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Lettre
Printemps 1906
Ô Reynaldo je te dirai lansgage !
Puisque à dessein tu partis - insensé ! -
Dans le moment que prenant mon courage
A deux mains, et d'un pas pressé
Du Figaro j'ouvris l'ultime page
Ô Reynaldo je te dirai lansgage !
Mais mon enfant souffre que ma sagesse
S'inspire ici des dictons anciens
Ne craignant pas de les faire siens.
Ainsi Racine en use avec la Grèce
Et Moréas... Pardon ! ô lyre enchanteresse
Toi qui charmas Gustava et sa détresse
Pardonne-moi divin musicien
Ô successeur d'Ange Politien
Pourquoi te diras-tu, Marcel veut-il m'écrire
Minuit est dépassé , sa couche le rappelle
Mais ton pigeon sent battre encore son aile
Et veut courir jusqu'à ton oreiller
Sa tendresse pour toi ô Buninuls est telle
Que, pensant à Salsbourg elle le fait veiller
Mais le sommeil aussi le fait bailler
Rothschild est un banquier dit-on plein de mérite
Déposer son argent chez lui est le cher rite
De tout ce qui possède Espagne ou Mexicain.
Ainsi donc au cocher, sans peur : rue Lafitte ! Moréas
Robert y veille aussi, beau comme une Charité
Sur le seuil du logis la Fortune est écrite
Tant de gens ont monté ce degré qui s'effrite
Que cet ancien logis tenterait Henri Cain
Et qu'importe après tout que Drumont s'en irrite ?
Qui s'en va chez Lecoffre acheter son bouquin ?
Mais Buncht ô mon enfant veille à ton patrimoine
Le régime actuel a beau manquer de moine
Alarmer follement nos plus chers intérêts
Il est encore crois-moi des placements prospères
On insulte l'armée, on expulse les Pères,
Mais la rente remonte aussi quand tu parais
Poincaré ! Donc ô Buncht, spécule, agiote, espère !
Cela vaut bien autant que d'être militaire
Et s'il fut autrefois Dieu des filous sur terre
Hermès, ne dis pas non ! vaut cependant Arès.
Tu diras qu'une bourse aussitôt qu'elle sonne
Charme : mais vide hélas, il n'y a plus personne
Ainsi que dit la Marquise d'Albufera.
Mais ne sois plus enfant, ô Reynaldo raisonne !
Écoute Robert de Rothschild ( je le suppose ! )
Je te dirai mon cher ce que faire il faudra.
Peut-être la Russie autrefois richissime
Étant si bas, te dira-t-il de t'y lancer
Comme un désespéré parvenu sur l'abîme
A mon très humble avis ce serait plus qu'un crime
Le tsar est un enfant et le Ukaz - Potemkine
Prouve que le commerce ira sans se laisser
Arrêter par Guillaume ou le Maréchal Prime
D'ailleurs le trois pour cent ne fit déjà plus prime Je ne te le dis pas, crois-moi, quant à la rime Ce sont jeux auxquels je ne daigne me baisser infos-russes.com Et la preuve c'est que je m'en vais me cousser
Sans même demander mon cher t'embrasher
Bonsjours.
Sans signature
Versailles Août 1906
Burnuls
Vous n'escrivez si succès. Vous ne pensez pas à mon agitation, à mon attente, à mon oreille tendue vers les applaudissements de votre salle en délire, moschant envoyez-moi germanishen article, et raskontez. En attendant oyez ceci : J'étais à une fenêtre ( fermée ) je soulève le rideau et contemple un valet de chambre rasé, affreux qui passe, et note sa ressemblance avec notre ancien valet de chambre ivrogne Eugène. A ce moment ce valet de chambre lève les yeux sur moi, je les détourne, mais déjà je vois qu'il me fixe, je me dis c'est Eugène puisqu'il a l'air de me reconnaître, à la même seconde, il jette un cri que je n'entends pas mais que je vois, écoutez-moi bien, des gestes verticaux de bienvenue se dressent à droite et à gauche et au-dessus de sa tête, et je reconnais... qui croyez-vous ? dites-le ? C'est peut-être Gordon Lennox pensez-vous ? Non - Parbleu c'est Melville - nenni - Ah ! c'est donc Constantin Ullman - Encore moins - c'est Shlésinger ! " De tourner la fenêtre, de dépister l'issue et de pénétrer dans l'appartement, notre maître matou vous le pensez bien n'en eut que pour un moment " ( Lafontaine hasrangé ) - " Vous êtes de passage à Versailles, lui dis-je ? - Non j'y suis pour un long séjour - Ah ! Où habitez-vous ? - Ici aux Réservoirs dans la même annexe que vous, la chambre contiguë à votre appartement. Quelle chance que vous vous soyez mis à la fenêtre à cet instant précis ". Voilà bien des folies. Peut-on tirer de cela quelque moralité. " Sur l'avenir bien fou qui se fiera " peut-être. Ou " Tout le malheur des hommes vient de ne pas se savoir renfermer en une chambre " ou, " tout ce que vous voudrez mais autre face de l'aventure : Si je n'étais pas ici, je serais à Salzbourg," n'a-t-il pas dit. De cela aussi peut-être peut-on tirer une moralité : " A quelque chose malheur est bon " ou " ce qui fait le bonheur des uns fait le malheur des autres ". Je veux dire par là que si vous n'aviez pas eu le malheur de n'avoir point Schlésinger, je n'aurais pas le bonheur de l'avoir. Il m'a dit que ma barbe m'allait très bien " car cela va toujours bien aux figures vieilles et vieillies " Il a paru charmant à René Peter et je l'ai trouvé remarquable comme toujours " Vous allez brûler cette lettre " sourcils levés : " Vous la brûlerez "
je vous donne cinq minutes pour cela. Je sais bien que cinq heures ne suffiront pas tant elle est longue. Et il faudra la prochaine fois vous exposer le rôle de miss Deacon*. Adieu, les lieux où vous n'êtes pas n'ont point de secrets pour me plaire.
BUNCHT
* connue pour être excentrique et avoir épousé le duc de Malborough, à sa mort elle sombre dans la folie 1881-1977.
Versailles fin août 1906
Mon bon Buncht encyclopédie-gratuite.fr
Je ne peux pas vous dire bien que cela ait l'air si bête à dire comme j'ai été ennuyé que vous ayez dépensé 24 francs pour me télégraphier quand un seul mot aurait suffi, un silence même que je sais plein d'amitié, et cette voix du coeur que seule au coeur arrive et que Dieu vous a donné de renforcer d'une voix céleste qui n'en est que le symbole audible et qui même captivé dans la simple conversation garde sa résonance, son origine et son accent. J'étais allé voir mon oncle qui ne m'a pas reconnu, quand j'ai appris la gravité subite de son état. Et ce voyage à Paris m'a mis dans un état tel avec presque accident dans la gare que je n'ai pu aller à l'enterrement de mon pauvre oncle qui lui vint si fidèlement me voir chaque soir depuis la mort de Maman jusqu'à ce que ses forces refusassent. Cela m'a fait une seconde peine de ne pouvoir conduire notre deuil. - A propos argent et 24 francs, il faudrait si je n'étais si phastigué que je vous explique que sans vous le dire pour ne pas vous hasgiter, je vous avais mis pour une petite somme dans un petit placement
que j'ai fait dernièrement. Je vous avais avancé la somme pour évité (!) complications et j'ai vendu l'autre jour ( dans des conditions qui auraient pu être beaucoup, beaucoup meilleures si je n'avais pas tergiversé et craint pour vous ) et je vous dois comme le petit placement était très genstil à peu près cinq cents francs que vous avez gagné. Est-ce que je ne suis pas un petit banquier assez genstil ? Si cela peut vous intéresser cette " mirifique " affaire qui en deux mois a tant rapporté est une Cie néerlandaise de pétrole, c'est la 1ere fois ( unberufen mein Gott * dirait Mme Deslandes ) que je fais une bonne affaire. J'aurais mille Shésingeriana à vous konster mais ne le fais pas car vous ignorez et ne serez pas assez persuadé par ma lettre que les Fortuny adorent Shlésinger, les Mayer aussi et que tous ces gens-là lui répéteront tout. Donc pour le retour. Je ne réponds pas à votre offre de retour que je suppose une plaisanterie, et que si vous le réalisez par fantaisie me jetterait dans le plus grand ennui. Qu'est-ce qu'on doit donner comme pourboires à ce valet de chambre nommé Léon et que je pourrais prendre successivement au théâtre pour Germain, Tariol, Falconnier, Clerh** etc etc, à la concierge téléphoniste, aux maîtres d'hôtel, à la dame du bureau etc etc. Je ne suis point très satisfait des Grosseuvre *** et j'ai raison. Peter est délicieux, de ressources incessantes dans l'esprit que je n'imaginais point, d'une inlassable gentillesse de façons avec moi, et pour vous d'un attachement, d'une admiration, d'une tendresse qui m'émeuvent. Mais que mes sentiments pour vous puissent vous être confirmés par Peter voilà qui me désespérait si je ne comprenais bien qu'il y a eu malentendu d'expression. Car il me semble que rien ne peut ni les corroborer ni les infirmer et qu'ils fournissent leur certitude eux-mêmes.
Mille Bunchteries
Marcel
* Afin de conjurer les mauvais sort.
** comédiens
*** propriétaires de l'hôtel des réservoirs à versailles
Versailles Septembre 1906
Chanteur, pardonne-moi d'ici te déranger.
- Ô Dieux ! - Ô Muses ! -
Je sais qu'en t'affrontant je risque le danger
De Pelénor et d'Ellébuse !
Si Léon n'intercède, je subirai le sort
Hélas d'Orphée
Sans compter les parfums qu'étand ta tête d'or
Lorsque tu l'as coiffée !
Peut-être en ce moment tu sens tous les onguents
Qu'on ne peut nier sans mentir
Et, satisfait de toi, tu réclames tes gants,
D'Auguste, pour sortir !
Sur ton cheveu tu mets encor de l'hypocras
Et marches vers la porte
Je demande un seul mot, mais à toi que t'importe
Si t'attend Moréas !
Autrefois tu connus pourtant plus d'un aède
Épris du vaste éther !
Saint Ygest qui chanta le Cygne de Ganymède
Fernand Gregh et Peter
Mais le disciple est loin des dieux dont il émane
Labori n'est point Hild *
Et point encore n'atteint à Jean de Castellane
Robert - Louikke - de Rotschild
Et pourtant d'une voix pète sèche et mielleuse
J'ose te déranger !
Accorde-moi cette chose délicieuse :
L'adresse de Nordlinger **
( lettre sans signature )
* hommes de loi
** Marie aide Proust à la traduction du livre de Ruskin - Sésame et les lys - Par ailleurs cousine de Reynaldo Hahn.
Versailles Septembre 1906
paradise7.hubpages.com Mon cher Binchnibuls,
1° Vous me dites de donner à Léon le tiers de ce que je veux mais vous m'indiquez le triple ou du moins presque le double de ce que je compte faire. 30 francs par semaine mais cela me fera plus de mille francs de pourboire en tout en parstant. Et vous ne me dites pas pour l'adresse de Nordlinger. Avez-vous bien reçu la lettre où je vous la demande car beaucoup de mes lettres n'arrivent pas... ( points louchons volontairement ).
2° Vous ne me devez rien puisque les 500 fr. ( qui sont même 580 ) sont ce que vous avez gagné. En vendant l'action je me suis payé moi-même de ce que je vous avais avancé sans vous le dire. Reste la différence ( 580 ) que je tiens à votre disposition soit que vous préfériez que je vous l'envoie ou que je vous le garde.
3° ( Pardonnez-moi mais je suis si éreinté je ne vous dis que des choses vulgaires ) j'ai eu une idée de pièce que je crois pas mal, je l'ai dite à Peter, il semble désirer la faire avec moi. En un seul mot voici mon idée ( mais tombeau ) : Un ménage s'adore, affection immense, sainte, pure ( bien entendu pas chaste ) du mari pour la femme. Mais cet homme est sadique et en dehors de l'amour pour sa femme a des liaisons avec des putains où il trouve plaisir à salir ses propres bons instincts. Et finalement le sadisme ayant toujours besoin de plus fort il en arrive à salir sa femme en parlant à ces putains, à s'en faire dire du mal et à en dire ( il est écoeuré cinq minutes après ). Pendant qu'il parle ainsi une fois, sa femme entre dans la pièce sans qu'il l'entende, elle ne peut en croire ses oreilles et ses yeux, tombe. Puis elle quitte son mari. Il la supplie, rien n'y fait. Les putains veulent revenir mais le sadisme serait trop douloureux maintenant, et après une dernière tentative pour reconquérir sa femme qui ne lui répond même pas il se tue. -
4° Si vous voyez Jean de Castellane voulez-vous lui dire que j'ai lu avec indignation ce qui a été fait contre sa mère, que j'ai pensé à eux beaucoup et lui exprime toute ma sympathie.
5° Si vous voyez Bréville* dîtes-lui que je le remercie mille fois de son mot mais suis trop souffrant pour lui écrire.
Shlesinger a été très gentil, très intelligent et semble avoir un immense talent de peintre. Ne lui parlez pas de Miss Deacon.
Tendresses de Buncht
Toutes les lettres ci-jointes sont vieilles d'un mois 1/2 car je n'ai pas été parc- depuis mon arrivée étant toujours kousché.
Si ces lettres vous amusent j'en ai mille autres.
* musicien
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