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16 Janvier 1665
Levé puis à Whitehall avec sir William Batten et sir William Penn. Nous eûmes affaire avec le Duc. Puis à la Grand-Salle de Westminster où je déambulai et rencontrai, entre autres, Ned Pickering. Il me dit que milord déploie en mer une grande activité, et que milord Hinchingbrook est à présent à Rome et passe, dit-on, pour être un gentilhomme fort noble et prometteur. Puis chez Mr Povey où il y eut un fort bon dîner, abondant et soigné comme toujours chez lui, et où je vis Creed. Mais j'ai passé tout le repas à me torturer à l'idée qu'il me harcelerait à nouveau après dîner de ses questions sur ma lettre de change. Il n'en fit rien mais entreprit un autre sujet de conversation, à mon grand soulagement. Je fus tout de même tourmenté ce matin en voyant Creed par certaines questions détournées sur un point similaire, ce qui m'a fait craindre qu'il n'eût à l'esprit cette affaire-là en particulier, mais il n'en est rien à ce que je vois. Ensuite visite chez milady Sandwich, puis à une séance de la commission de Tanger. Présents une vaste compagnie, de nouveaux membres, des lords qui, fort empressés à servir milord Belayse, réclament impérieusement les comptes de Povey. Mais quelle affliction de voir le peu de discernement avec lequel il répond aux questions et à son désavantage. Cependant je conçois l'embarras où je suis à cause de cette lettre de change de 100 livres et quelques. Si grande est l'affliction où me jette la peur, encore que l'affaire au pis aller, supporterait l'enquête. Milord Berkeley s'emporta vivement contre Povey, mais milord Ashley qui, ma foi, fait preuve d'une grande clarté en matière de comptes, exposa et examina l'affaire avec le plus grand talent. Nous nous quittâmes renvoyant la question à une commission dont je suis. Povey, Creed et moi-même l'esprit toujours tourmenté, restâmes à discuter. J'ajoute que cela ne concerne que moi et que je n'ai guère lieu de me faire du souci, mais c'est chose si terrible que la peur. Ayant réfléchi sur la manière de mettre les choses en ordre, nous marchâmes, Povey et moi, jusqu'à la nouvelle Bourse. Nous nous quittâmes et je pris une voiture pour rentrer chez moi. Un moment à mon bureau, puis souper et, au lit. Cet après-midi le secrétaire Benner lut ses missives au duc d'York. Il était écrit qu'Allin avait rencontré à Cadix la flotte hollandaise de Smyrne, dont il avait envoyé un navire par le fond et capturé trois autres. Le temps confirmera ou non ceci, et dira quels sont ces navires. Voilà néanmoins de bonnes nouvelles, d'autant que la perte de nos bâtiments est mise en doute à Cadix et à Malaga. Dieu fasse qu'elle n'ait pas eu lieu ! Nous nous quittâmes et je pris une voiture pour rentrer chez moi. Un moment à mon bureau, puis souper et, au lit.
17 janvier
Levé et sur rendez-vous chez Mr Povey où je retrouvai Creed, occupés à mettre les choses au point pour la commission. De là chez milord Ashley, où ce fut merveille de voir Povey se ridiculiser, avec une sottise qui dépasse les limites du supportable, à tel point qu'on se demande s'il est un sot ou un gredin. Nous nous séparâmes tous mécontents et confiâmes le règlement de l'affaire aux soins de Mr Sherxin et de quelques autres. Ce fut en tout cas, semble-t-il, fort étonnant de me voir siéger en commission le chef couvert, alors que Mr Sherwin avait, tel un simple commis, retiré son couvre-chef par respect pour lord Ashley et les autres, Dieu merci je ne m'en crois pas tant soit peu meilleur. Puis Creed et moi à la Bourse et au café, puis dîner à la maison où nous nous régalâmes de deux bons faisans, et nous gaussâmes de la sottise de Povey. Aussitôt après à mon bureau jusque très tard. Puis après un court moment passé chez sir William Batten, avec qui je suis grand ami et pourrais, si je le souhaite, le demeurer, revins à mon bureau jusque fort tard. Retour chez moi où j'entrepris de ranger certains de mes livres puis, au lit. Le temps s'adoucit tout à faite et, j'en ai la conviction, ce sera bientôt le dégel.
18 janvier
Levé puis chez mon libraire à qui je donnai des instructions concernant la réfection de la reliure d'un grand nombre de mes vieux livres, afin d'avoir, dans un bref délai, toute une bibliothèque assortie. De là chez milady Sandwich qui m'a fait mander ce matin. Dîner avec elle. Elle avait pour dessein de faire convoyer par moyen sûr, une lettre à remettre à milord à Portsmouth, ce que j'acceptai. Milady entreprit alors de dire ce qu'elle avait entendu au sujet de Creed : qu'il était un fanatique, un hypocrite. Je lui répondis qu'à mon sens il ne se trouvait pas de plus matois que lui dans toute l'Angleterre, nul dont je puisse davantage craindre qu'il soit le premier à me duper en toutes choses, à quoi elle acquiesça Puis me rendis chez Mr Povey, comme entendu et nous travaillâmes jusque très tard aux comptes Beale Creed et moi pour éclaircir la comptabilité de Povey. Je n'avais encore jamais, de ma vie vu ni ne souhaite revoir de pareils comptes. A une heure avancée de la nuit, après qu'ils furent partis je le convainquis d'extraire de ses livres de comptes celles de nos sommes qui ne sont encore qu'in posse ( pas encore perçues ) ce qu'il approuva après que je lui eus dit, mais qu'il n'aurait jamais retranchées si je n'eusse été là. Rentré chez moi à neuf heures du soir, soupai, contrarié et affligé d'un mal de tête et, eu lit.
19 janvier pinterest.fr
Levé. Depuis hier c'est le grand dégel et guère temps à sortir à pieds dans les rues. Ai donc pris une voiture et me suis rendu chez Mr Povey, et là, tous réunis, nous nous somme derechef accordés sur la réponse aux lords. Puis allâmes à Exeter House où entendîmes le flot de paroles emportées que milord Peterborough adressa à Mr Povey, contre qui milord est fort en colère parce que le premier, sot qu'il est, prétend, sans démordre que ces 26 000 £ relèvent des comptes de milord Peterborough et que lui-même ne veut point en entendre parler. Les lords trouvèrent aussi à redire à notre réponse et je crois qu'en fait milord Ashley serait par trop heureux de n'avoir point affaire à l'Echiquier, tant que nos comptes ne supporteront pas l'examen. Raccompagné chez moi en voiture par milord Berkeley qui, à l'entendre, bien qu'il fasse parade de justice et de dévouement, conçoit contre Mr Coventry de l'inimitié. Chez moi, dîner puis à mon bureau tout l'après-midi et la soirée, puis souper et, au lit. Pour mémoire -- Ce jour, ainsi qu'hier, c'est dû je crois à un changement de température, j'éprouve une vive douleur qui ne ressemble guère à celle que je connais. D'habitude je peux à peine aller à la selle, là, au contraire, je suis contraint d'évacuer ce qui me fait mal. Me voilà si ensommeillé que je peux à peine ouvrir l'œil ou tenir ma plume, et me voici forcé d'interrompre la narration de cette journée plus tôt que je ne le souhaite et ne le dois.Aujourd'hui on a enterré, mais je n'ai pu en être, mon cousin Percival Angier. Hier me parvint la nouvelle de la mort du docteur Tom Pepys à Impington, et je n'en eus guère de chagrin, non seulement parce qu'il nous aurait importunés, mais surtout parce qu'il faisait honte à sa famille et aux gens de sa profession, tant il était sot.
20 janvier
Levé puis à Westminster où, ayant discuté avec sir Philip Warwick je me rends chez Jervas. Je trouve tout un chacun sens dessus dessous à cause de Jane, sa maîtresse m'ayant confié en secret qu'elle avait fait serment de ne rien dire, mais que Jane était une fille perdue. Enfin, bien qu'elle m'eût juré de se taire, elle me raconta que Jane avait promis sa personne à un gaillard qui vient chez eux et dont le seul gagne-pain est de faire le violoneux, qu'elle le fréquentait et lui avait confié qu'elle était sa promise et n'irait jamais avec qui que ce fût d'autre. Or ils s'efforçaient en ce moment précis de la convaincre d'épouser un certain Hayes qui se trouvait chez eux. Je fis donc mine de l'en persuader, et m'arrangeai pour qu'on me laissât la conseiller en privé, si bien qu'ainsi je pus jouir de sa compagnie et, je crois, nous allons nous revoir dimanche prochain. Mais je crains à la vérité qu'elle coure à sa perte en épousant ce gaillard. Il n'empêche que je lui ai donné mon avis et que je la laisse juger selon son cœur du moment que je peux jouir de sa compagnie de temps à autre. Au Cygne à midi, ai commandé quelques victuailles, dîné et ai pris un baiser de la fille de la maison, mais guère plus. Ensuite en voiture chez milady Sandwich, puis chez mon relieur d'où j'ai rapporté le livre de Hooke sur la microscopie, qui est remarquable et dont je suis très fier. Chez moi, ressortis bientôt avec ma femme pour diverses affaires. Nous nous retrouvâmes à la nouvelle Bourse et là nous avons la déception d'apprendre que notre jolie Doll est partie habiter chez son père, à la campagne, à ce qu'on dit, mais je crains pis. Sur le chemin du retour ai acheté un lièvre et l'ai emporté chez moi, suite à ma conversation aujourd'hui avec Mr Batten dans la Grand-Salle de Westminster. Il m'a montré mon erreur, à savoir que la patte de lièvre que j'ai n'a plus son articulation. Il m'a assuré que depuis qu'il en portait une sur lui ses coliques avaient cessé pour de bon. Quelle chose étrange que la manière dont agit l'imagination car, je n'avais pas plus tôt pris en main sa patte de lièvre que mon ventre se relâcha et eus des vents, alors que je souffrais hier et avant-hier et redoutais d'autres douleurs aujourd'hui, je me suis soudain senti beaucoup mieux et l'effet dure encore. A mon bureau quelque temps, puis souper, lus, jouai aux cartes et, au lit.
21 janvier 1665
A mon bureau toute la matinée. De là Mr Brouncker me conduisit en voiture chez Mr Povey où je dînai en compagnie de Mr Sherwin, Creed et les autres, et nous travaillâmes aux comptes. Ils partirent après dîner et Mr Povey me conduisit à Somerset House et me fit admirer le salon et le cabinet de la reine-mère, mobilier et tableaux magnifiques, puis nous descendîmes les imposants degrés de pierre qui mènent aux jardins et essayâmes le magnifique écho que renvoie l'escalier, qui prolonge la voix si longtemps qu'à chanter les trois notes d'un accord, l'une après l'autre, elles résonnent à la fin en harmonie toutes trois ensemble, longuement et fort plaisamment. Ensuite à une séance de la commission de Tanger à Whitehall, où je ne vis rien qui me semblât fait avec le moindre jugement, mais avec feu, passion, esprit de sédition de la part de milord Belasyse à l'encontre de milord Teviot et au mépris des précédentes conclusions. Repartis, Mr Povey me raccompagnant chez moi jusqu'à Marklane. Il fait désormais à mes yeux de parfait incapable en matière de comptes, ce qui est à son plus grand déshonneur, car seul un triple sot se laisse percer à jour, mais fort habile cependant dans les petites affaires insignifiantes. Mais dans les grandes c'est l'homme le plus ignorant que j'aie jamais rencontré et à qui on ait confié une si grande tâche. A mon bureau jusqu'à plus de minuit, puis chez moi souper et, au lit. En parfaite santé à présent ce que, en vérité, qu'imputer à ma nouvelle patte de lièvre. < Avant de me coucher j'ai veillé jusqu'à 2 heures du matin dans ma chambre pour lire les observations faites au microscope par Mr Hooke, le livre le plus brillant que j'aie jamais lu. >
22 janvier Jour du Seigneur Levé, ma femme encore couchée souffrant de ses menstrues, et me suis rendu à l'église. De retour chez moi dînai fort plaisamment dans la chambre de ma femme. Nous avons discuté, entre autres matières, du dessein que j'avais formé ce matin à l'église d'unir par le mariage Miss Betty Pickering et mon ami Hill, ce marchand mélomane qui me rend visite certains dimanches, homme de talent, de tempérament amène et fort accompli. Je ne sais si leurs destinées s'accordent, mais leurs tournures d'esprit et leurs mérites se concilient, et bien que par leurs personnes très différentes ils sont, ma foi, bien plaisants l'un et l'autre. Après dîner, à pied jusqu'à Westminster, passai un moment dans l'abbaye où on chantait fort bien un bel anthem, puis comme convenu, me suis rendu au pied de la trompette de l'orgue pour attendre Jane Welch. Mais voici qu'arrive une servante de sa maison qui me fait dire que ses maîtres lui ont refusé la permission de sortir, non point parce qu'ils me savaient ici, mais afin de la tenir à l'écart de son galant. Ainsi vaincu je repris une voiture pour rentrer chez moi où je passai une soirée agréable à discourir avec ma femme et Mercer. Souper, prières et, au lit.
23 janvier
Levé et à Whitehall en compagnie de sir William Penn et sir William Batten. où nous apprîmes que le Duc s'était retiré dans ses appartements de St James pour de bon, la Duchesse étant en couches. Nous l'y rejoignîmes et procédâmes à nos affaires habituelles. Là, j'appris deux grandes nouvelles confirmées de la bouche même du Duc par une lettre du capitaine Allin : la première que nous avons perdu deux navires dans la baie de Gibraltar. La seconde, que son bâtiment et sept autres ont livré bataille dans la baie de Cadix, ou du moins les parages, à 34 navires hollandais de Smyrne. Ont envoyé par le fond le King Solomon, qui valait bien, au bas mot, 150 000 £, voire 200 000, ainsi qu'un autre, et capturé trois navires marchands. Deux de nos bâtiments furent désemparés, les Hollandais s'étant malheureusement attaqués à eux sans que cela fût tout d'abord leur dessein.......
pinterest.frLes capitaines hollandais firent un usage restreint de leurs bouches à feu. Le capitaine Allin reçut maints coups de canon tirés de loin avant de mettre à feu un seul des siens. Il s'en garda avant que d'être à portée de pistolet de l'ennemi. Les Espagnols, sur le rivage de Cadix, riaient haut et fort de voir les Hollandais s'enfuir et regagner la côte, environ 34 navires contre 8 anglais tout au plus. J'ai dans l'idée de m'en faire dire les circonstances complètes par le capitaine Allin, si Dieu nous prête vie. S'agissant de la perte de nos navires dans la baie de Gibraltar, il faut observer que les commentaires vont bon train parmi les gens du Nonsuch, qui avait perdu de la même manière le Satisfaction, comme poursuivi par la mauvaise fortune, d'autant que toute sa flotte s'était échouée. Le capitaine Allin avait pris la tête et, écrit-il lui-même, chaque commandant de vaisseau, jeune ou vieux, se méprit et échoua son navire. Mais je crois me ressouvenir que, aux dires du Duc, Moon à qui on a confié l'Oxford a retrouvé un certain crédit dans cette affaire après avoir capturé un navire et coulé un autre.... Puis chez Jervas, l'esprit un peu trop entiché, Dieu me pardonne, de sa fille, mais comme elle n'y était point, pris une voiture pour la Bourse et rentrai dîner chez moi. Trouvai après dîner Mrs Bagwell à la porte de mon bureau et nous allâmes, elle et moi, dans un cabaret où nous sommes déjà allés. Ai pu jouir là de sa compagnie toute l'après-dîner et ai pris mon plein plaisir d'elle. Mais c'est chose curieuse que de voir une femme, qui pourtant fait grande profession d'aimer son mari et fait montre de religion, se donner pour vaincue de la sorte. Me rendis ensuite au conseil de la Compagnie de Turquie chez sir Andrew Riccard, pour discuter le projet de transporter quelques-uns de nos hommes à Tanger. Je fus fort aimablement reçu, mais l'entreprise fut rejetée, parce qu'impraticable, à ce qu'on en juge et c'est aussi mon avis. A mon bureau quelque temps, mais toujours enclin à en finir avec mon plaisir aujourd'hui afin de me consacrer ensuite à mes affaires, je pris une voiture pour retourner chez Jervas, croyant y avoir rencontré Jane, mais elle n'était pas dedans. Si bien que je revins derechef à mon bureau où à ma grande satisfaction je pus faire le vœu de me consacrer à mon seul travail et de laisser aller les femmes pendant un mois. Je me réjouis de tout cœur d'avoir eu le courage d'une telle résolution, de manière à me consacrer à mes affaires qui sont en souffrance, et mon honneur avec. Rentré souper et, au lit.
24 janvier
Levé, en voiture au palais de Westminster et au Parlement. Discutai affaires avec Mr Coventry et d'autres. Retour à la Bourse, mais n'appris guère davantage, si ce n'est que les Hollandais ont, avec le consensus de toutes les Provinces, voté la suspension de tout commerce pendant 18 mois, et leur engagement sans réserve dans la guerre. A ce qu'on dit c'est une information sûre, mais fort étrange, car nous avons lieu de croire ici qu'ils ne peuvent subsister sans le soutien du commerce. Rentrai dîner, puis à mon bureau tout l'après-midi jusque très tard le soir, puis chez moi, souper et, au lit, affligé d'un vilain rhume attrapé dimanche lorsque je suis resté trop longtemps assis tête nue, pendant que Mercer m'a nettoyé les oreilles et coiffé.
25 janvier
Levé et fort affairé toute la matinée. Dîné chez moi d'un pâté de lièvre, délicieux. Derechef à mon bureau, puis l'après-midi au conseil de Whitehall, mais suis arrivé trop tard. Rentré alors avec Mr Gifford le marchand, et nous allons au café où je rencontre Mr Hill. Il m'annonce qu'il sera nommé adjoint auprès du secrétaire du bureau des prises ( sir Ellis Leighton ) qui tiendra des séances chez sir Richard Ford. C'est, me semble-t-il, bien peu de chose, mais il y trouvera peut-être grand avantage. Mais voilà qui me conduit à revoir l'opinion que j'avais de lui, le croyant riche au point d'être un bon parti pour la fille de Mr Pickering. De là chez moi et rendis visite à sir John Mennes, toujours souffrant mais il y a un léger mieux. Il me raconte que sir Ellis Leighton a eu jadis le cerveau fort dérangé, et l'a toujours, et qu'un jour, à Anvers il fut saisi d'un véritable accès de folie. A mon bureau très tard, embarrassé par ce rhume et les testicules meurtries en essayant de me faire une petite place dans une voiture. Pourvu que la douleur cesse et qu'ils n'enflent pas. Rentré chez moi en triste état, souper et, au lit.
26 janvier
Resté au lit souffrant quelque peu, mais point trop, de ma meurtrissure d'hier. Levé tout de même et à mon bureau où j'ai travaillé toute la matinée ainsi que l'après-midi fort tard, puis rentré, souper et, au lit. Ma femme a une vilaine rage de dents et mon rhume n'est toujours pas terminé, ma douleur d'hier disparaît, occasionnée surtout, à ce que je crois maintenant, par un redoux soudain du temps qui est brutalement passé du gel à de fortes pluies.
27 janvier
Revéillé par Mr Creed qui me rend visite au sujet d'une de nos affaires de Tanger. Lui parti je me prépare et voilà que Jane Welsh, servante de Mr Jervas, vient m'annoncer qu'elle a quitté son maître et qu'elle est résolue à rester avec son galant, Harbing, petit homme de piètre allure et sans un sou vaillant. J'ai essayé en quelques mots de l'en dissuader, peu désireux de la voir s'attarder chez moi je la renvoyai puis lui emboitai le pas jusqu'à la Bourse et de là la menai à l'auberge des Trois Grues, d'où nous prîmes le coche d'eau jusqu'à l'appontement du Faucon. Arrivés là, à travers champs jusqu'à une maison où nous nous arrêtâmes afin de converser une heure ou deux, moi faisant ce que je voudrais quant à la toucher mais elle ne voulut point laisser me faire d'autre chose, bien que je fisse tout ce que je pouvais afin de la pousser à me le laisser. Mais j'en fis assez pour faire grand plaisir à moi-même. Puis entrepris de la convaincre de penser à son bonheur en acceptant de faire son temps chez son maître, entre autres conseils. Elle me répondit qu'elle ne le pouvait point, car sa destinée voulait qu'elle prît cet homme bien qu'elle sût qu'elle courait à sa perte. C'est ma foi une idée bien étrange et sotte que de prendre ce bougre qui n'a pas la moindre once de mérite, et un mendiant par-dessus le marché. De là retour par coche, la déposai de nouveau aux Trois Grues, puis m'en fus au Pont et chez moi. Me suis changé car j'étais crotté, puis à la Bourse et chez Mr Povey où j'ai dîné. Avec Creed et lui chez milord Belasyse. Nous discutâmes un bon moment des préparatifs avant son départ. Avec milord en voiture à Whitehall puis toujours avec lui chez milord le duc d'Albemarle que nous trouvâmes occupé à jouer aux cartes. Après une conversation bien terne, je retournai à Whitehall, apportai une lettre pour le duc d'York concernant nos affaires maritimes. Fis ensuite quelques pas dans la galerie, tout en bavardant avec Mr Slingsby, homme fort avisé, au sujet de l'hôtel de la Monnaie et de la frappe de pièces. Il a eu cette réflexion, entre autres, que sachant qu'on a frappé sept cent mille livres sous le Parlement croupion, et étant entendu que d'après tous les trésoriers d'alors, l'argent de cette époque, tous paiements compris, ne représentait l'un dans l'autre qu'un dixième de la masse monétaire totale, que donc, l'estimation la plus juste que nous puissions faire est que la somme d'argent en circulation dans les affaires se monte à sept millions de livres.
* Lever et à mon bureau toute la matinée, dîner chez moi et je sortis. A pied jusqu'à l'enclos de St Paul, mais mes livres n'étaient pas reliés, ce qui me contraria. Derechef à mon bureau, travaillai fort tard, puis chez moi et, au lit. Toujours complètement pris par le rhume. Je reçois ce jour une fort jolie somme que me devait à un titre quelconque sir George Carteret, en paiement de frais, entre autres, que j'ai engagés pour les couleurs, ce qui m'avait tant occupé il y a un ou deux mois. Dieu soit loué, cette affaire m'a rapporté cinquante livres et quelques, que j'ai bien méritées vu la peine que je me suis donnée, l'argent que j'ai avancé moi-même et l'économie d'environ cent livres que le roi a ainsi pu faire.
29 janvier 1665 Jour du Seigneur Levé et à mon bureau toute la matinée, ai ordonné divers papiers, il y en a maintenant à profusion. A midi dînai chez moi et derechef à mes affaires. Dans la soirée arrivèrent Mr Andrew et Mr Hill, montâmes à ma chambre et là très belle musique, bien que mon mauvais rhume me la rendit moins agréable. Puis Mr Hill et moi souper seuls tous les deux, le troisième parti et ma femme ne venant point, et d'évoquer les accès de vanité peu ordinaires dont Mr Povey est coutumier. Après dîner chez sir William Batten. Je le trouvai avec sir John Robinson, sir Richard Ford, le capitaine Cock et Mr Fen Junior. Se furent maintes réflexions regrettables et désordonnées concernant l'exemption de service de milice dont bénéficient les hommes de Trinity House. Mais grand Dieu ! quel manque de raison et de bon sens dans leurs propos, et quelle exaltation ! A tel point que sir Richard Ford, que certains d'entre nous crûrent un rien ivre, eut des mots très vifs avec sir William Batten puis avec le capitaine Cocke. J'observe que nul n'est sage en toute occasion. A la maison, prières et, au lit.
30 janvier
Aujourd'hui est observé un jeûne solennel dans toute la Cité, mais je suis resté à la maison à remettre de l'ordre dans mon cabinet que j'ai récemment dérangé en sortant mes livres et autres affaires afin qu'on le nettoyât. Ce qui me prit la journée. Le soir travaillai à mon bureau jusqu'à une heure tardive. Voilà que Mercer vient me dire que ma femme, au lit, voudrait que je rentre car ils entendent, et ce depuis plusieurs nuits maintenant, des bruits qui proviennent d'en haut, de la terrasse du toit. Voilà de quoi me troubler, sachant que j'ai une importante somme chez moi, et me faire frémir de peur, à tel point que pendant plus de deux heures je ne sus que dire ni que faire, mais redoutai la moindre chose, me souvenant avoir vu dans la soirée une femme et deux hommes attendre de manière suspecte dans la pénombre de la cour. Je les interpellai et, pour seule réponse, la femme me dit que les hommes sont venus la retrouver. Qui elle est, je l'ignore. A vrai dire ma maison présente de grands risques et offre maintes voies d'accès diverses. De mes fenêtres donnant dans l'escalier je devrais pouvoir vérifier qui monte et qui descend. Si j'en réchappe cette fois j'y remédierai. Dieu nous garde cette nuit ! Rentrai donc chez moi vers deux heures ou presque et, au lit, empli de frayeur, prenant le moindre trottinement de souris pour un voleur et de toute la nuit ne dormis que d'un œil. Le matin tout était sauf.
31 janvier
Levé et à Westminster avec sir William Batten pour m'entretenir à la Chambre avec milord Belasyse, et je suis fort piqué de me voir ainsi mis à contribution, quand on le juge expédient, s'agissant de navires à commander pour Tanger, tâche subalterne, et ceci presque quotidiennement. Retour en voiture avec sir William Batten, à la Bourse, puis à la Couronne, taverne toute proche avec sir William Rider et de Cutler. Dînâmes fort bien tous les trois, puis chez moi, à mon cabinet jusqu'à une heure avancée de l'après-dîner. Mon travail terminé ma femme me fit quérir. Ce n'était que pour m'apprendre la mauvaise conduite de Jane et me dire que je devais la renvoyer séance tenante. Mais je me fais fort d'entendre les deux partis et trouve ma femme grandement fautive. Le fond de ce différend est que ma femme a de grandes faiblesses pour Tom et qu'elle se fâchera avec la maisonnée entière pour défendre ce garçon. Ce qui m'irrite, mais j'y remédierai. Ma femme et moi eûmes des mots assez vifs, mais cette fille partira à coup sûr. Je prendrai des mesures concernant le garçon que, je le crains, j'ai déjà traité avec trop d'indulgence. A mon cabinet pour vérifier mes comptes, alors pour me décharger tout à fait le cœur je me suis fait débiteur de Mr Povey pour la somme de 117 £ et 5 shillings que j'avais acquise avec une telle joie le mois précédent mais, voyant qu'elle ne me restera pas sans que je sois inquiété et questionné, je m'en libère le cœur, si bien que s'il m'arrive de devoir la rembourser, ce que je crains, je n'en serai pas le moins du monde plus pauvre, bien que, j'en conviens, il me peine d'être dépossédé de la somme dont je me croyais riche le mois dernier. Quoiqu'il en soit rien ne vaut un cœur net, ni d'être sûr de son fait. Seigneur soyez remercié pour ce que j'ai qui, ce mois-ci, ne se monte plus qu'à mille deux cents ncecinquante sept livres. Je restai à mes comptes jusqu'à environ deux heures du matin.
* francepittoresque.fr à suivre...............;
1er Février 1665
Levé tard
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