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Correspondance 1945-1959
Rencontre sur une plage en Algérie. Immédiatement accepté par Camus et ses amis, le jeune homme farouche inconnu en 1941 alors que Camus est déjà l'auteur quoique ignoré du jeune intellectuel italien visiblement de gauche. Dès leur première conversation une amitié profonde lie les deux hommes. Mais la guerre les sépare, Chiaromonte part aux États-Unis où il vit chichement de textes et de critiques littéraires. De retour à Paris, Camus s'interroge beaucoup, c'est l'heure de la publication du Mythe de Sisyphe. Chiaromonte, antifasciste, se décrit un étranger " épris de France ".
L'échange de lettres est un rappel de la vie intellectuelle française, du moins celle autour de Merleau-Ponty, peu apprécié de l'intellectuel italien pour diverses raisons de même que Sartre conférencier à New York, des années 40 / 60. Camus travaille beaucoup, l'esprit en alerte, des livres, des articles, directeur de collection chez Gallimard, journaliste à Combat. Il demande à son ami de lui signaler les livres, les auteurs dont on parle en Amérique, et Chiaromonte s'offusque de ce que la France apprécie tant le NewYorker et Runyon, qui pourtant correspondent si bien à l'esprit américain, néanmoins il signale un écrivain, Henry Miller. Camus demande les livres malgré les difficultés d'expédition, et alors que lui-même a déjà publié ses " trois absurdes - L'Etranger, le Mythe de Sisyphe et Caligula qui exploraient le domaine de l'absurde et le nihilisme........ " A New York Chiaromonte se marie, les difficultés financières seront durant toutes les années suivantes un frein à sa créativité. Camus est marié à Francine bientôt parents d'une fille et d'un garçon " en une seule fois ". Et Nicola et sa femme envoient des colis de tous les produits introuvables en cette fin de guerre, les amis " un paquet de livres est l'envoi qui me cause le plus d'émotion..... " Camus, après un séjour aux EtatsUnis notamment à Cape Code, écrit à son ami le 27 août 1946 "..... Francine et moi sommes venus passer le mois d'août..... près de la mer en Vendée...... J'ai travaillé comme un forçat pendant un mois, faisant seulement du cheval le soir. Et je viens de terminer La Peste. Mais je suis si loin de trouver ce livre bon que je doute de le laisser publier. A quoi bon faire partager à d'autres ma déception qui est profonde...... " Puis les deux amis abordent les sujets profonds qui leur tiennent à cœur et Chiaromonte cite Caffi ".... Pour notre époque qui glisse vertigineusement vers la barbarie, le choix des valeurs intellectuelles dans l'héritage confus de quelque trente siècles de civilisation est une affaire d'importance........ la confusion des modes, des mentalités, des " formes " est arrivée à l'ultime degré de malfaçon. Si l'intelligence n'arrive pas déblayer le terrain...... autant vaudrait qu'elle renonçât à se mêler de la condition humaine....... " 14 novembre 1946. Pour Paris Camus réclame des articles sur le NewYorker et les " best-sellers ", nouveauté en France. Puis " Ces temps derniers je m'étais replongé dans La peste que j'ai reprise et refaite en partie. Maintenant je ne puis plus supporter le livre. Et je le donne cette semaine à l'éditeur, un peu comme on se débarrasse de ce qui vous dégoûte..... " Plus tard Camus parle un peu, très peu de ses mises en scène, adaptation de Faulkner. Pudiques les deux hommes abordent avec délicatesse la déliquescence de leur couple, Francine surtout malade et Camus s'occupe de ses enfants, et toujours de politique. Les liens entre les deux hommes sont forts, Revenu à Rome Chiaromonte s'occupe de la traduction des livres de Camus, parfois trop fidèle à l'original doit être revue. Les dernières années Camus avoue sa lassitude, se sent vide, il connaît la vie d'homme engagé mais aussi d'homme public, redoutée cette dernière. Enfin le philosophe qui n'avait plus guère écrit après ses nouvelles de l'Exil et le Royaume commence un nouvel ouvrage, souvenirs de son enfance, Le Premier Homme. Livre inachevé que sa fille Catherine publie quelques années plus tard. Camus est mort en janvier 1960 quelques mois après avoir reçu le prix Nobel. Livre précieux, les événements de l'époque, les personnalités, de Gaulle entre autres, l'Algérie, la vie sociale tout porte à réflexions et les deux philosophes partagent leur vision assez désespérée. Très bonne lecture.
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