dimanche 29 avril 2018

La femme d'un autre et le mari sous le lit 1 Fiodor Dostoïevski ( Nouvelle Russie )



    caillebotte
                                                          La femme d'un autre et le mari sous le lit

                                                                       Un événement extraordinaire
1 -
            - Permettez, cher monsieur, puis-je vous demander...
            Le passant sursauta et regarda d'un air assez effrayé le monsieur vêtu d'une pelisse de raton qui l'avait abordé ainsi sans ambages, à sept heures passées du soir, au beau milieu de la rue. Et l'on sait bien que si un monsieur de Pétersbourg se met soudain à adresser la parole à un autre monsieur qu'il ne connaît pas du tout, l'autre monsieur sera à coup sûr effrayé.
            Le passant sursauta et fut assez effrayé donc.
            - Excusez-moi de vous avoir alarmé, dit le monsieur au raton, mais je... A vrai dire, je ne sais pas... Vous voudrez bien m'excuser ; vous voyez que j'ai l'esprit un peu troublé...
            C'est à ce moment-là seulement que le jeune homme au paletot remarqua effectivement le trouble du monsieur au raton. Son visage ridé était assez blafard, sa voix tremblait, ses pensées s'égaraient, les mots ne lui venaient pas sur la langue et l'on voyait qu'il avait dû faire un effort terrible pour formuler cette humble requête à une personne de grade ou de condition inférieure à la sienne Et puis, finalement cette demande était en tout cas inconvenante, futile et bizarre de la part d'un homme qui avait une pelisse aussi considérable, un habit aussi respectable, d'une couleur vert sombre aussi merveilleuse, constellé de décorations aussi imposantes. On voyait que le monsieur au raton était lui-même troublé par tout cela, de sorte que finalement, le monsieur découragé, n'avait pas tenu le coup : il s'était décidé à faire taire son émotion et à glisser dignement sur la scène déplaisante qu'il avait lui-même provoquée.
            - Excusez-moi, je n'ai pas toute ma tête, mais il est vrai que vous ne me connaissez pas... Excusez-moi de vous avoir importuné ; j'ai changé d'avis.
             Il souleva alors par politesse son chapeau et fila plus loin.                        
             - Mais je vous en prie, de grâce...                                                    
             Le petit homme avait toutefois disparu dans l'obscurité, laissant le monsieur au paletot dans un état de stupeur.
             " Quel homme bizarre ! " songea le monsieur au paletot. Et puis, lorsqu'il eut amplement ressassé son étonnement et fut enfin sorti de sa stupeur, il retrouva la raison pour laquelle il se trouvait là et se mit à arpenter le trottoir en scrutant la porte d'une maison aux étages sans fin. Le brouillard commençait à tomber, ce qui réjouit passablement le jeune homme, car ainsi sa déambulation se remarquait moins, bien qu'il n'y eût d'ailleurs que le cocher qui était resté désespérément ici toute la journée, qui aurait pu le remarquer.
            - Excusez-moi !                                                                      
            Le passant sursauta de nouveau ; c'était encore et toujours le monsieur au raton qui se trouvait devant lui.
            - Excusez-moi d'avoir encore... dit-il, mais vous êtes... vous êtes certainement un homme plein de noblesse ! Ne me considérez pas sur le plan social. D'ailleurs je m'égare... Mais accordez-moi votre attention en tant qu'homme... Il y a devant vous un homme, monsieur, qui vous présente une humble requête...
            - Si cela m'est possible... Que désirez-vous ?
            - Vous avez peut-être songé que j'allais vous demander de l'argent ! dit le monsieur mystérieux qui tordait sa bouche en riant et en blêmissant de façon hystérique.
            - De grâce...
            - Non, je vois que je vous importune ! Excusez-moi, je ne peux me supporter moi-même ; considérez que vous me voyez dans un état de trouble, presque de folie, et n'allez pas en conclure je ne sais quoi...
            - Bon, au fait, au fait ! répondit le jeune homme en hochant la tête en signe d'approbation et d'impatience.
            - Ah ! Vous le prenez ainsi maintenant  ! Vous êtes un homme si jeune et vous me rappelez aux faits comme si j'étais un quelconque gamin mal léché ! J'ai décidément l'esprit sans dessus dessous !... Comment me percevez-vous maintenant dans mon humiliation, dites-le moi sincèrement?
            Le jeune homme fut embarrassé et se tut.
            - Permettez-moi de vous poser une question franchement : n'avez-vous pas vu une dame ? C'est tout ce que je vous demande ! finit par dire sur un ton résolu le monsieur à la pelisse de raton.
             - Une dame ?
             - Oui, une dame ?
             - J'en ai vues... Mais il en est passé beaucoup, je l'avoue...
             - Absolument, répondit l'homme mystérieux avec un sourire amer. Je m'égare ; ce n'est pas ce que je voulais vous demander, excusez-moi. Je voulais dire : n'avez-vous pas vu une dame avec un manteau de renard, une capeline de velours et un voile noir ?
             - Non, je n'ai vu personne de la sorte... Non, je n'ai rien remarqué, me semble-t-il.
            - Ah ! Dans ce cas, excusez-moi !
             Le jeune homme voulut demander quelque chose, mais le monsieur au raton avait de nouveau disparu, laissant une fois de plus son auditoire résigné dans un état de stupeur. " Que le diable l'emporte ! " songea le jeune homme au paletot, manifestement troublé.
             Il se couvrit le visage avec son castor et se remit à déambuler près de la porte de la maison aux étages sans fin, tout en restant prudent. Il était furieux.                                        
            " Pourquoi ne sort-elle pas ? songeait-il. Il est bientôt huit heures ! "
            Huit heures sonnèrent à une tour de ville.
            - Ah ! Que le diable vous emporte à la fin !
            - Excusez-moi !
            - Excusez-moi de vous avoir ainsi... Mais vous vous êtes bien retrouvé dans mes jambes au point de m'effrayer complètement, dit le passant en grimaçant et en s'excusant.
            - Je viens de nouveau vous voir. Je dois, bien entendu, vous paraître détraqué et bizarre.
            - Je vous en prie, pas de paroles superflues, expliquez-vous au plus vite ; je ne sais toujours pas ce que vous désirez...
            - Vous êtes pressé ? Voyez-vous cela ! Je vais tout vous dire franchement, sans paroles superflues. Que faire ? Les circonstances tissent parfois des liens entre des hommes de caractères complètement dissemblables... Mais je vois que vous êtes impatient, jeune homme. Voici donc... Je ne sais d'ailleurs comment vous le dire : je cherche une dame ( cette fois je me suis décidé à tout dire ). Je dois en fait savoir où est partie cette dame. Pour ce qui est de son identité, je pense que vous n'avez pas à connaître son nom, jeune homme.
            - Bon, bon, ensuite !
            - Ensuite : Mais sur quel ton le prenez-vous avec moi ! Excusez-moi, peut-être vous ai-je offensé en vous appelant jeune homme, mais je n'avais rien... Bref, accepteriez-vous de me rendre un immense service, car cette dame en question, je veux dire cette honnête femme, issue d'une excellente famille de mes amis... On m'a chargé de... Voyez-vous, moi-même je n'ai pas de famille...
            - Et alors ?
            - Comprenez ma situation, jeune homme ( ah ! encore ! Excusez-moi ! je vous appelle toujours jeune homme ). Chaque minute est précieuse... Imaginez-vous que cette dame... Mais ne pouvez-vous pas me dire qui habite cette maison ?
            - Mais... il y a beaucoup de gens ici.
            - Oui, en réalité vous avez tout à fait raison, répondit le monsieur au raton, qui ricana vaguement pour sauver les apparences, je sens que je m'égare un peu... Mais pourquoi un tel ton dans vos paroles ? Vous voyez que j'avoue avec franchise que je m'égare, et si vous êtes quelqu'un de hautain, vous avez suffisamment perçu mon humiliation... Je disais donc, un dame, de noble conduite, c'est-à-dire de contenu léger. Excusez-moi, je m'égare comme si je parlais de je ne sais quelle littérature. voilà, on est allé chercher que Paul de Kock avait un contenu léger, et tout le malheur vient de Paul de Kock, voilà...
            Le jeune homme regarda d'un air compatissant le monsieur au raton qui semblait s'être définitivement égaré. Celui-ci se tut, le regarda en souriant d'un air insensé, et d'une main tremblante, sans la moindre raison apparente, il le saisit par le revers de son paletot.
            - Vous me demandez qui habite ici, dit le jeune homme en reculant un peu.
            - Oui, mais il y a beaucoup de gens qui habitent ici, vous l'avez dit.
            - Ici, je sais que Sofia Ostafiévna habite ici également, dit le jeune homme en chuchotant et même avec une certaine commisération.
            - Eh bien vous voyez, vous voyez ! Savez-vous quelque chose jeune homme ?
            - Je vous assure que non, je ne sais rien... J'en jugeais d'après votre mine défaite.
            - J'ai tout de suite su par la cuisinière qu'elle venait ici ; mais vous êtes mal tombé, je veux dire pas chez Sofia Ostafievna... Elle ne la connaît pas...        
            - Ah bon ? Alors excusez-moi...
            - On voit que tout cela ne vous intéresse guère, jeune homme, dit avec une ironie amère le monsieur bizarre.
            - Écoutez ! dit le jeune homme perplexe, en fait, j'ignore la raison de votre état, mais on vous a sans doute induit en erreur, répondez-moi franchement ?
            Le jeune homme eut un sourire d'approbation.
            - Au moins, nous allons nous comprendre, ajouta-t-il, et tout son corps manifesta le désir magnanime d'amorcer l'esquisse d'une demi-révérence.
            - Vous m'accablez ! Mais je vous avoue franchement que c'est justement le cas... Mais à qui cela n'arrive-t-il pas !... Votre sympathie me touche profondément. Admettez qu'entre jeunes gens... Bien que je ne sois pas jeune, mais vous savez, l'habitude, une vie de célibataire, et entre célibataires, on sait bien que...
            - Bon, on sait, on sait ! Mais en quoi puis-je vous être utile ?
            - Voilà, admettez que rendre visite à Sofia Ostafievna... D'ailleurs je ne suis pas encore certain de l'endroit où s'est rendue cette dame ; je sais seulement qu'elle est dans cet immeuble. Mais en vous voyant déambuler de ce côté - moi-même déambulant de l'autre côté - j'ai pensé... Voyez-vous, j'attends cette dame... Je sais qu'elle est ici, mais je souhaiterais la rencontrer et lui expliquer à quel point il est inconvenant et odieux... Bref, vous me comprenez...
            - Hum ! Et alors ?
            - Ce n'est pas pour moi que je le fais ; n'allez pas croire je ne sais quoi : C'est la femme d'un autre ! Son mari est là-bas sur le pont Voznéssenski, il veut la surprendre, mais il ne s'y décide pas ; il ne veut pas le croire, comme tous les maris... ( là le monsieur au raton voulut sourire ), et je suis son ami. Reconnaissez que je suis un homme qui jouit d'un certain respect, je ne peux être celui pour qui vous me prenez.
            - Bien entendu. Et alors !
            - Alors j'essaye de l'attraper ; c'est la tâche qui m'a été confiée ( le malheureux mari ! ), mais je sais que c'est une jeune femme astucieuse ( Paul de Kock est éternellement sous son oreiller ). Je suis sûr qu'elle va se débrouiller pour filer sans qu'on la remarque... Je reconnais que la cuisinière m'a dit qu'elle venait ici, je me suis précipité comme un fou dès que je l'ai su ; je veux la surprendre. Il y a longtemps que j'avais des soupçons  et c'est pourquoi je voulais vous demander si vous veniez ici... Vous... Vous.. je ne sais...
            - Bon d'accord, que désirez-vous en définitive ?
            - Certes, je n'ai pas l'honneur de vous connaître, je n'aurai pas l'audace de m'immiscer dans le pourquoi et le comment... En tout cas, permettez-moi de me présenter ; enchanté !...
            Le monsieur tremblait en secouant chaleureusement la main du jeune homme.
            - J'aurais dû commencer par là, ajouta-t-il, mais j'ai oublié toute convenance.
            En parlant le monsieur au raton ne pouvait rester en place ; il regardait autour de lui d'un air anxieux, il trottinait et à chaque instant, tel un mourant, il s'agrippait au jeune homme avec sa main.
            - Voyez-vous, continua-t-il, je voulais m'adresser à vous amicalement... Excusez ma désinvolture. Je voulais obtenir de vous que vous marchiez de l'autre côté, depuis la ruelle où se trouve l'entrée de service, de cette façon en II, c'est-à-dire en décrivant la lettre II. Je vais moi aussi, pour ma part, marcher depuis l'entrée principale, de sorte que nous ne la manquerons pas. Étant seul, j'avais constamment peur de la manquer. Je ne veux pas la manquer. Dès que vous la verrez arrêtez-la et criez dans ma direction...Mais je suis fou ! Ce n'est que maintenant que je vois toute la stupidité et  l'inconvenance de ma proposition !
            - Mais non ! De grâce !
            - Ne m'excusez pas. Je suis bouleversé, je suis éperdu comme jamais je ne l'ai été ! Comme si on m'avait traîné en justice. Je vous avoue même et je serai noble et franc avec vous, jeune homme, que je vous ai pris pour son amant !
            - Autrement dit, vous voulez tout bonnement savoir ce que je fais ici ?
            - Noble individu et cher monsieur, loin de moi l'idée que vous c'est " lui ". Je ne vous compromettrai pas avec cette pensée, mais... Mais me donnez-vous votre parole d'honneur que vous n'êtes pas l'amant ?
            - C'est bon, si vous le souhaitez, je vous donne ma parole d'honneur que je suis l'amant mais pas celui de votre femme, sinon je ne serais pas dans la rue à l'heure qu'il est, mais avec elle !
            - Ma femme ? Qui vous a parlé de ma femme, jeune homme? Je suis célibataire, je suis moi-même un amant...
            - Vous disiez qu'il y avait un mari là-bas, sur le pont Voznéssenski...
            - Bien sûr, bien sûr, je me laisse aller. Mais d'autres liens existent, et admettez jeune homme, une certaine légèreté des caractères, je veux dire...
            - Bon, bon ! Ça va, ça va !
            - Je veux dire que je ne suis absolument pas le mari...
            - Je n'en doute pas. Mais je vous dis franchement qu'en portant maintenant ce fait à votre connaissance, je veux me tranquilliser moi-même et c'est pour cela, en réalité que je suis franc avec vous ; vous m'avez déconcerté et vous me gênez. Je vous promets que je vous appellerai. Mais je vous prie humblement de me laisser la place et de déguerpir. Moi aussi j'attends.
            - Permettez, permettez, je déguerpis, je respecte l'impétuosité passionnée de votre coeur. Je la comprends jeune homme. Ô ! comme je vous comprends maintenant !
            - Bon, bon...
            - Au revoir !... D'ailleurs, excusez-moi jeune homme, j'ai encore quelque chose à vous... Je ne sais comment dire... Donnez-moi une fois encore votre noble parole d'honneur que vous n'êtes pas son amant !
            - Ah ! Dieu du ciel.
            - Encore une question, la dernière : vous connaissez le nom du mari de votre... c'est-à-dire de celle qui est l'objet de votre coeur ?
             - Oui, évidemment ; ce n'est pas votre nom, et l'affaire est entendue.
             - Comment connaissez-vous mon nom ?
             - Écoutez, filez ! Vous perdez votre temps ; elle aura eu mille fois le temps de partir... Eh bien! que faites-vous ? La vôtre a un manteau de renard et une capeline, n'est-ce pas ; la mienne un imperméable à carreaux et un chapeau de velours bleu... Que vous faut-il encore ? Quoi de plus ?
             - Un chapeau de velours bleu ! Elle a aussi un imperméable à carreaux et un chapeau bleu, s'écria l'individu intempestif qui était à l'instant revenu sur ses pas.
             - Ah ! que le diable vous emporte ! Mais enfin cela peut arriver... Et puis quoi, la mienne ne vient pas ici !
             - Et où est-elle la vôtre ?
             - Vous avez envie de le savoir ? Qu'est-ce que cela peut vous faire ?
             - J'avoue que c'est toujours à propos de...
             - Pouah ! mon Dieu. Mais vous n'éprouvez pas la moindre honte ! La mienne a des amis ici, au deuxième étage sur rue. Eh bien quoi ? Faut-il encore vous décliner le nom de ces gens, hein ?
        *     - Mon Dieu ! Moi aussi j'ai des amis au deuxième étage, avec des fenêtres sur rue... Le général...
             - Un général ?!
             - Un général, oui. Sans doute vous dirai-je de quel général il s'agit : eh bien il s'agit du général Polovitsyne !
             - Sapristi ! Non, ce ne sont pas les mêmes ! ( Ah ! que le diable l'emporte ! Que le diable l'emporte ! )
             - Pas les mêmes ?
             - Non, ce ne sont pas les mêmes.
             Tous les deux se taisaient et se regardaient l'un l'autre d'un air perplexe.
             - Eh bien ! qu'avez-vous à me regarder ainsi ? s'écria le jeune homme en gommant de dépit sa stupeur et sa perplexité.
             Le monsieur s'agita.
             - Je... J'avoue que...
             - Non, permettez cette fois, permettez ! Maintenant nous allons parler plus intelligemment. L'affaire est commune. Expliquez-moi... Quels sont les gens que vous connaissez ici ?...
             - Vous voulez dire quels amis ?
             - Oui, vos amis...
             - Vous voyez, vous voyez ! je vois bien dans votre regard que j'ai deviné !
             - Que le diable vous emporte ! Mais non, à la fin, non ! Que le diable vous emporte ! Vous êtes aveugle, ou quoi ? Je suis ici, devant vous : Je ne me trouve pas avec elle quand même. Hein ! Eh bien ? Et puis peu importe, d'ailleurs : parlez ou ne parlez pas !
            Furieux le jeune homme se retourna deux fois sur ses talons et fit un geste du bras.
            - Mais cela n'a pas d'importance, je vous en prie ! Ayant une âme noble, je vais tout vous raconter : au début cette épouse venait ici seule ; elle fait partie de leur famille ; je n'avais pas de soupçons. Hier je rencontre son Excellence, il me dit qu'il a déménagé d'ici depuis trois semaines pour aller dans un autre appartement, et ma fem... Je veux dire, non pas femme, mais la femme de l'autre ( celui du pont Voznéssenski ), cette dame disait qu'elle avait été chez eux l'avant-veille encore, c'est-à-dire dans cet appartement... Et la cuisinière m'a dit que l'appartement de Son Excellence était loué par un jeune homme, un certain Bobynitsyne...
* *           - Ah ! que le diable vous emporte ! que le diable vous emporte !
            - Cher monsieur, je suis effaré, atterré !
            - Hé ! que le diable vous emporte ! Qu'est-ce que cela peut me faire que vous soyez effaré et atterré ? Ah ! Là-bas, il y a quelque chose là-bas...
            - Où ? Où ? Vous n'avez qu'à crier : Ivan Andréiévitch ! et j'accours...
            - Bien, bien. Ah ! que le diable vous emporte, que le diable vous emporte ! Ivan Andréiévitch !!
            - Je suis là, cria Ivan Andréiévitch qui revint tout essoufflé. Eh bien quoi ? Hein ? Où est-elle ?
            - Non, c'était juste comme cela...Je voulais savoir comment s'appelle cette dame ?
            - Glaf...
            - Glafira ?
            - Non, pas exactement Glafira... Excusez-moi, je ne peux vous révéler son nom. En disant cela, l'homme respectable était blanc comme un linge.
            - Oui, bien sûr, ce n'est pas Glafira. Mais au fait, avec qui se trouve-t-elle ?
            - Où ?
            - Là-bas ! Ah ! que le diable vous emporte, que le diable vous emporte ! ( De rage le jeune homme ne pouvait rester en place.)
            - Vous voyez ! Comment donc saviez-vous qu'elle s'appelait Glafira ?
            - Ah ! que le diable vous emporte à la fin ! Il n'y a que des tracas avec vous ! Vous dites pourtant que la vôtre ne s'appelle pas Glafira !...
             - Quel ton, cher monsieur !
             - Ah ! que diable... Il s'agit bien de ton ! Cette épouse, c'est la vôtre, oui ou non?
             - Non ! je ne suis pas marié vous dis-je... Mais moi je n'aurais pas prédit le malheur à un homme respectable, un homme, je ne dirai pas digne d'un minimum de respect, mais du moins un homme bien élevé, en l'envoyant au diable à chaque pas. Vous dites sans cesse : que le diable vous emporte ! que le diable vous emporte !
            - Eh bien oui, que le diable vous emporte ! C'est pour vous, en effet. Comprenez-vous ?
            - Vous êtes aveuglé par la colère, et moi je me tais. Mon Dieu, qui est-ce ?
            - Où ?
            Du bruit et des rires retentirent...


*    matisse femme au chapeau bleu
**  picasso femme au chapeau
°    manet morisot                                                                                  à suivre

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