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Le Paresseux
Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.
Là, sans me soucier des guerres d'Italie,
Du comte Palatin, ni de sa royauté,
Je consacre un bel hymne à cette oisiveté
Où mon âme en langueur est comme ensevelie.
Je trouve ce plaisir si doux et si charmant,
Que je crois que les biens me viendront en dormant,
Puisque je vois déjà s'enfler ma bedaine,
Et hais tant le travail, que les yeux entrouverts,
Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine
Ai-je pu me résoudre à t'écrire ces vers. twitter.com
Marc-Antoine de Saint-Amant - 1631 -
( 1594 - 1661 )
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Le Fromage maisoncario.fr
Assis sur le bord d'un chantier
Avec des gens de mon mestier,
C'est-à-dire avec une trouppe
Qui ne jure que par la couppe,
Je m'escrie, en laschant un rot :
Beny soit l'excellent Bilot !
Il nous a donné d'un fromage
A qui l'on doit bien rendre hommage.
Ô Dieu ! Quel manger précieux !
Quel goust rare et délicieux !
Qu'au prix de luy ma fantaisie
Incague la saincte ambroisie !
Ô doux cottignac de Baccus !
Fromage, que tu vaux d'escus !
Je veux que ta seule mémoire
Me provoque à jamais à boire.
A genoux, enfans debauchez,
Chers confidents de mes pecherz
Sus ! qu'à plein gosier on s'escrie :
Beny soit le terroir de Brie !
Beny soit son plaisant aspect !
Qu'on n'en parle qu'avec respect !
Que ses fertiles pasturages
Soient à jamais exempts d'orages !
Que Flore, avec ses beaux atours,
Exerçant mille amoureux tours focus-cuisine.com
Sur une immortelle verdure,
Malgré la barbare froidure
Au visage morne et glacé,
Y tienne à jamais enlacé
Entre ses bras plue blancs qu'albastre
Le gay Printemps, qui l'idolastre !
Que, comme autrefois Apollon
Délaisse torche et violon,
Et s'en vienne dans ces prairies,
Dans ces grandes plaines fleuries,
Garder, en guise de vacher,
Un troupeau qui nous est si cher,
Et dont la mamelle féconde
Fournit de laict à tout le monde.
Mais je veux l'encharger aussi
Qu'il en plus de soucy,
S'il faut qu'un jour il s'y remette,
Qu'il ne fit de celui d'Admette,
Lors que le patron des mattois
Portant cinq crocs au lieu de doits
Qui faisoient le saut de la carpe,
Joua sur ses boeufs de la harpe,
Et le laissa sous un ormeau
Fluster son soul d'un chalumeau,
Que jadis l'amoureux martyre
Fit entonner au grand satyre.
On dit que, quand il fut duppé
Il estait si fort occuppé
Dans une douce rêverie,
Qu'il n'en vit point la tromperie
Chose estrange ! à mon jugement,
De convaincre d'aveuglement
Celuy dont la vertu premiere
Ne consiste qu'en la lumiere !
Tout beau, Muse, tu vas trop haut,
Ce n'est pas là ce qu'il nous faut :
Je veux que ton stile se change
Pour achever cette louange.
Encore un coup donc, compagnons,
Du beau Denys les vrais mignons,
Sus ! Qu'à plein gosier on s'escrie :
Beny soit le terroir de Brie !
Pont-l'Evesque, arrière de nous !
Auvergne et Milan, cachez-vous !
C'est luy seulement qui merite
Qu'en or sa gloire soit escrite ; fr.123rf.com
Je dis en or avec raison,
Puis qu'il fera comparaison
De ce fromage que j'honore
A ce metal que l'homme adore :
Il est aussi jaune que luy ;
Toutefois, ce n'est pas d'ennuy,
Car si tost que le doigt le presse,
Il rit et se creve de gresse.
Ô ! combien sa propriete
Est necessaire à la santé !
Et qu'il a de vertus puissantes
Pour les personnes languissantes :
Rien n'est de si confortatif ;
C'est le meilleur preservatif
Qu'en ce temps malade et funeste
On puisse avoir contre la peste.
Mais cependant que je discours,
Ces goinfres-ci briffent tousjours,
Et voudroient qu'il me prist envie
De babiller toute ma vie.
Hola ! gourmands, attendez-moy !
Pensez-vous qu'un manger de roy
Se doive traiter de la sorte ?
Que vostre appetit vous emporte !
Chaque morceau vaut un ducat,
Voire six verre de muscat,
Et vos dents n'auront point de honte
D'en avoir fait si peu de conte. imagesdubeaudumonde.com
Bilot, qui m'en avois muny,
Hé ! pourquoi n'est-il infiny
Tout aussi bien en sa matiere
Qu'il l'estoit en sa forme entière ?
Pourquoy, tousjours s'apetissant,
De lune devient-il croissant ?
Et pourquoy si bas sous la nue,
S'eclipse-t-il à notre veue ?
Respons, toy qui fais le devin
Crois-tu qu'un manger si divin,
Vienne d'une vache ordinaire ?
Non, non, c'est chose imaginaire.
Quant à moy, je croy qu'il soit fait
De la quintessence du lait
Qu'on tira d'Yo transformée,
Qui fut d'un Dieu la bien-aymée.
Garçons, pour vous en assurer,
Je ne craindray pas d'en jurer,
Puisque sans contredit je trouve
Que sa vieillesse me le prouve.
Ô doux cotignac de Baccus !
Fromage, que tu vaux d'escus !
Je veux que ta seule mémoire
Me provoque à jamais à boire.
Marc-Antoine de Saint-Amant
( 1594 - 1661 )
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