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Livre quatrième
Tandis que je logeais encore dans le quartier du Luxembourg, une ancienne actrice de l'Opéra Comique, la Darimat, amie de Mlle Clairon, et mariée avec Durancy, acteur comique dans une troupe de province, étant accouchée à Paris avait obtenu de mon actrice qu'elle fût marraine de son enfant, et moi j'avais été pris pour parrain. De ce baptême il arriva que ma commère Durancy qui, chez Mlle Clairon, m'entendait quelquefois parler sur l'art de la déclamation, me dit un jour :
- Mon compère, voulez-vous que je vous donne une jeune et jolie actrice à former ? Elle aspire à débuter dans le tragique, et elle vaut la peine que vous lui donniez des leçons. C'est Mlle Verrière, l'une des protégées du Maréchal de Saxe. Elle est votre voisine ; elle est sage, elle vit fort décemment avec sa mère et sa soeur. Le Maréchal, comme vous le savez, est allé voir le roi de Prusse, et nous voulons, à son retour, lui donner le plaisir de trouver sa pupille au théâtre jouant Zaïre et Iphigénie mieux que Mlle Gaussin. Si vous voulez vous charger de l'instruire, demain je vous installerai ; nous dînerons chez elle ensemble.
Mon aventure avec Mlle Navarre ne m'avait point aliéné le Maréchal de Saxe, il m'avait même témoigné de la bienveillance ; et, avant qu'Aristomène fut mis au théâtre, il m'avait fait prier d'aller lui en faire la lecture. Cette lecture, tête à tête, l'avait intéressé : le rôle d'Aristomène l'avait ému, il trouva celui de Léonide théâtral.
- Mais, corbleu ! me dit-il, c'est une fort mauvaise tête que cette femme-là ! je n'en voudrais pas pour rien.
Ce fut là sa seule critique. Du reste il fut content, et me le témoigna avec cette franchise noble et cavalière qui sentait en lui son héros.
Je fus donc enchanté d'avoir une occasion d'avoir à faire quelque chose qui lui fût agréable ; et très innocemment, mais très imprudemment, j'acceptai la proposition.
La protégée du Maréchal était l'une de ses maîtresses ; elle lui avait été donnée à l'âge de dix-sept ans. Il en avait eu une fille, reconnue et mariée depuis sous le nom d'Aurore de Saxe. Il lui avait fait, à la naissance de cette enfant, une rente de cent louis ; il lui donnait de plus, par an, cinq cents louis pour sa dépense. Il l'aimait de bonne amitié ; mais quant à ses plaisirs, elle n'y était plus admise. La douceur, l'ingénuité, la timidité de son caractère n'avaient plus rien d'assez piquant pour lui. On sait qu'avec beaucoup de noblesse et de fierté dans l'âme, le maréchal de Saxe avait les moeurs grivoises. Par goût autant que par système, il voulait de la joie dans ses armées, disant que les Français n'allaient jamais si bien que lorsqu'on les menait gaîment, et que ce qu'ils craignaient le plus à la guerre, c'était l'ennui. Il avait toujours dans ses camps un opéra-comique. C'était à ce spectacle qu'il donnait l'ordre des batailles ; et ces jours-là, entre les deux pièces, la principale actrice annonçait ainsi : " Messieurs, demain relâche au théâtre à cause de la bataille que donnera M. le Maréchal. Après-demain Le coq du village, les amours grivois etc. "
Deux actrices de ce théâtre, Chantilly et Beaumenard, étaient ses deux maîtresses favorites, et leur rivalité, leur jalousie, leurs caprices lui donnaient, disait-il, " plus de tourments que les hussards de la reine de Hongrie. " J'ai lu ces mots dans l'une de ses lettres. C'était pour elles que Mlle Navarre avait été négligée. Il trouvait en elle trop de hauteur, et pas assez de complaisance et d'abandon. Mlle Verrière, avec infiniment moins d'artifice, n'avait pas même l'ambition de le disputer à ses rivales ; elle semblait se reposer sur sa beauté du soin de plaire, sans y contribuer d'ailleurs que par l'égalité d'un caractère aimable et par son indolence à se laisser aimer.
...... Dès notre seconde leçon, ces mots " Zaïre ! vous pleurez " furent l'écueil de ma sagesse.
La docilité de mon écolière me rendit assidu ; cette assiduité fut malignement expliquée. Le maréchal, qui était alors en Prusse, instruit de notre intelligence, en prit une colère peu digne d'un aussi grand homme. Les cinquante louis que Mlle Verrière touchait lui furent supprimés, et il annonça que de sa vie il ne reverrait ni la mère ni son enfant. Il tint parole, et ce ne fut qu'après sa mort, et un peu par mon entremise, qu'Aurore fut reconnue et élevée dans un couvent comme fille de ce héros.
Le délaissement où tombait ma Zaïre nous accabla tous les deux de douleur. Il me restait quarante louis du produit de ma nouvelle tragédie ; je la priai de les accepter. Cependant Mlle Clairon et tous nos amis nous conseillèrent de cesser de nous voir, au moins pour quelque temps. Il nous en coûta bien des larmes, mais nous suivîmes ce conseil.
Le maréchal revint. J'entendais dire de tous côtés qu'il était furieux contre moi. J'ai su depuis par le maréchal de Loewendal, et par deux autres de ses amis, Sourdis et Flavacourt, qu'ils avaient eu bien de la peine à retenir les mouvements de sa colère.
* ....... Dans cette situation, l'une des plus pénibles où je me sois trouvé, M. de la Poplinière me proposa de me retirer chez lui, à la campagne, et d'un autre côté le prince de Turenne me soulagea du chagrin où j'étais de laisser ma Zaïre dans l'infortune.
Ce prince, me trouvant un soir dans le foyer de la Comédie Française, vint à moi, et me dit :
- Vous êtes cause que le maréchal de Saxe a quitté Mlle Verrière : voulez-vous me donner votre parole de ne plus la voir ? son malheur sera réparé........
- Oui, mon prince, je vous la donne.......
Il la prit, et je fus fidèle à ma promesse.
- Il vous épousera, et j'en fais mon affaire, dit Mme de Tencin.....
Le moment critique du renouvellement du bail des fermes approchait, et, parmi les anciens fermiers généraux, c'était à qui serait conservé sur la liste. On fit entendre au cardinal de Fleury que c'était le moment de faire cesser un scandale qui affligeait tous les gens de bien. On lui représenta Mlle Daucour comme une victime intéressante de la séduction, et la Poplinière comme un de ces hommes qui se jouent de l'innocence...
Ce n'était pas encore parmi les financiers un luxe autorisé que celui des maîtresses publiquement entretenues, et le cardinal se piquait de maintenir les bonnes moeurs. Lors donc que la Poplinière alla solliciter ses bontés pour le nouveau bail, le cardinal lui demanda ce que c'était que Mlle Daucour
- C'est une jeune personne dont j'ai pris soin....
- Je suis bien aise, reprit le cardinal, de tout le bien que vous m'en dites. Tout le monde en parle de même, et l'intention du roi est de donner votre place à celui qui l'épousera.......
Perdre sa place ou épouser, l'alternative était pressante. La Poplinière prit le parti le moins fâcheux ; mais à sa résolution forcée, il voulait donner l'apparence d'une volonté libre ; et le lendemain au réveil de Mlle Daucour :
- Levez-vous, lui dit-il, et avec votre mère venez où je vais vous conduire. Elle obéit. Ce fut chez son notaire qu'il les mena.
- Ecoutez, leur dit-il, la lecture de l'acte que nous allons signer.
C'était le contrat de mariage. Le coup de théâtre parut produire son effet : la fille eut l'air de se pâmer, la mère embrassa les genoux de celui qui mettait le comble à ses bontés et à leurs voeux. Il jouit pleinement de leur feinte reconnaissance et, tant qu'il fut dans l'illusion d'un époux qui se croit aimé, il vit sa maison embellie par les enchantements de sa brillante épouse. Le plus grand monde était de ses soupers et de ses fêtes. Mais bientôt les inquiétudes et les soupçons jaloux troublèrent son repos. Sa femme avait pris son essor. Portée dans un tourbillon où il ne pouvait pas la suivre, on lui donnait à elle des soupers dont il n'était pas, et par des lettres anonymes, on se faisait un plaisir malin de l'avertir qu'il était la fable et le jouet de cette cour brillante que sa femme tenait chez lui. C'était dans ce temps-là qu'il m'y avait attiré ; mais je ne fus d'abord que de sa société particulière. Là je trouvai le célèbre Rameau ; Latour le plus habile peintre en pastel que nous ayons eu ; Vaucanson, ce merveilleux mécanicien ; Carle-Vanloo, ce grand dessinateur et ce grand coloriste, et sa femme qui, la première, avec sa voix de rossignol, nous avait fait connaître les chants de l'Italie.
Madame de la Poplinière me marquait de la bienveillance. Elle voulut entendre la lecture d'" Aristomène " et de tous les critiques dont j'avais pris conseil, ce fut à mon gré le meilleur. Après avoir entendu ma pièce, elle en fit l'analyse avec une clarté, une précision surprenante, me retraça de scène en scène le cours de l'action..... ses observations me frappèrent comme autant de traits de lumière. Ce coup-d'oeil si vif, si rapide et cependant si juste, étonna tout le monde, et dans cette lecture, quoiqu'assez applaudi moi-même, je dois dire que son succès fut plus éclatant que le mien. Son mari en était tristement interdit..... on voyait percer un fond d'humeur et de chagrin dont lui seul connaissait la cause.... et de là les scènes violentes qu'il y avait entre eux sans témoins.
La Popelinière se soulageait avec nous, surtout avec moi.... Il m'avait engagé à loger près de lui....
- Vivons ensemble me disait-il, .... laissez-là, croyez-moi, ce monde qui vous a séduit, comme il m'avait séduit, et qu'en attendez-vous ?
- Des protecteurs, lui dis-je, et quelques moyens de fortune.
- Des protecteurs ! Ah ! si vous saviez comme tous ces gens-là protègent !.... De la fortune ! et n'en ai-je pas assez pour nous deux ? Je n'ai point d'enfant, et grâce au Ciel, je n'en aurai jamais.
Malgré sa répugnance à me voir lui échapper, il ne put refuser à Mme de Tencin, qu'il ménageait par politique, il ne put, dis-je, lui refuser de me mener chez elle pour lui lire ma tragédie ; c'était " Aristomène " qu'on venait de jouer. L'auditoire était respectable. J'y vis rassemblés Montesquieu, Fontenelle, Mairan, Marivaux, le jeune Helvétius, Astruc, je ne sais qui encore, tous gens de lettres ou savants, et au milieu d'eux une femme d'un esprit et d'un sens profond, mais qui, enveloppée dans son extérieur de bonhomie et de simplicité, avait plutôt l'air de la ménagère que de la maîtresse de la maison.... J'eus besoin de tous mes pouvoirs pour me faire entendre de Fontenelle, et quoique bien près de son oreille, il me fallut encore prononcer chaque mot avec force et à haute voix ; mais il m'écoutait avec tant de bonté qu'il me rendait doux les efforts de cette lecture pénible.... d'une monotonie extrême, sans inflexions.... cependant.... j'eus l'honneur d'être du dîner de Mme de Tencin ; et dès ce jour-là j'aurais été inscrit sur la liste des convives ; mais Mr de la Poplinière n'eut pas de peine à me persuader qu'il avait là trop d'esprit pour moi ; et en effet, je m'aperçus bientôt qu'on y arrivait préparé à jouer son rôle, et que l'envie d'entrer en scène n'y laissait pas toujours à la conversation la liberté de suivre son cours facile et naturel. C'était à qui saisirait le plus vite, et comme à la volée, le moment de placer son mot.....
Dans Marivaux, l'impatience de faire preuve de finesse et de sagacité perçait visiblement. Montesquieu, avec plus de calme, attendait que la balle vint à lui, mais il l'attendait. Mairan guettait l'occasion
Astruc ne daignait pas l'attendre. Fontenelle seul la laissait venir dans la chercher ; et il usait si sobrement de l'attention qu'on donnait à l'entendre, que ses mots fins, ses jolis contes n'occupaient jamais qu'un moment. Helvétius, attentif et discret, recueillait pour semer un jour. C'était un exemple pour moi que je n'aurais pas eu la constance de suivre : aussi cette société eut-elle pour moi peu d'attrait. **
Il n'en fut pas de même de celle d'une femme que mon heureuse étoile m'avait fait rencontrer chez Mme de Tencin.et qui, dès lors, eut la bonté de m'inviter à l'aller voir. Cette femme qui commençait à choisir et à composer sa société littéraire, était Mme Geoffrin. Je répondis trop tard à son invitation, et ce fut encore M de la Popelinière qui m'empêcha d'aller chez elle.
- Qu'iriez-vous faire là, me dit-il, c'est encore un rendez-vous de beaux esprits.
C'était ainsi qu'il m'avait captivé lorsqu'arriva mon aventure avec le maréchal de Saxe. Mais ce qui m'attacha le plus étroitement à lui fut de le voir malheureux.... Les lettres anonymes ne cessaient de le harceler : on l'assurait qu'à Passy même un rival heureux continuait de voir sa femme.....
Ce fut là que j'appris ce que c'est qu'un ménage, où d'un côté la jalousie et de l'autre la haine se glissent.... Dans cette maison de luxe, l'abondance, l'affluence de tous les biens, tout cela corrompu par la défiance et la crainte.... Il fallait voir à table ces deux époux vis-à-vis l'un de l'autre ; la morne taciturnité du mari, la fière et froide indignation de la femme, le soin que prenaient leurs regards de s'éviter, et l'air terrible et sombre dont ils se rencontraient, surtout devant leurs gens.... Elle était déterminée à ne pas quitter sa maison, et lui, aux yeux du monde et en bonne justice, n'avait pas droit de l'en chasser.
.... Un misérable que je dédaigne de nommer, parce qu'il est mort, m'a accusé d'avoir été l'un des complaisants de la Popelinière. Je commence par déclarer que jamais je n'ai reçu de lui le plus petit bienfait.... je ne le flattais pas, mais je le consolais..... Cet esprit de propriété qui exagère à nos yeux le prix de tout ce qui nous intéresse lui faisait tant d'illusion sur le jeune poète qu'il avait adopté, que tout ce qui coulait de ma plume lui semblait beau ; et au lieu d'un ami sévère dont j'aurais eu besoin, je ne trouvais en lui qu'un très facile approbateur.
Vers la fin de l'automne l'ennui lui fit quitter sa triste maison de campagne, et peu de temps arriva l'aventure qui le sépara de sa femme. Un jour que dans la plaine des Sablons le maréchal de Saxe donnait au public le spectacle de la revue de ses hullands, la Popelinière, plus excédé que jamais de lettres anonymes, qui lui répétaient que sa femme recevait chez elle, toutes les nuits, le maréchal de Richelieu, prit le temps où elle était à la revue pour visiter son appartement, et voir comment un homme pouvait y être introduit, malgré la vigilance d'un portier dont il était sûr. Il avait avec lui pour l'aider dans cette rechercher, Vaucanson et Balot, celui-ci petit avocat, d'un esprit fin et pénétrant, mais personnage assez grotesque par la singularité d'un langage assez trivial et hyperbolique, et d'un caractère mêlé de bassesse et d'orgueil, fier et haut pas boutades, et servile par habitude. C'était lui qui louait M de la Popelinière sur la finesse de sa peau, et qui, dans un moment d'humeur, disant de qui, qu'il s'en aille cuver son or. Pour Vaucanson, tout son esprit était en génie ; et, hors des mécaniques, rien de plus ignorant et rien de plus borné que lui.
En visitant l'appartement de Mme de la Popelinière, Balot fit la remarque que, dans le cabinet où était son clavecin, on avait tendu un tapis de pied et que, cependant il n'y avait dans la cheminée de cette pièce ni bois, ni cendres, ni chenets, quoique le temps fut déjà froid et que l'on fit du feu partout. Par induction il s'avisa de frapper de sa canne la plaque de la cheminée ; la plaque sonna creux. Alors Vaucanson s'approchant s'aperçut qu'elle était montée à charnière et si parfaitement unie au revêtement des côtés, que la jointure en était presque imperceptible.
- Ah ! monsieur, s'écria-t-il en se tournant vers la Popelinière, le bel ouvrage que je vois là ! et l'excellent ouvrier que celui qui l'a fait ! cette plaque est mobile ; elle s'ouvre ; mais la charnière en est d'une délicatesse ! .. non il n'y a pas de tabatière mieux travaillée . L'habile homme que celui-là
- Quoi, monsieur, dit la Popelinière, vous êtes sûr que cette plaque s'ouvre ?
- Vraiment, j'en suis sûr ! je le vois, dit Vaucanson, ravi d'admiration et d'aise ; rien n'est plus merveilleux.
- Et que me fait votre merveille ? il s'agit bien ici d'admirer !
- Ah ! monsieur de tels ouvriers sont fort rares ! j'en ai de bons assurément ; mais je n'en ai pas un qui...
- Laissons-là vos ouvriers, interrompt la Popelinière, et qu'on m'en appelle qui fasse sauter cette plaque.
- C'est dommage, dit Vaucanson, de briser un chef-d'oeuvre aussi parfait que celui-là.
Derrière la plaque, une ouverture faite au mur mitoyen était fermée par un panneau de boiserie, qui, couvert d'une glace dans la maison voisine, s'ouvrait à volonté et donnait une libre entrée dans le cabinet de musique au locataire clandestin de l'appartement contigu. Le malheureux la Popelinière qui ne cherchait, je crois, qu'un moyen légitime de se délivrer de sa femme, envoya quérir un commissaire, et fit constater sur- le-champ, par un procès-verbal, sa découverte et sa disgrâce.
Sa femme était encore à la revue lorsqu'on vint l'avertir de ce qui se passait chez elle. Pour y rentrer, ou de gré ou de force, elle pria le maréchal de Loewendal de l'y accompagner ; mais la porte lui fut fermée, et le maréchal ne voulut pas prendre sur lui de la forcer. Elle eut recours au maréchal de Saxe.
- Que je rentre chez moi; lui dit-elle, et que je parle à mon mari ; c'est assez : vous m'aurez sauvée.
Le maréchal la fit monter dans son carrosse et, en arrivant à la porte, il descendit et frappa lui-même
Le fidèle portier , en entrouvrant la porte, voulut lui dire qu'il lui était défendu...
- Et ne me connaissez-vous pas ? lui dit le maréchal. Apprenez ce pour quoi il n'y a point de porte fermée. Entrez madame, entrez chez vous.
- Il lui donna la main et monta avec elle.
La Popelinière effarouché vint au-devant de lui.
- Eh bien, mon ami, qu'est-ce ? lui dit le maréchal ; une esclandre, des scènes, un spectacle pour le public ? il n'y a pour vous dans tout cela que du ridicule à gagner. Ne voyez-vous pas qu'on ne cherche qu'à vous brouiller ensemble, et qu'on y emploie toutes sortes de ruses ? N'en soyez point la dupe. Ecoutez votre femme, qui se justifiera pleinement à vos yeux, et qui ne demande qu'à vivre convenablement avec vous.
La Popelinière se contint respectueusement en silence ; et le maréchal s'en alla en leur recommandant la décence et la paix.
Tête-à-tête avec son mari, Mme de la Popelinière s'arma de tout son courage et de toute son éloquence. Elle lui demanda sur quel nouveau soupçon, sur quelle délation nouvelle il lui avait fait fermer sa porte. Et, lorsqu'il parla de la plaque, elle s'indigna qu'il la crût complice de cette coupable invention. N'était-ce pas chez lui, plutôt que chez elle qu'on avait voulu pénétrer ?......
- J'étais trop heureuse avec vous, lui dit-elle, et c'est mon bonheur qui irrite contre moi l'envie...... Quelle est dans Paris l'autre femme dont le repos, l'honneur soit si violemment attaqué ? ..... Je contribuais au bonheur d'un homme dont l'esprit, les talents, la considération, l'honorable existence, font le tourment des envieux. C'est vous qu'ils veulent rendre ridicule et malheureux.....
Alors se jetant à ses pieds :
- Ah, monsieur ! rendez-moi votre estime, votre confiance, j'ose dire, votre tendresse, et mon amour vous vengera en me vengeant moi-même du mal que nous ont fait nos communs ennemis.
Malheureusement trop convaincu, la Popelinière fut inflexible.
- Madame, lui dit-il, tout l'artifice de vos paroles ne me fait point changer de résolution ; nous n'habiterons plus ensemble. Si vous vous retirez modestement, sans bruit, je prendrai soin de votre sort. Si vous m'obligez de recourir aux voies de rigueur pour vous faire sortir de chez moi, je les emploierez ; et tout sentiment d'indulgence et de bonté pour vous sera étouffé dans mon âme.
Elle sortit. Il lui donna, je crois, vingt mille livres de pension alimentaire, avec quoi elle alla vivre ou plutôt mourir dans un réduit obscur, délaissée de ce beau monde qui l'avait tant flattée, et qui la méprisa lorsqu'elle fut dans le malheur. Une glande qu'elle avait au sein fut le foyer d'une humeur corrosive qui la dévora lentement. Le maréchal de Richelieu qui se donnait ailleurs des passe-temps et des plaisirs, tandis qu'elle se consumait dans les douleurs les plus cruelles, ne laissait pas de lui rendre en passant quelques devoirs de bienséance ; aussi disait-on dans le monde, après qu'elle eut cessé de vivre : " En vérité, M de Richelieu a eu pour elle des procédés admirables ! Il n'a pas cessé de la voir jusqu'à son dernier moment."
C'était pour être aimée ainsi que cette femme qui, chez elle, avec une conduite honnête, aurait joui de l'estime publique et des agrément d'une vie honorée et délicieuse, avait sacrifié son repos, sa pudeur, sa fortune, tous ses plaisirs ; et ce qui rend plus effrayant encore ce délire de la vanité, c'est que ni le coeur, ni les sens n'y avaient eu qu'une part très légère. Madame de la Popelinière, avec une tête assez vive était d'une extrême froideur. Mais un duc à bonnes fortunes lui avait paru, comme à bien d'autres, une glorieuse conquête ; ce fut là ce qui la perdit.
*** La Popelinière, séparé de sa femme, ne songea plus qu'à vivre en homme libre et opulent. Sa maison de Passy redevint le séjour le plus charmant, mais le plus dangereux pour moi. Il avait à ses gages le meilleur concert de musique....Les joueurs d'instruments logeaient chez lui.... Les premiers talents des théâtres, et singulièrement les chanteuses et les danseuses de l'Opéra, venaient embellir ses soupers. A ces soupers.... on était agréablement surpris de voir, au son des instruments, Lany, sa soeur, la jeune Pluvigné, quitter la table et, dans la même salle, danser les airs qu'exécutait la symphonie..... chacun à l'envi brillait dans ces concerts. Rameau y composait ses opéras ; et, les jours de fêtes, à la messe de la chapelle domestique, il nous donnait sur l'orgue des morceaux de verve étonnants. Jamais bourgeois n'a mieux vécu en prince, et les princes venaient jouir de ses plaisirs.
A son théâtre, car il en avait un, on ne jouait que des comédies de sa façon, et dont les acteurs étaient pris dans sa société. Ces comédies quoique médiocres étaient d'assez bon goût, et assez bien écrites pour qu'il n'y eût pas de complaisance excessive à les applaudir.
La Popelinière....... c'était bien, comme on le disait, un vieil enfant gâté de la fortune ; mais moi qui le voyais habituellement et de près, et qui m'affligeais quelquefois de le trouver un peu trop vain, je m'étonne aujourd'hui qu'il ne le fût pas davantage.
Une autre société où je fus attiré, je ne sais plus comment, fut celle du baron d'Holbach. Ce fut là que je connus Diderot, Helvétius,, Grimm et J.J. Rousseau, avant qu'il se fût fait sauvage. Grimm alors secrétaire et ami intime du jeune comte de Frise, neveu du Maréchal de Saxe, nous donnait chez lui, un dîner toutes les semaines ; et à ce dîner de garçon régnait une liberté franche ; mais c'était un mets que Rousseau ne goûtait que très sobrement. Personne mieux que lui n'observait la triste maxime de " vivre avec ses amis comme s'ils devaient être un jour ses ennemis. Lorsque je le connus il venait de remporter le prix d'éloquence à l' Académie de Dijon, avec ce beau sophisme où il a imputé aux sciences et aux arts les effets naturels de la prospérité et du luxe des nations. Cependant il n'avait pas encore pris couleur, comme il a fait depuis, et il n'annonçait pas l'ambition de faire secte. Ou son orgueil n'était pas né, ou il se cachait sous les dehors d'une politesse timide, quelquefois même obséquieuse et tenant de l'humilité. Mais, dans sa réserve craintive, on voyait de la défiance ; son regard en-dessous observait tout avec une ombrageuse attention. Il se communiquait à peine, et jamais il ne se livrait. Il n'en était pas moins amicalement accueilli : comme on lui connaissait un amour-propre inquiet, chatouilleux, facile à blesser, il était choyé, ménagé avec la même attention et la même délicatesse dont on aurait usé à l'égard d'une jolie femme bien capricieuse et bien vaine, à qui l'on aurait voulu plaire. Il travaillait alors à la musique du Devin du Village, et il nous chantait au clavecin les airs qu'il avait composés. Nous en étions charmés ; nous ne l'étions pas moins de la manière ferme, animée et profonde dont son premier essai en éloquence était écrit. Rien de plus sincère, je dois le dire, que notre bienveillance pour sa personne, et que notre estime pour ses talents. C'est le souvenir de ce temps-là qui m'a indigné contre lui, quand je l'ai vu, pour des fadaises ou pour des torts qu'il avait lui-même, calomnier des gens qui le traitaient si bien et ne demandaient qu'à l'aimer. J'ai vécu avec eux toute leur vie ; j'aurai lieu de parler de leur esprit et de leur âme. Jamais je n'ai aperçu en eux rien de semblable au caractère que son mauvais génie leur a attribué.
A mon égard, le peu de temps que nous fûmes ensemble dans leur société se passa, entre lui et moi, froidement, sans affection, sans aversion l'un pour l'autre .......
Mais le fruit que je retirai de son commerce et de son exemple fut un retour de réflexion sur l'imprudence de ma jeunesse. Voilà, disais-je, un homme qui s'est donné le temps de penser avant que d'écrire ; et moi, dans le plus difficile et le plus périlleux des arts, je me suis hâté de produire presque avant que d'avoir pensé. Vingt ans d'étude et de méditation dans le silence et la retraite ont amassé, mûri et fécondé ses connaissances..... Aussi voit-on dans ses premiers écrits une plénitude étonnante, une virilité parfaite ; et dans les miens tout se ressent de la verdeur ou de la faiblesse d'un talent que l'étude et la réflexion n'ont pas assez longtemps nourri......
J'avais quelque accès à la cour, et la disgrâce de M Orri ne m'avait pas ôté toute espérance de fortune. La même femme dont le crédit l'avait fait renvoyer me savait gré d'avoir plus d'une fois été l'écho de la voix publique dans des vers où je célébrais ce qui était digne de louange dans le règne de son amant. Un petit poème que j'avais composé..... l'avait intéressée, et m'avait mis en faveur auprès d'elle..L'abbé de Bernis et Duclos allaient la voir ensemble tous les dimanches, et comme ils avaient l'un et l'autre quelque amitié pour moi, j'allais en troisième avec eux. Cette femme..... simple bourgeoise, qui avait eu la faiblesse de vouloir plaire au roi et le malheur d'y réussir, était dans son élévation la meilleure femme du monde. Elle nous recevait tous les trois familièrement..... Mon ambition à moi était d'être occupé utilement pour moi-même et pour le public, sans dépendre de ses caprices...... Elle me répondit que j'étais né pour être homme de lettres, que mon dégoût pour la poésie n'était qu'un manque de courage..... comme avait fait Voltaire, et me relever, comme lui, d'une chute par un succès.
Je consentis pour lui complaire, à m'exercer sur un nouveau sujet ; mais je le pris trop simple et trop au-dessus de mes forces. Les sujets donnés par l'histoire me semblaient épuisés ; je trouvais tous les grands intérêts du coeur humain, toutes les passions violentes, toutes les situations tragiques, en un mot, tous les grands ressorts de la terreur et de la compassion employés avant moi par les maîtres de l'art. Je me creusai la tête pour inventer une action nouvelle et hors de la route commune. Je crus l'avoir trouvée dans un sujet tout d'imagination, dont je fus d'abord engoué. Il m'offrait une exposition d'une majesté imposante " Les funérailles de Sésostris "..... une intrigue d'un noeud si fort et si serré, qu'il serait impossible d'en prévoir la solution. Ce fut là ce qui m'étourdit sur les difficultés d'une action sans amour, toute politique et morale, et qui, pour être soutenue avec chaleur durant cinq actes, demandait toutes les ressources de l'éloquence poétique.... Soit illusion, soit excès d'indulgence, on me persuada que j'avais réussi. Madame de Pompadour me demandait souvent où en était ma nouvelle pièce, elle voulut la lire lorsqu'elle fut finie, et avec assez de justesse, elle y fit quelques critiques de détail, mais l'ensemble lui parut bien.
Il me revient ici un souvenir qui va peut-être égayer un moment le récit de mon infortune. Tandis que le manuscrit de ma pièce était encore dans les mains de Mme de Pompadour, je me présentai un dimanche à sa toilette, dans ce salon où refluait la foule des courtisans qui venaient d'assister au lever du roi. Elle en était environnée et, sans qu'il y eût quelqu'un qui lui choquât la vue, soit qu'elle voulut faire diversion à l'ennui que tout ce monde lui causait, dès qu'elle m'aperçut :
- J'ai à vous parler, me dit-elle. Et, quittant sa toilette, elle passa dans son cabinet, où je la suivis. C'était tout simplement pour me rendre mon manuscrit où elle avait crayonné ses notes. Elle fut cinq à six minutes à m'indiquer les endroits notés et à m'expliquer ses critiques. Cependant tout le cercle des courtisans était debout autour de la toilette à l'attendre. Elle reparut, et moi, cachant mon manuscrit, je vins modestement me remettre à ma place...... Tous les regards se fixèrent sur moi, de tous côtés on m'adressa de petits saluts imperceptibles, de doux sourires d'amitié et, avant de sortir du salon, je fus inviter à dîner au moins pour toute la semaine. Le dirai-je ? Un homme titré, un homme décoré, avec qui j'avais dîné quelquefois chez M de la Popelinière, le M. D.S., se trouvant à côté de moi, me prit la main et me dit tout bas :
- Vous ne voulez donc pas reconnaître vos anciens amis ?
Je m'inclinai confus de sa bassesse, et je dis en moi-même : " Oh ! qu'est-ce donc que la faveur, si son ombre seule me donne une si singulière importance ? "
Les comédiens furent séduits à la lecture, comme Mme de Pompadour, par la beauté des moeurs dont j'avais décoré les derniers actes de ma pièce ; mais au théâtre leur faiblesse fut manifeste, et d'autant plus sentis, que j'avais mis plus de véhémence et de chaleur dans les premiers..... Le public s'ennuya de n'être point ému, et ma pièce tomba......
Je rentrai chez moi déterminé à ne plus travailler pour le théâtre ; et, par exprès, j'écrivis sur-le-champ à Mme de Pompadour qui était à Bellevue, pour lui apprendre mon malheur, et lui renouveler avec instance la prière que je lui avais faite d'obtenir que je fusse employé plus utilement que je l'étais dans un art pour lequel je n'étais pas né.
Elle était à table avec le roi lorsqu'elle reçut ma lettre, et le roi lui ayant permis de la lire :
- La pièce nouvelle est tombée, lui dit-elle ; et savez-vous sire qui me l'apprend ? L'auteur lui-même. Le malheureux jeune homme ! Je voudrais bien avoir dans ce moment un emploi à lui offrir pour le consoler.
Son frère, le marquis de Marigny, qui était de ce souper, lui dit qu'il avait une place de secrétaire des bâtiments à me donner, si elle voulait.
- Ah ! dès demain, dit-elle, écrivez-lui, je vous en prie.
Et le roi parut satisfait qu'on me donnât cette satisfaction.
Cette lettre, où du ton le plus aimable et le plus obligeant M de Marigny m'offrait une place peu lucrative, disait-il, mais tranquille, et qui me laisserait des loisirs à donner aux muses, me causa un mouvement de joie et de reconnaissance dont ma réponse fut l'expression. Je me crus sauvé dans un port après mon naufrage, et j'embrassai la terre hospitalière qui m'assurait un doux repos.
...... Mme de Tencin, la femme du royaume qui dans sa politique remuait le plus de ressorts et à la ville et à la cour, n'était pour moi qu'une vieille indolente.
- Vous n'aimez pas, me disait-elle, ces assemblées de beaux esprits ; leur présence vous intimide ; eh bien ! venez causer avec moi dans ma solitude, vous y serez plus à votre aise, et votre naturel s'accommodera mieux de mon épais bon-sens.
Elle me faisait raconter mon histoire dès mon enfance, entrait dans mes intérêts...... Ah ! que de finesse d'esprit, de souplesse et d'activité, cet air naïf, cette apparence de calme et de loisir, ne me cachaient-ils pas ? Je ris encore de la simplicité avec laquelle je m'écriais en la quittant : " La bonne femme ! ".
Le fruit que je tirai de ses conversations, sans même m'en apercevoir, fut une connaissance du monde plus saine et plus approfondie. Par exemple, je me souviens de deux conseils qu'elle me donna ; l'un fut de m'assurer une existence indépendante des succès littéraires, et de ne mettre à cette loterie que le superflu de mon temps.
- Malheur, me disait-elle, à qui attend tout de sa plume ; rien de plus casuel. L'homme qui fait des souliers est sûr de son salaire ; l'homme qui fait un livre ou une tragédie n'est jamais sûr de rien.
L'autre conseil fut de me faire des amies plutôt que des amis.
- Car au moyen des femmes, disait-elle, on fait tout ce qu'on fait des hommes ; et puis ils sont les uns trop dissipés, les autres trop préoccupés de leurs intérêts personnels, pour ne pas négliger les vôtres ; au lieu que les femmes y pensent, ne fût-ce que par oisiveté. Parlez ce soir à votre amie de quelque affaire qui vous touche ; demain à son rouet, à sa tapisserie, vous la trouverez y rêvant, cherchant dans sa tête le moyen de vous y servir. Mais de celle que vous croirez pouvoir vous être utile, gardez-vous bien d'être autre chose que l'ami ; car, entre amants, dès qu'il survient des nuages, des brouilleries, des ruptures, tout est perdu. Soyez donc auprès d'elle assidu, complaisant et galant même si vous voulez, mais rien de plus, entendez-vous.........
Cury, le chef de la bande joyeuse, était homme d'esprit, bon plaisant, d'un sel fin dans son sérieux ironique, et plus espiègle que malin. L'épicurien Tribou, disciple du père Porée, et l'un de ses élèves les plus chéris, depuis acteur de l'Opéra et, après avoir cédé la scène à Géliote, vivant libre et content de peu, était charmant dans sa vieillesse, par une humeur anacréontique qui ne l'abandonnait jamais. C'est le seul homme que j'aie vu prendre congé gaîment des plaisirs du bel âge, se laisser doucement aller au courant des années, et dans leur déclin conserver cette philosophie " verte, gaie et naïve " que Montaigne lui-même n'attribuait qu'à la jeunesse..... Géliote : doux, riant, " amistoux ", pour me servir d'un mot de son pays, qui le peint de couleur natale, il portait sur son front la sérénité du bonheur, et en le respirant lui-même, il l'inspirait.... Né dans l'obscurité et enfant-de-choeur d'une église de Toulouse dans son adolescence, il était venu de plein vol débuter sur le théâtre de l'Opéra, et il y avait eu le plus brillant succès...... on l'écoutait avec l'ivresse du plaisir ; et toujours l'applaudissement marquait le repos de sa voix..... Il 'était ni beau, ni parfait, mais pour s'embellir il n'avait qu'à chanter ; on eût dit qu'il charmait les yeux autant que les oreilles. Les jeunes femmes en étaient folles ; on les voyait à demi-corps élancées hors de leurs loges ; donner en spectacle elles-mêmes l'excès de leur émotion ; et plus d'une des plus jolies voulait bien la lui témoigner. Bon musicien, son talent ne lui donnait aucune peine, et son état n'avait pour lui aucun de ses désagréments.
Le reste de la société des Menus-Plaisirs était tout simplement les amis de la joie ; et, parmi ceux-là, je puis dire que je tenais mon coin avec quelque distinction.
Or, après les dîners joyeux que je venais de faire avec ces messieurs-là, qu'on s'imagine me voir passer à l'école des philosophes et au spectacle des Bouffons nouvellement arrivés d'Italie, dans le fameux coin de la reine, me glisser parmi les Diderot, les d'Alembert, les Buffon, les Turgot, les d'Holbach, les Helvétius, les Rousseau, tous brûlants de zèle pour la musique italienne pleine d'ardeur pour élever cet édifice immense de l'Encyclopédie, dont on jetait les fondements ; on dira de moi en petit, ce qu'Horace a dit d'Aristippe : " Omnis Aristippum decuit color, et status et res. "
..... J'avais du goût pour la sagesse avec les sage, mais je me livrais volontiers à la folie avec les fous..... J'adorais la vertu ; je cédais à l'exemple et à l'attrait du vice. J'étais content, j'étais heureux lorsque dans la petite chambre de d'Alembert, chez sa bonne vitrière, faisant avec lui, tête à tête, un dîner frugal, je l'entendais, après avoir chiffré tout le matin de sa haute géométrie, me parler en homme de lettres plein de goût, d'esprit et de lumières ; ou que sur la morale, déployant à mes yeux la sagesse d'un esprit et l'enjouement d'une âme jeune et libre..... J'étais heureux aussi..... parmi les nymphes et les grâces, quelquefois parmi les bacchantes, je n'entendais vanter que l'amour et le vin. Je quittai tout cela pour me rendre à Versailles. Mais avant de me séparer des chefs de l'entreprise de l'Encyclopédie, je m'engageai à y contribuer dans la partie de la littérature, et encouragé par les éloges..... j'ai fait plus qu'on attendait de moi.
Voltaire, alors, était absent de Paris, il était en Prusse..... De ses chagrins le plus vif un moment fut celui de la mort de la marquise du Châtelet ; mais, à ne rien dissimuler, je reconnus dans cette occasion, comme j'ai fait souvent, la mobilité de son âme. Lorsque j'allai lui témoigner la part que je prenais à son affliction :
- Venez, dit-il en me voyant, venez partager ma douleur. J'ai perdu mon illustre amie ; je suis au désespoir, je suis inconsolable.
Moi, à qui il avait dit si souvent qu'elle était comme une furie attachée à ses pas, et qui savais qu'ils avaient été plus d'une fois dans leurs querelles aux couteaux tirés l'un contre l'autre, je le laissai pleurer et je parus m'affliger avec lui. Seulement pour lui faire apercevoir, dans la cause même de cette mort, quelque motif de consolation, je lui demandai de quoi elle était morte !
- De quoi ! Ne le savez-vous pas ? Ah, mon ami ! il me l'a tuée ! le brutal. Il lui a fait un enfant. C'était de Saint-Lambert, de son rival, qu'il me parlait.
Et le voilà me faisant l'éloge de cette femme incomparable, et redoublant de pleurs et de sanglots. Dans ce moment arrive l'intendant Chauvelin qui lui fait je ne sais quel conte assez plaisant, et Voltaire de rire aux éclats..... dans les passions qui l'agitaient, une seule était fixe...... c'était l'ambition et l'amour de la gloire....
Ce n'était pas assez pour lui d'être le plus illustre des gens de lettres, il voulait être homme de cour. Dès sa jeunesse la plus tendre, il avait pris la flatteuse habitude de vivre avec les grands. D'abord la maréchale de Villars, le grand-prieur de Vendôme, et depuis, le duc de Richelieu, le duc de la Vallière, les Boufflers, les Montmorenci, avaient été son monde..... Il avait l'art de leur écrire et de leur parler..... Or cette noblesse était admise aux soupers du roi. Pourquoi lui n'en était-il pas ? C'était l'une de ses envies. Il rappelait l'accueil que Louis-le-Grand faisait à Boileau et à Racine ; il disait qu'Horace et Virgile avaient l'honneur d'approcher d'Auguste , que l'Enéide avait été lue dans le cabinet de Livie. Addison et Prior valaient-ils mieux que lui ?..... La place d'historiographe était déjà pour lui...... Il avait acheté une charge de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, cette charge communément assez oiseuse donnait pourtant le droit d'être envoyé auprès du souverain...... Il voulait, comme on dit, faire son chemin ; et lorsqu'il avait un projet dans la tête, il y tenait obstinément....... Il employa donc, à s'introduire auprès du roi, tous les moyens imaginables.
Lorsque Mme d'Etioles, depuis marquise de Pompadour, fut annoncée pour maîtresse du roi, et avant même qu'elle fut déclarée, il s'empressa de lui faire sa cour...... faisant pour elle de jolis vers. Il ne doutait pas que par elle il n'obtint la faveur d'être admis aux soupers des petits cabinets, et je suis persuadé qu'elle l'aurait voulu.
Transplantée à la cour, et assez mal instruite du caractère et des goûts du roi, elle avait d'abord espéré de l'amuser par ses talents. Sur un théâtre particulier, elle jouait devant lui de petits actes d'opéra, dont quelques-uns étaient faits pour elle..... Voltaire en faveur auprès d'elle, s'avisa de vouloir diriger ce spectacle. L'alarme en fut au camp des gentilshommes de la chambre et des intendants des Menus-Plaisirs. C'était empiéter sur leurs droits, et ce fut entre eux une ligue pour éloigner de là un homme qui les aurait tous dominés, s'il avait plu au roi autant qu'à sa maîtresse ; mais on savait que le roi ne l'aimait pas..... Peu touché des louanges qu'il lui avait données dans son panégyrique, il ne voyait en lui qu'un philosophe impie et qu'un flatteur ambitieux. A grand'peine avait-il enfin consenti à ce qu'il fût reçu à l'Académie française. Sans compter les amis de la religion qui n'étaient point les amis de Voltaire, il avait à l'entour du roi des jaloux et des envieux de la faveur qu'on lui voyait briguer.....A leur gré, le poème de Fontenoy n'était qu'une froide gazette ; le panégyrique du roi était inanimé, sans couleur et sans éloquence ; les vers à Mme de Pompadour furent taxés d'indécence et d'indiscrétion, et dans ces vers surtout :
Soyez tous deux sans ennemis,
Et gardez tous deux vos conquêtes.
on fit sentir au roi qu'il était messéant de le mettre au niveau et de pair avec sa maîtresse.
Au mariage du dauphin avec l'infante d'Espagne, il fut aisé de relever l'inconvenance et le ridicule d'avoir donné pour spectacle à l'infante cette "Princesse de Navarre ", qui véritablement n'était pas faite pour réussir. Je n'en dis pas tant du " Temple de la Gloire ": l'idée en était grande, le sujet bien conçu et dignement exécuté. Le troisième acte dont le héros était " Trajan " présentait une allusion flatteuse pour le roi.....Voltaire n'avait pas douté que le roi ne se reconnût dans cet éloge. Après le spectacle, il se trouva sur son passage ; et voyant que sa majesté, passait sans lui rien dire, il prit la liberté de lui demander : " Trajan est-il content ? " Trajan surpris et mécontent qu'on osât l'interroger, répondit par un froid silence.....
Pour l'éloigner, il ne s'agissait que d'en détacher la maîtresse, et le moyen que l'on prit pour cela fut de lui opposer Crébillon.
Celui-ci, vieux et pauvre, vivait avec ses chiens, dans le fond du marais, travaillant à bâtons rompus à ce Catilina qu'il annonçait depuis dix ans, et dont il lisait ça et là quelques lambeaux de scènes qu'on trouvait admirables. Son âge, ses succès, ses moeurs un peu sauvages, son caractère soldatesque, sa figure vraiment tragique, l'air, le ton imposant, quoique simple, dont il récitait ses vers âpres et durs, la vigueur, l'énergie qu'il donnait à son expression, tout concourait à frapper les esprits d'une sorte d'enthousiasme. J'ai entendu applaudir avec transport, par des gens qui n'étaient pas bêtes, ces vers qu'il avait mis dans la bouche de Cicéron :
Catilina, je crois que tu n'es point coupable ;
Mais, si tu l'es, tu n'es qu'un homme détestable ;
Et je ne vois en toi que l'esprit et l'éclat
Du plus grand des mortels, ou du plus scélérat.
Le nom de Crébillon était le mot de ralliement des ennemis de Voltaire. " Electre et Rhadamisthe"
... attiraient peu de monde, tout le reste des tragédies de Crébillon était oublié, tandis que de Voltaire, " Oedipe, Alzire, Mahomet,.... occupaient le théâtre dans tout l'éclat d'un plein succès. Le parti du vieux Crébillon, peu nombreux, mais bruyant, ne laissait pas de l'appeler le Sophocle de notre siècle, et, même parmi les gens de lettres, les Marivaux......
*4 On parla devant Mme de Pompadour de ce grand homme abandonné, qu'on laissait vieillir sans secours, parce qu'il était sans intrigue. C'était la prendre par son endroit sensible.
- Que dites-vous, s'écria-t-elle ? Crébillon est pauvre et délaissé !
Aussitôt elle obtint pour lui du roi une pension de cent louis sur sa cassette.
Crébillon s'empressa d'aller remercier sa bienfaitrice. Une légère incommodité la tenait dans son lit, lorsqu'on le lui annonça ; elle le fit entrer. La vue de ce beau vieillard l'attendrit ; elle le reçut avec une grâce touchante. Il en fut ému ; et comme il se penchait sur son lit pour lui baiser la main, le roi parut :
- Ah ! Madame, s'écria Crébillon, le roi nous a surpris ; je suis perdu.
Cette saillie d'un vieillard de quatre-vingts ans plut au roi ; le succès de Crébillon fut décidé. Tous les Menus-Plaisirs se répandirent en éloges de son génie et de ses moeurs...... Catilina fut mis au théâtre..... Peu de temps après, Crébillon obtint la faveur d'une édition de ses oeuvres à l'imprimerie du Louvre, aux dépens du trésor royal. Dès ce temps-là Voltaire fut froidement reçu, et cessa d'aller à la cour.
On sait quelle avait été sa relation avec le prince royal de Prusse. Ce prince, devenu roi, lui marquait les mêmes bontés ; et la manière infiniment flatteuse dont Voltaire y répondait n'avait peut-être pas laissé de contribuer en secret à lui aliéner l'esprit de Louis XV. Le roi de Prusse, donc, en relation avec Voltaire, n'avait cessé, depuis son avènement à la couronne, de l'inviter à l'aller voir ; et la faveur dont Crébillon jouissait à la cour l'ayant piqué au vif, avait décidé son voyage. Mais, avant de partir, il avait voulu se venger de ce désagrément, et il s'y était pris en grand homme : il avait attaqué son adversaire corps à corps pour se mesurer avec lui dans les sujets qu'il avait traités, ne s'abstenant que de " Rhadamisthe, d'Astrée et de Pyrrhus " ; de l'un sans doute par respect, de l'autre par horreur, et du troisième par dédain d'un sujet ingrat et fantasque.
Il commença par " Sémiramis " ; et la manière grande et tragique dont il en conçut l'action, la couleur sombre..... l'art enfin dont il sut en préparer , en établir, en soutenir le merveilleux, étaient bien faits pour anéantir la faible et froide Sémiramis de Crébillon ; mais alors le théâtre n'était pas susceptible d'une action de ce caractère. Le lieu de la scène était resserré par une foule de spectateurs, les uns assis sur des gradins, les autres debout au fond du théâtre et le long des coulisses ; en sorte que Sémiramis éperdue, et l'ombre de Ninus sortant de son tombeau, étaient obligés de traverser une épaisse haie de petits-maîtres. Cette indécence jeta du ridicule sur la gravité de l'action théâtrale. Plus d'intérêt sans illusion, plus d'illusion sans vraisemblance ; et cette pièce, le chef-d'oeuvre de Voltaire, du côté du génie, eut, dans sa nouveauté, assez peu de succès pour faire dire qu'elle était tombée. Votaire en frémit de douleur ; mais il ne se rebuta point. Il fit " l'Oreste " d'après Sophocle...... tout ce qui pouvait donner prise à la critique fut relevé par des murmures ou tourné en dérision...... et cette pièce, qui depuis a justement été applaudie, essuya des huées. Enfin il donna " Rome sauvée "...... Cette pièce eut, dans l'opinion des gens instruits, un grand succès d'estime ; mais elle n'était pas faite pour émouvoir la multitude, et cette éloquence du style , ce mérite d'avoir si savamment observé les moeurs et peint les caractères, fut peu sensible aux yeux de cette masse du public....
Voltaire eut la douleur de se voir disputer, refuser même le triomphe.
Ces dégoûts avaient déterminé son voyage en Prusse. Une seule difficulté le retardait encore.....
Les frais du voyage sur lesquels Frédéric se faisait un tirer l'oreille. Il voulait bien défrayer Voltaire, et pour cela il consentait à lui donner mille louis ; mais Mme Denis voulait accompagner son oncle, et, pour ce surcroît de dépense, Voltaire demandait mille louis de plus. C'était à quoi le roi de Prusse ne voulait point entendre. " Je serai fort aise, lui écrivait-il, que Mme Denis vous accompagne ; mais je ne le demande pas. "
- Voyez-vous, me disait Voltaire, cette lésine dans un roi. Il a des tonneaux d'or, et il ne veut pas donner mille pauvres louis pour le plaisir de voir Mme Denis à Berlin ! Il les donnera ou moi-même je n'irai point.
Un incident comique vint terminer cette dispute. Un matin que j'allais le voir, je trouvai son ami Thiriot dans le jardin du Palais-Royal, et comme il était à l'affût des nouvelles littéraires, je lui demandai s'il y en avait quelqu'une.
- Oui, vraiment, il y en a, et des plus curieuses, me dit-il. Vous allez chez M de Voltaire, là vous les entendrez ; car je m'en vais m'y rendre dès que j'aurai pris mon café.
Voltaire travaillait dans son lit lorsque j'arrivai. A son tour il me demanda :
- Quelles nouvelles ?
- Je n'en sais point, lui dis-je ; mais Thiriot, que j'ai rencontré au Palais- Royal, en a, dit-il, d'intéressantes à vous apprendre. Il va venir.
- Eh bien, Thiriot, lui dit-il, vous avez donc à nous conter des nouvelles bien curieuses ?
- Oh ! très curieuses, et qui vous feront grand plaisir, répondit Thiriot avec son sourire sardonique et son nazillement de capucin.
- Voyons, qu'avez-vous à nous dire ?
- J'ai à vous dire qu'Arnaud-Baculard est arrivé à Postdam, et que le roi de Prusse l'y a reçu à bras ouverts.
- A bras ouverts !
- Qu'Arnaud lui a présenté une épître.
- Bien boursouflée et bien maussade ?
- Point du tout, fort belle, et si belle que le roi y a répondu par une autre épître.
- Le roi de Prusse, une épître à d'Arnaud ! Allons, Thiriot, allons, on s'est moqué de vous.
- Je ne sais pas si on s'est moqué de moi, mais j'ai en poche les deux épîtres.
- Voyons, donnez donc vite, que je lise ces deux chefs-d'oeuvre. Quelle fadeur ! quelle platitude ! quelle bassesse ! disait-il en lisant l'épître d'Arnaud ; et, passant à celle du roi, il lut un moment en silence et d'un air de pitié ; mais quand il en fut à ces vers :
Voltaire est à son couchant ;
Vous êtes à votre aurore ;
il fit un haut-le-corps, et sauta de son lit, bondissant de fureur :
-Voltaire est à son couchant, et Baculard à son aurore ! et c'est un roi qui écrit cette sottise énorme ! Ah ! qu'il se mêle de régner !
Nous avions de la peine Thiriot et moi, à ne pas éclater de rire, de voir Voltaire en chemise, gambadant de colère, et apostrophant le roi de Prusse.
- J'irai, disait-il, oui, j'irai lui apprendre à se connaître en hommes.
Et dès ce moment-là son voyage fut décidé.J'ai soupçonné le roi de Prusse d'avoir voulu lui donner ce coup d'éperon, et sans cela je doute qu'il fût parti, tant il était piqué du refus des mille louis, non point par avarice, mais de dépit de ne pas avoir obtenu ce qu'il demandait.
Voltaire à l'excès par caractère et par système, il avait même dans les petites choses une répugnance incroyable à céder et à renoncer à ce qu'il avait résolu..... Il lui avait pris fantaisie d'avoir en voyage un couteau de chasse, et, un matin que j'étais chez lui, on lui en apporta un faisceau pour en choisir un. Il le choisit ; mais le marchand voulait un louis de son couteau de chasse, et Voltaire s'était mis dans la tête de n'en donner que dix-huit francs. Le voilà qui calcule en détail ce qu'il peut valoir ; il ajoute que le marchand porte sur son visage le caractère d'un honnête homme, et qu'avec cette bonne foi qui est peinte sur son front, il avouera qu'à dix-huit francs cette arme sera bien payée. Le marchand accepte l'éloge qu'il veut bien faire de sa figure ; mais il répond qu'en honnête homme il n'a qu'une parole ; qu'il ne demande au juste que ce que vaut la chose, et qu'en la donnant à plus bas prix, il ferait tort à ses enfants.
- Vous avez des enfants ? lui demande Voltaire.
- Oui, monsieur, j'en ai cinq, trois garçons et deux filles, dont le plus jeune a douze ans.
- Hé bien ! nous songerons à placer les garçons, à marier les filles. J'ai des amis dans la finance, j'ai du crédit dans les bureaux ; mais terminons cette petite affaire : voilà vos dix-huit francs ; qu'il n'en soit plus parlé.
Le bon marchand se confondit en remerciements de la protection dont voulait l'honorer Voltaire ; mais il se tint à son premier mot pour le prix du couteau de chasse, et n'en rabattit pas un liard.
J'abrège cette scène qui dura un quart d'heure par les tours d'éloquence et de séduction que Voltaire employa inutilement, non pas à épargner six francs qu'il aurait donnés à un pauvre, mais à donner à sa volonté l'empire de la persuasion. Il fallut qu'il cédât lui-même, et, d'un air interdit, confus et dépité, il jeta sur la table cet écu qu'il avait tant de peine à lâcher. Le marchand, dès qu'il eut son compte, lui rendit grâces de ses bontés, et s'en alla.
- J'en suis bien aise, lui dis-je tout bas en le voyant partir.
- De quoi, me demanda Voltaire avec humeur, de quoi donc êtes-vous bien aise ?
- De ce que la famille de cet honnête homme n'est plus à plaindre. Voilà bientôt ses fils placés, ses filles mariées ; et lui, en attendant, il a vendu son couteau de chasse ce qu'il voulait, et vous l'avez payé malgré toute votre éloquence.
- Et voilà de quoi tu es bien aise, têtu de Limosin ?
- Oh ! oui, j'en suis content. S'il vous avait cédé, je crois que je l'aurais battu.
- Savez-vous, me dit-il en riant dans sa barbe, après un moment de silence, que, si Molière avait été témoin d'une pareille scène, il en aurait fait son profit
- Vraiment, lui dis-je, c'eût été le pendant de celle de M Dimanche.
....... Comme à l'égard du roi de Prusse j'étais dans son secret, et que je croyais être aussi dans le secret du roi de Prusse sur le peu de sincérité des caresses qu'il lui faisait, j'avais quelque pressentiment de mécontentement qu'ils auraient l'un de l'autre en se voyant de près...... et j'avais l'espérance de voir Voltaire revenir plus mécontent de l'Allemagne qu'il ne l'était de son pays ; mais le nouveau dégoût qu'il éprouva en allant prendre congé du roi, et la colère qu'il en témoigna, ne me laissèrent plus cette illusion consolante. En sa qualité de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, il crut pouvoir oser lui demander ses ordres auprès du roi de Prusse ; mais le roi, pour réponse, lui tourna le dos brusquement, et lui dans son dépit, dès qu'il fut sorti du royaume, lui renvoya son brevet d'historiographe de France, et accepta sans son agrément la croix de l'ordre du Mérite dont le roi de Prusse le décora, pour l'en dépouiller peu de temps après.
.L'exemple de tant d'amertumes et de tribulations répandues dans la vie de ce grand homme ne fit que me rendre plus redoutable la carrière des lettres où j'étais engagé, et plus doux le repos obscur dont j'allais jouir à Versailles.........
fin du livre quatrième,
à suivre,
* lumieresvoltaire.wordpress.com
** penseemiliterre.fr
*** lecheminsouslebuis.wordpress.com
*4 en.auction-in-europe.com
Livre cinquième..
Après avoir vu M de Marigny, mon premier........
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