dimanche 29 avril 2018

Mémoires d'un estomac racontées par lui-même 2 Sydney Whithin ( Roman Angleterre )

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                                                Mémoires d'un estomac
                                                     
                                                        Suite.......

                                              Légende de la Cornemuse

            " L'un des anciens Rois du Nord quitta un jour son palais scandinave pour une expédition lointaine et avec une bande d'aventuriers choisis. Il fit voile pour la côte d'Ecosse. Son voyage fut prospère. Il débarqua sans encombre, se dirigeant tout droit vers un certain grand village d'où il envoya ses ordres et se donna tous les airs d'un Monarque naturel du sol. Les malheureux aborigènes s'efforcèrent de le calmer plutôt que de le repousser, et celui-ci, après avoir levé force tributs en bestiaux, en peaux d'animaux et en une sorte d'esprit que les premiers habitants de cette contrée appelaient " Weiss Keigh ", se disposa à retourner dans son pays.
            Je dois ici remarquer que non seulement le Monarque était le représentant d'un peuple puissant, inquiet et maraudeur, mais qu'il était continuellement doué de plusieurs talents, entre autres, de la connaissance de l'alchimie et de la magie. Par son art il pouvait changer des objets inanimés en êtres animés et, quand il avait besoin d'un coursier de guerre ou d'un vaisseau, il recourait à ses incantations.
            Comme il était sur le point de retourner dans son royaume chargé de dépouilles, un picte aussi téméraire que brave, indigné de la soumission apathique avec laquelle ce conquérant pirate avait été accueilli, résolut de prendre, comme l'on dit, la Loi dans ses mains et d'essayer de tuer cet intrus.
            S'armant d'une grosse pierre qu'il plaça dans une fronde faite de peau de bouc il attendit près du rivage l'arrivée de l'ennemi de son pays et, sollicitant une entrevue, il fut introduit en sa royale présence. Se dressant alors de toute sa hauteur il s'écria :
            - Pourquoi, ô Monarque du Maëlstrom et de l'Iceberg, viens-tu lever des taxes impies sur un peuple inoffensif ? Mais Thor et Odin, que tu sers, ont permis à ce bras de venger mon pays, et ta dernière heure, homme téméraire, est arrivée !
            Il dit, et la fronde, rapide comme l'éclair, décrivit une évolution dans l'air et, avec la force de la foudre, elle descendit sur le trône, vide, du Monarque.
            Oui, le Roi Nécromancien avait disparu et, ses courtisans se précipitant sur cet homme dévoué et malheureux l'entraînèrent dans un appartement intérieur pour y être jugé.
            Là siégeait le terrible Roi du Nord, aussi calme et impassible que si rien n'était arrivé, méditant quel châtiment il infligerait à celui qui voulait être son meurtrier. Enfin, fronçant son sourcil ténébreux, il lui dit :
            - Sache, ô homme, que tu dois mourir ! Il est écrit dans le livre des destins que, si jamais je pardonne au misérable qui attente à ma vie, les calamités de toutes sortes visiteront mon peuple, et les portiques du Valhalla me seront fermés pour toujours. Donc, tu dois mourir ! J'aurais pu pardonner à ton dessein insensé en l'honneur de ton patriotisme, mais le destin me le défend et, par Igdrasil, ( à ce serment terrible la terre trembla ), je le jure, tu mourras ! Tout ce que je puis faire pour atténuer ta juste punition, est de rendre ta mort douce et facile. Au lieu de t'envoyer à la chambre des tortures où tes cris de douleur charmeraient les oreilles des cruelles Euménides. Leur fureur doit cependant être apaisée et les clameurs d'angoisse que j'épargne à ton agonie doivent être à jamais perpétuées sous une autre forme dans la terre que tu habites. C'est assez. J'ai prononcé l'arrêt des destins et ton sort est fixé.
            A ces mots, avant que le captif terrifié ait pu prononcer une seule parole, l'Enchanteur lui jette une poudre à la face, les spectres de la mort s'assemblent autour de lui, et il tombe sur le sol, cadavre inanimé.
            L'austère arbitre de son sort le regarde quelque temps en silence, puis s'écrie en accents où perce presque la pitié :                                                                              lejournaltoulousain.fr
            - Qu'on l'enterre là où les corlieus volent en cercle dans les airs, où la mouette fait entendre son chant funèbre, et où l'océan murmure son éternel requiem pour les trépassés. Mais avant tout, rendez-moi l'estomac de cet homme afin que je l'offre en sacrifice aux furies, comme je l'ai promis, et que l'esprit du défunt puisse reposer en paix.                                       
            A cet ordre, le principal de la bande ouvrit avec son sabre le cadavre du picte et, en ayant soigneusement extrait l'estomac avec le tuyau qui y conduit, autrement dit l'oesophage, il le déposa sur la terre, au pied du Nécromancien, pendant que d'autres serviteurs emportaient le corps pour l'enterrer sur le rivage. La scène à ce moment fut véritablement touchante et pleine de grandeur. Le Roi Magicien était assis, baguette en main et, à ses pieds gisaient les organes digestifs du défunt. Enfin il prononça quelques mots étranges et, traçant de sa main royale des hiéroglyphiques dans l'air, il s'écria à haute voix :
            - Change de forme, ô objet qui fus d'un si puissant usage à ce peu d'argile, lorsque la vie l'animait, et que sur ton tube il y ait des clefs et des touches, et que dans ta cavité il y ait de l'air, et que les habitants de cette contrée acquièrent l'art de t'employer comme instrument de musique, et que les sons soient aussi perçants que les cris d'un homme torturé, afin que les Euménides soient apaisées, et que l'on t'appelle dorénavant " pipeau-sac " ( Cornemuse ), pour que mes paroles reçoivent à la lettre leur entier accomplissement.
            Il dit et ses compagnons émerveillés ramassèrent sur le sol le premier instrument de ce nom qu'ait vu l'Ecosse. Bientôt un naturel du pays l'ayant trouvé, et s'étant mis à en jouer, ils se précipitèrent tous vers leurs vaisseaux, en se bouchant les oreilles, et ne mirent plus jamais les pieds sur le rivage d'Alben. "

            Je reviens aux événements de mon aventureuse existence. Le temps s'écoulait et le moment était venu de me mettre à l'école. On m'envoya à un établissement public. Là, je dois l'avouer, je gagnai rapidement bonne humeur et santé, car le régime strict, la régularité des repas et la discipline générale auxquels je fus soumis firent bientôt disparaître les traces d'une indigestion préliminaire de
riche gâteau de pudding et autres objets malfaisants emballés pour mon usage dans une malle dont, il faut le dire, la clef, pendant les premiers jours, grinçait dans la serrure environ toutes les deux heures. Ces provisions étant bien vite épuisées je commençai tout de bon la vie d'école.
            Une fois, il m'en souvient, pendant les heures consacrées au jeu, j'entendis une grande rumeur parmi les jeunes gens lorsque, tout à coup, je reçus une telle bourrade que je crus franchement être . chassé de la cage osseuse qui m'enserre. Je découvris que cet incident était dû à un échange poli de coups entre deux garçons, un ancien et un nouveau, qu'on avait mis aux prises pour essayer la force du second, afin de lui assigner sa place propre dans l'échelle proportionnelle du pugilisme. J'avoue que je détestais cordialement ces engagements-là, mais toute souffrance était préférable aux angoisses d'une surcharge ou d'une indigestion. Au reste, il faut dire, à l'honneur de ces gamins, qu'il était reconnu déloyal parmi eux de me choisir comme le lieu de l'attaque. Au contraire la tête et les côtes étaient plus généralement favorisées des attentions courtoises de ces messieurs. Loi très équitable et qui reçut mon entière approbation.
            A l'occasion, les plus grands s'échappaient de l'enceinte du collège pour acheter toutes sortes d'abominations, quoique je fusse bien aise, de temps en temps, d'une petite addition à la carte de nos repas ordinaires.
            Dans une circonstance particulière, le comique et le tragique combinés marquèrent si étrangement un incident que l'habitude a depuis dépouillé pour moi de sa nouveauté, qu'il convient de le raconter avant d'aller plus loin.                                                                                   zazzle.ca
Résultat de recherche d'images pour "pipeau sac"            Le jour était tombé, la cloche avait sonné la retraite et l'appel à la prière lorsque, au milieu du tumulte des écoliers courant à leurs places respectives, je me sentis enlever, aussi vite qu'une paire de jeunes jambes pouvaient me porter, bien au-delà du territoire scolaire. J'eus bientôt la conscience qu'une épreuve d'une sorte ou d'une autre m'était réservée.
            Au lieu de me trouver, comme d'ordinaire, dans une boutique de pâtissier, une certaine odeur
marine, comme de vieux poissons, m'embarrassa extraordinairement. Et j'attendais l'éclaircissement de ce mystère au milieu de sensations que seul peut éprouver un estomac dans l'incertitude pénible de ce qui va lui arriver et de ce qu'il va recevoir, surtout lorsqu'il est livré à la merci d'un écolier affamé et sans scrupules.
            On ne me tint pas longtemps en suspens et je n'oublierai jamais les impressions de ce moment.
             Tout à coup descend en clapotant, c'est le mot, dans mon intérieur étonné, une petite masse mucilagineuse, d'une saveur saumâtre, où la vie semblait palpiter encore.
            Grands Dieux ! Je crois qu'il n'avait pas eu le temps de régler ses affaires !
            L'ensemble était accompagné d'un fluide d'une extrême acidité et de particules de poivre noir chaud et piquant. En vérité, jamais de ma vie je ne fus aussi complètement abasourdi.
            Je tournai et retournai ce merveilleux composé, et ne savais que faire de l'informe petit monstre. Avant qu'il me fût possible de donner issue au flot d'invectives que l'indignation soulevait en moi, un autre, puis un autre se glissèrent sans cérémonie, et à la suite vint, gargouillant et écumant, un torrent d'une sorte de liquide, couleur jus de réglisse, appelé Porter !
            Alors, un horrible soupçon traversa mon esprit. Un instant je me demandai si ces substances particulières, salées et mollasses, qui m'avaient inspiré tant d'horreur, n'étaient pas les yeux de ces pauvres brasseurs employés dans l'Etablissement bien connu sous la raison " Nux vomica et Cie ".
Cette idée terrible paraissait être, jusqu'à un certain point, corroborée par le goût saumâtre auquel j'ai déjà fait allusion et que j'attribuais naturellement à la saveur spéciale des larmes de ces malheureux.
La poudre, il est vrai, rendait douteuse l'exactitude de mes suppositions mais, avec mes ressources exquises d'imagination, je le considérais comme un rejaillissement à la face de ces hommes, d'une portion de cette poudre malfaisante que leur maître s'était efforcé de jeter aux yeux du public, lorsqu'il s'amusait à soutenir que sa bière était " génuine ".
            Mon attention, toutefois, fut bientôt distraite par un autre cataracte de la liqueur noire, et quand l'argent sonna sur le comptoir, le nom de cet extraordinaire petit étranger, qui n'avait pas été le bienvenu, je vous assure, vint pour la première fois frapper mon oreille et le mot HUÎTRE fut ineffaçablement gravé dans ma mémoire.
            Depuis ce temps j'ai eu mainte occasion de recevoir ces créatures avec une extrême courtoisie sous toutes les formes et dans toutes les circonstances, à l'écaille, cuites à l'étuve, au beurre, grillées, avec barbes et sans barbes, etc. Mais pour un estomac jeune et ingénu, comme je l'étais alors, l'huître crue, assaisonnée légèrement de vinaigre fort et de poivre noir, et arrosée d'un fluide semi-opaque, pour la faire descendre, présentera toujours un ensemble gastronomique propre à fixer agréablement ses souvenirs, prouvant une fois de plus combien est mince la partition qui sépare le sublime du ridicule.   saveur-biere.com
Résultat de recherche d'images pour "bière favorite d'homer simpson"            L"expérience m'a appris, depuis, qu'il est d'usage dans la bonne société de commencer le dîner par quelques huîtres pour aiguiser l'appétit., et cela ne m'a nullement surpris, car tout estomac ayant tant soit peu la conscience de la dignité de sa position, comme membre scientifique d'un corps merveilleux, est si curieux d'analyser ce remarquable mollusque dès que celui-ci arrive à sa destination intérieure qu'il secrète, incontinent, une plus grande quantité de l'acide gastrique qu'il n'est absolument nécessaire pour l'épreuve, et l'excédent devient pour l'appétit un stimulant additionnel.
            Pendant mon travail d'analyse je découvris que cette agglomération de matière, en apparence inorganique, possède une très importante structure ayant une bouche, des lèvres prolongées, de branchies, un foie, des muscles, des intestins et, par-dessus tout, un coeur dans lequel peuvent reposer, à ce que nous sachions, des affections douces, et les plus gracieux instincts.
            Dans tous les cas la femelle peut produire environ 1 200 000 oeufs, si petits qu'un million de ces oeufs tiendraient dans un espace d'un pouce carré, en sorte que si les facultés affectives sont tant soit peu dépendantes de la fécondité, l'Huître doit prétendre à une rare distinction sur ce point. Leur sensibilité est telle qu'on les a vues fermer leurs valves sous l'ombre d'un bateau qui passait au-dessus d'elles. Conséquemment il ne serait pas téméraire de supposer qu'elles sentent vivement leur cruelle position lorsqu'un couteau sans pitié les ouvre violemment, quand elles sont arrachées de leurs demeures, et brutalement jetées dans la puissante solution que je tiens toujours prête pour mes victimes.
            On se demandera, naturellement, si ces délicats petits animaux ont été uniquement destinés à chatouiller les appétits gastronomiques de l'homme ?
            - Héliogabale était-il né pour les huîtres, ou les huîtres pour Héliogabale ? Je croirais volontiers que la nature les a appelées à un plus noble rôle que celui de contribuer aux plaisirs de la table, même d'une table romaine dans tout son luxe. Car la géologie nous apprend que les immenses bancs formés par les huîtres constituent une des plus puissantes barrières aux envahissements de la mer sur la terre ferme. Ces animaux voulant ainsi, sans doute, se réserver l'usage exclusif de leur propre élément. Cet égoïsme légitime, au reste, nous est très utile, et certaines personnes ne croiraient pas, en considérant une huître isolée, que l'agglomération des individus de cette espèce crée à la longue une sorte de brise-mer sous-marin.                                               madame.lefigaro.fr
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            Les huîtres vivent ensemble dans une république plus heureuse que celle de Thomas Morus, remplissant les devoirs de la vie avec mesure et énergie, nous donnant l'exemple des vertus conjugales, accumulant un capital commun en bijoux plus précieux que l'or, et faisant même de ces maladies particulières à vie marine une source incalculable de richesses pour le genre humain.
            Je ne sais si les beaux messieurs et les belles dames qui étaient leur luxe dans le Hay Market, ce grand marché pour la vente de tous les articles appartenant à la famille des mollusques, je ne sais s'ils ont jamais réfléchi sur tous ces titres à notre considération, et si, lorsque les tendres entrailles du pauvre bivalve palpitant étaient soudainement exposées à leur vue, ils les avalaient au moins avec des sentiments de bienveillante sympathie.
           - Hélas ! pour l'honneur de l'humaine nature, je crains bien qu'il n'en soit rien. Toutefois en voilà assez pour ma première expérience de l'huître, production animale chez laquelle, soit dit en finissant, la nature semble avoir interverti la manière ordinaire de mourir. Car elle ne vit que dans son lit, et meurt presque toujours dehors.



                                                                                   à suivre.............

            M'étant étendu sur l'idiosyncrasie.............

       

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