joua aux quilles tout l'après-midi. Dans l'après-midi Mr Shipley m'apprit que milord m'avait réservé 70 gilders sur l'argent que le roi avait donné pour les domestiques de milord, ce dont je me réjouis du fond du coeur.
            Milord soupa seul dans sa chambre. Sir Robert Stayner soupa avec nous. Entre autres choses il nous apprit que certains de ses hommes se sont plaints de n'avoir pas reçu une plus grande part de l'argent du Duc, et en conséquence ont refusé tout argent. Sur quoi il appela ceux qui avaient accepté et leur donna à chacun trois parts de plus. Cela ne fut que justice et fit la joie des marins. Au lit.



                                                                                                                  31 mai 1660

            Aujourd'hui milord prit sa purge et ne sortit pas de sa cabine.
            Tout le matin à écrire des ordres. Après dîner, un long moment dans la grande cabine à essayer avec William Howe quelques-unes des chansons de Lawes, en particulier celle qui s'intitule " Ce qu'est un baiser ", à laquelle nous avons pris beaucoup de plaisir.
            Après cela de nouveau à rédiger des ordres. Le commandant de l'Assistance, le capitaine Sparling, m'apporta cet après-midi une paire de bas de soie, d'un bleu clair, qui m'ont fait très plaisir.
            Souper avec le commandant. Ensuite promenade très agréable avec lui sur le pont, car la soirée était belle.
            La douleur que j'avais hier s'en est allée, Dieu soit béni !
            Aujourd'hui le mois s'achève et je suis en excellente santé. Et tout le monde est de joyeuse humeur à cause du retour du roi. Chaque minute j'attends d'avoir par Mr Cooke des nouvelles de ma pauvre femme.
            Ce jour j'ai commencé à enseigner Mr Edward. Il s'avère qu'il a reçu de Mr Fuller de très bonnes bases en latin.
            Je me trouve bien aise en toutes choses, tant de corps et d'esprit, mise à part l'absence de ma femme.


                                                                             à suivre ... juin... ce matin...
                                                                                                                                                                                                                                                                                                             
                                                                                             

                                                                                                  

                                    

dimanche 15 septembre 2013

Anecdotes et réflexions d'hier pour aujourd'hui Victor Hugo ( Choses vues France )

                                                                                                                                      
Charles François Victor Hugo                                                                        
                                                Choses Vues
                                                                                                                                                                                                          
                                                                                                      7 mars 1830
                                                                                                                  minuit
            On joue Hernani au Théâtre Français depuis le 28 février. Cela fait chaque fois cinq mille francs de recette. Le public siffle tous les soirs tous les vers ; c'est un rare vacarme, le parterre hue, les loges éclatent de rire. Les comédiens sont décontenancés et hostiles ; la plupart se moquent de ce qu'ils ont à dire. La presse a été à peu prés unanime et continue tous les matins de railler la pièce et l'auteur. Si j'entre dans un cabinet de lecture, je ne puis prendre un journal sans y lire : " Absurde comme Hernani ; niais, faux, ampoulé, prétentieux, extravagant et amphigourique comme Hernani. " Si je vais au théâtre pendant la représentation, je vois à chaque instant, dans les corridors où je me hasarde, des spectateurs sortis de leur loge et en jeter la porte avec indignation.
            Mlle Mars joue son rôle honnêtement et fidèlement, mais en rit, même devant moi. Michelot jour le sien en charge et en rit, derrière moi. Il n'est pas un machiniste, pas un figurant, pas un allumeur de quinquets qui ne me montre un doigt.
                                                                                                                                         
            Aujourd'hui j'ai dîné chez Joanny qui m'en avait prié. Joanny joue Ruy-Gomez, il demeure rue du Jardinet, n*1, avec un jeune séminariste son neveu. Le dîner a été grave et cordial. Il y avait des journalistes, entre autres M Merle, le mari de Mme Dorval. Après le dîner Joanny, qui a des cheveux blancs les plus beaux du monde, s'est levé, a empli son verre et s'est tourné vers moi. J'étais à sa droite. Voici littéralement ce qu'il m'a dit  ( je rentre et j'écris ses paroles ) :
            " - Monsieur Victor Hugo, le vieillard maintenant ignoré qui remplissait il y a deux cents ans le rôle de Don Diègue dans Le Cid, n'était pas plus pénétré de respect et d'admiration devant le grand Corneille que le vieillard qui joue Don Ruy Gomez ne l'est aujourd'hui devant vous. "
                                                                                           
            A quoi bon avoir sifflé. Hernani  ? Empêche-t-on un arbre de verdir en en écrasant le bourgeon ?                         
                                                                                                                               
                                                                                                                                                                                                                                     
                                                                                                           Août 1830
                                                                                                                                             
            Après juillet 1830, il nous faut la chose " république ", et le mot " monarchie ".

            A ne considérer les choses que sous le point de vue de l'expédient politique, la révolution de juillet nous a fait passer brusquement du constitutionalisme au républicanisme. La machine anglaise est désormais hors de service en France. Les Whigs siégeraient à l'extrême droite de notre Chambre. L'opposition a changé de terrain comme le reste. Avant le 30 juillet elle était en Angleterre : aujourd'hui, elle est en Amérique.

            Tout ce que nous voyons maintenant, c'est une aurore. Rien n'y manque, pas même le coq.

            La fatalité, que les anciens disaient aveugle, y voit clair et raisonne. Les événements se suivent, s'enchaînent et se déduisent dans l'histoire avec une logique qui effraie. En se plaçant un peu à distance on peut saisir toutes leurs démonstrations dans leurs rigoureuses et colossales proportions ; et la raison humaine brise sa courte mesure devant ces grands syllogismes du destin.

            Donneurs de places ! preneurs de places ! demandeurs de places ! gardeurs de places ! C'est pitié de voir tous ces gens qui mettent une cocarde tricolore à leur marmite.


                                                                                                         15 septembre
                                                                                                                                
            On a tort de croire que l'équilibre européen ne sera pas dérangé par notre révolution. Il le sera. Ce qui nous rend forts, c'est que nous pouvons lâcher son peuple sur tout roi qui nous lâchera son armée. Une révolution combattra partout où nous le voudrons.
            L'Angleterre seule est redoutable pour mille raisons que j'expliquerai ailleurs.
            Le ministère anglais nous fait bonne mine parce que nous avons inspiré au peuple anglais un enthousiasme qui pousse le gouvernement. Cependant Wellington sait par où nous prendre ; il nous entamera, l'heure venue, par Alger ou par la Belgique. Or nous devions chercher à nous lier de plus en plus étroitement avec la population anglaise pour tenir en respect son ministère, et pour cela envoyer en Angleterre un ambassadeur populaire, Benjamin Constant ou La Fayette, dont on eut dételé la voiture de Douvres à Londres, avec douze cent mille anglais en cortège. De cette façon notre ambassadeur eut été le premier personnage d'Angleterre, et qu'on juge le beau contrecoup qu'eut produit à Londres, à Manchester, à Birmingham, une déclaration de guerre à la France ! Wellington eut été paralysé devant La Fayette. Qu'avons-nous fait ? Nous avons envoyé Talleyrand. Le vice et l'impopularité en personne, avec cocarde tricolore. Comme si la cocarde couvrait le front. Pas un Anglais ne bougera.. L'enthousiasme britannique est tué. Faute énorme. Et cela parce que M. Thiers a craché deux ans sur les chenets de M. de Talleyrand.
                                                     Coterie et loterie !                                                                         
                                                     Pauco meo Gallo.
            A toutes les cicatrices que nos divers régimes ont laissées à la France, on trouve sur Talleyrand une tache correspondante.

            Chose étrange que la figure des gens qui passent dans les rues le lendemain d'une révolution ! A tout moment vous êtes coudoyé par le vice et l'impopularité en personne avec cocarde tricolore. Beaucoup s'imaginent que la cocarde couvre le front.

            Nous assistons en ce moment à une averse de places qui a des effets singuliers. Cela débarbouille les uns . Cela crotte les autres.

            On est tout stupéfait des existences qui surgissent toutes faites dans la nuit qui suit une révolution. Il y a du champignon dans l'homme politique.

            Charles X croit que la révolution qui l'a renversé est une conspiration creusée, minée, chauffée de longue main. Erreur ! C'est tout simplement une ruade du peuple.

            Mon ancienne conviction royaliste et catholique de 1820 s'est écroulée pièce à pièce depuis dix ans devant l'âge et l'expérience. Il en reste pourtant encore quelque chose dans mon esprit, mais ce n'est qu'une religieuse et poétique ruine. Je me détourne quelquefois pour la considérer avec respect, mais je n'y viens plus prier.

            L'ordre sous la tyrannie c'est, dit Alfiéri quelque part, " une vie sans âme ".

            Nous sommes dans le moment des peurs paniques. Un club, par exemple, effraie et c'est tout simple, c'est un mot que la masse traduit par un chiffre : 93. Et, pour les basses classes, 93 c'est la disette, pour les classes moyennes c'est le maximum, pour les hautes classes c'est la guillotine.
            Mais nous sommes en 1830.

            Ma vie a été pleine d'épines. " - Est-ce pour cela que votre conscience est si déchirée ? "



                                                                                                            Victor Hugo                                  
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      

mardi 3 septembre 2013

La Muse Vénale Baudelaire - La Muse Malade Baudelaire - Le Guignon Baudelaire( poèmes )


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                                                 La Muse Vénale

                    O muse de mon coeur, amante des palais,
                    Auras-tu, quand Janvier lâchera ses Borées,
                    Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées,
                    Un tison pour chauffer tes deux pieds violets ?

                    Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées
                    Aux nocturnes rayons qui percent les volets ?
                    Sentant ta bourse à sec autant que ton palais,
                    Récolteras-tu l'or des voûtes azurées ?

                    Il te faut, pour gagner ton pain de chaque soir,
                    Comme un enfant de choeur, jouer de l'encensoir,
                    Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère,

                    Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas
                    Et ton rire trempé de pleurs qu'on ne voit pas,
                    Pour faire épanouir la rate du vulgaire.


                                                                                                Baudelaire

                                                                     
                                                           *********
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                                               La Muse Malade

                    Ma pauvre Muse, hélas ! qu'as-tu donc ce matin ?
                    Tes yeux creux sont peuplés de visions nocturnes,
                    Et je vois tour à tour réfléchis sur ton teint
                    La folie et l'horreur froides et taciturnes.

                    Le succube verdâtre et le rose lutin
                    T'ont-ils versé la peur et l'amour de leurs urnes ?
                    Le cauchemar, d'un poing despotique et mutin,
                    T'a-t-il noyé au fond d'un fabuleux Minturnes ?

                    Je voudrais qu'exhalant l'odeur de la santé
                    Ton sein de pensers forts fut toujours fréquenté,
                    Et que ton sang chrétien coulât à flots rythmiques,

                    Comme les sons nombreux des syllabes antiques,
                    Oû règnent tour à tour le père des chansons,
                    Phoebus, et le grand Pan, le seigneur des moissons.


                                                                                                    Baudelaire


                                                             *********
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                                                      Le Guignon

                    Pour soulever un poids si lourd,
                    Sisyphe, il faudrait ton courage !
                    Bien qu'on ait du coeur à l'ouvrage,
                    L'Art est long et le Temps est court.

                    Loin des sépultures célèbres,
                    Vers un cimetière isolé,
                    Mon coeur, comme un tambour voilé,
                    Va battant des marches funèbres.

                    - Maint joyau dort enseveli
                    Dans les ténèbres et l'oubli,
                    Bien loin des pioches et des sondes ;

                    Mainte fleur épanche à regret
                    Son parfum doux comme un secret
                    Dans les solitudes profondes.


                                                                                              Charles Baudelaire                                                                                                

                                                                                                                         

mardi 27 août 2013

John Ruskin Marcel Proust ( extrait Pastiches et Mélanges anecdotes et réflexions d'hier pour aujourd'hui )

voir site Visit Cumbria                                                                                                                                                                                                                                                                                 

                                              John Ruskin
                                                                                                                     
            Comme les Muses quittant Apollon leur père pour aller éclairer le monde, une à une les idées de Ruskin avaient quitté la tête divine qui les avaient portées et, incarnées en livres vivants,étaient allées enseigner les peuples. Ruskin s'était retiré dans la solitude où vont souvent finir les existences prophétiques jusqu'à ce qu'il plaise à Dieu de rappeler à lui le cénobite, le brahmane ou l'ascète dont la tâche surhumaine est finie. Et l'on ne put que deviner, à travers le voile tendu par des mains pieuses, le mystère qui s'accomplissait, la lente destruction d'un cerveau périssable qui avait abrité une postérité immortelle.
            Aujourd'hui la mort a fait entrer l'humanité en possession de l'héritage immense que Ruskin lui avait légué. Car l'homme de génie ne peut donner naissance à des oeuvres qui ne mourront pas qu'en les créant à l'image non de l'être mortel qu'il est, mais de l'exemplaire d'humanité qu'il porte en lui. Ses pensées lui sont, en quelque sorte, prêtées pendant sa vie, dont elles sont les compagnes. A sa mort, elles font retour à l'humanité et l'enseignent........                                                                                                    
            .........On a dit qu'il était réaliste. Et, en effet, il a souvent répété que l'artiste devait s'attacher à la pure imitation de la nature, " sans rien rejeter, sans rien mépriser, sans rien choisir. "
            On a dit qu'il était intellectualiste parce qu'il a écrit que le meilleur tableau était celui qui renfermait les pensées les plus hautes.........                                                                                           
            ......... On a dit qu'il supprimait la part de l'imagination dans l'art en y faisant à la science une part trop grande. Ne disait-il pas que '" chaque classe de rochers, chaque variété de sol, chaque espèce de nuage doit être étudiée et rendue avec une exactitude géologique et météorologique ?.........
            ......... On a dit qu'il détruisait la science en y faisant une place trop grande à l'imagination.
            ......... On a dit que c'était un pur esthéticien et sa seule religion était celle de la Beauté, parce qu'en effet il l'aima toute sa vie.
            Mais, par contre, on a dit que ce n'était même pas un artiste, parce qu'il faisait intervenir dans son appréciation de la beauté des considérations peut-être supérieures, mais en tout cas étrangères à l'esthétique.
            Et comme on a dit de Ruskin tant de choses contraires, on en a conclu qu'il était contradictoire.
            


                                                                                                          Marcel Proust

                                                                          ( La gazette des Beaux-Arts - 1er avril 1900 )                 

jeudi 22 août 2013

Dictionnaire des idées reçues Flaubert ( extraits 3 Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui France )

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                                       Dictionnaire des idées reçues
                                                                                                                                                                                    A -                                                                              
                         Abricots - Nous n'en aurons pas encore cette année

                         Agriculture - Une des mamelles de l'Etat ( l'Etat est du genre masculin, mais ça ne fait rien ).
                                              On devrait l'encourager. Manque de bras.

                         Ail - Tue les vers intestinaux et dispose aux combats de l'amour. On en frotta les lèvres
                                 d'Henri IV au moment où il vint au monde.

                      B -
                                  Bouchers - Sont terribles en temps de révolution.

                                  Boudin - Signe de gaieté dans les maisons. Indispensable la nuit de Noël.

                                  Bouilli ( le ) - C'est sain. Inséparable du mot soupe : la soupe et le bouilli.


                       C -
                                 Café - Donne de l'esprit. N'est bon qu'en venant du Havre. Dans un grand dîner, doit
                                            se prendre debout. L'avaler sans sucre, très chic, donne l'air d'avoir vécu en
                                            Orient.

                                 Canards - Viennent tous de Rouen.

                                 Champignons - Ne doivent être achetés qu'au marché.

                                 Châtaigne - Femelle du marron.

                                 Chateaubriand - Connu par le beefsteak qui porte son nom.

                 
                    D -
                                Dépuratif - Se prend en cachette.

                                Dessert - Regretter qu'on n'y chante plus. Les gens vertueux le méprisent ; " Non,
                                               non ! Pas de pâtisseries ! Jamais de desserts ! "

                                Dîner - Autrefois on dînait à midi, maintenant on dîne à des heures impossibles. Le
                                            dîner de nos pères était notre déjeuner, et notre déjeuner était leur dîner. Dîner
                                            si tard  que ça ne s'appelle pas dîner, mais souper.
voir " légumesetchocolat.net "

                    E -
                               Épinards - Sont le balai de l'estomac. Ne jamais rater la phrase célèbre de
                                                Prudhomme : " Je ne les aime pas, j'en suis bien aise, car si je les aimais,
                                                j'en mangerais, et je ne puis pas les souffrir. " ( Il y en a qui trouveront cela
                                                parfaitement logique et qui ne riront pas. )


                    F -
                              Faisan - Très chic dans un dîner.

                              Fricassée - Ne se fait bien qu'à la campagne.

                              Fromage - Citer l'aphorisme de Brillat-Savarin : " Un dessert sans fromage est une belle
                                               à qui il manque un oeil. "


                    G -
                              Gibier - N'est bon que faisandé.


                    H -
                              Hachisch - Ne pas confondre avec le hachis, qui ne provoque aucune extase
                                               voluptueuse.
                                                                                                                               
                              Harengs- Fortune de la Hollande.
                                                         
     Huile d'olive - N'est jamais bonne. Il faut avoir un ami à Marseille qui vous en fait venir
                           un petit tonneau.

                              Huîtres - On n'en mange plus ! Elles sont trop chères !

                                 
                      J -
                              Jambon - Toujours de Mayence. S'en méfier, à cause des trichines.

                              Jujube - On ne sait pas avec quoi c'est fait.


                      L -
                              Langouste - Femelle du homard.


                     M -
                              Macaroni - Doit se servir avec les doigts quand il est à l'italienne.

                              Melon - Joli sujet de conversation à table. Est-ce un légume ? Est-ce un fruit ? Les
                                            Anglais le mangent au dessert, ce qui étonne.

                              Moules - Toujours indigestes.

                              Moutarde - Il n'y a de bonne moutarde qu'à Dijon. Ruine l'estomac.
arcimboldo

                    N -
                              Nourriture - Toujours saine et abondante dans les collèges.


                    P -
                              Pain - On ne sait pas toutes les saletés qu'il y a dans le pain.

                              Pigeon - Ne doit se manger qu'avec des petits pois.

                              Pruneaux - Tiennent le ventre libre.


                    R -
                             Restaurant - On doit toujours y demander les mets qu'on ne mange pas habituellement
                                                 chez soi. Quand on est embarrassé, il suffit de choisir les plats que l'on
                                                 sert aux voisins.



                                                                                                        Gustave Flaubert

jeudi 15 août 2013

Dictionnaire des Idées reçues Gustave Flaubert ( extrait 2 Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui )

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academie-francaise.fr



                                              Dictionnaire des Idées Reçues

A -
      Académie Française - La dénigrer, mais tâcher d'en faire partie si on peut.

      Agent - Terme lubrique.

      Auteur - On doit connaître des auteurs. Inutile de savoir leurs noms.

B -

      Bible- Le plus ancien livre du monde.

      Bibliothèque - Toujours en avoir une chez soi. Principalement quand on habite la campagne.
 
      Buffon - Mettait des manchettes pour écrire.                                         
                                            
C-
      Chateaubriand - Connu surtout pour le beefsteack qui porte son nom.
      Classiques ( les ) - On est censé les connaître.

D -

      Démosthène - Ne prononçait pas un discours sans avoir un galet dans la bouche.

      Descartes - Cogito, ergo sum.

      Dictionnaire - En dire : " N'est fait que pour les ignorants. " -
      Dictionnaire des rimes - S'en servir ? Honteux !
                                                                                                                                            
      Diderot - Toujours suivi de d'Alembert.

E -

      Écrire- Currente calamo ( au courant de la plume ), c'est l'excuse pour les fautes de style ou   
                 d'orthographe.  
                                                                                                                                           
      Encyclopédie - En rire de pitié comme étant un ouvrage rococo, et même tonner contre.

G-

      Grammaire - L'apprendre aux enfants dès le plus bas âge, comme étant une chose claire et facile.

      Grammairiens - Tous pédants.

H -

      Hiéroglyphes - Ancienne langue des Égyptiens inventée par les prêtres pour cacher leurs secrets
                             criminels. Et dire qu'il y a des gens qui les comprennent ! Après tout, c'est peut-être
                             une blague ?

      Homère - N'a jamais existé. Célèbre pour sa façon de rire.

      Hugo, Victor - A eu bien tort, vraiment, de s'occuper de politique.

I -
                                                                                                                        
      Iliade - Toujours suivie d' l'Odyssée.
                         
      Inspiration poétique - Choses qui la provoquent : la vue de la mer, l'amour, la femme, etc...
                                                                                                                                                                                          
      Institut ( l' ) - Les membres de l'Institut sont tous des vieillards et portent des abat-jour en taffetas vert.

L-

      La Fontaine - Soutenir qu'on n'a jamais lu ses contes. L'appeler le " Bonhomme ", l'immortel fabuliste.

      Latin - Langue naturelle à l'homme. Gâte l'écriture. Est seulement utile pour lire les inscriptions des
                 fontaines publiques. Se méfier des citations en latin, elles cachent toujours quelque chose de
                 leste.

      Littérature - Occupation des oisifs.

      Littré- Ricaner quand on entend son nom : " Ce monsieur qui dit que nous descendons des singes. "

M -

      Mackintosh - Philosophe écossais. L'inventeur du caoutchouc.

O -

      Orthographe - Y croire comme aux mathématiques. N'est pas nécessaire quand on a du style.

P -

      Philosophie - Toujours en ricaner.

R -

      Racine - Polisson !

      Ronsard - Ridicule avec ses mots grecs et latins.

      Rousseau - Croire que J.J. Rousseau et J.B. Rousseau sont les deux frères, comme l'étaient les deux
                        Corneille.

S -

      Sainte-Beuve - Le Vendredi Saint, dînait exclusivement de charcuterie.

      Sénèque - Écrivait sur un pupitre d'or.

U -

      Université - Alma mater ( mère nourricière ).

V -

      Voltaire - Célèbre par son rictus épouvantable. Science superficielle.



                                                                                               Gustave Flaubert