rivagedeboheme.fr
A Gaston Gallimard
29 ou 30 novembre 1921
Très important à lire entièrement.
Mon cher Gaston
C'est naturellement de la meilleure foi du monde que je vous annonçais une lettre pour dans . qq heures. J'ai eu de nouveau plus de 40 de fièvre avec rhumatismes. Excusez-moi. Tant souffrir, m'a fait un peu oublier ce que j'ai à vous dire. Je vais tâcher de ne pas oublier le principal.
1° Vous devez prévenir l'imprimeur que tous les n°s de pages mis en haut de chaque page ou au milieu de la page par votre dactylographe, ne comptent pas. La seule pagination c'est le n° mis par moi à la main en tête de chaque page. Quant au 1er placard de l'imprimeur, ne s'en occuper en rien ; le manuscrit, pour lequel le bon à tirer peut être donné sans épreuves, c'est la dactylographie de votre dactylographe mais avec mes ajoutés, ma pagination et, au début les premières pages de " Jalousie "
( qui naturellement ne s'appelle plus " Jalousie " ) Je crois que cela fera 2 volumes à paraître ensemble sous le titre "Sodome et Gomorrhe II ". Vous me direz où vous jugez qu'on doit, à peu près, faire la scission entre les 2 volumes. Je souhaiterais que ce fût au milieu d'un chapitre de manière à commencer le 2è volume de ce tome II par un : Deuxième chapitre Suite, comme dans La guerre et la Paix. Je voudrais bien si vous les avez encore sous la main, ajouter 1/2 phrase aux pages de papier écolier écrites par moi, ou deux " courrières " me parlent un peu à la façon de jeunes indiennes de Chateaubriand vers 245 je crois. Et aussi le passage dactylographié sur la visite que me fait Me de
Cambremer ( Tout cela est vers le commencement de ce que j'imagine devoir être le 2è volume ). Cela ne fera pas 3 lignes à ajouter en tout et cela demande 1/4 d'heure. - . Avant la page 400 il y a qq n°S de pages de sautés je crois ( par exemple 400 placé peut-être après 392). C'est une erreur de pagination de ma part. Il n'y a aucun " blanc " ni des points de suspension à mettre dans le livre. Cela s'enchaîne.
Je n'ose pas vous demander de faire imprimer aussi clair et aussi gros que la traduction espagnole que vous avez eu la gentillesse de m'envoyer et dont je vous remercie bien, ni aussi gros que Grasset. Pourtant un livre est fait pour être lu. Et de plus dans les éditions préparatoires à la collection complète vous avez déjà changé une fois de caractères, un des volumes étant illisible. Il me semble donc que vous ne dérangeriez aucune homogénéité typographique en prenant des caractères un peu plus gros. Pour le volume suivant ( Sodome III ) auquel je vais m'atteler, cela ne sera pas si grave. Car ce sera un volume bref et d'action dramatique. Mais pour celui-ci si long et si analytique encore il ne faut pas donner trop de fatigue au lecteur. Je vous laisse juge.
2° Comme Jacques Rivière ( qui me refuse toujours tout pour les autres, d'ailleurs très gentiment, et avec raison, car si nos goûts diffèrent parfois, il est juste que ce soit le directeur de la N.R.F. qui impose le sien, puisque ayant la responsabilité il doit avoir l'indépendance )
n'a pas voulu que j'écrive sur Léon Daudet craignant le ton lyrique ( il ne se trompait pas ), je vous demande éventuellement la permission de faire cet article dans la Revue de la Semaine.
Fayard ( que je ne connais pas mais qui a agi très délicatement avec moi ) me transmet une demande de traduction de Jalousie en italien et me laisse libre de répondre directement ( je vous communiquerai les documents ). Je n'ai répondu ni à Fayard ni à l'éditeur italien et j'attends votre sentiment. Le mien est qu'il m'est difficile d'écrire à l'éditeur italien que Jalousie n'est qu'un fragment mais que vous pourriez ( en en parlant par ex. avec Duvernois ) donner l'autorisation pour Sodome et Gomorrhe II, en disant que Jalousie est une partie qui ne se peut détacher, et faire vos conditions, en ne les faisant pas trop dures.
D'autre part, si vous n'y voyez pas d'inconvénient puisque c'est Jalousie qu'on demande et que peut'être Sodome et Gomorrhe II semblera un trop gros morceau et exigerait peut'être les livres précédents, vous pourriez traiter pour Jalousie seulement ( on donnerait un autre titre ). Je crois qu'il ne faut pas trop arrêter le vent qui en ce moment gonfle nos voiles et dont la N.R.F. ne peut que profiter. Voyez, Binet-Valmer qui avait à peine consacré qq lignes à Sodome I, a fait tout un article sur Jalousie. Morand me cite souvent des tentatives de me traduire qui échouent, ( dernièrement en Allemagne ) par les trop grandes exigences de la N.R.F. Si seulement cela n'allait pas contre l'intérêt du livre, j'aurais l'air de prêcher pour mon Saint. Mais je prêche pour toute l'Eglise, la N.R.F. entière qui n'a pas d'intérêt à être trop " petite chapelle ". L'inconvénient serait d'accueillir des oeuvres de qualité médiocre - on ne peut pas dire que cela n'ait été fait quelquefois. Mais un livre que la N.R.F. juge de bonne qualité ( excusez-moi de parler ainsi de mon livre ) pourquoi en empêcher la diffusion ?
Voulez-vous accuser réception pour moi à M. Monod ( je suis trop incertain d'avoir lu le nom pour écrire directement ) des 2 500 fr. qu'il m'a fait parvenir de votre part et dont je vous remercie. Je les ai d'ailleurs faits toucher aujourd'hui même.
Croyez mon cher Gaston à ma bien vive affection
Marcel Proust
Ne me répondez pas, sauf sur les points que vous jugerez utiles. blogs.mediapart.fr
Je ne réponds jamais à un journal. Je trouve cependant que Le Carnet de la Semaine ou Le Canard enchaîné, je ne sais plus lequel, passe un peu les bornes, en mettant Stylo Svan fabricant Marcel Proust ( à ses annonces ) et en publiant de fausses lettres de moi où censé démentir toute parenté avec un Capitaine Proust, accusé d'espionnage.
Il est exact que je n'ai aucune parenté avec lui. Mais j'ai jugé inutile d'en informer personne, mon frère et moi étant les 2 seuls membres de notre famille qui portent ce nom. Le prétendu démenti au Canard enchaîné est donc une pure invention de ce journal. Et je me demande si je n'ai pas tort d'être si débonnaire.
Ne mettez pas je vous prie Morand en cause au sujet des traductions. Car c'est un très bon ami pour nous deux et son avis ne part que de bons sentiments. Je vous écris si librement que je ne remplace pas les noms propres par des XXX mais je serais extrêmement contrarié que vous en fissiez usage. Un éditeur est un confesseur.
N'est-ce pas, c'est bien convenu, si la parution est impossible pour le 1er mai nous la remettons au 1er Octobre. Mais si on ne traîne pas, il y a tout le temps pour le 1er mai et de gds avantages.
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A Gaston Gallimard
Entre le 27 et le 30 décembre 1921
Mon cher Gaston
Je vous accuse réception et vous remercie de votre chèque de deux mille cinq cents francs reçu hier, ( mais je ne sais pas à quel mois il est imputable ). Mais ne prenez pas la peine de me répondre à ce sujet car je pourrais facilement trouver le renseignement
dans mes comptes. art.mygalerie.com
Croyez mon cher Gaston à mon affectueux attachement
Marcel Proust
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