vendredi 18 janvier 2013

Anecdotes et réflexions d'hier pour aujourd'hui Choses vues



         zurbaran



                                                         Choses vues*

                                                    D'après nature , Nuit du 23 au 24 février

              ...Elle avait un collier de perles fines et un châle qui était un cachemire  rouge d'une beauté étrange.  Les palmes, au lieu d'être en couleur étaient brodées en or et en argent, et trainaient sur ses talons ; de sorte qu'elle avait le charmant à son cou et l'éblouissant à ses pieds, symbole complet de cette femme qui introduisait volontiers un poète dans son alcôve et laissait un prince dans son antichambre.
            Elle entra, jeta son châle sur un canapé et vint s'asseoir à la table qui était toute servie près du feu. Un poulet froid, une salade et quelques bouteilles de vin de Champagne et de vin du Rhin.
            Elle fit asseoir son peintre à sa gauche et, me montrant une chaise à sa droite :
            - Mettez-vous là, me dit-elle, près de moi et ne me faites pas le pied ; il ne faut pas trahir ce bêta. Si vous saviez, c'est moi qui suis bête, je l'aime, vous le voyez, il est très laid.
            En parlant ainsi elle regardait Serion avec des yeux enivrés.
            - C'est vrai, reprit-elle, qu'il a du talent, un grand talent même, mais imaginez-vous qu'il m'a prise d'une drôle de façon. Depuis quelque temps je le voyais dans les coulisses rôder et je disait : " Qu'est-ce que c'est donc que ce monsieur qui est si laid ? je dis cela au prince Cafrasti, qui me l'amena un soir souper. Quand je le vis de près je dis : "C'est un singe ". Lui me regardait je ne sais pas comment. A la fin du souper je lui pressai la main en lui présentant une assiette. En prenant congé il me demanda très bas : - Quel jour voulez-vous que je revienne ?
            Je lui répondis : - Quel jour ? Ne venez pas le jour, vous êtes trop laid, venez la nuit. Il vint un soir. Je fis éteindre toutes les bougies. Il revint le lendemain et puis encore le lendemain, comme cela pendant trois nuits. Je ne savais pas ce que j'avais. Le quatrième jour je dis à ma maîtresse de piano : - Je ne sais pas ce que j'ai, il y a un homme que je ne connais pas - je ne savais pas son nom - qui vient tous les soirs. Il me prend la tête sur sa poitrine et puis me parle doucement, si doucement. Il est très pauvre, il n'a pas le sou, il a deux soeurs qui n'ont rien, il est malade, il a des palpitations. J'ai une peur de chien d'être amoureuse folle de lui. Ma maîtresse de piano me dit: - Bah ! - Le cinquième jour, il me sembla que cela s'en allait. Je dis à la maîtresse de piano - Mais c'est qu'il commence à m'ennuyer beaucoup, ce monsieur ! Elle me dit
- Bah ! - Je ne savais plus du tout où j'en étais. Monsieur, cela dure depuis trente-deux jours. Et figurez-vous que lui, il ne dort pas. Le matin je le chasse à grands coups de pied.
            - C'est rai, interrompit Serio mélancoliquement, elle rue.
            Elle se pencha vers lui et lui dit avec idolâtrie.
            - Tu es vraiment trop laid, vois-tu, pour avoir une jolie femme comme moi. Au fait Monsieur, poursuivit-elle en se tournant de mon côté, vous ne pouvez pas me juger, ma figure est une figure chiffonnée voilà tout, mais j'ai vraiment de bien jolies choses. Dis donc Serio, veux-tu que je lui montre ma gorge ?
            - Faites, dit le peintre.
            Je regardai Serio. Il était pâle. Elle de son côté écartait lentement, d'un mouvement plein de coquetterie et d'hésitation sa robe entrouverte, et en même temps interrogeait Serio avec des yeux qui l'adoraient et un sourire qui se moquait de lui :
             - Qu'est-ce que cela te fait que je lui montre ma gorge ? dis Serio. Il faut bien qu'il voie. Aussi bien je serai à lui quelqu'un de ces jours. Je vais lui montrer, veux-tu ?
             - Faites, répondit Serio.
             Sa voix était gutturale. Il était vert. Il souffrait horriblement. Elle éclata de rire.
             - Tiens, dit-elle, quand il verrait ma gorge, Serio ! Tout le monde l'a vue.                                                                                                                  alice ozy par chasseriau
             Et en même temps elle saisissait résolument sa robe des deux mains et, comme elle n'avait pas de corset, sa chemise fendue par-devant laissa voir une de ces admirables gorges que chantent les poètes et que les banquiers achètent. Danaé devait avoir cette posture et cette chemise ouverte le jour où Jupiter se métamorphosa en Rotschild pour entrer chez elle.
            Eh bien ! en ce moment-là, je ne regardai pas Zubiri. Je regardai Serio.
            Il tremblait de rage et de douleur. Tout à coup il se mit à ricaner comme un misérable qui a une agonie dans le coeur.
            - Mais regardez-la donc, me dit-il. La gorge d'une vierge et le sourire d'une fille !
            J'ai oublié de dire que pendant que tout cela se passait je ne sais lequel de nous avait découpé le poulet et nous soupions.
            Zubiri laissa sa robe se refermer et s'écria :
            - Ah ! tu sais bien que je t'aime. Ne te fâche pas. Parce que tu n'as eu jusqu'à présent que des vieilles femmes, tu n'as pas accoutumé à nous autres. Pardi ! c'est tout simple, les vieilles elles n'avaient rien à montrer. C'est vrai mon pauvre garçon, tu n'as encore eu que des vieilles femmes. Tu es si laid ! Eh bien ! qu'est-ce que tu veux qu'elles montrent, ta princesse de Belle-Joyeuse ce spectre ! ta comtesse d'Agosta, cette sorcière ! et ton grand diable de bas-bleu de quarante-cinq ans, qui a des cheveux blondasses ! Voulez-vous bien vous cacher ! A propos Monsieur, vous n'avez pas vu mes jambes.
            Et avant que Serio eût pu faire un geste, elle avait posé son talon sur la table et sa robe relevée laissait voir jusqu'à la jarretière. La plus jolie jambe du monde chaussée d'un bas de soie transparent.
            Je me tournai vers Serio. Il ne parlait plus, il ne bougeait plus. Sa tête s'était renversée sur sa chaise. Il était évanoui.
            Zubiri se leva ou plutôt se dressa debout. Son regard qui, la minute d'auparavant exprimait toutes les coquetteries, exprimait maintenant toutes les angoisses.
            - Qu'a-t-il ? cria-t-elle, eh bien es-tu bête !
            Elle se jeta sur lui, l'appela, lui frappa dans les mains, lui jeta de l'eau au visage ; en un clin d'oeil, fioles, flacons, cassolettes, élixirs, vinaigres couvrirent la table mêlé aux verres à moitié vides et au poulet à demi-mangé. Serio rouvrit lentement les yeux.
            Zubiri s'affaissa sur elle-même et s'assit sur les pieds de Serio. En même temps elle prenait les deux mains du peintre dans ses petites mains blanches et qu'on eût dit modelées par Coustou. Tout en fixant sur les paupières de Serio qui se rouvraient des yeux éperdus, elle murmurait :
Les mains - Moise Kisling            - Cette canaille ! se trouver mal parce que je montre ma jambe. Ah bien ! s'il me connaissait seulement depuis six mois, il en aurait eu des évanouissements ! Mais enfin tu n'es pas un crétin cependant. Serio ! tu sais bien que Zurbaran a fait mon portrait nue...
            - Oui, interrompit languissamment Serio. Et il a fait une grosse femme lourde, une Flamande. C'est bien mauvais.   sapajou                                                                                                              kiesling   
            - C'est un animal, reprit Zubiri. Et comme je n'avais pas d'argent pour payer le portrait, il l'offre à ce moment-ci à je ne sais plus qui, pour une pendule ! Eh bien ! tu vois bien il ne faut pas te fâcher. Qu'est-ce que c'est qu'une jambe ? D'ailleurs, il est certain que ton ami sera mon amant. Après toi, vois-tu. Oh ! en ce moment-ci, monsieur, je ne pourrais pas. Vous seriez Louis XIV que je ne pourrais pas. ON me donnerait cinquante mille francs que je ne pourrais pas tromper Serio. Tenez, j'ai le prince Cafrasti qui reviendra un de ces jours. Et puis un autre encore. Vous savez, on a toujours un fonds de commerce. Et puis il y a des gens qui ont envie de moi. Il y a toujours des curieux qui ont de l'argent et qui disent : " Tiens, je voudrais bien passer une nuit avec cette créature, avec cette fille, avec ces yeux, avec ces épaules, avec cette effronterie, avec ce cynisme. Ça doit être drôle de voir de près cette Zubiri-là. Eh bien ! personne ! je ne veux de personne ! Je suis accoutumée à Cafrasti. Monsieur ; quand Cafrasti reviendra je ne pourrai pas le supporter plus de dix minutes. S'il reste un quart d'heure, je le tue, voilà où j'en suis. J'adore celui-là. Est-il canaille de s'être trouvé mal et de m'avoir fait peur comme cela. J'aurais dû réveiller Coelina. Ma femme de chambre s'appelle Coelina. Une femme du monde l'aurait réveillée, mais nous autres filles, nous les laissons dormir ces filles. Nous sommes bonnes, n'ayant rien autre chose. Ah ! voilà qu'il se remet tout à fait. O mon vieux pauvre ! si tu savais comme je t'aime ! Monsieur, il me réveille toutes les nuits à quatre heures du matin et il me parle de sa famille, de sa pauvreté et du grand tableau qu'il a fait pour le Conseil d'Etat. Je ne sais pas ce que j'ai, cela me fait frissonner, cela me fait pleurer. Après cela il se fiche peut-être de moi avec ses jérémiades, c'est peut-être une balançoire qu'il avait aussi avec ses vieilles femmes. Tous ces hommes sont si gredins ! Je suis bien bête de me laisser prendre à tout cela, n'est-ce pas ? vous vous moquez de moi, n'est-ce pas ? c'est égal cela me prend... Je pense à lui dans le jour, comme c'est bizarre ! Il y a des moments où je suis toute triste. Savez-vous ? J'ai envie de mourir. Au fait je vais avoir vingt-quatre ans, je vais être vieille aussi, moi. A quoi bon se rider, se faner et se défaire peu à peu ? Il vaut mieux s'en aller tout d'un coup. Cela fait dire au moins à quelques flâneurs qui fument leur cigare devant Tortoni : " Tiens ! vous savez cette jolie fille, elle est morte : " Tandis que plus tard on dit : " Quand donc mourra-t-elle cette affreuse sorcière ? Qu'est-ce qu'elle a donc à vivre comme cela ! c'est ennuyeux ! Voilà les élégies que je me fais. Oh ! mais c'est que je suis amoureuse pour de bon. Amoureuse de sapajou de Serio ! Oui monsieur, de ce sapajou de Serio ! Enfin, figurez-vous que je l'appelle ma mère ! "
            Ici elle leva les yeux vers Serio. Lui levait les yeux au ciel. Elle lui demanda doucement :
            - Qu'est-ce que tu fais ?
            - Il répondit :
            - Je t'écoute.
            - Eh bien ! qu'est-ce que tu entends ?
            - J'entends un hymne, dit Serio.



* Zabiri est Alice Ozy
   Serio est le                                                                                             
peintre Chasseriau                                                                                                                                  alice ozy peinture théophile gautier
                                                                      







jeudi 17 janvier 2013

Stephen King de A à Z George Beahm ( Album EtatsUnis )



  
                                                              Stephen King de A à Z

            1973, année de publication de Carrie permet à Stephen King de quitter " la caravane qu'il louait à Hermon pour occuper un petit meublé dans le Maine ", Réussite après s'être vu refuser six romans " l'une d'elles lui disant qu'il devrait peut-être choisir un autre métier... ". Mais King " ... j'étais professeur, j'écrivais quand je rentrais chez moi pendant une heure et demie. Je m'en voulais... ma femme s'occupait de nos enfants et j'avais toutes ces copies dans mon cartable que j'aurais du corriger... " De * Accident à Winter douglas * ce grand et bel album répertorie les principaux titres, les principaux événements de l'itinéraire de l'auteur le plus important dans le genre surnaturel des dernières décennies. Parmi les questions les plus souvent posées : " ... Comment se procurer des livres rares de l'auteur... est-ce que sa maison est hantée... d'autres pseudonymes que Bachman ou Swithen... " * Livres au placard *, parmi les différents essais il est une forme que King se résolut à abandonner, * le Western *, malgré son goût pour ces films. King grand auteur à succès que tout fan connaît, ne convaiquit ni critiques ni public avec l'adaptation en comédie musicale de Carrie. Le mot Impôts ne figure pas à la lettre I mais à L * Liste Mondale Ferraro * Stephen et Tabitha King écrivent le 5 novembre 1984 "... 2 500 000 dollars c'est ce que ma femme et moi avons payé en impôts depuis que Ronald Reagan est au pouvoir. Personne n'aime les impôts... " et l'auteur poursuit affirmant son amour pour son pays et son désir de rembourser la dette qu'il lui doit néanmoins " l'utilisation qui a été faite de notre argent... " suit la liste des reproches adressés au gouvernement et en conclusion "... Nous croyons que l'Amérique est assez forte pour offrir... une main tendue et non un pistolet." Il votèrent donc Mondale. Qui est King "... Il trimballe des idées comme d'autres ont de la monnaie dans leurs poches. " S ou K Shinning mis en scène Kubrick. Bibliographie et filmographie terminent ce beau volume passionnant pour tout fan, mais Stephen King refuse le fan-club.


mardi 15 janvier 2013

Anecdotes et réflexions d'hier pour aujourd'hui 8 Samuel Pepys ( Angleterre )



                                                              Journal
                                           
                                                                                                    9 février 1660

            A peine debout, j'écrivis des  lettres  pour la campagne, que j'envoyai par porteur dans la journée.  Avant de me lever, j'entendis que les soldats s' agitaient dès le matin : ils préparaient leurs chevaux à la taverne d'Hilton, mais j'ignorais alors le pourquoi de ces préparatifs.
Traitor's Gate . Tour de Londres            Après avoir écrit mes lettres,  j'allai à Westminster ; j'y arpentai les couloirs ; je fis quelques pas en compagnie de Mr Swan et lui parlai de l'affaire de Mr Downing. Me rendis avec lui au domicile de Mr Phelps, où il avait un litige à régler ; nous y rencontrâmes Mr Roger mon voisin,  qui était contre lui dans ce litige et qui le prit violemment à partie, proclamant que même si on lui donnait 1 000 livres  il refuserait d'être associé  à une affaire menée par Swan. Swan se fâcha très fort , mais je crois qu'il n'avait pas les mains blanches. À Westminster, j'ai appris que Monck est entré dans Londres ce matin avec son armée ; j'ai rencontré Mr  Fage, qui m'a confié qu'il croit que Monck est allé s' assurer du soutien de certains membres du conseil municipal de la Cité, qui étaient très remontés hier et qui avaient voté une motion comme quoi ils refuseraient de payer des impôts tant que la Chambre ne serait pas au complet. Je montai ensuite au bureau où j'écrivis à milord après être passé au  tribunal, où sir Robert Pye, détenu à la tour de Londres, est venu ce matin demander sa libération ; mais on l'a lui a refusée. Après quoi j'allai rendre visite à Mrs Jemima, à qui j'avais promis de l'accompagner chez sa tante Wright ; mais elle était sortie. Je repartis donc et, après avoir bu un verre de xéres, je retournai vers Westminster ; je rencontrai Mr Pearse, le chirurgien, qui insista pour m'emmener chez lui où il avait à dîner Mr Lucy, Mr Burrell et d'autres. Après dîner je repassai à la maison puis à Westminster : je recontrai Swan et allai avec lui par le fleuve jusqu'au Temple voir notre avocat ; nous lui payâmes des honoraires pour qu' il prenne la défense de Mr  Downing demain  à l'Échiquier ; et de là au tribunal où j'entendis une cause très bien plaidée : l'affaire opposait milord Dorset et d'autres nobles personnes;  son épouse et d'autres dames de qualité étaient présentes ; il s'agissait de 330 livres par an qui devaient être payées à un pauvre hospice ; cette somme avait été donnée par plusieurs de ses ancêtres,  et avait été donnée de son côté.  De là Swan et moi nous rendîmes dans une taverne près de la barrière du Temple : tandis qu' il écrivait,  je jouai du flageolet en attendant qu' on nous servît un plat d'œufs pochés ; après avoir mangé,  nous rentrâmes en fiacre. Je m'arrêtai chez Mr Harper qui me rapporta que Monck avait mis aujourd'hui sous les verrous une bonne partie du conseil municipal de Londres, que le Parlement avait voté qu'il  devrait démolir leurs portes et leurs herses, leurs poteaux avec leurs chaînes ( ce qu'il a l'intention de faire ) et qu' il campe dans la Cité cette nuit.  Je rentrai à la maison et j'appliquai de la poudre d'alun dans ma bouche car j'ai un bouton qui commence ; je mis également un emplatre sur le furoncle que j'ai sous le menton.
                                                                                                           
                                                                                                          10 février 1660

            Ce matin, j'allai voir Mr Swan, qui m'emmena à la cour des tutelles ; j'y vis les trois commissaires traiter d'une cause dans laquelle Mr Scobell est impliqué : milord Fountaine le reprit très rudement à propos d'une déclaration qu'il a faite. Après cela, nous allâmes à l'Echiquier, où les juges tenaient audience : j'y déclarai par écrit et sous serment que Mr Downing était allé en Hollande sur ordre du Conseil d'Etat et je remis cette déposition écrite à Mr Stevens, notre homme de loi. De là, au bureau, où je demandai à Mr Hawley de l'argent pour payer l'homme de loi ; Mr Leonard, l'un des secrétaires dh Conseil privé, était là et je l'emmenai au Cygne où je lui offris sa bière du matin.
La Tour de Londres, coté Tower Hill, avec ses imposantes murailles de pierre.            Puis, à la maison pour dîner, et après cela à l'Echiquier, où, tout l'après-midi, notre affaire fut appelée et Squibb apporta le preuve incontestable, par lettres patentes, que les maisons et le bureau étaient bien désormais sa propriété. Notre avocat opposa quelques arguments à ses prétentions, mais en vain  ; le jugement fut donc prononcé contre nous et le président du jury proposa 10 livres de dommages et intérêts ; mais tous les membres du tribunal crièrent au scandale et il demanda donc 12 pence. Je revins ensuite à la maison, ennuyé de toute cette affaire : j'y trouvai Mr Moore et repartis avec lui en direction de Londres pour consulter Mr Fage sur le bouton que j'ai dans la bouche, qui commence à m'inquiéter ; il me donna quelque chose pour le soigner, et me raconta aussi ce que Monck avait fait dans la Cité. Comment il avait fait démolir le plus grand nombre de portes et de chaînes qu'il était possible de détruire ; et qu'il était maintenant revenu à Whitehall. La ville de Londres est fort abattue et ne sait quoi faire, car le Parlement a aujourd'hui donné l'ordre que le conseil municipal ne siège plus, et que de nouveaux conseillers soient choisis selon des critères que le Parlement doit lui-même établir. De là, je suis allé prendre un verre avec Mr Moore au Pain de sucre près de la barrière du Temple, où j'étais hier soir avec Swan, puis nous nous sommes quittés. A la maison je trouvai Mr Hunt qui resta un moment bavarder avec moi ; puis au lit.

                                                                                                              11 février

            Ce matin, je restai tard au lit ; puis, au bureau où je lus tout le matin mon livre espagnol sur Rome. A midi je me rendis à pied à Westminster où j'entendis parler d'une lettre de Monck, qui était à nouveau entré dans Londres, bien décidé à y rester jusqu'à ce que la Chambre des communes soit au complet ; c'était étrange de constater comment, en une demi-heure de temps, le visage des hommes qui se trouvaient à Westminster était transfiguré par la joie. Je me rendis dans les couloirs de la Chambre et je pus apercevoir le président qui lisait la lettre ; après cette lecture, sir Arthur Hesilrige sortit, très en colère et, comme Billing se trouvait à la porte, ce dernier le prit par le bras et cria :
            - Toi mon gaillard, ta bête refuse de te porter, n'est-ce pas ? Alors, tu dois tomber.
            Peu après, la Chambre leva la séance et décida de se réunir à nouveau à 3 heures. Je descendis alors dans la Grande Salle où je rencontrai Mr Chetwind, qui n'avait pas davantage dîné que moi-même ; nous nous dirigeâmes donc vers Londres nous arrêtant en chemin dans deux ou trois boutiques, mais impossible de dîner ; enfin dans le quartier du Temple nous trouvâmes un poulet tout rôti et nous pûmes dîner. Après cela, Chetwind se rendit à son bureau dans Chancery Lane ; il s'arrêta à la Chambre des rôles et j'assistai aux plaidoiries des avocats ; puis à son bureau où je restai à chanter dans son cabinet particulier en l'attendant, cependant qu'il réglait une affaire avec son domestique ( le fils de Mr Powell ). Nous prîmes ensuite un fiacre pour nous rendre dans la Cité, à l'Hôtel de Ville, qui était rempli de gens qui attendaient l'arrivée de Monck et du lord-maire et qui étaient tous très joyeux. Nous y restâmes un grand moment ; finalement nous rencontrâmes un de ses amis et nous allâmes à la taverne des Trois Tonnes boire une demi-pinte de vin ; comme le vin ne nous plaisait pas, nous allâmes dans une taverne à bière où nous retrouvâmes des amis de ce troisième homme et où nous bûmes une ou deux chopes ; puis, je retournai seul à l'Hôtel de Ville voir si Monck était déjà arrivé ou non, et je le vis sortir de la salle où il avait discuté avec le lord-maire et les échevins ; de toute ma vie je n'ai jamais entendu un cri comme celui qui l'accueillit :
            - Dieu bénisse votre Excellence !
Description de cette image, également commentée ci-après            Je rencontrai Mr Lock et je l'emmenai dans une taverne où je le laissai pour partir à la recherche de Chetwind ; quand je le retrouvai Lock nous révéla la substance de la lettre que Monck avait adressée au Parlement. Dans cette lettre, après s'être plaint du fait que lui-même et ses officiers étaient chargés auprès de la Cité de besognes qu'ils ne pouvaient exécuter de bon gré ou sans déshonneur, il disait que de nombreux députés de la Chambre actuelle ont appartenu à l'ancien Comité de sécurité qui avait été tyrannique, que Lambert et Vane sont actuellement en ville, contrairement à ce que le Parlement a voté ; que de nombreux députés des Communes font pression pour que l'on impose de nouveaux serments, alors qu'il y a plutôt lieu de se désoler des nombreux serments que nous avons déjà prêtés et que nous n'avons pas respectés, que la dernière pétition des fanatiques présentée par Barbone, visant à obliger toutes sortes de gens à prêter serment, avait été reçue favorablement par la Chambre ; qu'en conséquence, il désire que toutes les injonctions de procéder à des élections, afin de remplir les sièges vacants à la Chambre soient envoyées d'ici vendredi prochain, et       
qu'entre-temps se retirerait dans la Cité et laisserait seulement des gardes pour assurer la sécurité de la Chambre et du Conseil. L'occasion de cette lettre était l'ordre qu'il avait reçu la nuit dernière d'entrer dans la Cité, d'en désarmer les habitants et de leur retirer leur charte de privilèges ; par cet ordre lui et ses officiers avaient compris que le Parlement avaient l'intention de leur faire faire des choses qui les rendraient odieux, de manière à pouvoir ensuite faire d'eux ce que bon lui semblerait. Il nous dit que le Parlement avait envoyé Scott et Robinson parler à Monck cet après-midi mais qu'il avait refusé de les recevoir. Et que le lord-maire et les échevins lui avaient offert leurs propres demeures pour lui-même et ses officiers, et que ses soldats ne manqueraient de rien. Et en vérité j'ai vu nombre de gens donner de l'argent et à boire aux soldats et crier tout au long des rues :
             - Que Dieu les bénisse !
             Et autres paroles très bienveillantes. De là nous nous rendîmes tous trois chez un marchand qui tenait boutique près de là ; Lock rédigea une note et nous quitta ; je rencontrai sir Nicolas Crisp ; nous allâmes à la taverne de l'Etoile ( Monck se trouvait alors chez Benson ), nous y bûmes et j'écrivis une lettre pour milord. A Cheapside il y avait partout des feux de joie et comme nous revenions les cloches de St Mary-le-Bow et toutes les cloches de toutes les églises sonnèrent à la volée. Nous prîmes le chemin du retour vers 10 heures. Quelle liesse générale on pouvait voir de tous côtés ! Que de feux de joie ! Il y en avait 14 entre St Dunstan et la barrière du Temple. Et au pont du Strand, d'un seul regard je pouvais compter 31 feux Dans King Street, sept ou huit et sur toute la longueur de la rue on brûlait, on rôtissait et on buvait à la chûte des croupions ( on pouvait voir des croupions attachés à des bâtons et promenés d'une extrémité de la rue ). Au mât de cocagne du Strand les bouchers firent carillonner leurs couteaux avant de procéder au sacrifice du croupion. Sur la colline de Ludgate un homme faisait tourner une broche sur laquelle était empalé un croupion qu'un autre arrosait de sa graisse. En vérité cela dépassait l'imagination, qu'il s'agît de l'ampleur ou de la soudaineté de tout cela. A un bout de la rue on aurait dit qu'il y avait une allée de feu, et il faisait si chaud qu'on avait envie de rester à l'autre bout, rien qu'à cause de la chaleur. Nous arrivâmes à l'Echiquier, à Charing Cross ; Chetwind y écrivit une lettre et moi je lui rapportai ce que j'avais consigné par écrit pour qu'il l'écrivît. De là à la maison d'où je fis porter ma lettre à la poste de Londres puis ( après que Mr Hunt que j'avais trouvé chez moi à m'attendre fut parti ), je ressortis avec ma femme pour lui montrer les feux ; nous marchâmes jusqu'à la Bourse, puis nous rentrâmes, et au lit.

dimanche 13 janvier 2013

Lettres à Madeleine 60 Apollinaire

    

                                            Lettre à Madeleine

                                                                                                   7 février 1916
               
            Mon amour j'ai ta lettre du 30. Avant tout, je te prie de m'envoyer le petit carnet manuscrit qui contient un cours  abrégé d'hippologie et aussi un compendium touchant la topographie. J'ai oublié de te parler de la boutargue qui est une chose pas agréable du tout et je comprends ton éloignement  pour cette conserve. Tu diras donc bonjour à Louise et qu'elle fasse quelques photos. Ce lieu étant le lieu de naissance du Champagne il y a 2 siècles, ce vin y est bon et on en boit. J'ai été obligé de punir pour la première fois ça m'a beaucoup coûté mais c'était nécessaire. Je crois qu' il va pleuvoir,  si nous prendrons tôt je tâcherai de faire un poème.  C'est fantastique comme dans l'infanterie on peut peu travailler pour soi ! Rappelle-toi le nombre de poèmes faits dans l'artille. et combien en ai-je faits dans l'infanterie peut-être pas un... Si dans  une de mes lettres précédantes je crois qu' il y avait un petit poème sur Paris.s



                   .                          Le  Vigneron Champenois


            Le Régiment arrive au cantonnement
            La chasse de Sainte Hélène s' endort dans la lumière parfumée
            Un prêtre a le casque en tête
            La bouteille champenoise est-elle ou non une artillerie
            Les ceps de vigne comme l'hermine sur un écu
            Et le bouchon gonflé est mon obus qui cède
            Bonjour Soldats
            Je les ai vus passer en courant
            Bonjour soldats bouteilles champenoises où le sang fermente
            Vous resterez quelques jours et vous remonterez en ligne
            Échelonnés ainsi que sont mes ceps de vigne
            J'envoie mon vin partout comme des soldats qui savent mourir
            J'envoie mes bouteilles partout comme les obus d'une charmante artillerie
            La nuit est blonde ô vin blond
            Un vigneron chantait courbé dans sa vigne
            Un vigneron sans bouche au fond de l'horizon
            Un vigneron qui était lui-même la bouteille vivant nu 
            Un vigneron qui sait ce qu' est la guerre 
            Un vigneron champenois qui est un artilleur
            C'est aussi le soir et l'on joue à la mouche
            Puis les soldats s' en iront là-haut
            Où l'artillerie débouche ses  bouteilles de champagne
            Allons Adieu Messieurs tâchez de revenir
            Mais nul ne sait ce qui peut advenir

            Mon amour, je prends ta bouche chérie.  Je vais aller à l'exercice.



                                                                                                                 Gui

                                                         
                                                                                                                 8 février 1916      

             Mon cher amour, je n'ai pas eu de lettre de toi hier peut-être en aurai-je aujourd'hui car je t'écris le matin, ne devant pas avoir le temps cet après-midi. J'ai pensé que pour le paquet tu l'attendais sans doute plus tôt qu'il n'a pu arriver. En effet c'est un paquet expédié par chemin de fer. Je crois même t'en avoir expédié 2. Mais reporte-toi à mes lettres pr savoir si c'est un ou 2. En tout t'en expédierai un ces jours-ci avec le Mercure  et une couverture qui m'embarrasse.
            En ce moment il gèle tous les matins et il pleut dans la journée,  je crois que l'année va être froide et pluvieuse.  J'ai rencontré à Paris mon ami Max Jacob qui lui prévoit une guerre de 30 ans, c'est fou, et il prédit que 1916 sera bien plus sanglant que 1915. Hier vu une vieille grand-mère qui elle prévoit une guerre de 5 ans. Pour ce qui me concerne, il me semble que ça n'ira pas jusqu'à l'hiver prochain  d'après les apparences, mais en mon for je pense encore que l'on en a jusqu'à l'autre hiver de 1918 ou fin 1917.
            Voilà à peu près tout si j'ai le temps aujourd'hui vais tâcher de faire un poème.
            Je t'adore ma chère Madeleine écris-moi de jolies choses car on s' embête un peu à avoir si peu de temps  à soi ce n'est pas comme dans l'artille. Je prends ta bouche.


     
                                                                                                                Gui


                                                                                                         9 février 1916

            Mon amour, j'ai eu tes 2 lettres du 2 fev, j'aime beaucoup le buvard de la petite Abora Giazo. Mais si mon amour, tous les poèmes doivent être recopies sauf la plupart des poèmes secrets, c'est pourquoi j'en ai marqué un certain  nombre. Le * Cri à l'Italie* évidemment, ces poèmes qu'il est naturel de recopier je ne les ai pas marqués. Quant au poème précieux  il n'est pas autant que je m'en souvienne à recopier et pour ce qui est des 2 autres poèmes  envoyés en Italie je ne vois pas ce qu'on pourrait y ajouter. L 'histoire des 3 jours d'exclusion pour l'élève qui entretenait  une correspondance amoureuse avec un élève  du lycée m'a paru fameuse,  pour peu que l'exclusion de l'élève mâle coïncide   avec celle de l'élève femelle ils vont pouvoir réaliser leurs vœux épistoliers. Ils doivent être enchantés de cette punition.  La petite fille qui a écrit au vieillard me paraît plus excessive et je n'aime pas beaucoup ces amours disparates. Mais oui mon amour ça ne me fait rien que tu ne saches  pas quelque chose. Alors cette pauvre Marthe a été punie injustement, avec le fond que je lui connais ça a dû lui être un peu égal, car elle regarde les choses avec une certaine philosophie. Hier la décision portait que les permissions allaient être rétablies sous certaines conditions et que dès maintenant,  il y avait des permissions pour les cas exceptionnels,  mais enfin les permissions mêmes  ne sont pas rétablies et quelles peuvent être les conditions !
            Raconte-moi dans une lettre l'histoire de ce professeur de ton lycée qui fut invitée à faire une confession en Angleterre et déçu les Anglais en ne la faisant pas. Je ne me souviens plus de cette histoire dont il y a quelque chose de joli à tirer.
            Mon amour il neige. Je n'ai pas été à l'exercice ce matin, mais peut-être irons-nous cet après- midi. Je tousse un peu, mais chez moi les toux sont surtout nerveuses et passent vite. Il neige assez fort même.    
            Je  t'adore et prends ta bouche.


                                                                                                            Gui


                                                                                                           10 février 1916

            Mon amour très chéri pas de lettre de toi aujourd'hui. Je t'adore mais ne t'étonne pas ne t'inquiète pas de la brièveté ( en toute façon ) de mes lettres, vraiment on n'a pas de temps ! c'est fantastique.
            Dans l'artille, pouvais écrire comme voulais. Aux tranchées c'était moins épicurien mais enfin on pouvait faire sa lettre, maintenant pas possible jamais le temps. Aujourd'hui j'étais de jour à la Cie. Demain c'est la Cie qui est de gde jour au Rgt, après-demain elle sera de petit jour au Bataillon. Demain manoeuvre de cadres, il y a toujours quelque chose. Cet après-midi je pensais être libre, crac conférence sur les gaz. Je t'écris la nuit, c'est la 1re fois depuis longtemps car depuis qu'on est au repos je dors beaucoup mieux à cause de la fatigue donc je t'ai dit hier, neige et exercice dans neige, pieds humides je tousse j'éternue mais je vais bien. Changé encore d'ordonnance, Thibaut, dit Fleur de Nave ayant fait une blague ( pas à moi ) j'ai pris un grand diable nommé Roux, très brave type, moins intelligent que l'autre mais plus dévoué.
            Mon petit amour n'attends en ce moment rien de très amoureux dans mes lettres. Je t'adore, mais n'ai ni loisir ni expression pour l'exprimer. Mais tu sais que je t'aime dis, mon amour chéri et gentil. Je crois que la guerre va devenir extrêmement violente, mais peut-être pour finir. Je fais un poème ' Du coton dans les oreilles ", mais ai à peine commencé aujourd'hui pendant conférence. Tâcherai finir demain.
            T'envoie une photo, moi en casque. Et les photos de Louise ? et mes paquets ? arrivés, dis mon amour très chéri.
            Je t'adore et je t'aime et je te prends ardemment mon Madelon.


                                                                                                              Ton Gui

samedi 12 janvier 2013

Philosophie du Blues Philippe Paraire ( Document France )

                          
     
                                               Philosophie du Blues

                                        Une éthique  de l'errance solitaire

            Le blues "... une plainte collective en un repli sur soi et sur la peine de chacun... " Musique des noirs errant, libérés de l'esclavage, parfois petits propriétaires de lopins de terre, malmenés, sans culture, ils chantent. Notes venues d'Afrique, paroles d'un parcours sans but, déplacés d'une ferme à l'autre, puis d'un état à l'autre, le Mississipi, ils chantent tels les griots africains. Le blues raconte la solitude de l'errance, hier comme aujourd'hui à travers les états, errance à travers les sentiments. Les vétérans du blues venus du Sud profond s'installe d'abord à Chicago. Errance sociale et errance musicale, les musiciens n'utilisent que 5 notes sur le manche de la guitare, ils ne connaissaient pas leurs noms, alors qu'en Europe le XVIIIè rêvait en écoutant une musique policée. Les bluesmen sont aujourd'hui des rockeurs. Ils ont récupéré leur musique et leur errance, certains, nous dit Paraire ne déchiffrèrent une partition que succès acquis ( Beattles ). Les paroles sont sexistes, même grivoises et le livre contient maints examples de strophes des airs les plus connus, Presley et son déhanchement. Interprètes essentiellement masculins. BB King. L'improvisation a
amené les jam, puis les boeufs. L'auteur, philosophe, étudie la société autant que cette musique sans partition, Robert Johnson et ses vagabondages sentimentaux " Dès que Robert arrivait dans une ville il trouvait toujours une femme accueillante. Quelques mots doux et il savait qu'il pouvait rester quelque temps."
A la fin de ce court ouvrage une discographie présente différents interprètes 15 parfois pour un même titre.
Après la bière des campagnes et les alcools, sont arrivées les drogues  chantées par Jim Morrison :
                            Ouais, derrière le rade, il ya des bungalows,
                   Ils sont là pour les gens qui aiment descendre lentement                          
ou par Jimmy Hendrix :
                            Le brouillard pourpre, je l'avais dans la tête,
                         Les choses d''avant ne semblaient plus les mêmes
                       C'était marrant à faire mais je ne sais pas pourquoi
                               Excusez-moi je vais juste embrasser le ciel !
                         


           

Petit Larousse du Chocolat ( Larousse France )




                                            170 Recettes
               
                                 Le Cordon bleu et le chocolat

            170 recettes... Parcourir le livre est aussi jubilatoire et moins calorique que la dégustation des moëlleux, truffettes, tartes au chocolat, * Mangues façon crumble - Mousse au chocolat blanc ( chocolat et crème ) - Chocolat légeois ( chocolat, sucre, pâte de cacao  lait, crème ) - Délice au chocolat - Roulé au chocolat ( sucre, beurre, cacao, crème, framboises, cuisson 8 mn ! ) - Tarte au chocolat et à l'orange parfumée à la coriandre ( eau, sucre, graines de coriandre... ) - Barquettes douceur - Florentins au chocolat ( chocolat, miel, sucre, crème, bigarreaux confits... ) difficulté 2 étoiles - Flan moderne au chocolat de Cuzco , crumble du Titicaca ( eau, crème, lait, girofle, canelle, graines de quinoa, sucre, chocolat... ) - Coupelles, coupes et cornets en chocolat ( 500 gr de chocolat noir pour tout ingrédient mais des moules ) - Sablés au chocolat - Sablés bretons cacao-beurre salé et crémeux citron - Chocolats au thé citron - Roulade chocolat au Cointreau... * De belles photos accompagnent toutes les recettes. Présentation Patrick Martin - Le Cordon bleu, école de cuisine internationale.






mardi 8 janvier 2013

L'Europe, l'Amérique Apollinaire ( Poèmes retrouvés )




   claude monet - le pont de l'europe
                                                          L'Europe

            " Nations, je vous offre et l'ordre et la beauté
            Des ruines qui ont la grâce des jeunes filles
            Et mes fleuves semblables aux vers des grands poètes
            Et tous mes esclavages, toutes mes royautés,
            Tous mes dieux charmants qui sont ma  foi, qui sont mon art,
            Tous ces peuples querelleurs et des fleurs odorantes.
            Vous, Églises, où tes aïeules et tes croyants venaient
            ,s'agenouiller,
             O vieilles maisons, nourrices du progrès,
             Carrefours où les âges choisirent leur route
             et s'en allèrent,
             Patries, Patries, Patries dont les drapeaux me vêtent,                                      david
             Fantômes, ô forêt du génie où chaque arbre est un nom                         
             d'homme,                                                                                  
             Forêt qui marches à reculons sans que tu t'éloignes,                           
             Je suis tous les fantômes, tous les
             ombrages,                                                       
             Les patries, les villes, les champs de bataille,
             Amérique, ô ma fille et celle de Colomb. "



                                                                  L'Amérique
                                                                                                                           
            " Hommes qui souffrez, ô femmes qui aimez, et vous enfants
            venez
            Puiser l'eau du second baptême
            Dans le petit lac bleu où le Mississipi puise son onde.
            Je suis l'espoir aux grands espaces et l'avenir sans souvenirs.
            Parmi les troupes de chevaux sauvages issus des chevaux d'Europe
            Gambadent les troupeaux de jeunes pensées issues de
            pensées d'Europe
            Et de nouvelles vérités sont révélées à ceux qui sont las
            des anciennes.
            Elles chantent ou pleurent, ou prient ou éclatent de rire
            Et préparent de nouveaux travaux.
            Un dieu nouveau se dresse dans le canot d'écorce,
            Une déesse se peigne en chantant dans les prairies
            où mûrit le riz sauvage
            Et d'autres dieux réclament des héros.
            C'est aussi l'arrivée d'un vaisseau.
            Écoutez danser là-bas des voyageurs équivoques dans un
            bal de quarteronnes,
            Écoutez aussi au loin derrière les horizons, la plainte,
            La plainte de ceux qui meurent en Europe en se rappelant
            Des prairies où le riz sauvage mûrit au bord du Mississipi
            Et les noires cyprières drapées dans la tillandzia argentée ! "


                   L'Europe et l'Amérique se prirent par la main et, en choeur, chantèrent.

            La mer sépare les deux époux
            Ce sont les noces énormes de deux continents.
            De l'un jaillit un vaisseau à travers l'océan,
            L'Europe féconde l'Amérique,
            L'Europe, nom viril dans le langage diplomatique,
            C'est-à-dire international qui est le français,
            Et l'on entend distinctement l'article masculin,
            Tandis que l'article féminin marque bien                                              
            Dans la langue des Nations ou langue française,
            Le sexe de l'Amérique,
            L'Europe étend frénétiquement la rigide péninsule
            d'Armor
            Et l'Amérique s'étale, largement ouverte,
            Où l'isthme humide tressaille aux tropiques.
            Amour sublime des nations naissent du couple
            démesuré
            Dont les éléments favorisent les épousailles.
            Le vaisseau poursuit son voyage fécondateur,
            Les vents gonflent les voiles, ils gémissent,
            Et crient la volupté des géants qui s'entr'aident. "



                                                                                            Apollinaire

      
             

dimanche 6 janvier 2013

Lettres à Madeleine 59 Apollinaire


                                            Lettre à Madeleine

                                                                                                             29 janvier 1916

            Mon amour je reçois tout d'un coup avec une enveloppe contenant du papier et des enveloppes 3 lettres de toi, tes lettres des 22, 23 et 24 janvier.
            L'aquarelle de Marie Laurencin est un très joli croquis d'après Goya. Il est très délicat même comme facture.
            L'histoire de Jean est curieuse mais ne vous faites pas trop de bile peut-être n'y aura-t-il rien de ce côté-là.
            Distrais-toi et si cette jeune fille de chez Haton n'est pas mal comme conduite et t'amuse je ne vois pas d'inconvénient à ce que tu la voies. Oui, dis à la jeune photographe Louise qu'elle ne nous a pas mal réussis et que j'espère que sa timidité à mon égard aura disparu quand je reviendrai. Parle-moi du poème de Jean. Je n'ai pas eu le temps de faire un vers depuis mon retour ; c'est fantastique comme j'ai peu de temps.
            J'ai fait venir des brochures sur les mitrailleuses et n'ai pas eu le temps de m'en occuper, pas même de les parcourir.
           J'ai rencontré hier soir quelqu'un de mon ancienne batterie qui m'a dit que Berthier allait aller à Fontainebleau. J'ai reçu encore une lettre charmante et très flatteuse de mon ancien capitaine ( qui est passé au 9è ).                                                                                                              
           Mon amour, je t'adore, tu es gentille comme tout. Ne grossis pas trop. Ne t'alourdis pas, c'est inutile. Je t'aime bien comme tu es. Je veux que tu calmes tes émotions et que le caméléon diminue un peu dans ma panthère.
            Je t'ai dit que je n'avais pas lu. Si cependant en attendant qu'on serve à la popote, pendant les 2 ou 3 minutes qui précèdent le dîner j'ai pu lire dans la collection des feuilles littéraires emportées d'Oran un ouvrage remarquable intitulé Le Coeur du poète par Henri Delatouche ( c'était l'amant de Marceline Desbordes-Valmore et le 1er éditeur d'André Chénier ). La 1è partie de cet ouvrage qui a trait à la vie de M.J. Chénier est de 1er ordre.
            J'emporte toujours une feuille littéraire en poche pr avoir quelque chose à lire dans les haltes.
            Mon amour, j'ai oublié de te parler de la boutargue elle était épouvantable, c'est pas fameux même pour moi qui aime le poisson.
            Par contre les écorces de courge confites étaient délicieuses.
            J'ai encore des cigarettes. Je crois que les meilleures sont les Job à bout doré comme tu m'avait préparé.
            Je voudrais aussi commencer un long poème sur la guerre. J'essaierai dans le train de commencer.
            Mon amour, tu es mon délice ne sois pas impatiente maintenant.
            Sois calme, mignonne et gentille.
            Mon amour, je t'adore. Il faut que je cesse ma lettre parce qu'on va dîner. Je t'écrirai longuement demain et sans doute en un long poème qui sera le 1er chant de ma nouvelle oeuvrre.
            Je t'aime, je prends ta bouche follement, ma chère petite femme chérie. Attends-moi avec moi.


                                                                                                                 Ton Gui

                                                                                                 3 février 1916

            Mon amour, je suis parti le 30 au soir et n'ai plus eu une minute pour t'écrire jusqu'aujourd'hui car je n'ai pu entrer chez moi ayant perdu les clefs et n'ayant eu le temps de m'en faire faire d'autres. J'ai fait faire un nouveau costume très chic. J'ai appris beaucoup de choses mais sans pouvoir te les écrire. Je n'ai cessé de penser à toi. Je me suis occupé de ma naturalisation et m'occuperai de notre mariage dès que je saurai à quoi m'en tenir là-dessus. Je n'ai pas du tout aimé Paris ces deux jours. J'ai tes lettres adorées des 25, 26, 27. L'histoire du flirt de Denise m'a intéressé. Mon amour je t'adore. Je t'enverrai le Mercure que j'ai pris en passant.

                                                                Paris

            J'ai vu Paris dans l'ombre
            Hypogée où l'on riait trop
            Paris une grande améthyste
            Ces soldats belges en troupe                                                    
            Vieilles femmes habillées en Perrette                                       
            Après le pot au lait
            L'officier-pilote raconte ses exploits
            J'ai entendu la berloque
            Mais quel sourire celui de celui qui eut sursis d'appel illimité
            Ombre de la statue de Shakespeare sur le boulevard'Hausmann
            Laideur des costumes civils des hommes qui ne sont pas partis
            Les peintres travaillent
            Mon coeur t'adore

            Aujourd'hui  marche et nous sommes ailleurs. Je t'adore mon amour, je viens d'arriver, patelin charmant. Il a plu tout le jour, nous sommes trempés mais le jour n'est pas trop triste et je ne suis pas fatigué
J'ai traversé un petit village en ruines qui était presque coquet malgré la ruine. Les habitants y vaquaient à leurs occupations et on se sentait très loin de la guerre.
            J'attends des photos de Louise surtout celle où je te tiens par la taille.
            Je t'écris de la popote en attendant que mon ordonnance ait reconnu ma chambre.
            Enfin, je t'adore mon amour très chéri et prends ta bouche. J'espère pouvoir écrire longuement demain.


                                                                                                                         Gui


                                                                                                               5 février 1916

Apollinaire_a_la_Sante            Mon amour, je réponds à tes lettres des 28, 29, 30 et 31 janvier. Tant mieux que les permissions reprennent. C'est curieux que Jean soit au 38è. Les histoires des différents professeurs m'ont amusé. Les conversations illicites sont également tordantes ainsi que l'histoire de Melle Adeline. Les histoires du curé sont en effet déplacées, mais il vaut mieux pour ta tranquillité ne point t'en mêler ; cet homme te prendrait en grippe et te causerait des ennuis. Le patelin où je suis est joli et on y a une vue merveilleuse. Je crains seulement qu'on n'y reste pas longtemps. Je loge chez de vieilles gens qui ont des fils et des gendres à la guerre aussi est-on très gentil. J'ai la plus belle chambre de la maison. Tout est ciré. Mon ordonnance n'est plus Crapouillot mais un petit Lyonnais déluré surnommé Fleur de Nave.
            Je t'adore mon amour ; en passant à Paris j'ai eu l'occasion de lire dans le Times un article du meilleur critique militaire anglais, colonel Repington qui avait trait à la conscription anglaise. Cette conscription d'après lui, donnera moins d'hommes qu'on avait dit beaucoup moins même. C'est extraordinaire que les Anglais ne paraissent pas encore comprendre l'importance des grands effectifs.
            Moi je n'ai pas beaucoup de choses à dire sur ma vie ici. Il me tarde seulement de te revoir mon amour chéri. As-tu reçu d'Italie, les exemplaires de mon poème ? As-tu reçu mes paquets ? tu n'en parles pas. J'aimerais que la guerre fut moins administrative. Enfin on fait ce qu'on peut. J'ai rencontré à Paris quelques amis embusqués dans des ateliers d'aviation. Je te demande un peu. Ce sont des gens qui ont de 150 à 200 mille francs de rente. Tu vois d'ici les ouvriers ! En outre, à Paris c'est une fièvre de peinture et de sculpture. Cubisme naturellement. Ils vendent ce qu'ils veulent des prix fous. Les marchands allemands ont, paraît-il, repris leur commerce et vendent la peinture des jeunes peintres français en Amérique. Quant aux peintres de l'école ils sont mobilisés comme camoufleurs ce que je ne saurais t'expliquer maintenant car cela touche à la chose militaire. Enfin tout ça est singulier et la guerre est une curieuse et douce chose à Paris malgré les Zeppelins. J'ai un costume nouveau à godets comme tu dis, mais bleu car le kaki est pour l'armée d'Orient. On aurait dû l'adopter pour toute l'armée ou plutôt arlequiner toute l'armée ce qui est la chose la moins visible.
            Je crois que Le Poète Assassiné va bientôt paraître bientôt c'est-à-dire quand messieurs les imprimeurs voudront car cela ne dépend plus que d'eux.
            Je t'adore mon amour et embrasse tes yeux. Tu ne me parles pas du poème de Jean.
            Je prends ta bouche.


** le poète assassiné
Apollinaire
Alechinski
* tableaux 1 et 2
Marie Laurencin
photo 3
                                                           la berloque                  
                                                                                                                           Gui