dimanche 24 mai 2015

La gaieté Justine Lévy ( récit France )

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                                   La Gaieté

            La tristesse, oubliée la tristesse. Abolir ce lourd sentiment qui s'enroule autour d'elle, détruit les lueurs du jour. Etre " gaiegaiegaie ". Justine Lévy retrouve Louise, qui n'est autre qu'elle-même, quittée dans        
" Mauvaise fille " alors que sa mère meurt d'un cancer à l'hôpital et qu'elle accouche de son premier enfant, Angèle. Elle ne veut pas offrir à son enfant la tristesse que lui inspirait sa mère, déchue de son titre, de son rôle. La vie quotidienne la confronte sans cesse à des souvenirs douloureux, partagée entre l'éducation de ses deux enfants, le second un garçon, Paul, sa vie d'épouse de Pablo, son travail d'éditrice. Le moment du petit déjeuner peut être porteur de crise de réminiscences, une invitation à un goûter d'anniversaire le rappel des mots cuisants, durs, si mal supportés par la petite fille élevée dorénavant par son père souvent absent, auprès de belle-mère souvent changées, jalouses du souvenir de la maman de Louise belle, ancien mannequin, avant d'être arrêtée pour de sombres histoires. "... La belle-mère bientôt déchue continuait de soliloquer, ta mère ta mère ta mère, et moi je ne regardais plus que ses incisives petites, pointues... " Malgré ses efforts, son père rassurant toujours libre pour l'écouter aussi éloigné soit-il, " ... le chagrin ne disparaît pas quand il s'en va, il passe d'une personne à l'autre, comme un rhume..... cette peine qu'elle m'a refilée, c'est pour ça que moi j'ai décidé d'arrêter la contagion... " Louise combat ses tourments. " Bien sûr que j'adorerais partir en promenade avec un enfant dans chaque main, le nez au vent.... ne pas toujours prévoir les catastrophes. Il y a une photo idiote qui me fascine, on y voit Brad Pitt avec deux de ses enfants, un air cool et un biberon qui dépasse de la poche de son jean... " Cette mère morte neuf ans plus tôt est omniprésente,
" .... maman.... elle me manque toujours et ça me tord le ventre.... ce n'est pas un doudou, ce qui me rapproche d'elle c'est le manque.... " Après la tristesse reconstruire avec la gaieté de la tendresse qu'elle porte à ses enfants. De son premier livre on a dit " ne le secouez pas trop, il est plein de larmes ". De celui-ci dire qu'il est plein de coups qui traversent les pages, empêchent l'auteur de fermer la porte aux souvenirs douloureux. 

vendredi 22 mai 2015

Que ta volonté soit faite Maxime Chattam ( roman France

Que ta volonté soit faite

                                       Que ta volonté soit faite  

            " Qui je suis n'a que peu d'importance, ce qui compte c'est ce que je sais et comment je vais vous le raconter. " Et l'histoire qui nous est contée est rude, l'histoire d'un homme qui aime faire mal. Une folie, mais il n'est pas fou. Lucide, il tue les animaux, viole les filles, mais leur donne un coquelicot en les quittant. L'écriture est simple, hors quelques mots qui demandent une recherche, le sujet nous porte, tourner la page.
Carson Mills petite ville proche de Wichita, n'a pas grandi, restée repliée, avec la grand'rue, un cinéma, les maisons cossues du sud de la ville, les plus pauvres au nord, et alentour les forêts où gambadent lapins et autres animaux qui trouveront là le cimetière que leur creuse Jon Petersen., enfant élevé par son grand-père, entouré de ses tantes. Sa sexualité ne trouve d'issue que dans la violence. Son déséquilibre dans la course folle qu'il mène contre tout ce qui vit. Équarrisseur un temps il frappe les carcasses. Mais le mal creuse en lui son trou, il devient l'effroi des habitants de la petite ville. Petite ville mais où cohabitent deux églises, les luthériens et les méthodistes, et il y a le shérif Jarvis marié à Rosie. Les viols sont-ils tous le fait de Jon, le doute effleure parfois. Riley, fils de ce père pervers, a dix, onze, douze ans, fuit l'école, sa mère "... est une enseigne déglinguée par le temps... ". Y aura-t-il une issue ? "... Nos vies.... une accumulation de petits interrupteurs... l'un ouvert, le suivant fermé... ce sont simplement les aléas du quotidien, des rencontres des actes manqués... des réussites, des échecs....Certains appellent cela le " destin " d'autres le " choix de Dieu ".
La fin curieuse est-elle à la hauteur du roman, surprenant ou comme l'auteur l'a voulu, n'oubliez pas ce petit coin du Minnesota, ces champs de maïs et ses habitants qui découvriront bientôt les recherches sur ordinateur.                                                                  

jeudi 21 mai 2015

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 43 Samuel Pepys ( journal Angleterre )


eglise saint bartholomew wikipedia

                                                                                                        16 mars 1661

            De bonne heure chez William Penn là, en présence de Mr Turner, nous nous mîmes d'accord pour l'affaire des fournitures. Ensuite à Whitehall chez milord, nous dînâmes puis à Whitefriars où je vis Le Vicaire espagnol qui ne me plût guère.
            Retour chez moi très contrarié que Will soit toujours dehors à cette heure tardive. Au lit, furieux, décidé à lui fermer ma porte. Mais voici qu'il arrive et je la lui ouvre. Il me dit que s'il était resté si tard à l'hôtel de ville c'était pour aider à payer la solde des matelots débarqués et à tenir les registres, ce qui m'a été confirmé depuis. Après quoi je m'endors, j'étais déjà au lit lorsqu'il est arrivé.


                                                                                                           17 mars

            Ce matin à l'église un inconnu fit un bon sermon, honnête et sérieux. Ma femme et moi dînâmes d'une échine de boeuf chez sir William Batten. Derechef à l'église, puis retour à la maison où je rangeai quelques papiers, puis à nouveau chez sir William Batten pour le souper, ma femme s'y fit affreusement mal aux genoux en tombant. Retour à la maison et au lit.


                                                                                                              18 mars

            Tôt ce matin sir William Batten est parti pour Rochester où il espère être choisi comme député.
            Au bureau toute la matinée, puis dîner à la maison, ensuite avec ma femme à Westminster où j'ai affaire avec les commissaires pour la solde des marins et les appointements de milord. Ma femme chez Mrs Hunt.
Sir-Anthony-van-Dyck-Karel-I-van-Engeland-en-Henrietta-van-Frankrijk-i8124            Je la reconduisis à la maison en voiture et me renseignai chez Greatorex et ailleurs sur Mr Barlow, croyant qu'il était mort., mais rien de tel, au contraire. Chez moi puis visite chez milady Batten où je soupai. Retour à la maison..
            On a aujourd'hui conduit en ville un ambassadeur de Florence, en grande pompe.
            J'ai eu aujourd'hui bon espoir du départ de Mrs Davis, son mari devant bientôt partir pour l'Irlande. Hier devait avoir lieu en France, disait-on, le mariage de la princesse Henriette avec le duc d'Anjou.
            J'apprends aujourd'hui par la gazette que Roger Pepys est choisi à Cambridge pour représenter la ville, première circonscription dont nous entendions dire qu'elle ait déjà son choix.
            Au lit, la tête et l'esprit farcis d'affaires qui me perturbent quelque peu. Je m'aperçois que je suis de plus en plus et plus que jamais tourmenté du souci de me procurer de l'argent.


                                                                                                                  19 mars 1661

            Réunion au bureau ce matin pour traiter d'une affaire particulière, puis à Whitehall où je dînai avec milord, ensuite avec Mr Creed à Whitefriars où nous vîmes L'esclave excellemment joué, et bien que j'aie souvent vu cette pièce le jeu de Betterton me plaît chaque fois davantage. Après quoi avec lui et le jeune Mr Jones à la taverne de Pernell dans Fleet Street où nous restâmes longtemps à boire et à converser. Puis retour chez moi, et au lit.


                                                                                                                  20 mars

            Au bureau toute la matinée. Dîner à la maison avec Mr Creed et Mr Shipley, puis nous avons beaucoup travaillé dans mon cabinet aux comptes de milord qui doivent être fais et présentés à nos collègues. Ensuite à Whitehall voir Mr Coventry avec lequel je m'occupai de quelque affaire, puis avec sir William Penn trouvé en compagnie de Mr Coventry qu'il renseignait sur la Jamaïque à l'aide d'une carte. Retour à la maison, de nuit, par le fleuve. Allai chez milady Batten où se trouvait ma femme. Nous restâmes là manger et boire tard dans la nuit. Retour à la maison et au lit.
            Tout le monde en ville n'a qu'une chose à la bouche : le choix étrange que fit hier la Cité aux élections parlementaires. Leurs députés, à savoir Fowke, Love, Jones et sir William, loin d'être anglicans sont, croit-on, des anabaptistes. Ils furent choisis avec le plus grand enthousiasme en dépit de l'autre parti qui se croyait très puissant, aux cris, à l'hôtel de ville, de " pas d'évêques ! par de lords évêques ! " Cela fait craindre que les choses ne se gâtent, la situation présente servant d'exemple à la province en l'incitant à faire la même chose. Assurément les évêques montrent tant de morgue qu'ils sont aimés de très peu de gens.


                                                                                                                     21 mars

            Levé très tôt, au travail et à l'étude dans mon cabinet, puis chez milord à Whitehall. Je restai un long moment à discuter de ses comptes. Je restai toute la matinée avec Mr Creed, et à midi dînai avec milord qui se montra fort enjoué. Nous passâmes l'après-midi un grand moment à chanter et à jouer du violon. Ensuite retour à la maison par le fleuve, accompagné sur une partie du trajet par Mr Shipley, Pinkney et d'autres. Je travaillai dur à ranger mes papiers et à écrire des lettres jusqu'à la nuit. Puis au lit.
            J'ai vu aujourd'hui l'ambassadeur de Florence se rendre à son audience. Très mauvais temps, mais lui et sa suite étaient très richement vêtus. J'étais déjà au lit lorsque William Penn me fit prier d'aller avec lui demain à la rencontre de sir William Batten de retour de Rochester.
jan steen

                                                                                                                     22 mars

            Très tôt levé ce matin. Milady Batten frappa à la porte qui donne sur une de mes chambres et m'appela pour savoir si ma femme et moi étions prêts à partir. Ma femme se prépara et vers 8 heures je montai à cheval tandis que milady ses deux filles et sir William Penn prenaient une voiture. Passâmes le Pont de Londres puis à Dartford. Journée fort agréable malgré un mauvais chemin. Nous retrouvâmes sir William Batten et des gens qui l'accompagnaient et l'ont aidé pour son élection à Rochester. Dîner fort gai et nous reprîmes la route à 5 heures, moi en voiture et force gaieté pendant tout le trajet. A Deptford nous trouvâmes Mr Newborne venu à notre rencontre en voiture avec d'autres amis et leurs femmes. Ainsi ils restèrent avec nous et nous soupâmes chez sir William Batten. Ensuite au lit, avec un mal de tête atroce à cause du vin que j'ai bu aujourd'hui.


                                                                                                                         23 mars 1661
                                                                                                                 
            Mis de l'ordre dans mes papiers toute la matinée. Dînai chez moi, puis allai au Taureau Rouge où je n'étais jamais allé depuis la réouverture des théâtres, mais arrivé trop tôt je ressortis et me promenai de long en large dans Charterhouse Yard et Aldersgate Street. Finalement retour au théâtre, je montai sous la conduite d'un marin qui me connaissait et fait ici office de domestique, jusqu'aux loges des acteurs. Il y règne une confusion et un désordre étonnants, tandis qu'ils se préparent, surtout dans ce théâtre où les vêtements sont misérables et les acteurs des gens très ordinaires. Finis par descendre au parterre où il n'y avait, à mon avis, pas plus de dix personnes à part moi, et pas cent dans toute la salle. Pour ce qui de la pièce; Peines d'amour déchues, représentation médiocre et dans le plus grand désordre, notamment celui qui éclata dans la salle de musique, l'enfant ayant mal chanté un air fut souffleté et battu si violemment par son maître que ce fut le tumulte dans toute la salle.
            Pris de là le chemin du retour et rencontrai à la Mitre mon oncle Wright en compagnie du lieutenant-colonel Baron qui nous dit comment Crofton, le grand pasteur presbytérien qui a tenu dernièrement au prêche des propos si insolents contre les évêques, a été aujourd'hui jeté en prison à la Tour, ce qui plaît à certains et déplaît furieusement à d'autres.
            A la maison et au lit.


                                                                                                                      24 mars
                                                                                                        Jour de Seigneur
campagne anglaise Wallpaper            Ma femme et moi à l'église, puis à la maison avec sir William   Batten et milady à dîner, fort gai.  A nouveau à l'église. Mr Mills fit un bon sermon. Retour à la maison et, après notre promenade dans le jardin, les deux filles de sir William Batten vinrent nous tenir un moment compagnie. Puis montai lire dans mon cabinet.                                   *

                                                                                             
                                                                                                                     25 mars
                                                                                                          Annonciation
            Ce matin des ouvriers sont arrivés pour commencer la construction de mon escalier qui partira de mon salon, avec d'autres travaux que je dois faire, cela durera deux mois je pense, pendant lesquels je vais être dans la saleté, mais ce projet me plaît énormément. Ensuite au bureau où je reste toute la matinée. Dîner à la maison. Après le dîner Mr Salisbury vint me voir. Il me montra un ou deux portraits de sa main, et je vois bien qu'il a vraiment l'étoffe d'un grand maître.
            Je l'emmenai à Whitehall par le fleuve mais ne pus le persuader de passer le Pont et il fallut nous rabattre sur le vieux signe.
            Chez milord, je lui montrai le portrait du roi qu'il a l'intention de reproduire en petit. Après cela à Salisbury Court avec le capitaine Ferrer, par le fleuve. Nous y vîmes une partie du Masque de la reine, puis chez Mrs Turner où je restai parler tard le soir. Theophila Turner furieuse de n'avoir pu obtenir une place debout pour assister au couronnement.
            Ensuite chez mon père, je m'attardai à parler avec lui et ma mère de mon dîner de demain.
            Repris le chemin de la maison, rencontrai un gamin qui avait une lanterne et ramassait les chiffons, le persuadai de m'éclairer jusque chez moi. Eus avec lui une longue conversation. Il lui arrivait de ramasser jusqu'à trois ou quatre boisseaux de chiffons par jour et il touchait 3 pence par boisseau. Nous parlâmes de bien d'autres choses, des divers moyens qu'ont les enfants pauvres de gagner honnêtement leur vie.
            A la maison et au lit, à minuit, fort satisfait du travail que mes ouvriers ont commencé aujourd'hui.


                                                                                                                        26 mars

            Levé tôt pour travailler dans mon cabinet.
Résultat de recherche d'images pour "enfants pauvres 18è siècle"            Aujourd'hui c'est mon grand jour ; il y a trois ans j'étais opéré de la pierre, et Dieu soit loué ! je ne ressens plus de douleur. Suis resté à la maison toute la matinée pour surveiller avec beaucoup de satisfaction mes ouvriers qui travaillaient à mon escalier. A midi, en voiture, chez mon père où se trouvaient Mrs Turner, Theophila, Joyce, Mr Morrice, Mr Armiger, Mr Pearse le chirurgien et sa femme, mon père ma mère outre ma femme et moi.
            Dîner fort gai, entre autres raisons, parce que Mrs Turner et les siens ne mangent pas de viande pendant ce carême, et que j'en mange beaucoup et de la bonne, qui leur met l'eau à la bouche.
            Après dîner, Mrs Pearse et son mari, ma femme et moi à Salisbury Court où, arrivés en retard, nous rencontrâmes par hasard le colonel Boone qui s'effaça pour faire de la place, ma femme et moi nous assîmes au parterre où nous rencontrâmes Mr Lewis et Tom Whitton. Nous vîmes L'Esclave admirablement représenté. Rentrés en voiture, et après avoir inspecté le travail des ouvriers, j'allai me coucher.


                                                                                                                   27 mars

            Levé de bonne heure pour voir mes ouvriers au travail. Mon frère Tom vint me voir et nous passâmes en revue mes vieux vêtements. Je lui cédai un costume noir, un chapeau et des chaussures.
            Au bureau toute la matinée. Visite de sir George Carteret. Je lui fis promettre de me prendre de l'argent sur une lettre de change. Je m'assure ainsi 60 livres que je ne saurais comment me procurer autrement.
            A midi je trouve mon escalier complètement démonté et dois prendre une échelle pour monter à l'étage. Comme ma femme ne se sentait pas bien, elle garda la chambre toute la journée.
            Puis au Dauphin à un dîner offert par Mr Harris auquel participaient les deux sirs William, milady Batten et ses deux filles, ainsi que d'autres. Beaucoup de gaieté. Restâmes jusqu'à 11 heures du soir et, dans l'allégresse générale je chantai, jouai parfois du violon, il y avait un groupe de violonistes, et enfin nous nous mîmes à danser. Première fois de ma vie que je m'y essayais et je fus surpris de m'y mettre. Pour finir nous fîmes danser Mingo, le serviteur noir de sir William Batten et Jack celui de sir William Penn, et il était étonnant de voir le premier danser avec beaucoup d'adresse.
            De retour chez moi j'apprends que ma femme a passé toute la journée au lit.


                                                                                                                    28 mars 1661

            Levé tôt, parmi mes ouvriers. Puis Mr Creed venu me voir je l'accompagnai auprès de sir Robert Sligsby qui vient de recevoir ce titre car on l'a fait baronnet, pour parler des comptes de Mr Creed. De là chez mon cousin Thomas Pepys pour emprunter 1 000 livres pour milord. J'aurai la réponse demain. Chez milord où je restai dîner, ensuite obtins de lui qu'il examinât les comptes de Mr Shipley, que j'avais vérifiés, et qu'il me signât aussi un billet à ordre de 500 livres.
            Ensuite avec Mr Shipley au Théâtre où nous vîmes Rollo, mal joué. Bûmes ensuite un chope de bière et à Londres en voiture. Après l'avoir déposé à Cheapside je rentrai chez moi. Je trouve le travail bien avancé aujourd'hui, ainsi que 70 livres qui m'ont été versées par le trésorier par prélèvement sur la lettre de change, ce que j'attendais depuis longtemps. Je me couchai donc fort satisfait.


                                                                                                                     29 mars

            Levé, parmi mes ouvriers avec grand plaisir. Puis au bureau où je trouve sir William Penn envoyé hier à Chattam pour préparer deux navires à un départ immédiat pour les Indes Orientales, en vue d'une opération contre les Hollandais, à Goa, pensons-nous, mais c'est encore un grand secret.
           Dîner chez moi. Vinrent Mr Shipley et Moore et nous travaillâmes puis chez sir William Batten. Beaucoup d'invités à dîner, parmi eux mon camarade de collège Mr Christmas. Très joyeuse compagnie. Arrivèrent deux lettres d'en haut ordonnant d'équiper sans attendre deux bâtiments supplémentèrent pour les Indes orientales. Nous reçûmes tout de suite après des ordres pour le Hamoshire et le  Nonesuch. Puis chez moi où je rangeai quelques papiers et, ne sachant que faire, la maison étant dans un tel état de saleté, je me mis au lit.


                                                                                                                       30 mars

            Au bureau, sir William Ridder et nous, pour décider des approvisionnement à prévoir pour les bâtiments qui vont aux Indes. Ensuite avec le contrôleur de la Marine, par le fleuve, chez Mr Coventry pour les mêmes discussions.
            Chez mon cousin Thomas Pepys dont j'obtins la promesse d'un prêt de 1 000 livres à milord, garanti par milord, mon oncle Robert et moi-même. Puis chez milord où je fis signer à Robert un billet à ordre en sa faveur, j'apposai également ma signature. Milord ajouta la sienne à titre de contre-caution.
            Allai ensuite à Londres, me promenai de ci, de là, pris une pinte de vin avec Mr Creed. De retour chez moi envoyai une lettre et les billets à ordre à mon oncle pour qu'il donnât sa signature en faveur de milord.
            Je parlai aujourd'hui au Dr Castle du calcul des parts pour le dernier terme et convînmes de nous rencontrer lundi à ce sujet.


                                                                                                                 31 mars
                                                                                                             Dimanche
            A l'église où un inconnu prêcha comme un sot. Retour à la maison où je dînai avec ma femme. Elle reste à la maison refusant de s'habiller dans une maison crasseuse.
            De nouveau à l'église. Après le sermon je me rendis à nouveau chez mon père et Mrs Turner où malgré toutes mes flatteries je ne pus persuader Theophila de me jouer un morceau au clavecin. Ce qui me fâcha.
            Retour à la maison et, trouvant Will parti chez sir William Batten pour bavarder là-bas avec leurs gens, sir William et milady étant à la campagne, j'en pris prétexte pour me mettre en colère contre lui. Prière et au lit.

*    forwallpaper.com      

                                                                                                    à suivre....
                                                                                        1er avril 1661...../
            Aujourd'hui revient mon...../



                                                                                                                                                                   
            

lundi 18 mai 2015

Bateau d'émigrants Rainer Maria Rilke ( poèmes Autriche )


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                                                Bateau d'émigrants
                                         Naples

            Imagine : quelqu'un fuit, brûlant, embrasé,
            et les vainqueurs le talonnent
            et tout à coup le voilà qui
            un court instant, au dépourvu, fait volte-face
            contre des centaines - : ainsi
            le grand embrasement de fruits
            sans cesse se jetait contre la mer bleue :
                                                                                                                  aduf.org
            quand la lente barge emplie d'oranges
            les achemina jusqu'au grand
            navire gris vers lequel, au rythme des vagues,
            d'autres bateaux apportaient des poissons, du pain, -
            tandis que lui, narquois, recevait dans son sein
            du charbon, béant comme la mort.

                                                               18 août 1907 Paris                     


                                                        #################

                                                 Dialogue amoureux en Grèce

            Aimée, je suis fâché qu'aujourd'hui tu prennes
            ces leçons de l'amour que je reçus très tôt ;                                    quizz.biz
            c'était alors pour toi une chose lointaine,
            ton sort est maintenant dans toutes les étoiles.
                                                                                                               
            Nous nous battrons pour la conquête de tes seins :
            depuis qu'ils se font mûrs, comme au feu d'un soleil,
            tes mains elles aussi vers eux veulent se tendre
            quêtant à leur contact l'approche d'un plaisir.

                                                                          1907 / 1908 Paris ou Capri  


                                                         ##################

                                                             Le Balcon
                                                     Naples

            Par l'étroit, là-haut, du balcon
            ordonnés comme par un peintre                                                      quizz.biz
            et liés comme en un bouquet
            de visages vieillissants, d'ovales,
            clairs dans le soir, ils paraissent être
            plus idéaux, touchants, comme à jamais.

            Appuyées l'une contre l'autre
            ces soeurs qui, comme si de très loin
            sans espoir elles se cherchaient,
            s'inclinent, solitude contre solitude ;

            et le frère avec son solennel
            silence, fermé, plein de destin,
            mais qu'un tendre regard, un instant,
            furtivement compare à la mère ;

            et au milieu, oblong et décrépit,    
            depuis longtemps sans nulle parenté,
            le masque d'une vieille, impénétrable,            
            comme arrêté dans sa chute

            par une main, tandis que l'autre
            plus flétrie, en bas, devant les jupes,
            comme si elle continuait à glisser, retombe
            à côté du visage d'enfant,
            vision dernière, esquisse, déjà pâli,
            rayé de nouveau par les barreaux
            comme encore indéfinissable, inexistant.

                                                                              Paris 17 août 1907


                                                                              Rainer Maria Rilke
                                                                               

vendredi 15 mai 2015

Un événement à Jérusalem Edgar Allan Poe ( nouvelle EtatsUnis )


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                                                     Un événement à Jérusalem
                                                                    Histoire grotesque et sérieuse
                                                        ( Traduction Charles Baudelaire )    
                                                                            
               I,tensos rigidam in frontem ascendere cano passus erat.
                 Lucain - à propos de Caton                          
                 Un horripilant cauchemar ( trad. )

              - Hâtons-nous d'aller aux remparts, dit Abel-Phittim à Buzi-Ben-Lévi et à Siméon le Pharisien, le dixième jour du mois Thammuz, en l'an du monde trois mille neuf cent quarante et un ; hâtons-nous vers les remparts qui avoisinent la porte de Benjamin, qui est dans la cité de David, et qui dominent le camp des incirconcis. C'est la dernière heure de la quatrième veille, et voici le soleil levé ; et les idolâtres, pour remplir la promesse de Pompée, doivent nous attendre avec les agneaux des sacrifices.
            Siméon, Abel-Phittim et Buzi-Ben-Lévi étaient les Gizbarim, ou sous-collecteurs de l'offrande, dans la cité sainte de Jérusalem.
            - En vérité, répliqua le Pharisien, dépêchons-nous ; car cette générosité dans les païens est chose rare et l'infidélité a toujours été un attribut des adorateurs de Baal.
            - Qu'ils soient infidèles et trompeurs, cela est aussi vrai que le Pentateuque, dit Buzi-Ben-Lévi, mais c'est seulement envers le peuple d'Adonaï. Quand a-t-on vu que les Ammonites fussent infidèles à leurs propres intérêts ? Il me semble que ce n'est pas un trop grand trait de générosité de nous accorder des agneaux pour l'autel du Seigneur, en échange de trente sicles d'argent qu'ils reçoivent par tête d'animal !
            - Tu oublies toutefois, Ben-Lévi, répondit Abel-Phittim, que le Romain Pompée, qui maintenant assiège comme un impie la cité du Très-Haut, n'a aucune preuve que nous n'employons pas les agneaux achetés pour l'autel à la nourriture du corps plutôt qu'à celle de l'esprit.
            - Pour lors, par les cinq pointes de ma barbe ! s'écria le Pharisien, qui appartenait à la secte nommée
les " cogneurs " ( petit groupe de saints dont la façon de se cogner et de se déchirer les pieds contre le pavé était depuis longtemps une épine et un reproche pour les dévots moins zélés, une pierre d'achoppement pour les marcheurs moins illuminés ), par les cinq pointes de cette barbe que, comme prêtre, il m'est interdit de raser, n'avons-nous vécu que pour voir le jour où le parvenu idolâtre et blasphémateur de Rome nous accuserait d'approprier aux appétits de la chair les éléments les plus saints et les plus consacrés ? N'avons-nous vécu que pour voir le jour où... ?        *
            - Ne nous enquérons pas des motifs du Philistin, interrompit Abel-Phittim, car aujourd'hui nous profitons pour la première fois de son avarice ou de sa générosité ; mais dépêchons-nous plutôt d'aller aux remparts, de peur que les offrandes ne vous manquent pour l'autel dont les pluies du ciel ne peuvent éteindre le feu et dont aucune tempête ne peut abattre les colonnes de fumée.
            La partie de la ville vers laquelle se hâtaient maintenant nos braves Gizbarim, et qui portait le nom de son constructeur, le roi David, était considéré comme le district le mieux fortifié de Jérusalem, et se trouvait située sur la haute et escarpée colline de Zion. Là, une tranchée large, profonde, circulaire, taillée dans le roc même, était défendue par un mur d'une grande solidité, élevé sur son bord intérieur. Ce mur était décoré, par intervalles réguliers, de tours carrées de marbre blanc, la plus basse comptant soixante, et la plus haute cent vingt coudées de hauteur. Mais, dans le voisinage de la porte de Benjamin, le mur cessait de régner au bord du fossé ; en revanche, entre le niveau de la tranchée et la base du rempart montait perpendiculairement un rocher, haut de deux cent cinquante coudées, faisant partie de la montagne escarpée de Moriah. De sorte que, quand Siméon et ses collègues arrivèrent au sommet de la tour appelée Adoni-Bezek, la plus haute de toutes les tours qui formaient la ceinture de Jérusalem et qui était le lieu habituel des communications avec l'armée assiégeante, ils purent contempler, au-dessous d'eux, le camp de l'ennemi, d'une hauteur qui dépassait de beaucoup de pieds la pyramide de Chéops, et de quelques-uns le temple de Bélus.
            - En vérité, soupira le Pharisien, comme il regardait avec un vertige dans le précipice, les incirconcis sont comme les sables sur les rivages de la mer, comme les sauterelles dans le désert ! La vallée du Roi est devenue la vallée d'Adommin.
            - Et encore, ajouta Ben-Lévi, tu ne peux pas me montrer un Philistin, non, pas un seul, depuis Aleph jusqu'à Tau, depuis le désert jusqu'aux fortifications, qui semble plus gros que la lettre Jod !
            - Descendez le panier avec les sicles d'argent, cria alors un soldat romain, d'une voix rude et enrouée qui semblait sortir de l'empire de Pluton, descendez le panier avec cette monnaie maudite dont le nom écorche la bouche d'un noble Romain ! Est-ce ainsi que vous témoignez votre gratitude à notre maître Pompée, qui, dans son indulgence, a bien voulu tendre l'oreille à vos importunités d'idolâtres ? Le dieu Phoebus, qui est un vrai dieu, est en route depuis une heure, et ne devriez-vous pas être sur les remparts au lever du soleil . Aedépol ! pensez-vous que nous, les vainqueurs du monde, nous n'ayons rien de mieux à faire que de monter la garde à la porte de tous les chenils pour trafiquer avec les chiens de la terre ? Descendez le panier, vous dis-je, et ayez soin que votre drogue soit de la bonne couleur et de bon poids !
            - El Elohim ! s'écria le Pharisien, pendant que les rauques accents du centurion résonnaient le long des roches du précipice et venaient mourir contre le temple ; El Elohim ! qui est le dieu Phoebus ? qui donc invoque ce blasphémateur ? Toi Buzi-Ben-Lévi, qui es érudit dans les lois des Gentils et qui a séjourné parmi ceux qui se souillent avec les Téraphim, est-ce Nergal, dont parle l'idolâtre ? ou Ashimah ? ou Nibbaz ? ou Tartak ? ou Adramalech ? ou Anamalech ? ou Succoth-Bénith ? ou Dagon ? ou Bélial ? ou Baal-Périth ? ou Baal- Péor ? ou Baal-Zébub ?
             - Non, en vérité, ce n'est rien de tout cela ; mais prends garde ; ne laisse pas glisser la corde trop rapidement entre tes doigts ; car l'osier pourrait s'accrocher à cette saillie du roc, là-bas, et tu éparpillerais déplorablement les saintes choses du sanctuaire.
            A l'aide d'un mécanisme assez grossièrement façonné, le panier pesamment chargé était enfin descendu au milieu de la foule ; et, de leur pinacle vertigineux, ils pouvaient voir les Romains se presser confusément autour ; mais la hauteur prodigieuse, unie au brouillard, les empêchaient de saisir distinctement leurs opérations.
            Une demi-heure s'était déjà écoulée.
            - Nous serons en retard, soupira le Pharisien, regardant impatiemment dans l'abîme à l'expiration de ce terme ; nous serons en retard ! nous serons expulsés de notre emploi par les Katholim.
            - Jamais plus, repartit Abel-Phittim, jamais plus nous ne nous régalerons de la graisse de la terre ;
jamais plus nos barbes ne se parfumeront d'oliban, jamais plus nos reins ne se ceindront du fin lin du Temple!
            - Raca ! jura Ben-Lévi, Raca ! ont-ils l'intention de nous voler l'argent du marché ? ou, saint Moïse ! osent-ils peser les sicles du Tabernacle ?
           - Enfin ils ont donné le signal ! cria le Pharisien, ils ont donné le signal ! Tire, Abel-Phittim, et toi, Buzi-Ben-Lévi, tire aussi ! car, en vérité, les Philistins retiennent encore le panier, ou bien le Seigneur a persuadé à leurs coeurs d'y mettre un animal d'un bon poids !
           Et les Gizbarim tiraient, et le fardeau se balançait lourdement et montait à travers la brume toujours croissante.
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            - Malédiction sur lui ! malédiction sur lui ! telle fut l'exclamation qui jaillit des lèvres de Ben-Lévi, quand, au bout d'une heure, un objet se dessina confusément à l'extrémité de la corde.
           - Malédiction sur lui ! Fi ! c'est un bélier qui vient des fourrés d'Engadi, et qui est aussi rugueux que la vallée de Jehosaphat !
           - C'est un premier-né du troupeau, dit Abel-Phittim, je le reconnais au bêlement de ses lèvres et à la courbure enfantine de ses membres. Ses yeux sont plus beaux que les joyaux du Peetoral, et sa chair est semblable au miel d'Hébron.
            - C'est un veau engraissé dans les pâturages de Baskan, dit le Pharisien : les païens se sont conduits admirablement avec nous ! Élevons nos voix en un psaume ! Rendons grâces avec la trompette et le psaltérion ! avec la harpe et le buccin ! avec le sistre et le saquebute !
            Ce fut seulement quand le panier fut arrivé à quelques pieds des Gizbarimn qu'un sourd grognement trahit à leur sens un cochon de proportions peu communes.
            - Pour lors, El Emanu ! s'écria le trio  lentement et les yeux levés au ciel.
            Et, comme ils lâchèrent prise, le porc, abandonné à lui-même, dégringola précipitamment au milieu des Philistins.
           - El Emanu ! que Dieu soit avec nous ! C'est de la chair innommable !

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                                                                               Edgar Allan Poe
                                                                                                 ( 1832 )