vendredi 27 avril 2018

Mémoires d'un estomac racontés par lui-même - extraits - Sidney Whiting ( Roman Angleterre )

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                                          Mémoires d'un estomac
                           écrits par lui-même pour le bénéfice de tous ceux
                                         qui mangent et qui lisent
                                          
                                         D'après une édition parue en 1874

                             Préface

            Ces derniers temps, un ou deux phallus, dont celui d'un célèbre marquis, ont pris la parole, et un futur bambin nous a expédié de sa matrice quelques réflexions sur le monde. Habituellement tout quidam, vous, moi, se contente de parler au nom de son cerveau, reptilien ou non.
            Le foie n'est plus en crise depuis l'invention des produits allégés, notre rate doit trop souvent se contenter de ses dimensions naturelles, quant aux boyaux, à peine si leur existence nous est rappelée......... Où en est Mr Gaster ? En ces temps des Trois M, Minceur, Mise en forme et Musculation, il n'émet que quelques borborygmes lorsque le régime se fait trop sévère.
            Pourtant, si l'on prend le temps de s'y arrêter on s'étonne de la place que l'estomac, organe apparemment dépourvu de noblesse, tient dans notre imaginaire. Bien accroché il peut aussi se dilater vers le bas jusqu'à occuper la partie la plus inférieure de notre corps.....................
            Ainsi débute la présentation du livre par Monique Lebailly dans une édition de 1991.

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                                              Mémoires d'un estomac

                       Il est rare qu'un estomac affamé méprise les plats ordinaires
            ( Oh ! que mon estomac n'est-il long d'une encablure, et que chaque pouce de
            sa surface n'est-il un palais ! )

            Je passerai rapidement sur les jours de ma première enfance, mais je dois déclarer que je suis de bonne lignée, car je tiens du côté maternel aux célèbres Sternums, de Eaton Hall, émigrés depuis à Eaton-Moore, et, du côté de mon père, je date mon origine d'une époque très reculée, celle de la première invasion des Saxons, quand le sir Hughes Stomach fut créé baron en récompense de l'énorme quantité de boeuf qu'il était capable de digérer. Depuis ce temps une certaine portion de l'animal a été nommée d'après lui.
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                                                                                                                      culturebox.francetvinfo.fr
Résultat de recherche d'images pour "peinture estomac"            De ma pauvre mère je dirai peu de choses : elle était d'une humeur douce, conciliante et nullement adaptée à la société de son mari. Celui-ci, je suis obligé de l'avouer, doué d'une nature robuste et grossière, était incapable d'apprécier l'excellente aménité de sa compagne.
            Cette union était en vérité mal assortie, sous beaucoup de rapports.
            Trois mois environ après avoir donné naissance à un héritier, dans la personne de l'auteur, ma vénérable mère alla rejoindre les estomacs d'une autre sphère, et fut enterrée ( je veux dire ses restes )
dans le mausolée de famille. Sur sa tombe fut gravé ce simple et touchant épitaphe impromptu que composa mon père :
                                  Ma digne femme au monstre terrifique
                                          A payé le dernier tribut ;
                                        L'infortunée ! Elle mourut 
                                      Par défaut de suc gastrique !

            Je ne puis, bien entendu, me rappeler cet événement, mais je sais que je fus livré à une nourrice avant le sevrage, et que ce changement fut très préjudiciable à ma santé et à mon bien-être. La délicieuse nourriture d'une saveur amygdaline et d'un goût si suave, que me prodiguait le sein de ma pauvre mère, fit place à une sorte de lait Londinien. Les docteurs lui dirent de boire du Porter. Elle en buvait et, par-dessus le marché tout autre espèce de liqueur qu'on pouvait se procurer au cabaret. Le pire en cette affaire, c'est que je n'avais aucun redresseur de mes griefs. J'avais soin, toutefois, de faire participer tout le monde à mon dégoût, en excitant mes voisins, les bras et les jambes, à une variété de mouvements et de contorsions. Quant à la petite voix qui habitait en haut, je lui suggérais des cris si aigus et si perçants, que chacun dans la maison en vint à détester cordialement le petit corps dont j'étais le centre. Quoiqu'il en soit, je souffris terriblement pour mon défaut de patience, car, parfois, lorsque les angoisses de la faim me forçaient de prendre ce qui se présentait pour me rafraîchir, j'entendais mes bonnes amies les lèvres se débattre contre quelque mélange amer avec lequel les pauvrettes étaient obligées de se mettre en contact.
            Ces cris étaient le prélude infaillible d'une saveur horrible qui, en descendant, m'apportait autant d'étonnement que de trouble. Mais je découvris bientôt, quand la nourrice trouvait suffisante l'administration de ses dons généreux, qu'elle réprimait en moi tout désir d'en avoir davantage, au moyen d'un certain fiel, connu de la sollicitude maternelle, qui me retournait presque sens dessus dessous.
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Résultat de recherche d'images pour "estomac peinture"            Après avoir enduré cette malheureuse existence pendant quelque temps, l'heureuse période de mon changement de nourriture arriva enfin.
            Je remplirais un volume des surprises extraordinaires qui m'attendaient à chaque nouveau composé alimentaire qui sollicitait mon attention, et que j'étais, bon gré mal gré, obligé de digérer de mon mieux dans l'intérêt du système en général.
            Je me souviens, entre autres, que la bouillie m'embarrassa extrêmement. Les innocentes personnes qui me servaient s'imaginaient, je pense, qu'elles me donnaient de la farine de froment. De la farine, grands dieux !
            Quand je vins à essayer cette substance à l'aide de ma puissante machine d'analyse, machine si énergique que je pourrais dissoudre un morceau de marbre et vous dire de quoi il est composé, quand je vins, dis-je, à en faire l'épreuve, par un acide fort que je possède, je trouvai qu'il n'y avait pas plus de 20 °/de farine dans toute la composition, le reste étant un mélange d'amidon commun, d'os pulvérisé, de fécule de pommes de terre, et souvent de plâtre de Paris.
           Je dois dire qu'il y avait une sorte d'officier surveillant, appelé  Palais qui m'a toujours accompagné dans la vie, dont le devoir était de goûter chaque particule de la nourriture destinée à ma consommation, et de la rejeter s'il la désapprouver. La vigilance de ce personnage toutefois, me fut d'un faible secours contre les stratagèmes auxquels on recourait pour nous tromper tous deux. La conséquence fut qu'il tomba très souvent dans un état de sensibilité morbide, ne distinguant plus le bon du mauvais et qu'au lieu de me garder contre le mal, il m'y précipita.
            A l'occasion, alors que je me reposais tranquillement, après le rude travail consécutif à un bon repas, ou quand j'étais activement occupé à distribuer l'élément nutritif à tout ce qui m'environne, je me trouvais subitement arraché à mon sommeil, ou à mes fonctions, suivant le cas, par la descente rapide de composés dont la nature m'était totalement inconnue et qui, parfois, soulevaient en moi un tel dégoût, que je devenais rétif, et me refusais tout net à cet injuste appel fait à ma puissance d'assimilation et à ma bonne volonté à obliger.
            Mais j'étais généralement bien puni de cette résistance , et je n'oublierai jamais qu'un jour, ayant repoussé et littéralement mis à la porte un abominable mélange de sucre, de craie et de mélasse, jamais, dis-je, je n'oublierai la sensation éprouvée lorsque, après une courte conversation préliminaire entre ma garde et un médecin, mon malheureux intérieur fut inondé par une noire cascade d'une si horrible nature qu'il me sembla que les eaux du Phlégéton avaient été remuées pour m'être administrées pour mon bénéfice personnel.
            Je pensais, en vérité, que c'en était fait de moi. Et, ce qui aggrava mes souffrances, ce fut la crainte de rejeter ce poison nauséeux, accident qui m'aurait probablement soumis à une répétition de la dose. Aussi je supportai ce mal aussi bien que je pus et pris tout spécialement soin de donner à mes voisins une idée substantielle, et non simplement théorique, de mes douleurs.
            Je date de ce moment une série de petites vexations d'une nature      vraiment " protéique ", et c'était en vérité risible d'entendre frictionner de prétendus rhumatismes, de voir appliquer des cataplasmes et autres épithèmes à des ulcères rebelles, de voir recommander toutes sortes d'eaux minérales pour des maladies cutanées, et même pratiquer des opérations sur des membres malades, quand j'étais seul la cause de tout cela.
Résultat de recherche d'images pour "dionysos picasso"  *          Si les gardes-malades et les docteurs m'avaient seulement permis, pendant mes premières indispositions de rester dans un repos parfait, me fournissant, à des intervalles réguliers, une nourriture légère et suffisante, ne me donnant, de fait, rien ou peu de chose à faire, au-delà d'une agréable récréation, j'aurais jeté mes pieds reconnaissants sur mon sofa bien rembourré et, après un instant de sommeil, je me serais réveillé rafraîchi et tout aurait bien été. Mais un système de médecine, une fois commencé impliquait la nécessité de le continuer, et on s'imaginera mieux que je ne le pourrais décrire ce que j'éprouvais quand j'entendais prescrire pour moi certaines drogues que je savais devoir ultérieurement miner et détériorer ma constitution.                                                                                                     
            Il conviendra de donner ici une description brève et familière de ma mission dans la vie et, comme je désire que tous ceux qui mangent puissent me lire je me servirai le moins possible de ces locutions techniques ou anatomiques qui ne seraient comprises que de mes plus grands ennemis, la tourbe des médecins praticiens.
            Mon apparence personnelle, je dois l'avouer, ne prévient point en ma faveur, car je ressemble, pour la forme, à une cornemuse écossaise, étant moi-même le sac, et l'oesophage le tuyau de l'instrument.
            J'ai souvent désiré qu'il y ait plus de touches, surtout quand la gloutonnerie se mêle de le faire fonctionner. Il en serait probablement ainsi si je pouvais produire des sons semblables à ceux de la cornemuse calédonienne, sons si terribles, que les braves Highlanders, dit-on, pour y échapper, se précipitent au combat.
            La nature donne originellement une structure intérieure à peu près parfaite à tous les individus de mon espèce, mais elle accorda une très grande influence à une faculté présidant aux opérations de l'esprit, et appelé " raison ". En considération de l'élévation de l'homme au-dessus des autres créatures, elle établit comme une règle absolue que l'homme, par l'usage de la faculté sus-nommée, régnerait sur ses propres destinées.
            Or cette disposition paraît être très sage, car si la nature avait voulu faire de l'homme une simple machine d'un jeu parfait, elle aurait sans doute pu le faire. Mais, en lui assignant certaines facultés élevées et en lui donnant un pouvoir discrétionnaire, elle en a fait un agent libre, et lui permet de développer ces nuances et ces particularités de caractère qui nous montrent en lui un animal remarquable, et si digne d'être étudié.
            Donc, comme je l'ai dit plus haut, quoique ma forme matérielle ait été merveilleusement adaptée aux fonctions auxquelles je suis destiné, beaucoup a pourtant été laissé aux décisions de cette même raison, et le mépris de ses préceptes est la cause qui a produit un grand nombre des maux corporels qui affligent les habitants de notre planète.

            Mes principales fonctions étaient celles-ci :
            Recevoir d'abord, avec la courtoisie et la politesse convenables, tous les aliments qui m'arrivaient en traversant une antichambre, ou passage, nommé Oesophage et, bien qu'il y eût, comme je l'ai déjà dit, un officier nommé Palais, aidé d'un subordonné ayant nom Odorat, stationné à l'entrée pour mettre un embargo sur les importations malfaisantes, cependant, généralement parlant, je recevais gracieusement ce que les Dieux m'envoyaient et procédais de suite à l'accomplissement de mes devoirs divers. Sitôt la nourriture arrivée dans mon enceinte et touchait la surface muqueuse je sécrétais, par la vigueur des couches adjacentes de mes parois, un acte si énergique qu'il réduisait le tout en une sorte de pulpe et que des matériaux les plus étranges et les plus disparates je formais, avec l'assistance de mes coopérateurs inférieurs, un demi fluide laiteux, nommé chyle, fluide d'une si grande valeur qu'à peine formé tout un corps de porteurs, les vaisseaux lactés, l'emportaient en toute hâte pour fertiliser le sol.                                                                                          lewebpedagogique.com
Résultat de recherche d'images pour "dionysos picasso"            Or, supposez un seul instant ce qui arriverait si vous, aimable  lecteur, aviez envoyé un certain nombre de vos serviteurs remplir leurs seaux à une source d'eau pure, pour arroser votre jardin et si, au lieu d'eau limpide, ils ne trouvaient qu'un composé semblable aux eaux de la Tamise que le Times appelle " une fosse en ébullition ". Pareille chose arrivait souvent à ces vaisseaux lactés. On les avait destinés à distribuer un chyle pur et salubre dans toutes les parties du corps et ils se trouvaient en présence de si horribles mixtures dues à la gloutonnerie et à la surcharge, que j'étais obligé d'user de toute mon influence personnelle pour les décider à remplir la tâche qui leur était imposée.
            Mais ne croyez pas un seul instant que la nature ait été assez parcimonieuse pour ne me fournir qu'un seul moyen de décomposer les substances, oh ! non.
            Outre l'acide elle m'avait aussi pourvu d'un alcali présent dans le suc pancréatique aussi bien que dans la bile, de sorte qu'il n'y avait guère de chance, pour un passager quelconque, de pouvoir s'échapper, d'autant plus que, lorsque l'acide ne parvenait pas " à lui faire son affaire ", un puissant alcali était appelé en réquisition et ce dernier me débarrassait de toutes les substances grasses avec lesquelles le suc gastrique n'avait rien à démêler. Les matières que ni l'un ni l'autre de ces puissances auxiliaires ne pouvaient dissoudre, on les envoyait promener d'une manière ou d'une autre. Je me trouvais donc pourvu par la nature contre toutes les éventualités, et les choses se passaient ainsi :
je dissolvais les aliments ordinaires comme il a été dit mais, quand des substances m'arrivaient, dont ni l'un ni l'autre de mes agents acides ou alcalins ne pouvaient venir à bout, nous les passions à un autre district et, une fois entre les mains du tendre surveillant qui y préside, leur sort était digne de pitié.
            Lorsque j'éprouvais un violent dégoût pour quelque substance suspecte, par un violent effort musculaire, je la chassais, comme un vagabond et un intrus.
             J'avais, bien évidemment, ma méthode pour commencer et accomplir mes nombreux devoirs.
             Je pourrais, si cela était nécessaire, expliquer comment par la contraction de mon muscle propre, par la fermentation partielle, par la dissolution, par l'endosmose, mais surtout par mon suc gastrique agissant comme menstrue, j'accomplissais la tâche difficile de soutenir le corps tout entier, et de lui donner toute son énergie et sa vigueur. Indépendamment de ces ressources j'avais, dans toute les directions des messagers fidèles et, entre moi et cet individu, M. Cerveau, était établie une double série de fils électriques. Grâce à leur aide je pouvais, avec toute la facilité et la rapidité possibles, lui communiquer les incidents de la journée, à mesure qu'ils se présentaient, en même temps que lui, de son côté, me pouvait informer de ses sensations et de ses impressions.
            Souvent, quand il avait reçu de mauvaises nouvelles, je refusais de digérer par pure sympathie. Et quand, à l'occasion, je devenais morose et refusais de travailler, lui aussi devenait irritable et pétulant.
            Relativement à ma ressemblance avec une cornemuse écossaise, il existe dans les archives de ma famille un vieux manuscrit écrit en caractères anglais gothiques. Il prétend rendre compte de la similitude particulière de nos formes. Comme la légende est courte et qu'elle a entièrement trait au sujet de ces mémoires, je la transcris ici.

*      lenversdelacaverne.unblog.ft

                                                                           Sydney Whiting

                                                          à suivre.............

                                     Légende de la Cornemuse

            L'un...........................
         
           

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